Pezzini Mario
Débattre des enjeux : les nouvelles approches face aux défis économiques
Passer de l’analyse à l’action : Les examens multidimensionnels par pays
Les examens multidimensionnels par pays (EMPP) aident les pays en développement à concevoir des stratégies de développement visant un haut niveau de performance. Ces dernières s'attachent aux facteurs indispensables au développement, à savoir une croissance durable et équitable et le bien-être des populations. Un nombre grandissant de pays en développement dans le monde font l’objet de ces examens. Beaucoup voient dans les EMPP un outil pour mettre en œuvre les Objectifs de développement durable.
La Stratégie de l’OCDE pour le développement de 2012 présente les examens multidimensionnels par pays comme une solution à un double problème. Premièrement, tous les pays se heurtent à des difficultés qui sont spécifiques à leur situation et à leur niveau de développement social, institutionnel et économique. Seul l’apprentissage mutuel et l’adaptation des connaissances spécialisées et des conseils au fonctionnement interne et à la situation extérieure d’un pays peuvent permettre d’élaborer de meilleures politiques pour une vie meilleure. Deuxièmement, à cette époque, les décideurs, en particulier dans les pays en développement, s'accordaient à penser que si les connaissances de l’OCDE en matière de politique sectorielle étaient excellentes, ses travaux ne permettaient guère d'élaborer une stratégie d'ensemble et de gérer les arbitrages. Pourtant, les principaux responsables publiques, en particulier ceux qui sont au centre du gouvernement, appelaient précisément de leurs vœux cette analyse globale et souhaitaient savoir dans quels domaines faire porter en priorité leurs efforts et dans quel ordre.
Peu avant que la Stratégie pour le développement de 2012 ne soit rendue publique, le Printemps arabe est venu ébranler un certain nombre de certitudes sur le développement. Prenons la Tunisie par exemple, ce pays obtenait de très bons résultats au regard de tous les indicateurs relatifs aux Objectifs du millénaire pour le développement et autres indicateurs macroéconomiques types (déficit budgétaire: 3 %; croissance moyenne depuis 1990: 5 %, taux de scolarisation dans l’enseignement primaire depuis 2008: 100 %; aux de couverture des soins de santé: 80 % de la population) et il menait de bonnes réformes dans le secteur des affaires. Bien que ce constat ne soit guère surprenant avec le recul, le soulèvement a révélé la nécessité d’une meilleure compréhension de ce que le progrès signifie pour un pays. Les observateurs avaient complètement sous-estimé l’importance de la cohésion sociale, le caractère fortement inégalitaire de la répartition des opportunités entre les régions et l’incapacité des systèmes institutionnels et productifs à s’adapter à l’évolution de la situation.
Les examens multidimensionnels par pays mettent les choses en perspective. Pour leurs auteurs, le développement doit renforcer la capacité d’une société à transformer sans cesse les ressources monétaires, humaines et naturelles en résultats sur le bien-être. La définition du bien-être s’inspire du cadre de l’OCDE Comment va la vie ? avec ses onze dimensions et concepts relatifs à la qualité de la vie et au bien-être matériel. Ceux-ci couvrent les revenus et l’emploi ainsi que les mesures du bien-être subjectif que sont les liens sociaux, l’engagement civique, l’environnement, la santé et le niveau d'instruction entre autres. La création permanente de ce type de bien-être requiert un large éventail de capacités dans les domaines de l’innovation, de la production, de la gouvernance, de la finance et de la protection sociale, pour n'en citer que quelques-uns.
S’ils veulent parvenir à un développement à large assise, les pays doivent améliorer leur fonctionnement à mesure qu’évoluent les conditions internes et externes. Chaque fois qu’un ensemble donné de facteurs, de ressources et de conditions extérieures empêche un pays de tirer profit des occasions qui s’offrent à lui et de faire face à ses problèmes sociaux et économiques les plus pressants, le développement s'en trouve entravé. Dans ce contexte, l’analyse traditionnelle se concentre souvent sur l'investissement ou sur les obstacles dus au manque de productivité. Ce diagnostic décrit un besoin bien réel dans la plupart des cas. Cependant, les problèmes sociaux, environnementaux et de gouvernance sont tout aussi importants et expliquent souvent les tendances de la productivité. Par exemple, les fortes inégalités donnent lieu à des systèmes scolaires très inégalitaires qui affaiblissent le capital humain, ce qui entraîne une baisse des capacités économiques et une plus faible productivité. La concentration du pouvoir économique réduit les possibilités de voir naître de nouvelles activités qui seront source de changement en contestant la position d'opérateurs moins efficients. La mauvaise utilisation des ressources naturelles peut aussi faire obstacle au développement. De faibles niveaux de confiance associés à un manque de transparence des systèmes judiciaire et exécutif aboutissent souvent à un contrat social réduit au plus petit dénominateur commun qui ne peut soutenir la transitionau profit de nouveaux moteurs de progrès.
Les examens multidimensionnels par pays ont été conçus de manière à être des outils évolutifs visant à aider les pays à identifier les principaux obstacles qui limitent leur potentiel. Ils fournissent aux décideurs nationaux et à leurs partenaires les éléments nécessaires à une stratégie de développement mise en œuvre et pilotée par le pays lui-même. Aidée par les boîtes à outils sur la prospective stratégique et l’apprentissage gouvernemental, une équipe multidisciplinaire travaille avec l’ensemble des directions de l’OCDE pour cerner les carences les plus importantes d’un pays s’agissant des résultats en matière de bien-être et les possibilités d'y remédier. Parmi les mesures à prendre pour venir à bout des insuffisances identifiées par les examens multidimensionnels comme ralentissant le développement, figurent les suivantes :
soutenir une croissance économique inclusive en diversifiant sans cesse l’économie afin de répondre à l’évolution de la demande du marché mondial (cette mesure apparaît sous diverses formes et couvre la plupart des stades de développement);
canaliser un volume suffisant de ressources financières vers les secteurs où elles peuvent être utilisées de la manière la plus productive;
transformer les ressources humaines nationales en capital humain en dotant les citoyens des compétences nécessaires pour développer davantage le potentiel économique, social et institutionnel du pays, compte tenu des possibilités les plus susceptibles de se concrétiser;
adapter l’environnement institutionnel au niveau de fonctionnement requis pour assurer la transition, notamment des systèmes judiciaires plus fiables, moins de corruption, et des mesures plus énergiques incitant à l'obtention de bons résultats dans la fonction publique;
gérer les ressources environnementales de manière à tirer le meilleur parti possible du capital naturel tout en encourageant les gains de productivité;
soutenir un contrat social qui dépasse les divisions entre l’économie formelle et l’économie informelle et assure bien-être et revenus en incluant le plus grand nombre de citoyens possible.
Par la suite, l’expertise de l’OCDE est utilisée par le pays partenaire pour venir à bout de ces points faibles et créer un système pérenne pour assurer la croissance et le bien-être. En Côte d’Ivoire, des experts sectoriels de l’OCDE ont travaillé avec une solide équipe locale au sein du Cabinet du Premier Ministre pour élaborer un plan d’action public complet qui porte sur les mesures à prendre en faveur de la modernisation de l’économie, des infrastructures, d’un système fiscal plus efficace et plus équitable, du développement de compétences capables de soutenir la transformation de la production, et d’un secteur financier qui puisse acheminer les ressources là où elles seront le plus productives.
L’analyse n’est que la première étape. Tout progrès nécessite une action. Avec cette idée présente à l’esprit, l’équipe de l’OCDE travaille en étroite coopération avec un groupe resserré de décideurs et d’analystes nationaux tout au long du processus de l’examen multidimensionnel. Ainsi, les recommandations seront bien adaptées à la situation et aux priorités nationales et les décideurs seront en mesure de tirer pleinement parti des conclusions de l'examen. Les travaux préparatoires requièrent la collaboration d’un large éventail de décideurs et de chercheurs mais aussi d’acteurs publics et privés et de représentants des ONG. Ils couvrent l’ensemble des régions du pays et pas seulement la capitale. Une foisélaborées l’analyse et les recommandations, le processus ne consiste pas seulement à présenter un rapport mais aussi à engager un véritable dialogue autour des recommandations fondées sur des priorités partagées. Il en résulte un programme qui, lorsqu’il est mis en œuvre dans de bonnes conditions, peut transformer rapidement et de manière positive le bien-être national.
Liens utiles
Article original sur le blog OECD Insights : http://wp.me/p2v6oD-2mV.
Les examens multidimensionnels par pays de l’OCDE : www.oecd.org/dev/mdcr.htm.