Tous les pays et parties prenantes peuvent bénéficier d'une compréhension plus approfondie de ce qui motive les contribuables à vouloir faire partie du système fiscal et à s’y conformer. Approfondir cette notion peut enclencher la dynamique nécessaire à la conception de systèmes fiscaux plus efficaces et réactifs et mieux à même de faire progresser la discipline fiscale volontaire. Par conséquent, même si ce rapport porte essentiellement sur des considérations relevant du développement, ses conclusions et recommandations intéresseront probablement un plus large éventail de pays et de parties prenantes.
Ce rapport est axé sur les pays en développement, étant donné que les Objectifs de développement durable (ODD) et le Programme d'action d'Addis-Abeba (PAAA) ont clairement mis en évidence la nécessité de favoriser une amélioration de l'efficacité et de l'efficience de la mobilisation des ressources intérieures. Cette dernière occupe une place centrale dans le financement du développement et les recettes fiscales constituent la première source de ce financement, quel que soit le niveau de développement. Comme on estime qu'il manque entre 3 000 milliards et 14 000 milliards USD pour financer les ODD (CEPALC, 2017[3]), les ODD comme le PAAA soulignent que la communauté internationale doit œuvrer pour que la mobilisation des ressources intérieures contribue au maximum à combler ce déficit de financement.
Jusqu'à présent, l'essentiel des efforts déployés en matière de mobilisation des ressources intérieures a porté sur la politique fiscale internationale et le renforcement des capacités des administrations fiscales. Depuis la crise financière mondiale de 2008, la politique fiscale internationale suscite un intérêt considérable, ainsi que les questions relatives à la fraude et à l’évasion fiscales trnsfrontalières. De ce fait, divers outils, normes et approches nouveaux ont été créés pour remédier aux problèmes que constituent la non-déclaration d'avoirs détenus à l'étranger par les particuliers et la planification fiscale agressive des entreprises multinationales. Outre ces nouveaux mécanismes, qui sont prometteurs pour les pays développés comme les économies en développement, l'accent a été mis de plus en plus sur la création et l'évaluation des éléments constitutifs de l'efficacité des administrations fiscales.
En revanche, la compréhension et l'amélioration du civisme fiscal ont été des questions relativement négligées. Le civisme fiscal, généralement défini comme la motivation intrinsèque du paiement de l'impôt, est un aspect primordial des systèmes fiscaux puisque la plupart d'entre eux doivent l'essentiel de leurs recettes au respect spontané de leurs obligations par les contribuables. Son amélioration est donc de nature à permettre de recouvrer plus de recettes en mobilisant des moyens de mise en œuvre (relativement) limités. Sur le court terme, ce potentiel d’amélioration peut se situer essentiellement dans des approches économiques de type comportemental, alors que sur le long terme il faudra davantage de changements structurels pour asseoir la confiance et la légitimité auprès des contribuables. Compte tenu de ce potentiel, il est paradoxal qu'il ait suscité relativement peu d'intérêt.
Ce rapport porte spécifiquement sur le civisme fiscal dans les pays en développement, et fait appel à de nouvelles sources de données pour cerner certains des facteurs et dynamiques qui le sous-tendent. Une meilleure connaissance des facteurs qui influent sur la perception du système fiscal par les contribuables et sur leur consentement à payer des impôts constitue un point de départ pour améliorer le civisme fiscal. Le rapport tente de déceler les déterminants du civisme fiscal parmi les particuliers et les entreprises à partir de données récentes, bien que les données soient limitées, surtout dans les pays en développement ; de ce fait des aspects importants n’ont pas pu être testés, comme la manière dont l’équité du système fiscal est perçue et peut affecter le civisme fiscal. Cela pourrait être un domaine à valoriser pour les recherches à venir dès que les données seront disponibles. Dans le chapitre 1 sont analysées des données issues d'enquêtes de portée mondiale ou régionale menées auprès des particuliers. Le grand nombre de répondants permet de réaliser une étude relativement approfondie par le biais d'une analyse microéconométrique. Les données sur le civisme fiscal des entreprises sont plus difficiles à obtenir. En utilisant la sécurité juridique en matière fiscale comme indicateur indirect du civisme fiscal, nous nous sommes efforcés dans le chapitre 2 de recenser certains des facteurs susceptibles d'influer sur le civisme fiscal des entreprises multinationales à partir de données d'enquête recueillies auprès de plus de 500 entreprises exerçant des activités dans plus de 80 pays en développement et représentant un chiffre d'affaires global de plus de 15 000 milliards USD.