Solheim Erik
Débattre des enjeux : les nouvelles approches face aux défis économiques
Les Objectifs de développement durable et la coopération pour le développement
Les Objectifs de développement durable adoptés par les dirigeants mondiaux en 2015 sont axés sur les populations, la planète et la paix. Leur réalisation passe par un programme porteur de transformations, intégré et universel, fondé sur des politiques publiques appropriées, des financements suffisants et des partenariats effectifs.
Réussir le pari de la croissance économique n’a rien d’un miracle, selon la Commission sur la croissance et le développement (2008). Des progrès remarquables en direction des Objectifs du Millénaire pour le développement dans des pays comme le Botswana, le Brésil, la Chine, l’Indonésie, la Malaisie, Oman, Singapour et la Thaïlande montrent que la croissance économique a été un facteur essentiel pour relever le revenu de tous, et des pauvres en particulier. Les modèles de croissance de ces pays avaient des caractéristiques communes : intégration stratégique avec l’économie mondiale, mobilité des ressources, notamment de la main d’œuvre, forts taux d’épargne et d’investissement et présence d’un État capable, engagé en faveur de la croissance.
Les Objectifs de développement durable envisagent un nouveau modèle de croissance, un modèle inclusif, durable et résilient. Face à la multiplication des défis planétaires, une nouvelle approche de la croissance implique de prendre en considération la façon dont les bénéfices de la croissance sont répartis, l’impact sur l’environnement et la stabilité du système financier et économique mondial. Élaborer une stratégie de croissance incorporant tous ces éléments ne se fait pas en suivant une seule et unique recette, pour la bonne raison qu’une telle recette n’existe pas. Ce sont le moment et les circonstances qui déterminent comment intégrer les ingrédients, dans quelles quantités et dans quel ordre (Rodrik, 2008). Une réforme qui n’aurait à sa disposition que des ressources politiques et financières limitées devrait se concentrer sur les obstacles les plus importants à la croissance économique durable et à la réduction de la pauvreté.
Promouvoir le développement durable nécessite une amélioration quantitative et qualitative des ressources publiques et privées. Jusqu’à récemment, l’aide publique au développement (APD) était considérée comme la principale source de financement pour le développement. Pour autant, l’APD ne constitue qu’une partie des flux dirigés vers cette cause. À près de 161 milliards USD, l’APD ne représentait en 2013 que 18 % de l’ensemble des flux publics et privés émanant des 29 pays membres du Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE et des institutions financières internationales. Globalement, en 2013, les pays en développement ont reçu 250 milliards USD d’APD et d’« autres apports publics » effectués par des organismes publics à des conditions proches de celles du marché, de financements privés aux conditions du marché (investissements étrangers directs, par exemple) et de dons privés émanant de fondations philanthropiques et d’organisations non gouvernementales (OCDE, 2014).
Le consensus qui se dégage dans les travaux sur ce sujet est que l’aide a un effet positif, quoique modéré, sur la croissance. Si l’aide a permis d’éradiquer des maladies et de prévenir des famines, entre autres effets bénéfiques, son incidence sur la croissance est en revanche difficile à établir, d’après les données limitées et bruitées qui sont disponibles (Roodman, 2007). Pour Arndt et al (2010), il est raisonnable de penser qu’une aide équivalant à 1 % du produit intérieur brut (PIB) a fait gagner à la croissance économique 0.1 % par an en moyenne entre 1970 et 2000. C’est un petit impact, mais un impact utile. En réexaminant trois des articles publiés les plus influents portant sur le rapport entre aide et croissance, Clemens et al. (2012) ont découvert que les hausses de l’aide avaient généralement été suivies par des hausses de l’investissement et de la croissance. L’explication la plus plausible est que l’aide induit un certain degré de croissance dans les pays bénéficiaires, même si l’ampleur de cette relation est modeste, varie fortement d’un pays bénéficiaire à l’autre et tend à diminuer avec l’élévation du niveau de l’aide. Tarp et al (2009), dans un examen approfondi de la documentation sur le lien entre aide et croissance, ont conclu que le pessimisme âpre d’une bonne partie de la littérature récente était injustifié et que les implications de ces travaux pour les politiquespubliques étaient souvent injustifiées et globalement inutiles.
En général, l’APD produit des résultats positifs, mais il faudrait faire plus. L’APD peut être bénéfique en redressant les fondamentaux de la croissance, en soutenant les capacités des États, en renforçant la gouvernance et en traitant les déficits d’infrastructures. Elle s’est aussi révélée utile pour améliorer la qualité des systèmes d’éducation, de santé ou de protection sociale. Cette assistance est particulièrement importante pour les pays à faible revenu et spécialement pour les États en situation de fragilité ou de conflit, où l’intégration avec les marchés mondiaux est gravement entravée. Si son importance relative par rapport aux investissements privés décroît dans les pays à revenu intermédiaire, l’APD peut encore contribuer au développement de ces pays en mobilisant des flux privés, en exerçant un effet de levier sur l’investissement privé et facilitant les échanges commerciaux. La coopération pour le développement en provenance des pays du Sud prend aussi une importance croissante. La Chine est aujourd’hui une source majeure d’aide au développement, particulièrement en Afrique. Elle représente par ailleurs 20 % du total de l’investissement étranger direct dans les pays en développement. S’inspirant de leur propre expérience, le Brésil et le Mexique aident désormais leurs voisins d’Amérique latine. Les fondations sont également devenues desacteurs non négligeables. Celle de Bill et Melinda Gates donne actuellement plus pour le développement que nombre de pays de l’OCDE, par exemple.
L’environnement des politiques publiques pour le développement s’est profondément modifié. La troisième Conférence internationale sur le financement du développement et la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique recèlent des perspectives prometteuses, mais elles contiennent aussi une remise en question de la façon dont la communauté internationale du développement mène ses affaires. Compte tenu du caractère changeant de l’économie mondiale, de sa complexité grandissante et de l’évolution de la structure des échanges et des investissements, de nouvelles approches sont nécessaires pour mieux cerner les arbitrages et les complémentarités entre les différents objectifs stratégiques – par exemple, entre les politiques de soutien à la croissance et les préoccupations d’équité et d’écologie. Confronter ces préoccupations exige des solutions intégrées qui cassent les silos entre communautés d’experts. Trois priorités seront critiques pour la réalisation de cet ambitieux programme mondial : premièrement, une action de politique publique collective pour relever les défis mondiaux ; deuxièmement, une concentration des initiatives de développement sur le bien-être des populations ; et, troisièmement, la mise en œuvre de partenariats pour produire des résultats sur le terrain.
Lien utiles
Arndt, C., S. Jones et F. Tarp (2009), « Aid and Growth: Have We Come Full Circle? », Univ. of Copenhagen Dept. of Economics Discussion Paper, No. 09‐22, disponible sur http://ssrn.com/abstract=1489392 ou http://dx.doi.org/10.2139/ssrn.1489392.
Article original sur le blog OECD Insights : http://wp.me/p2v6oD-2oJ.
Commission sur la croissance et le développement (2008), The Growth Report Strategies for Sustained Growth and Inclusive Development, Groupe de la Banque mondiale, Washington, DC.
OCDE (2014), Coopération pour le développement 2014 : Mobiliser les ressources au service du développement durable, Éditions OCDE, Paris.
Rodrik, D. (2008), One Economics, Many Recipes: Globalization, Institutions, and Economic Growth. Princeton, NJ : Princeton University Press.