Les activités corporatives corrompues peuvent être évitées, exposées et traitées efficacement grâce à des pratiques de gouvernance d'entreprise efficaces qui sous-tendent un cadre de responsabilité et de transparence. Une bonne gouvernance d'entreprise est donc un outil important pour lutter contre la corruption dans le secteur privé. Ce chapitre se penche sur l'intégrité dans le secteur privé au Maroc par rapport à la Stratégie Nationale de Lutte Contre la Corruption.
Diagnostic d'intégrité au Maroc
Chapitre 7. Intégrité du secteur privé au Maroc
Abstract
7.1. L'importance de l'intégrité dans le secteur privé pour lutter contre la corruption
La corruption et la mauvaise gouvernance constituent des obstacles majeurs au développement durable du Maroc. Afin de lutter efficacement contre la corruption, le rôle de la prévention est essentiel. Or, pour assurer une prévention efficace et proportionnée, les autorités publiques, les associations d'entreprises ou organisations non gouvernementales ainsi que les entreprises ont chacun un rôle important et différencié à jouer.
Le rôle de l'État dans la prévention, la détection, l'investigation et la sanction de la corruption a été traité dans les parties précédentes. En particulier, comme mentionné, la responsabilité première est de mettre en place et de faire respecter des dispositions pénales sans équivoque afin de prévenir et de punir les actes de corruption. Toutefois, afin d'assurer une lutte efficace contre la corruption, il est aussi important que le gouvernement fasse connaître et diffuse son engagement, et qu'il communique sur les mesures adoptées en son sein. Il est aussi essentiel que les obligations des différents acteurs soient clairement communiquées tout comme les missions et les compétences des différentes institutions chargées de la lutte contre la corruption. Il est par ailleurs fondamental que le monde des affaires et la société civile soient informés des prérogatives des différentes institutions afin de pouvoir agir efficacement et en connaissance de cause.
Il est par ailleurs important que le gouvernement informe les entreprises au sujet de dispositions règlementaires nationales et leur apporte un soutien afin que ces dernières puissent se mettre en conformité avec la législation, elle-même en ligne avec les engagements internationaux du pays. Idéalement, le gouvernement est aussi à l’écoute des observations et préoccupations du secteur privé, et les intègre dans sa propre démarche de prévention et de soutien à l’intégrité. De cette manière le gouvernement peut créer les conditions de la mise en œuvre la plus large possible de la lutte contre la corruption.
Diverses mesures ou supports peuvent être envisagés pour informer et encourager les entreprises à adopter des mesures de prévention et de détection de la corruption. Les supports peuvent comprendre des publications, des éléments d'informations sur des sites web publics, des dispositifs permettant de répondre efficacement et de manière cohérente aux demandes du privé par des lignes téléphoniques lors de créneaux horaires précis ou via internet, par des consultations publiques (par exemple, des débats sur les projets de programme ou de loi et les implications pour le secteur productif), et par des structures temporaires ou permanentes de dialogue entre l’état et les citoyens (par exemple, des groupes de travail contre la corruption, conseils ou commissions comprenant des représentants de l’état et du public).
Encadré 7.1. Certaines normes de l’OCDE sur l’intégrité des entreprises
Les Principes de gouvernance d'entreprise du G20 et de l'OCDE soulignent la responsabilité du conseil et de la direction dans l'établissement de normes éthiques de l'entreprise et dans la surveillance de son cadre d'intégrité commerciale. Afin de promouvoir l'application de ces Principes dans les entreprises d'État, l'OCDE a élaboré les Lignes directrices sur le gouvernement d’entreprise des entreprises publiques, qui prévoient des normes de transparence et de responsabilité dans les entreprises contrôlées par l'État comme dans le secteur privé.
Les Principes directeurs pour les entreprises multinationales de l'OCDE, un des éléments de la Déclaration de l'OCDE sur l'investissement international et les entreprises multinationales, contient des recommandations volontaires pour le comportement des entreprises multinationales dans dix domaines de l'éthique des affaires, notamment la lutte contre la corruption. Les Principes directeurs représentent le seul code complet approuvé au niveau multilatéral que les gouvernements se sont engagés à promouvoir auprès des entreprises multinationales opérant sur ou à partir de leur territoire. La mise en œuvre des Principes directeurs s'appuie sur des Points de contact nationaux qui chargés de promouvoir les Principes directeurs dans le contexte national.
Le Guide de l'OCDE sur le devoir de diligence pour les chaînes d'approvisionnement responsables en minerais provenant de zones de conflit et à haut risque (2011) contient des recommandations concrètes à l'intention des entreprises opérant dans le secteur extractif. Il vise à aider les entreprises à respecter les droits de l'homme, à prévenir les abus environnementaux et à éviter de contribuer aux conflits par le biais de leurs opérations dans les zones de conflit et à haut risque.
La Convention de l'OCDE sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales est le seul instrument juridiquement contraignant qui traite de la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales. Les Parties à la Convention reconnaissent l'importance des entreprises dans la lutte contre la corruption et ont adopté en 2010 le Guide de bonnes pratiques pour les contrôles internes, la déontologie et la conformité, soulignant les éléments fondamentaux d'un programme efficace de lutte contre la corruption et l'importance du soutien et de l'engagement de la direction des entreprises aux mesures prises par cette dernière pour prévenir et détecter la corruption transnationale. Les pays Parties à la Convention ont adopté une législation criminalisant la corruption étrangère, et la plupart ont mis en place un régime de responsabilité des entreprises qui permet aux entreprises d'engager des poursuites en cas d'implication de tiers: membre de la famille du fonctionnaire étranger, partenaire commercial ou organisation privilégiée par le fonctionnaire (OCDE, 2015).
D’autres dispositions que celles préconisées par l’OCDE peuvent guider la mise en place de mesures d’intégrité par les entreprises, y compris celles de la Chambre de Commerce Internationale ou ISO 37001.
Sources : OCDE (2017) ; OCDE (2016a) ; OCDE (2011) ; OCDE 2010.
7.1.1. Les entreprises et les professionnels liés à la détection
Les entreprises ont un rôle central à jouer dans la lutte contre la corruption. Elles doivent se conformer au cadre réglementaire et il leur incombe d'adapter leur mode opératoire au cadre législatif et respecter les prohibitions édictées par l'État. Pour se conformer aux obligations et s'abstenir de s'engager dans des activités illicites, il est important d'établir des normes pour la tenue de livres, d'engager des vérifications et contrôles internes et prévoir la divulgation. Il est également important de conduire des actions de sensibilisation concernant les opérations financières susceptibles d’être associées à la corruption auprès des professions liées à la détection de la corruption.
Normes comptables et respect des normes juridiques: C’est au service juridique et au service conformité, en particulier au responsable de l'intégrité ainsi qu'aux commissaires aux comptes, que revient la tâche de contrôler la régularité et la sincérité des activités des entreprises, en particulier les comptes annuels dans le cadre d’audits. Ces processus de contrôle doivent permettre de s’assurer « raisonnablement » que les comptes ne comportent pas d’« anomalie significative ».
Vérification externe: L’importance de l’activité déclarative des avocats et des professionnels d’audit d'une infraction dans le cadre de la lutte contre le blanchiment correspond à une importante prise de conscience récente, qui n'est pas encore acceptée partout. Indéniablement, la profession du chiffre peut jouer un rôle décisif dans la détection. Ces professionnels sont à présent sensibilisés au signalement d’indices de corruption des dirigeants et, le cas échéant, peuvent avertir les organes de contrôle de l’entreprise de tels indices. Il est aussi possible d'envisager une implication plus forte de la part des vérificateurs, afin qu’ils signalent des soupçons d’actes de corruption aux autorités compétentes, indépendantes de l’entreprise.
7.1.2. Programmes de conformité des entreprises
À travers les Principes de gouvernement d’entreprise, les pays membres de l’OCDE et les représentants du secteur privé ont reconnu dès 2004 que « le régime de gouvernement d’entreprise devrait concourir à la transparence et à l’efficience des marchés, être compatible avec l’état de droit (…) ». En particulier, « les entreprises ne devraient pas, directement ou indirectement, offrir, promettre, accorder ou exiger des paiements illicites ou d’autres avantages indus en vue d’obtenir ou de conserver un marché ou un autre avantage illégitime. Les entreprises devraient également repousser toute sollicitation de pots-de-vin et autres formes d’extorsion. » (Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales).
Par ailleurs, du fait du durcissement de l’arsenal législatif mondial contre la corruption, les entreprises impliquées dans des pratiques de fraude ou de corruption sont de plus en plus confrontées à quatre risques majeurs :
Un risque opérationnel, résultant d’une perte de compétitivité, à cause du recours à la corruption pour gagner des marchés au détriment de l’investissement sur le développement d’une offre à forte valeur sur le marché ;
Un risque de sanctions, civiles et pénales, et de recours collectifs ou encore l’engagement de la responsabilité pénale de leurs dirigeants ;
Un risque commercial pour les entreprises engagées dans des transactions internationales entachées de corruption (perte de contrats, inscription sur des « listes noires » et exclusion des marchés) ;
Un risque de réputation, puisque la construction d’une image de marque constitue un processus de longue haleine qu’un seul scandale suffit à détruire.
Afin de prévenir ces risques, le secteur privé est de plus en plus mobilisé dans la conception et la mise en œuvre d’actions visant à promouvoir l’intégrité dans les affaires. Pour une entreprise, l’intégrité est une condition essentielle dans la conduite des affaires et c'est un soutien à long terme pour sa santé économique, sa stabilité et sa viabilité. Prévenir la corruption permet d’abord à l’entreprise d’orienter sa stratégie vers le développement de ses capacités organisationnelles, financières et concurrentielles (en consacrant ses investissements en innovation et recherche & développement), et d’éviter le gaspillage de ses ressources par le paiement de pots de vin et/ou de lourdes amendes, des sanctions pénales et administratives, et, finalement d’optimiser ses performances économiques.
Au regard du cadre réglementaire et dans un souci de gestion efficiente, les entreprises sont de plus en plus amenées à agir par et pour elles-mêmes. Elles adoptent des mesures volontaires de prévention mais aussi de détection afin de se mettre en conformité avec les lois internationales de lutte contre la corruption. En particulier, les opérateurs économiques de premiers plans actifs au niveau international mettent en œuvre des programmes d’éthique et de conformité pertinents et efficients (OCDE/ONUDC/Banque mondiale, 2013). Cela se traduit par :
L’engagement de la direction en ce sens, et la mise en place d’une communication et de directives claires (déclaration des objectifs des mesures d’intégrité de l’entreprise, charte de bonne conduite, programme de conformité, formations obligatoires, contrôles et sanctions) ;
La nomination ou l’attribution de la fonction « conformité » à une personne disposant d’un niveau hiérarchique élevé et bénéficiant d’une autonomie d’action et développement de procédures de diligence;
La formation des employés et l’examen périodique des principes directeurs, la communication des principes de conformité, l’inclusion des partenaires commerciaux locaux dans les programmes de conformité (y compris les sous-traitants, représentants, distributeurs, revendeurs et partenaires) ;
La mise en place d’un système de « lanceurs d’alerte » au sein de l’entreprise, et d’une protection efficace de ces derniers.
Au-delà de mesures individuelles, les entreprises peuvent décider d'engager des actions collectives au travers de collaborations d’entreprises. Elles peuvent aussi s’impliquer dans des initiatives sectorielles ou pluri-industrielles afin de promouvoir l’intégrité des affaires.
7.1.3. Le rôle des associations d'entreprises et des organisations non-gouvernementales
Les associations professionnelles et organisations patronales et syndicales ainsi que les organisations non gouvernementales sont susceptibles d’apporter de précieuses contributions aux entreprises dans le développement et la mise en application de mesures d'intégrité.
Le Guide de bonnes pratiques de l'OCDE sur les contrôles internes, l'éthique et la conformité suggèrent que les associations professionnelles peuvent assister les entreprises, en particulier les petites et moyennes entreprises (PME), dans le « développement de programmes ou mesures de contrôle interne, d'éthique et de conformité visant à prévenir et détecter la corruption étrangère » (OCDE, 2009). En outre, la Recommandation de l'OCDE de 2009 invite les pays à impliquer davantage les organisations et associations professionnelles dans la lutte menée par les entreprises.
En effet, les associations d'entreprises ou les organisations non-gouvernementales peuvent s'engager dans des objectifs collectifs et transcender l'intérêt d'un seul opérateur pour entreprendre des efforts en vue du bien commun. Les associations professionnelles peuvent également être un moyen par lequel les entreprises individuelles se responsabilisent et contribuent à garantir que les concurrents ne gagnent pas d’avantage compétitif en agissant illégalement.
7.2. État actuel et analyse critique
Avec sa nouvelle Constitution (2011) ainsi que la Stratégie nationale de lutte contre la corruption lancée en mai 2016, le Maroc se dote des moyens pour engager des actions diverses pour soutenir un développement économique, politique et social durable. Mais il est important d’articuler les actions effectivement et efficacement car la corruption est perçue comme très élevée (Indice de perception de la corruption 2017 de Transparency International), comme un obstacle majeur à la croissance économique et le facteur principal qui entrave l’environnement des affaires au Maroc (Forum économique mondial, 2017).
Le gouvernement du Maroc a exprimé une volonté politique claire de lutter contre la corruption, et a défini un cadre intégré pour atteindre cet objectif. Le Maroc s’est doté d’une nouvelle Constitution en juillet 2011, qui contient plusieurs dispositions en matière d’intégrité, de lutte contre la corruption et de transparence. L’article 36 de ladite Constitution prévoit en particulier que :
« Les infractions relatives aux conflits d’intérêts, aux délits d’initié et toutes infractions d’ordre financier sont sanctionnées par la loi.
Les pouvoirs publics sont tenus de prévenir et réprimer, conformément à la loi, toutes formes de délinquance liées à l’activité des administrations et des organismes publics, à l’usage des fonds dont ils disposent, à la passation et à la gestion des marchés publics.
Le trafic d’influence et de privilèges, l’abus de position dominante et de monopole, et toutes les autres pratiques contraires aux principes de la concurrence libre et loyale dans les relations économiques, sont sanctionnés par la loi.
Il est créé une Instance nationale de la probité et de lutte contre la corruption ».
La nouvelle Constitution aborde ainsi les deux volets complémentaires d’une politique anti-corruption globale : le volet préventif, par la création d’une nouvelle instance en ce domaine, et le volet répressif, par l’énonciation des infractions devant être sanctionnées. En outre, la nouvelle Constitution compte, sous le titre XII intitulé « De la bonne gouvernance », 18 articles traitant notamment des questions de transparence, de bonne gouvernance, d’intégrité et de lutte contre la corruption.
7.2.1. La Stratégie nationale de lutte contre la corruption et le secteur privé
Le Maroc a adopté le 28 décembre 2015 la Stratégie nationale de lutte contre la corruption (SNLCC). Lancée officiellement le 3 mai 2016 en présence de toutes les parties prenantes, y compris le monde des affaires, la SNLCC avait fait l'objet de nombreux échanges et consultations, notamment avec la société civile ainsi que les représentants des entreprises. La SNLCC s'inscrit dans la continuité de la Constitution de 2011. Elle s'étend sur une durée de dix ans et repose sur cinq piliers : 1) gouvernance, 2) prévention, 3) répression, 4) communication et sensibilisation, 5) formation et éducation. Ce faisant, la SNLCC définit divers axes de travail, intitulés programmes (P). Chaque programme comprend diverses actions identifiant des objectifs prioritaires, les acteurs majeurs, des indicateurs ainsi que des moyens de mise en œuvre. Lors du lancement officiel, de nombreuses conventions programmes ont été signées avec les différentes parties ; malheureusement l’information est insuffisante quant aux avancées concernant la mise en œuvre effective des différents programmes.
Parmi les programmes, on note en particulier le P8 : Intégrité du monde des affaires. Dans le cadre de ce programme, il est prévu d'améliorer la transparence des affaires au sein du secteur privé, et d'assurer une forte adhésion des entreprises aux codes d'éthique et à la certification de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) afin de réduire, à long terme, "les foyers de corruption alimentés par le secteur privé". Le coordonnateur est la Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM) à laquelle est associé le Ministère de l'Industrie, de l'Investissement, du Commerce et de l'Économie Numérique (MIICEN) ainsi que l’Agence marocaine de développement des investissements et des exportations (AMDIE), qui y est rattachée. L’AMDIE a été impliquée aux côtés de la CGEM dans l’élaboration des projets relevant de P8.
La SNLCC est supervisée par un organe de pilotage de haut niveau : la Commission Nationale Anti-Corruption (CNAC) présidée par le Chef du Gouvernement (institutionnalisée par le décret du 23 juin 2017 qui a été abrogé et remplacé par le décret n° 2-17-582 du 16 octobre 2017), un Comité de suivi, supervisé par le Ministre de la Fonction publique et de la Réforme Administrative, un Comité de projet chargé de la coordination sous la responsabilité du Directeur de la Modernisation auprès du Ministère de la Fonction publique et de la Réforme Administrative.
La CGEM, considéré comme étant l’organe le plus représentatif au regard de la production et des emplois de ses membres, est membre du CNAC mais non pas d'autres représentants du secteur privé. Concernant la société civile, deux associations y sont représentées dont Transparency Maroc. On doit reconnaître la désignation et le rôle de la CGEM dans la SNLCC et surtout dans le programme 8. Néanmoins, et malgré les travaux de qualités menés par la CGEM, on devrait encourager la participation de toutes les parties prenantes du secteur des affaires et de la société civile.
Recommandation de réforme
Par l’adoption de la SNLCC, la mise en place de la CGEM et la signature de conventions programmes entre différentes parties, le Maroc s’est doté d’un important outil lutte contre la corruption. La CGEM est encouragée d’observer les avancées progressives dans la mise en place de la SNLCC et d’identifier les réalisations accomplies dans la cadre des différents programmes.
Des retards de mise en œuvre devraient également être identifiés et une réflexion devrait être engagée avec les différentes parties pour une meilleure mise en œuvre. Une communication publique pourrait permettre une plus grande adhésion aux objectifs fixés.
Le gouvernement devrait encourager les entreprises à 1) adopter des mesures de contrôle interne, de déontologie et de conformité aux normes anti-corruption; 2) mettre en place des systèmes de gouvernent d'entreprises robustes; 3) conduire les relations commerciales de manière responsable et transparentes – surtout concernant les entreprises multinationales; 4) à respecter les conditions de concurrence ouverte et équitable dans le cadre de leurs relations d'affaires avec les administrations publiques
7.2.2. Instances gouvernementales et conseils aux entreprises
La SNLCC prévoit de produire des effets avec l’appui de l'Instance Nationale de Probité et de Lutte Contre la Corruption (INPLCC), dont la création est prévue par la Constitution de 2011 (Art. 36-4) et dont la fonction est décrite à l’article 167 de cette même constitution, soit: « d’initier, de coordonner, de superviser et d’assurer le suivi de la mise en œuvre des politiques de prévention et de lutte contre la corruption, de recueillir et de diffuser les informations dans ce domaine, de contribuer à la moralisation de la vie publique et de consolider les principes de bonne gouvernance, la culture du service public et les valeurs de citoyenneté responsable ». Or, et malgré l'entrée en vigueur de la loi n° 113.12 en juillet 2015, l'INPLCC n'est pas encore opérationnelle. Elle devra notamment être dirigée par un Président, qui n’est pas encore nommé.
En attendant la mise en place de l'INPLCC, c'est l'Instance Centrale de Prévention de la Corruption (ICPC) qui reste opérante. Toutefois son fonctionnement est limité depuis le départ de son secrétaire général et de son président directeur général en 2015-2016 et faute de moyens notamment. Dans le passé, l'ICPC avait effectué divers travaux concernant la prévention et la lutte contre la corruption. Dans son rapport annuel de 2009, l’ICPC avait développé 25 propositions déclinées en 113 mesures, dont l’amélioration de la gouvernance du secteur privé. L’ICPC a également formulé des propositions dans le cadre d’études sectorielles, de rapports thématiques ou de travaux en matière d'identification de risques de corruption impliquant notamment la commande publique. L'ICPC avait organisé des manifestations de sensibilisation et de formation ainsi que des consultations et des collaborations dans le cadre de projets spécifiques. Il reste à déterminer si l’INPLCC, lorsqu’elle sera opérationnelle, aura pour vocation d’engager et d’institutionnaliser le dialogue avec le secteur privé (OCDE, 2016b).
Il existe d'autres institutions gouvernementales impliquées dans le dialogue avec le monde des affaires et qui devraient œuvrer à la mise en place de moyens de prévention de la corruption.
Le Maroc a adhéré en novembre 2009 à la Déclaration de l'OCDE sur l'investissement international et les entreprises multinationales, dont font partie les Principes directeurs pour les entreprises multinationales de l'OCDE. L’AMDI, Maroc Export et l’OFCE ont été fusionnés en une seule agence sous l’appellation « Agence marocaine de développement des investissements et des exportations » (AMDIE). La présidence et le secrétariat du point de contact national (PCN) pour la diffusion et le respect des dits Principes directeurs auprès des entreprises marocaines ont été confiés à l’AMDIE. Il faut noter que le PCN est doté d’une structure interministérielle : 7 départements ministériels, 3 instances constitutionnelles (notamment l’INPLCC) ainsi que l’AMDIE.
Le PCN marocain assure une mission de promotion, de communication et de diffusion des principes directeurs de l’OCDE et de ses guides de devoir de diligence auprès des entreprises marocaines. Il constitue également un pôle de médiation et de conciliation permettant de résoudre des questions pratiques qui peuvent se présenter avec la mise en œuvre des Principes directeurs. Toutefois, le dialogue avec le secteur privé autour du principe directeur n° VII contenant des recommandations sur la responsabilité sociale et pénale des entreprises dans la lutte contre la corruption semble en attente.
L’Institut marocain des administrateurs (IMA), créé en juin 2009 à l’initiative de la Caisse de dépôt et de gestion, de la CGEM et du ministère des Affaires économiques et générales sous forme d'association, a pour ambition de servir de centre de référence à la professionnalisation de la fonction d'administrateur et à la promotion de la bonne gouvernance d'entreprise au Maroc. Il a pour fonction de diffuser le Code Marocain de Bonnes Pratiques de Gouvernance d’Entreprise de 2008 qui devrait faire l'objet d'une révision. Pour ce faire, l'IMA organise des séminaires de formation des administrateurs d’entreprises, des organes de gestion et de gouvernance des entreprises publiques et privées nationales, afin de renforcer leurs compétences et de les sensibiliser aux problématiques de la gouvernance d’entreprise. L'IMA engage également des formations pour les administrateurs de sociétés afin d’ancrer les pratiques de bonne gouvernance au sein des entreprises sur le long terme. L'IMA a semble-t-il aussi engagé un travail important de sensibilisation envers les acteurs publics et privés concernés par le processus de promotion de la gouvernance d’entreprise sur l’ensemble du territoire national en association avec des organisations internationales. L’IMA produit également des enquêtes pour le compte de donneurs d’ordres comme l'Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC) et publie des rapports sur l’application des bonnes pratiques de gouvernance.
L'un des engagements du Code Marocain de Bonnes Pratiques de Gouvernance d’Entreprise est la prévention de la corruption: « S’interdire tout comportement consistant à, directement ou indirectement, promettre, offrir, solliciter ou accorder des paiements illicites ou des avantages indus en vue d’obtenir ou de conserver un marché ou tout autre avantage irrégulier ou illégitime ; ne pas offrir, ni accepter de verser à des agents publics ou privés, ni à leurs proches, des paiements, commissions occultes ou cadeaux en contrepartie de l’obtention ou de la modification d’un contrat de bien ou de services ; rendre visibles, par des moyens appropriés, les principes et l’action de l’entreprise contre la corruption et l’extorsion ; sensibiliser les salariés aux mesures prises par l’entreprise pour lutter contre la corruption et l’extorsion et promouvoir le respect de ces dispositions par les salariés au moyen d’une information adéquate, de programmes de formation et de procédures disciplinaires ». Les principes du Code favorisent aussi la création de comités d’éthique internes aux entreprises et devraient permettre, tout en tenant compte de la structure et de la taille des entreprises, de promouvoir des mécanismes internes et externes de contrôle de gouvernance. Enfin, un code spécifique applicable aux PME et aux entreprises familiales été mis en place en 2012.
Les pouvoirs publics ont par ailleurs fait référence au développement d'outils de certification pour accompagner les démarches d’intégrité au sein des entreprises. Dans ce cadre, le Maroc est membre du comité technique ISO /PC 278 chargé de l'élaboration de la norme internationale 37001 relative aux systèmes de management qui a pour objectif de promouvoir la loyauté des pratiques et permettre de prévenir la corruption au sein de leur sphère d'influence. Les pouvoirs publics ont indiqué avoir organisé des rencontres et des séminaires de sensibilisation quant à l’importance de la gouvernance d’entreprise et l’amélioration de l’intégrité dans le secteur privé. Ils ont en particulier fait mention de la table ronde nationale « Vers le renforcement de l’intégrité au sein du secteur privé au Maroc » co-organisée en octobre 2012 par le Ministère chargé des Affaires Générales et de la Gouvernance (MAGG) et la Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM), en coopération avec le Projet Régional du PNUD pour l’Intégrité et la Lutte contre la Corruption dans les Pays Arabes (UNDP-ACIAC) et le Programme MENA-OCDE pour l’Investissement.
Il semblerait qu'hormis la rencontre de 2012 ni l'AMDIE ni l'IMA ne soient impliquées de manière ciblée et régulière dans un dialogue public-privé autour du cadre législatif et des obligations de mise en conformité qui en découlent pour le milieu économique. Maroc PME, une agence importante dans la relation avec le secteur privé, ne semble pas non plus être associé ou impliquée dans le dialogue et la prise de conscience des Très Petites et Moyennes Entreprises (TPME) des dispositions juridiques de lutte anti-corruption. En effet les études menées indiquent qu’en général les PME sont particulièrement peu conscientes des risques encourus, moins susceptible de prendre des dispositions de prévention quand bien même elles sont parfois particulièrement exposées aux risques de corruption.
Or, l’instauration, le développement et la pérennisation du dialogue public-privé est partie prenante de l’amélioration d'un climat d'affaires propice au développement de l’attractivité des pays en termes d'investissements et d’emplois. Le dialogue publique-privé est aussi essentiel au soutien ciblé et efficace des mesures et actions d'intégrité par le secteur productif. Les autorités marocaines ne semblent toutefois pas non plus avoir développé une expertise concernant les moyens de prévention et de renforcement de l'intégrité dans les affaires. Ces moyens sont en particulier importants dans le cadre de la passation des marchés publics et de mesures de limitation du risque dans les secteurs vulnérables ayant notamment un impact sur la vie quotidienne des citoyens, comme la gestion de la santé mais aussi l'énergie ou l’eau par exemple.
Pour aller de l’avant dans la lutte contre la corruption, il serait souhaitable que les autorités réfléchissent, en consultation avec les entreprises, à la manière d'assurer la diffusion et la pleine prise de conscience de l'utilité et de la manière d'appliquer les différents modes de prévention et de détection de la corruption à toutes les entreprises. Il est en effet important que ce sujet ne soit pas laissé aux seules entreprises sensibilisées à la question mais que toutes soient impliquées dans la réflexion, en particulier les entreprises publiques.
Il est par ailleurs essentiel de s'assurer que les entreprises publiques et privées, grandes et petites, aient les outils nécessaires pour évaluer de façon adéquate les risques auxquels elles s’exposent lors de transactions commerciales, notamment lorsqu’elles sont actives dans certains secteurs à risque ou lorsqu'elles opèrent ou investissent dans des zones où il y a un déficit de gouvernance.
La démarche devrait inclure une réflexion plus avancée sur l'impact de l'informel. Il importe de souligner que le Maroc a cherché à lutter contre l'informel qui est estimé représenter 11% à 20% du PIB, notamment par la création d’un statut juridique et fiscal dédié aux autoentrepreneurs. Quand bien même l’introduction de la mesure d’autoentrepreneur comprend une avancée importante, cette mesure est insuffisante pour répondre au phénomène complexe de l’informel qui regroupe des réalités diverses touchant parfois à divers phénomènes criminels.
Dans le cadre d’une telle démarche notamment mais aussi au regard de l’importance que jouent les TPME dans le tissu industriel du Maroc, il serait opportun d’associer Maroc PME aux réflexions en cours des diverses instances gouvernementales et non-gouvernementales (voir section ci-dessous). Maroc PME pourrait participer ou tout au moins apporter son appui aux efforts futurs de diffusion de la connaissance des risques associés à la corruption ainsi qu’aux moyens de préventions à mettre en place.
Recommandation de réforme
Il apparait que les pouvoirs publics, en collaboration avec la CGEM, ont adopté un nombre de dispositions institutionnelles pour renforcer la prévention de la corruption et mettre en place des mécanismes en soutien à l’intégrité dans les affaires. Ces mécanismes mériteraient d’être utilisés pour une meilleure compréhension des bénéfices associés à la mise en place d’un climat des affaires intègre, ainsi qu’une sensibilisation élargie des mécanismes d’identification des risques et des mécanismes de prévention.
La mise en place de l'INPLCC, créée par la loi n°113.12, et la clarification de ses fonctions est vivement encouragée d'autant que la composition, son indépendance statutaire et financière, la définition de son domaine d’action et ses compétences font l’objet de vifs débats au sein de la société civile et du secteur privé.
Plusieurs institutions ont pour vocation de mener une communication et un dialogue avec le secteur privé autour du thème de la lutte contre la corruption. Il serait souhaitable que leurs missions, responsabilités et prérogatives soient clairement définies afin d'assurer une bonne coordination des responsabilités et des messages engagés vis-à-vis des du monde des affaires et de la société civile.
L'IMA devrait être associé aux efforts de dialogue, de par son rôle de formation des administrateurs d'entreprises et de diffusion de bonnes pratiques de gouvernance d'entreprises.
7.2.3. Les activités des associations d'entreprises
La CGEM, principale association d'entrepreneurs du Maroc par le chiffre d’affaire et les emplois qu’elle représente, a créé un comité spécial de lutte contre la corruption dès 1998. La Commission Éthique et Bonne Gouvernance a assuré la promotion de règles éthiques et de soutien de mesures d'intégrité au sein des entreprises membres de la CGEM. Ladite Commission n’a pas été renouvellée lors de la révision de la gouvernance de la CGEM. La question de l’intégirté et de la lutte contre la corruption sera traitée, dès la seconde moitié de 2018, par la Commission du climat des affaires de la CGEM.
La CGEM avait élaboré, après 2006, un système de labellisation des entreprises se soumettant à toutes les dispositions de la Charte de responsabilité sociale de la CGEM. Cette labellisation, décernée par un comité après une évaluation exhaustive menée par un expert indépendant accrédité par la CGEM. Le label RSE de la CGEM englobe neuf axes dont celui de lutte contre la corruption et celui de bonnes pratiques de gouvernance, basés sur le code marocain de 2008. Les entreprises labellisées sont tenues de présenter un rapport d’audit à mi-parcours ; le label est renouvelé tous les 3 ans. Actuellement, une centaine d’entreprises sont labellisées.
La Commission d'Éthique et de Bonne Gouvernance a notamment soutenu le développement et a co-piloté la rédaction du Code marocain des bonnes pratiques de gouvernance d’entreprise de 2008 qui est à présent administré par l'IMA (voir plus haut) et que le Maroc cherche à revoir. La CGEM envisage que la révision du code soit abordé de la même manière que par le passé. La CGEM œuvre ainsi pour que le cadre de la commission nationale de gouvernance d’entreprise soit institutionnalisé et que sa gouvernance continue à être co-présidée par le secteur privé.
La CGEM a également réalisé une étude sur les risques potentiels lors de différentes étapes de passation des marchés publics dans le secteur de l'électricité en 2009. Il semblerait qu'il était envisagé d'engager un pacte d'intégrité suite à cette étude ; ceci n'a toutefois pas été mis en œuvre.
La Commission Éthique et Bonne Gouvernance de la CGEM a engagé une coopération avec l’OCDE afin d'organiser en 2011 et 2012 des consultations sur l’intégrité avec des représentants du secteur privé. En 2015 un partenariat a été engagé entre la commission de la CGEM et l'OCDE pour renforcer l’intégrité des affaires au Maroc. Ce partenariat s'inscrit dans la mise en œuvre du Programme P8 de la SNLCC. Les travaux CGEM/OCDE portent sur une meilleure compréhension et une éventuelle élaboration d'action(s) collective(s) comme catalyseur d'intégrité par des groupes d’entreprises engagées dans la prévention des risques de corruption et la préservation de la libre concurrence. Diverses discussions ont et continuent d'être organisées avec les représentants de trois secteurs, parmi les plus importants pour le développement de l'économie marocaine soit le Transport, l’Énergie et la Santé. À travers les réunions en 2015 et 2016 avec les représentants des trois secteurs il est apparu qu'il serait important d'étendre les connaissances et les travaux de la commission Éthique et Bonne Gouvernance à d'autres comités et commissions de la CGEM afin d'exposer un plus grand nombre de membres de la CGEM aux concepts et standards d'intégrité.
À côté de la CGEM, d'autres associations d'entreprises existent, notamment le Centre des Jeunes Dirigeants (CJD) ou la Chambre de Commerce Internationale (CCI) pour n'en nommer que deux. Cette dernière a inscrit les problématiques en relation avec la lutte contre la fraude et la corruption dans son plan d’action, et engagé un certain nombre d’initiatives (rencontres, cycles de formation, sensibilisation et partage d’informations) depuis 2010 en matière d’éthique et de conformité.
Recommandation de réforme
Il serait souhaitable de sensibiliser toutes les organisations patronales du Maroc aux moyens et outils de lutte contre la corruption afin qu'elles puissent en informer leurs membres. Ceci pourrait être le résultat d’efforts menés par les autorités publiques marocaines mais cela pourrait également être le fait d’une coordination entre les différentes associations d’entreprises.
Une réflexion devrait être engagée autour d’une meilleure intégration de l’informel dans l’économie formelle, et à travers cette démarche un soutien à l’intégrité en général dans les affaires.
Plan d’action et soutien potentiel de l’OCDE
Recommandations
La Constitution de 2011 et la SNLCC, notamment les consultations du secteur des affaires et la société civile, témoignent de la prise de conscience de l'importance de la prévention en matière de lutte contre la corruption et du dialogue publique-privé.
Au regard des éléments évoqués dans l’introduction ce ce chapitre, il semble que le gouvernement n'a pas encore suffisamment transmis et diffusé des informations précises et ciblées sur le cadre législatif, les mesures de mise en conformité et de prévention de lutte contre la corruption. Le gouvernment, dans un souci de soutien à l’intégrité en vue d’un climat des affaires plus transparent et concurrentiel devrait prendre diverses mesures à destination des entreprises.
Plusieurs institutions ont pour vocation de mener une communication et un dialogue avec le secteur privé autour du thème de la lutte contre la corruption. Il serait souhaitable que leurs missions, responsabilités et prérogatives soient clairement définies afin d'assurer une bonne coordination des responsabilités et des messages engagés vis-à-vis des du monde des affaires et de la société civile. Sans cela, l'application efficace des dispositions d'intégrité et de lutte contre la corruption pourrait être compromise.
La mise en place de l'INPLCC, créée par la loi n°113.12, et la clarification de ses fonctions est vivement encouragée d'autant que la composition, son indépendance statutaire et financière, la définition de son domaine d’action et ses compétences font l’objet de vifs débats au sein de la société civile et du secteur privé.
Compte tenu de l'implication du Ministère de l'Industrie, de l'Investissement, du Commerce et de l'Économie Numérique dans le Programme P8 de la SNLCC, il serait adéquat de l'engager dans le dialogue avec le secteur des affaires. Ceci pourrait s’effectuer avec le soutien de deux agences associées au MIICEN : l’AMDIE et Maroc PME. L''AMDIE, qui assure la présidence et le secrétariat du Point de contact national de la Déclaration de l'OCDE sur l'investissement international et les entreprises multinationales devrait renforcer les efforts de mise à exécution des travaux de diffusion des Principes directeurs et des engagements internationaux du Maroc, en particulier ceux relatifs à la lutte contre la corruption.
Maroc PME pourrait quant à elle être impliquée ou associée à la sensibilisation des TPME. Afin de soutenir la lutte contre la corruption et améliorer le climat des affaires, des actions d'information et d’échanges ainsi que des formations destinées aux entreprises devraient être organisés.
L'IMA devrait être associé aux efforts de dialogue, de par son rôle de formation des administrateurs d'entreprises et de diffusion de bonnes pratiques de gouvernance d'entreprises.
Les autorités, en consultation avec le secteur privé, ont engagé la révision du code de gouvernance d'entreprises comme évoqué lors de divers échanges avec l'OCDE. En particulier, la Commission Nationale de Gouvernance d’Entreprises en charge de la révision a été institutionnalisée, et le projet semble s’orienter vers un code général qui serait aussi décliné avec des précisions et compléments intégrant les spécificités selon les besoins de divers secteurs ou de la nature de l’entreprise (publique/grande/PME). Cette démarche est bienvenue et les autorités sont encouragées de poursuive ces travaux. Les Principes de gouvernance d'entreprise du G20 et de l'OCDE pourraient être considérés comme une référence dans l’élaboration du nouveau code.
Les régulateurs pourraient compléter et renforcer le cadre légal relatif à l'intégrité dans les affaires en exigeant le respect d’un code de gouvernement d'entreprise sous le principe "appliquer ou expliquer" (en adaptation du principe anglo-saxon « comply or explain »), c.à.d. que les sociétés ne s'y référant pas ont l'obligation d'expliquer pourquoi elles n'appliquent pas certaines recommandations.
Le gouvernement devrait encourager les entreprises à 1) adopter des mesures de contrôle interne, de déontologie et de conformité aux normes anti-corruption; 2) mettre en place des systèmes de gouvernent d'entreprises robustes; 3) conduire les relations commerciales de manière responsable et transparentes – surtout concernant les entreprises multinationales; 4) à respecter les conditions de concurrence ouverte et équitable dans le cadre de leurs relations d'affaires avec les administrations publiques.Les autorités sont encouragées à conduire des actions de sensibilisation à destination des professions liées à la détection concernant les risques relatifs aux opérations financières susceptibles d’être en lien avec la corruption. La préparation et la publication d'un guide d’aide à la détection des opérations financières susceptibles d’être liées à la corruption pourraient être envisagées. Ce guide pourrait comprendre des « indicateurs de vigilance » permettant d’orienter les démarches des professionnels dans la gestion de leur procédure interne de détection des opérations suspectes.
Les autorités gouvernementales devraient clairement définir l’attitude que les entreprises devraient adopter lorsqu'elles s'engagent dans des transactions commerciales au niveau domestique et en dehors de leur pays d’origine, dans tous les principaux domaines de la déontologie professionnelle, notamment la publication des informations et la lutte contre la corruption. Les autorités devraient aussi mettre en œuvre des moyens pour les aider à relever les défis qui se posent en matière de responsabilité d’entreprise.
Les entreprises devraient être encouragées, notamment au travers d'initiatives de consultations larges et englobant toutes les parties prenantes (gouvernement, associations d'entreprises et leurs membres, société civile) à élaborer des outils adéquats pour évaluer de façon fondée les risques auxquels elles s’exposent lorsqu’elles investissent ou s'engagent dans des transactions commerciales.
Les autorités devraient veiller à promouvoir des conditions de concurrence équitables entre entreprises publiques et entreprises privées. Le gouvernement devrait envisager de publier un rapport annuel agrégé couvrant les activités de toutes les entreprises publiques, comme le recommandent les Principes directeurs de l'OCDE sur le gouvernement d'entreprise des entreprises d'État.
Une attention particulière devrait être accordée aux entreprises qui opèrent dans des zones à déficit de gouvernance ou des secteurs à haut risque, telle l'utilisation de matières premières ou opérantes dans des zones de conflit à l'étranger. Il faudrait en particulier attirer leur attention sur l'importance de procéder à des vérifications préalables des risques dans le cadre de la gestion des chaînes d’approvisionnements.
Les évaluations des risques ne devraient pas seulement s'attacher à une analyse associée aux transactions passées mais tenir compte d'évolutions futures et anticiper les risques associés aux développements technologiques et commerciaux à venir.
Un « numéro vert » dédié à la recherche d'information de mise en conformité devrait être envisagé; ce numéro pourrait être placé dans l'une des instances désignée pour engager le dialogue avec le secteur des affaires. Ceci n'est pas à confondre avec le numéro dédié aux dénonciations d’actes de corruption et logé auprès du Ministère de la Justice du Maroc.
Plan d’action
Réforme |
Soutien potentiel de la part de l'OCDE |
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- Améliorer l'intégrité dans les affaires - Développement d'initiatives avec des investisseurs pour améliorer l'intégrité des entreprises grâce à la gouvernance d'entreprise - Révision du code de gouvernance d'entreprises marocain |
- L'OCDE pourrait, en s'appuyant notamment sur les revues effectuées par les Parties à la Convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales et sur un réseau de praticiens publics et privés confirmés, engager des séances de consultation et de formation avec des représentants marocains du gouvernement et du secteur des affaires. Ces échanges pourraient porter sur les expériences d'autres pays en matière d'intégrité dans les affaires, de lutte contre la corruption et de conduite responsable des affaires. Ils permettraient de renforcer la mise en application d'actions et outils de prévention et de détection efficaces au Maroc. - L'OCDE pourrait, en s'appuyant sur des échanges détaillés, effectuer une revue exhaustive des mesures nécessitant un appui particulier de la part du secteur public ou privé. Cette revue pourrait être complétée par des recommandations concrètes. - Des projets et des initiatives visant à renforcer l'intégrité des entreprises pourraient être développés avec des investisseurs institutionnels sur la base de programmes existants tels que l'initiative Principes pour l'investissement responsable soutenue par les Nations Unies. - L'OCDE pourrait soutenir le projet de révision du Code de gouvernement d'entreprise y compris pour les entreprises publiques. L'expertise et le soutien de l'OCDE dans ce domaine pourraient être mis à la disposition des secteurs public et privé du Maroc. |
Pour en savoir plus
OCDE (2011), Convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales, http://www.oecd.org/fr/daf/anti-corruption/ConvCombatBribery_FR.pdf.
OCDE (2011), Les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, Éditions OCDE. http://dx.doi.org/10.1787/9789264115439-fr.
Références
Forum économique mondial (2017), The Global Competitiveness Report 2017–2018. www.weforum.org/reports/the-global-competitiveness-report-2017-2018.
OCDE (2017), Principes de gouvernance d’entreprise du G20 et de l’OCDE, Éditions OCDE, Paris. http://dx.doi.org/10.1787/9789264269514-fr.
OCDE (2016a), Guide OCDE sur le devoir de diligence pour des chaînes d’approvisionnement responsables en minerais provenant de zones de conflit ou à haut risque : Troisième édition, Éditions OCDE, Paris. http://dx.doi.org/10.1787/9789264253520-fr.
OCDE (2016b), Renforcer l'intégrité du secteur public au Maroc, Examens de l'OCDE sur la gouvernance publique, Éditions OCDE, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/9789264253612-fr.
OCDE (2011), Les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, Éditions OCDE, Paris. http://dx.doi.org/10.1787/9789264115439-fr.
OCDE (2010), Guide de bonnes pratiques pour les contrôles internes, la déontologie et la conformité. www.oecd.org/fr/daf/anti-corruption/conventioncontrelacorruption/44884414.pdf.
OCDE/ONUDC/Banque mondiale (2013), Anti-Corruption Ethics and Compliance Handbook for Business. www.oecd.org/corruption/anti-corruption-ethics-and-compliance-handbook-for-business.htm.
Transparency International (2017), Indice de Perception de la Corruption 2017. www.transparency.org/news/feature/corruption_perceptions_index_2017.