Le processus de réparation est un processus distinct et déterminant que les pratiques de diligence raisonnable doivent faciliter et accompagner. Le présent chapitre décrit différentes manières, pour une entreprise du secteur du cacao, d'atténuer les risques et de réparer les effets associés au travail des enfants et au travail forcé, par ses propres moyens ou en coopération avec d’autres acteurs si nécessaire.
Manuel à l’intention des entreprises sur le devoir de diligence dans le secteur du cacao
Réparer : réparer par les seuls moyens de l'entreprise ou en coopération avec d’autres acteurs si nécessaire
Abstract
Réparer par les seuls moyens de l'entreprise ou en coopération avec d’autres acteurs si nécessaire
La réparation vise « à faire en sorte que la ou les personnes concernées soient placées dans la situation dans laquelle elles se seraient trouvées si les conséquences négatives n’étaient pas survenues (si toutefois c'est possible) et à leur accorder des réparations proportionnées à l’importance et à l’ampleur de ces conséquences » (OCDE, 2018[3]).
Selon les recommandations de l’OCDE (Graphique 5), lorsqu’une entreprise constate qu’elle est à l'origine d'effets négatifs réels ou qu’elle a contribué à la survenue de ces effets, elle doit réagir en les réparant par ses propres moyens ou en coopération avec d’autres acteurs.
Ces réparations peuvent prendre différentes formes :« excuses, restitution, réhabilitation, compensations financières ou non financières et sanctions (pénales ou administratives, amendes notamment) ou encore prévention des pratiques abusives au moyen notamment d’injonctions ou de garanties de non-répétition » (HCR, 2011[36])
La réparation en cas de travail des enfants, consiste à apporter un soutien aux enfants, ainsi qu’à leurs familles et à leurs communautés, pour leur permettre d'échapper à l'astreinte du travail. Dans la pratique, de nombreuses activités et mesures de soutien peuvent être mises en place pour aider un enfant à sortir de sa condition de travailleur contraint, et celles-ci sont semblables aux mesures de prévention et d’atténuation des risques futurs ; se reporter au chapitre 3 pour plus d’informations sur les mesures de prévention et d’atténuation. En outre, la réparation en cas de travail forcé consiste en un processus de soutien aux victimes (enfants ou adultes) visant à mettre fin aux situations de travail forcé et, dans la mesure du possible, à remédier aux préjudices subis par les victimes. Les entreprises doivent consulter les personnes concernées, y compris les enfants, les adolescents, les personnes qui s'occupent d'eux ou les membres de la famille, pour s’assurer qu’elles comprennent la situation et qu'elles en connaissent les raisons. Les entreprises doivent également discuter du type de prise en charge nécessaire pour permettre à l’enfant de ne plus être de nouveau contraint de travailler.
Voici des exemples de réparation en cas de travail des enfants :
a) procurer des fournitures scolaires et une aide financière pour les frais de scolarité (distribution de kits de fournitures scolaires, d'uniformes, prise en charge de frais divers, octroi de pécules et autres mesures permettant à l’enfant de s’insérer dans le système éducatif, etc.) ;
b) contribuer au soutien scolaire (tutorat et cours de rattrapage pour les enfants, etc.) ;
c) donner à l’enfant accès à une formation professionnelle ou à un apprentissage.
Face à des enfants n’ayant pas accès à une éducation de qualité, les entreprises peuvent également envisager une contribution à des initiatives au niveau de la communauté (construction d’infrastructures essentielles en collaboration avec les pouvoirs publics et des acteurs locaux). Les entreprises qui sont à l'origine du travail des enfants ou qui y contribuent doivent être prêtes à octroyer un soutien financier et logistique supplémentaire dès qu'un cas est signalé. Le Graphique 9 propose un arbre de décision destiné à aider les entreprises à choisir comment aider les enfants et les communautés.
Voici des exemples de réparation en cas de travail forcé :
Versement d'une restitution qui permet de faire en sorte que les travailleurs perçoivent tout salaire qui leur est dû ou sont dédommagés de toute autre sanction pécuniaire (intérêts sur des prêts par exemple).
Versement d'une compensation pour les douleurs et les souffrances endurées.
Réhabilitation pouvant inclure l’attribution de bourses, une aide juridique ou une aide au rapatriement si la victime le souhaite.
Il peut également s’agir de dispenser des soins médicaux, un soutien psychologique ou toute autre forme d’assistance à laquelle la victime, en raison des circonstances, ne peut pas accéder par ses propres moyens.
Mécanisme de réclamation
L’OCDE recommande aux entreprises, si nécessaire, de mettre en place elle-même des dispositifs de dépôt de réclamations légitimes ou de coopérer avec d’autres acteurs pour le faire, afin que les détenteurs de droits puissent déposer des réclamations auxquelles l’entreprise répondra. Il peut s’agir de processus publics ou non publics. Parfois, les entreprises ont l’obligation de recourir à des mécanismes judiciaires ou extrajudiciaires relevant des pouvoirs publics, notamment à des organismes publics spécialisés (voir l’Encadré 9 sur les Points de contact nationaux de l’OCDE pour une conduite responsable des entreprises, à titre d'exemple), des organismes de protection des consommateurs, de contrôle de la réglementation ou protection de l’environnement. Elles peuvent également s'appuyer sur des mécanismes de réclamation ne relevant pas de la sphère publique, notamment des mécanismes multipartites, ou sur d'accords-cadres internationaux signés par des syndicats et des entreprises multinationales.
Les systèmes de réclamation gérés, au niveau opérationnel, par les entreprises jouent également un rôle important pour l'accès à des voies de recours car ils alertent les entreprises sur l'existence d’éventuels effets négatifs de leurs activités auxquels elles doivent remédier. Il peut s’agir de mécanismes internes de dépôt de plaintes par des travailleurs ou de systèmes de dépôt de plaintes par des tierces parties. Les mécanismes de réclamation mis en place au niveau opérationnel doivent être conçus dans le respect des critères d’efficacité fondamentaux énoncés dans les Principes directeurs des Nations Unies et dans ceux de l’OCDE, qui insistent sur le fait que ces dispositifs doivent être légitimes, accessibles, prévisibles, équitables, transparents, compatibles avec le respect des droits et sources d’apprentissage continu. Dans le secteur du cacao, les entreprises peuvent coopérer avec les communautés d’agriculteurs pour créer des points de contact chargés de recueillir les réclamations. Les communautés sont ainsi en mesure de réfléchir aux problématiques rencontrées et de concevoir et mettre en œuvre des solutions avec le concours de groupements d’agriculteurs locaux.
Encadré 9. Recours par l’intermédiaire des Points de contact nationaux de l’OCDE pour la conduite responsable des entreprises
Le réseau des Points de contact nationaux de l'OCDE pour la conduite responsable des entreprises est composé d’agences établies par es administrations des pays ayant adhéré aux recommandations de l’OCDE sur la conduite responsable des entreprises. Il assume une double responsabilité : promouvoir les Principes directeurs de l’OCDE et les guides sur le devoir de diligence y afférents, et contribuer à la résolution de cas au moyen d’un processus volontaire nommé « circonstances spécifiques ». À ce jour, 51 pays se sont dotés d’un Point de contact national et les PCN du réseau ont été saisis de plus de 620 « circonstances spécifiques ».
En 2014, les ONG Equitable Cambodia (EC) et Inclusive Development International (IDI) ont saisi le Point de contact national australien d'un cas (une "circonstance spécifique") motivé par l'allégation que l’établissement bancaire ANZ n’avait pas respecté les Principes directeurs dans le cadre de sa participation à un projet de Phnom Penh Sugar Co. Ltd (PPS) au Cambodge. Le Point de contact national australien a examiné les points soulevés, notamment la saisie de terres, le travail d'enfants et la destruction de cultures et de biens par PPS pour faire place à une plantation de canne à sucre financée par la banque ANZ. Malgré une médiation organisée sous l'égide du Point de contact national, les parties ne sont pas parvenues à un accord. Des acteurs de la société civile présents sur place ont continué de poser la question d’une compensation et ont apporté un soutien essentiel au Point de contact national pour faciliter le processus pendant la phase de suivi. Les parties ont ainsi renoué le dialogue et la banque ANZ a accepté de dégager une contribution financière correspondant au bénéfice brut qu’elle a réalisé sur cette opération afin de soulager les difficultés subies par les communautés concernées et de soutenir leurs efforts de réhabilitation.
Source : OECD (2020[37]), National Contact Points for Responsible Business Conduct: Providing access to remedy – 20 years and the road ahead, https://mneguidelines.oecd.org/NCPs-for-RBC-providing-access-to-remedy-20-years-and-the-road-ahead.pdf.