Le contrôle des concentrations permet d'éviter les concentrations économiques anticoncurrentielles et constitue un élément clé des régimes de concurrence. Les lignes directrices sur les concentrations jouent un rôle crucial dans la mise en place d'un régime efficace de contrôle des concentrations, et peuvent être utiles en particulier pour les régimes de concurrence les plus jeunes, où la culture de la concurrence est encore émergente. Le cadre du droit tunisien de la concurrence concernant l’examen des concentrations présente une série de limitations, notamment un seuil de notification basé sur le chiffre d’affaires très élevé et l’absence d’un régime de contrôle des concentrations simplifié et en deux phases, ainsi que l’absence de formulaires de notification des concentrations. La Tunisie cherche actuellement à mettre en œuvre des lignes directrices en matière de concentrations et un projet a été soumis à l'OCDE. Cette section présente une vue d'ensemble des lignes directrices sur les concentrations dans des juridictions sélectionnées et examine le projet de lignes directrices de la Tunisie sur le contrôle des concentrations.
Le rôle des lignes directrices dans la promotion de la politique de concurrence en Tunisie
4. Contrôle des concentrations
Abstract
4.1. Aperçu du contrôle des concentrations en Tunisie
L’article 7 de la loi no 2015-36 du 15 septembre 2015 prévoit que tout projet de fusion susceptible de créer ou de renforcer une position dominante sur le marché national ou une partie substantielle de celui-ci doit faire l’objet d’une autorisation préalable du ministre du Commerce. Le régime tunisien de contrôle des concentrations prévoit deux seuils de notification unitaires alternatifs (c’est-à-dire concernant l’ensemble des entreprises qui fusionnent) : un test basé sur le chiffre d’affaires (chiffre d’affaires supérieur à 100 millions TND sur le marché national) et un test basé sur les parts de marché (part de marché combinée de 30 % sur le marché intérieur).
Comme souligné par l’Examen par les pairs, le nombre de notifications de concentrations en Tunisie est nettement inférieur à celui dans d’autres juridictions comparables. Il est plus de 22 fois inférieur à la moyenne de la région Moyen-Orient et Afrique en 2022 (OCDE, 2024[8]). Ce constat s’explique en partie par le seuil basé sur le chiffre d’affaires, qui est trop élevé au regard de la réalité économique de la Tunisie (OCDE, 2022, pp. 105-106[1]).
Le seuil basé sur le chiffre d’affaires en vigueur en Tunisie représentait 0.0771 % du PIB en 2021. Le tableau ci-après fait la synthèse de la situation prévalant dans les juridictions de l’échantillon examiné dans le présent rapport, y compris leur PIB, leurs seuils de notification basé sur le chiffre d’affaires, ainsi que les seuils en pourcentage du PIB. Ces chiffres montrent la mesure dans laquelle ils peuvent être confrontés au volume de leurs économies, en utilisant le PIB de ces juridictions. Ils confirment que le seuil basé sur le chiffre d’affaires en Tunisie est effectivement trop élevé.
Tableau 4.1. Seuils de notification basé sur le chiffre d’affaires dans les juridictions de l’échantillon et leur % du PIB en 2021
Juridiction |
PIB 2021 (millions USD en cours) |
Niveau du seuil (USD) |
% du PIB |
---|---|---|---|
Tunisie |
46 687 |
36 010 000 |
0.0771 |
Pays membres de l’OCDE de l’échantillon |
|||
Belgique* |
594 104 |
118 300 000 47 320 000 |
0.0199 0.0079 |
Canada** |
1 988 336 |
319 120 000 74 195 400 |
0.0160 0.0037 |
Union européenne*** |
17 177 419 |
5 915 000 000 295 750 000 |
0.0344 0.0017 |
France**** |
2 957 880 |
177 450 000 59 150 000 |
0.0059 0.0019 |
Pays non membres de l’OCDE de l’échantillon |
|||
Kenya***** |
110 347 |
9 100 000 910 000 |
0.0082 0.0008 |
Philippines****** |
394 086 |
101 500 000 40 600 000 |
0.0257 0.0103 |
Afrique du Sud******* |
419 015 |
40 620 000 6 770 000 |
0.0097 0.0016 |
Note : Certains des seuils mentionnés ci-avant prennent en compte les actifs individuels et combinés de toutes les entreprises participant à l’opération, tandis que d’autres exigent qu’une seule des parties atteigne le seuil.
* En Belgique, un seuil est fixé pour le volume réalisé dans le pays par les entreprises participant à la fusion et un autre pour le volume réalisé individuellement par deux au moins des parties concernées (en outre, l’opération ne doit pas relever de la compétence de la Commission européenne).
** Le Canada détermine un seuil pour le volume réalisé dans le pays par l’ensemble des entreprises participant à la fusion et un autre pour la taille de l’opération.
*** Dans l’UE, un seuil est prévu pour le volume réalisé au niveau mondial de l’ensemble des entreprises participant à la fusion et un autre pour le volume réalisé individuellement par deux au moins des parties concernées à l’échelon de l’UE. Il existe également une autre option comportant des seuils plus bas.
**** La France prévoit un seuil pour le volume réalisé au niveau mondial de l’ensemble des entreprises participant à la fusion et un autre pour le volume réalisé individuellement par deux au moins des parties concernées (en outre, l’opération ne doit pas relever de la compétence de la Commission européenne). Il existe également des seuils inférieurs spécifiques applicables aux concentrations dans le secteur du commerce au détail et aux concentrations dans certains territoires français d’outre-mer.
***** Au Kenya, il existe un seuil pour le volume réalisé dans le pays de toutes les entreprises participant à la fusion et un autre pour le volume réalisé dans le pays par l’entreprise cible. Il existe également des seuils spécifiques pour les concentrations dans les secteurs de la santé, des minéraux à base de carbone et du pétrole. Les opérations qui atteignent le seuil de notification des concentrations du COMESA sont exemptées de notification si au moins deux tiers du chiffre d’affaires ou des actifs (le plus élevé des deux) ne sont pas générés ou situés au Kenya.
****** Aux Philippines, il existe un seuil pour le volume réalisé dans le pays par toutes les entreprises participant à la fusion et un autre pour la taille de l’opération.
******* En Afrique du Sud, il existe un seuil pour le volume réalisé dans le pays par toutes les entreprises participant à la fusion et un autre pour le volume réalisé par l’entreprise transférée/cible. Ces chiffres se rapportent à ce que l’on appelle les « concentrations intermédiaires ». Il existe également des seuils plus élevés pour les « grandes concentrations ».
Source : Banque mondiale, https://data.worldbank.org/indicator/NY.GDP.MKTP.CD?name_desc=false et les sites web des autorités de la concurrence. Taux de change (moyenne de 2021) : TND 1 = USD 0.3601 ; CAD 1 = 0.7978 ; EUR 1 = USD 1.183 ; KES 1 = USD 0.0091 ; PHP 1 = USD 0.0203 ; ZAR 1 = USD 0.0677.
Le seuil basé sur le chiffre d’affaires est également trop élevé au regard de la taille des entreprises implantées en Tunisie. Il ressort des Études économiques de l’OCDE : Tunisie 2018, qu’une fois créées, les entreprises tunisiennes restent de petite taille, faisant face à d’importantes contraintes d’accès au marché, des réglementations restrictives, une fiscalité lourde et des difficultés d’accès au financement (OCDE, 2018, p. 66[9]). En réalité, la Tunisie comptait 828 821 entreprises en 2021, parmi lesquelles seulement 0.2 % employaient plus de 100 salariés et moins de 0.1 % plus de 200 (Statistiques Tunisie, 2022, p. 17[10]).
Le Graphique 4.1 présente la répartition du chiffre d'affaires des 100 plus grandes entreprises en Tunisie, indiquant que seules 88 entreprises ont un chiffre d'affaires supérieur à 100 millions TND, le seuil actuel de notification basé sur le chiffre d'affaires. Cela signifie que seules 88 entreprises sur plus de 800 000 en Tunisie devraient notifier une opération, ce qui confirme que le seuil actuel de notification basé sur le chiffre d’affaires est trop élevé.
Même si le seuil fondé sur les parts de marché pourrait couvrir les opérations qui ne sont pas visées par le seuil fondé sur un chiffre d’affaires élevé, la détermination des parts de marché au stade de la notification peut poser des difficultés et risque d’entraîner une insécurité juridique et des coûts élevés pour les entreprises, comme souligné lors de l’Examen par les pairs (OCDE, 2022, p. 104[1]). Par ailleurs, dans la pratique, le seuil basé sur les parts de marché n’a pas permis de détecter efficacement les opérations anticoncurrentielles qui ne sont pas couvertes par le seuil basé sur le chiffre d’affaires en Tunisie.
En outre, alors que le ministre du Commerce est l’autorité compétente pour approuver les concentrations, le Conseil de la concurrence émet un avis non contraignant, dans lequel il conseille le ministre, qui peut alors (i) autoriser l’opération, (ii) autoriser l’opération sous réserve de mesures correctives, ou (iii) bloquer l’opération.
L’évaluation d’impact sur la concurrence porte sur la question de savoir si une opération créera ou renforcera une position dominante, ainsi que sur des considérations d’intérêt général (en particulier, les avantages de l’opération en termes de progrès technique ou économique et d’objectifs de politique industrielle).
Entre 2015 et 2021, 34 opérations de concentrations ont été notifiées au ministère du Commerce, parmi lesquelles 30 ont été autorisées sans conditions, trois ont été autorisées sous réserve de mesures correctives, et une seule a été bloquée.
Les secteurs de l’assurance, de la microfinance, de la banque et de l’audiovisuel sont exclus du régime général de contrôle des fusions par des législations spécifiques, qui instaurent des régimes particuliers pour ces secteurs. Dans les secteurs de l’assurance, de la microfinance et de la banque, des réglementations spécifiques confèrent à une autre autorité la compétence d’examiner et d’approuver les fusions : le ministre des Finances (secteurs de l’assurance et de la microfinance) et la Commission d’agrément, après un avis préparé par la Banque centrale de Tunisie (secteur bancaire). Dans le cas de fusions dans le secteur bancaire, le Conseil de la concurrence n’est même pas consulté, alors qu’il n’y a pas eu de fusions dans les secteurs de l’assurance et de la microfinance. Par ailleurs, le secteur de l’audiovisuel fait l’objet d’une interdiction presque absolue de consolidation (OCDE, 2022, pp. 126-131[1]).
Comme indiqué lors de l’Examen par les pairs, la Tunisie ne dispose pas d’un régime de contrôle des fusions en deux phases ou simplifié, ce qui explique en partie la durée prolongée de l’examen des fusions.
En outre, il n’existe pas en Tunisie de formulaires officiels pour la notification des fusions. Ces formulaires pourraient limiter la marge de manœuvre des autorités de la concurrence concernant les demandes qu’elles peuvent adresser aux entreprises concernées au cours de la procédure d'examen des fusions. Les autorités de la concurrence utilisent couramment des formulaires de notification de fusion, qui précisent les informations et les documents que les entreprises participant à la fusion doivent soumettre dans le cadre de la notification. Si ces formulaires n’empêchent pas les autorités de la concurrence de demander des documents supplémentaires à un stade ultérieur, ils augmentent la prévisibilité du point de vue des entreprises participant à la fusion et permettent de réduire la durée de l’examen. En effet, les informations essentielles seront toujours fournies au début du processus et les parties à la fusion peuvent rassembler les informations requises avant la procédure administrative. En règle générale, les formulaires de notification varient selon qu’il s’agit d’une opération simplifiée ou d’une opération complexe. De nombreuses juridictions ont introduit des formulaires de notification de fusion, y compris les juridictions sélectionnées à des fins de comparaison dans le présent rapport (l’Afrique du Sud, la Belgique, le Canada, la France, le Kenya, les Philippines et l’Union européenne.
L’article 43(2) de la loi no 2015-36 prévoit que si les entreprises mettent en œuvre l’opération avant la notification et approbation lorsqu’elle remplit les conditions énumérées à l’article 7(3) de la loi no 2015-36 (ce qu’on appelle le gun jumping), celles-ci sont passibles d’une amende pouvant aller jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires réalisé en Tunisie, même si le défaut de notification était involontaire ou était le résultat d’une négligence. Si les règles tunisiennes relatives au gun jumping semblent tenir compte des meilleures pratiques au niveau international, l’absence de mesures d’application s’écarte des pratiques internationales. En effet, alors que la mise en œuvre de la législation sur la réalisation anticipée a été renforcée dans le monde entier, les autorités tunisiennes de la concurrence n’ont jamais sanctionné d’entreprises pour ce type d’infraction, malgré l’identification d’opérations non notifiées remplissant les seuils de notification (OCDE, 2022, p. 106[1]).
Enfin, la notification d’une fusion n’est soumise à aucun frais Tunisie. Une telle mesure pourrait pourtant permettre d’augmenter le budget des autorités de la concurrence (et ainsi de renforcer les ressources humaines) (OCDE, 2022, p. 108[1]).
4.2. Lignes directrices relatives au contrôle des concentrations
Les lignes directrices sur les fusions contribuent à assurer l’efficacité du régime de contrôle des fusions, et peuvent être utiles en particulier pour les régimes de concurrence où la culture de la concurrence est encore émergente. Elles décrivent les méthodes des autorités de la concurrence et les critères qu’elles devraient prendre en compte lorsqu’elles contrôlent un projet de fusion ou d’acquisition. Elles fournissent également des indications sur la marche à suivre pour évaluer les effets potentiels d’une fusion sur la concurrence, notamment sur la structure du marché, les prix et l’innovation.
Elles facilitent la tâche des autorités de la concurrence, auxquelles elles fournissent un cadre sur lequel s'appuyer pour évaluer les effets potentiels d’un projet de fusion ou d’acquisition sur la concurrence. Le contenu des lignes directrices peut différer d’une autorité de la concurrence à l’autre, souvent selon l’expérience de l’autorité de la concurrence et le degré de familiarité des entreprises avec le contrôle des fusions. Le plus souvent, elles définissent les concepts les plus pertinents, décrivent les grandes étapes de la procédure et les critères retenus pour l’examen des projets de fusion. En règle générale, les lignes directrices sur les fusions précisent les informations ou analyses dont les autorités tiennent normalement compte lorsqu’elles évaluent un projet de fusion, à savoir la définition du marché, la concentration, les barrières à l’entrée et le risque d’effets coordonnés ou unilatéraux. Elles aident ainsi les autorités à repérer et à analyser d’éventuelles fusions présentant des risques pour la concurrence et de décider d’autoriser ou non l’opération en toute connaissance de cause. Qui plus est, comme décrit au chapitre 3, elles sont aussi de nature à garantir plus de transparence et de prévisibilité à l’entreprise qui fusionne ou qui en acquiert une autre, en lui permettant de mieux cerner les critères qui seront pris en compte lors du contrôle de l’opération. Cette approche est conforme à la Recommandation du Conseil de l’OCDE sur le contrôle des fusions, qui indique que les juridictions doivent faire en sorte que les règles, les mesures, les pratiques et les procédures intervenant dans le processus de contrôle des fusions soient transparentes et publiquement disponibles (OCDE, 2005[11]).
Cette section aborde les éléments généralement couverts par les lignes directrices sur les fusions en comparant les lignes directrices publiées dans les juridictions de l’échantillon1. En outre, elle étudie le projet de lignes directrices tunisiennes sur les fusions, soumis par les autorités de la concurrence du pays à l’OCDE en septembre et en octobre 2023.
En 2004, le Réseau international de la concurrence (RIC) a publié un rapport à la suite d’un examen des lignes directrices sur les fusions en vigueur à l’époque (RIC, 2004[12]), complété par la suite en 2006 (RIC, 2006[13]). Les éléments clés des lignes directrices identifiés dans ces rapports ont servi d’inspiration pour l’élaboration du tableau comparatif des lignes directrices sur les fusions par juridiction (échantillon) (Tableau A A.2). Une liste des lignes directrices sur les fusions publiées dans les juridictions de l’échantillon figure au Tableau A A.1.
4.2.1. Aperçu des lignes directrices analysées
L’équipe de projet a évalué les lignes directrices sur les fusions publiées dans les juridictions de l’échantillon, dont on trouve la liste au Tableau A A.1. et la synthèse dans le Tableau 4.2.
Tableau 4.2. Aperçu des lignes directrices analysées
Juridiction |
Nombre de lignes directrices |
Sur le fond |
Sur la procédure |
Mixte |
Date des premières lignes directrices |
Date d’entrée en vigueur du régime des fusions |
---|---|---|---|---|---|---|
Pays de l’OCDE |
||||||
Belgique* |
- |
- |
- |
- |
- |
1991 |
Canada |
5 |
1 |
3 |
1 |
1991 |
1910 |
Union européenne |
6 |
4 |
2 |
- |
2003 |
1989 |
France |
1 |
- |
- |
1 |
2004 |
1977 |
Pays non membres de l’OCDE |
||||||
Kenya |
2 |
1 |
- |
1 |
2021 |
2010 |
Philippines |
4 |
1 |
2 |
1 |
2016 |
2015 |
Afrique du Sud** |
3 |
1 |
2 |
- |
2016 |
1979 |
Note : * En France, le Guide des bonnes pratiques en matière de contrôle des concentrations de la Commission européenne est appliqué par analogie jusqu’à ce que l’autorité belge de la concurrence adopte des lignes directrices spécifiques (Autorité belge de la Concurrence, 2023[14]).
** Les lignes directrices de l’Afrique du Sud ne concernent que l’évaluation des motifs d’intérêt général dans le cadre de l’examen des concentrations.
4.2.2. Concentrations horizontales et non horizontales
Le traitement des fusions horizontales et non horizontales dans les lignes directrices a fait l’objet d’une approche mixte. La plupart des juridictions (France, France et Kenya) associent les aspects horizontal et non horizontal dans leurs lignes directrices, tandis que l’Union européenne a publié des lignes directrices distinctes. Les lignes directrices des Philippines se concentrent sur les fusions horizontales. Il est toutefois précisé que les « principes sous-jacents peuvent aussi être appliqués aux fusions non horizontales » et que la PCC prévoit de publier des orientations sur les fusions non horizontales à l’avenir (Commission de la concurrence des Philippines, 2018, p. 6[15]). Le projet de lignes directrices tunisiennes sur les concentrations indique expressément qu’il s’applique aux concentrations horizontales et non horizontales, bien qu’il ne soit pas précisé dans quelle mesure l’évaluation de l’impact sur la concurrence varie selon le type d’opération.
Tableau 4.3. Concentrations horizontales et non horizontales
Juridiction |
Horizontale |
Non horizontale |
Mixte |
---|---|---|---|
Pays de l’OCDE |
|||
Canada |
✓ |
||
Union européenne |
✓ |
✓ |
|
France |
✓ |
||
Pays non membres de l’OCDE |
|||
Kenya |
✓ |
||
Philippines |
✓ |
4.2.3. Caractéristiques communes des lignes directrices analysées
Plus précisément, les lignes directrices publiées dans les juridictions de l’échantillon contiennent les éléments suivants, dont on trouve la synthèse dans le Tableau 4.4.
Tableau 4.4. Synthèse des caractéristiques communes figurant dans les lignes directrices sur les concentrations par juridiction (échantillon)
Juridiction |
Considérations introductives |
Définition de fusion |
Seuils de notification |
Définition du marché |
Critère et facteurs appliqué dans le contrôle des concentrations |
Effets sur la concurrence |
Mesures correctives |
Utilisation d’exemples |
|
Effets unilatéraux |
Effets coordonnés |
||||||||
Pays de l’OCDE |
|||||||||
Canada |
✓ |
✓ |
✓* |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓* |
✓ |
Union européenne |
✓ |
✓ |
✓* |
✓* |
✓ |
✓ |
✓ |
✓* |
✓ |
France |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
Pays non membres de l’OCDE |
|||||||||
Kenya |
✓ |
✓ |
✓ |
✓* |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
Philippines |
✓ |
✓ |
✓* |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
✓ |
Note : * Se référer aux lignes directrices distinctes.
Considérations introductives
La plupart des lignes directrices contiennent une partie introductive qui présente le contexte dans lequel la législation sur les concentrations est appliquée dans une juridiction donnée. Cette partie précise la finalité des lignes directrices et leurs modalités d’élaboration.
Par exemple, les lignes directrices du Canada pour l’application de la loi sur les concentrations indiquent qu’elles visent à fournir « une orientation générale sur son [le Bureau de la concurrence] approche analytique adoptée lors de l’examen des concentrations » (Bureau de la concurrence, 2011, p. 1[16]). En France, les lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations précisent qu’elles sont conçues comme un outil « qui éclaire sur la procédure et la pratique » de l’autorité (Autorité de la concurrence, 2020, p. 1[17]). Les lignes directrices du Kenya sur les concentrations soulignent qu’elles visent à « améliorer le cadre réglementaire des affaires et à renforcer l’environnement des entreprises ». (Autorité de la concurrence du Kenya, s.d., p. 2[18])
En règle générale, dans les régimes de création récente, la partie introductive rappelle aussi ce qui justifie le contrôle des concentrations. Par exemple, les Philippines expliquent la raison d’être de l’examen des concentrations au début de leurs lignes directrices de fond (Commission de la concurrence des Philippines, 2018, p. 2[15]).
Le projet de lignes directrices tunisiennes sur les concentrations comprend une introduction décrivant ses objectifs, à savoir clarifier les règles de contrôle des concentrations, assurer une plus grande transparence et une plus grande équité pour les entreprises, ainsi qu’améliorer le processus de contrôle des concentrations. Le projet de lignes directrices souligne également l’importance du contrôle des concentrations en général.
Définition de fusion
La plupart des lignes directrices expliquent ce qui est considéré comme une fusion aux fins de contrôle des concentrations, en précisant les définitions plus générales prévues par la législation, par exemple, la différence entre une fusion, une acquisition et une consolidation et les types d’achat d'actions, de vente d'actifs et de prises de participation. Le projet de lignes directrices tunisiennes sur les concentrations comprend également une section expliquant le concept de fusion, conformément à la loi n° 2015-36 du 15 septembre 2015.
Seuils de notification
La plupart des lignes directrices indiquent les seuils de notification applicables dans la juridiction concernée. La description de ces seuils est très variable, en particulier parce que la nature des régimes de fusion n’est pas la même partout (la notification est obligatoire dans certains cas, facultative dans d'autres).
Le projet de lignes directrices tunisiennes sur les concentrations renvoie aux deux seuils de notification existants, tels que prévus par la loi no 2015-36 du 15 septembre 2015.
Définition du marché
Étant donné le rôle central de la définition du marché dans la plupart des affaires de fusion, un grand nombre de lignes directrices expliquent leur rôle, les modalités de définition des marchés et l’influence qu’une telle définition peut avoir sur l’issue du contrôle d’une fusion. Si de nombreuses lignes directrices sur les concentrations abordent la définition du marché en détail (par exemple, le Canada et la France), certaines renvoient à des lignes directrices distinctes qui traitent de la définition du marché (par exemple, l’UE et le Kenya). Toutes définissent les marchés par rapport aux produits et aux dimensions géographiques et se réfèrent au test de situation en prix relatifs pour définir les marchés.
Le projet de lignes directrices tunisiennes sur les concentrations comprend une brève description de la définition du marché, sans préciser de quelle manière les autorités de la concurrence l’évaluent concrètement. Il pourrait être utile de fournir des éléments supplémentaires à cet égard afin de renforcer la sécurité juridique et faire en sorte que les acteurs du marché comprennent de quelle manière le droit de la concurrence est interprété et appliqué. Ce point est particulièrement important si l’on considère que l’un des seuils de notification repose sur un test basé sur les parts de marché, ce qui peut s’avérer difficile pour les entreprises participant à la fusion et ainsi entraîner une forte incertitude quant à l’obligation de notifier l’opération, comme indiqué lors de l’Examen par les pairs (OCDE, 2022, p. 104[1]).
Critère de fond applicable et facteurs pris en compte dans le contrôle des concentrations
La plupart des lignes directrices décrivent le critère applicable et les facteurs qui seront pris en compte pour apprécier les effets d’une fusion sur la concurrence. Parmi eux figurent, par exemple, la structure du marché, la position d’un acteur sur le marché en question, l’existence de substituts et leur capacité à accéder au marché, les coûts de transfert et d’autres barrières à l’entrée. La plupart des juridictions apprécient si le critère applicable est satisfait en faisant appel à l’approche du « contrefactuel », c’est-à-dire en comparant deux scénarios, l'un dans lequel la fusion aurait lieu et l'autre dans lequel elle n’aurait pas lieu.
Comme souligné lors de l’Examen par les pairs, l’évaluation de l’impact des concentrations sur la concurrence en Tunisie est actuellement fondée essentiellement sur une analyse juridique plutôt que sur une évaluation économique des effets de la fusion, se limitant essentiellement à la définition des parts de marché et aux effets de la fusion sur la structure du marché. À cet égard, l’Examen par les pairs a recommandé d’introduire un critère d’analyse des concentrations fondé sur la diminution substantielle de la concurrence (substantial lessening of competition [SLC] test), en plus d’un test basé sur la création ou le renforcement d’une position dominante (OCDE, 2022[1]). Le projet de lignes directrices tunisiennes sur les concentrations mentionne que l’évaluation effectuée par le Conseil de la concurrence tient compte de l’impact de l’opération sur la concurrence, alors que celle de la DGCEE repose sur la question de savoir si la fusion est susceptible de créer ou de renforcer une position dominante sur le marché en cause ou sur une partie substantielle de celui-ci.
Effets sur la concurrence
La plupart des juridictions distinguent deux types d’effets des concentrations : les effets unilatéraux (également qualifiés de « non coordonnés » dans certaines juridictions) et les effets coordonnés. On parle d’effets unilatéraux lorsque l’entité issue de la fusion peut exercer un pouvoir de marché unilatéral préjudiciable à la concurrence et d’effets coordonnés lorsqu’à la suite de la fusion, la coordination entre les entreprises est plus facile, plus probable, plus stable ou plus efficace.
Le projet de lignes directrices tunisiennes sur les concentrations mentionne que le Conseil de la concurrence prend en compte les effets sur la concurrence, y compris les effets unilatéraux et coordonnés. Cependant, comme précisé ci-avant, l’évaluation de la concurrence effectuée par la DGCEE repose sur des aspects structurels et n’inclut donc pas les effets sur la concurrence.
Mesures correctives
Toutes les lignes directrices analysées dans le présent rapport traitent des mesures correctives, mais le degré de détail peut varier considérablement. Plusieurs autorités chargées de la concurrence ont publié des lignes directrices spécifiques concernant ces mesures. C’est le cas, par exemple, du Canada (Bureau de la concurrence, 2006[19]) et de l’Union européenne (Commission européenne, 2008[20]). Dans d’autres régimes (tels que la France et le Kenya), les lignes directrices sur les concentrations expliquent les concepts de mesures correctives structurelles et comportementales, ainsi que la manière dont les mesures correctives peuvent être mises en œuvre sur le plan procédural. Aux Philippines, les mesures correctives structurelles et comportementales possibles sont décrites relativement brièvement dans les lignes directrices.
Le projet de lignes directrices tunisiennes sur les concentrations mentionne que les concentrations peuvent être autorisées sous réserve de conditions, qui peuvent être structurelles ou comportementales. Il précise, de surcroît, les conditions à remplir concernant les mesures correctives (par exemple, efficacité, clarté, rapidité de mise en œuvre, possibilité de contrôle et proportionnalité par rapport à l’atteinte à la concurrence). En outre, le document énonce que les mesures correctives structurelles sont préférables aux mesures correctives comportementales. Toutefois, ces éléments ne sont que brièvement évoqués et pourraient être décrits plus en détail.
Utilisation d’exemples
L’inclusion d’exemples de cas et/ou d’hypothèses dans les lignes directrices sur les concentrations peut s’avérer utile. Ces exemples peuvent illustrer certains concepts ou présenter plus concrètement la manière dont une fusion serait évaluée.
Par exemple, en France, les lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations présentent plusieurs exemples, y compris en se référant à la jurisprudence administrative et judiciaire, illustrant la façon dont les sujets ont été traités en pratique dans des affaires antérieures (Autorité de la concurrence, 2020[17]).
Le projet de lignes directrices tunisiennes sur les concentrations ne contient que des exemples liés à des affaires antérieures dans lesquelles le Conseil de la concurrence a émis un avis visant soit à pour bloquer l’opération, soit à l’approuver sous réserve de mesures correctives. Ce document n’indique cependant pas la décision finale de la DGCEE et ne fournit pas non plus de détails sur l’analyse effectuée par le Conseil de la concurrence. Des exemples supplémentaires et plus détaillés, hypothétiques ou pratiques, pourraient être particulièrement pertinents afin d’illustrer la manière dont les autorités de la concurrence ont interprété et appliqué le droit de la concurrence.
4.2.4. Caractéristiques moins courantes mais utiles figurant dans les lignes directrices analysées
L’analyse a révélé la présence, dans les lignes directrices des juridictions de l’échantillon, de caractéristiques moins courantes mais utiles qui méritent d’être mentionnées. Une synthèse de ces caractéristiques est présentée dans le Tableau 4.5.
Tableau 4.5. Caractéristiques moins courantes mais utiles figurant dans les lignes directrices sur les concentrations
Juridiction |
Caractère juridiquement non contraignant |
Terminologie |
Régimes de protection |
Coentreprises |
Restrictions accessoires |
---|---|---|---|---|---|
Pays de l’OCDE |
|||||
Canada |
✓ |
✓ |
|||
Union européenne |
Implicite |
✓ |
✓ |
✓* |
|
France |
Implicite |
✓ |
✓ |
✓ |
|
Pays non membres de l’OCDE |
|||||
Kenya |
✓ |
✓ |
✓* |
||
Philippines |
Implicite |
✓* |
✓ |
Note : * Se référer aux lignes directrices distinctes.
Caractère juridiquement non contraignant des lignes directrices
Les autorités de la concurrence pourraient envisager de faire des déclarations expresses sur la nature juridiquement non contraignante des lignes directrices, bien que cela soit implicite dans certaines juridictions.
Par exemple, les lignes directrices de l’UE sur les concentrations horizontales et non horizontales indiquent que l’interprétation du règlement sur les concentrations par la Commission « est sans préjudice de l’interprétation que pourrait en donner la Cour de justice ou le Tribunal de première instance » (Commission européenne, 2004[21] ; Commission européenne, 2008[22]). Cela dit, comme indiqué à la section 3.3.1, dans certaines circonstances, les lignes directrices peuvent avoir un effet juridique et être contraignantes pour l'autorité de concurrence qui les a émises - sauf indication contraire.
En France par exemple, les lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations reconnaissent que « l’Autorité s’engage à appliquer les lignes directrices pour examiner une concentration, sous réserve notamment qu’aucune circonstance particulière à cette opération ou aucune considération d’intérêt général ne justifient qu’il y soit dérogé » (Autorité de la concurrence, 2020, p. 1[17]).
Les lignes directrices sur les concentrations du Kenya soulignent qu’elles « n’ont pas force de loi et ne sont pas contraignantes pour le Tribunal ou toute autre cour de justice » (Autorité de la concurrence du Kenya, s.d.[18]).
Les Philippines n’affirment pas expressément que les lignes directrices ne sont pas contraignantes, mais précisent que la PCC les appliquera « avec souplesse ou, le cas échéant, s’en écartera » (Commission de la concurrence des Philippines, 2018, p. 1[15]).
Le projet de lignes directrices tunisiennes sur les concentrations ne mentionne pas leur caractère non contraignant. Cette précision pourrait être utile si l’on considère que la publication de lignes directrices n’est pas une pratique administrative courante.
Terminologie
Certaines lignes directrices incluent des explications sur la terminologie utilisée, généralement sous la forme d’un glossaire. Ces précisions facilitent la tâche des entreprises, surtout dans les juridictions où l’examen des concentrations est récent ou moins efficace. Au Kenya, par exemple, les lignes directrices sur les concentrations proposent un glossaire des termes importants (Autorité de la concurrence du Kenya, s.d., p. 60[18]).
Le projet de lignes directrices tunisiennes sur les concentrations ne comprend pas de section concernant les termes importants. Une telle discussion pourrait améliorer la compréhension du régime de contrôle des concentrations.
Régimes de protection
Il peut s’avérer particulièrement judicieux de mentionner les éventuels « régimes de protection » pour aider les entreprises à comprendre dans quelles conditions une fusion est susceptible de ne soulever aucun risque pour la concurrence. La Recommandation de l’OCDE sur le contrôle des concentrations préconise l’adoption de procédures visant à s’assurer que les concentrations qui ne suscitent pas de préoccupations importantes du point de vue de la concurrence fassent l’objet d’une procédure d’examen et d’approbation accélérée (OCDE, 2005[11]).
Par exemple, la Commission européenne spécifie que lorsque la part de marché des entreprises concernées ne dépasse pas 25 % ni dans le marché commun ni dans une partie substantielle de celui-ci, une fusion horizontale est présumée compatible avec le marché commun. En outre, il est peu probable que la Commission identifie des problèmes de concurrence horizontale sur un marché dont l'IHH à l’issue de l’opération est inférieur à 1 000 euros (Commission européenne, 2004[21])2. Dans les cas de concentrations non horizontales, la Commission européenne indique qu’il est peu probable qu’elle conclue à l’existence de problèmes lorsque la part de marché de la nouvelle entité à l’issue de l’opération de fusion sur chacun des marchés concernés est inférieure à 30 % et que l’IHH à l’issue de l’opération est inférieur à 2 000 (Commission européenne, 2008[22]).3
Les lignes directrices du Canada pour l’application de la loi sur les concentrations fixent également des seuils particuliers pour distinguer les concentrations qui n’auront vraisemblablement pas de conséquences anticoncurrentielles de celles qui exigent une analyse plus détaillée. Par exemple, les concentrations entraînant une part de marché de l’entreprise fusionnée inférieure à 35 % ne seront généralement pas contestées en se fondant sur des préoccupations en lien avec l’exercice unilatéral d’un pouvoir de marché En outre, l’autorité de la concurrence ne contestera pas, le plus souvent, une fusion en se fondant sur des préoccupations en lien avec l’exercice coordonné d’un pouvoir de marché lorsque la part de marché détenue par les quatre plus grandes entreprises sur le marché après la fusion est inférieure à 65 % ou que la part de marché de l’entreprise fusionnée est inférieure à 10 % après la fusion (Bureau de la concurrence, 2011, pp. 18-19[16]).
Lors de l’Examen par les pairs, il a été recommandé à la Tunisie de créer une procédure simplifiée pour la notification des concentrations plus simples qui ne donnent guère lieu à des problèmes de concurrence (OCDE, 2022, p. 170[1]). Les lignes directrices sur les concentrations peuvent donc aborder cette question en établissant des « régimes de protection » qui indiquent les cas qui ne sont pas susceptibles de poser des problèmes sur le plan de la concurrence et qui pourraient faire l’objet d’une procédure simplifiée. Tel n’est toutefois pas le cas du projet de lignes directrices tunisiennes sur les concentrations.
Coentreprises
L’approche retenue pour évaluer les coentreprises peut être très variable d’une autorité de la concurrence à l’autre. Cette diversité découle des différences de définition de la notion de transaction dans les cadres juridiques concernés. Compte tenu des différences dans les définitions juridiques d'une transaction, y compris d'une coentreprise, il peut être utile qu’une autorité de la concurrence expose clairement sa position en la matière dans ses lignes directrices. Par exemple, le Kenya et les Philippines ont élaboré des lignes directrices distinctes sur la notification des coentreprises (Autorité de la concurrence du Kenya, 2021[23] ; Commission de la concurrence des Philippines, 2018[24]).
Comme indiqué lors de l’Examen par les pairs, la loi tunisienne sur la concurrence ne précise pas si la création d’une coentreprise est considérée comme une fusion, bien que les autorités de la concurrence indiquent que c’est le cas si celle-ci accomplissait de manière durable les fonctions d’une entité économique autonome (OCDE, 2022[1]). Le projet de lignes directrices tunisiennes sur les concentrations devrait préciser que la création d’une coentreprise accomplissant de manière durable toutes les fonctions d’une entité économique autonome est considérée comme une fusion, ce qui pourrait permettre aux entreprises de déterminer avec plus de certitude si leurs opérations sont soumises à une obligation de notification.
Restrictions accessoires
Certaines des lignes directrices analysées se concentrent également sur les restrictions accessoires (c’est-à-dire des restrictions directement liées et nécessaires à la mise en œuvre de l’opération).
La Commission européenne dispose de lignes directrices distinctes sur les restrictions accessoires (Commission européenne, 2005[25]), tandis qu’en France, l’Autorité de la concurrence a intégré cette question dans un même document (Autorité de la concurrence, 2020, pp. 224-226[17]). Aux Philippines, les restrictions accessoires sont brièvement mentionnées dans les lignes directrices sur les concentrations et semblent être couvertes par l’examen des concentrations (Commission de la concurrence des Philippines, 2018, p. 7[15]).
Le projet de lignes directrices tunisiennes sur les concentrations n’aborde pas la question des restrictions accessoires.
Principaux éléments à retenir – Contrôle des concentrations
L’examen des concentrations permet d’éviter les concentrations économiques anticoncurrentielles et constitue un élément clé des régimes de concurrence. Les lignes directrices sur les concentrations contribuent à assurer l’efficacité d’un régime de contrôle des concentrations, et peuvent être utiles en particulier pour les autorités de la concurrence ou la culture de la concurrence est émergente.
Le cadre tunisien du droit de la concurrence concernant l’examen des concentrations présente une série de limitations, notamment un seuil de notification très élevé basé sur le chiffre d’affaires ainsi que l’absence d’un régime de contrôle des concentrations simplifié et en deux phases et l’absence de formulaires pour la notification des concentrations.
Alors que la Tunisie cherche actuellement à mettre en œuvre des lignes directrices sur les concentrations, le projet soumis à l’OCDE présente certaines lacunes, et notamment :
Il n’y a pas d’orientations concrètes concernant la définition du marché et la formulation des mesures correctives.
En dépit de son application aux concentrations horizontales et non horizontales, il n’y a pas d’éléments sur la manière dont l’évaluation de l’impact sur la concurrence varie pour chaque type d’opération.
L’évaluation de la concurrence effectuée par le Conseil de la concurrence porte sur l’impact sur la concurrence, alors que l’évaluation de la DGCEE porte sur la question de savoir si l’opération de fusion est susceptible de créer ou de renforcer une position dominante sur le marché concerné ou une partie substantielle de celui-ci.
Les exemples et les renvois à des affaires antérieures sont peu nombreux et succincts.
Il ne précise pas la nature juridiquement non contraignante des lignes directrices pour les tribunaux.
Il n’y a pas de « régimes de protection » précisant les cas qui ne sont pas susceptibles de poser des problèmes sur le plan de la concurrence.
Notes
← 1. Le Tableau A A.2 confirme cette affirmation.
← 2. Il est également peu probable que la Commission identifie des problèmes de concurrence horizontale dans une concentration dont l'IHH à l'issue de l'opération se situe entre 1 000 et 2 000 et dont le delta est inférieur à 250, ou dans une concentration dont l'IHH à l'issue de l'opération est supérieur à 2 000 et dont le delta est inférieur à 150, sauf dans des circonstances particulières telles que, par exemple, l'existence d'un ou de plusieurs des facteurs suivants : (a) la fusion concerne un entrant potentiel ou un entrant récent détenant une faible part de marché ; b) une ou plusieurs parties à la fusion sont d'importants innovateurs, ce que ne reflètent pas les parts de marché ; c) il existe d'importantes participations croisées entre les acteurs du marché ; d) l'une des parties à la fusion est un franc-tireur qui risque fort de perturber un comportement coordonné ; e) il existe des indices d'une coordination passée ou en cours, ou de pratiques facilitatrices ; f) l'une des parties à la fusion détient, avant la concentration, une part de marché de 50 % ou plus (Commission européenne, 2008[22]).
← 3. La Commission n'enquêtera pas de manière approfondie sur ces fusions, sauf dans des circonstances particulières telles que, par exemple, la présence d'un ou de plusieurs des facteurs suivants : a) une fusion concerne une entreprise susceptible de se développer de manière significative dans un avenir proche, par exemple en raison d'une innovation récente ; b) il existe d'importantes participations ou directions croisées entre les acteurs du marché ; c) l'une des entreprises parties à la fusion est une entreprise fortement susceptible de perturber un comportement coordonné ; d) il existe des indications d'une coordination passée ou en cours, ou de pratiques de facilitation (Commission européenne, 2008[22]).