Avec plus de 2 millions de cas et plus de 47 000 décès recensés en Afrique au 14 novembre 2020, la pandémie de COVID‑19 a eu des conséquences dévastatrices sur ce continent. Les faibles taux de vaccination, la suspension des programmes sanitaires, la perte des moyens de subsistance et l’insécurité alimentaire qui en découlent indirectement vont perdurer des années. Les pires effets de la pandémie sont observés dans le secteur informel, qui représente plus de 60 % de la population active et compte certains des membres les plus vulnérables de la société. À l’heure des confinements, des restrictions sur les biens et services, et de la récession la plus grave depuis un quart de siècle, les personnes qui ne disposent pas d’épargne, ne peuvent pas compter sur les ressources de leur famille étendue ou ne bénéficient pas d’une aide sociale – dont un nombre disproportionné de femmes et d’enfants – sont le plus durement touchées. Les répercussions plus larges de la pandémie frappent les plus vulnérables, et sont de ce fait invisibles et difficiles à évaluer. La réalisation des Objectifs de développement durable (ODD) à l’horizon 2030 est soudainement devenue une gageure, de même que celle de l’Agenda 2063 : l’Afrique que nous voulons.
Des victoires incontestables ont été remportées. Pourtant, l’ampleur de la pandémie, conjuguée à des retombées qui, quoique catastrophiques, ne sont pas flagrantes (hôpitaux débordés, par exemple), se traduit paradoxalement par un attentisme. Trois mesures doivent être prises dès maintenant pour mettre terme à la régression des progrès accomplis sur le front des ODD et de l’Agenda 2063.
Tout d’abord, il faut combler le déficit massif d’infrastructures et favoriser le développement d’un secteur industriel prospère. Avant la pandémie, les besoins de financement annuels étaient estimés à 93 milliards USD. Ce chiffre a sans nul doute augmenté. Pour des domaines fondamentaux comme la santé, l’éducation, l’agriculture et le commerce, la mobilisation des ressources intérieures, associée à des financements extérieurs, s’impose. Toutefois, compte tenu des mesures de distanciation physique en vigueur et des gains d’efficience nécessaires, le recours à des technologies numériques conçues ou adaptées pour l’environnement et l’écosystème locaux acquiert un caractère d’urgence. Les financements régionaux et multilatéraux doivent également tenir compte de la diversité des situations budgétaires des pays. En deuxième lieu, de nombreux partenariats public-privé peuvent œuvrer à des réalisations qui répondent à des besoins réels. Les pays africains doivent appliquer des politiques et des cadres institutionnels solides s’ils veulent optimiser la mobilisation de l’investissement privé dans le développement de l’infrastructure. Un exemple en est la loi type sur le développement des infrastructures transfrontalières en Afrique. Enfin, comme les petites et moyennes entreprises (PME) constituent l’ossature productive de l’Afrique et y représentent jusqu’à 80 % des emplois formels, nous ne devons pas nous arrêter aux mégaprojets isolés, mais fournir un appui financier et écosystémique d’envergure aux microentreprises et aux PME locales. Le protocole définitif sur le commerce électronique de la Zone de libre-échange continentale africaine sera un dispositif essentiel pour atteindre cet objectif. La Décennie d’action pour atteindre les objectifs mondiaux affirme que « le sens humain de l’effort a démontré notre capacité commune à accomplir des œuvres extraordinaires ». Ensemble, nous pouvons reconstruire en mieux.