Pour que les différents pans de l’action publique soient en phase, il faut savoir où et comment interagissent les divers éléments du complexe que composent l’utilisation des terres, la biodiversité, le climat et l’alimentation (la « sphère de l’utilisation des terres »). Le présent chapitre est consacré aux enjeux, interactions, hiatus et synergies qui doivent être pris en compte. Il met en lumière les interactions biophysiques et leurs implications ainsi que les approches économiques de la prise de décisions dans la sphère de l’utilisation des terres, et plaide en faveur de la cohérence des politiques. Il synthétise en outre les principaux résultats de l’étude pour ce qui est de l’action à mener en vue de favoriser la cohérence des stratégies et plans nationaux, des institutions et des instruments d’action.
Vers une utilisation durable des terres
1. Vers une utilisation durable des terres : principaux enjeux, interactions et hiatus dans la sphère de l’utilisation des terres
Abstract
L’utilisation qui est faite aujourd’hui des terres sur notre planète n’est pas viable. La croissance démographique mondiale et le développement des économies vont solliciter encore davantage les systèmes d’utilisation des terres. Vouloir produire suffisamment de nourriture, atténuer les émissions de gaz à effet de serre (GES), stocker du carbone dans les écosystèmes et lutter contre l’érosion de la biodiversité est donc un véritable défi. Dans l’histoire de l’humanité, les changements d’affectation des terres, dus principalement à l’expansion et à l’intensification de l’agriculture, se sont traduits par des baisses massives de la biodiversité (25 % des espèces animales et végétales sont actuellement menacées d’extinction) (Díaz et al., 2019[1]), la dégradation de 74 % de la surface terrestre du globe (Díaz et al., 2019[1]), et d’importantes émissions de GES.
Cette augmentation des pressions sur les systèmes d’utilisation des terres rend de plus en plus nécessaire une évolution radicale des pratiques afin de les rendre durables. Les impacts présents et à venir de nos modes de consommation sont de mieux en mieux documentés (voir par exemple (Willett et al., 2019[2]) et (Économie des écosystèmes et de la biodiversité (TEEB), 2018[3])), mais l’on n’a pas encore une bonne compréhension de ce qui constitue un système d’utilisation des terres durable, ni des institutions, des stratégies et des mesures requises pour le créer au niveau mondial, national et régional.
De multiples enjeux interdépendants, qui demandent des actions cohérentes et coordonnées
Les États sont confrontés à des enjeux à la fois nombreux et imbriqués : améliorer les conditions de vie des populations, gérer le changement climatique, atténuer la diminution de la biodiversité et remédier à l’insécurité alimentaire, aux pénuries et au gaspillage, entre autres. Pour faire face à ces défis interconnectés, les pays gagneraient à avoir des stratégies et plans d’action nationaux, des institutions et des politiques publiques qui assurent une cohérence entre ces différents domaines. À travers ces trois éléments, le présent rapport analyse les interactions, les synergies possibles et les hiatus entre l'atténuation du changement climatique, la gestion durable des écosystèmes et la sécurité alimentaire dans le secteur des terres1. Se fondant sur les expériences et les données de six pays, le rapport examine à la fois les politiques axées sur l’offre et celles axées sur la demande, dans le but de repérer les meilleures pratiques et solutions permettant de concilier ces enjeux dans le secteur des terres.
Les systèmes d’utilisation des terres et leur gestion jouent un rôle vital dans la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD), notamment ceux relatifs à l’élimination de la faim (ODD 2), une eau propre (ODD 6), une énergie propre (ODD 7), la lutte contre les changements climatiques (ODD 13) et la vie terrestre (ODD 15). Une bonne gestion de l’utilisation des terres est également essentielle pour atteindre les objectifs climatiques définis dans l’Accord de Paris de la CCNUCC ainsi que les objectifs d’Aichi pour la biodiversité fixés dans le cadre de Convention sur la diversité biologique (CDB). Le secteur des terres émet de grandes quantités de GES – il représentait 17 % du total des émissions anthropiques de GES en 2014 (Graphique 1.1) (CAIT Climate Data Explorer, 2017[4]). Par ailleurs, quelque 80 % des espèces menacées d’oiseaux et de mammifères terrestres sont exposées à un risque de disparition d’habitats du fait d'activités agricoles (Tilman et al., 2017[5]). L'agriculture est une source majeure d’émissions de protoxyde d’azote, qui est un gaz à effet de serre et la première cause anthropique d’appauvrissement de la couche d’ozone (Ravishankara, Daniel et Portmann, 2009[6]). L'agriculture serait aussi responsable de 70 % des prélèvements d’eau douce de la planète (OCDE, 2018[7]) et est une importante source de pollution phosphorée et azotée.
Plus précisément, les émissions de CO2 (et dans une moindre mesure de N2O) doivent impérativement plafonner dès que possible avant de chuter fortement si l'on veut atteindre les objectifs de l’Accord de Paris. Ce dernier appelle expressément tous les pays à « prendre des mesures pour conserver et, le cas échéant, renforcer les puits et réservoirs de gaz à effet de serre comme le prévoit l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article 4 de la Convention, notamment les forêts », et à « appliquer et étayer » les mesures REDD+. L’Accord de Paris prend également acte de l’importance de protéger la sécurité alimentaire, et de la vulnérabilité des systèmes de production alimentaire aux changements climatiques. Même en tenant compte des contraintes de sécurité alimentaire, les mesures REDD+ et le déboisement peuvent contribuer de façon très importante à atténuer les émissions de CO2 imputables à l’utilisation des terres (Griscom et al., 2017[8]). Selon Grassi et al. (2017[9]), la mise en œuvre complète des contributions (prévues) déterminées au niveau national (C[P]DN) soumises par les pays pour la COP21 de la CCNUCC permettrait de faire en sorte que le secteur des terres, source anthropique nette au niveau mondial entre 1990 et 2010 (1.3 +/‑ 1.1 Gt éq.CO2/an), devienne un puits de carbone net d’ici 2030 (jusqu’à ‑1.1 +/‑ 0.5 Gt éq.CO2/an).
Pour atteindre les objectifs à long terme de l’Accord de Paris, il faudra vraisemblablement aussi avoir recours à d'immenses quantités de biomasse pour produire de l’énergie, et séquestrer du carbone dans des puits terrestres. À titre d'exemple, l’AIE prévoit un triplement de la consommation d’énergie issue de la biomasse entre 2015 et 2060, ce qui doublerait sa part dans le mix énergétique total qui atteindrait 22 % dans un scénario où les hausses des températures seraient limitées à deux degrés au-dessus des niveaux préindustriels (AIE, 2017[10]). Les incidences sur l’utilisation des terres sont encore plus importantes dans les scénarios du GIEC prévoyant de maintenir le réchauffement climatique en dessous de 1.5 degrés, puisqu’ils estiment que les superficies supplémentaires qui devraient dans ce cas être consacrées aux cultures énergétiques pourraient aller jusqu’à 600 millions d’hectares d’ici 2050 par rapport à 2010 (GIEC, 2018[11]). Cette augmentation devrait se traduire par une réduction des surfaces de prairies et entraînera une transformation importante des systèmes d’utilisation des terres. Le degré de contribution des cultures énergétiques à ces scénarios dépend dans une certaine mesure du niveau d’utilisation de la technologie BECSC (bioénergie avec captage et stockage du carbone). Mais en cas de recours accru aux bioénergies, celles-ci auront sans doute une incidence importante sur l’utilisation des terres (Creutzig et al., 2014[12])2, et pourraient accentuer la pression sur les sols, l’eau, les systèmes alimentaires, la biodiversité et les écosystèmes. Le GIEC note toutefois que « le niveau de consensus sur ces interactions est encore faible », et, dans certains contextes locaux, il est possible de concilier différents objectifs (de Coninck, 2018, p. 324[13]).
L’utilisation des terres, l’agriculture et les forêts sont également essentielles pour atteindre plusieurs des Objectifs d’Aichi pour la biodiversité au titre de la CDB, et resteront certainement importantes dans le cadre de la biodiversité pour l’après-2020 de la CDB. L’Objectif 5 d’Aichi énonce par exemple que : « D’ici à 2020, le rythme d’appauvrissement de tous les habitats naturels, y compris les forêts, est réduit de moitié au moins et si possible ramené à près de zéro, et la dégradation et la fragmentation des habitats sont sensiblement réduites » et l’Objectif 7 est le suivant : « D’ici à 2020, les zones consacrées à l’agriculture, l’aquaculture et la sylviculture sont gérées d’une manière durable, afin d’assurer la conservation de la diversité biologique ».
Plus généralement, les écosystèmes fournissent tout un ensemble de biens et de services qui contribuent au bien-être humain. Les choix d’utilisation des terres modifient les écosystèmes, et les changements induits vont d’évolutions mineures et réversibles à des transformations complètes et irréversibles de paysages naturels ou dominés par l’homme (Adams, Pressey et Álvarez-Romero, 2016[15]). Les écosystèmes fournissent des services tels que la production de denrées alimentaires, de fourrage et de bioénergie, et contribuent en cela à nos moyens de subsistance. Les écosystèmes procurent d'autres services, dont le recyclage des nutriments, la qualité de l’eau, l'apport d’habitats favorisant la biodiversité, et la séquestration du carbone. Les bénéfices apportés par ces derniers services sont plus difficiles à quantifier sur le plan monétaire et ils sont donc souvent sous-estimés, bien que les valeurs en question puissent être très élevées. Le changement climatique a aussi des répercussions sur les écosystèmes, pouvant se traduire de différentes manières : déplacement géographique, modification de leur composition, ou encore perturbation de leur fonctionnement.
Les mesures prises pour garantir une utilisation durable des terres doivent donc prendre en compte – et être en synergie avec – les autres objectifs définis au niveau national et international dans les domaines de la sécurité alimentaire, du climat, de la biodiversité et des forêts, entre autres, et contribuer aux objectifs de développement nationaux. Le changement climatique lui-même aura des conséquences sur la capacité des sols à stocker le carbone, sur la productivité des terres (en particulier, l'évolution des disponibilités en eau devrait avoir des effets majeurs sur la production agricole) et sur la résilience des écosystèmes. Et l’augmentation anticipée des niveaux d’azote réactif (composés favorisant la croissance des plantes) influera sur le stockage du carbone par les écosystèmes.
Outre la concurrence entre différentes utilisations des terres, des conflits peuvent apparaître entre les objectifs d'atténuation du changement climatique et de lutte contre l’érosion de la biodiversité. Certaines monocultures, par exemple, absorbent plus de carbone à l’hectare qu’une forêt mixte. En revanche, les monocultures peuvent avoir des effets locaux négatifs, notamment en réduisant la biodiversité, ou en perturbant le cycle de l’azote (Smith et al., 2014[16]). Si des plantations remplacent les forêts tropicales, elles peuvent amener d’importantes pertes de carbone, en particulier à court terme (par exemple du fait de la diminution du carbone stocké dans le sol), alors qu’une grande partie du CO2 émis reste dans l’atmosphère pendant des milliers d'années (Archer et al., 2009[17]).
Les changements d'affectation des terres et les émissions associées, ainsi que les facteurs responsables, évoluent de manière extrêmement diverse d’une région et d'un pays à l’autre (voir le chapitre 2). La demande de terres agricoles (majoritairement pour des cultures alimentaires ou fourragères) pèse lourdement sur les forêts, spécialement dans les pays en développement. Si la demande de bioénergie augmente aussi, la concurrence pour les terres pourrait être encore plus vive. Entre 2000 et 2010, 7 millions d’hectares nets de forêts ont disparu chaque année (environ la taille de la Belgique et des Pays-Bas réunis), et la superficie de terres agricoles a progressé de 6 millions d’hectares nets par an (FAO, 2016[18]). En effet, malgré l’intensification continue de la production agricole au cours des dernières décennies (FAO, 2011[19]), les grandes exploitations agricoles et l’agriculture de subsistance ont été responsables de la majorité de la déforestation enregistrée entre 2000 et 2010 (pour 40 % et 33 %, respectivement) (OCDE, 2016[20]). Toutefois, selon la FAO (2018[21]), le recul des forêts s’est ralenti entre 2010 et 2015.
La quasi-totalité des forêts défrichées entre 2000 et 2010 se trouvaient dans les tropiques, tandis que les superficies boisées des régions tempérées ont en réalité augmenté (FAO, 2016[18]). Le recul de la forêt tropicale est un phénomène d’importance car la biodiversité de ces forêts est proportionnellement supérieure à celle des forêts tempérées. Ainsi, alors qu’elles ne couvrent que 7 % de la surface du globe, les forêts tropicales abritent environ 50 % des espèces animales et végétales. Dans certains pays (comme la Corée et le Portugal), la superficie tant des terres agricoles que des forêts s’est effondrée depuis 2000. À l’inverse, elle a augmenté dans d'autres (dont le Royaume-Uni ou le Chili) (FAO, 2016[18] ; UCS, 2014[22]). Lorsque les pays ont étendu à la fois leurs surfaces agricoles et leurs surfaces boisées, c’est souvent en transformant des prairies ou des terres nues – une conversion susceptible d'avoir des conséquences négatives sur la biodiversité (Haščič et Mackie, 2018[23]).
La concurrence entre la forêt et l’agriculture sera exacerbée par la croissance anticipée de la population mondiale, qui devrait atteindre 9.7 milliards d’habitants en 2050, la hausse de la demande alimentaire qui s’ensuivra et l’évolution des modes de consommation vers des régimes à plus grande empreinte carbone (OCDE, 2016[24] ; Département des affaires économiques et sociales, 2019[25]). D’après les prévisions de l’OCDE (2012[26]), la surface de forêts primaires devrait continuer à diminuer à l’horizon 2050 (Graphique 1.2), même si la superficie boisée totale devrait légèrement augmenter3. Un déclin des forêts primaires aurait des effets négatifs sur la biodiversité et le stockage du carbone, entraînerait d’importantes émissions, et serait préjudiciable aux populations locales qui dépendent des forêts pour leur consommation primaire et d'autres ressources.
La concurrence pour l’utilisation des terres sera encore plus rude si des terres sont nécessaires pour produire des biocarburants ou d’autres produits énergétiques nécessitant de la biomasse. L’intensité de cette concurrence sera extrêmement variable en fonction du type de bioénergie (GIEC, 2018[11]). Ainsi, l’utilisation de terres sera beaucoup plus importante s’il s'agit de bioénergie de première génération (produite à partir de cultures), que s’il s’agit de bioénergie de seconde génération (produite à partir de résidus et de déchets agricoles ou de résidus forestiers) ou de troisième génération (produite à partir de végétaux modifiés, comme les algues).
Les émissions provenant de l’utilisation des terres, du changement d'affectation des terres et de la foresterie (UTCATF) jouent un rôle beaucoup plus important dans certains pays (voir le chapitre 2). Le secteur UTCATF a particulièrement pesé dans le total des émissions nationales de certains pays, dont l’Indonésie et le Brésil.
Au sein de l’OCDE, le volume de la production agricole a augmenté en moyenne de 1.6 % par an entre 1990 et 2010, tandis que l’intensité des émissions de GES agricoles a baissé en moyenne de 2 % par an au cours de la même période (OCDE, 2015[28]). Ce résultat a été obtenu par l’adoption de pratiques présentant un bon rapport coût-efficacité, par exemple l’utilisation plus efficiente d’engrais et d’intrants permettant de réduire les émissions de protoxyde d’azote. Des solutions techniques existent pour contrer les risques de baisse des rendements agricoles que le changement climatique pourrait provoquer, mais des efforts supplémentaires seront nécessaires au niveau national, sectoriel et des exploitations pour avoir une agriculture productive et résiliente (OCDE, 2015[28]). Des projections sur la biodiversité terrestre, mesurées en abondance moyenne des espèces (AME)4, ont été établies jusqu’en 2050 pour un scénario de statu quo. Elles tendent à montrer que la diminution de l’abondance moyenne des espèces passera de 34 % en 2010 à 38 %, 43 % et 46 % en 2050 selon trois scénarios d’évolution socio-économique (SSP) différents (graphique 1.3).
Les interactions biophysiques et leurs incidences
Il est essentiel d’évaluer les synergies et hiatus potentiels entre l’atténuation du changement climatique, la gestion des écosystèmes et la sécurité alimentaire5 dans le secteur des terres pour pouvoir agir de manière cohérente et aider les responsables publics, tant au niveau national qu’infranational, à faire des choix plus éclairés. À cette fin, il convient tout d’abord de mettre en évidence les interactions biophysiques entre les différentes composantes de cette problématique.
Des études récentes (par exemple (Bustamante et al., 2014[30] ; Power, 2010[31] ; Munaretto et Witmer, 2017[32] ; The Royal Society, 2007[33] ; Cramer et al., 2017[34] ; Delzeit et al., 2016[35] ; CIUS, 2017[36])) ont montré que, du point de vue biophysique, les synergies et les hiatus n’avaient pas toujours la même ampleur et que cette ampleur variait en fonction du contexte. Munaretto et Witmer (2017[32]) et l’ICSU (2017[36]) ont attribué des notes estimant le sens et l’intensité de diverses interactions, d’après des avis d’expert. Dans certains domaines, les interactions sont nulles ou minimes. À titre d’exemple, une action sur l’offre comme l’amélioration de l’efficience avec laquelle les ressources sont utilisées a peu de chances de se répercuter sur une action sur la demande comme la réduction du gaspillage alimentaire. Dans d’autres domaines en revanche, les interactions peuvent être importantes – et soit positives, soit négatives (voir ci-dessous et Tableau 1.1). Leur intensité peut être influencée par des circonstances locales particulières, mais aussi par les politiques publiques.
Pour les besoins de cette analyse, ces interactions sont qualifiées de :
Synergies fortes. Par exemple, la préservation ou l’expansion du couvert forestier naturel, dans certaines régions6, maintiendra ou augmentera les stocks de carbone et donc atténuera les émissions de GES, évitera une baisse de qualité du sol (dégradation du sol), et protégera ou améliorera la biodiversité et les autres services écosystémiques fournis par les forêts.
Synergies ou hiatus selon la manière dont un problème est traité7. Par exemple, l’intensification de la production alimentaire peut soit renforcer, soit contrecarrer les actions d’atténuation des émissions de GES. L'intensification de l’élevage peut contribuer à réduire les émissions de GES dues au bétail en permettant la mise en place de systèmes de gestion des effluents d’élevage8. À l’inverse, certaines mesures prises pour intensifier la production alimentaire sont susceptibles d’amplifier les émissions de GES, notamment du fait de l’augmentation de la consommation d’engrais et des émissions de N2O associées, ou de la hausse des émissions de GES d’origine énergétique dues à l’emploi plus important de machines agricoles.
Les principales synergies et hiatus sont présentées dans le Tableau 1.1. Celui-ci permet de constater qu’il existe de nombreuses synergies « gagnant-gagnant » dans la sphère de l’utilisation des terres (c’est-à-dire des notes positives). Il montre également que, dans certains domaines, les impacts d’une action peuvent être soit positifs, soit négatifs (selon la manière de procéder), ou uniquement négatifs (hiatus).
Les impacts peuvent être positifs ou négatifs, par exemple dans le cas de mesures visant à répondre à la demande croissante de nourriture. Si l'on choisit pour cela de défricher des forêts afin d’étendre les surfaces agricoles, on risque d’augmenter les émissions de GES et la dégradation des sols et de diminuer la biodiversité. On peut aussi décider de répondre à la demande alimentaire accrue en intensifiant la production agricole, c’est-à-dire en réduisant encore l’écart de rendement. Cet écart peut être considérable pour la production de cultures essentielles dans certaines zones (Fischer, Byerlee et Esmeades, 2014[37]), et le réduire peut diminuer la demande de conversion de terres, et avoir ainsi des effets positifs sur la biodiversité (bien que cet aspect reste très controversé – voir (Phalan et al., 2011[38])).
Tableau 1.1. Exemples de synergies et hiatus dans la sphère de l’utilisation des terres, de la biodiversité, du climat et de l’alimentation
Incidence de |
||||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Atténuer les émissions de GES |
Augmenter la production de bio-carburants |
Éviter la dégradation des sols |
Maintenir et étendre les surfaces boisées |
Éviter l’expansion des terres agricoles |
Améliorer l’efficience des ressources agricoles |
Intensifier la production agricole |
Réduire les pertes et le gaspillage alimen–taires |
Protéger la biodiversité et les écosystè–mes1 |
||
sur |
Atténuer les émissions de GES |
2/-1 |
2 |
3 |
2 |
2/-1 |
-2/1 |
2 |
2/3 |
|
Augmenter la production de biocarburants |
2/-1 |
1/-1 |
-1 |
-1 |
||||||
Éviter la dégradation des sols |
2 |
0/-1 |
2 |
2 |
1 |
-1/0 |
2 |
|||
Maintenir et étendre les surfaces boisées |
2 |
0/-2 |
2/-1 |
3 |
2 |
2 |
||||
Éviter l’expansion des terres agricoles |
2/0 |
0/-2 |
2/-1 |
2/-1 |
1 |
2 |
1/2 |
2 |
||
Améliorer l’efficience des ressources agricoles |
2 |
2 |
2/0 |
-1/2 |
0/2 |
-1/1 |
||||
Intensifier la production agricole |
0/-1 |
-1 |
2/0 |
-1/1 |
||||||
Réduire les pertes et le gaspillage alimentaires |
1/2 |
2/3 |
||||||||
Protéger la biodiversité et les écosystèmes |
3/-1 |
-1 |
2 |
3 |
3 |
1 |
-2 |
1 |
Note : Le barème de notation de l’ICSU est le suivant :
+3 : Indivisibilité : un objectif est inextricablement lié à la réalisation d’un autre.
+2 : Renforcement : un objectif crée directement les conditions conduisant à la réalisation d’un autre objectif.
+1 : Facilitation : la poursuite d’un objectif favorise la réalisation d’un autre objectif.
0 : Neutralité : absence d’interaction significative, ou les interactions ne sont ni positives, ni négatives.
-1 : Limitation : la poursuite d'un objectif pose une condition ou une contrainte à la réalisation d’un autre.
-2 : Conflit : la poursuite d’un objectif contrecarre la réalisation d'un autre.
-3 : Annulation : la progression vers un objectif rend impossible la réalisation d’un autre objectif.
Ce tableau est une compilation du barème de notation à sept niveaux de l’ICSU, qui met en évidence les relations causales et fonctionnelles entre des enjeux précis. Une case vide indique une interaction nulle ou minime.
1. Cette catégorie comprend les mesures de protection de la biodiversité et des écosystèmes autres que le maintien et l’expansion des surfaces boisées.
Source : Les auteurs se sont fondés sur Munaretto et Witmer (2017[32]), Water-land-energy-food-climate nexus: policies and policy coherence at European and international scales, https://www.pbl.nl/sites/default/files/cms/publicaties/WP2_Deliverable%202.1_15nov17_FINAL.pdf et sur ICSU (2017[36]), A Framework for Understanding Sustainable Development Goal Interactions, https://sustainabledevelopment.un.org/?menu=1300. .
Il est indispensable de prendre en compte la dépendance spatiale des impacts si l’on veut obtenir les résultats « gagnant-gagnant » souhaités. Cette dépendance spatiale apparaît clairement, par exemple, lorsque l’on veut agir à la fois sur le changement climatique et sur la biodiversité. En effet, l’utilité d’un habitat sur le plan de la biodiversité n’est pas proportionnelle à sa superficie : une surface étendue contiguë d’habitat est plus intéressante en termes de biodiversité qu’une superficie équivalente constituée de parcelles discontinues, en raison des effets de lisière et d’autres effets dus à la fragmentation (forêts, savanes, zones humides, par exemple) (Haddad et al., 2015[39]). En revanche, la configuration spatiale n’intervient généralement pas dans la séquestration du carbone : de petites parcelles de terres gérées pour séquestrer du carbone (par exemple une forêt) peuvent piéger la même quantité de carbone qu’une grande surface contiguë ayant la même superficie et le même type de couverture du sol, mais sans procurer les mêmes bénéfices sur le plan de la biodiversité (Nelson et al., 2008[40]). Par conséquent, gérer des terres de manière à améliorer la biodiversité aura des effets bénéfiques connexes sur les émissions de GES, tandis que gérer des terres dans l’optique d’atténuer les émissions de GES pourra ne pas produire de cobénéfices en termes de biodiversité (ou bien ces bénéfices seront minimes) si le résultat est d’augmenter le nombre de petites parcelles de forêt.
Aspects économiques d’une utilisation des terres optimale
De très bonnes raisons économiques, sociales et environnementales appellent à optimiser l’utilisation des terres. À l’échelle mondiale, les services écosystémiques ont été évalués entre 125 000 et 140 000 milliards USD (en 2011) (Costanza et al., 2014[41]), c’est-à-dire plus que le PIB total estimé pour la même année. Les coûts potentiels d’une mauvaise gestion du secteur des terres sont donc élevés. Le nombre d’habitants de la planète touchés aujourd’hui par la dégradation des terres9 est estimé à 3.2 milliards de personnes (IPBES, 2018[42]). Les estimations des coûts mondiaux de la dégradation des terres varient beaucoup10. Lorsque l’on prend en compte les coûts associés à la diminution induite de la production agricole, des moyens de subsistance et de la valeur des services écosystémiques (eau et air propres, prévention de l’érosion et cycle des nutriments, par exemple)11, elles atteignent 10 600 milliards USD chaque année (ELD Initiative, 2013[43]). Ce montant équivaut à 17 % du produit intérieur brut mondial.
Les paysages sont des systèmes non pas statiques mais dynamiques dans lesquels les interactions entre l’homme et l’environnement sont importantes. À ce titre, les systèmes d’utilisation des terres doivent produire des effets à la fois socialement souhaitables et écologiquement durables. Il n’est pas simple de savoir quelle est la meilleure configuration d’utilisation des terres dans un paysage donné, tant du point de vue technique que stratégique. L’utilisation des terres devrait viser à maximiser la fourniture de services écosystémiques, afin de maximiser également les bénéfices sociétaux et environnementaux procurés par ledit paysage. Néanmoins, les hiatus entre les utilisations nécessaires pour fournir différents services impliquent de faire des choix quant aux services à obtenir les plus prioritaires (IPBES, 2018[42]). Ainsi, maximiser la production alimentaire peut avoir un impact négatif sur les habitats (et la biodiversité), ou bien maximiser la séquestration du carbone peut modifier la disponibilité de l’eau. Bien qu’il soit important de maintenir et d’améliorer les flux de services écosystémiques, il est essentiel aussi de comprendre comment utiliser les terres de manière à maintenir les stocks de ressources naturelles qui rendent ces flux possibles (Cowie et al., 2018[44]). Étant donné l’impact croissant du changement climatique sur les systèmes tant environnementaux qu’humains, ce qui constitue l’utilisation optimale des terres dans un paysage donné évolue dans le temps, d’où la nécessité impérative d’une gestion adaptative pour garantir la durabilité des choix opérés.
D’un point de vue économique, une utilisation des terres optimale suppose de maximiser la valeur actuelle nette des bénéfices sociaux aux échelons mondial, régional et local. En pratique toutefois, mesurer cette valeur actuelle nette est compliqué car il est difficile de comparer des valeurs marchandes (la production alimentaire, par exemple) et non marchandes (les loisirs, la fourniture d’habitats, etc.). De plus, la valeur des bénéfices sociaux retirés de l’utilisation des terres dépend de l’échelle à laquelle ils sont mesurés : les utilisations des terres procurant les bénéfices sociaux maximaux au niveau local ne sont pas forcément les mêmes que celles permettant de maximiser les bénéfices sociaux à l’échelle mondiale (et vice-versa). L’intégration de valeurs non marchandes dans les outils de décision économique – par exemple l’analyse coûts-bénéfices – a bien progressé (voir (OCDE, 2019[45]) pour plus de détails). Mais l’évaluation de biens non marchands demeure compliquée et les modèles économiques fondés sur des valeurs monétaires ne prennent pas toujours suffisamment en compte l’utilité sociétale et culturelle de certains services écosystémiques.
Pour remédier au problème de comparabilité, une analyse décisionnelle multicritères (AMC) a été élaborée afin d’inclure des données de diverses sources (économiques, écologiques, avis de parties prenantes) dans des modèles décisionnels quantitatifs et a été appliquée largement à l’utilisation des terres (Kaim, Cord et Volk, 2018[46]). Les techniques d’AMC sont plus souples que les méthodes classiques d’aide à la décision économique et peuvent servir à trouver des solutions avantageuses à tous points de vue, permettant de concilier des objectifs économiques, sociaux et environnementaux (par exemple (Dwyer et al., 2009[47])) ou d’améliorer les plans d’occupation des sols actuels (Kennedy et al., 2016[48]). Mais avant d’utiliser les AMC, il importe de déterminer les résultats attendus de l’utilisation des terres sur le plan social, économique et environnemental (notamment les services écosystémiques et le capital naturel) et comment ils influent les uns sur les autres au niveau national et local (Kaim, Cord et Volk, 2018[46]).
Beaucoup d'analyses estiment l’impact de l’évolution attendue de l’utilisation des terres et de l’occupation des sols, à l’échelle mondiale, sur l’environnement ou sur le bien-être humain (par exemple (IPBES, 2018[42])). Si elles sont intéressantes pour identifier des possibilités d’optimisation de l’utilisation des terres sur une vaste échelle, ces évaluations ne tiennent souvent pas compte de la diversité des usages des terres ni des conditions biophysiques et économiques locales à l’intérieur des pays, et ne correspondent donc sans doute pas aux réalités de l’utilisation des terres au niveau local et des paysages. Le modèle de gestion de la biosphère mondiale (GLOBIOM) (Havlik et al., 2014[49]) est un modèle complet d’équilibre partiel qui couvre les secteurs de l’agriculture et de la foresterie, y compris la bioénergie. D'autres outils sont en cours de perfectionnement également, comme InVEST (Integrated Valuation of Ecosystem Services and Trade-offs), développé dans le cadre du Natural Capital Project, qui permet d'évaluer les hiatus dans les services écosystémiques à une échelle plus locale12.
Échanges internationaux
Les échanges internationaux de biens et de services ont une influence primordiale sur l’utilisation des terres, l’atténuation du changement climatique, les écosystèmes et l’alimentation à l’échelon mondial. Au niveau macro, ils peuvent, en théorie, contribuer par différents mécanismes aux effets positifs de l’usage fait des terres. En permettant la production de produits forestiers et agricoles dans les régions les plus propices, par exemple, ils seraient susceptibles d’accroître l’efficience de la production mondiale. Par le biais de l’efficience allocative, d’une concurrence accrue et des incitations stimulant la R‑D, ils peuvent, théoriquement, contribuer à réduire l’impact environnemental net d’un niveau de production donné (Blanco G. et al., 2014[50]), et améliorer ainsi l’efficience d’utilisation des ressources et la transition vers une économie circulaire. Par ailleurs, les échanges internationaux jouent un rôle important sur le plan de la sécurité alimentaire mondiale (Tallard, Liapis et Pilgrim, 2016[51]).
Dans la pratique cependant, en déplaçant les sites de production et en modifiant les modes de production, les échanges internationaux peuvent alimenter une dynamique conduisant à des effets néfastes au niveau local, au moins dans certaines des dimensions de la sphère utilisation des terres-biodiversité-climat-alimentation (ci-après appelée « sphère de l’utilisation des terres »). Les échanges influent sur l’utilisation des terres dans les pays étudiés en augmentant la demande internationale de produits agricoles et forestiers (ou de tout autre produit lié à la terre) que ces pays sont capables de produire. Les politiques destinées à augmenter l’offre pour répondre à la demande croissante se traduisent par une expansion des terres agricoles (au Brésil et en Indonésie, par exemple) ou une intensification de l’agriculture (en France, au Mexique, en Nouvelle-Zélande et en Irlande, par exemple). Les pays doivent gérer intelligemment l’utilisation de leurs terres pour éviter que des mesures de stimulation de l’offre n’entraînent une hausse des émissions de GES, une érosion de la biodiversité et une pollution accrue. Ces effets sont souvent dus à une tarification incorrecte des externalités, qui empêche de maximiser les bénéfices sociaux mondiaux. Les changements observés dans la production de biens agricoles du fait des échanges internationaux se traduisent par le déplacement d’une partie des répercussions de la production sur l’environnement du monde développé vers le monde en développement (Krausmann et Langthaler, 2019[52]).
À moins d’être gérés avec soin au niveau national, les hiatus naturels entre la limitation des impacts sur l’environnement et la promotion de produits destinés à l’exportation peuvent se traduire par des décalages entre les politiques publiques. En outre, le fait de comptabiliser systématiquement les émissions de GES au point de production (et non de consommation) – méthode généralisée au niveau international – peut masquer certaines conséquences climatiques de systèmes de production et de choix de consommation qui ne sont pas rationnels sur le plan des émissions de GES, en particulier celles dues au changement d'affectation des terres qui en découle. À titre d’exemple, parce que les émissions contenues dans les intrants intermédiaires importés (par exemple des aliments pour animaux) ne sont pas associées aux produits finals (comme la viande bovine ou les produits laitiers), les systèmes de production générant d'importantes émissions en amont peuvent apparaître moins émetteurs qu’ils ne le sont en réalité (voir aussi l’encadré 2.1)13. Dans le même temps, il y a une prise de conscience croissante de la responsabilité des pays consommateurs dans la situation de la sphère de l’utilisation des terres dans les pays producteurs, et des répercussions que leurs choix de consommation et de politique publique peuvent avoir en dehors de leur territoire. Cela est particulièrement vrai pour les politiques nationales relatives à des biens mondiaux tels que l’atténuation du changement climatique et la protection de la biodiversité.
Besoin de cadres cohérents
Il est essentiel d’avoir des cadres cohérents en matière d’utilisation des terres afin d’éclairer les décisions des pouvoirs publics, des entreprises et de la société. La mise en place de cadres cohérents peut être facilitée à différentes étapes du processus décisionnel. Une possibilité consiste à établir des stratégies ou des plans nationaux visant à définir une ambition et des objectifs communs quant à la direction dans laquelle le pays souhaite s’engager. Le cadre institutionnel existant dans le pays, ainsi que le degré de supervision, de collaboration et d’interaction dans les secteurs ou les domaines de la politique publique ayant des impacts les uns sur les autres, influeront aussi certainement sur la manière dont les décisions sont prises. Ces deux éléments, les stratégies nationales et la coordination institutionnelle, auront également, en bout de chaîne, des effets sur le processus d’élaboration des politiques publiques et sur les instruments d'action adoptés à l’issue de ce processus, ou sur la façon dont les instruments d'action existants sont révisés, pour tenir compte des hiatus et faire en sorte de maximiser les synergies.
Les politiques publiques en rapport avec l’utilisation des terres, la biodiversité, le climat et l’alimentation peuvent avoir des répercussions sur bien d'autres domaines, tels que le développement économique, la santé, l’élimination de la pauvreté ou encore les échanges. Beaucoup de pays reconnaissent expressément ces interactions, par exemple dans les « rapports nationaux volontaires » (RNV) (DAES, 2017[53]) sur la mise en œuvre des ODD, et s’emploient donc à renforcer la coordination institutionnelle. Les RNV de nombreux pays font aussi état des difficultés, entre autres institutionnelles, financières et environnementales, qu’ils rencontrent à cet égard.
Différents types de mesures peuvent être prises pour améliorer les résultats environnementaux et la cohérence des politiques publiques dans la sphère de l’utilisation des terres. Du point de vue biophysique, la manière précise dont les mesures sont conçues et mises en œuvre peut exacerber ou atténuer les hiatus. Par exemple, un pays peut mettre en place à la fois des incitations encourageant certaines cultures alimentaires, et d’autres favorisant le maintien ou l’expansion de la foresterie. L’impact de ces incitations dépendra de leur importance relative, de leur périmètre et de leur accessibilité.
Cependant, les hiatus et les synergies existant dans la sphère de l’utilisation des terres ne sont pas seulement d’ordre biophysique. On en trouve en effet dans diverses autres dimensions parfois combinées, notamment :
au niveau d’une exploitation individuelle : par exemple, le développement de systèmes agroforestiers (dans lesquels des arbres sont plantés en association avec des cultures) peut améliorer la résilience aux impacts climatiques, comme la sécheresse ou les fortes chaleurs, grâce à l’ombre procurée par les arbres. Mais cette ombre peut aussi réduire les rendements des cultures ;
entre différentes échelles spatiales (notamment impacts infranationaux et transfrontières) : par exemple, l’augmentation de la consommation d’eau pour l’agriculture en amont peut accroître les rendements agricoles en amont mais diminuer les disponibilités hydriques et les rendements agricoles en aval ;
dans le temps : par exemple, laisser les résidus de récolte sur place réduit le potentiel de production bioénergétique à court terme, mais peut éviter une baisse de fertilité des sols à plus longue échéance ;
entre différents groupes de parties prenantes : par exemple, si l’intensification de la production alimentaire entraîne une augmentation de la pollution des eaux de surface par les nitrates, la qualité de l’eau peut s’en trouver dégradée pour les populations et les écosystèmes en aval. En revanche, l’effet pourrait être positif pour l’ensemble de la population du fait de l’augmentation de la production alimentaire, qui limiterait également la hausse des prix alimentaires ;
entre différents objectifs de politique publique : par exemple, une volonté d'augmenter la production de produits laitiers pour l’exportation peut provoquer une hausse des émissions absolues de GES, allant à l’encontre d’un engagement national de réduire les émissions en vertu de l’Accord de Paris.
Les pouvoirs publics doivent être conscients des dimensions multiples des synergies et des hiatus en jeu afin de définir et mettre en œuvre des actions appropriées. Les choix des gouvernants doivent donc concilier différents enjeux environnementaux (l’atténuation du changement climatique et la biodiversité, par exemple), différents types de parties prenantes (agriculteurs et consommateurs, par exemple), différents lieux (par exemple à l’intérieur d'un pays, ou au niveau transfrontière), et différentes échelles de temps.
Les effets secondaires (c’est-à-dire indirects) des politiques publiques peuvent aussi être importants. Ainsi, la production d’huile de palme en Indonésie a augmenté les émissions de GES du fait du changement d’affectation des terres lié à l’expansion des palmeraies à huile. Mais d’un autre côté, l’introduction d’une taxe sur les exportations d’huile de palme et de ses produits dérivés a également contribué à renforcer le marché indonésien du biodiesel, et donc à remplacer une partie de la consommation d’énergie fossile (Wright, Rahmanulloh et Abdi, 2017[54]) (voir le chapitre 5)14. Il est difficile de savoir si ce remplacement, en Indonésie, a entraîné une réduction ou, au contraire, une augmentation des émissions de GES, du fait d’un changement d'affectation des terres plus important.
Ainsi, les interactions (ou l’absence d’interaction) entre les mesures touchant à l’utilisation des terres peuvent influer sur leur efficacité. Il est important de repérer les interactions potentielles car l’intervention de nombreuses parties prenantes sera nécessaire pour atteindre différents objectifs. Des mesures d'atténuation devront être prises par exemple au niveau des exploitations agricoles pour que l’UE puisse honorer son engagement d'atténuation des émissions de GES, mais ces mesures auront un impact sur la production alimentaire (Parlement européen, 2014[55]). Il importe également de veiller à ce que les messages soient clairs pour les différentes parties prenantes. Or, ce n’est pas toujours le cas. Au Mato Grosso par exemple (un État brésilien très important par la taille de son agriculture, responsable de 31.3 % de la production de soja du Brésil en 2009 (Arvor et al., 2012[56]) et où 89 % des zones forestières ont été déboisées depuis 2004 (OBT, 2017[57])), on a recensé au moins huit mécanismes distincts de concertation sur la déforestation impliquant les agriculteurs (Nepstad et al., 2013[58]).
Il est possible d'agir aussi bien sur l’offre que sur la demande pour réduire les émissions de GES dues à l’utilisation des terres (voir par exemple Smith et al., (2014[16]) ; Bryngelsson et al., (2016[59]) ; Kiff Wilkes et Tennigkeit, (2016[60])), chaque solution présentant des difficultés diverses. Certaines mesures techniques axées sur l’offre pourraient aussi aider à réduire les émissions du secteur agricole. Par exemple, certaines pratiques rizicoles, comme l’alternance d’humidification et d’assèchement, peuvent permettre d’intensifier la production tout en diminuant les émissions de méthane (CTA, 2013[61]).
Agir sur la demande offre aussi certainement d’importantes possibilités d’atténuation dans le secteur agricole (Smith et al., 2014[16]). Cela s’explique en partie par le manque d’efficience actuel du système agricole, qui entraîne des niveaux élevés de gaspillage alimentaire (Teuber et Jensen, 2016[62]). De plus, certaines sources de protéines (la viande bovine et les produits laitiers, par exemple) sont infiniment plus émettrices de GES que d'autres (comme la volaille) (Smith et al., 2014[16] ; Popp, Lotze-Campen et Bodirsky, 2010[63]).
Un certain nombre de freins liés aux politiques publiques ont été mis en évidence, qui pèsent sur la capacité du secteur des terres à contrer le changement climatique et la diminution de la biodiversité. Ces freins ont à voir avec (Wreford, Ignaciuk et Gruère, 2017[64]) :
la structure et la coordination des institutions : le manque d’intégration entre les politiques agricole, forestière et d’utilisation des terres, et des politiques en matière de climat et de biodiversité (par exemple, certaines stratégies d’atténuation sur le long terme soumises à la CCNUCC ne parlent pas de la biodiversité et/ou des écosystèmes), l’absence de droits fonciers (ou de contrôle en la matière) pouvant encourager des pratiques préjudiciables à l’environnement, l’absence d’obligation de gérer les petites parcelles, l'absence de cadre d’investissement pour le secteur AFAT, l’absence d'approche axée sur le paysage dans la gestion des terres15 ;
l’évaluation des écosystèmes : il est important de comprendre la vraie valeur des bénéfices procurés par les écosystèmes et de renforcer les mesures prises pour prendre en compte les externalités positives et négatives ;
les décalages entre les politiques publiques : par exemple, les subventions agricoles qui conditionnent les aides à l’utilisation d’intrants ou à certains niveaux de production (Henderson et Lankoski, 2019[65]) ;
le comportement des consommateurs : par exemple, le comportement actuel peut se traduire par de grands volumes de gaspillage de la part des consommateurs, et par une préférence des consommateurs pour des sources alimentaires très émettrices de GES ;
l’information/sensibilisation : les parties prenantes (administrations publiques infranationales, financiers, agriculteurs, etc.) ont un rôle important à jouer dans la mise en œuvre d’interventions respectueuses de l’environnement dans l’agriculture et la foresterie. Mais ces acteurs ne connaissent pas forcément les solutions possibles, ou n’ont pas conscience des conséquences de leurs actions sur l’environnement.
La suppression de ces freins pourrait contribuer de façon importante à la transition vers une utilisation des terres et des pratiques agricoles plus durables. Des politiques publiques mieux harmonisées et des décisions mieux étayées pourraient aider à réduire les hiatus dans les domaines de la foresterie, de l’agriculture, du climat et de la biodiversité. Par ailleurs, même s’il existe quelques exemples d’initiatives privées relatives à la responsabilité sociale des entreprises dans le contexte de l’utilisation durable des terres, des efforts doivent être faits pour encourager davantage le secteur privé à se mobiliser. Le Guide OCDE-FAO pour des filières agricoles responsables (2016[66]) publié récemment décrit les conditions à respecter pour que les filières agricoles soient responsables.
La communauté internationale a déjà pris acte de la nécessité d’avoir un cadre cohérent d'action publique en matière de développement durable afin de tenir compte des interactions entre secteurs et de concilier des objectifs divergents. La cible 17.14 de l’ODD 17 appelle tous les gouvernements et toutes les parties prenantes à renforcer la cohérence des politiques de développement durable. La chose peut néanmoins se révéler complexe en pratique dans la sphère de l’utilisation des terres, étant donné les nombreuses interactions en jeu (Graphique 1.4 ). Par exemple, d'après le système de notation de l’ICSU, les mesures visant à atteindre la cible 2.4 sur la mise en œuvre de pratiques agricoles viables et résilientes contribuant à protéger les écosystèmes renforceraient la préservation, la restauration et l’utilisation durable des écosystèmes terrestres et dulcicoles continentaux. À l’inverse, la cible 2.1 de l’ODD 2, qui prévoit que chaque être humain ait accès à une alimentation suffisante, pourrait aller à l’encontre de la cible 7.2 de l’ODD 7, à savoir accroître la part des énergies renouvelables, si les cultures alimentaires et la production de bioénergie sont en concurrence pour l’utilisation des mêmes ressources foncières ou hydriques (OCDE, 2017[67]).
Dans le cadre de ces efforts de renforcement de la cohérence entre les politiques publiques, l’OCDE a élaboré un outil dans le contexte de la sécurité alimentaire (OCDE, 2016[24]). Il se compose d’une liste en six points visant à aider les gouvernants à remédier aux incohérences et à favoriser les synergies entre les secteurs dans la poursuite de l’ODD 2. Les six grands points sont généralisés ci-dessous afin de les rendre applicables aux ODD les plus concernés par la problématique de l’utilisation des terres (c’est-à-dire les ODD 2, 6, 7, 13 et 15) :
analyser la manière dont les politiques publiques du pays influent sur le changement climatique, la biodiversité, l’agriculture et la sécurité alimentaire dans le contexte de l’utilisation de terres ;
identifier les interactions entre les mesures prises dans ces domaines (cohérence horizontale) ;
réformer ou supprimer les mesures ayant des effets secondaires négatifs ;
veiller à ce que les mesures prises à un même niveau et entre différents niveaux de l’administration publique soient cohérentes (cohérence verticale) ;
envisager diverses sources de financement pour renforcer la sécurité alimentaire, atténuer davantage le changement climatique et accroître la biodiversité, et veiller à leur complémentarité ;
examiner les facteurs contextuels tels que les circonstances socio-économiques et mettre en place des conditions favorables.
L'application de ce cadre supposerait de vérifier si les intérêts (politiques) nationaux et les priorités définies par certains objectifs et cibles sont en phase, et si les autorités ont une bonne compréhension des nombreux hiatus et synergies existant entre les objectifs relatifs à la sécurité alimentaire, à l’amélioration de l’action climatique et à la préservation et à l’utilisation durable des écosystèmes. Cela impliquerait de réfléchir à certains sujets tels que les subventions aux intrants agricoles ou à la consommation d’énergie, les terres disponibles et la fonction de puits de carbone des forêts, les disponibilités en eau, les droits de douane, les transferts de technologie, les obligations d’incorporation de biocarburants, et la lutte biologique contre les nuisibles. Par exemple, l’article 16 de la loi n° 39 adoptée par l’Indonésie en 2014 sur les plantations (Gouvernement indonésien, 2014[68]) stipule qu’une entreprise à qui l’on a délivré des droits fonciers doit cultiver toute la superficie dans un délai de six ans, sous peine de sanctions. Ce type de disposition encourage certes la mise en valeur des terres, mais elle empêche les planteurs de laisser en réserve une partie de leurs terres dans une optique de préservation. Et dans beaucoup de pays, les mesures prises pour améliorer la sécurité alimentaire, entre autres, pourraient avoir besoin d’être complétées par un renforcement des services de protection sociale, en particulier au bénéfice des groupes vulnérables (les pauvres, les femmes et les enfants) (OCDE, 2016[24]).
Les approches axées sur le paysage s’efforcent de concilier les objectifs sociaux, environnementaux et de productivité dans des régions où existe une concurrence entre plusieurs usages des terres. Dans ce type d'approche, les fonctions sociales, économiques et écologiques d’une zone sont examinées de manière globale afin d’élaborer des plans de développement et d’aménagement territorial qui s’efforcent d’éviter, au sens large, un manque à gagner socio-économique et environnemental. Les approches axées sur le paysage sont généralement définies comme un ensemble de principes d’organisation plutôt que de règles normatives, et sont de ce fait suffisamment souples pour être applicables dans des contextes socio-économiques et environnementaux très variés (Sayer et al., 2019[69]). C’est pourquoi les approches axées sur le paysage sont de plus en plus employées – elles constituent par exemple un principe fondamental du Plan d'action 2016-2020 pour les forêts de la Banque mondiale (Banque mondiale, 2016[70]) et du Défi de Bonn16.
Toutefois, malgré l'émergence des approches axées sur le paysage, l’intégration à haut niveau des objectifs relatifs au climat et à la biodiversité n’est, en règle générale, pas systématique. À titre d'exemple, seulement un tiers des contributions déterminées au niveau national déposées par les pays au titre de l’Accord de Paris, qui portent sur l’action climatique, mentionnent la biodiversité et l’alimentation – bien que 78 % reconnaissent l’importance du secteur agricole (FAO, 2016[71]). En outre, d'après (OCDE, 2018[72]), même si la biodiversité est à l’ordre du jour d'autres stratégies et programmes nationaux (par exemple les plans nationaux de développement), les mesures concrètes ne sont pas toujours là, ni le suivi correspondant.
Principaux constats du rapport
Une bonne gestion de l’utilisation des terres est essentielle pour réaliser de nombreux objectifs et engagements nationaux et internationaux comme les Objectifs de développement durable, l’Accord de Paris et les Objectifs d’Aichi pour la biodiversité. Elle implique d’améliorer la coordination et la cohérence entre différents domaines de l'action publique compte tenu des interconnexions, des synergies et des hiatus qui leur sont associés. Ce rapport cherche à déterminer quels sont les outils et les institutions les mieux adaptés pour assurer une bonne gestion de l’utilisation des terres, compatible avec la réalisation des engagements pris en faveur de l’environnement au niveau national et international. Il examine le cas de six pays afin de faire ressortir les difficultés communes et les solutions possibles pour mettre en phase les cadres d'action touchant à l’utilisation des terres. Le rapport analyse les concordances et les décalages existant entre différentes stratégies, institutions et interventions, qui peuvent influer sur l’efficacité des actions menées sur le terrain. Les thèmes explorés sont la cohérence des stratégies et plans d'action nationaux, la coordination et la cohérence des institutions, et les instruments d'action applicables à la sphère de l’utilisation des terres.
Les pays étudiés dans ce rapport sont le Brésil, la France, l’Indonésie, l’Irlande, le Mexique et la Nouvelle-Zélande. Ces pays ont été sélectionnés en raison du niveau élevé de leurs émissions de gaz à effet de serre imputables aux secteurs de l’agriculture et/ou de la foresterie (en valeur absolue ou relative) et parce qu’ils abritent presque tous une biodiversité importante sur le plan mondial. Ce groupe de pays, membres de l’OCDE ou partenaires importants de l’Organisation, rassemble en outre deux des trois premiers émetteurs mondiaux de GES dus au secteur « changement d'affectation des terres et foresterie », et deux des quatre premiers émetteurs de GES dus à l’agriculture au sein de l’OCDE (CAIT Climate Data Explorer, 2017[4]).
Pour évaluer la cohérence des stratégies et plans nationaux, pris à la fois individuellement et ensemble, les documents suivants ont été analysés pour les six pays : contributions déterminées au niveau national, stratégies à long terme de développement à faibles émissions, stratégies et plans d’action nationaux pour la biodiversité (SPANB), programmes de développement agricole, plans d’échanges commerciaux ou d’exportations, et plans nationaux de développement. Il en ressort que :
L’importance donnée aux questions d’utilisation des terres dans les différentes stratégies nationales se rapportant à leur sphère varie sensiblement, de même que le degré de cohérence entre les stratégies. Globalement, peu de stratégies et plans nationaux, parmi ceux examinés, sont suffisamment explicites pour permettre aux différents ministères (et aux autres parties prenantes) concernés de prendre des mesures cohérentes. En outre, seule une minorité des stratégies et plans nationaux examinés (dont le SPANB irlandais) indiquent qui est chargé de faire quoi ou d’atteindre quel objectif.
Dans l’idéal, les stratégies et plans nationaux devraient être préparés de manière concertée, avec la participation de tous les ministères dont les actions sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la stratégie nationale en question, ainsi que des autres principales parties prenantes. Bien que les parties prenantes soient davantage impliquées qu’autrefois, des progrès restent à faire pour qu’elles le soient systématiquement dans toutes les stratégies nationales.
Les gouvernements peuvent favoriser une plus grande cohérence des politiques publiques en veillant à ce que les stratégies et plans nationaux à moyen terme (c’est-à-dire entre 5 et 10 ans) spécifient des objectifs, des actions et des cibles clairs. Les décalages pourraient ainsi être repérés plus facilement. La mise au point d’indicateurs permettant d’évaluer les progrès réalisés en direction des objectifs augmente également la transparence et l’obligation de rendre des comptes. Dans la mesure du possible, les objectifs doivent être spécifiques, mesurables, accessibles, réalisables, et temporellement définis (SMART). Ce n’est pourtant pas le cas dans la plupart des stratégies et des plans examinés.
Les stratégies nationales existantes mentionnent rarement les décalages entre les différentes politiques nationales dans un pays donné, malgré les demandes faites en ce sens au niveau international. Par exemple, la CCNUCC fait obligation aux Parties de signaler les mesures qui augmentent les émissions de GES, et les Objectifs d’Aichi pour la biodiversité définis dans le cadre de la CDB comprennent des objectifs spécifiques sur le recensement et l’élimination des incitations néfastes (Objectif 3).
Les stratégies et plans nationaux touchant aux échanges pourraient reconnaître expressément et si possible quantifier les interactions entre la politique commerciale et la problématique de l’utilisation des terres. C'est le cas notamment des stratégies et plans nationaux de développement, qui chapeautent les autres. Parmi les bonnes pratiques à suivre, on peut citer la France, qui a commencé à élaborer une Stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée (c’est-à-dire de pays étrangers), et l’Irlande, dont le SPANB comprend un objectif particulier sur l’identification et l’atténuation des impacts négatifs des échanges sur la biodiversité. La prise en compte systématique des incidences sur l’utilisation des terres dans les politiques commerciales générales contribuerait à améliorer la cohérence des actions publiques.
La sphère de l’utilisation des terres suscite des enjeux multiples et touche de nombreux acteurs, tant publics que privés, et ce aux niveaux supranational, national et infranational. L'analyse des structures institutionnelles en place dans les six pays étudiés apporte les enseignements suivants sur la coordination et la cohérence des institutions :
Il est nécessaire de renforcer la coordination des institutions au niveau horizontal (entre différents ministères) et vertical (entre administrations nationales et infranationales, par exemple) pour assurer le degré d’interaction requis entre des entités cloisonnées et faciliter la conception et la mise en œuvre cohérentes des politiques publiques. La création de comités interministériels mais aussi l’impulsion donnée par le haut du pouvoir (la Présidence, le Premier ministre ou le Conseil des ministres) sont indispensables pour encourager les différentes parties prenantes à élaborer des politiques cohérentes et coordonnées dans la sphère de l’utilisation des terres.
Les fonctions et missions des institutions doivent être clairement définies afin d’améliorer la cohérence horizontale de la politique d’utilisation des terres. On constate encore un manque de coordination entre les institutions et des lourdeurs excessives dans les dispositifs institutionnels, qui peuvent contribuer aux décalages observés entre les politiques publiques. En Indonésie par exemple, au moins huit ministères nationaux interviennent dans les décisions relatives à l’utilisation des terres, les missions de différentes institutions se recoupent, et celle qui est chargée de réglementer l’utilisation des tourbières n’a pas d'autorité directe sur les zones où elles se trouvent. Cependant, même si une bonne coordination des institutions est cruciale pour favoriser la cohérence des politiques publiques dans la sphère de l’utilisation des terres, elle ne suffit pas à la garantir en pratique.
Les pays s’emploient de plus en plus à coordonner leurs politiques, notamment en renforçant les mécanismes de coordination nécessaires. Cet effort passe, entre autres, par la mise en place d’une instance fédératrice, souvent dans le cadre des actions menées au niveau national pour atteindre les Objectifs de développement durable. L’institutionnalisation de ce type de processus peut contribuer à améliorer la cohérence et la coordination (comme en France entre le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation et celui de la Transition écologique et solidaire).
La cohérence verticale dans l’élaboration des politiques publiques peut être compliquée car les pouvoirs de décision dans la sphère de l’utilisation des terres sont souvent dispersés entre plusieurs administrations publiques nationales ou infranationales et des acteurs privés. Cette décentralisation peut nuire à la mise en œuvre des politiques en la matière si la coordination verticale des objectifs est insuffisante. Les différences entre les priorités et les capacités des institutions, et le risque de corruption locale faute de supervision, peuvent aussi être une source de problèmes. Cependant, la décentralisation peut être l’occasion de développer des solutions innovantes adaptées au contexte (en particulier dans les pays très étendus et hétérogènes), par exemple les fonds internationaux de préservation propres aux États fédérés (au Brésil).
Des partenariats réunissant de nombreux acteurs publics et privés à l’échelon national et infranational ont démontré leur capacité à infléchir les incidences des chaînes d'approvisionnement mondiales sur l’utilisation des terres. Les institutions gouvernementales doivent trouver le moyen de se rapprocher de ces initiatives et de se coordonner avec elles afin qu’elles soient en phase avec la politique nationale et donnent les meilleurs résultats possibles.
L'évaluation des cadres et instruments d'action permet de tirer les conclusions suivantes :
Un régime foncier clairement défini et appliqué est une condition préalable à la mise en œuvre effective des politiques publiques dans la sphère de l’utilisation des terres. Le fait de ne pas savoir avec certitude qui possède quelles terres ou a le droit de les gérer fragilise les mesures encourageant leur utilisation durable et complique beaucoup l’application des politiques publiques. Un flou sur les droits fonciers peut aussi entraîner des activités illicites d’abattage, d’extraction, de culture ou d’élevage, des problèmes encore particulièrement présents au Brésil, au Mexique et en Indonésie. Pour que les politiques touchant à l’utilisation des terres portent leurs fruits, il est essentiel de soutenir et d’amplifier les efforts de réforme foncière engagés (exemples : la foresterie sociale et l’initiative One Map en Indonésie).
Les externalités environnementales négatives associées à l’utilisation des terres ne sont, pour une grande part, pas encore tarifées dans l’ensemble des pays étudiés, ou le sont insuffisamment. Par exemple, les taxes environnementales sont sous-employées dans la sphère de l’utilisation des terres par rapport à d’autres instruments (comme les subventions). Le fait de taxer davantage les pratiques néfastes pour l’environnement, telles que la pollution due aux intrants agrochimiques (engrais et pesticides, par exemple), pourrait rendre les moyens réglementaires actuels plus efficaces en envoyant un signal-prix susceptible de diminuer les activités portant atteinte à l’environnement.
Les dispositifs de paiements pour services écosystémiques et les programmes agro-environnementaux dédommagent certes les propriétaires fonciers pour la fourniture de certains services (eau, carbone et biodiversité, en général) dans certaines régions17. Mais le soutien qu’ils apportent est inférieur à celui qui bénéficie à la production agricole, et les programmes ont souvent une portée géographique trop restreinte (à l’exception notable du Mexique) pour améliorer la durabilité des systèmes nationaux d’utilisation des terres, car la participation est limitée. La répartition du soutien entre les différents services écosystémiques procurés par les terres (nourriture, carbone, eau, habitats, par exemple) devrait garantir que l'augmentation de la production agricole – nécessaire pour répondre à la demande mondiale croissante – ne compromet pas la fourniture des autres services. Rétribuer ceux qui s’occupent des terres pour chaque service écosystémique fourni par une même parcelle (principe du « cumul des paiements ») est un moyen prometteur d'améliorer les incitations en faveur d’une gestion durable.
En revanche, le soutien public à la production agricole est plus élevé que celui dont bénéficient les autres usages des terres (sauf en Nouvelle-Zélande). Malgré des progrès récents, les soutiens potentiellement générateurs de distorsions du marché, quoique très variables, restent très répandus dans les six pays étudiés et peuvent à la fois entraîner des pratiques non durables et encourager l’expansion de l’agriculture. Dans tous les pays étudiés (hormis la Nouvelle-Zélande), il faut travailler davantage à réformer les soutiens agricoles susceptibles de fausser le marché et d’avoir des effets néfastes sur l’environnement. De plus, les subventions à la production de biocarburants et les obligations d’incorporation de biocarburants peuvent entraîner une hausse des émissions dues au changement d'affectation des terres et une dégradation des écosystèmes, et peser sur la production alimentaire (en particulier pour les biocarburants de première génération), mais ces effets dépendent du contexte et des cultures.
Bien que les ODD comprennent des cibles relatives à la réduction des pertes et du gaspillage alimentaires, aucun objectif quantitatif national n’a été défini en la matière (sauf en France). Il y a un intérêt économique et écologique évident à s’attaquer au problème des pertes et du gaspillage alimentaires, et de nombreuses synergies existent avec d'autres enjeux nationaux majeurs comme le changement climatique et la biodiversité. Un meilleur suivi à l’échelon national et infranational, plus systématique, des pertes et du gaspillage alimentaires est recommandé, sans quoi il n’est pas possible de définir des objectifs appropriés et de vérifier les progrès accomplis.
Les échanges internationaux de produits agricoles et forestiers entraînent l’importation et l’exportation de produits générant des externalités négatives non prises en compte dans les politiques nationales (en matière d’atténuation du changement climatique et de protection de la biodiversité, par exemple). Il est indispensable de mieux évaluer les répercussions des échanges et des chaînes d’approvisionnement sur l’utilisation des terres et de rendre publiques les informations dans ce domaine pour que l’action publique soit efficace et cohérente. Pour ce faire, les services écosystémiques devraient être mieux évalués et intégrés dans les analyses coûts-avantages, et les méthodes d'analyse du cycle de vie (ACV) devraient être appliquées plus largement.
Différents instruments d'action existent pour gérer les interactions entre les échanges et l’utilisation des terres. Les mécanismes propres à un produit, notamment les mémorandums d'accord et les accords commerciaux sur un produit particulier, peuvent être des outils efficaces, spécialement s’ils portent sur des produits ayant des incidences importantes sur l’utilisation des terres et s’ils comportent des dispositions environnementales appliquées strictement. Par exemple, l’UE a conclu des accords de partenariat volontaire (APV) sur les échanges de produits forestiers avec un certain nombre de pays, dont un avec l’Indonésie. Les mesures encourageant et facilitant la conduite responsable des entreprises peuvent aussi permettre d'améliorer l’utilisation des terres.
L’arsenal des moyens d'action employés dans la sphère de l’utilisation des terres est vaste et la manière dont ils interagissent entre eux et avec les autres mécanismes de gouvernance est complexe. La gestion de la problématique de l’utilisation des terres demande de disposer de toute une panoplie de mesures car, du fait de la nature dynamique, complexe et contextuelle des systèmes d’utilisation des terres, la combinaison de mesures qui convient ne sera probablement pas la même selon le pays ou le paysage. Pour parvenir à un bon équilibre des résultats obtenus dans cette sphère, il est nécessaire d’appliquer et de maintenir de manière cohérente de nombreux éléments différents – mécanismes de suivi, organismes d’exécution, processus de participation des parties prenantes, etc. – faute de quoi les mesures adoptées cesseront de fonctionner correctement, et les gains environnementaux enregistrés risquent d’être annulés. Par exemple, l’augmentation de la déforestation dans l’Amazonie brésilienne en 2018 montre combien un changement politique à l’intérieur d’un pays peut saper des efforts qui avaient porté leurs fruits.
Références
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Notes
← 1. L’agriculture et l’adaptation au changement climatique sont étroitement liées, par exemple du fait de la demande d’eau du secteur. Néanmoins, ce rapport se concentre sur les liens entre l’utilisation des terres et l’atténuation du changement climatique.
← 2. Divers modèles calculés pour satisfaire des objectifs d’atténuation ambitieux nécessitent de pouvoir produire une quantité importante d’« émissions négatives ». La biomasse avec captage et stockage de carbone est l’un des moyens les plus faisables d’y parvenir, en complément de mesures de boisement/reboisement (Fuss et al., 2014[75]).
← 3. Les effets de l'évolution des surfaces boisées sur le climat peuvent varier de façon importante en fonction du lieu. Par exemple, bien que toutes les forêts aient un faible albédo (c’est-à-dire le facteur de réflexion du rayonnement solaire), une augmentation de la superficie des forêts tropicales peut réduire l’impact du réchauffement climatique grâce au refroidissement généré par l’évapotranspiration accrue. En revanche, l’expansion des forêts boréales peut exacerber le réchauffement climatique, dans certaines conditions limitées, en particulier dans les hautes altitudes et latitudes. Voir par exemple Bonan (2008[77]), de Wit et al. (2014[76]) et Alkama and Cescatti (2016[79]).
← 4. L’AME est un indicateur de naturalité ou de préservation de la biodiversité. Elle se définit comme étant l’abondance moyenne des espèces originales par rapport à leur abondance dans des écosystèmes non perturbés. Une AME de 0 % correspond à un écosystème totalement détruit, où ne subsiste aucune espèce originale.
← 5. Par « sécurité alimentaire », on entend la disponibilité de nourriture et la possibilité physique, sociale et économique pour les individus de s’en procurer (FAO et al., 2017[80]).
← 6. Voir la note de bas de page n°3.
← 7. Compte tenu des interconnexions de l’utilisation des terres, de la biodiversité, du climat et de l’alimentation avec d'autres domaines, il y a également des synergies et des hiatus en dehors de la sphère de l’utilisation des terres.
← 8. Les systèmes de gestion des effluents d'élevage peuvent comprendre la collecte et le stockage des matières en vue de récupérer et d’utiliser ou de torcher le méthane produit par la décomposition des effluents. Ainsi, le niveau total des émissions de GES est réduit car, bien qu’ayant une durée de vie plus courte, le méthane est plus puissant en effet de serre que le dioxyde de carbone.
← 9. La dégradation des terres est due à la fois à des effets anthropiques directs provoqués notamment par la déforestation et les pratiques de gestion néfastes (mise en culture de terrains très pentus, surpâturage, coupe excessive de la végétation, etc.), à des effets anthropiques indirects (sécheresse induite par le changement climatique, etc.) et à des catastrophes naturelles (inondations et feux de forêt, par exemple).
← 10. Par exemple, la CNULCD (CNUCLD, 2013[78]) a estimé à 490 milliards USD le coût de la dégradation des sols au niveau mondial. Selon l’initiative Économie de la dégradation des terres (ELD Initiative, 2013[43]), ce phénomène coûte au monde pas moins de 10 600 milliards USD chaque année, soit l’équivalent de 17 % du produit intérieur brut mondial.
← 11. Nkonya et al. (2015[74]) estiment que les coûts mondiaux annuels de la dégradation des sols due à l’utilisation des terres et au changement d'affectation des terres (UTCAT) avoisinent les 231 milliards USD par an.
← 12. Dans les écosystèmes terrestres et dulcicoles, InVEST modélise la qualité des habitats (terrestres uniquement) et les bénéfices en termes de séquestration de carbone, de recharge annuelle en eau pour la production hydroélectrique, de purification de l’eau (pour les nutriments), de protection contre l’érosion (pour le maintien des réservoirs), de pollinisation des cultures et de production de bois et d'autres produits forestiers.
← 13. Autre exemple : les produits issus du bois récolté, qui influent sur le cycle du carbone en stockant et en libérant du carbone des forêts. Actuellement, les parties visées à l’Annexe I du Protocole de Kyoto communiquent leurs quantités émises et absorbées imputables aux produits issus du bois récolté uniquement pour les bois récoltés sur le territoire national (UNFCCC/ 2/CMP.7). Cette méthode permet de comparer et d’agréger les chiffres, mais d’autres méthodes de comptabilisation ont été avancées comme étant potentiellement plus à même de rendre compte des flux de carbone associés aux produits issus du bois récolté faisant l’objet d’échanges internationaux (Tonosaki, 2009[73]).
← 14. Évalués sur l’ensemble du cycle de vie, les avantages des biocarburants du point de vue des émissions de GES sont fonction de la quantité d’énergie fossile et d’autres intrants non renouvelables qu’il faut pour les produire, ainsi que du défrichement éventuellement nécessaire.
← 15. Parmi les nombreuses initiatives et interventions destinées à éliminer ces freins liés aux politiques publiques, les activités REDD+ visent à supprimer cette première catégorie de freins, notamment par l’élaboration d’une stratégie ou d’un plan national pour y remédier (voir les chapitres 4 et 5 pour plus de détails).
← 17. Ces mécanismes diffèrent des aides agricoles soumises à certaines obligations environnementales, par exemple les paiements verts au titre de la Politique agricole commune de l’UE, car le montant des aides versées est subordonné à l’augmentation du niveau de fourniture de certains services écosystémiques (la séquestration de carbone ou la mise à disposition d'habitats, par exemple).