Seth Berkley
CEO of Gavi, The Vaccine Alliance
Coopération pour le développement 2020
Un accès équitable aux vaccins contre le COVID‑19 doit rester une priorité si nous voulons mettre un terme à cette crise : Point de vue
Tandis que les premiers résultats prometteurs de candidats-vaccins contre le COVID‑19 commencent à être annoncés, on peut espérer que la fin de cette crise mondiale est à portée de main. Espérer seulement, parce que même si nous sommes aujourd’hui à un tournant et que nous disposons d’une solution mondiale qui pourrait mettre un terme à la phase aiguë de cette pandémie, nous n’y sommes pas encore tout à fait. Des données probantes montrant que la vaccination peut procurer une protection contre le virus pourraient bien changer la donne, mais elles induiront également une demande encore plus forte de vaccins contre le COVID‑19. Voilà pourquoi il est si important de veiller à ce qu’un accès équitable demeure une priorité mondiale. En effet, tant que les habitants de tous les pays ne seront pas protégés, le virus continuera de circuler, et la possibilité d’un retour à la normale dans nos vies quotidiennes, les affaires, le commerce et les déplacements, mais aussi les espoirs de relancer l’économie mondiale continueront de se dérober à nous.
Le COVAX est le seul moyen d’éviter cela. Coordonné par mon organisation, Gavi, l’Alliance du vaccin, ainsi que par la Coalition for Epidemic Preparedness Innovations et l’Organisation mondiale de la santé, ce mécanisme est la seule solution véritablement mondiale qui permette que l’accès aux vaccins anti-COVID‑19 soit rapide, juste et équitable. De plus, en faisant en sorte que tous les ingrédients nécessaires – chaînes d’approvisionnement, équipements de chaîne du froid, agents de santé formés et systèmes de données – soient en place afin de mener à bien ce qui sera, concrètement, le déploiement mondial de vaccins le plus vaste et le plus rapide qui ait jamais existé, le COVAX aidera aussi le monde à repartir sur de meilleures bases et à améliorer notre résilience face aux futures pandémies, en particulier pour les économies les plus pauvres. Mais maintenant que la communauté mondiale se rétablit, grâce à l’intervention des pays donneurs malgré la situation économique actuelle, et que nous disposons du COVAX, ce dernier ne pourra réussir que si toutes les parties prenantes se rappellent pourquoi nous en avons besoin et qu’elles jouent leur rôle et veillent à ce que l’autre solution ne prévale pas.
Le COVAX constitue l’effort multilatéral le plus important depuis l’Accord de Paris. À l’heure où tant de pays sont confrontés à une menace si immédiate et existentielle, s’unir pour œuvrer à une solution commune qui profite à tous est simplement sans précédent ; c’est un témoignage remarquable de solidarité.
Avec plus de 189 économies impliquées, représentant environ 90 % de la population mondiale, le COVAX constitue l’effort multilatéral le plus important depuis l’Accord de Paris. À l’heure où tant de pays sont confrontés à une menace si immédiate et existentielle, s’unir pour œuvrer à une solution commune qui profite à tous est simplement sans précédent : c’est un témoignage remarquable de solidarité. Mais en réalité, un tel soutien n’existe que parce que le COVAX fonctionne dans l’intérêt de chacun. Pour les quelque 35 États et économies prospères qui peuvent se permettre de négocier des accords bilatéraux avec les fabricants pour se procurer des doses de vaccins pour leurs citoyens, c’est une police d’assurance qui augmente leurs chances d’obtenir des vaccins efficaces contre le COVID‑19, même si ces accords venaient à ne pas aboutir. Mais pour le reste du monde, c’est une bouée de sauvetage, qui permet la fourniture de doses aux citoyens des pays, riches ou pauvres, qui autrement n’auraient pas ou guère accès à ces vaccins.
Toutefois, même si le COVAX a été conçu de telle sorte qu’il profite à tout le monde, nous devons garder à l’esprit qu’il a été élaboré pour les personnes les plus pauvres de la planète. Si le dispositif COVAX donne à tous les pays participants accès au portefeuille de vaccins anti-COVID‑19 le plus vaste et le plus diversifié au monde et assure que les fabricants sont prêts à produire des doses à grande échelle dès que les vaccins sont homologués, le système de Garantie de marché de Gavi pour les vaccins contre le COVID‑19 (AMC Covax de Gavi) est là pour les pays à revenu faible et intermédiaire. Sans ce dispositif, les gouvernements de ces pays pourraient devoir se passer de vaccins ou être forcés de prendre des mesures de dernier recours, contractant un prêt commercial pour se procurer des vaccins moins efficaces ou moins appropriés et qui sont plus onéreux pour leurs citoyens. Dans cette configuration, le virus pourrait continuer de se propager tout en accentuant l’endettement de ces pays déjà en difficulté.
C’est pourquoi il faut absolument que l’AMC réussisse. Grâce à une démonstration éclatante de ce que peut permettre le multilatéralisme, nous avons déjà pu obtenir les 2 milliards USD nécessaires pour lancer les transactions. Mais si nous voulons que le COVAX atteigne son objectif initial, à savoir mettre à disposition 2 milliards de doses de vaccins anti-COVID‑19 d’ici la fin de 2021 – près d’un milliard de ces doses étant destinées aux 92 pays à revenu faible et intermédiaire les plus pauvres –, alors nous devons mobiliser les 5 milliards USD, au minimum, nécessaires pour y parvenir. À cette fin, il faut veiller à ce que l’AMC constitue une priorité pour l’aide publique au développement (APD).
Étant donné l’impact dévastateur que le COVID‑19 a déjà sur les pays à revenu faible et intermédiaire, on peut avancer que la demande d’APD n’a jamais été aussi forte. C’est là un argument supplémentaire pour l’orienter sur des usages qui auront l’impact le plus profond et le plus durable, comme l’AMC Covax de Gavi, parce que la réponse à cette crise coûte déjà aux pays à revenu faible et intermédiaire 52 milliards USD toutes les quatre semaines. Cela n’est pas tenable : il faut absolument stopper le virus grâce à des investissements simultanés qui assureront que les individus dans tous les pays ont accès à des vaccins sûrs et efficaces. Nous pourrons ainsi non seulement mettre un terme le plus rapidement possible à la phase aiguë de la pandémie actuelle, mais aussi renforcer la résilience face à prochaine. Parce qu’il y en aura une prochaine, nous pouvons en être certains : ainsi va l’évolution.
oks