par William Hynes, Initiative de l’OCDE relative aux Nouvelles approches face aux défis économiques (NAEC)
En 2012, l’OCDE a lancé son initiative relative aux Nouvelles approches face aux défis économiques (NAEC) pour réfléchir aux enseignements à tirer de la crise financière et de la Grande récession. Pour reprendre les propos de l’ancien Président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet : « en tant que responsable de l’action publique, durant la crise, j’ai trouvé les modèles qui existaient de peu d’utilité. En fait, j’irai même plus loin : devant la crise, nous nous sommes sentis abandonnés par les outils conventionnels ». Même avant la crise, Greg Mankiw, de l’Université Harvard, déplorait que « la recherche macroéconomique des trente dernières années n’ait eu qu’un impact mineur sur l’analyse pratique de la politique monétaire ou budgétaire ».
L’initiative NAEC a permis d’identifier les failles de ces modèles analytiques, et de promouvoir de nouveaux outils et de nouvelles données au service de l’action publique. Elle remet en question les idées et méthodes conventionnelles, la pensée de groupe et les approches cloisonnées en recherchant commentaires et critiques de personnalités extérieures à l’Organisation et en sollicitant des éclairages issus de disciplines relevant des sciences sociales comme la sociologie, la psychologie et l’histoire, dans l’optique d’enrichir les débats sur l’action publique.
Alors que la crise financière a frappé au cœur de la théorie et des modèles économiques conventionnels, il est devenu évident en 2016 que l’échec de la pensée économique et de l’action dans ce domaine était beaucoup plus profond et déstabilisant que nous l’avions pensé, et c’est la raison pour laquelle le mandat de l’initiative NAEC consiste notamment à élaborer un programme d’action au service d’une croissance durable et inclusive.
Le rejet de la mondialisation, la montée des inégalités de revenu et de l’inégalité des chances, de même que les retombées négatives de la croissance sur l’environnement, rendent l’action d’autant plus urgente. Nous devons élaborer ce qu’Eric Beinhocker appelle « un nouveau discours sur la croissance », un discours qui place l’humain au centre de la politique économique. Les travaux menés dans le cadre de l’initiative NAEC aident à recentrer la réflexion sur la redistribution, un concept que l’analyse économique a négligé durant de nombreuses années, et contribuent à faire en sorte que les décisions prises par les pouvoirs publics améliorent la vie de ceux qui se trouvent au bas de l’échelle de distribution des revenus.
Ces travaux ont également aidé à envisager le bien-être comme un concept multidimensionnel, ce qui supposait de repenser des éléments importants du discours économique, tels la justice ou la cohésion sociale. L’initiative NAEC y parvient en s’affranchissant des « schémas de pensée conventionnels », en insistant sur la nécessité de donner à l’individu, aux régions et aux entreprises les moyens de réaliser leur potentiel. C’est l’idée-force qui est au cœur du rapport intitulé L’articulation entre productivité et inclusivité, qui examine comment développer les actifs productifs d’une économie en améliorant les compétences, en mettant en place un environnement où toutes les entreprises peuvent prospérer et en investissant dans les régions en retard.
Les défis sont toutefois trop complexes et trop étroitement imbriqués pour être relevés à l’aide des modèles et analyses conventionnels. Comme le fait valoir Andy Haldane, l’économie mondiale se caractérise de plus en plus par des ruptures, des points de bascule, des équilibres multiples, des incertitudes radicales ou autres traits distinctifs des systèmes complexes. C’est pourquoi l’une des principales thématiques de l’initiative NAEC a porté sur la complexité et l’interdépendance de l’économie, illustrées par L’articulation entre productivité et inclusivité.
Les auteurs qui ont contribué à cette série d’articles font valoir que la théorie de la complexité et la pensée systémique peuvent améliorer la compréhension de phénomènes tels que les crises financières, la durabilité de la croissance, la compétitivité, l’innovation ou l’aménagement urbain. Reconnaître la complexité de l’économie, c’est d’abord prêter une plus grande attention aux interactions, aux conséquences non intentionnelles, à la stabilité, à la résilience, ou encore aux mécanismes de régulation ou de protection dont disposent les pouvoirs publics pour atténuer les chocs.
Dans sa collaboration avec la Commission européenne et l’Institute for New Economic Thinking (INET) Oxford, l’initiative NAEC a administré la preuve, au fil de divers ateliers, que l’économie de la complexité était une approche prometteuse pour apporter de nouveaux éclairages sur de grands enjeux de l’action publique, et un terrain de recherche exaltant pour l’avenir.
Les ateliers ont offert à des responsables de l’action publique, des universitaires et des chercheurs une excellente occasion d’examiner les applications de l’étude de la complexité sur les politiques publiques. La table ronde NAEC organisée en décembre 2016 a permis de débattre de la question de savoir si l’économie approchait d’un point de bascule – dans sa transition vers un nouveau paradigme de la complexité comportementale. Il y a une vaste convergence de vues parmi les économistes quant aux limites et aux insuffisances du modèle des anticipations rationnelles et un vaste débat s’est engagé pour déterminer quelle voie suivre pour l’avenir.
La première phase des travaux sur la complexité menés dans le cadre de l’initiative NAEC a montré l’intérêt d’un examen plus approfondi de la complexité. Il importera désormais de démontrer l’intérêt de la complexité, de la pensée systémique et des modèles multi-agents dans un certain nombre d’applications – réseaux financiers, systèmes urbains et autres thématiques évoquées ici. Tout l’enjeu consiste à mettre en évidence l’intérêt de cette approche.
Les travaux sur la complexité offrent la possibilité de répondre aux préoccupations de longue date que suscitent les hypothèses, les théories et les modèles économiques. Pour l’OCDE, ils ont également le potentiel de faire naître des politiques meilleures pour une vie meilleure.