Caldera Sanchez Aida
Nicoletti Giuseppe
Caldera Sanchez Aida
Nicoletti Giuseppe
Les pays subissent des chocs économiques découlant de tendances à long terme, telles que les évolutions démographiques, et d'événements à court terme, tels que les crises financières, mais les économies saines devraient être capables de résister à ces deux types de chocs. Il est important de comprendre les facteurs qui déterminent la résilience économique d'un pays, définie de manière générale comme sa capacité de limiter ses facteurs de vulnérabilité à long et à court terme, ainsi que de résister aux chocs lorsqu'ils se produisent et de s'en remettre rapidement. Dans l'idéal, quel que soit le choc considéré, les politiques publiques devraient permettre à l'économie de rester proche de son niveau potentiel de bien-être de manière durable, notamment en termes d'emplois, de revenus et de qualité de vie.
Parmi les sources de vulnérabilité à court terme figurent les crises financières, les crises de la dette souveraine, les fluctuations des cours des produits de base ou les phénomènes de volatilité. Les facteurs à long terme recouvrent le vieillissement démographique, la perte de dynamisme, la montée des inégalités et la dégradation de l'environnement. La résilience aux chocs à court terme a également des implications pour la viabilité à long terme, car les chocs de grande ampleur peuvent entraîner des bouleversements considérables (ainsi que l'a montré la récente crise financière), accentuant les risques et l'incertitude pour les ménages, les investisseurs et les pouvoirs publics, et avoir sur le potentiel d'amélioration du bien-être des effets négatifs qui ne peuvent être aisément inversés.
Les pays peuvent renforcer la résilience de leur économie aux chocs en détectant et en analysant mieux les tendances structurelles, par exemple en mettant davantage l'accent sur les scénarios à long terme, ainsi qu'en surveillant mieux les facteurs de vulnérabilité macroéconomique et financière ; et en renforçant les politiques publiques qui permettent de remédier aux problèmes à long terme et d'atténuer les facteurs de vulnérabilité pouvant déboucher sur des chocs coûteux, ainsi que les politiques publiques qui peuvent contribuer à amortir l'impact des chocs et à accélérer le redressement des économies.
L'OCDE a identifié cinq types de facteurs de vulnérabilité à court terme qui sont le plus souvent liés aux crises financières graves, aux fléchissements prononcés de l'activité économique ou aux deux :
Des déséquilibres dans le secteur financier, tels qu'un endettement excessif, des problèmes d'asymétrie d'échéances et de devises, une forte interdépendance des banques et des expositions communes à ces acteurs financiers.
Des déséquilibres dans le secteur non financier, concernant par exemple les bilans des ménages et des sociétés non financières.
Des déséquilibres sur les marchés d'actifs, tout particulièrement des phases de forte hausse des cours des actions et des prix immobiliers.
Des déséquilibres dans le secteur public, en particulier des doutes quant à la viabilité des finances publiques qui peuvent se traduire par des primes de risque élevées sur la dette publique.
Des déséquilibres externes, tels d'un déficit persistant des paiements courants.
Il peut être utile de surveiller ces facteurs de vulnérabilité spécifiques à chaque pays en vue d'anticiper les récessions et les crises graves, et cela devrait constituer un élément essentiel des stratégies des pays visant à renforcer leur résilience. Pour les aider à cet égard, l'OCDE publie systématiquement des indicateurs de vulnérabilité tant dans ses Perspectives économiques que dans ses Études économiques par pays. Ces indicateurs de vulnérabilité doivent être et sont complétés par d'autres outils de suivi et des évaluations approfondies offrant une vue d'ensemble des risques pour chaque pays, étant donné que même les pays pour lesquels on ne relève aucun déséquilibre interne ou externe important peuvent être affectés par des chocs extérieurs en raison d'effets d'entraînement et de contagion, via le canal des échanges, le canal financier et le canal de la confiance.
Dans une perspective à plus long terme, l'OCDE a mis en évidence trois principaux facteurs pouvant continuer à mettre en difficulté l'économie mondiale : un ralentissement de la croissance mondiale, lié essentiellement au vieillissement démographique et à la baisse de régime des économies émergentes, mais aussi à des incertitudes concernant le rythme de l'innovation et le développement des compétences ; une tendance à la poursuite de la montée des inégalités, due en partie à la nature des progrès technologiques, qui accroît la demande de travailleurs hautement qualifiés ; et l'augmentation des préjudices économiques résultant de la dégradation de l'environnement, imputable entre autres au changement climatique.
Pour susciter une prise de conscience de ces problèmes à long terme, l'OCDE a élaboré des scénarios à long terme et accordé de plus en plus d'importance à l'analyse prospective dans divers domaines, notamment concernant la productivité, les inégalités de revenu et de patrimoine, ainsi que l'environnement, par exemple dans ses publications consacrées à l'avenir de la productivité et aux conséquences économiques du changement climatique.
Les pouvoirs publics devraient s'employer à atténuer l'accumulation de facteurs de vulnérabilité et à préparer les économies à faire face aux problèmes structurels, en intervenant à la fois sur les fronts structurel et macroéconomique et en coordonnant leurs efforts au niveau international dans certains domaines. Ainsi, pour prévenir ou atténuer les effets des crises financières, il faut une réglementation macroprudentielle permettant de limiter l'instabilité du secteur bancaire et les phénomènes de procyclicité excessive ; une fiscalité ne prévoyant aucun régime spécifique pour le logement ou la dette des entreprises, afin de réduire le risque de bulle de prix des actifs ; et des politiques monétaire et budgétaire amortissant l'impact des chocs. Les politiques structurelles peuvent favoriser la mobilité des travailleurs (les politiques actives du marché du travail et les dispositions garantissant la flexibilité du marché du logement, par exemple) et le renouvellement des entreprises (notamment en levant les obstacles à l'entrée sur le marché et à la concurrence), et améliorer du même coup la résilience des économies, en accélérant le redéploiement des ressources entre entreprises et entre secteurs en cas de choc.
De même, pour remédier aux problèmes à long terme, il faut mettre en œuvre des politiques structurelles – comme celles qui influent sur l'innovation, l'expérimentation du marché, le taux d'activité et le développement des compétences – permettant de dynamiser les marchés et de tirer le meilleur parti de l'économie du savoir pour entretenir à la fois la croissance de la productivité et de l'emploi dans le contexte du vieillissement démographique. Les pouvoirs publics devraient également se focaliser sur les mécanismes de redistribution et les systèmes d'enseignement, afin d'améliorer l'égalité des chances et d'endiguer la tendance à la montée des inégalités. Enfin, il est nécessaire d'agir rapidement en combinant des mécanismes de tarification du carbone, une réduction des subventions aux combustibles fossiles et d'autres mesures ciblées, pour éviter des atteintes à l'environnement amoindrissant le potentiel de croissance et le bien-être futurs.
Une coopération internationale plus poussée sera également nécessaire pour étayer les chaînes d'approvisionnement mondiales et les échanges internationaux, pour favoriser la fourniture des biens publics mondiaux qui revêtent une importance grandissante – notamment dans les domaines de la recherche fondamentale, de la législation sur les droits de propriété intellectuelle, de la politique de la concurrence et du climat – et pour taxer des bases d'imposition qui sont de plus en plus mobiles à l'échelle internationale, et limiter ainsi l'évasion fiscale. Une coopération dans ces domaines contribuera au traitement des problèmes à long terme, ce qui aura des répercussions positives sur l'innovation, la croissance et le bien‐être.
Il n'est pas évident d'identifier les instruments d'action permettant d'améliorer la résilience globale des économies, compte tenu des arbitrages à opérer entre les différents objectifs de l'action publique et des interactions existant entre les politiques tant macroéconomiques que structurelles. En temps de crise, les politiques macroéconomiques visant à atténuer la gravité de la récession et à favoriser la reprise peuvent avoir pour conséquence imprévue d'accentuer in fine la vulnérabilité d'une économie, par exemple en faisant augmenter le ratio d'endettement public ou en entraînant un gonflement du bilan de la banque centrale et la création d'amples liquidités. Des politiques structurelles visant à entretenir le dynamisme de l'économie et une croissance fondée sur le savoir pourraient dans le même temps tendre à creuser les écarts de rémunération et favoriser un ajustement structurel continu. Il faudra remédier aux effets induits sur les inégalités et le bien-être des travailleurs, notamment par le biais de mesures budgétaires, qui seront cependant de plus en plus limitées par la nécessité de gérer les dettes publiques.
Article original sur le blog OECD Insights : http://wp.me/p2v6oD-2pW.
Travaux de l'OCDE sur la résilience économique, www.oecd.org/fr/economie/croissance/economic-resilience.htm.