De la maîtrise des compétences dépend l’épanouissement des individus et la prospérité des États dans un monde sans cesse plus complexe, où tout s’imbrique de plus en plus étroitement et où le changement s’accélère. Dans les pays dont les habitants acquièrent un solide bagage, le complètent tout au long de leur existence et savent le mettre pleinement à profit, dans le cadre professionnel comme en société, la productivité et l’innovation sont plus dynamiques qu’ailleurs, la confiance plus élevée et la population, en meilleure santé, jouit de surcroît d’une qualité de vie enviable. Les politiques en faveur des compétences contribuent dans une large mesure à définir la trajectoire de développement des pays, par exemple en favorisant l’adoption de nouvelles technologies et la montée en gamme le long des chaînes de valeur ajoutée ; elles contribuent par ailleurs à drainer les investissements directs étrangers et tendent à faire grandir la tolérance et la solidarité parmi les citoyens.
À l’instar de la mondialisation, la transformation numérique et l’évolution démographique changent le visage de l’emploi, le fonctionnement des sociétés et les rapports humains. Dans un tel contexte, il n’en devient que plus nécessaire de faire les bons choix en matière de compétences. Pour s’épanouir dans le monde qui vient, il faudra posséder des aptitudes plus élevées qu’aujourd’hui et de nature différente.
Or, réformer intelligemment la politique des compétences est une entreprise ardue puisqu’elle implique d’intervenir au carrefour des politiques de l’éducation, des politiques du marché du travail et des politiques industrielles, pour ne citer que celles-ci. Une coordination s’impose compte tenu de la multitude des parties prenantes amenées à collaborer à une telle réforme, entre responsables ministériels, fonctionnaires appartenant aux différents échelons administratifs, élèves et étudiants, enseignants, actifs, employeurs, syndicats, et tant d’autres encore. Ce genre de réformes transversales donne souvent lieu à des arbitrages extrêmement complexes car il suppose d’affecter des ressources aux secteurs et administrations concernés et de procéder à des réaffectations entre ces secteurs et administrations et en leur sein. Il n’est donc pas rare que la conception et la mise en œuvre des politiques en faveur des compétences se transforment en un véritable casse‑tête politique et technique pour les pouvoirs publics.
Depuis son lancement en 2012, la Stratégie de l’OCDE sur les compétences propose aux pays une approche stratégique globale de l’évaluation des défis et possibilités qui se présentent à eux dans ce domaine. En 2013, elle s’est déclinée à l’échelle nationale avec la définition de projets spécifiques auxquels des équipes interministérielles ont prêté un concours actif dans les pays concernés. Chacun de ces projets est conçu de manière à susciter une vaste mobilisation du gouvernement, en amenant les ministères compétents à clarifier les buts du pays pour l’avenir, repérer les domaines dans lesquels il faut agir en priorité et concevoir et harmoniser des politiques propres à améliorer les résultats nationaux en matière de compétences. Différentes parties prenantes sont de plus sollicitées pour avoir un éclairage supplémentaire sur les défis et possibilités du moment, connaître leur point de vue au sujet des solutions à préconiser aux pouvoirs publics, valider les recommandations formulées à l’intention de ceux-ci et susciter une action concertée pour la mise en œuvre des mesures décidées.
Les choses ont toutefois bien changé en l’espace de quelques années. La Stratégie 2019 de l’OCDE sur les compétences est imprégnée des enseignements tirés suite à l’application du cadre défini en 2012 dans onze pays, et tient compte notamment de nouveaux éléments permettant d’apprécier les incidences de ce que l’on appelle les « mégatendances », mondialisation, transformation numérique, vieillissement démographique et migrations en tête. Il y est tenu compte également de nouvelles observations au sujet des politiques sur les compétences qui se révèlent payantes dès lors qu’elles sont régies correctement, grâce à des mécanismes de coordination et de responsabilisation efficaces, à un financement approprié en provenance de diverses sources et à l’existence de systèmes d’information.
La Stratégie 2019 sur les compétences prend appui sur les connaissances accumulées à l’échelle de toute l’Organisation, et se fonde notamment sur celles du Centre de l’OCDE pour les compétences (SKC), de la Direction de l’emploi, du travail et des affaires sociales (ELS), de la Direction de l’éducation et des compétences (EDU), de la Direction de la science, de la technologie et de l’innovation (STI), du Département des affaires économiques (ECO), du Centre de politique et d’administration fiscales (CTP), du Centre pour l’entrepreneuriat, les PME, les régions et les villes (CFE), de la Direction de la gouvernance publique (GOV) et du Centre de développement (DEV).
La Stratégie 2019 sur les compétences a également bénéficié d’un soutien solide de la part des délégués du Comité des politiques d’éducation, du Comité de l’emploi, du travail et des affaires sociales, et du Groupe consultatif sur la stratégie sur les compétences, et des représentants de la Commission syndicale consultative auprès de l'OCDE et du Comité consultatif économique et industriel auprès de l'OCDE, ainsi que des échanges fructueux menés avec ces derniers.
Les principales recommandations formulées à l’intention des responsables de l’action publique se structurent autour des trois pièces maîtresses de cette stratégie actualisée :
Acquérir des compétences utiles tout au long de la vie. Pour que les pays puissent s’adapter et connaître la prospérité dans un monde en évolution rapide, chaque individu doit avoir la possibilité d’acquérir et entretenir un large éventail de solides compétences. Ce processus d’acquisition et d’entretien des compétences s’étend sur toute l’existence : il débute dès l’enfance, se poursuit au cours des jeunes années, puis tout au long de l’âge adulte. Il embrasse en outre tous les aspects de la vie puisqu’il se déroule non seulement de manière formelle, dans les écoles et l’enseignement supérieur, mais aussi de manière non formelle et informelle, à la maison, au sein de la collectivité et en milieu professionnel.
Utiliser efficacement les compétences dans le cadre professionnel et social. L’acquisition d’une vaste palette de compétences solides n’est qu’une première étape. Pour que les pays et les individus retirent le maximum, économiquement et socialement, des investissements consacrés au développement des compétences, il faut offrir à tout un chacun la possibilité de donner la pleine mesure de ses capacités, au travail et en société, l’encourager en ce sens et prévoir des incitations à cet effet.
Renforcer la gouvernance des systèmes de compétences. Le développement de compétences utiles et leur application effective requièrent des mécanismes de gouvernance fiables permettant de faire travailler en bonne intelligence les différents services de l’administration, d’associer les parties prenantes à l’ensemble du processus d’élaboration des politiques, d’élaborer des systèmes d’information intégrés et d’harmoniser et de coordonner les mécanismes de financement.
Les compétences sont d’une importance cruciale pour le progrès humain. À l’heure où des technologies et des dynamiques nouvelles remodèlent nos économies et nos sociétés, il devient plus que jamais capital de se doter de politiques judicieuses en la matière si l’on veut que le bien-être et la croissance soient durables et profitent au plus grand nombre. L’OCDE restera présente aux côtés des pays pour les aider à concevoir, définir et mettre en œuvre des politiques sur les compétences meilleures pour une vie meilleure dans un monde en pleine évolution.
Angel Gurría,
Secrétaire général,
Organisation de coopération et de développement économiques