Assia Elgouacem
Herwig Immervoll
Anasuya Raj
Jules Linden
Cathal O’Donoghue
Denisa Sologon
Assia Elgouacem
Herwig Immervoll
Anasuya Raj
Jules Linden
Cathal O’Donoghue
Denisa Sologon
La tarification carbone encourage la réduction des émissions et constitue l’une des principales politiques d’atténuation du changement climatique. Elle risque toutefois de soulever des inquiétudes, notamment dans le contexte des récentes poussées inflationnistes et de la crise énergétique provoquée par la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine. On craint notamment que les mesures de tarification carbone n’aient des effets redistributifs négatifs, ce qui risque d’hypothéquer le soutien aux politiques nécessaires pour lutter contre le changement climatique. Le présent chapitre estime le contenu en carbone des paniers de consommation des ménages et analyse l’influence de la hausse des prix du carbone sur le budget des ménages, les prix à la consommation et, partant, la valeur réelle des salaires des travailleurs. Il cherche à déterminer si les mesures de tarification carbone sont régressives, et analyse les variations de leurs coûts entre différents groupes, notamment les groupes défavorisés. En s’appuyant sur les effets redistributifs de la tarification carbone et sur les recettes qu’elle génère, il examine la possibilité de compenser les coûts supportés par les ménages en leur redistribuant ces recettes sous forme de transferts.
Pour combattre les causes du changement climatique, les pays de l’OCDE ont mis en œuvre différentes politiques d’atténuation qui comportent, à des degrés divers, des mesures de tarification carbone. Ces mesures, qu’elles soient explicites, comme les taxes carbone ou les systèmes d’échange de quotas d’émission, ou implicites, comme les droits d’accise sur les combustibles et carburants, incitent à réduire les émissions. Les prix des émissions de carbone actuellement appliqués sont généralement loin des niveaux jugés conformes aux engagements nationaux et internationaux, notamment aux objectifs convenus dans l’Accord de Paris. De nombreux gouvernements envisagent donc des réformes visant à les augmenter, à élargir la part des émissions visées par ces instruments ou à instaurer de nouvelles mesures de tarification du carbone.
En imputant le coût des émissions aux producteurs et aux consommateurs, la tarification carbone risque de faire peser une charge importante sur les ménages, pouvant varier sensiblement d’un segment de la population à l’autre. D’aucuns craignent que ce coût n’accentue les disparités existantes et les difficultés économiques de certains groupes, en particulier dans le contexte des crises récentes et actuelles du coût de la vie. L’ampleur et la répartition de cette charge risquent par ailleurs d’affaiblir l’adhésion à des politiques plus ambitieuses d’atténuation du changement climatique. On pourrait envisager de protéger les groupes vulnérables des effets négatifs de la hausse des prix du carbone, non seulement pour des raisons d’équité sociale, mais aussi pour assurer ou renforcer le soutien de la population à la nécessaire transition vers une économie à zéro émission nette.
Ce chapitre étudie l’effet des politiques de tarification carbone sur les ménages. Il examine différents mécanismes par lesquels les effets redistributifs opèrent et chiffre les charges découlant des effets de la tarification carbone sur les dépenses de consommation des ménages. Il analyse également les mesures de compensation que les gouvernements pourraient financer grâce aux recettes ainsi dégagées et évalue leur capacité à atténuer les coûts pesant sur les différentes catégories de revenus. L’analyse empirique calcule les empreintes carbone des ménages dans cinq pays de l’OCDE dont les prix du carbone, les émissions de gaz à effet de serre et les niveaux de PIB diffèrent, à savoir : l’Allemagne, la France, le Mexique, la Pologne et la Türkiye. Les estimations tiennent compte de la consommation de combustibles fossiles des ménages et des émissions générées par la production de tous les autres biens et services qu’ils consomment. Les empreintes carbone ainsi calculées sont ensuite combinées avec des données détaillées issues de la base de données sur les tarifs effectifs du carbone de l’OCDE afin d’estimer la charge que les réformes de la tarification carbone introduites au cours de la période 2012‑21 représentent pour les ménages. L’analyse des effets redistributifs de la tarification carbone présentée ici prend pour référence le statu quo, sans tenir compte des coûts de l’inaction sur le niveau de vie des ménages, potentiellement substantiels (voir le chapitre 2).
Les principales conclusions qui se dégagent de ce chapitre sont les suivantes :
Pour une grande part, la consommation d’énergie des ménages est liée à des besoins essentiels. Les ménages les plus pauvres consacrent une part importante de leurs revenus à l’énergie, ce qui engendre des problèmes d’équité et d’accessibilité financière en cas de hausse des prix des combustibles, de l’électricité ou d’autres produits de première nécessité. Les résultats présentés ici confirment pour l’essentiel le caractère régressif des dépenses consacrées à l’énergie. Avant la pandémie de COVID‑19, par exemple, les ménages à faible revenu (décile inférieur) en Pologne et en Türkiye consacraient plus d’un cinquième de leur revenu à l’énergie, soit 3 à 10 fois plus que les ménages affichant les plus hauts revenus (décile supérieur). Toutefois, toutes les formes d’énergie ne sont pas des produits de première nécessité. La part des dépenses consacrées au carburant automobile augmente avec le revenu au Mexique et en Pologne, alors qu’elle varie très peu d’une tranche à l’autre en Allemagne. Au Mexique, les ménages aisés consacrent en fait une plus grande partie de leurs revenus aux dépenses énergétiques que les ménages plus pauvres, signe que l’énergie peut être un produit de luxe dans les pays à revenu intermédiaire.
L’impact de la tarification carbone sur le budget des ménages dépend de leur dépendance à l’égard de différents combustibles pour le chauffage et les déplacements (effet direct) et de tous les autres biens dont la production est émettrice de CO2 (effet indirect). Dans les cinq pays considérés, la consommation hors carburants avant la pandémie de COVID‑19 représentait entre 45 % et 71 % des émissions de CO2 liées aux dépenses des ménages. Ces éléments montrent que l’évaluation des effets redistributifs doit aller au-delà de l’examen de la consommation de combustibles et d’énergie des ménages, qui domine parfois les débats sur les politiques à mener.
Les empreintes carbone sont très variables à la fois entre les pays et en leur sein. Avant la pandémie de COVID‑19, les émissions annuelles moyennes liées à la consommation des ménages étaient comprises entre 1 tonne de CO2 par ménage environ au Mexique et en Türkiye, 6 tonnes en Pologne, et 8 à 9 tonnes en France et en Allemagne. L’empreinte carbone varie sensiblement selon les catégories de revenu. En moyenne, dans les cinq pays considérés, les ménages aux revenus les plus élevés (décile supérieur) produisaient 4.5 fois plus d’émissions que ceux du décile inférieur. Les émissions varient cependant aussi à l’intérieur des catégories de revenu, par exemple en fonction de la situation au regard de l’emploi, de l’âge, de la composition de la famille ou du lieu de résidence (zone urbaine ou rurale). Ces observations peuvent aider à anticiper l’évolution du soutien, ou de l’opposition, de l’opinion publique aux politiques de tarification du carbone. Un schéma détaillé des émissions par tranche démographique est également nécessaire pour orienter l’aide sur les plus touchées et anticiper les tendances futures en matière d’émissions et les priorités d’action qui leur sont associées, dans le contexte du vieillissement démographique par exemple.
L’empreinte carbone des ménages est un déterminant essentiel de la charge que représente la tarification carbone, mais ce n’est pas le seul. Les mesures de tarification du carbone ne s’appliquent pas uniformément à tous les secteurs, ce qui signifie que toutes les émissions ne sont pas tarifées de façon homogène. Par exemple, les droits d’accise, les taxes carbone et les systèmes d’échange de quotas d’émission peuvent varier considérablement d’un secteur ou d’un type de combustible à l’autre, ce qui est souvent le cas, et chaque mesure peut donc avoir des retombées différentes sur les consommateurs et les ménages.
Les hausses des prix du carbone et la charge qui en a résulté pour les ménages ont été limitées dans les cinq pays considérés au cours de la période 2012‑21, d’où une variation du coût du panier de consommation moyen des ménages de 1 % du revenu au maximum. Ce chiffre est faible, à la fois par rapport aux taux d’inflation annuels récents et par rapport à l’inflation cumulée au cours des dix années qui ont précédé la crise du coût de la vie. C’est en Pologne que la charge supplémentaire sur les ménages a été la plus élevée (2.3 % de leur revenu), mais elle a été négligeable en Türkiye.
Le surcoût induit par ces réformes a en revanche été considérable pour certaines catégories de revenu, et les effets ont été principalement régressifs, témoignant de la dépendance des ménages à faible revenu aux produits de consommation à fortes émissions. En France, ce surcoût serait, en pourcentage du revenu des ménages du décile inférieur, trois fois plus élevé que celui du décile supérieur, et deux fois plus élevé environ en Allemagne. Le Mexique fait figure d’exception, le surcoût relatif y étant plus élevé pour les ménages aisés, ce qui tient aux dépenses énergétiques plus importantes en haut de la distribution des revenus.
Si les ménages modestes sont ceux qui ont supporté les charges les plus lourdes par rapport à leurs revenus, les pertes subies par de nombreux ménages de la classe moyenne ont été globalement du même ordre de grandeur. Par conséquent, la tarification carbone a des répercussions sur le niveau de vie des plus pauvres, mais elle touche également les travailleurs de la classe moyenne.
Dans le cadre de programmes d’action plus vastes, la redistribution aux ménages de tout ou une partie des recettes tirées de la tarification carbone offre aux pouvoirs publics une marge de manœuvre considérable pour compenser les pertes et agir sur les effets redistributifs. Des études antérieures ont évoqué de possibles arbitrages entre les objectifs d’équité et les objectifs environnementaux, dans la mesure où la redistribution peut accroître les émissions totales lorsque les ménages modestes consacrent une plus grande part de leurs revenus à des biens à forte intensité de carbone que les ménages plus aisés. Il ressort du présent chapitre que les écarts d’intensité carbone entre la plupart des catégories de revenu sont en fait globalement faibles et les empreintes carbone plus importantes pour les groupes à haut revenu, ce qui permet de penser qu’il serait possible de mettre en place des mécanismes de compensation des ménages sans pour autant augmenter les émissions.
Des mesures de compensation simples, comme un transfert forfaitaire uniforme à tous les ménages, sont parfois préconisées par les chercheurs et dans les débats sur l’action publique. Il apparaît cependant qu’elles ne suffisent pas toujours à protéger tous les ménages défavorisés. Elles ne sont pas non plus efficaces au regard des coûts, ne laissant que peu ou pas de marge pour financer d’autres priorités comme l’investissement public, les programmes visant à stimuler l’investissement des ménages dans l’efficacité énergétique ou à aider les travailleurs à opérer une reconversion professionnelle dans le cadre d’une transition verte. Il faut donc s’efforcer de réduire le coût budgétaire de ces mesures directes en subordonnant le montant des transferts aux charges et aux besoins d’aide des ménages.
À l’heure où les mesures visant à atténuer les effets potentiellement considérables du changement climatique gagnent en urgence, les hausses des prix du carbone à venir risquent d’être beaucoup plus importantes et rapides dans certains pays qu’elles ne l’ont été au cours de la décennie écoulée. Les effets des réformes passées analysées ici étant principalement régressifs, il est nécessaire d’examiner avec soin les effets redistributifs des futures réformes et d’envisager des mesures de compensation adaptées, tant par souci d’équité que pour rallier le soutien public et politique nécessaire.
Le dérèglement climatique et les mesures prises pour l’atténuer ont des effets potentiellement considérables sur le bien-être et la distribution des revenus1. À moyen et long terme, de larges pans de la population, à l’échelon mondial et national, verront leur situation s’améliorer nettement sous l’effet de mesures d’atténuation efficaces permettant d’éviter les catastrophes soudaines (inondations, ouragans, incendies de forêt) et les phénomènes à évolution lente (désertification, vagues de chaleur, élévation du niveau de la mer, etc.). À court terme, toutefois, des arbitrages notables peuvent intervenir entre les effets visés de ces mesures, comme les incitations résultant de la hausse des prix du carbone, et les effets redistributifs involontaires (Baumol et Oates, 1988[1] ; Baranzini, Goldemberg et Speck, 2000[2]). Les caractéristiques des pertes à court terme, quant à elles, semblent constituer des facteurs déterminants du soutien public et politique aux actions nécessaires pour lutter contre le changement climatique (Büchs, Bardsley et Duwe, 2011[3] ; Tatham et Peters, 2022[4]).
La tarification carbone est souvent considérée comme l’un des instruments d’action permettant de donner corps aux engagements nationaux et internationaux en faveur de la neutralité carbone. À l’instar d’autres mesures d’atténuation, elle peut être source de controverses, notamment dans le contexte des augmentations récentes du coût de la vie2. En revanche, contrairement à d’autres stratégies de réduction des émissions, elle est une source de recettes que les pays peuvent mobiliser pour accélérer la transition vers la neutralité carbone, pour rendre celle‑ci plus équitable ou pour élaborer des mesures d’adaptation aux conséquences du changement climatique auxquelles il n’est plus possible de se soustraire (Boyce, 2018[5]), ou encore pour abaisser d’autres taxes génératrices de distorsions ou réduire la dette publique.3
La mise en œuvre de mesures de tarification carbone demeure inégale à l’échelle mondiale et dans les différents pays de l’OCDE. Les responsables publics et la population s’inquiètent de la charge excessive qui pèse sur les ménages, les travailleurs et les entreprises (voir également les chapitres 2 et 3), qui a suscité de vives controverses et des manifestations récentes de la part de certains groupes dans quelques pays. Les enquêtes qui interrogent directement les ménages sur leurs sujets de préoccupation montrent que les problèmes économiques (comme le chômage, la hausse des prix ou la pauvreté) occupent souvent une place plus importante que ceux liés à l’environnement (OCDE, 2023[6]), ce qui permet de penser que les électeurs seront enclins à s’opposer à la tarification carbone s’ils estiment qu’elle se traduira pour eux par des coûts substantiels. Selon une enquête à grande échelle menée récemment auprès de 40 000 personnes dans 20 pays de l’OCDE et économies émergentes (Dechezleprêtre et al., 2022[7]), l’adhésion du public dépend de l’évaluation que font les répondants des gains et des pertes pour leur propre ménage, mais aussi d’effets redistributifs plus larges, comme leur sentiment quant à la charge supportée par les ménages aux revenus modestes (Graphique 5.1). Il peut donc y avoir une tension croissante entre la nécessité de plus en plus impérieuse d’une action décisive au regard du dérèglement climatique d’une part, et la capacité de la classe politique à s’accorder et à la mettre en œuvre d’autre part.
Les prix actuels du carbone demeurent largement inférieurs aux niveaux considérés comme conformes aux engagements nationaux et internationaux et notamment aux objectifs fixés dans l’Accord de Paris (OCDE, 2023[8] ; OCDE, 2022[9]). Par exemple, pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, les scénarios établis par un réseau de 127 banques centrales font ressortir un prix implicite pondéré à l’échelle mondiale sur l’ensemble des émissions de plus de 600 EUR/tCO2 (Réseau des banques centrales et des superviseurs pour le verdissement du système financier (NGFS), 2023[10]), si l’on utilise les prix du carbone comme variable représentative de toutes les politiques climatiques. Certaines études préviennent que même un prix du carbone de cet ordre ne permettrait pas d’atteindre les objectifs de zéro émission nette sans mesures d’accompagnement visant à accroître sensiblement la réactivité des émissions à cette tarification, comme les réglementations concernant certaines utilisations des combustibles fossiles ou le soutien aux technologies propres (D’Arcangelo et al., 2022[11]). Or, dans 72 pays membres et non membres de l’OCDE qui, ensemble, représentent 80 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES), moins de la moitié des émissions étaient soumises à une mesure de tarification carbone4 en 2021 (OCDE, 2023[8]), les prix en vigueur étant en outre beaucoup trop bas pour encourager des réductions massives des émissions. Dans les pays de l’OCDE, seule une faible proportion des émissions est assujettie à un prix de 60 EUR ou plus par tonne de CO2. À l’échelle de la planète, des subventions généreuses aux énergies fossiles diminuent les prix effectifs du carbone, ceux-ci devenant parfois négatifs dans les pays appliquant peu (ou pas) de mesures de tarification (OCDE, 2022[12]).
Plus le temps disponible pour combler l’écart entre les mesures actuelles de lutte contre le changement climatique et celles qui s’imposent diminue, plus le risque augmente que des réformes radicales et rapides ne fassent peser une charge considérable sur les ménages contraints de s’adapter et ne donnent lieu à des arbitrages entre la tarification du carbone et le niveau de vie des ménages5. Or, il est difficile d’appréhender précisément ces arbitrages à l’heure actuelle. On manque notamment de données sur les effets redistributifs des politiques et leurs déterminants, en particulier dans une perspective comparative. Dans la pratique, les pays ont mis en œuvre tout un éventail de mesures de tarification du carbone (dispositifs de plafonnement et d’échange de quotas d’émissions, taxes sur le carbone et mesures implicites comme les droits d’accise par exemple), qui sont toutes fondées sur des taux et des assiettes différents et pourraient avoir des effets très variables sur les ménages.
Le présent chapitre estime le contenu en carbone des paniers de consommation des ménages, et analyse l’influence de la hausse des prix du carbone sur le budget des ménages et les prix à la consommation et, partant, sur la valeur réelle des salaires des travailleurs. Il examine la tarification carbone au sens large, afin de tenir compte des politiques explicites en la matière (taxes carbone et systèmes d’échange de quotas d’émission), mais aussi de la tarification implicite, par le biais des droits d’accise sur les produits énergétiques. Il vise à déterminer si ces mesures sont régressives et analyse les variations de la charge qu’elles représentent selon les groupes, notamment ceux qui peuvent présenter un intérêt particulier pour les pouvoirs publics, comme les ménages modestes, les personnes âgées ou les populations rurales, ou selon le genre. Enfin, il examine les possibilités de compenser les coûts supportés par les ménages en leur redistribuant tout ou partie des recettes issues de la tarification carbone sous la forme de transferts de revenus (« recyclage des recettes »). Les résultats permettent d’évaluer la répartition des gains et des pertes, et donc de déterminer s’il est possible de veiller à ce que la tarification carbone et le recyclage des recettes aient des retombées positives sur la majorité de la population. Le chapitre s’appuie sur deux rapports antérieurs. Une analyse par pays de l’OCDE a défini et illustré la méthodologie retenue, dans l’hypothèse d’une réforme menée dans un pays membre (Immervoll et al., 2023[13]). Un document technique plus étoffé présente une évaluation comparative des réformes récentes des politiques publiques ainsi que les résultats examinés ici (Elgouacem et al., à paraître[14]).
La partie empirique du chapitre s’appuie sur des informations détaillées concernant différentes formes de tarification carbone mises en place dans les pays au cours de la décennie écoulée, utilisant pour cela les données sur les tarifs effectifs du carbone recueillies par le Centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE (OCDE, 2016[15] ; OCDE, 2023[16]). L’analyse combine ces données détaillées avec les facteurs d’émission de différents combustibles et avec des données sur les entrées-sorties permettant d’estimer la teneur en carbone des différents types de combustibles et catégories de produits et, au bout du compte, l’empreinte carbone des paniers de consommation des ménages. Il est ainsi possible de suivre les prix du carbone tout au long de la chaîne de valeur et de chiffrer la charge qu’ils représentent pour les ménages au moyen d’enquêtes sur leur budget. Les effets des mesures d’atténuation du changement climatique sur les générations actuelles et futures se feront certes sentir pendant des années, mais nous nous intéressons ici aux effets redistributifs à court terme des réformes de la tarification du carbone. Ce choix tient en partie à des considérations méthodologiques, notamment la difficulté de tenir compte de manière réaliste des ajustements opérés par les ménages dans leurs comportements à moyen terme. Par ailleurs, compte tenu des implications pour l’économie politique de la perception qu’auront les ménages des gains et pertes résultant des politiques d’atténuation du changement climatique, des données sur les effets à court terme pourraient inciter les pouvoirs publics à prendre des mesures ou à accélérer leur action.
Comme toutes les approches fondées sur la modélisation, l’analyse est soumise à un certain nombre d’hypothèses simplificatrices et de limites qui pourront être examinées dans le cadre de travaux empiriques complémentaires. Elle s’appuie sur des données détaillées relatives aux entrées-sorties et au budget des ménages, en supposant que les technologies de production et la demande de produits demeurent inchangées. Compte tenu de l’insuffisance des données et des contraintes méthodologiques, il a également été décidé de ne pas modéliser les ajustements opérés par les consommateurs dans leurs comportements en réaction aux variations de prix calculées pour les différents biens et services. L’une des nouveautés de cette approche est qu’elle associe des données sectorielles et des données à l’échelon des ménages à des informations détaillées sur les récentes évolutions des prix du carbone. Néanmoins, la version actuelle de l’analyse porte essentiellement sur les modifications apportées aux politiques nationales et ne tient compte ni des variations de la tarification du carbone d’un pays à l’autre, ni des effets produits sur les prix à la consommation du fait des liens commerciaux. Enfin, par souci de maniabilité, l’analyse écarte les effets de la tarification du carbone sur le marché du travail (voir les chapitres 2 et 3 pour un examen des retombées plus générales de la transition écologique sur les marchés du travail). Le corps du texte examine plus en détail les raisons qui justifient de simplifier les hypothèses et les conséquences possibles de ce choix, et la conclusion propose des axes de travail prioritaires pour l’avenir.
La section 5.1 expose brièvement les objectifs de la tarification du carbone, analyse les effets redistributifs des différentes mesures d’atténuation et les canaux par lesquels elles opèrent, et fait la synthèse des politiques de tarification du carbone et de leurs évolutions récentes dans les pays. La section 5.2 décrit les données existantes sur la répartition des coûts induits par cette tarification, ainsi que les lacunes qu’elles présentent. Les sections 5.3 et 5.4 présentent une analyse empirique de ces coûts dans cinq pays de l’OCDE. La section 5.3 dépeint la structure des dépenses d’énergie, qui sont un facteur déterminant des émissions des ménages. Elle analyse ensuite les empreintes carbone associées à tous les types de consommation des ménages, en les comparant selon les niveaux de revenu et d’autres caractéristiques des ménages. La section 5.4 calcule la charge financière induite par les réformes de la tarification carbone menées entre 2012 et 2021 en chiffrant leurs retombées sur le budget des ménages des différentes catégories de revenu. Elle examine également les effets d’un dispositif de compensation simple, en évaluant par simulation dans quelle mesure le recyclage total ou partiel des recettes pourrait compenser les coûts liés à la tarification carbone et en analysant les implications pour les stratégies de redistribution. La dernière section présente des remarques de conclusion.
Les effets redistributifs des prix du carbone ont une incidence sur les politiques du marché du travail à plusieurs égards. On citera notamment l’utilisation des recettes tirées de la tarification carbone pour réduire d’autres impôts générateurs de distorsions, comme la fiscalité du travail, et le lien entre l’augmentation du coût du travail et celle du prix du carbone, qui influe sur les retombées de la tarification carbone sur le bien-être et sur la valeur réelle des salaires. La notion de « double dividende » dans le contexte des taxes carbone (Goulder, 1995[17]) correspond à une situation où la tarification du carbone pourrait produire à la fois des avantages environnementaux (en réduisant les émissions) et économiques (grâce à un recyclage efficient des recettes produites, par exemple une baisse de la fiscalité du travail génératrice de distorsions) ; elle a fait l’objet de nombreuses études. Le taux de croissance du coût du travail peut servir d’indicateur de celui des revenus et, comparé à celui du prix du carbone, permet de mieux évaluer l’incidence des réformes du prix du carbone sur le bien-être. Cette comparaison renseigne également sur l’effet de ces réformes sur la valeur réelle des salaires. Ces questions sont abordées dans différentes parties du chapitre (en particulier les sections 5.3 et 5.4). Enfin, les effets redistributifs des mesures de tarification carbone sur la consommation des ménages peuvent aggraver certaines des inégalités induites par la transition vers la neutralité carbone sur le marché du travail (voir les chapitres 2 et 3) et accroître la nécessité d’investir dans les compétences (chapitre 4).
Ce chapitre a pour objectif premier d’étudier les principaux déterminants des effets redistributifs, comme le type de mesure de tarification carbone, les habitudes de consommation des combustibles des ménages, et l’intensité carbone de différents biens et services. Ses conclusions visent à éclairer les décisions des pouvoirs publics quant aux autres pistes de réforme de la tarification carbone, y compris les stratégies visant à apporter une compensation aux ménages. À l’heure où les pays cherchent à réduire l’écart entre les coûts privés et les coûts sociaux des émissions de GES dans les prochaines décennies, l’analyse empirique peut servir de modèle pour un suivi régulier des effets redistributifs des mesures de tarification carbone, tout en mettant en lumière des extensions méthodologiques importantes à venir.
Les mesures visant à contenir les émissions de carbone progressent, mais il en va de même de l’urgente nécessité de prendre des engagements plus importants et les dispositions décisives et durables correspondantes - voir AIE (2022[18]). Depuis 2020, l’Accord de Paris exige des pays qu’ils élaborent et communiquent des plans d’action nationaux pour le climat, appelés contributions déterminées au niveau national (CDN), et qu’ils les actualisent tous les cinq ans. Ces CDN ont pour objectif de réaliser des réductions d’émissions plus importantes, de nombreux pays s’efforçant d’atteindre des objectifs de neutralité carbone : à travers le monde, 105 pays représentant plus de 80 % des émissions mondiales de GES ont pris cet engagement (OCDE, 2023[19]). Néanmoins, la plupart de ces objectifs ne sont pas juridiquement contraignants, et les émissions mondiales continuent de croître (AIE, 2024[20] ; Climate Watch, 2024[21]). L’effet d’atténuation escompté des engagements internationaux et nationaux actuels est très insuffisant, et même la mise en œuvre intégrale des engagements conditionnels et inconditionnels contractés dans le cadre de l’Accord de Paris pour 2030 mettrait le monde sur la voie d’une hausse d’au moins 2.5°C des températures au cours de ce siècle (Programme des Nations Unies pour l'environnement, 2023[22]). Pour respecter les trajectoires de 2°C et de 1.5°C de l’Accord, il faudrait que, d’ici à 2030, les émissions de GES diminuent respectivement de 14 % et de 42 % par rapport aux niveaux de 2019 (Pouille et al., 2023[23]).
Les avantages et les inconvénients relatifs des différentes stratégies d’atténuation du changement climatique demeurent sujets à débat, y compris parmi les climatologues (Drews, Savin et van den Bergh, 2024[24]), et les engagements et les approches des pays diffèrent. Un consensus se dégage parmi les climatologues selon lequel une série de changements progressifs et transformateurs, associant plusieurs instruments d’action, est nécessaire pour atteindre la neutralité carbone à un rythme permettant d’éviter les effets catastrophiques du changement climatique (Lenton et al., 2023[25] ; Jaakkola, Van der Ploeg et Venables, 2023[26]). Ces programmes d’action pourraient prévoir des mesures portant à la fois sur l’offre et la demande, dont la tarification carbone, ainsi que des mesures réglementaires, des subventions ciblées sur des secteurs précis et des investissements directs visant à accélérer la mise au point de solutions technologiques (Blanchard, Gollier et Tirole, 2023[27] ; OCDE, 2023[28]). Chacune de ces formules a des effets redistributifs, qui se répercutent sur les ménages sous de nombreuses formes (Encadré 5.1).
Les politiques d’atténuation du changement climatique ont des effets redistributifs qui agissent sur les ménages sur le plan économique (en modifiant leur capacité à consommer) et sous d’autres formes (par des effets directs sur le bien-être et la santé des populations et par le biais d’avantages corollaires, comme l’amélioration de la qualité de l’air, liés à la réduction des émissions de CO2) (Zachmann, Frederikson et Clayes, 2018[29] ; Rudolph, Beyeler et Patel, 2022[30]). Figurent parmi les effets économiques les variations de prix, qui font l’objet du présent chapitre. Ces politiques influent en outre sur les revenus des travailleurs et des détenteurs d’actifs en modifiant les rendements des différents facteurs de production, notamment le travail, les ressources naturelles et les titres de participation dans les secteurs « verts » ou « bruns » (Rausch, Metcalf et Reilly, 2011[31]). Plusieurs méta-études en proposent des examens systématiques (Peñasco, Anadón et Verdolini, 2021[32] ; Lamb et al., 2020[33] ; Markkanen et Anger-Kraavi, 2019[34]), et les chapitres 2 et 3 de la présente publication analysent leur incidence sur l’emploi. Cet encadré décrit les mécanismes de répartition intervenant par d’autres voies, et s’intéresse plus particulièrement aux instruments d’atténuation non tarifaires. Les effets redistributifs de la tarification carbone sont examinés plus en détail dans le corps du texte.
Les technologies propres et à haut rendement énergétique occupent une place centrale dans les programmes d’atténuation du changement climatique. Les politiques axées sur la demande, notamment les subventions et les incitations apparentées (les tarifs de rachat préférentiels pour l’énergie solaire par exemple), tendent à accélérer l’adoption et la diffusion des technologies et peuvent présenter un intérêt sur le plan politique (Giraudet, Guivarch et Quirion, 2011[35] ; Douenne et Fabre, 2022[36]). Or, les évaluations de mesures antérieures de cette nature montrent généralement qu’elles sont régressives, et même davantage que la tarification carbone, car elles profitent principalement aux ménages à revenu élevé disposant du capital nécessaire pour investir dans des actifs faiblement émetteurs (Lihtmaa, Hess et Leetmaa, 2018[37] ; Lekavičius et al., 2020[38] ; Winter et Schlesewsky, 2019[39] ; West, 2004[40] ; Levinson, 2019[41]). Les constats diffèrent toutefois selon les technologies, les effets régressifs des subventions pour les véhicules électriques étant plus importants que ceux des subventions pour l’isolation des logements ou des panneaux solaires, tandis que la corrélation entre l’adoption de la pompe à chaleur et le revenu est faible (Borenstein et Davis, 2016[42] ; Davis, 2023[43]). Les caractéristiques des subventions ou des crédits d’impôt (remboursement, calendrier et ciblage par exemple), ont toutes des effets sur la répartition (Giraudet, Bourgeois et Quirion, 2021[44] ; Borenstein et Davis, 2016[42]). Les interdictions pures et simples du côté de la demande sont assez courantes en Europe, et imposent des restrictions à l’utilisation de la voiture ou de certains types de chauffage résidentiel (Braungardt et al., 2023[45]). Elles soulèvent par ailleurs des questions d’équité, se traduisant par exemple par des coûts de remplacement d’actifs élevés et éventuellement inabordables pour les plus pauvres, à moins qu’elles ne soient assorties d’exemptions ou de compensations ciblées (Torné et Trutnevyte, 2024[46]).
Les mesures axées sur l’offre influent sur les processus de production au travers de réglementations ou de subventions, telles que celles prévues par la loi américaine sur la réduction de l’inflation (Bistline et al., 2023[47] ; Bistline, Mehrotra et Wolfram, 2023[48]) et le Règlement pour une industrie « zéro net » de l’Union européenne. Aucune étude exhaustive n’a encore été réalisée à ce sujet, mais des données préliminaires indiquent un effet progressif des mesures de stimulation de l’offre qui font partie de ces politiques (Brown et al., 2023[49]). Les approches réglementaires peuvent prendre la forme de mesures ciblées, comme les Codes de l’énergie applicables aux bâtiments, les normes de consommation de carburant et la lutte contre la pollution automobile, y compris l’interdiction pure et simple des technologies à fortes émissions, dont certains éléments indiquent qu’elles font peser une lourde charge sur les ménages à faibles revenus (Davis et Knittel, 2019[50] ; Jacobsen, 2013[51] ; West, 2009[52] ; Bruegge, Deryugina et Myers, 2019[53]). La réglementation peut également associer plusieurs instruments, comme la loi américaine sur la pureté de l’air (Robinson, 1985[54]) et des dispositions équivalentes dans d’autres pays. Le champ d’application de ces mesures varie, de même que leurs effets redistributifs, certains éléments indiquant des effets régressifs (Levinson, 2019[41]).
Dans le cadre des stratégies de lutte contre les causes du dérèglement climatique, différents types de tarification du carbone ont été instaurés qui visent à rapprocher le coût privé marginal du carbone de son coût social marginal et à se conformer aux objectifs de neutralité climatique6,7. La tarification du carbone encourage la réduction des émissions, notamment en favorisant une moindre utilisation des combustibles fossiles et le remplacement des combustibles et des technologies polluants par d’autres, plus propres. Elle est généralement préconisée en raison de son efficacité à réduire les émissions de GES et de sa simplicité administrative du fait qu’elle peut nécessiter moins d’informations que d’autres formes de réglementation. L’un des principaux arguments en sa faveur est son efficacité économique, en ce sens qu’elle permet de réduire les émissions dans les secteurs où le coût de cette mesure est le plus faible sans pour autant être normative sur le plan technologique. Par ailleurs, elle ne pèse pas sur les budgets publics mais produit au contraire des recettes (Commission de haut niveau sur les prix du carbone, 2017[55] ; Pigou, 1920[56] ; Nordhaus, 1991[57] ; Pearce, 1991[58] ; Blanchard, Gollier et Tirole, 2023[27]).
Sur le plan politique, la tarification carbone a gagné du terrain partout dans le monde, et l’on dénombre aujourd’hui plus de 70 politiques explicites en la matière, aux niveaux régional, national et infranational8. Selon les estimations disponibles, la tarification permettrait de réduire considérablement les émissions, de l’ordre de 3 % à 7 % pour une augmentation du prix de 10 EUR par tonne de CO2 appliquées à toutes les émissions (Sen et Vollebergh, 2018[59] ; D’Arcangelo et al., 2022[11]). Pour une taxe de 40 USD/tCO2 couvrant seulement 30 % des émissions dans l’Union européenne, Metcalf et Stock (2023[60]) estiment une réduction cumulée des émissions comprise entre 4 % et 6 %, l’incidence sur l’emploi et la croissance étant faible (voir également le chapitre 2). Pour mettre ces chiffres en perspective, un prix du carbone de 1 USD/tCO2 augmente d’environ 0.3 centime le prix d’un litre d’essence, ou d’environ 1 centime celui du gallon.
Le rythme d’adoption varie toutefois considérablement et des données récentes témoignent d’un fossé croissant entre ceux qui pratiquent des prix du carbone élevés et ceux qui appliquent des prix bas (OCDE, 2022[12]). De nombreux pays envisagent par conséquent des réformes visant à introduire de nouvelles mesures de tarification carbone, à augmenter les prix du carbone ou à élargir les mesures existantes de manière à ce qu’elles couvrent une plus grande part des émissions. Surtout, comme le souligne le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), « la couverture de la tarification et les prix ont [pour l’instant] été insuffisants pour obtenir des réductions importantes » (Calvin et al., 2023, p. 53[61]). Dans 72 pays représentant 80 % des émissions mondiales de GES, dont 45 pays de l’OCDE et du G20, moins de la moitié des émissions de GES (42 %) faisaient l’objet d’une tarification en 2021, soit directement par le biais d’instruments de tarification carbone explicite, soit indirectement au travers de droits d’accise sur les produits énergétiques ou d’autres mesures similaires. Dans les pays de l’OCDE, 14.6 % seulement des émissions de GES étaient tarifées à 60 EUR/tCO2 ou plus en 2021 (et 18.5 % des émissions de CO2 provenant uniquement de la consommation énergétique). Les prix étaient plus bas dans les pays du G209, où 6.6 % seulement des émissions de GES (et 8.7 % des émissions de CO2 liées à la consommation d’énergie) atteignaient ce niveau.
Un prix de 60 EUR/tCO2 correspond à une estimation basse du coût social du carbone en 2030, et à une estimation moyenne pour 2020 (Commission de haut niveau sur les prix du carbone, 2017[55]) ; le gouvernement américain se fonde actuellement sur un montant moyen de 51 USD/tCO2 (Interagency Working Group on Social Cost of Greenhouse Gases (IWG), 2021[62]). Des études récentes et prospectives préconisent généralement des montants nettement plus élevés. Un rapport de 2021 de la Commission européenne (2021[63]) suggère d’ores et déjà un prix médian de 100 EUR/tCO2 jusqu’à 2030, tandis qu’un examen exhaustif récent estime le montant moyen préconisé à 185 USD/tCO2 (aux prix de 2020) (Rennert et al., 2022[64]). Les estimations de prix compatibles avec des engagements en matière de neutralité carbone de plus long terme varient, mais sont encore plus élevées10. Les scénarios établis par un réseau de 127 banques centrales, qui utilisent les prix du carbone comme variable représentative de l’ensemble des politiques climatiques, indiquent un prix mondial pondéré de 600 USD/tCO2, (aux prix de 2010) pour atteindre la neutralité carbone en 2050 (Réseau des banques centrales et des superviseurs pour le verdissement du système financier (NGFS), 2023[10]).
La base de données de l’OCDE sur les tarifs effectifs du carbone (TEC) retrace l’évolution des politiques de tarification du carbone depuis 2012. Elle met en correspondance les prix du carbone et les émissions qu’ils couvrent pour chaque pays, par secteur et par type de combustible. Elle recense les taxes sur le carbone, les prix des permis issus des systèmes d’échange de quotas d’émission (SEQE) ainsi que les droits d’accise sur les produits énergétiques. Les taxes sur le carbone et les systèmes d’échange de quotas d’émission sont des formes explicites de tarification du carbone puisqu’ils fixent directement le prix des émissions de CO2 (ou de GES). Du point de vue économique, les droits d’accise sont similaires aux prix explicites du carbone, car leur assiette, la consommation de produits énergétiques, est directement proportionnelle aux émissions de CO2 qui lui sont associées. Ils peuvent toutefois varier d’un type de produit à l’autre dans des proportions qui ne correspondent pas aux émissions (par exemple, en accordant un traitement fiscal préférentiel au gazole ou aux combustibles de chauffage). Les droits d’accise sont souvent plus élevés que les prix explicites du carbone et sont appliqués dans presque tous les pays. L’Encadré 5.2 donne une description plus détaillée de la base de données TEC et de sa méthodologie.
La base de données de l’OCDE sur les tarifs effectifs du carbone (TEC) couvre 72 pays qui, ensemble, ont produit 80 % environ des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) en 2021. Elle présente les prix du carbone résultant des taxes sur le carbone, des systèmes d’échange de quotas d’émission (SEQE) et des droits d’accise sur les produits énergétiques. Les tarifs effectifs du carbone tiennent compte des aides/subventions implicites aux combustibles fossiles lorsqu’elles sont accordées sous la forme de droits d’accise ou de taxes carbone préférentiels, de sorte que leur total est toujours supérieur ou égal à zéro. Ils ne tiennent pas compte des mesures gouvernementales qui réduisent les prix des combustibles fossiles avant impôt, c’est-à-dire des prix négatifs du carbone1. Les « taxes carbone » englobent, outre les taxes explicites sur les émissions de CO2, les taxes sur les émissions d’autres GES, sur les gaz fluorés (gaz F) par exemple.
Les instruments de tarification inclus dans la base de données TEC fixent un prix explicite par unité de GES (par tonne de CO2e, par exemple, comme dans le cas des SEQE ou des taxes carbone), ou sur une base proportionnelle aux émissions de GES produites (droits d’accise par unité de carburant par exemple) :
Les taxes sur le carbone s’appliquent généralement à la consommation de produits énergétiques, le taux étant défini en fonction de leur teneur en carbone (ainsi, une taxe de 30 EUR/tCO2 sur les émissions de carbone provenant de la consommation de diesel se traduirait en moyenne par une taxe de 7.99 centimes d’euro par litre) ou, plus rarement, s’appliquent directement aux émissions de GES.
Les droits d’accise sur les produits énergétiques sont généralement fixés par unité physique (litre, kilogramme, mètre cube) ou par unité d’énergie (gigajoule), convertibles en prix par tonne de CO2.
Le prix des permis d’émission échangeables délivrés dans le cadre de SEQE correspond au coût d’opportunité de l’émission d’une unité supplémentaire de CO2e (l’équivalent CO2 des GES)2, indépendamment du mode d’allocation des permis.
Le degré de précision considérable des données de la base TEC permet de mesurer les différences de prix des émissions selon les secteurs et, par conséquent, selon les catégories de consommation qui déterminent la charge de la tarification du carbone pour les ménages. La base de données porte sur six secteurs qui, ensemble, couvrent toutes les utilisations de l’énergie : le transport routier, l’électricité, l’industrie, les bâtiments, le transport non routier, l’agriculture et la pêche. Les combustibles sont regroupés en neuf catégories : charbon et autres combustibles fossiles solides, fioul, gazole, kérosène, essence, gaz de pétrole liquéfié (GPL), gaz naturel, autres combustibles fossiles et déchets non renouvelables, et biocarburants.
Les émissions de CO2 figurant dans la base de données TEC sont établies à partir des données relatives à la consommation d’énergie tirées de la publication World Energy Statistics and Balances de l’Agence internationale de l’énergie (AIE, 2020[65]). La base TEC couvre les émissions de CO2 provenant de la consommation d’énergie de six secteurs (mentionnés plus haut). Depuis 2018, elle couvre également d’autres émissions de GES, à savoir les émissions de méthane (CH4), d’oxyde nitreux (N2O), de gaz fluorés3 et les émissions de CO2 issues de procédés (à l’exclusion du changement d’affectation des terres et de la foresterie, CATF). Ces émissions d’autres GES sont tirées de la base de données CAIT (Climate Watch, 2024[21])4. En raison de l’insuffisance des données et pour faciliter les comparaisons avec les années antérieures à 2018, ces autres émissions de GES ne sont pas affectées aux six secteurs économiques mais examinées séparément (comme un septième secteur).
Dans le contexte de ce chapitre, l’indicateur TEC de référence est considéré comme le prix répercuté sur les consommateurs. Il ne tient pas compte des allocations gratuites de quotas d’émission aux producteurs. Son utilisation comme base d’évaluation des prix à la consommation suppose donc une répercussion intégrale des coûts marginaux, indépendamment de la méthode d’allocation des permis, toute allocation gratuite constituant une rente pour les entreprises émettrices. Certaines données empiriques attestent la répercussion des coûts marginaux et les « bénéfices exceptionnels » qui leur sont associés dans le secteur de l’énergie (Fabra et Reguant, 2014[66] ; Nazifi, Trück et Zhu, 2021[67]). Néanmoins, leur répercussion intégrale est une hypothèse simplificatrice, et l’incidence réelle variera selon les pays et les secteurs.
L’Annexe 5.B apporte des précisions sur la méthodologie et aborde diverses questions fondamentales liées à l’indicateur TEC et à son interprétation.
1. Les tarifs effectifs nets du carbone, disponibles à compter de l’année 2018, prennent en compte un éventail plus large de subventions aux combustibles fossiles, à savoir celles qui diminuent les prix de ces combustibles hors taxe, et comprennent donc des prix négatifs du carbone (Garsous et al., 2023[68]).
2. Par conséquent, les tarifs effectifs du carbone sont parfois également appelés taux effectifs marginaux sur le carbone. Les taux effectifs moyens sur le carbone, qui tiennent compte des allocations gratuites, sont analysés à l’Annexe 5.B.
3. HFC, PFC et SF6.
4. À l’exclusion du changement d’affectation des terres et de la foresterie (CATF).
5. Voir par exemple les documents de l’Agence internationale de l’énergie sur les émissions de GES résultant de la consommation d’énergie (AIE, 2021[69]).
Source : OCDE (2023[8]), Taux effectifs sur le carbone 2023 (version abrégée) :Tarification des émissions de gaz à effet de serre au moyen de taxes et d’échanges de quotas d’émission, https://doi.org/10.1787/1b3d26f3-fr ; OCDE (2022[12]), Tarification des émissions de gaz à effet de serre : Passer des objectifs climatiques à l’action en faveur du climat, https://doi.org/10.1787/16ae322c-fr ; OCDE (2016[15]), Effective Carbon Rates: Pricing CO2 through Taxes and Emissions Trading Systems, https://doi.org/10.1787/9789264260115-en.
Les tarifs effectifs du carbone ont augmenté dans la plupart des pays de l’OCDE au cours de la période 2012‑21 (Graphique 5.2), en termes nominaux comme en termes réels. Dans les cas où ils ont diminué, c’est généralement en raison de l’inflation ou des fluctuations des taux de change. Dans la plupart des pays de l’OCDE, les droits d’accise constituent visiblement la majeure partie des TEC. Les pays de l’Union Européenne (UE), ainsi que l’Islande et la Norvège, sont soumis au SEQE‑UE depuis 2005, et les prix des permis y ont considérablement augmenté entre 2018 et 2021. Dans le cadre de son programme « Ajustement à l’objectif 55 », l’Union européenne prévoit d’étendre la tarification carbone aux secteurs du transport et du bâtiment au travers d’un système d’échange de quotas d’émission. Les premières taxes carbone explicites ont été introduites en Finlande en 1990 et en Norvège en 1991, plusieurs pays en ayant institué ou annoncé leur mise en place depuis lors. Les pays se sont en outre diversement engagés à supprimer progressivement les subventions aux combustibles fossiles (Déclaration des Chefs d’État et de Gouvernement du G20, 2009[70] ; OCDE/AIE, 2021[71]).
En parallèle, les émissions de carbone par habitant imputables à la consommation d’énergie ont diminué dans la plupart des pays de l’OCDE (Graphique 5.3). En revanche, malgré un niveau moyen d’émissions inférieur à celui des pays de l’OCDE en 2012, les pays du G20 non membres de l’Organisation n’ont pas tous évolué en ce sens. La Chine, l’Inde et l’Indonésie, en particulier, ont vu leurs émissions par habitant augmenter. En Inde et en Indonésie, elles sont néanmoins toujours inférieures à celles de la plupart des pays de l’OCDE en 2021. Ces disparités tiennent à de nombreux facteurs, notamment les différents niveaux de développement entre la plupart des pays, membres ou non de l’OCDE. Il se peut que les pays moins développés font davantage appel à des ressources à forte intensité énergétique pour stimuler leur développement.
Les principaux combustibles responsables des émissions de CO2 résultant de la consommation d’énergie dans les pays de l’OCDE sont le gaz naturel (33 %), suivi du charbon (25 %), du gazole (16 %) et de l’essence (13 %) (Graphique d’annexe 5.B.1). Dans les pays du G20 non membres de l’OCDE, la part du charbon est beaucoup plus importante (65 %)11. La tarification du carbone appliquée à ces combustibles est très hétérogène, tant en ce qui concerne les taux que le type de mesure utilisée12.
Pour partie, les préoccupations relatives aux effets redistributifs de la tarification carbone découlent du fait que les combustibles domestiques sont pour de nombreux ménages à la fois des produits de première nécessité et une source majeure d’émissions. Lorsque les prix montent, les ménages les plus modestes n’ont pas nécessairement les moyens de puiser dans leur épargne, de réduire leurs autres postes de dépenses, ou de diminuer leur dépendance à l’égard des produits à forte intensité d’émissions (OCDE, 2022[72] ; Sologon et al., 2022[73]). La hausse des prix du carbone pourrait donc imposer une charge non négligeable aux populations modestes. Des effets régressifs risquent à leur tour d’aggraver certains aspects essentiels des inégalités, de la privation matérielle et de l’exclusion sociale, tels que la précarité énergétique (notamment liée aux problèmes d’accessibilité financière des combustibles) ou encore l’insécurité alimentaire. Certaines dimensions de la pauvreté et du dénuement pourraient aussi s’accentuer, même dans l’hypothèse d’une tarification carbone non régressive. La crise actuelle du coût de la vie a considérablement accru les inquiétudes concernant le fardeau économique imposé aux ménages du fait du renchérissement du coût de la vie, et plus particulièrement de la hausse des prix de l’énergie.
Les effets redistributifs ont de nombreux déterminants. Les études tendent à se concentrer sur le gradient de la charge induite par la tarification carbone selon les catégories de revenu, et elles tentent de répondre à une question commune, à savoir s’il en ressort un profil globalement « régressif », c’est-à-dire si le poids relatif du fardeau diminue à mesure que le revenu augmente. Les études antérieures se sont relativement peu intéressées aux autres facteurs d’inégalité, tels que les différences de groupe d’âge, de niveau d’études, de type de logement ou de situation géographique, bien que certaines d’entre elles aient montré que ces inégalités « horizontales », observées même pour des niveaux de revenu identiques, peuvent être plus marquées que les écarts « verticaux » entre les catégories de revenu (Labrousse et Perdereau, 2024[74] ; Missbach, Steckel et Vogt-Schilb, 2024[75] ; Cronin, Fullerton et Sexton, 2019[76]). Par exemple, Causa et al. (2022[77]) constatent que la hausse des prix de l’énergie entre 2021 et 2022 a eu des répercussions plus importantes sur les ménages ruraux.
Bien que les études soient loin de couvrir tous les pays, on dispose de résultats pour plusieurs d’entre eux. La portée, les objectifs et les approches des études sont très variables, aussi est-il difficile d’en comparer et d’en interpréter les conclusions. Beaucoup d’études se sont intéressées aux dépenses en combustibles, sans se préoccuper des effets de la tarification carbone sur le prix de tous les autres biens et services. De même, les études ne tiennent souvent pas compte des mesures de compensation éventuellement financées à l’aide du produit des taxes carbone (« recyclage des recettes »). Elles centrent fréquemment leur attention sur certaines réformes hypothétiques (telles que l’instauration d’une taxe carbone généralisée et de grande ampleur), sans tenir compte des variations réelles des prix eu égard à leur application différenciée selon les secteurs, aux exonérations ou aux relations entre les différents types de tarification du carbone qui peuvent en général être simultanément mises en œuvre (telles que les taxes carbone, les droits d’accise sur les produits énergétiques et/ou un SEQE). Il n’existe à ce jour aucune évaluation comparative13 des effets redistributifs des politiques dont les pouvoirs publics ont déjà expérimenté la mise en œuvre en conditions réelles, y compris l’association de différentes mesures de tarification carbone, ainsi que des enseignements qui peuvent en être tirés pour la conception des réformes à venir – il est toutefois possible de trouver des analyses des effets redistributifs de certaines des composantes de la tarification carbone au sein d’un seul et même pays (Gonzalez, 2012[78] ; Sajeewani, Siriwardana et McNeill, 2015[79] ; Callan et al., 2009[80]).
Les effets nets de la tarification carbone sur le coût de l’ensemble du panier de consommation des ménages sont très variables selon les pays et les mesures mises en œuvre, en fonction non seulement des profils de dépenses, mais aussi des caractéristiques de la population et des inégalités existantes (Ohlendorf et al., 2020[81] ; Andersson et Atkinson, 2020[82]). Surtout, les prix du carbone influent non seulement sur le coût des transports et du chauffage, mais aussi sur le prix des autres biens et services, en fonction de l’intensité carbone de leur processus de production (Vogt-Schilb et al., 2019[83] ; Immervoll et al., 2023[13]).
On présume communément que les taxes carbone et les autres formes de tarification du carbone sont régressives dans les pays à revenu élevé (Klenert et Mattauch, 2016[84]). Cependant, la taxation des combustibles de chauffage et de l’électricité à usage domestique tend à être plus régressive que celle des carburants utilisés dans le secteur des transports (Büchs, Ivanova et Schnepf, 2021[85] ; Köppl et Schratzenstaller, 2022[86] ; Pizer et Sexton, 2019[87]), qui peut s’avérer progressive, surtout dans les pays présentant un taux de motorisation modéré et dotés de réseaux de transports publics bien développés (Wang et al., 2016[88] ; Missbach, Steckel et Vogt-Schilb, 2024[75] ; Flues et Thomas, 2015[89]). Une consommation énergétique limitée de la part des ménages à faible revenu peut légèrement réduire le caractère régressif de la tarification carbone, bien que, pour modeste qu’elle soit, toute hausse des coûts de l’énergie risque de poser un problème aux ménages dont la consommation est déjà inférieure à leurs besoins.
Dans les pays au PIB moins élevé, y compris au sein de la zone OCDE, les ménages à l’extrémité inférieure de la distribution des revenus sont généralement exposés à des risques importants en matière d’accessibilité financière de l’énergie (Flues et van Dender, 2017[90]). Hors zone OCDE, des effets progressifs sont également plus probables dans les pays les plus pauvres, où l’énergie peut être un luxe inaccessible pour de larges franges de la population, où les combustibles domestiques peuvent jouer un rôle plus restreint en raison d’un moindre besoin de chauffage du fait des conditions climatiques, et où la motorisation se trouve extrêmement concentrée au sommet de la distribution des revenus (Ohlendorf et al., 2020[81] ; Dorband et al., 2019[91] ; Mardones, Di Capua et Vogt-Schilb, 2023[92] ; Steckel et al., 2021[93] ; Missbach, Steckel et Vogt-Schilb, 2024[75] ; Klenert et Mattauch, 2016[84]).
La plupart des études ne comparent pas les effets distributifs des différents types de tarification du carbone. Celles qui ont tenté de le faire donnent à penser que la tarification des émissions directes au moyen de taxes sur la consommation de produits énergétiques (droits d’accise) est plus régressive que la tarification de l’ensemble des émissions, y compris les émissions indirectes liées à la consommation de tous les autres biens et services (par exemple à travers une taxe carbone) (Ohlendorf et al., 2020[81] ; Immervoll et al., 2023[13]). L’extension de la tarification à d’autres GES que le CO2 risque toutefois d’accroître la régressivité de la tarification des émissions, du fait principalement de ses répercussions sur les prix alimentaires. L’exonération de certains vecteurs ou secteurs énergétiques a également des répercussions sur la distribution du coût du carbone. Par exemple, dans le cas d’une taxe fédérale sur le carbone appliquée au Mexique, qui exonère le gaz naturel, Renner (2018[94]) constate que son coût est assez également réparti entre les différentes catégories de revenu, mais qu’elle aurait eu des effets régressifs si elle avait aussi été appliquée au gaz naturel.
Les réponses comportementales, principal objectif de la tarification carbone, peuvent également être variables selon les groupes de population et peuvent donc avoir une incidence sur les effets redistributifs. Les décisions de consommation des ménages répondent aux variations des prix relatifs (effet de substitution), mais aussi à celles des prix moyens (qui à leur tour influent sur le revenu disponible – effet de revenu). L’effet redistributif qui s’ensuit dépend des préférences et de la capacité des ménages à faible revenu et à revenu élevé à ajuster leur consommation de biens à forte intensité de carbone. Rien n’indique clairement si les ménages à revenu élevé ou ceux à faible revenu réagissent de manière plus marquée à la tarification carbone : certaines études suggèrent que la réponse des ménages à faible revenu est plus prononcée (West et Williams, 2004[95]), alors que d’autres constatent l’inverse (Campagnolo et De Cian, 2022[96]). Avec les prix du carbone actuels, l’impact des réponses comportementales des ménages sur les effets redistributifs de la tarification carbone semble globalement limitée (Renner, Lay et Greve, 2018[97] ; Immervoll et al., 2023[13]), mais cela pourrait changer en cas de hausses plus fortes et/ou plus rapides à l’avenir. L’absence d’indications plus claires sur l’influence du gradient de revenu sur les réponses comportementales est certes une conséquence de la multiplicité des déterminants des réactions aux prix, mais elle révèle aussi d’importantes difficultés méthodologiques et limitations des données (Annexe 5.B). Dans un pays donné, les effets sur les comportements pourraient varier selon les différentes catégories de revenu, du fait de nombreux facteurs, dont leur composition. Par exemple, si les ménages à revenu élevé ont tendance à vivre dans des zones plus densément peuplées, il peut leur être plus facile d’opter pour des moyens de transport de substitution aux émissions moindres ; et à l’inverse, si les ménages à plus faible revenu sont plus susceptibles de parcourir de plus longues distances pour se rendre sur leur lieu de travail, ils pourraient avoir plus de mal à moins utiliser leur voiture (et, partant, à réduire leurs émissions).
La littérature voit généralement dans le recyclage des recettes un bon moyen d’atténuer les éventuels effets redistributifs indésirables de la tarification carbone (Klenert et al., 2018[98] ; Immervoll et al., 2023[13]). Même des dispositifs simples de recyclage des recettes, comme des transferts par habitant, peuvent faire en sorte que la tarification carbone produise des effets progressifs (Feindt et al., 2021[99] ; Budolfson et al., 2021[100]). De plus, les résultats disponibles portent à croire qu’il serait possible d’obtenir des effets positifs de ce point de vue sans avoir pour autant à redistribuer la totalité des recettes de la tarification carbone, et en en conservant une partie à d’autres fins (Landis, 2019[101]). Le coût de la tarification carbone étant généralement d’une grande hétérogénéité, la redistribution du produit de la taxe au moyen d’un transfert forfaitaire universel n’en fera pas moins apparaître des gagnants et des perdants (Sallee, 2019[102] ; Cronin, Fullerton et Sexton, 2019[76]).
Outre la consommation et les mécanismes de recyclage des recettes, la tarification carbone a également d’autres effets redistributifs comparables à ceux d’autres mesures d’atténuation du changement climatique, puisqu’elle influe notamment sur la demande ou l’offre de facteurs de production, au nombre desquels le travail (voir Encadré 5.1 ci-dessus)14.
Cette section s’appuie sur diverses sources de données pour examiner les effets des mesures de tarification carbone dans cinq économies de l’OCDE : Allemagne, France, Mexique, Pologne et Türkiye. Ces cinq pays ont été choisis selon des critères de disponibilité et de qualité des données, et ils représentent un éventail raisonnablement large de régions géographiques, de niveaux de PIB, de volumes d’émissions par habitant et de niveaux de prix du carbone (voir le Graphique 5.2 et le Graphique 5.3).
L’évaluation empirique a plus particulièrement pour objectif d’établir un lien entre d’une part les informations sur les prix du carbone et les volumes d’émissions (qui sont nécessaires pour suivre le coût de la tarification carbone le long de la chaîne de valeur) et d’autre part des microdonnées sur les habitudes de consommation (indispensables pour quantifier le coût au niveau des ménages et pour évaluer les politiques publiques destinées à réduire ou à compenser ce coût). Les études existantes ont généralement porté sur des pays particuliers, ou analysé des réformes hypothétiques simplifiées ou un type particulier de tarification carbone, comme les droits d’accise (voir la revue de la littérature présentée à la section 5.2). Cette section s’appuie sur la base de données TEC de l’OCDE pour comparer un large éventail de réformes en matière de tarification carbone mises en œuvre entre 2012 et 2021.
L’évaluation fait fond sur une analyse récente consacrée à la Lituanie (OCDE, 2023[103] ; Immervoll et al., 2023[13]). L’Annexe 5.A décrit la méthodologie appliquée. En résumé, elle repose sur des données entrées-sorties détaillées rendant compte des émissions selon les secteurs et permettant de les suivre depuis les intrants initiaux jusqu’aux biens et services de consommation finale. Les émissions associées aux différentes catégories d’extrants sont alors rapprochées des informations sur les dépenses des ménages issues des enquêtes budgétaires disponibles, en vue d’évaluer l’empreinte carbone à partir de la consommation des ménages des divers groupes selon une approche ascendante et en prenant en considération les émissions imputables à la production et à la combinaison des différents intrants. Hormis l’angle comparatif adopté à partir de sources de données portant sur différents pays, cette approche est similaire à celle appliquée dans certaines études nationales (Pottier, 2022[104])15.
Du fait des limites que présentent les données et la méthodologie adoptées, ce chapitre n’analysera pas à ce stade les réactions ultérieures des ménages face aux variations de prix. Les ménages répondent de fait aux variations des prix, et l’étude antérieure sur laquelle s’appuie pour partie ce chapitre offre l’exemple d’une approche permettant d’estimer un ensemble complet d’élasticités-budget et d’élasticités-prix (Immervoll et al., 2023[13]). L’étude en question estime que les réactions comportementales, principalement sous la forme d’un déplacement de la demande vers des biens et services moins polluants, se traduisent pour la plupart des catégories de revenu par une réduction de moins de 10 % des charges induites par la tarification carbone. Les réponses des ménages sont toutefois très variables selon les études et d’un pays à l’autre comme au sein de chacun d’eux. Chose plus importante encore pour la présente étude, les données sur les effets redistributifs globaux des réponses comportementales ne permet pas de tirer des conclusions définitives. La section 5.2 et l’Encadré 5.3 offrent une vue d’ensemble des études antérieures et des difficultés auxquelles se heurtent les efforts d’estimation dans le contexte de la tarification carbone. Le vaste éventail de résultats disponibles concernant les réponses comportementales, ainsi que l’absence de consensus empirique quant au sens des effets redistributifs du comportement des consommateurs donnent à penser que les choix concernant la méthodologie et les données pourraient bien avoir une incidence décisive sur les différences de réponses selon les groupes de population. L’étude des évolutions de la sensibilité des ménages aux variations des prix du carbone est un sujet important sur lequel devront se pencher les travaux de recherche à venir (voir la section 5.5).
Les réponses comportementales à la tarification du carbone sont essentielles pour assurer une atténuation efficace, et les ménages jouent un rôle crucial dans la réduction des émissions. Lorsque les prix des émissions augmentent, les ménages ajustent leurs habitudes de consommation au profit des biens et services à faibles émissions par réaction aux hausses de prix (élasticités-prix). Par ailleurs, l’augmentation des prix modifie la consommation du fait d’une réduction des budgets globaux (en valeur réelle, élasticité-budget). Les réponses des ménages déterminent dans quelle mesure les taxes pigouviennes remédient efficacement aux externalités négatives. Elles peuvent également permettre d’estimer les effets redistributifs de second ordre liés aux variations des prix.
Les élasticités-prix directes et croisées sont un élément important pour l’évaluation des réactions comportementales. Les études existantes se sont toutefois essentiellement intéressées à la sensibilité de la demande de combustibles aux variations des prix de ceux-ci. Celle‑ci est habituellement mesurée par un seul indicateur, l’élasticité-prix directe de la demande de combustibles, et de nombreuses études s’appuient sur diverses stratégies d’estimation et différentes sources de données (Labandeira, Labeaga et López-Otero, 2017[105] ; Zhu et al., 2018[106] ; Havranek, Irsova et Janda, 2012[107] ; Brons et al., 2008[108] ; Espey, 1998[109] ; Dahl, 2012[110]).
Les estimations publiées sont très variables selon les études. En tenant compte des élasticités des acteurs résidentiels, commerciaux et industriels, Labandeira, Labeaga et López-Otero (2017[105]) estiment des élasticités-prix sur les produits énergétiques à –0.221 à court terme, et à –0.584 à long terme. Ils mettent en évidence de grandes différences selon les produits énergétiques, les élasticités les plus importantes étant observées pour l’essence (‑0.293, ‑0.773), le gaz naturel (‑0.180, ‑0.684) et le gazole (‑0.153, ‑0.443), alors que les plus faibles valeurs correspondent à l’électricité (‑0.126, ‑0.365) et au fioul de chauffage (‑0.017, ‑0.185). D’autres études obtiennent toutefois des élasticités-prix sensiblement plus faibles pour l’essence, pour laquelle elles parviennent à des estimations centrales de ‑0.09 à court terme et de ‑0.31 à plus long terme (Havranek, Irsova et Janda, 2012[107]). Ces différences peuvent s’expliquer par les caractéristiques propres à chacun des pays. À titre d’exemple, la demande de combustibles est généralement plus élastique dans les zones densément peuplées et dans celles bien desservies par les transports publics.
Cette grande diversité des estimations résulte aussi toutefois des méthodes empiriques appliquées et du choix des variables, dont celui des horizons temporels. La plupart des études se focalisent sur les élasticités à court terme et supposent que la sensibilité aux variations de prix est indépendante du niveau initial des prix. Dans les faits, les élasticités et les niveaux de prix évoluent au fil du temps. Les ménages peuvent être dans l’incapacité d’ajuster rapidement leur consommation de combustibles. Toutefois, à moyen terme, ils pourraient investir dans de nouveaux systèmes de chauffage, dans une meilleure isolation, ou dans des moyens de transport à faible consommation d’énergie. Ces adaptations constituent précisément l’un des principaux effets recherchés par les mesures de tarification du carbone et leur non prise en compte s’avère donc problématique. Une autre limite de ces études tient au fait que les élasticités de la demande sont généralement estimées de manière linéaire, sans permettre qu’elles soient différentes selon l’ampleur des variations des prix (Immervoll et al., 2023[13]). En effet, cette approche tient principalement compte des variations continues de la consommation d’un bien donné (marge intensive), mais pas d’un basculement total d’une catégorie de consommation à une autre dès lors que les prix dépassent un certain seuil (marge extensive), par exemple un abandon complet de la voiture au profit des transports publics ou du vélo. Ce dernier effet peut être particulièrement important dans le contexte des efforts de réduction des émissions.
Des études en nombre relativement réduit examinent les différences d’élasticité-prix selon les groupes socioéconomiques et les catégories de revenu – voir par exemple Wadud, Graham et Noland (2010[111]), qui établissent que le nombre de véhicules du ménage, le nombre de membres avec un revenu au sein de celui-ci et sa localisation sont des déterminants de l’élasticité-prix. Cette même étude évalue dans quelle mesure les réponses comportementales ont une incidence sur l’effet redistributif d’une taxe sur l’essence, et elle parvient à la conclusion que la prise en compte de l’hétérogénéité des réponses comportementales ne modifie pas le profil redistributif de la taxe, une constatation qui est corroborée par une étude sur la tarification carbone réalisée par Renner, Lay et Greve (2018[97]). Comme indiqué à la section 5.2, aucun consensus ne se dégage sur le point de savoir si ce sont les ménages les plus modestes ou les plus aisés qui sont les plus sensibles aux hausses de prix des combustibles, certaines études observant des réponses plus marquées chez les ménages à faible revenu (West et Williams, 2004[95]), alors que d’autres constatent des élasticités plus fortes chez les ménages à revenu élevé (Zhu et al., 2018[106]).
Pour résumer, les réponses des ménages aux variations des prix des produits énergétiques sont plus importantes à long terme qu’à court terme, et elles sont différentes selon les types d’énergie, bien que les écarts soient souvent faibles ou modérés. Pour tous les produits énergétiques, les hausses de prix entraînent une diminution moins que proportionnelle de la consommation. Les ménages verront donc généralement leurs factures d’énergie augmenter lorsque les prix du carbone montent, même après prise en compte de leurs réponses comportementales. Certaines études donnent à penser que les réponses comportementales ne contribuent que pour une part limitée à déterminer l’effet redistributif global des variations de prix, mais les données relatives aux différences de réponses comportementales selon les types de ménages ne permettent pas de tirer des conclusions définitives, du fait en partie des difficultés méthodologiques et de problématiques liées aux données.
Les prix du carbone ont une incidence sur le budget des ménages non seulement du fait de la consommation directe de combustibles par ces mêmes ménages, mais aussi de manière indirecte à travers leur consommation d’autres biens et services dont la production s’accompagne d’émissions de CO2. L’effet direct est fonction des profils des dépenses en combustibles (fossiles) pour le chauffage et le transport (Graphique 5.4). Le graphique présente également les dépenses d’électricité, qui constitue un bien dérivé dont la production peut nécessiter une utilisation intensive de combustibles.16 Les émissions liées à l’énergie incorporée dans l’ensemble des biens dérivés, y compris les denrées alimentaires et les transports publics, par exemple, sont un élément constitutif des empreintes carbone globales dont il est question dans la prochaine sous-section.
Les ménages modestes épargnent moins que les plus aisés, quand ils ne désépargnent pas, aussi leur consommation totale représente‑t-elle une part plus importante de leurs revenus que ce n’est le cas pour les ménages plus fortunés. Dans quatre des cinq pays étudiés au Graphique 5.4, ce profil régressif des dépenses est également valable pour la consommation d’énergie. Ceci est particulièrement manifeste en Pologne et en Türkiye, où les ménages à faible revenu consacrent plus d’un cinquième de leurs revenus à l’énergie17. Les dépenses d’électricité et de chauffage présentent également un caractère régressif dans les autres pays européens. Les ménages sont de ce fait particulièrement vulnérables à la précarité énergétique18. La part des ressources consacrée à certaines catégories d’énergie peut de fait être fonction croissante du revenu. Au Mexique et en Pologne, les parts des dépenses en carburants automobiles s’accroissent en fonction du revenu, ce qui met non seulement en évidence les inégalités de revenu, mais aussi celles de motorisation. En Allemagne, les dépenses en carburants automobiles sont pour l’essentiel stables. Le Mexique est le seul pays où les ménages les plus fortunés consacrent dans l’ensemble une plus forte part de leur revenu aux produits énergétiques, ce qui confirme que l’énergie peut être un bien de luxe dans les pays à revenu intermédiaire19. Les parts moyennes de dépenses sont également très variables selon les pays, et elles sont vraisemblablement déterminées par les revenus moyens, par les conditions climatiques, ainsi que par les taxes et subventions énergétiques.
La consommation d’énergie est un déterminant essentiel des émissions, mais ce n’est pas le seul. Plusieurs raisons expliquent pourquoi les dépenses énergétiques ne sont qu’un indicateur partiel des empreintes carbone des ménages. Premièrement, les émissions liées à la production d’électricité sont extrêmement variables d’un pays à l’autre, dans un rapport de 1 à 15 entre les cinq pays examinés ici20. Dans le même ordre d’idées, pour chacune des grandes catégories de consommation de combustibles, les émissions varient selon le type de combustible considéré (voir Graphique d’annexe 5.B.1), tout comme les prix avant application de la tarification carbone. Dans le cas des ménages à faible revenu ou de ceux des zones rurales, les combustibles domestiques peuvent être pour une large part constitués de combustibles solides (charbon, coke, tourbe, bois de chauffage), dont les facteurs d’émission sont plus élevés que pour les combustibles liquides. Les facteurs d’émission sont plus faibles pour le gaz naturel, une source d’énergie souvent plus répandue dans les zones urbaines. Les carburants automobiles sont généralement plus chers que les combustibles domestiques, et ils produisent moins d’émissions par unité d’énergie que le bois de chauffage, le charbon ou le fioul domestique. Par unité de dépenses en combustibles, les émissions – et donc aussi l’effet d’un prix du carbone donné – tendent par conséquent à être plus élevées pour les combustibles domestiques que pour les carburants automobiles.
En second lieu, les dépenses hors combustibles représentent une large part des dépenses des ménages21. Par unité de dépenses, l’utilisation de combustibles produit davantage d’émissions que les autres consommations, mais compte tenu du volume des dépenses hors combustibles, la production des biens et services autres que les combustibles constitue un déterminant important des empreintes carbone. Dans les cinq pays, les émissions directes liées à la consommation de combustibles fossiles par les ménages représentent la moitié environ des émissions totales liées à la consommation (Graphique 5.5). Ces estimations tiennent compte de l’ensemble de la consommation des ménages, conformément au principe de « responsabilité du consommateur » (voir note du graphique). Les dépenses en combustibles sont un déterminant moins important des émissions totales en France, du fait en partie de l’équilibre entre les dépenses respectivement consacrées aux combustibles fossiles et à l’électricité, mais aussi des types de combustibles (charbon et autres combustibles solides, combustibles liquides, gaz) utilisés par les ménages et dans les processus de production22. Les émissions liées aux intrants ou aux biens finals importés (autres que les combustibles) sont également significatives, mais relativement faibles : elles représentent moins de 10 % des émissions dans chacun des cinq pays. (Cette part réduite est rassurante dans le contexte des estimations ultérieures du coût des prix du carbone, qui ne tiennent pas compte des évolutions différentielles des prix du carbone dans les pays sources.)
La quantification des émissions indirectes incorporées dans la consommation hors combustibles est donc indispensable pour évaluer les effets redistributifs. Les émissions incorporées ne sont pas observées directement. Les habitudes de consommation et le contenu en carbone qui leur est associé connaissent des variations complexes selon les pays et les ménages, aussi est-il impossible de prévoir quel est l’effet net en l’absence d’une modélisation détaillée. Les résultats présentés dans le reste de ce chapitre attribuent aux ménages les émissions liées à leur consommation directe et indirecte, conformément à la méthode de modélisation décrite à l’Annexe 5.A.
Les empreintes carbone sont très variables selon les pays, sous l’effet de divers facteurs, dont les niveaux de développement, la densité démographique, les habitudes de consommation, et les technologies de production mises en œuvre. Le Graphique 5.6 montre les émissions liées à la consommation des ménages selon les pays, en différents points de la distribution des émissions nationales (et non de la distribution des revenus). Les émissions moyennes (non présentées) se situent aux alentours de 1 tonne de CO2 par ménage et par an au Mexique et en Türkiye, 6 tonnes en Pologne, et 8 à 9 tonnes en France et en Allemagne. Les émissions médianes des ménages allemands sont du même ordre que celles des ménages du 8e décile de la distribution des émissions en Pologne. La consommation moyenne des 10 % des ménages dont les niveaux d’émission sont les plus élevés au Mexique et en Türkiye produit le même volume d’émissions que le 3e décile le plus bas en Allemagne. Ces écarts entre les pays du point de vue des émissions attribuées à la consommation des ménages au sein du pays peuvent être bien plus élevés que s’ils étaient mesurés d’après les émissions par habitant qui se produisent matériellement dans chacun des pays (comparer avec le Graphique 5.3).
Au sein des pays, la consommation totale est le principal déterminant des écarts entre les émissions des ménages modestes et celles des plus fortunés. En moyenne pour l’ensemble des cinq pays, les dépenses des ménages à revenu élevé (les 10 % les plus aisés) sont 4.5 fois supérieures à celles des 10 % les plus pauvres (Graphique 5.7, partie supérieure gauche). C’est en France et en Pologne que les inégalités sont les plus faibles en termes de dépenses (les dépenses totales des 10 % les plus aisés et les plus modestes diffèrent dans un rapport de 1 à 3), alors qu’elles sont les plus marquées au Mexique (rapport de 1 à 9). Les émissions liées à la consommation augmentent donc fortement avec le revenu. En moyenne pour l’ensemble des pays, les profils des dépenses et des émissions totales sont très similaires, ce qui met en évidence à quel point le niveau total de dépenses constitue un important déterminant de l’empreinte carbone. Les résultats relatifs au gradient de revenu des émissions liées à la consommation font écho à ceux obtenus par la récente étude de Chancel, Bothe et Voituriez (2023[112]), bien que les résultats présentés ici soient moins asymétriques.
Toutefois, les résultats obtenus pour les différents pays montrent que les émissions ne peuvent pas seulement être réduites en dépensant moins, mais aussi en dépensant différemment23. Outre le volume total des dépenses, la part qui est consacrée à des biens et services caractérisés par une intensité carbone particulièrement élevée est également variable selon les catégories de revenu. Du fait des produits de première nécessité à forte intensité de carbone, notamment dans le domaine de l’énergie et de l’alimentation, les émissions par unité de dépense peuvent être plus importantes au bas de la distribution. Bien que son volume total soit bien plus important que pour les ménages les plus modestes, la consommation des ménages aisés se caractérise par conséquent par une intensité carbone moins forte. Le Graphique 5.7 met en évidence un profil de ce type dans plusieurs pays à revenu élevé (Allemagne, France, Pologne). En France, par exemple, les parts du décile de revenu le plus bas dans le volume total des dépenses et des émissions de carbone étaient similaires (5.8 % et 5.6 % respectivement), alors que la part du décile de revenu supérieur dans les dépenses totales était plus élevée que sa part dans l’ensemble des émissions (17.5 % contre 14.5 %). Les écarts sont toutefois en grande partie déterminés par la consommation des catégories disposant des revenus les plus élevés (les 10 % les plus aisés) et les différences d’incidence des émissions et des dépenses totales sont faibles ou très faibles dans la plupart des pays, mais aussi en moyenne pour les cinq pays. Les calculs pour le Mexique indiquent que non seulement les ménages les plus fortunés consomment davantage, mais qu’en outre leur consommation est associée à des émissions de carbone par unité de dépense plus élevées : le décile à plus faible revenu comptait pour 3.2 % des dépenses totales et pour 1.9 % de l’ensemble des émissions de carbone, tandis que le décile dont le revenu est le plus élevé était à l’origine de 28.5 % des dépenses totales et de 33.2 % du volume total des émissions de carbone. La section 5.4 examine ce que ces résultats impliquent du point de vue des stratégies destinées à compenser le coût de la tarification carbone pour les ménages.
Si l’on ne s’intéresse qu’aux seules différences d’émissions selon le revenu, on passe à côté de bien d’autres caractéristiques susceptibles d’avoir un impact sur la dépendance à l’égard des produits à fortes émissions. Comme indiqué dans la revue de la littérature, les études antérieures se sont souvent focalisées sur les gradients d’émission selon les revenus. Un certain nombre d’études n’en ont pas moins mis en évidence de fortes disparités dans les empreintes carbone à l’intérieur même des catégories de revenu, révélant l’importance du rôle des autres déterminants que le revenu. Il peut par exemple s’agir de l’âge, de la taille du ménage, ou du fait de vivre en zone rurale plutôt que dans une zone urbaine (pour ce dernier facteur, voir par exemple les récents résultats de l’Institut national suédois de recherche économique (Konjunktur Institutet, 2023[113])), mais aussi des habitudes de consommation et des préoccupations environnementales des individus. La stratification sociale plus large des émissions de GES est variable selon les pays, et elle peut déterminer l’adhésion ou la résistance du public aux politiques de tarification du carbone24. Tous ces éléments doivent être compris si l’on veut concevoir un ensemble de mesures qui ne soient pas trop préjudiciables aux catégories défavorisées. Un tableau détaillé des émissions par groupe démographique est également nécessaire pour anticiper les tendances futures en matière d’émissions et les priorités de l’action publique, notamment dans le contexte du vieillissement démographique (Tian et al., 2023[114]).
Le Graphique 5.8 compare une série de caractéristiques des ménages selon qu’ils produisent de fortes ou de faibles quantités d’émissions (voir notes du graphique). Dans certains pays de l’UE, les émissions sont pour une large part fonction du nombre de pourvoyeurs de revenu au sein du ménage, ce qui révèle vraisemblablement à quel point les carburants automobiles sont importants pour se rendre au travail. Dans le même ordre d’idées, dans plusieurs pays, les niveaux d’émissions élevés sont plus fréquents dans les zones rurales, du fait d’un plus grand éloignement entre le domicile et le lieu de travail, ainsi que de moyens de chauffage généralement différents et d’un parc de logements plus ancien et moins bien isolé (les indicateurs urbain/rural ne sont pas disponibles dans les enquêtes sur le budget au Mexique et en Türkiye). Les émissions de carbone présentent également une importante dimension de genre : les ménages qui ont à leur tête un homme figurent en plus grand nombre parmi ceux à l’origine de fortes émissions, ce qui est en accord avec les écarts de salaires existants entre les genres. Le gradient lié au niveau de formation est également significatif, et une corrélation particulièrement importante peut être observée au Mexique et en Pologne entre le fait d’être diplômé(e) de l’enseignement supérieur et un volume élevé d’émissions. Dans la pratique, il existe une corrélation entre ces caractéristiques et d’autres encore, qui pourrait être très étroite. Les travaux à venir devront procéder à une analyse plus approfondie de l’empreinte carbone en fonction de diverses caractéristiques des ménages, tout en neutralisant les effets de certaines autres25.
Les empreintes carbone des ménages constituent l’un des principaux déterminants du coût de la tarification carbone. Elles ne sont toutefois pas le seul, étant donné que dans la pratique, les mesures de tarification carbone ne sont pas appliquées de manière uniforme, ce qui signifie que toutes les émissions ne sont pas tarifées de façon homogène. Par exemple, les droits d’accise, les taxes carbone et les systèmes d’échange de quotas d’émission peuvent varier considérablement selon les secteurs et les types de combustibles. Ainsi, dans les 72 pays couverts par la base de données TEC de l’OCDE, le secteur du transport routier est celui qui supporte les tarifs du carbone les plus élevés (les tarifs supérieurs à 60 EUR et 120 EUR par tonne de CO2 sont principalement observés dans ce secteur), suivi par les secteurs de l’électricité et du transport non routier. Dans les secteurs de l’industrie et de la construction, 72 % et 64 %, respectivement, des émissions ne sont pas soumises à une forme de tarification du carbone, alors que près des trois quarts des émissions du secteur de l’électricité sont soumises à un prix du carbone positif (OCDE, 2023[8]). La correspondance entre les émissions des ménages et la charge que font peser sur eux les prix du carbone n’est donc pas parfaite, pas plus qu’elle n’est évidente, et elle dépend de la conception particulière des mesures de tarification du carbone mises en œuvre.
La période 2012‑21 a donné lieu à des innovations considérables en matière de politiques de tarification carbone. Si les prix du carbone restent dans la plupart des cas très éloignés du niveau qui serait nécessaire pour respecter les principaux engagements d’atténuation du changement climatique, les pays de l’OCDE les ont souvent sensiblement augmentés au cours de la période. Les prix initiaux du carbone en 2012 et leur rythme d’évolution par la suite ont cependant été variables, tout comme les leviers actionnés par les pouvoirs publics (section 5.1 et Graphique 5.2 ci-dessus). Elgouacem et al. (à paraître[14]) apportent plus de précisions sur les réformes spécifiques mises en œuvre dans les cinq pays. Dans quatre des cinq pays couverts par cette analyse empirique, les tarifs effectifs du carbone exprimés en euros (constants) ont enregistré une hausse – d’une ampleur appréciable dans la plupart d’entre eux. Les prix et la couverture du SEQE ont augmenté dans tous les pays de l’UE, multipliant quasiment par deux les TEC en Allemagne et en Pologne, et les accroissant dans une moindre mesure en France. Le Mexique a largement relevé les droits d’accise par rapport aux valeurs appliquées en 2012. La France a instauré une taxe sur le carbone. En Türkiye, les TEC ont diminué d’environ 80 % par rapport à leur valeur en EUR en 2012, bien que les prix du carbone aient en réalité augmenté en monnaie nationale, ce qu’il faut prendre en compte si l’on s’intéresse à leur effet relatif sur le revenu des ménages. Sur les cinq pays, la France est celui qui présentait les TEC les plus élevés en 2021. C’est au Mexique et en Türkiye que les TEC étaient les plus bas en valeur absolue exprimée en EUR, quoiqu’avec d’importants effets potentiels sur les niveaux de vie des ménages.
Au cours de la période 2012‑21, le coût supporté par les ménages du fait de la hausse des prix du carbone a été plutôt modeste dans l’ensemble. Le Graphique 5.9 présente le coût supporté par les ménages du fait des récentes réformes, en fonction de leurs niveaux de revenu. Dans quatre des cinq pays, le coût supplémentaire pour le panier de consommation moyen d’un ménage était égal ou inférieur à 1 % du revenu. C’est là un effet limité, tant en comparaison des taux d’inflation annuels récents que par rapport à l’inflation cumulée au cours des dix années qui ont précédé la crise du coût de la vie26. C’est en Pologne que la charge supplémentaire sur les ménages a été la plus élevée (2.3 % de leur revenu), mais elle a été négligeable en Türkiye (voir notes du graphique).
Le coût induit par les changements de prix du carbone a cependant été plus important pour certaines catégories de revenu, avec des effets pour l’essentiel régressifs. Dans quatre des pays examinés, les augmentations des prix du carbone ont eu dans l’ensemble un effet régressif, et les paniers de consommation des ménages à faible revenu en ont été les plus fortement affectés. Outre les habitudes de consommation, les prix initiaux des combustibles (avant la réforme) ont également leur importance, étant donné qu’ils peuvent être très différents selon les types de combustibles. Si elles ont recours de manière disproportionnée à des combustibles moins chers et plus polluants, les catégories à faible revenu constateront une plus forte répercussion de la tarification carbone sur le montant de leurs factures, en valeur absolue comme en termes relatifs.
Les ménages à faible revenu supportent certes les effets les plus marqués en proportion de leurs revenus, mais les pertes subies par les ménages de la classe moyenne inférieure peuvent être du même ordre de grandeur. L’effet régressif est particulièrement manifeste en Türkiye, où la charge induite était modeste si l’on considère sa valeur moyenne, mais d’un montant significatif dans le tiers inférieur de la distribution des revenus, et en Pologne, où les ménages du décile inférieur ont subi une hausse des coûts équivalente à plus de 4 % de leur revenu. En France, la charge estimée était trois fois plus élevée pour le décile inférieur que pour le décile supérieur, alors qu’elle était environ deux fois plus élevée en Allemagne. Le Mexique fait figure d’exception face à ces profils régressifs, puisque la charge relative est plus lourde pour les ménages à revenu élevé, ce qui met en évidence l’extrême concentration des dépenses énergétiques au sommet de la distribution des revenus, conformément à une configuration qui a, comme cela a déjà été indiqué, été observée dans certains pays à revenu intermédiaire, et qui pourrait également être liée à des facteurs géographiques et/ou climatiques (Graphique 5.4).
L’impact spécifique sur les budgets des ménages dépend du type et de la conception de la tarification carbone :
Dans la mesure où les droits d’accise frappent directement les dépenses en énergie, les effets de leur augmentation reflètent pour partie les profils de consommation énergétique des ménages (comparer le Graphique 5.9 et le Graphique 5.4). Mais les droits d’accise peuvent également avoir des répercussions sur les prix des produits autres que les combustibles. En Türkiye, les augmentations les plus fortes ont touché les secteurs qui ont une incidence sur les prix alimentaires (l’agriculture et la pêche), qui représentent une part importante des dépenses des ménages à faible revenu. De même, en Pologne, les droits d’accise n’ont guère modifié les achats de combustibles des ménages, mais ils ont enregistré une augmentation significative dans l’agriculture et la pêche, exerçant une pression à la hausse sur les prix alimentaires.
Dans quatre des cinq pays, l’instauration de nouvelles taxes carbone explicites ou la hausse de leur montant n’ont pas eu d’impact sur le prix global du carbone au cours de la période 2012‑21. Un pays fait exception, avec des effets régressifs notables : la France, où la contribution climat énergie a été introduite en 2014. Celle‑ci a d’abord connu une hausse de taux, avant de ne plus subir ensuite aucune modification depuis 2018, à la suite d’un moratoire sur les hausses auparavant prévues, dans le sillage des manifestations des « gilets jaunes ».
Dans les pays de l’UE, une partie importante des variations du coût supporté par les ménages est imputable à la hausse des prix des certificats d’émission (SEQE‑UE) et/ou à l’extension du dispositif à un plus grand nombre de secteurs. Selon la façon dont ils sont conçus, les SEQE peuvent avoir un impact sur le prix des combustibles pour les consommateurs finals. Par exemple, un SEQE national mis en place en 2021 en Allemagne (Nationales Emissionshandelssystem) s’applique spécifiquement aux fournisseurs de carburants et combustibles et entraîne donc une modification des prix à la consommation des combustibles (effet « direct »). L’effet « indirect » du SEQE‑UE sur les prix des produits autres que les combustibles tend néanmoins à être plus important (voir Elgouacem et al. (à paraître[14]) pour une ventilation du coût supporté par les ménages selon que ces effets sont directs ou indirects). Au cours de la période 2012‑21, la hausse des prix des permis observée dans le cadre du SEQE‑UE n’a de fait guère eu d’effet sur les prix des combustibles pour les consommateurs finals, mais elle a exercé une pression croissante sur les budgets des ménages à travers le prix des produits autres que les combustibles, surtout en Pologne.
Dans l’ensemble, le coût supporté par les ménages dépend pour une large part des modalités précises de la tarification carbone selon les secteurs. D’énormes écarts de prix du carbone sont de fait observés dans la pratique, tant au cours d’une même année que lorsque l’on s’intéresse aux variations des prix du carbone au fil du temps (OCDE, 2023[8]). L’analyse menée dans ce chapitre depuis les secteurs jusqu’aux biens de consommation tient compte de cette hétérogénéité. En revanche, les évaluations de la réforme fondées sur des scénarios simples et « stylisés » de tarification carbone, supposant par exemple l’application d’un taux uniforme à toutes les émissions, risquent de passer à côté de certains aspects des effets redistributifs des trajectoires suivies par les politiques en situation réelle. Par ailleurs, comme l’illustrent certains des résultats, lorsqu’elles sont mises en œuvre simultanément ou successivement dans différents domaines d’action des pouvoirs publics, les réformes liées à la tarification carbone peuvent avoir des effets complexes d’un point de vue redistributif, leurs répercussions sur les ménages se renforçant ou se neutralisant mutuellement.
L’effet sur le bien-être exercé par les variations des prix du carbone dépend non seulement du prix du carbone, mais aussi de l’augmentation relative des revenus du travail, qui peut déterminer le taux de croissance des revenus individuels et donc de ceux des ménages27. Car si les prix du carbone augmentent plus rapidement (ou plus lentement) que les revenus, le pouvoir d’achat enregistrera vraisemblablement une baisse (ou une hausse), sous réserve des interactions avec les autres politiques, par exemple en matière de taxes et de prestations. Cela peut également avoir un impact sur l’effet des prix du carbone sur la valeur réelle des salaires. Bien que l’analyse menée dans ce chapitre n’ait pas pour objet de procéder à un examen croisé des variations des rémunérations et de celles des prix du carbone à l’échelle individuelle, l’Encadré 5.4 présente un certain nombre de résultats obtenus en comparant la distribution des variations des prix du carbone à la croissance des revenus médians du travail à l’échelle sectorielle (dont l’augmentation du coût du travail est un indicateur) au cours de la période 2012‑21.
Le Graphique 5.10 ci‑après présente les taux de croissance des tarifs effectifs du carbone (TEC) (nominaux) pour les ménages, par comparaison avec l’inflation (taux d’augmentation des prix, mesurée par l’indice des prix à la consommation – IPC) et les coûts du travail (dans les secteurs ayant enregistré le plus fort et le plus faible taux de croissance). Dans presque tous les pays, la part des prix du carbone dans le budget des ménages a augmenté plus vite que l’inflation pour tous les déciles de revenu, ce qui indique qu’une part croissante du pouvoir d’achat dépend des prix du carbone. Cependant, les coûts moyens du travail ont également augmenté au cours de cette période, et plus vite que l’inflation. Bien que les données utilisées dans l’analyse présentée dans ce chapitre ne permettent pas de détailler les variations des coûts du travail pour les différents ménages, les données d’Eurostat permettent de procéder à leur ventilation par secteur (au sens large), ce qui donne la possibilité de calculer les taux de croissance des coûts du travail pour les secteurs ayant enregistré la plus forte et la plus faible progressions. Pour l’Allemagne, la France et la Pologne, la part des TEC dans le budget des ménages s’est accrue plus vite que les coûts du travail dans le secteur présentant le taux de croissance le plus élevé. La Türkiye a connu une situation inverse, les TEC pour les ménages progressant plus lentement que les coûts du travail dans le secteur à plus forte croissance. Cela indique qu’en Allemagne, en France et en Pologne, les effets sur le bien-être imputables à la hausse des prix du carbone pourraient avoir été de manière générale négatifs (autrement dit, les rémunérations ont progressé moins vite que les prix), alors qu’ils pourraient avoir été positifs en Türkiye pour les salariés des secteurs où les rémunérations ont le plus augmenté.
Les recettes tirées de la tarification carbone sont considérables, même si les prix actuels du CO2 sont encore loin de cadrer avec les engagements internationaux de lutte contre le changement climatique. En 2018, les recettes de la tarification carbone totalisaient en moyenne 1.3 % du PIB des pays de l’OCDE et du G2028. Dans plusieurs pays de l’OCDE, cet ordre de grandeur est comparable à celui des principales catégories de dépenses sociales, comme l’aide au revenu ciblée sur la population d’âge actif ou les services sociaux hors santé29. Dans le cadre de programmes d’action plus vastes, la redistribution aux ménages de tout ou partie des recettes tirées de la tarification carbone offre aux pouvoirs publics une marge de manœuvre considérable pour compenser les pertes et influer sur le profil redistributif. Cette compensation peut restreindre les effets régressifs de la tarification carbone. Elle peut aussi intervenir lorsque les charges ne sont pas régressives étant donné que, même lorsque son impact sur l’ensemble des ménages est uniforme ou progressif, la tarification carbone peut poser des difficultés financières à certains d’entre eux.
Le Graphique 5.11 illustre les possibilités qu’offre le recyclage des recettes de restreindre les pertes des ménages et de rendre certaines sections de la population mieux loties qu’en l’absence des mesures de tarification carbone pour la période 2012‑21. Il concerne les quatre pays pour lesquels les charges estimées sont lourdes, sans la Türkiye (où les charges supplémentaires dues à des changements de prix du carbone étaient négligeables). Par souci de maniabilité, les estimations reposent sur le plus simple des scénarios de recyclage des recettes, à savoir celui du transfert forfaitaire uniforme à tous les ménages30,31. Ce scénario est hypothétique et censé éclairer l’examen de stratégies de compensation plus individualisées. Comparables à un revenu minimum universel, les transferts forfaitaires uniformes sont souvent moins redistributifs que les transferts sociaux ciblés. Lorsqu’il est conçu comme une prestation autonome remplaçant d’autres transferts, un revenu minimum est difficile à financer sans fortes hausses d’impôts. Il peut aussi être régressif dans la mesure où de nombreuses catégories de population vulnérables pourraient être financièrement désavantagées par un revenu minimum forfaitaire remplaçant l’aide ciblée qu’elles recevaient (Browne et Immervoll, 2017[115]). Cependant, dans le contexte d’une taxe carbone, une compensation sous forme de versement forfaitaire est fréquemment discutée. Elle provient d’une source de recettes nouvelle et peut être versée en complément et non en remplacement des transferts déjà en place. Elle a pour autre avantage d’être simple à présenter. Comme tout le monde reçoit un versement périodique, elle peut servir à montrer que la taxe carbone a pour but d’atténuer le changement climatique sans alourdir les charges des ménages. Les transferts forfaitaires universels à tous les ménages sont parfois considérés comme une bonne solution de recyclage des recettes (Klenert et al., 2018[98])32.
La partie A du Graphique 5.11 montre les parts de perdants dans chaque tranche de revenu lorsque l’intégralité des recettes de la tarification carbone est redistribuée sous la forme de transferts forfaitaires uniformes33. Dans les quatre pays, une majorité de ménages aisés est perdante parce que le coût du carbone dû à leur forte consommation de carburant et autres biens dépasse probablement le montant du transfert forfaitaire. En revanche, la plupart (70 % ou plus) des ménages du décile de revenu inférieur sont gagnantes ou ne supportent pas de charge supplémentaire. Comme ces ménages dépensent peu (en valeur absolue), le transfert forfaitaire compense ou dépasse l’effet des prix du carbone pour bon nombre d’entre eux34. Le transfert forfaitaire fait toutefois quelques perdants même parmi les tranches de revenu inférieures, ce qui souligne les imperfections d’une simple compensation universelle et les inégalités horizontales qu’elle pourrait créer.
Des stratégies de compensation pour réaliser des objectifs redistributifs à court terme et à moindre coût budgétaire sont envisageables35. On pourrait, par exemple, tout simplement réduire le transfert par habitant. Dans la pratique, en effet, il est possible que les recettes de la tarification carbone ne soient pas disponibles dans leur intégralité pour financer les mesures de compensation. Le lien entre le montant du transfert forfaitaire et le nombre de perdants est illustré dans la partie B. Pour chaque part de dépenses, le graphique montre le nombre de personnes qui seraient désavantagées. Sans aucune compensation, les revenus des ménages restent inchangés, mais des tarifs du carbone plus élevés se traduisent par une hausse des dépenses et tous sont pénalisés. Lorsque les transferts augmentent, la proportion de perdants finit par diminuer. Pour certains des changements de politiques analysés ici, il semble possible de veiller à ce qu’une majorité soit avantagée en ne consacrant pas l’intégralité des recettes de la tarification carbone aux transferts de revenu. Au Mexique, la répartition très inégale des revenus et les charges relativement peu élevées des ménages à revenus faibles et moyens font qu’une majorité est avantagée lorsque20 % seulement des recettes sont redistribuées sous la forme de transferts forfaitaires aux ménages. Le pays dispose ainsi d’une importante marge budgétaire à utiliser à d’autres fins, comme l’intensification de programmes en faveur de la transition vers la neutralité carbone qui s’attaquent au problème du manque d’investissement des ménages dans l’efficacité énergétique, ou encore la réallocation des emplois dans des activités de production plus sobres en carbone, par exemple au moyen de l’assurance chômage et de politiques actives du marché du travail (voir D’Arcangelo et al. (2022[116]) et les chapitres 3 et 436).
Des considérations de budget, d’équité, d’efficience et d’efficacité peuvent néanmoins commander des stratégies de compensation méticuleusement individualisées. Pour les réformes de la tarification carbone en France et en Allemagne, un transfert forfaitaire uniforme empêchant une majorité de ménages d’être désavantagés nécessiterait presque la totalité des recettes. Par ailleurs, comme indiqué plus haut, une majorité (bien que restreinte) de Polonais serait désavantagée même si l’intégralité des recettes était recyclée. Ce constat donne à penser que les ressources tirées de la tarification carbone doivent être engagées avec prudence : lorsque la compensation des ménages accapare la totalité ou presque des recettes supplémentaires, les possibilités de financement d’autres programmes risquent d’être restreintes. Ce constat, ainsi que les inégalités horizontales (mises en évidence par la part non négligeable de perdants au sein des déciles de revenu illustrée par la partie A du Graphique 5.11), appelle des efforts pour réduire le coût budgétaire des mesures de compensation directe, en déterminant le montant des transferts en fonction des besoins d’aide des ménages (besoins qui peuvent être en rapport avec le revenu ou avec d’autres facteurs, comme le fait de vivre en milieu urbain ou rural), tout en veillant à ce que les signaux-prix soient en phase avec l’objectif de réduction des émissions37. Bon nombre des pays qui ont mis en œuvre une forme de recyclage des recettes de la tarification carbone ont en effet ciblé les transferts sur les personnes en ayant le plus besoin (Encadré 5.5). La qualité du ciblage des mesures de soutien est devenue d’autant plus importante avec la récente crise énergétique (Hemmerlé et al., 2023[117]). Un suivi détaillé et régulier de la répartition du coût du carbone permettrait en effet, entre autres, d’éclairer des stratégies de soutien individualisées, et donc économiquement rationnelles (Douenne et Fabre, 2020[118]).
Marten et Van Dender (2019[119]) dressent l’état des lieux de l’utilisation des recettes de différentes mesures de tarification carbone dans 40 économies de l’OCDE et du G20 (voir également Banque mondiale (2019[120])). À l’instar d’autres taxes dites « pigouviennes », la tarification carbone n’est normalement pas censée être une source stable de financement et diminuera à mesure que seront atteints ses objectifs de réduction d’émissions. D’autre part, de façon similaire à d’autres recettes publiques, celles provenant de la tarification carbone font l’objet de demandes concurrentes, ce qui risque de limiter la possibilité de les réserver aux transferts de revenu. Ces recettes pourraient cependant jouer un rôle redistributif important pour plusieurs raisons. Premièrement, sur les trajectoires de la tarification carbone communément évoquées, les recettes prévisibles sont de grande ampleur (voir texte principal). Deuxièmement, même si les prix croissants du carbone sont étudiés pour, à terme, réduire l’assiette de calcul, le processus est progressif et son impact négatif initial sur les recettes peut et devrait être compensé par la poursuite de la hausse des tarifs. Les recettes de la tarification carbone sont amenées à diminuer à terme, mais cela se compte en décennies et non en années. Troisièmement, la redistribution et la protection sociale correspondante jouent un rôle facilitateur essentiel en réduisant les coûts d’ajustement des ménages concernés et en encourageant l’adhésion de l’électorat. Par conséquent, les besoins connexes en ressources sont sans doute temporaires plutôt que permanents et peuvent ainsi être financés par une source de recettes temporaire.
Il existe plusieurs exemples de tarification carbone réservée aux transferts de revenu et aux programmes de protection sociale qui les accompagnent :
Nouvelle‑Zélande : le budget de 2022 instaurait un fonds d’intervention d’urgence climatique alimenté par les recettes de son système d’échange de droits d’émission. Les initiatives admissibles au financement sont celles qui réduisent la vulnérabilité ou l’exposition au changement climatique ou qui s’attachent aux conséquences redistributives du changement climatique et des politiques d’atténuation.
Autriche : la taxe carbone de 32.50 EUR/tCO2 instituée en 2022 recycle toutes les recettes qui en résultent sous la forme de transferts en espèces. Le ciblage des bénéficiaires est géographique : les habitants des régions plus tributaires d’activités à forte intensité de carbone (ex. les transports individuels si les transports en commun sont plus difficiles d’accès) reçoivent une aide plus importante (OCDE, 2022[72]).
Suisse : une taxe carbone de 12 CHF/tCO2 a été imposée en 2008 et relevée par étapes à 120 CHF/tCO2 en 2022. Elle génère actuellement des recettes annuelles de l’ordre de 1.2 milliard CHF, dont deux tiers sont redistribués par transfert forfaitaire sous la forme de tarifs d’assurance maladie réduits (Office fédéral de l’environnement (OFEV), 2023[121]).
Irlande : une taxe carbone de 48.50 EUR/tCO2 a été mise en place en 2010. Un type « non contraignant » de préaffectation est employé, avec engagement politique à utiliser une part des recettes pour augmenter les prestations d’aide sociale aux ménages avec enfants, et à financer la reconversion professionnelle des travailleurs des secteurs à forte intensité de carbone. Le budget de 2020 a augmenté les taxes carbone de 6 EUR/tCO2 et préaffecté les recettes, notamment à la protection des ménages et des travailleurs vulnérables.
Colombie‑Britannique, Canada : la Colombie‑Britannique a mis en œuvre un « crédit d’impôt action climat » sous la forme d’un transfert trimestriel qui aide à compenser l’impact des taxes carbone payées par les individus et les familles. En avril 2024, la taxe carbone en Colombie‑Britannique est passée de 65 CAD à 80 CAD par tonne de CO2e. Pour protéger l’accessibilité économique, les recettes générées par cette augmentation serviront à alléger la fiscalité carbone des habitants de la Colombie‑Britannique en améliorant le crédit d’impôt action climat.
Canada (huit provinces) : huit provinces canadiennes (Alberta, Manitoba, Nouveau‑Brunswick, Terre‑Neuve‑et‑Labrador, Nouvelle‑Écosse, Ontario, Île‑du-Prince‑Édouard et Saskatchewan) redistribuent les recettes de la taxe carbone aux ménages par le biais de la Remise canadienne sur le carbone (précédemment connue sous le nom de paiement incitatif à agir pour le climat ou PIAC).
Source : Immervoll (à paraître[122]) et questionnaire du Comité ELSA. Mesures de soutien canadiennes :www.canada.ca/fr/agence-revenu/services/prestations-enfants-familles/remise-canadienne-carbone.html et www2.gov.bc.ca/gov/content/taxes/income-taxes/personal/credits/climate-action, consultés le 3 juin 2024.
S’agissant des politiques redistributives de manière plus générale, des arbitrages sont possibles entre les objectifs environnementaux, les objectifs d’équité et ceux de simplicité, de renforcement des incitations au travail, de résolution d’autres difficultés déjà présentes et autres. L’ajout d’objectifs (comme la réduction d’autres charges fiscales) a tendance à laisser moins de marge de budgétaire pour la redistribution ou la lutte contre le changement climatique. Par exemple, la réforme des taxes environnementales est souvent justifiée par la notion de « double dividende », selon laquelle on améliore les conditions environnementales et économiques grâce à la baisse des émissions nocives tout en créant une marge budgétaire permettant de réduire les taxes génératrices de distorsions (par ex. sur le travail) (Pearce, 1991[58] ; Ekins et al., 2011[123] ; Antosiewicz et al., 2022[124] ; García-Muros, Morris et Paltsev, 2022[125]). Ce type de démarche est parfois envisagé pour des raisons d’efficacité (Guillemette et Château, 2023[126]). Or, à l’inverse des transferts redistributifs en espèces, l’abaissement des impôts sur le revenu n’aide que peu ou pas les plus pauvres et risque de rendre les mesures de tarification carbone plus régressives que d’autres dispositifs de compensation (Rausch, Metcalf et Reilly, 2011[31] ; Immervoll et al., 2023[13]). Regrouper la tarification carbone et les baisses d’impôt sur le travail peut néanmoins être une option séduisante du point de vue de l’économie politique, notamment en présence de preuves empiriques que les gains d’emploi seraient importants, y compris parmi les groupes les plus concernés par la hausse des redevances d’émission (chapitre 3).
Dans la pratique, les options de recyclage des recettes demandent des mesures réfléchies, prenant en compte, entre autres facteurs, le délai entre la perception des recettes et la redistribution ou les contraintes juridiques imposées à la préaffectation des recettes. Un rapport récent par Cardenas Monar (2024[127]) s’intéresse à certains de ces facteurs.
Ce chapitre évalue les conséquences des politiques de tarification carbone sur les ménages. Il examine pour cela les différents canaux de transmission des effets redistributifs et décrit une méthode de quantification des charges qui pèsent sur les ménages du fait de l’augmentation des dépenses de consommation. L’évaluation empirique donne une estimation de l’empreinte carbone des ménages dans cinq pays et suit les prix du carbone depuis les intrants jusqu’aux consommateurs tout au long de chaînes de valeur complexes. Elle s’appuie sur des données détaillées issues de la base de données de l’OCDE sur les tarifs effectifs du carbone afin d’estimer les charges imposées par un large éventail de réformes de la tarification carbone mises en œuvre entre 2012 et 2021.
Les résultats confirment dans une large mesure l’idée généralement admise selon laquelle la tarification carbone touche plus particulièrement les populations aux revenus faibles et intermédiaires, même si les émissions imputées à leur consommation ne représentent qu’une fraction de celles associées aux ménages à revenu élevé. Au cours de la période considérée, les réformes relatives à la tarification carbone n’ont souvent imposé qu’une faible charge aux ménages. Depuis 2021, les pouvoirs publics s’efforcent d’accompagner les ménages et les entreprises (par ex. en réduisant les prix du carbone dans les secteurs du transport routier) tandis que l’inflation a également fait baisser la valeur réelle des tarifs effectifs du carbone dans certains cas. Dans la mesure où les prix actuels du carbone restent bien en deçà des niveaux considérés comme conformes aux engagements nationaux et internationaux en matière de climat, les hausses de prix pourraient donc être importantes et rapides à l’avenir. La nature principalement régressive des réformes examinées dans le présent chapitre fait ressortir l’importance de surveiller de près les effets redistributifs des changements de politique futurs, à la fois pour des raisons d’équité et pour veiller à ce que les réformes aient l’aval des électeurs.
Les résultats comparatifs mettent en évidence des effets redistributifs très variables selon les pays et les mesures mises en œuvre, ce qui laisse à penser qu’il existe différents leviers d’action pour éviter ou limiter les effets redistributifs préjudiciables. Les pouvoirs publics ont recours à toute une série de mesures en matière de tarification carbone. Leur conception est importante non seulement pour atteindre les objectifs environnementaux, mais aussi pour influer sur les effets distributifs. Les recettes de la tarification carbone donnent également une certaine latitude pour compenser les ménages. La compensation sous la forme d’un versement forfaitaire uniforme à tous les ménages, simple à mettre en œuvre, est toutefois peu ciblée par définition, ce qui augmente le coût des mesures de compensation et risque de restreindre les capacités de financement d’autres programmes prioritaires avec les recettes de la tarification carbone. La compensation non ciblée n’assure pas non plus une protection adéquate de certains ménages vulnérables.
L’un des sujets saillants des travaux publiés sur le recyclage des recettes de la tarification carbone concerne le « dilemme équité-pollution » (Scruggs, 1998[128] ; Heerink, Mulatu et Bulte, 2001[129] ; Beiser-McGrath et Busemeyer, 2023[130]) : une situation dans laquelle les ménages modestes consacrent une part plus importante de leurs ressources aux biens et services à forte intensité de carbone que les ménages aisés, et la redistribution aux plus pauvres peut avoir pour effet d’accroître les émissions totales (illustrant ce que l’on qualifie parfois « d’effet rebond » de l’atténuation du changement climatique). Tout arbitrage entre équité et objectifs environnementaux représente une véritable gageure, dans la mesure où les ménages pauvres ou en situation de privation matérielle ne consomment pas assez, plutôt que trop, et où la redistribution est l’une des principales stratégies pour améliorer leur niveau de vie. Certaines études par pays ont mis en lumière ce dilemme (Sager, 2019[131]). Les résultats présentés dans ce chapitre confirment que les émissions totales produites par la consommation sont bien plus élevées au sommet de la distribution des revenus, mais que les intensités d’émission (émissions par rapport aux dépenses) peuvent en effet être plus élevées aux niveaux de revenu inférieurs.
Ces résultats apportent toutefois certaines nuances par rapport aux résultats antérieurs, et ce de trois manières. Tout d’abord, ce dilemme ne s’applique pas à tous les types de tarification carbone. Par exemple, le carburant et l’énergie ne se comportent pas toujours comme des produits de première nécessité et les données présentées dans ce chapitre montrent que les ménages à revenu intermédiaire et élevé consacrent parfois une part plus importante de leur revenu au carburant., Si l’on exclut le décile de revenu le plus élevé (les 10 % du haut de l’échelle), l’intensité des émissions ne varie que très peu d’une catégorie de revenu à l’autre et les empreintes carbone augmentent avec le revenu et sont beaucoup plus élevées pour les groupes à haut revenu. Dans un pays (Mexique), l’intensité des émissions est beaucoup plus élevée pour les ménages à haut revenu, ce qui indique que la redistribution peut à la fois renforcer l’équité et faire avancer les objectifs environnementaux. En outre, les émissions varient non seulement en fonction du revenu, mais aussi d’autres caractéristiques des ménages. Cela laisse entrevoir des possibilités de contourner d’éventuels arbitrages entre la réduction des émissions et la lutte contre les inégalités, par exemple en adaptant les stratégies de compensation en fonction de différentes caractéristiques telles que la région ou l’âge, plutôt que du seul revenu. Enfin, les résultats donnent à penser qu’un recyclage même partiel des recettes peut améliorer la situation d’un grand nombre des ménages les plus modestes. L’utilisation des recettes restantes pour lutter contre le sous-investissement dans l’efficacité énergétique (éventuellement complétées par le budget général), notamment parmi les groupes défavorisés, peut aider les ménages à faible revenu à réduire leur dépendance à l’égard d’une consommation à forte intensité de carbone et, partant, à s’attaquer au déterminant sous-jacent de tout dilemme équité-pollution.
Compte tenu de l’urgence du programme de lutte contre le changement climatique, la surveillance régulière des effets redistributifs des réformes passées et à venir de la tarification carbone, ainsi que des mesures de compensation connexes, devrait être une priorité, tout comme la communication systématique des résultats à l’électorat et aux parties prenantes38. Les travaux futurs de l’OCDE pourraient s’intéresser à la mise en œuvre dans d’autres contextes nationaux que ceux présentés ici afin de mieux comprendre les déterminants des gains et des pertes, mais aussi de mieux évaluer les enjeux qui en découlent pour l’action publique et l’économie politique de la tarification carbone.
Les travaux futurs pourraient également étudier l’effet redistributif de la délocalisation d’émissions de carbone liée aux échanges (selon laquelle la mise en œuvre ou l’intensification de politiques climatiques intérieures pourrait entraîner la hausse des importations de produits à plus forte intensité de carbone) et les solutions possibles, en s’appuyant sur les données multirégionales tirées de la base de données internationale des entrées-sorties de l’OCDE (Smith et al., à paraître[132]). Ils devraient aussi examiner la possibilité d’assouplir certaines des hypothèses formulées dans la présente analyse (Elgouacem et al., à paraître[14]). La proportionnalité du contenu en carbone et du niveau des dépenses dans une catégorie de dépenses donnée en est une. En réalité, les émissions par unité de dépense devraient varier en fonction du niveau des prix, comme dans le cas des restaurants bas de gamme par rapport aux restaurants de luxe ou des voyages à prix réduit par rapport aux voyages haut de gamme. La modélisation explicite des comportements adoptés en réaction aux variations des prix du carbone est un autre sujet de recherche intéressant et la récente période de grandes fluctuations est l’occasion de l’étudier de plus près. Enfin, la tarification carbone n’étant que l’un des instruments dans l’arsenal des politiques de lutte contre le changement climatique, il est tout aussi important de comprendre les effets redistributifs d’autres politiques d’atténuation.
La recherche sur l’évaluation des effets redistributifs est aussi étroitement liée aux données plus générales et en constante évolution sur les conséquences économiques du changement climatique, et des mesures adoptées pour y faire face. L’un des enjeux clés concerne la situation contrefactuelle retenue dans les études sur les effets redistributifs. Le statu quo, qui est retenu dans le présent chapitre, apparaît comme un point de départ naturel, mais les pertes éventuelles doivent également être comparées au coût de l’inaction ou, inversement, aux avantages de l’atténuation qui sont la raison même de la lutte contre le changement climatique (Tovar Reaños et Lynch, 2022[133]) (voir également le chapitre 2). L’ampleur des dommages économiques causés par le changement climatique reste incertaine (Auffhammer, 2018[134] ; Howard et Sterner, 2022[135]), mais les études récentes ont tendance à conclure qu’ils seront très importants (Bilal et Känzig, 2024[136]). Pour autant, à long terme, ces dommages sont par définition du même ordre de grandeur que les prix du carbone qui internalisent toutes les externalités négatives des émissions de GES.
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Le coût du carbone pour les ménages dépend de leurs habitudes de consommation (ce qu’ils consomment et en quelle quantité) et des prix du carbone pour les biens et services consommés. Il faut, pour estimer ce coût du carbone pour les ménages, évaluer à la fois les émissions directes de la consommation de combustibles et les émissions indirectes de la production de biens et de services (y compris les dépenses liées à l’énergie, comme l’électricité ou les transports en commun). Cela nécessite des informations sur l’effet des prix du carbone sur le prix des combustibles, sur le prix de tous les autres biens et services, mais aussi des informations sur la structure des paniers de consommation des ménages. L’effet des prix du carbone sur les combustibles est en rapport direct avec leur contenu en carbone et peut être calculé à partir du contenu en carbone des combustibles par unité monétaire. Le calcul de l’effet des prix du carbone sur tous les autres produits nécessite des informations sur l’énergie consommée par le procédé de production des biens et services.
Un document d’accompagnement livre des détails sur chacune des principales étapes du cadre de modélisation et sur son application dans le contexte du présent chapitre (Elgouacem et al., à paraître[14]). Il décrit :
les données sur les tarifs effectifs du carbone (TEC) ;
le modèle d’entrées-sorties, qui rend compte des émissions de carbone par secteur et permet de quantifier la répercussion des taxes carbone, des intrants jusqu’au prix des produits de consommation et des services finaux ;
la mise en correspondance des données d’entrées-sorties et de celles d’une enquête sur le budget des ménages, nécessaire pour calculer l’empreinte carbone de la consommation des ménages ;
De par leur niveau de détail, les données sur les tarifs effectifs du carbone, les entrées-sorties et les enquêtes sur la consommation des ménages sont une bonne base pour l’analyse des effets redistributifs : la base de données mondiale des entrées-sorties (WIOD) distingue 56 secteurs d’activité et les enquêtes sur la consommation des ménages livrent des informations pour 301 (données Eurostat), 282 (données turques) et 745 (données mexicaines) catégories de dépenses. Cependant, chaque source de données utilisant un nomenclature différente, plusieurs transformations sont nécessaires pour permettre d’établir des liens entre elles.
La modélisation du niveau d’émissions de CO₂ liées à la consommation des ménages nécessite des données à l’échelle de l’économie qui rendent compte des émissions par secteur et des liens de production entre les secteurs. Le présent chapitre s’appuie sur la base de données mondiale des entrées-sorties (WIOD). La méthodologie des entrées-sorties, pensée par Leontief (1951[137]) et analysée dans le détail par Miller et Blair (2009[138]), utilise un tableau représentant les flux monétaires entre les secteurs et les régions. Un tableau des coefficients techniques indiquant les coefficients d’entrée pour tous les secteurs dans toutes les régions permet de calculer les entrées nécessaires à l’échelle de l’économie, ce qui donne les entrées qu’un secteur dans une région nécessite de chaque secteur dans toutes les régions pour produire une unité (monétaire) de sortie.
Le chapitre utilise un modèle d’entrées-sorties étendu à l’environnement, reliant les produits aux émissions de carbone indirectes issues de la production (Kitzes, 2013[139]). La somme des émissions directes et indirectes de chaque ménage donne le total des émissions de CO₂ liées à la consommation des ménages. En divisant les émissions des entrées par les sorties de chaque secteur, on obtient le niveau d’émissions de CO₂ par unité monétaire du vecteur de sortie du secteur. Les émissions directes sont rejetées par la consommation de carburant et de combustibles domestiques des ménages. Elles sont calculées pour un euro de combustibles en utilisant les données sur le prix des combustibles de l’AIE (pour calculer la teneur en carbone des combustibles par unité monétaire) et la teneur en carbone par kWh par combustible indiquée dans les Lignes directrices du GIEC pour les inventaires nationaux de gaz à effet de serre 2006.
L’estimation de l’empreinte carbone de la consommation des ménages nécessite la mise en concordance des données sur les entrées-sorties avec les informations sur les dépenses, obtenues des enquêtes sur le budget des ménages. Les données des enquêtes sur le budget des ménages rendent généralement compte de leurs différentes fonctions de consommation (COICOP), tandis que les tableaux WIOD indiquent les dépenses de consommation finale des ménages en termes de production de l’industrie (ici, NACE Rév. 2). L’intégration des données des enquêtes sur le budget des ménages dans les modèles multisectoriels est décrite dans Mongelli, Neuwahl et Rueda-Cantuche (2010[140]) ainsi que dans Cazcarro et al. (2020[141]). La mise en correspondance des informations contenues dans les tableaux WIOD avec les données des enquêtes sur le budget des ménages suppose de traduire les biens par fonction de consommation en production de l’industrie au moyen d’un tableau de concordance qui décrit l’utilisation d’un produit pour satisfaire une fonction de consommation, de telle sorte que l’élément 𝑖𝑡ℎ du tableau représente la part d’utilisation du produit de l’industrie j pour la fonction de consommation i. Étant donné que les catégories de la COICOP utilisées dans les enquêtes sur le budget des ménages ne correspondent pas directement aux secteurs de la NACE dans la base de données WIOD, la procédure de mise en correspondance nécessite un tableau de correspondance entre la COICOP et la CPA (classification des produits par activité) puis la NACE (Cai et Vandyck, 2020[142]) et se fait en quatre étapes principales : i) transformation de COICOP à CPA ; ii) mise en correspondance des parts de budget avec les catégories de la CPA en regroupant les catégories de la COICOP en parts de budget et en calculant la somme pondérée des contributions de la CPA aux parts de budget ; iii) mise en correspondance des catégories de la CPA avec la base de données WIOD au moyen des tableaux de ressources nationaux qui relient les entrées de la CPA à chaque production de l’industrie ; iv) attribution de la contribution relative de chaque secteur du pays au bien de consommation ou à la part de budget appropriés.
De plus en plus d’études sont publiées sur la modélisation des effets redistributifs des taxes environnementales. Tous les modèles considèrent dans l’abstrait la complexité du monde réel. Le présent chapitre opère un certain nombre de choix de modélisation pour assurer une illustration empirique transparente et maniable. Ces choix doivent être pris en compte dans l’interprétation des résultats.
Périmètre des données sur les émissions de GES. La méthode actuelle estime les émissions provenant de l’utilisation d’énergie pouvant être imputée aux dépenses de consommation, via l’utilisation des combustibles enregistrée dans les données de consommation des ménages et via les données d’entrées-sorties. Ce périmètre cadre avec les données historiques sur les tarifs effectifs du carbone, qui couvrent les taxes sur les émissions provenant de la consommation d’énergie. Les émissions de CO₂ liées aux procédés et les émissions d’autres GES, y compris le méthane, représentent une part importante des émissions globales, notamment dans la production alimentaire. Elles ne sont actuellement pas prises en compte. Elles ont toutefois été ajoutées aux données récentes sur les tarifs effectifs du carbone et pourraient être incluses dans l’analyse des effets redistributifs si des données détaillées sur les émissions deviennent disponibles.
Qualité et cohérence des données. Lorsque sont combinées des données de sources diverses, comme la base de données de l’OCDE sur les tarifs effectifs du carbone, l’enquête sur le budget des ménages et les données sur les prix des combustibles de l’AIE, des disparités dans la qualité des données et la nomenclature peuvent se produire. Ces divergences peuvent nuire à l’exactitude des estimations du coût du carbone pour les ménages. Il est indispensable de veiller à la compatibilité des données et de rectifier les décalages, ce qui n’a rien d’aisé au vu des différences entre ces ensembles de données. Cette contrainte souligne l’importance d’efforts continus pour améliorer la qualité des données et l’harmonisation dans la recherche en économie de l’environnement.
Besoin de conversion exacte entre les systèmes de classification des données. L’intégration d’ensembles de données divers nécessite un alignement précis des classifications et des nomenclatures utilisées. Les décalages peuvent entraîner des erreurs d’estimation du coût du carbone pour les ménages. Un souci méticuleux du détail et des procédures de conversion rigoureuses sont essentiels pour assurer l’intégrité et la fiabilité de nos conclusions.
La période de référence des simulations est pertinente étant donné que la situation des ménages, leurs habitudes de consommation et les prix évoluent dans le temps, tout comme les préférences, notamment les préférences de consommation. Les données d’entrées-sorties et les données des enquêtes sur le budget des ménages font référence à 2015, qui représente une année intermédiaire de la période 2012‑21. Elles concernent donc les prix et la consommation avant la récente crise du coût de la vie, et évitent les distorsions liées au COVID‑19 dans les schémas de consommation et de production observées dans les plus récentes données disponibles sur la consommation des ménages.
Impact des intrants échangés et des biens finaux. Les modèles d’entrées-sorties multirégionaux permettent la prise en compte des prix du carbone différenciés entre les pays et de leur impact potentiel sur les prix à la consommation dans les chaînes de valeur mondiales. Le document d’accompagnement illustre cette méthode dans le contexte de l’étude d’un seul pays (Immervoll et al., 2023[13]). En revanche, les calculs de ce chapitre supposent actuellement que les prix évoluent de la même manière pour les intrants et produits de consommation produits dans le pays que pour les intrants et produits importés. À la suite d’une forte hausse des prix du carbone, les prix à la consommation auront tendance, dans la pratique, à moins augmenter à court terme lorsque les prix du carbone dans les pays d’origine sont plus bas. C’est ce qui explique, entre autres, les dispositifs d’ajustement carbone aux frontières. L’augmentation des prix à la consommation peut aussi être plus forte que celle du prix du carbone, si le coût du carbone dans les pays d’origine augmente plus rapidement. Des travaux de l’OCDE sur ce sujet sont en cours et utilisent des données d’entrées-sorties multirégionales de la base de données des tableaux internationaux des entrées-sorties (TIES) (Smith et al., à paraître[132]). En s’appuyant sur ce travail, les études futures pourront analyser les effets redistributifs en tenant compte de l’impact de la tarification différentielle du carbone sur l’ensemble des pays.
Au-delà de leur effet immédiat sur les dépenses de consommation, les taxes carbone et les autres mesures d’atténuation du dérèglement climatique modifient également les revenus des agents qui détiennent les différents facteurs de production – ressources naturelles, capital et travail dans les industries « brunes » (polluantes) (Rausch, Metcalf et Reilly, 2011[31] ; Metcalf, 2021[143]). De même, l’évolution des prix des facteurs de production et de la demande des consommateurs déclenche des ajustements sur le marché du travail par le biais d’une réaffectation, des emplois des secteurs et activités à forte intensité de carbone vers ceux à faible intensité de carbone ; les effets sur l’emploi pourront être un sujet particulier des débats publics. Les gains et pertes à moyen terme résultant des ajustements sur le marché du travail peuvent être difficiles à quantifier et ne sont pas pris en compte dans la méthode présentée ici. Ils pourraient toutefois être importants pour certains groupes (voir les chapitres 2 et 3 du présent rapport).
Outre leur effet sur les dépenses de consommation, la tarification carbone et les autres mesures d’atténuation du dérèglement climatique modifient également les revenus des agents qui détiennent les différents facteurs de production (voir l’Encadré 5.1). Ceux-ci ne sont pas pris en compte dans la présente analyse.
Cette section livre des informations complémentaires sur la décomposition de la base de données en secteurs, consommateurs et combustibles.
La base de données sur les tarifs effectifs du carbone couvre les émissions de CO₂ provenant de la consommation d’énergie dans six secteurs d’activité qui, ensemble, englobent tous les types de consommation d’énergie. Elle couvre également les émissions d’autres GES, dont le méthane (CH4), l’oxyde nitreux (N2O), les gaz fluorés39 et les émissions de CO₂ causées par les procédés. Le changement d’affectation des terres et la foresterie (CATF)40 sont exclus du Tableau d’annexe 5.B.1. Les combustibles sont groupés en neuf catégories (Tableau d’annexe 5.B.2), les tarifs effectifs du carbone et les émissions par type de combustible sont indiqués dans le Graphique d’annexe 5.B.1.
Secteur |
Définition |
Consommateurs d’énergie |
---|---|---|
Transport routier |
Émissions de CO₂ d’origine fossile provenant de toute l’énergie primaire consommée par le transport routier. |
Transport routier |
Électricité |
Émissions de CO₂ d’origine fossile provenant de l’énergie primaire consommée pour la production d’électricité (sauf centrales d’autoproduction assignées à l’industrie), y compris pour les exportations d’électricité. Les importations d’électricité sont exclues. |
Centrales électriques |
Industrie |
Émissions de CO₂ d’origine fossile provenant de l’énergie primaire consommée dans les installations industrielles (chauffage urbain et centrales d’autoproduction d’électricité inclus). |
Pertes ajustées en distribution énergétique, transmission et transport ; consommation propre ajustée de l’industrie énergétique ; procédés de transformation ajustés ; autoproduction d’électricité ; industrie chimique et pétrochimique ; construction ; alimentation et tabac ; industrie non citée ailleurs ; fer et acier ; machines ; activités extractives ; métaux non ferreux ; produits minéraux non métalliques ; papier, pâte à papier et imprimerie ; chaleur vendue ; textiles et cuir ; matériel de transport ; bois et produits du bois |
Bâtiments(*) |
Émissions de CO₂ d’origine fossile provenant de l’énergie primaire consommée par les ménages, les services commerciaux et les services publics pour des activités autres que la production d’électricité et le transport. |
Services commerciaux et services publics ; consommation finale non précisée ailleurs ; usages résidentiels |
Transport non routier |
Émissions de CO₂ d’origine fossile provenant de toute l’énergie primaire consommée par le transport non routier (y compris conduites, transport ferroviaire, transport aérien et transport maritime). Les combustibles utilisés dans le transport aérien et maritime international sont exclus. |
Transport aérien intérieur ; navigation intérieure ; transport par conduites ; transport ferroviaire ; transport non précisé ailleurs |
Agriculture et pêche |
Émissions de CO₂ d’origine fossile provenant de l’énergie primaire consommée par l’agriculture, la pêche et la foresterie pour des activités autres que la production d’électricité et le transport. |
Agriculture ; pêche |
Autres GES (Sauf CATF) |
Toutes les autres émissions de GES : méthane, oxyde nitreux rejeté par l’agriculture ; émissions provenant de l’extraction de pétrole, gaz et charbon ; déchets ; rejet de CO₂ provenant des procédés industriels, hors combustion (fabrication de ciment principalement), émissions de N20 et CH4 provenant des procédés industriels et émissions de gaz fluorés. Les émissions provenant de changements d’affectation des terres et de la foresterie sont exclues. Sont également exclues les émissions de CO₂ provenant de la combustion de combustibles déjà comptabilisés dans le secteur agriculture et pêche. |
s.o. |
Note : les estimations de consommation d’énergie primaire reposent sur le principe de la territorialité et prennent en compte l’énergie vendue sur le territoire d’un pays, mais potentiellement consommée ailleurs (par ex. à cause du tourisme à la pompe dans le transport routier). Propre classification fondée sur les informations concernant les flux d’énergie contenues dans les bilans énergétiques mondiaux de l’Agence internationale de l’énergie (AIE, 2020[65]) et sur les « autres GES » indiqués dans les données de Climate Watch (2024[21]).
(*) Dans les éditions de Taux effectifs sur le carbone antérieures à celle de 2023 (OCDE, 2023[8]), ce secteur est appelé « Résidentiel et tertiaire ». GES : Gaz à effet de serre. TEC : Tarifs effectifs du carbone. CATF : Changement d’affectation des terres et la foresterie.
Source : OCDE (2016[144]), Effective Carbon Rates: Pricing CO2 through Taxes and Emissions Trading Systems, https://doi.org/10.1787/9789264260115-en et OCDE (2022[12]), Pricing Greenhouse Gas Emissions: Turning Climate Targets into Climate Action, https://doi.org/10.1787/e9778969-en.
Type d’énergie |
Catégorie de combustible |
Produits énergétiques |
---|---|---|
Combustibles fossiles |
Charbon et autres combustibles fossiles solides |
Anthracite ; bitume ; charbon bitumineux ; briquettes de lignite ; coke de four ; charbon à coke ; coke de gaz ; lignite ; schistes bitumineux ; agglomérés ; tourbe ; produits de la tourbe ; coke de pétrole ; charbon sous-bitumineux |
Fioul |
Fioul |
|
Diesel |
Gazole/diesel sauf biocarburants |
|
Kérosène |
Kérosène d’aviation ; autre kérosène |
|
Essence |
Essence d’aviation ; essence moteur |
|
GPL |
Gaz de pétrole liquéfié |
|
Gaz naturel |
Gaz naturel |
|
Autres combustibles fossiles et déchets non renouvelables |
Additifs ; gaz de haut-fourneau ; goudron de houille ; gaz de cokerie ; gaz de convertisseur ; pétrole brut ; éthane ; gaz d’usine à gaz ; lubrifiants ; naphte ; liquides de gaz naturel ; autres hydrocarbures ; autres produits pétroliers ; cires de paraffine ; produits d’alimentation des raffineries ; gaz de raffinerie ; essence minérale et essence spéciale ; déchets industriels ; déchets municipaux non renouvelables |
|
Biocombustibles et biocarburants |
Biocombustibles et biocarburants |
Biokérosène d’aviation ; biodiesels ; biogaz ; biocarburant essence ; charbon de bois ; déchets municipaux (renouvelables) ; biocombustibles et déchets primaires non spécifiés ; autres biocombustibles liquides ; biocombustibles solides primaires |
Note : les produits énergétiques sont définis conformément à AIE (2020[65]). Les émissions provenant de la combustion de biocarburants et biocombustibles sont exclues de cette analyse (voir OCDE (2023[8])).
Source : OCDE (2022[12]), Pricing Greenhouse Gas Emissions: Turning Climate Targets into Climate Action, https://doi.org/10.1787/e9778969-en.
Cette sous-section contient des informations complémentaires sur les estimations des taux et des prix des taxes et de l’échange de quotas d’émission ainsi que sur la couverture. Elle s’appuie pour cela sur l’annexe A de OCDE (2016[144]), les données sur les prix des permis et la couverture des systèmes d’échange de quotas d’émission étant à l’origine recueillies pour la base de données sur les tarifs effectifs du carbone (TEC). La base de données sur les tarifs effectifs du carbone s’appuie à son tour sur la base de données Taxer la consommation d’énergie, qui regroupe les données concernant les accises sur les produits énergétiques et la taxe carbone.
Les taxes carbone peuvent être fixées selon deux méthodes : la méthode fondée sur les combustibles, auquel cas la taxe est explicitement liée aux combustibles, ou la méthode des émissions directes, auquel cas la taxe est prélevée directement en fonction des émissions de GES.
Si la méthode fondée sur les combustibles est adoptée, les taxes carbone sont généralement fixées pour chaque combustible en fonction de son contenu en CO₂. Le contenu en carbone d’un combustible peut être calculé comme suit : les unités de mesure communes des combustibles (ex. le kilogramme pour les combustibles solides, le litre pour les combustibles liquides, le mètre cube pour les combustibles gazeux) peuvent être converties en unités énergétiques (ex. GJ ou MWh) en utilisant les coefficients calorifiques des Statistiques et bilans énergétiques mondiaux (World Energy Statistics and Balances) de l’AIE (AIE, 2024[145]). Les unités énergétiques peuvent ensuite être converties en tonnes de CO₂ en utilisant les coefficients de conversion d’émissions du GIEC (GIEC, 2006[146]), volume 2).
Dans le cas d’un tarif fixe par unité de CO₂, le résultat est une taxe carbone unique, désirable du point de vue du rapport coût-efficacité. Or, certaines taxes carbone peuvent préciser des taux différents pour différents combustibles ou consommateurs, même en termes de carbone. À des fins administratives, pour chaque combustible, la taxe peut être traduite en taux de taxe par litre, kilogramme, mètre cube ou gigajoule d’énergie. Par exemple, le Tableau d’annexe 5.B.3 illustre ce que donnerait un taux de taxe de 30 EUR/tCO2 pour différentes catégories d’énergie. Ces taxes ne peuvent être applicables qu’aux émissions de CO₂ provenant de la consommation d’énergie, mais elles sont relativement simples à administrer.
Catégorie d’énergie |
Taux par tonne de CO₂ |
Taux équivalent par unité commune de combustible |
---|---|---|
Charbon et autres combustibles fossiles solides |
30 EUR/tCO2 |
6.24 centimes d’euro par kilogramme |
Fioul |
30 EUR/tCO2 |
8.94 centimes d’euro par litre |
Diesel |
30 EUR/tCO2 |
7.99 centimes d’euro par litre |
Kérosène |
30 EUR/tCO2 |
7.58 centimes d’euro par litre |
Essence |
30 EUR/tCO2 |
6.86 centimes d’euro par litre |
GPL |
30 EUR/tCO2 |
4.75 centimes d’euro par litre |
Gaz naturel |
30 EUR/tCO2 |
5.13 centimes d’euro par mètre cube |
Note : calculs de l’OCDE d’après AIE (2024[145]), World Energy Statistics and Balances. Les valeurs indiquées sont basées sur le contenu moyen en carbone de ces catégories d’énergie dans les 44 pays couverts dans la base de données sur les tarifs effectifs du carbone 2018. Les émissions de carbone effectives liées à la combustion de chaque combustible peuvent varier en fonction des caractéristiques locales de celui-ci. GPL : Gaz de pétrole liquéfié.
Source : tableau 3.1 dans OCDE (2019[147]), Taxing Energy Use 2019: Using Taxes for Climate Action, https://doi.org/10.1787/058ca239-en.
Si la méthode fondée sur les émissions est adoptée, la taxe est prélevée directement en fonction des émissions de GES. Ces taxes peuvent être applicables au-delà des émissions de CO₂ provenant de la consommation d’énergie, par exemple à la catégorie « autres GES » (CH4, N2O, gaz fluorés et CO₂ provenant des procédés industriels, voir le Tableau d’annexe 5.B.1). Elles nécessitent toutefois des systèmes de suivi, de notification et de vérification, lesquels peuvent poser certains problèmes, notamment de mesure des émissions et de complexité administrative.
Les taux de taxe carbone sont recueillis par consommateur et par combustible à compter du 1er avril de l’année considérée (ou la dernière date connue), ex. le 1er avril 2021 pour les TEC 2021.
Les droits d’accise sur les produits énergétiques sont l’élément le plus important des TEC, encore en 2021. Ces taxes sont généralement prélevées par unité physique (par litre dans le cas des combustibles liquides, le kilogramme pour les combustibles solides et le mètre cube pour les combustibles gazeux) ou par contenu énergétique (GJ ou kWh) et non par référence au contenu en carbone. Cependant, en utilisant le procédé inverse de celui décrit pour les taux de taxe carbone, les taux de droits d’accise sur les produits énergétiques peuvent être traduits en taux effectifs d’imposition sur le contenu en carbone en raison du rapport de proportionnalité entre le combustible et son contenu en carbone (Tableau d’annexe 5.B.4). Aussi, si l’on considère leur impact comportemental, ils se rapprochent d’une taxe carbone fondée sur les combustibles, bien que moins cohérente du point de vue environnemental dans les taux appliqués (étant donné que les taux ne sont généralement pas conçus en fonction du contenu de CO₂).
Les mesures de soutien aux combustibles fossiles accordées par le code des impôts, telles que les exonérations de droit d’accise ou de taxe carbone, les réductions de taux et les remboursements sont incluses.
Les taux de droits d’accise sur les produits énergétiques sont recueillis par consommateur et par combustible à compter du 1er avril de l’année considérée (ou la dernière date connue), par ex. le 1er avril 2021 pour les TEC 2021.
Combustible |
Taux par unité commune |
Taux équivalent en EUR par tonne de CO₂ |
---|---|---|
Charbon et autres combustibles fossiles solides |
10 centimes d’euro/kg |
48.1 |
Fioul |
10 centimes d’euro/L |
33.6 |
Diesel |
10 centimes d’euro/L |
37.5 |
Kérosène |
10 centimes d’euro/L |
39.6 |
Essence |
10 centimes d’euro/L |
43.7 |
GPL |
10 centimes d’euro/L |
63.2 |
Gaz naturel |
10 centimes d’euro/m3 |
58.5 |
Note : calculs de l’OCDE d’après AIE (2024[145]), World Energy Statistics and Balances. Les valeurs indiquées sont basées sur le contenu moyen en carbone de ces catégories d’énergie dans les 44 pays couverts par la base de données sur les tarifs effectifs du carbone 2018. Les émissions de carbone effectives liées à la combustion de chaque combustible peuvent varier en fonction des caractéristiques locales de celui-ci. GPL : Gaz de pétrole liquéfié.
Source : adapté du tableau 3.1 dans OCDE (2019[147]), Taxing Energy Use 2019: Using Taxes for Climate Action, https://doi.org/10.1787/058ca239-en.
Le rapport Taux effectifs sur le carbone 2023 porte sur les prix des permis des systèmes d’échange de quotas d’émission dans les 72 pays de la base de données. Il englobe les territoires supranationaux, nationaux et infranationaux. Des systèmes d’échange de quotas d’émission existent dans 34 des pays considérés.
Les prix moyens des permis aux enchères sont calculés sur l’année si des données sont disponibles. Une moyenne est utilisée pour lisser les variations de prix, dans la mesure du possible. Pour certains systèmes d’échange de quotas d’émissions, des informations sur les prix sont disponibles uniquement pour une partie de l’année, auquel cas une moyenne pour l’ensemble des dates disponibles est calculée. Lorsque l’on dispose d’informations pour une seule vente aux enchères ou une seule date, c’est ce prix qui est utilisé. En raison des problèmes de disponibilité des données, les prix sur le marché secondaire plutôt que les prix aux enchères sont utilisés dans le calcul pour certains systèmes.
Les prix des permis sont recueillis pour l’année considérée (2021 pour le rapport TEC 2021).
Les taux de taxe sont recueillis par consommateur d’énergie (voir le Tableau d’annexe 5.B.1) et par combustible (voir le Tableau d’annexe 5.B.2), ce qui indique ensuite directement l’assiette de ces taxes.
La couverture des SEQE est une estimation, car elle s’applique aux émissions d’une installation soumise à un SEQE et ne différencie pas les combustibles. Pour la majorité des systèmes, la couverture du SEQE est estimée à partir de données d’émissions vérifiées au niveau de l’installation ou au niveau global de l’installation (entreprise). À défaut de ces données, des mesures plus générales sont utilisées, notamment la part des émissions sectorielles couvertes. Ces émissions couvertes par les SEQE sont ensuite mises en correspondance, si possible au niveau du consommateur, sinon au niveau sectoriel.
Enfin, les taxes carbone sont souvent entièrement ou partiellement allégées si le consommateur d’énergie est soumis à un SEQE. Cela est indiqué une fois que la base de données Taxer la consommation d’énergie est fusionnée avec les informations des SEQE pour produire les Taux effectifs sur le carbone.
La base de données TEC couvre les instruments de tarification qui s’appliquent à une assiette directement proportionnelle à la consommation d’énergie ou aux émissions de GES. Sont donc exclues les taxes et redevances qui ne sont que partiellement corrélées avec la consommation d’énergie ou les émissions de GES. Ce sont notamment les taxes sur l’achat de véhicules, sur l’immatriculation ou la circulation, et les taxes directement prélevées sur la pollution atmosphérique (ex. la taxe danoise sur les SOx ou la redevance suédoise sur les NOx). Les taxes à la production sur l’extraction ou l’exploitation de ressources énergétiques (ex. les taxes sur l’extraction pétrolière) n’entrent pas non plus dans le champ des instruments considérés, car les mesures axées sur l’offre ne sont pas directement liées à la consommation intérieure d’énergie ou aux émissions.
La base de données couvre des taxes précises (les taxes applicables par unité de bien par opposition aux taxes ad valorem qui dépendent du prix du bien) et les taxes qui influent sur le prix relatif des biens à forte intensité de carbone. Conformément à ces deux critères, les taxes sur la valeur ajoutée (TVA) ou les taxes sur les ventes ne sont pas prises en compte. En effet, la TVA s’applique en principe uniformément à un large éventail de biens et ne modifie donc pas les prix relatifs des produits et services (elle ne rend pas les biens et services à forte intensité de carbone plus chers que les solutions moins polluantes). Dans la pratique, le traitement TVA différencié et les taux préférentiels peuvent cibler certaines formes de consommation d’énergie, modifiant ainsi leur prix relatif (OCDE, 2015[148]). La quantification des effets du traitement TVA différencié n’entre toutefois pas dans le champ de la base de données. Un tel exercice nécessiterait beaucoup d’informations sur les prix, lesquelles ne sont généralement pas disponibles pour tous les produits énergétiques. D’autre part, la pleine prise en compte de la TVA nécessiterait des données sur les vendeurs et les acheteurs d’énergie. En effet, en raison de la manière dont la TVA est conçue, aucune TVA nette n’est prélevée sur les produits imposables achetés et vendus entre des entreprises enregistrées à la TVA. Qui plus est, les accises sur l’électricité ne traitent généralement pas les combustibles fossiles de manière différenciée par rapport aux sources propres et ne font donc pas partie de l’indicateur TEC net.
La base de données sur les tarifs effectifs du carbone inclut les mesures de soutien aux combustibles fossiles accordées par le code des impôts, telles que les exonérations de droit d’accise ou de taxe carbone, les réductions de taux et les remboursements, très répandues dans les systèmes de taxation de l’énergie et de tarification carbone. Elle est différente de la base de données sur les tarifs effectifs du carbone nets, laquelle inclut également les subventions aux combustibles fossiles qui abaissent les prix avant impôts. La disponibilité de traitement préférentiel varie sensiblement d’un pays à l’autre. Même à l’intérieur d’un pays, le traitement préférentiel change fréquemment au fil du temps. Par conséquent, une simple comparaison des taux légaux entre les pays et dans le temps induirait en erreur. Plus précisément, certains consommateurs d’énergie ou émetteurs de GES bénéficient fréquemment d’un traitement préférentiel qui, en fait, réduit les prix de l’énergie ou des émissions. Aussi, les taux effectifs d’imposition mesurés par la base de données sont ajustés en conséquence, que les pays traitent ou non ces mesures comme des dépenses fiscales (OCDE, 2022[12])41.
Les trains de mesures d’atténuation varient en fonction de nombreux facteurs, notamment de la situation du pays, des objectifs de l’action publique et des secteurs ciblés. La tarification carbone est une politique d’atténuation fondamentale dans certains pays, tandis que d’autres accordent une plus grande importance aux instruments fondés sur les prix hors carbone, par exemple à la réglementation ou la technologie. Cela pourrait tenir à bon nombre de facteurs, dont les capacités administratives, le contexte historique, les enjeux techniques et méthodologiques de la tarification des émissions, et les contraintes politiques. La manière dont sont abordés les instruments de tarification carbone varie elle‑même également en fonction de ces facteurs. Par exemple, les droits d’accise sur les produits énergétiques sont plus courants que les taxes carbone et les SEQE. De manière générale, ils ont initialement été mis en place pour lever des recettes (de telle sorte que des réformes sont souvent nécessaires pour qu’ils soient plus conformes aux objectifs climatiques). La mise en œuvre des taxes carbone demande peut-être moins de capacités administratives que les SEQE, car elles sont généralement basées sur le contenu en carbone des combustibles. La mise en œuvre de SEQE en revanche, bien qu’elle nécessite généralement des mécanismes sophistiqués de suivi, de notification et vérification, peut se heurter à moins d’obstacles politiques.
Les tarifs effectifs du carbone dépendent de la composition sectorielle des émissions d’un pays.
Plus particulièrement, en 2021, le secteur du transport routier affiche les plus hauts tarifs, tandis que la majorité des émissions de GES autres que le CO₂ rejetées par la production d’énergie (CH4, N2O, gaz fluorés et CO₂ provenant des procédés) ne font pas l’objet d’une tarification carbone. La différence de SEQE entre les secteurs peut avoir diverses explications. Les taux de taxation élevés dans le secteur du transport routier tiennent peut-être aussi à la tarification d’autres externalités causées par le transport routier, comme la pollution atmosphérique, les accidents de la circulation, la congestion et le bruit42, ou bien encore à des objectifs de levée de recettes. En effet, les différentes externalités présentes dans chaque secteur donnent une justification économique claire des variations de tarifs effectifs du carbone par secteur, même si l’externalité des gaz à effet de serre est égale partout. À ce sujet, il convient de noter que les externalités des transports peuvent aussi être tarifées en utilisant différents instruments comme les redevances de congestion ou les taxes sur les véhicules. Un pays qui utilise ces instruments pourrait alors pratiquer des taux inférieurs de droits d’accise sur les produits énergétiques dans le secteur du transport routier parce qu’il remédie aux externalités dans ce secteur par différents moyens. Cela aboutirait alors à des TEC plus bas. La faible tarification carbone d’autres émissions de GES pourrait tenir au fait qu’elle est compliquée par des problèmes de mesure de ces émissions. Compte tenu des contraintes politiques en matière de tarification carbone et des différentes possibilités de réduction des émissions dans différents secteurs, fixer des tarifs plus élevés pour les plus grands périmètres d’émissions couvertes peut être plus difficile que pour les périmètres plus réduits.
Les parts sectorielles peuvent varier sensiblement d’un pays à l’autre et cette variation influence les TEC au niveau des pays. Les pays qui enregistrent une plus forte part d’émissions du transport routier ont tendance à avoir des TEC moyens plus élevés.
D’un côté, le diesel et l’essence, principalement utilisés dans le secteur du transport routier, sont soumis aux taux de droits d’accise sur les produits énergétiques les plus élevés (soit respectivement 70 EUR et 85 EUR par tonne de CO₂ en moyenne en 2021), ce qui n’est pas sans rapport avec leur assiette d’imposition historiquement large utilisée par les pays pour lever des recettes. De l’autre, le charbon et autres combustibles fossiles solides, qui sont principalement employés dans les secteurs de l’industrie et de l’électricité, font l’objet de taux d’imposition effectifs du carbone relativement faibles (en moyenne 5.4 EUR par tonne de CO₂ en 2021). Les combustibles comme le GPL et le gaz naturel, utilisés dans le secteur des bâtiments, se situent entre les deux, avec des TEC moyens de l’ordre de, respectivement, 8 EUR/tCO2 et 10.6 EUR/tCO2. Ces combustibles font souvent l’objet de taux d’imposition réduits ou d’exonérations, surtout dans le secteur résidentiel.
La plupart des systèmes d’échange de quotas d’émission distribuent une partie ou la totalité des quotas d’émission gratuitement, au moins pendant la phase de démarrage. La vente aux enchères ou à prix fixe des quotas est généralement introduite de manière graduelle dans les systèmes, à mesure qu’ils gagnent en maturité. En 2021, la part d’allocation gratuite de quotas varie largement entre les systèmes, de 100 % dans les SEQE infranationaux japonais (Tokyo et Saitama), par exemple, à presque 0 % dans la RGGI (Regional Greenhouse Gas Initiative) et les Massachusetts Limits on Emissions from Electricity Generators (310 CMR 7.74).
Tandis que l’allocation gratuite de quotas n’a aucun effet sur le signal-prix marginal, elle influe sur le signal-prix moyen, qui se répercute sur les rentes économiques et peut ainsi influencer les décisions d’investissement. Les allocations gratuites ne modifient pas le signal-prix marginal pour les entreprises parce que, même si les entités bénéficient d’allocations gratuites, la réduction de leurs émissions leur permet de vendre des permis supplémentaires alors que l’augmentation de leurs émissions nécessite l’achat de permis. Par ailleurs, même si elles émettent exactement la quantité qui leur a été attribuée, elles supportent un coût d’opportunité car elles renoncent au revenu qu’elles auraient obtenu en réduisant leurs émissions et en vendant ces permis supplémentaires. Cependant, le prix moyen43 payé par les entités pour les permis dépend du niveau d’allocation gratuite reçu. Flues et Van Dender (2017[149]) montrent que les règles d’attribution des permis se répercutent sur les rentes économiques et qu’elles ont tendance, dans la pratique, à le faire d’une manière qui favorise les technologies à plus forte intensité de carbone.
La distorsion créée par l’allocation gratuite de quotas entre les prix marginaux et moyens du carbone peut être représentée par la part d’allocations gratuites revenant à une installation, un sous-secteur, un secteur ou un pays, mais elle peut aussi être représentée par les indicateurs des taux effectifs moyens et marginaux sur le carbone. Les taux effectifs marginaux sur le carbone sont le principal indicateur utilisé dans ce rapport : les TEC résument les taux marginaux sur le carbone appliqués aux sous-secteurs, aux secteurs ou aux pays. Les taux effectifs moyens, en revanche, résument les taux moyens sur le carbone appliqués aux sous-secteurs.
L’allocation gratuite peut donner lieu à des bénéfices exceptionnels dans certains secteurs. Le mécanisme veut que, même si elles reçoivent une allocation gratuite de quotas, les entreprises aient des coûts d’opportunité, c’est-à-dire le coût marginal du carbone. Si elles peuvent ajuster la tarification et répercuter ce coût sur les consommateurs, l’allocation gratuite devient une rente. Dans la pratique, cela dépend de nombreux facteurs, dont le régime d’allocation, la concurrence dans le secteur, l’élasticité de la demande et de l’offre, l’intensité carbone de la production et l’exposition du secteur aux échanges internationaux (Quirion, 2007[150] ; Hobbie, Schmidt et Möst, 2019[151]). Tous ces facteurs influent sur la répercussion des coûts du carbone sur les consommateurs.
Aussi, l’hypothèse de base de l’utilisation des taux effectifs marginaux (TEC) pour en déduire les prix aux consommateurs est qu’il y a répercussion du coût marginal total indépendamment de la méthode d’attribution des permis, et que l’allocation gratuite est une rente pour toutes les entreprises. L’utilisation des taux moyens supposerait l’hypothèse de l’absence de bénéfices exceptionnels.
← 1. L’ampleur des dommages économiques causés par le changement climatique et, en conséquence, par l’absence de mesures d’atténuation, demeure incertaine (Auffhammer, 2018[134] ; Howard et Sterner, 2022[135]). Les pertes de bien-être potentielles sont toutefois énormes : selon Bilal et Känzig, par exemple (2024[136]), les dommages macroéconomiques résultant de ce changement pourraient être six fois plus importants que précédemment estimés, et le PIB mondial par habitant serait aujourd’hui supérieur de 37 % si aucun réchauffement ne s’était produit depuis 1960. Les effets redistributifs sont également notables, les hauts revenus étant plus susceptibles que les autres de maîtriser les effets de la hausse des températures ou de s’en protéger (Davis et Gertler, 2015[163] ; Calvin et al., 2023[61] ; Emmerling, Andreoni et Tavoni, 2024[162]). Par exemple, pour l’Amérique latine et les Caraïbes, une étude récente de la BIRD indique que 78 millions de personnes pauvres ou plus vivent dans des zones très exposées aux chocs climatiques (Banque interaméricaine de développement, 2023[168]) (voir également le chapitre 2).
← 2. Ces préoccupations ne sont pas nouvelles. Par exemple, pendant la campagne présidentielle américaine de 2008, Hillary Clinton et John McCain se sont tous deux prononcés en faveur d’une loi sur le plafonnement et l’échange de quotas d’émission, mais ont tout de même appelé à une suspension temporaire de la taxe fédérale sur l’essence (Bosman, 2008[165]).
← 3. Par exemple, les recettes dérivant des droits d’accise sur les produits énergétiques, des taxes carbone et des prix des permis d’émission représentaient en moyenne 1.3 % du PIB dans les pays de l’OCDE et du G20 en 2018. En utilisant des données ventilées par secteur et par type de combustible, et en tenant compte des réductions d’émissions résultant de l’augmentation des prix, D’Arcangelo et al. (2022[11]) constatent qu’un prix plancher modéré de 60 EUR/tCO2 entraînerait une hausse de près du double des recettes, les portant à 2.5 % du PIB, mais une hausse beaucoup plus importante dans les pays à forte intensité d’émissions où le prix du carbone est actuellement bas.
← 4. Taxes sur le carbone et systèmes d’échange de quotas d’émission (tarification explicite du carbone), mais aussi tarification implicite du carbone sous forme de droits d’accise sur les produits énergétiques.
← 5. Selon le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), le maintien des niveaux d’émission actuels jusqu’en 2030 compromettra irrémédiablement les chances de maintenir le réchauffement de la planète dans la limite de 1.5 degré Celsius au-dessus de la moyenne de l’ère préindustrielle (Calvin et al., 2023[61])
← 6. Les mesures fondées sur les prix peuvent coexister avec d’autres méthodes d’atténuation, qui associeraient par exemple à la tarification carbone des limites d’émissions strictes dans le cadre de systèmes de plafonnement et d’échange (échange de quotas d’émission). Bien que ces systèmes présentent des inconvénients, le plafonnement explicite des émissions évite les incertitudes liées aux réductions que la seule augmentation des prix permet d’obtenir, tandis qu’un mécanisme de tarification fondé sur le marché favorise l’efficacité économique (en permettant aux entreprises confrontées à des coûts de réduction élevés de s’approvisionner auprès de celles pour lesquelles ils sont plus faibles).
← 7. Le coût social du carbone est le coût économique engendré par une tonne supplémentaire d’émissions de CO2 ou son équivalent. Il repose sur le concept d’internalisation des externalités, en tenant compte de l’équité inter- et intragénérationnelle (Nordhaus, 1991[57]).
← 8. La Banque mondiale estime que 23 % des émissions mondiales étaient soumises à une tarification carbone début 2023, contre seulement 5 % en 2010 (Banque mondiale, 2023[167]).
← 9. Tous les pays du G20 à l’exception de l’Arabie saoudite.
← 10. Le calcul du coût social du carbone soulève de nombreuses difficultés, qui concernent notamment l’estimation des pertes de PIB résultant de l’augmentation de la température mondiale, l’évaluation des risques de catastrophes dont la probabilité et l’ampleur sont intrinsèquement incertaines, et le choix d’un taux d’actualisation approprié pour les coûts des catastrophes liées au climat (Howard et Sterner, 2017[160]).
← 11. Ces chiffres portent sur 34 pays de l’OCDE (Allemagne, Australie, Autriche, Belgique, Canada, Chili, Corée, Danemark, Espagne, Estonie, États-Unis, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Islande, Israël, Italie, Japon, Luxembourg, Mexique, Norvège, Nouvelle‑Zélande, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République slovaque, Tchéquie, Slovénie, Suède, Suisse, Royaume‑Uni et Türkiye) et cinq pays du G20 non membres de l’OCDE (Argentine, Brésil, Chine, Inde, Indonésie), en 2021.
← 12. Dans les pays de l’OCDE et du G20, le charbon est essentiellement utilisé dans les secteurs de l’électricité et de l’industrie, où les prix du carbone résultent principalement des systèmes d’échange de quotas d’émission. Le TEC moyen du charbon se monte à 11 EUR par tonne de CO2 dans les pays de l’OCDE et à 3.4 EUR dans les pays du G20 non membres. Le diesel et l’essence sont principalement utilisés dans le secteur du transport routier (presque entièrement pour ce qui est de l’essence), la tarification du carbone étant essentiellement liée aux droits d’accise. Les TEC sur le diesel et l’essence sont beaucoup plus élevés, qui se montent respectivement à 84 EUR et 89 EUR par tonne de CO2 dans les pays de l’OCDE, et à 58 EUR et 84 EUR dans les pays du G20 non membres de l’OCDE. (Le niveau élevé des taxes dans ce secteur peut également être dû à des objectifs d’augmentation des recettes ou, dans une certaine mesure, à la tarification d’autres externalités provoquées par le transport routier, comme la pollution atmosphérique, les accidents, les embouteillages et le bruit). Le gaz naturel est surtout utilisé dans les secteurs de l’électricité, de l’industrie et du bâtiment. Il est soumis à des droits d’accise et à des systèmes d’échange de quotas d’émission, et les tarifs sont similaires à ceux du charbon dans les pays de l’OCDE. Des droits d’accise réduits s’appliquent souvent à son utilisation dans le secteur du bâtiment (chauffage commercial et résidentiel), en particulier pour la consommation des ménages. Les TEC moyens s’élèvent à 12.6 EUR par tonne de CO2 dans les pays de l’OCDE et à 1.3 EUR par tonne dans les pays du G20 non membres.
← 13. C’est-à-dire comparant les répercussions des réformes de grande ampleur de la tarification carbone dans différents pays, en appliquant la même méthodologie.
← 14. Voir également Rausch, Metcalf et Reilly (2011[31]). Certaines études suggèrent que la prise en considération de la réponse comportementale des entreprises peut réduire la régressivité de la tarification carbone et des autres taxes environnementales. Il en est principalement ainsi à travers les éventuelles diminutions du rendement des fonds propres dans certains secteurs, dont les ménages à revenu élevé sont les principaux bénéficiaires (Metcalf, 2023[157] ; Rausch et Schwarz, 2016[154]), bien que ces ménages puissent également enregistrer des gains du fait des éventuelles augmentations des rendements des capitaux « verts ».
← 15. Les émissions des ménages ne représentent pas la totalité de l’empreinte carbone de la demande finale d’un pays, qui est également constituée de la consommation et de l’investissement des administrations publiques. Les émissions correspondantes pourraient en principe être réattribuées aux ménages, par exemple par leur imputation à l’épargne des ménages ayant servi à financer l’investissement. Cette approche ne sera pas adoptée ici, mais elle a par exemple été appliquée par (Starr et al., 2023[152]) pour les États-Unis.
← 16. L’AIE fait état des facteurs d’émission ci‑après pour 2021 pour l’électricité, en kg éq. CO2 par kWh. Allemagne : 0.34 ; France : 0.05 ; Mexique : 0.43 ; Pologne : 0.76 ; Türkiye : 0.38.
← 17. Les parts de dépenses importantes des ménages modestes peuvent certes s’expliquer par une désépargne, mais des enquêtes sur les dépenses des ménages n’ayant pas pour objectif principal de mesurer les revenus ont par ailleurs mis en évidence une certaine sous-déclaration des revenus (Brewer, Etheridge et O’Dea, 2017[164]).
← 18. À titre d’exemple, en 2022, 9.3 % de la population de l’UE déclaraient ne pas avoir les moyens de maintenir une température suffisante dans leur logement (Eurostat, 2023[161]). Cela signifie non seulement que les ménages modestes consacrent une part relativement élevée de leur budget à l’énergie, mais aussi qu’ils connaissent de considérables difficultés budgétaires, puisque leurs besoins énergétiques peuvent même être supérieurs au niveau réel de leurs dépenses.
← 19. Dans les pays à revenu élevé, il est de plus en plus rare que les dépenses énergétiques présentent un profil progressif, mais un tel cas de figure a pu être observé dans certains des membres de l’OCDE affichant un PIB moins élevé (Immervoll et al., 2023[13]). En effet, dans les économies émergentes et dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure extérieurs à la zone OCDE, les dépenses peuvent être sensiblement plus concentrées au sommet de l’échelle des revenus. Les profils sont variables selon les pays à revenu intermédiaire, ce qui pourrait être dû, d’après les études, à des facteurs climatiques, à des inégalités en matière de logement et d’accès aux réseaux de services d’utilité publique, ainsi qu’à un subventionnement non négligeable de l’énergie. Les ménages à faible revenu peuvent par ailleurs se procurer une part importante de l’énergie qui leur est nécessaire en dehors du marché, par exemple sous forme de tourbe ou de bois de chauffage. Voir Steckel et al. (2021[93]) et, par exemple, Pachauri (2004[156]) pour l’Inde, ou Irfany et Klasen (2017[159]) pour l’Indonésie.
← 20. Voir à la note 17 les différents facteurs d’émission pour l’électricité (tels qu’indiqués par l’AIE).
← 21. Les dépenses hors combustibles peuvent être réparties en différentes catégories conformément à la classification des fonctions de consommation des ménages (COICOP). Ces catégories sont les suivantes : denrées alimentaires, boissons, tabac, habillement et chaussures, logement, gaz et eau, ameublement, équipements ménagers, santé, transports, information et communication, loisirs, sport, culture, services d’éducation, services de restauration et d’hébergement, assurances et services financiers, soins personnels et protection sociale, dépenses de consommation individuelles des institutions sans but lucratif au service des ménages et des administrations publiques. Les émissions indirectes de carbone imputables aux ménages sont non seulement déterminées par l’intensité carbone de ces catégories de consommation, mais aussi par les dépenses consacrées à chacune de ces catégories. Dans la plupart des pays, et tous déciles de revenu confondus, la catégorie logement, gaz et eau représentait la principale source d’émissions pour les différents déciles de revenu. L’alimentation et le transport constituent également des catégories importantes en règle générale. Les services tels que ceux d’éducation et de loisirs se caractérisent par de faibles intensités énergétiques et représentent généralement les plus faibles émissions indirectes des ménages. La part des émissions imputables à chaque catégorie est assez homogène sur l’ensemble de la distribution des revenus.
← 22. Voir Figure 5.4 et Annex Figure 5.B.1.
← 23. Ces estimations sont conformes à celles fournies par les études nationales portant sur les pays examinés, par exemple pour la France (André et al., à paraître[166]). Pour les États-Unis, Starr et al. (2023[153]) montrent que la part des émissions imputable aux déciles inférieur et supérieur s’élève respectivement à 4 % et 24 %, et que d’importantes augmentations des émissions se produisent à mesure que l’on se rapproche du sommet de la distribution des revenus : les 1 % les plus aisés sont ainsi à l’origine de 6 % des émissions totales, contre 2.3 % de ce même volume total pour les 0.1 % les plus fortunés.
← 24. Par exemple, dans une analyse des inégalités en matière d’émissions en France, Pottier et al. (2021[155]) relèvent que « la taille du logement s’accroît en fonction du revenu et de l’éloignement des centres urbains […] le système de chauffage constitue le principal facteur rendant compte de la variabilité des émissions : cela n’a guère à voir avec le revenu, mais bien plutôt avec les modes d’habitat, qui conditionnent l’accès aux différents vecteurs énergétiques ».
← 25. Voir Lévay, Goedemé et Verbist (2023[158]) pour les références aux études multivariées (dont le nombre est restreint). Sager (2019[131]) a entrepris un exercice de ce type pour les États-Unis et a également calculé la contribution de différentes caractéristiques ou groupes démographiques à l’évolution des émissions de carbone au fil du temps.
← 26. Ces résultats s’expliquent pour une large part par le fait que les hausses des prix du carbone au cours de cette période ont été bien plus limitées que ce qui serait nécessaire pour réussir la transition vers la neutralité carbone (voir par exemple l’Introduction). On peut aisément imaginer que des augmentations bien plus importantes des prix du carbone auraient des effets plus sensibles, même sur la charge supportée par un ménage moyen.
← 27. Il en est ainsi en particulier dans les pays où le marché du travail est majoritairement formel.
← 28. Voir l’introduction de ce chapitre. D’autre part, les instruments de tarification carbone sont souvent eux-mêmes soumis à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à taux plein ou réduit, ce qui n’est pas sans conséquences à la fois budgétaires et redistributives. La TVA n’est actuellement pas prise en compte dans les résultats présentés ici. L’incorporation de ces effets d’interaction avec d’autres instruments fiscaux pourrait faire l’objet de travaux futurs.
← 29. Les dépenses d’aide au revenu ciblée sur la population d’âge actif et les dépenses de services sociaux hors santé des pays de l’OCDE totalisaient en moyenne, respectivement, 3.6 % et 2.3 % du PIB en 2019. Huit pays ont dépensé moins de 2 % du PIB en aide au revenu ciblée sur la population d’âge actif, et 18 pays moins de 2 % en services sociaux hors santé. Voir OCDE, base de données sur les dépenses sociales, www.oecd.org/fr/social/depenses.htm.
← 30. Les informations contenues dans l’analyse proposée ici, c’est-à-dire sur les revenus et autres sujets dans les enquêtes sur le budget des ménages, ne sont pas suffisamment détaillées pour simuler des prestations sociales plus ciblées ou, par exemple, des baisses d’impôts sur le travail. La mise en correspondance requise avec les données sur le revenu n’entre pas dans le champ de cette étude comparative. On trouvera toutefois un exemple de cette démarche dans un contexte propre à un pays particulier dans Immervoll et al. (2023[13]).
← 31. Les transferts forfaitaires sont alors égaux au coût moyen du carbone. Les résultats prennent en considération le coût du carbone au niveau des ménages et rendent ainsi compte de la variabilité des gains et des pertes, entre les groupes de revenu et au sein de chaque groupe, qui n’apparaissent pas lorsque le coût moyen est évalué par décile.
← 32. La redistribution par transferts forfaitaires a toutefois sa part d’inconvénients, que l’on analysera plus bas. On citera notamment l’importance de cibler les transferts pour des raisons de budget, d’équité, d’efficience et d’efficacité.
← 33. Si l’on considère l’ensemble des populations, le recyclage de toutes les recettes dégagées grâce aux réformes de la tarification carbone en 2012‑21 fait globalement davantage de gagnants que de perdants, avec une plus faible proportion de perdants que de gagnants au Mexique (31 %), talonné par la France (42 %) et l’Allemagne (44 %). En Pologne, compte tenu de la forte concentration du coût du carbone au bas de la distribution des revenus, un transfert forfaitaire compenserait les charges d’un peu moins de la moitié de la population et un peu plus de la moitié (53 %) serait pénalisée.
← 34. La forme singulière des courbes illustre l’incidence des charges de la tarification carbone dont il est question plus haut. Elle est aussi dictée par les inégalités au sein des tranches de revenu. Par exemple, de plus grandes disparités de dépenses en carburant et autres biens et services fortement émetteurs de carbone au bas de la distribution des revenus peuvent se traduire en un grand nombre de personnes supportant de lourdes charges et qui pourraient être des perdants nets même après un transfert forfaitaire.
← 35. Par exemple, la récente étude économique de l’OCDE sur l’Union européenne suppose que 30 % des recettes issues de la tarification carbone sont redistribués aux ménages (OCDE, 2023[169]).
← 36. Les réactions comportementales aux variations des tarifs lors des périodes suivantes ne sont pas prises en compte ici. Elles modifieraient les schémas de gains et pertes, les résultats dépendant de l’élasticité-prix et de l’élasticité budgétaire d’une catégorie de population à l’autre. Les travaux antérieurs font apparaître des ajustements modestes à court terme dans les comportements et les données sur leur profil redistributif sont contrastées (voir l’Box 5.3). D’autre part, en moyenne, un rééquilibrage de la consommation des ménages en faveur de biens moins émetteurs réduit leurs charges et les recettes de la tarification carbone en proportions égales. Il est donc peu probable que les réactions comportementales modifieraient de manière significative les parts de gains et de pertes indiquées ici. La modélisation comportementale dont il est question pour un pays particulier dans Immervoll et al. (2023[13]) va dans ce sens.
← 37. Des études récentes font toutefois ressortir des arbitrages entre équité et efficacité lorsqu’il s’agit de remédier à des problèmes d’équité horizontale comme les écarts entre milieux ruraux et urbains (Labrousse et Perdereau, 2024[74]).
← 38. Il ressort de certaines enquêtes que l’un des facteurs à l’origine du faible niveau d’adhésion aux mesures de tarification carbone tient au manque de connaissances du public sur leur efficacité environnementale (qui a tendance à être sous-estimée) ainsi que sur la charge qu’elles feraient probablement peser sur les ménages et sur leur caractère régressif (qui a tendance à être surestimé). Voir Dechezleprêtre et al. (2022[7]) pour une synthèse de ces éléments.
← 39. Hydrofluorocarbones, hydrofluorocarbures perfluorés et SF6.
← 40. L’abréviation CATF est employée (par opposition à UTCATF, c’est-à-dire utilisation des terres, changement d’affectation des terres et foresterie) pour souligner le fait que les données sous-jacentes concernant les émissions de GES proviennent de la base de données CAIT (Climate Watch, 2024[21]) qui ne s’appuie pas sur les inventaires officiels des pays communiqués à la CCNUCC (OCDE, 2022[12]).
← 41. C’est ici une approche différente de celle de l’Inventaire des mesures de soutien aux combustibles fossiles de l’OCDE (OCDE, 2021[170]). Voir l’encadré 1.2 dans OCDE (2022[12]) pour en savoir plus sur la différence d’approche.
← 42. Alors que la première externalité ne serait pas présente si un passage total aux véhicules électriques avait lieu, les trois autres demeureraient.
← 43. Le prix global divisé par la quantité d’émissions.