Mesnard Mathilde
Débattre des enjeux : les nouvelles approches face aux défis économiques
Les Nouvelles approches face aux défis économiques (NAEC) et les Objectifs de développement durable : la voie à suivre
Alors que l’intégration mondiale est un moteur de croissance depuis la naissance du capitalisme, la crise économique et financière a montré que le niveau actuel d’interdépendance entre les pays et son impact – positif ou négatif – étaient mal appréhendés. Cette complexité accrue a mis au jour les limites des outils analytiques, cadre d’action et dispositifs de gouvernance existants. Elle a aussi mis en évidence le fait que les problèmes mondiaux ne peuvent être traités que par la coordination et l'action collective.
Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et les Objectifs de développement durable (ODD) auxquels il fait une place centrale sont fondés sur cette nouvelle analyse. Les objectifs sont de portée universelle – applicables à l’ensemble des pays avec des cibles adaptées aux situations et contextes nationaux. Il faut adopter de nouvelles approches pour venir à bout d’un ensemble intégré de problèmes. Les ODD sont par ailleurs porteurs de transformation. Ils contribuent en effet aux changements systémiques et aident à anticiper les futures menaces mondiales.
Face à ces préoccupations, l'OCDE promeut l'élaboration de politiques meilleures pour une vie meilleure – en s’appuyant sur l’expérience cumulée des pays membres et des pays partenaires et en mettant à profit sa valeur ajoutée. L’initiative relative aux Nouvelles approches face aux défis économiques (NAEC) aide l’OCDE à se préparer dans la perspective des ODD (en développant des analyses et des avis intégrés pour aborder un ensemble ambitieux d’objectifs étroitement liés entre eux) et du programme d'action prospectif, porteur de transformation. Comme l’a indiqué Doug Frantz, les ODD et les NAEC sont parfaitement complémentaires.
Un programme d’action intégrée
Les Objectifs du Millénaire pour le développement étaient principalement à visée sociale. La croissance économique et l’emploi ou la viabilité environnementale et le changement climatique y faisaient l’objet d’une attention moins systématique. L’une des grandes leçons tirées des OMD est qu'aucun changement durable ne saurait être obtenu par le biais d'objectifs unidimensionnels ou monosectoriels. Les ODD, d’une portée beaucoup plus vaste, appellent des approches multidimensionnelles, ce qui nécessite d’identifier les avantages et inconvénients, les relations de complémentarité et les conséquences non intentionnelles des choix stratégiques. C’est la seule façon d’améliorer les conseils sur les politiques à suivre pour aborder les problèmes mondiaux de manière plus réaliste et efficace. La collaboration et la cohérence dans la recherche de solutions à des problèmes étroitement imbriquées sont privilégiées, mettant fin à l’approche compartimentée qui a trop souvent limité l’efficacité des politiques. Ce type d'approche implique aussi une conception plus élaborée des politiques, dans laquelle les retombées systémiques peuvent être bénéfiques aussi bien que néfastes.
C’est au niveau national que la prise en considération de ces arbitrages doit s'effectuer en premier lieu. C’est là en effet que les décideurs sont le mieux à même d'arbitrer entre les objectifs économiques, sociaux et environnementaux. Faire des choix sur la base de leurs interrelations nécessite une réflexion globale à long terme ainsi qu’une capacité d'anticipation et une gouvernance stratégiques. La concrétisation de cette vision se révèle difficile mais peu à peu les indicateurs pertinents sont mis en place. Grâce à l'initiative NAEC, les cadres analytiques ont été élargis afin de mieux évaluer l’articulation entre la croissance économique et les inégalités d’une part (croissance inclusive) et entre l’environnement et la croissance d’autre part (croissance verte). Les progrès des travaux concernant l’articulation société-environnement ont été moindres ; d’autres efforts seraient nécessaires afin de mieux étudier les conséquences de la transition vers une croissance durable du point de vue environnemental. Eloi Laurent a déclaré lors d’un séminaire NAEC que les problèmes environnementaux correspondaient en fait à des problèmes sociaux induits en grande partie par les inégalités de revenu et les déséquilibres dans les rapports de force (Laurent, 2016).
Des approches porteuses de transformation
Avec l’initiative NAEC, l’OCDE cherche aussi à savoir comment appréhender la complexité de l’économie mondiale, caractérisée par les très nombreuses interconnexions entre les États et les réseaux d’entreprises, par le biais des chaînes de valeur régionales et mondiales. Nous envisageons de plus en plus l’économie mondiale comme un système complexe. Nous mesurons les liens fondés sur les échanges et l’investissement entre les économies – riches et pauvres – grâce à la base de données sur les échanges en valeur ajoutée (TiVA). En outre, nous examinons comment la coopération internationale en matière réglementaire fiscale peut contribuer à assurer l’égalité des conditions entre les pays.
Le programme d’action à mettre en œuvre pour réaliser les ODD doit être porteur de transformation afin de peser sur un avenir porteur de l’intensification des pressions sur l’environnement (changement climatique et appauvrissement des ressources, par exemple), de progrès technologiques et de la généralisation du numérique, mais aussi de l'aggravation des inégalités.
Avec l’initiative NAEC, nous préparons l’avenir, ou des avenirs possibles. Pour ce faire, nos Comités et nos Directions doivent continuer de poser des questions de fond et de remettre en cause les hypothèses de travail quant à notre compréhension de l’économie, tout en modifiant constamment nos approches analytiques. Pour que les objectifs mondiaux soient atteints, nous devons tous, collectivement, en faire de même. Nous devons changer nos mentalités, nos approches et au bout du compte, le fonctionnement de nos économies.