Être en sécurité, c’est être à l’abri du danger, quel qu’il soit : crimes et délits, conflits, violences, actes de terrorisme, accidents ou catastrophes naturelles. Dans les pays de l’OCDE, le taux d’homicides a reculé d’un tiers depuis 2010, pour s’établir à un peu plus de 2 pour 100 000 habitants. Dans ces mêmes pays, 71 % des personnes déclarent se sentir en sécurité lorsqu’elles marchent seules dans la rue la nuit, contre 67 % en 2010-12. Dans les 31 pays de l’OCDE pour lesquels on dispose de données, la mortalité routière a reculé de plus de 20 % en moyenne depuis 2010. Si 79 % des hommes se sentent en sécurité lorsqu’ils marchent seuls la nuit, 62 % des femmes seulement éprouvent le même sentiment. Pour autant, l’écart entre hommes et femmes s’est résorbé depuis 2006-12. Les personnes d’âge moyen et celles qui ont suivi des études supérieures se sentent, en moyenne, plus en sécurité que les autres groupes de population classés par âge et niveau d’études. Les hommes sont plus exposés que les femmes au risque d’homicide dans tous les pays de l’OCDE sauf quatre.
Comment va la vie ? 2020
9. Sécurité
Abstract
Homicides
Dans près des deux tiers des pays de l’OCDE, le taux d’homicides est inférieur à 1 pour 100 000 habitants (Graphique 9.2). Toutefois, il est près de trois fois supérieur aux États-Unis et plus de 20 fois supérieur au Mexique et en Colombie. Depuis 2010, le taux d’homicides a reculé d’au moins 33 % dans plus d’un tiers des pays de l’OCDE, contre une contraction d’un quart environ pour la moyenne de l’OCDE. Néanmoins, il a augmenté de plus de 15 % aux États-Unis et en Turquie, ainsi qu’en Islande et en Slovénie (quoiqu’à partir d’un point relativement bas).
Sentiment de sécurité éprouvé en marchant seul(e) la nuit
En Finlande, en Suisse, en Islande, en Slovénie et en Norvège, plus de 85 % des personnes se sentent en sécurité lorsqu’elles marchent seules la nuit dans leur quartier, contre moins de 50 % au Chili, en Chili et au Mexique (Graphique 9.3). La proportion de personnes qui se sentent en sécurité dans les pays de l’OCDE a augmenté de 4 points de pourcentage, en moyenne, depuis 2010, passant de 67 % à 71 %. C’est en Lituanie (+20 points de pourcentage), en République tchèque et au Portugal (+15 points), en Estonie (+13 points) et en République slovaque (+11 points) que cette proportion a le plus augmenté. À l’inverse, le sentiment de sécurité a diminué au Mexique (-7 points de pourcentage), en Allemagne (‑6 points), au Chili (-5 points) et en Suède (-3 points).
Mortalité routière
Ce sont la Norvège, la Suisse et le Royaume-Uni qui comptent le moins de morts sur la route, avec un taux inférieur à 3 pour 100 000 habitants (Graphique 9.4). À l’inverse, le taux de mortalité routière est entre 3 et 4 fois plus élevé en Corée, au Chili et aux États-Unis. L’Assemblée générale des Nations Unies a proclamé 2011-2020 « Décennie d’action pour la sécurité routière » (OMS, 2010[1]), dans le cadre d’une initiative visant à focaliser les efforts des pays sur la réalisation de la cible relative aux accidents de la route du Programme 2030 (Cible 3.6, diminuer de moitié à l’échelle mondiale le nombre de décès et de blessures dus à des accidents de la route d’ici à 2020) (OCDE, 2019[2]). Dans les 31 pays de l’OCDE pour lesquels on dispose de données, la mortalité routière a reculé de plus de 20 % en moyenne depuis 2010. Cinq pays (Norvège, Grèce, Suisse, Portugal et Danemark) sont même parvenus à réduire de plus d’un tiers le nombre de morts sur la route. Néanmoins, les progrès accomplis jusqu’à présent sont loin d’être suffisants pour atteindre la Cible 3.6.
Inégalités en matière de sécurité : écarts entre groupes de population
Les écarts hommes-femmes sont très marqués au regard de la plupart des indicateurs relatifs à la sécurité
Dans tous les pays de l’OCDE sauf quatre, les hommes sont beaucoup plus susceptibles que les femmes d’être victimes d’homicide : ainsi, le taux d’homicides moyen dans la zone OCDE s’élève à 4 décès pour 100 000 habitants pour les hommes, contre 0.9 pour les femmes (Graphique 9.5). Toutefois, en Islande, en Slovénie, en Suisse et en Autriche, les femmes sont aussi susceptibles que les hommes, voire plus, d’être victimes d’homicide.
Dans tous les pays de l’OCDE, les hommes se sentent davantage en sécurité que les femmes en sortant seuls la nuit. L’écart est particulièrement prononcé en Australie et en Nouvelle-Zélande, où près de 80 % des hommes déclarent se sentir en sécurité, contre seulement 50 % environ des femmes. Pour autant, les données disponibles donnent à penser que l’écart hommes-femmes au regard du sentiment de sécurité s’est légèrement résorbé entre 2006-12 et 2013-18 dans plusieurs pays de l’OCDE (Graphique 9.6), et notamment en France, au Royaume-Uni, en Italie, en Espagne et en République slovaque. Dans deux pays (Espagne et République slovaque), cette tendance tient à une amélioration du sentiment de sécurité des femmes et des hommes, plus marquée toutefois chez les femmes ; dans d’autres, elle s’explique par une nette progression du sentiment de sécurité des femmes et un léger repli de celui des hommes (France, Royaume-Uni, Italie).
Les personnes d’âge moyen et celles qui ont suivi des études supérieures sont plus susceptibles de se sentir en sécurité lorsqu’elles marchent seules la nuit
D’une manière générale, les personnes âgées de 30 à 49 ans éprouvent un sentiment de sécurité supérieur à celui des jeunes adultes et des personnes âgées de 50 ans et plus (Graphique 9.7). Le Japon, la Corée et la Turquie font figure d’exceptions, puisque les personnes âgées de 50 ans et plus éprouvent un sentiment de sécurité supérieur à celui de toutes les autres classes d’âge ; la Lettonie, l’Islande, le Costa Rica et la Fédération de Russie se distinguent également, puisque les personnes de 15 à 29 ans s’y sentent davantage en sécurité que les 30-49 ans.
Le sentiment de sécurité varie également en fonction du niveau d’études : en moyenne dans les pays de l’OCDE, 64 % des individus qui n’ont pas suivi d’études secondaires, 69 % de ceux qui n'ont pas suivi d’études supérieures, et 73 % de ceux qui sont diplômés du supérieur déclaraient se sentir en sécurité lorsqu’ils marchaient seuls la nuit entre 2010 et 2018.
Encadré 9.1. Mesure et programme statistique à venir
Être en sécurité, c’est être à l’abri du danger, quel qu’il soit : crimes et délits, conflits, violences, actes de terrorisme, accidents ou catastrophes naturelles. Un ensemble idéal d’indicateurs relatifs à la sécurité devrait fournir des informations sur les différents crimes et délits dont sont victimes les personnes, notamment : les atteintes aux biens (vols de voiture ou cambriolages par exemple), les délits impliquant un contact physique (agressions ou violences domestiques par exemple), et les délits non conventionnels (crimes de haine, violences psychologiques, corruption, blanchiment d’argent, terrorisme). Cybercriminalité, atteintes à la vie privée et escroqueries en ligne sont autant de nouvelles activités criminelles associées à la transformation numérique (OCDE, 2019[3]). Parmi les autres menaces qui pèsent sur la sécurité des personnes figurent les accidents de la route, les catastrophes naturelles et les conflits, au premier rang desquels les guerres. Une autre dimension de la sécurité des personnes est celle qui consiste à pouvoir exprimer librement et sans crainte ses opinions personnelles, politiques et sociales. Toutefois, il est difficile, au vu de l’hétérogénéité des sources de données et des approches suivies par les pays en matière de législation pénale, de formuler une définition harmonisée et comparable au plan international de différents actes criminels. Le présent chapitre prend donc en compte trois dimensions clés de la sécurité, pour lesquelles on dispose de données comparables à l’échelle internationale (Tableau 9.1).
Tableau 9.1. Indicateurs relatifs à la sécurité examinés dans ce chapitre
Moyenne |
Inégalités verticales (écart entre les parties supérieure et inférieure de la distribution) |
Inégalités horizontales (écarts entre les groupes en fonction du sexe, de l'âge et du niveau d’études) |
Privations |
|
---|---|---|---|---|
Homicides |
Taux de mortalité par agression, pour 100 000 habitants |
s.o. |
Selon le sexe |
s.o. |
Sentiment de sécurité |
Proportion de personnes déclarant se sentir en sécurité lorsqu’elles marchent seules la nuit dans la ville ou le quartier où elles résident |
s.o. |
Selon le sexe, l’âge et le niveau d’études |
Proportion de personnes qui ne se sentent pas en sécurité lorsqu’elles marchent seules la nuit dans la ville ou le quartier où elles résident |
Mortalité routière |
Taux de mortalité routière pour 100 000 habitants |
s.o. |
Selon l’âge |
s.o. |
Homicides : les statistiques relatives aux causes de décès proviennent des registres d’état civil des pays ; elles sont compilées par les autorités nationales et regroupées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Ne sont prises en compte que les causes de décès médicalement constatées. Les données présentées ici peuvent être consultées dans la Base de données de l’OCDE sur les causes de mortalité.
Sentiment de sécurité : cet indicateur est fondé sur les réponses apportées à la question : « vous sentez-vous en sécurité lorsque vous marchez seul(e) la nuit dans votre ville ou votre quartier ? ». Les données présentées ici correspondent au pourcentage de personnes ayant répondu par l’affirmative à cette question, sur la base d'une moyenne sur trois ans. Elles sont extraites de l’enquête Gallup World Poll, réalisée chaque année auprès d’un échantillon de 1 000 personnes environ par pays. Pour les moyennes par pays, les données de toutes les années disponibles sont regroupées sur une période de trois ans (comme 2016-18 par exemple) afin d’aboutir à des estimations plus précises ; pour rendre compte des inégalités, les données sont regroupées sur une période plus longue (2010-18 par exemple). L’échantillon est conçu dès le départ pour être représentatif, au niveau national, de la population âgée de 15 ans et plus (zones rurales comprises) ; les données de l’échantillon sont pondérées par rapport à la population au moyen de coefficients fournis par Gallup (OCDE, 2018[4]).
Mortalité routière : la mortalité routière tient compte de toutes les personnes qui perdent la vie immédiatement ou dans les 30 jours suivant un accident de la route, hors suicides. Les données présentées ici sont issues de la base de données International Road Traffic and Accident Database (IRTAD). Toutes les données sont collectées directement auprès des fournisseurs de données nationaux pertinents dans les pays participant à la base de données IRTAD. Elles sont fournies sous un même format, fondé sur les définitions élaborées et approuvées par le Groupe IRTAD. On peut y accéder via le portail statistique de l’OCDE (FIT/OCDE, 2019[5]).
Corrélations entre les indicateurs relatifs à la sécurité
On observe de fortes corrélations entre les mesures objectives et subjectives de la sécurité considérées dans ce chapitre : les pays où les taux d’homicides sont plus élevés se distinguent également par un plus grand nombre de morts sur la route et un sentiment de sécurité plus faible (Tableau 9.2).
Tableau 9.2. Il existe une forte corrélation entre les indicateurs objectifs et subjectifs de la sécurité
Coefficients de corrélation simple entre les indicateurs relatifs à la sécurité
Homicides |
Sentiment de sécurité |
Mortalité routière |
|
---|---|---|---|
Homicides |
|||
Sentiment de sécurité |
-0.75*** (41) |
||
Mortalité routière |
0.75*** (31) |
-0.60*** (31) |
Note : Le tableau montre le coefficient de corrélation simple de Pearson ; les valeurs entre parenthèses correspondent au nombre d’observations (pays). * signale des corrélations significatives au niveau p<0.10, ** au niveau p<0.05, et *** au niveau p<0.01.
Programme statistique à venir
Le taux d’homicides est souvent considéré comme un indicateur clé des crimes violents, mais il ne représente que la partie émergée de l’iceberg. Il doit être complété par des données issues des registres de police et d’enquêtes de victimation afin de couvrir un vaste éventail d’expériences – y compris les atteintes aux biens (vols, cambriolages), les délits impliquant un contact physique (agressions) et les délits non conventionnels (crimes de haine, escroqueries). Toutefois, la comparabilité des registres officiels et des données d’enquêtes reste limitée entre les pays et il n’existe pas de registre central des données internationales.
Le sentiment de sécurité influe sur le bien-être des individus et leur comportement. Toutefois, l’une des limites de l’indicateur actuel, issu de l’enquête Gallup World Poll, est que sa portée est relativement restreinte (sentiment de sécurité éprouvé en marchant seul la nuit). Par ailleurs, il ne fournit aucune indication quant aux types de menaces que pourraient craindre les personnes. Or cela représente un inconvénient majeur dès lors qu’il s’agit de déterminer des moyens d’action potentiels. Cet indicateur est donc utilisé à titre temporaire jusqu’à ce que des données de meilleure qualité et plus harmonisées puissent être extraites de sources officielles.
Les violences domestiques représentent un aspect déterminant de la sécurité, mis en lumière à la fois dans les Objectifs de développement durable (la Cible 5.2.1 fait référence aux femmes et aux filles victimes de violences infligées par leur partenaire) et les cadres nationaux sur le bien-être (Australie, Italie, Israël, Nouvelle-Zélande). Cependant, les données existantes proviennent souvent d’enquêtes spécialisées conduites de manière irrégulière et portant principalement sur les femmes (plutôt que sur la population dans son ensemble) (DAES, 2019[6]). Parmi les enquêtes nationales qui ont apporté un éclairage sur les violences domestiques figurent l’Enquête sociale générale sur la victimisation réalisée au Canada (tous les cinq ans), l’Encuesta Nacional de Victimización y Percepción sobre Seguridad Pública (ENVIPE) menée au Mexique et la Crime Survey for England and Wales (CSEW) conduite au Royaume-Uni.
Le périmètre de l’indicateur dédié à la sécurité routière pourrait être amélioré s’il était élargi aux blessures non mortelles dues à des accidents de la route. Dans les pays en développement, les institutions en place n’ont pas les capacités nécessaires pour assurer le décompte des accidents mortels de la route et des accidents de la route d’une manière plus générale. Les décès liés aux conflits constituent par ailleurs une lacune importante des séries de données actuelles.
La transformation numérique en cours est aussi synonyme de risques pour la sécurité des personnes. En l’absence de cadres réglementaire, juridique et éthique efficaces, les internautes et les entreprises peuvent être exposés à des risques considérables sur le plan économique, social, psychologique et même physique. Pour autant, il n’est pas aisé de mesurer les risques en matière de cybersécurité, puisque les activités criminelles en ligne peuvent échapper aux internautes et qu’il n’existe aucun dispositif d’alerte centralisé pour les incidents de sécurité mineurs en ligne. Le moyen le plus pratique de recenser les activités criminelles en ligne demeure pour l’instant les déclarations individuelles, même si des corrections pourraient se révéler nécessaires afin de tenir compte des disparités entre les groupes de population et les pays de l’OCDE en termes d’utilisation de l’internet (une plus forte prévalence de ces incidents peut en effet simplement être liée à une plus grande exposition) (OCDE, 2019[3]). C’est pourquoi il faut redoubler d’efforts pour mettre au point un indicateur plus général, et plus objectif, des risques liés à la cybersécurité.
Références
[6] DAES (2019), Global SDG Indicators Database, http://unstats-undesa.opendata.arcgis.com/datasets (consulté le 28 octobre 2019).
[5] FIT/OCDE (2019), IRTAD Road Safety Annual Report 2019, FIT/OCDE, Paris, http://itf-oecd.org/sites/default/files/docs/irtad-road-safety-annual-report-2019.pdf (consulté le 16 janvier 2020).
[3] OCDE (2019), How’s Life in the Digital Age?: Opportunities and Risks of the Digital Transformation for People’s Well-being, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264311800-en.
[2] OCDE (2019), Measuring Distance to the SDG Targets 2019 : An Assessment of Where OECD Countries Stand, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/a8caf3fa-en.
[4] OCDE (2018), Comment va la vie ? 2017 : Mesurer le bien-être, https://doi.org/10.1787/how_life-2017-fr.
[1] OMS (2010), Plan mondial pour la Décennie d’action pour la sécurité routière 2011-2020, http://who.int/roadsafety/decade_of_action/plan/global_plan_decade.pdf (consulté le 23 décembre 2019).