Compte tenu des multiples facteurs qui influent sur la confiance du public à l’égard des administrations, il est intéressant d’étudier de façon simultanée leur lien avec les niveaux de confiance. Pour ce faire, on effectue une analyse économétrique qui examine les liens entre, d’une part, le résultat qui nous intéresse – la confiance dans une institution publique – et, d’autre part, les déterminants de la confiance liés à la gouvernance publique et les caractéristiques contextuelles des individus. Ce chapitre offre une vue d’ensemble : chaque déterminant lié à la gouvernance publique est appréhendé de manière globale, sans approfondissement détaillé, mais il est en revanche examiné de façon conjointe avec les autres déterminants. Cela permet d’étudier le lien entre la perception positive d’un déterminant donné et la probabilité d’accorder une confiance élevée ou modérément élevée à une institution publique, en considérant que les autres perceptions et les caractéristiques contextuelles sont constantes par ailleurs. Les conclusions de l’analyse économétrique peuvent être particulièrement utiles pour répertorier les domaines dans lesquels des améliorations pourraient accroître les niveaux de confiance.
Enquête de l’OCDE sur les déterminants de la confiance dans les institutions publiques – résultats 2024
Annexe A. Les déterminants liés à la gouvernance publique et les caractéristiques personnelles qui influent sur la confiance dans les institutions publiques
Comprendre de quelle manière les déterminants liés à la gouvernance publique influent sur la confiance
Les résultats de l’analyse économétrique montrent à quel point un individu est plus susceptible d’avoir une confiance élevée ou modérément élevée dans une institution publique donnée s’il a une perception positive du déterminant lié à la gouvernance publique envisagé, en considérant que son évaluation des autres moteurs et son milieu socio-économique et politique sont constants par ailleurs. L’analyse apporte donc des éclairages sur la façon dont l’évolution de la perception d’un déterminant donné peut influer sur les niveaux de confiance. L’Encadré A.1 présente de façon plus détaillée la méthodologie utilisée.
L’analyse a néanmoins ses limites pour ce qui est de la capacité à évaluer si ce déterminant génère une hausse de la confiance. Premièrement, la confiance à l’égard d’une institution peut amener cette dernière à gagner en efficacité, ce qui suggère la possibilité d’un lien de causalité inverse. Deuxièmement, la perception qu’ont les individus des différents déterminants liés à la gouvernance publique peut non seulement évoluer en parallèle, induisant une colinéarité, mais aussi avoir une incidence conjointe sur la confiance. Troisièmement, les facteurs qui ne sont pas mesurés par l’enquête sur la confiance peuvent également avoir une influence sur la confiance, ce qui alimenterait le biais de variable omise.
En dépit de ces difficultés et d’autres complications méthodologiques, l’analyse économétrique est un outil utile pour comprendre quels sont les déterminants liés à la gouvernance publique les plus étroitement corrélés à la confiance, même en tenant compte d’autres variables que l’on sait avoir une incidence sur la confiance. Les résultats de cette analyse servent à orienter les pouvoirs publics lors de la détermination des dimensions sur lesquelles s’appuyer ou s’améliorer en vue de renforcer la confiance.
Les sous-sections suivantes présentent les résultats de l’analyse, selon le modèle de régression logistique, de la confiance dans le gouvernement national, la fonction publique nationale, le parlement national et les autorités locales, sur les variables explicatives et de contrôle. Chaque graphique expose toutes les variables qui ont un lien statistiquement significatif avec la confiance dans les institutions concernées, où une pertinence plus élevée (de gauche à droite sur l’axe des abscisses) indique une corrélation estimée plus forte avec la confiance. La position sur l’axe des ordonnées indique la part moyenne non pondérée des répondants ayant attribué une note positive à la variable concernée (pourcentage de réponses « 6‑10 » sur une échelle de 0 à 10).
La réactivité face aux données probantes, la capacité à concilier les besoins intergénérationnels et la possibilité d’avoir son mot à dire sur la scène politique sont étroitement liés à la confiance à l’égard du gouvernement national
Une perception plus positive de la capacité des pouvoirs publics à s’appuyer sur les meilleures données probantes disponibles lors des processus décisionnels et à concilier les intérêts des générations actuelles et futures est susceptible d’avoir l’influence la plus prononcée sur la confiance à l’égard du gouvernement national. Les personnes qui ont confiance dans ces deux aspects sont plus susceptibles d’avoir une confiance élevée ou modérément élevée dans le gouvernement national, à hauteur de respectivement 6.8 et 6.4 points de pourcentage. Le fait de veiller à ce que les individus aient le sentiment d’avoir leur mot à dire quant à l’action des pouvoirs publics est associé à un accroissement de la confiance de 3.1 points de pourcentage (Graphique A.1.).
La perception moyenne de ces trois principaux déterminants de la confiance à l’égard du gouvernement national est somme toute différente : si 41 % des personnes interrogées pensent que les pouvoirs publics sont susceptibles d’utiliser les meilleures données disponibles pour prendre des décisions, 37 % s’attendent à la conciliation des intérêts intergénérationnels, et seulement 30 % estiment avoir leur mot à dire sur la scène politique (Graphique A.1.).
Il est également important de noter que même parmi ceux qui n’ont pas voté pour le gouvernement en place, la prise de décision fondée sur des données probantes, la conciliation entre les intérêts des générations actuelles et futures, et le souci de procurer aux personnes le sentiment que leur voix est entendue restent les principaux déterminants de la confiance dans le gouvernement national.
Outre la très forte corrélation entre ces deux variables et la confiance, d’autres variables liées à la gouvernance ont aussi un lien manifeste avec la confiance. On peut citer notamment la perception déjà positive de la fiabilité s’agissant de la préparation à faire face à de futures situations d’urgence, qui est associée à une probabilité accrue de confiance, de l’ordre de 2.8 points de pourcentage, et de la capacité du parlement national à renforcer l’intégrité et à demander des comptes au gouvernement national, sachant qu’une perception positive peut ici accroître la confiance de 2.8 points de pourcentage. Plusieurs autres déterminants liés à la gouvernance publique, relevant pour la plupart de questions stratégiques complexes, comme la résistance du gouvernement à toute influence injustifiée, l’adoption des avis exprimés lors des consultations publiques, la conciliation des intérêts de différents groupes au sein de la société et l’explication de l’impact des réformes, ont également un lien significatif avec la confiance dans le gouvernement national ; parallèlement à quelques déterminants liés à la gouvernance publique relevant des interactions quotidiennes entre les personnes et l’administration, comme le traitement équitable des demandes de services, l’utilisation des données à caractère personnel à des fins légitimes uniquement et l’attention portée à la satisfaction à l’égard des services administratifs.
La fiabilité, l’équité et l’ouverture vont de pair avec une plus grande confiance dans la fonction publique nationale
Plusieurs des déterminants liés la gouvernance publique pour lesquels la population a déjà une perception positive sont également les plus corrélés à une confiance élevée ou modérément élevée dans la fonction publique nationale, ce qui donne aux institutions publiques un moyen de renforcer davantage les niveaux de confiance (Graphique A.2.). Trois mesures de la fiabilité ressortent tout particulièrement : premièrement, une plus grande satisfaction à l’égard des services administratifs, dont les deux tiers des répondants parmi les pays participants sont déjà satisfaits, est associée à une probabilité accrue, à hauteur de 4.7 points de pourcentage, d’avoir une confiance élevée ou modérément élevée dans la fonction publique nationale. Le fait de penser que les institutions utilisent les données à caractère personnel uniquement à des fins légitimes, ce qui est le cas pour un répondant sur deux en moyenne, est associé à une hausse de 3.1 points de pourcentage. Enfin, le fait d’être prêt à protéger la vie des personnes en cas de situations d’urgence de grande ampleur, ce envers quoi la moitié des individus se déclarent confiants, est associé à une augmentation de 2.7 points de pourcentage de la probabilité d’avoir une confiance élevée ou modérément élevée dans la fonction publique nationale. L’équité dans le traitement des demandes de services et de prestations est corrélée à une probabilité de confiance supérieure de l’ordre de 2.6 points de pourcentage.
Si la majorité des déterminants de la confiance à l’égard de la fonction publique nationale, qui relèvent de la gouvernance publique, renvoient aux interactions quotidiennes entre les individus et les pouvoirs publics, certains correspondent à des questions stratégiques complexes. La variable ayant la plus forte incidence sur la confiance dans la fonction publique nationale, pour laquelle de nombreux répondants ont une perception plus négative, est la probabilité de voir les pouvoirs publics adopter les avis exprimés lors d’une consultation publique sur la réforme d’un domaine d’action. Une perception positive de cette dimension d’ouverture, qui n’est actuellement observée que chez un tiers des répondants, est corrélée à une augmentation de 2.6 points de pourcentage de la probabilité de constater une confiance élevée ou modérément élevée dans la fonction publique nationale (Graphique A.2.). Mettre l’accent sur l’amélioration des perceptions dans ce domaine pourrait donc avoir un impact modérément positif sur le renforcement de la confiance à l’égard de la fonction publique nationale.
Outre ces variables, d’autres déterminants de la confiance liés à la gouvernance publique ont également une corrélation positive et significative avec la confiance dans la fonction publique nationale. Il s’agit notamment de la capacité à veiller à ce que les personnes estiment avoir leur mot à dire sur l’action publique menée par les pouvoirs publics, à ce que les fonctionnaires soient considérés comme intègres, à ce que les décisions soient fondées sur les meilleures données probantes disponibles et, concernant les interactions quotidiennes, à ce que les plaintes concernant les services publics conduisent à des changements, à ce que les tous les individus soient traités sur un pied d’égalité, et à ce que des informations claires sur les services publics soient disponibles.
La confiance à l’égard du parlement est plus élevée si l’institution est perçue comme étant capable de concilier les intérêts de différents groupes et de demander des comptes au gouvernement
Dans un contexte de désaffection généralisée à l’égard des parlements – moins de quatre répondants sur dix exprimant avoir une confiance élevée ou modérément élevée à leur égard –, un degré plus élevé de confiance dans la capacité des institutions publiques à concilier les besoins et les intérêts internes aux pays et intergénérationnels est fortement corrélé à la confiance à l’égard du parlement national.
La perception d’efficacité au regard de la fonction de contrôle présente également une forte corrélation positive avec la confiance dans le parlement. On constate en effet que cette dimension de l’intégrité liée à la redevabilité est le deuxième déterminant en termes de corrélation à la confiance dans le parlement national (Graphique A.3). Deux autres dimensions, à savoir la prise de décision fondée sur des données probantes et la possibilité de faire entendre sa voix sur la scène politique, qui sont des déterminants majeurs de la confiance dans le gouvernement national, sont également des déterminants de poids de la confiance dans le parlement.
Les autres déterminants liés à la gouvernance publique corrélés à une probabilité plus élevée de faire confiance au parlement se divisent en deux catégories : pour la majorité d’entre eux, ils relèvent de la prise de décisions complexes, alors que quelques autres ont trait aux interactions quotidiennes avec le public. Dans la première catégorie figurent les déterminants liés à la capacité d’action politique (penser que des personnes ordinaires ont leur mot à dire quant à l’action des pouvoirs publics et avoir confiance dans la possibilité de participer à la vie politique) ; à l’intégrité (penser qu’il est probable de voir le gouvernement national refuser de prendre une décision en faveur d’une entreprise qui pourrait être préjudiciable à la société) ; et à la fiabilité (préparation à faire face aux situations d’urgence). La seconde catégorie englobe la satisfaction à l’égard des services administratifs et le fait de penser que les institutions publiques n’utilisent les données à caractère personnel qu’à des fins légitimes.
L’ouverture aux retours d’information de la population est le principal facteur de confiance à l’égard des autorités locales
S’agissant de la confiance dans les autorités locales, une variable se distingue en tant qu’axe d’amélioration de la confiance : les personnes aux yeux desquels il est plus probable que ces entités leur donnent la possibilité d’exprimer leur opinion lorsqu’elles prennent une décision ayant une incidence leur communauté sont plus susceptibles, à hauteur de 6.1 points de pourcentage, d’avoir une confiance élevée ou modérément élevée à l’égard des autorités locales (Graphique A.4.). En moyenne, pour 41 % des personnes interrogées, il est probable que les autorités locales aient effectivement cette ouverture.
Les déterminants liés à la fiabilité et à l’équité concernant la satisfaction à l’égard des services administratifs et le traitement des demandes de services ont également une incidence sur la confiance à l’égard des autorités locales. Le fait d’être satisfait des services administratifs est associé à une probabilité plus élevée de faire confiance aux autorités locales, de l’ordre de 3.9 points de pourcentage, tandis que le fait de savoir que toute demande sera traitée équitablement est associé à une augmentation de 2 points de pourcentage (Graphique A.4.).
Enfin, et c’est peut‑être contre-intuitif, la capacité du gouvernement national à concilier les intérêts intergénérationnels, que seuls 37 % des répondants estiment probable, est également associée à une plus forte probabilité, de l’ordre de 2.2 points de pourcentage, d’avoir une confiance élevée à modérément élevée à l’égard des autorités locales (Graphique A.4.). Une interprétation plausible de ce résultat est que les personnes se soucient des capacités de planification à long terme de l’ensemble des institutions publiques, et que la capacité perçue du gouvernement national à concilier les intérêts intergénérationnels, que l’enquête mesure, est fortement corrélée à la capacité perçue des autorités locales à mener une réflexion stratégique sur les questions ayant des implications à long terme, que l’enquête ne mesure pas. La variable incluse peut alors être interprétée comme une mesure indirecte imparfaite de la capacité de planification à long terme des autorités locales.
Le milieu socio‑économique et l’appartenance politique comme facteurs influant sur la confiance
L’origine démographique et le milieu socio‑économique des individus ainsi que leur degré de concordance avec le gouvernement actuellement au pouvoir ont une incidence sur leur perception des institutions publiques. On peut observer ce phénomène en analysant tout simplement la part des personnes qui affichent un niveau de confiance élevé ou modérément élevé parmi les groupes marqués par des caractéristiques différentes. Mais, dans une moindre mesure, cela se vérifie également lorsque l’on analyse conjointement plusieurs déterminants de la confiance et plusieurs caractéristiques contextuelles.
Au niveau individuel, l’enquête de l’OCDE sur la confiance fait ressortir le fait que, en moyenne, les femmes, les jeunes et les personnes peu instruites ont généralement moins confiance dans le gouvernement national (chapitre 2). Toutefois, ces liens ne sont pas toujours valables dans les analyses selon le modèle de régression qui tiennent compte de plusieurs facteurs simultanément. Plus précisément, la différence entre la probabilité d’avoir une confiance élevée ou modérément élevée dans les autorités locales, la fonction publique nationale et le parlement national est inexistante lorsque l’on compare des hommes et des femmes affichant par ailleurs des similitudes au niveau de leur situation, de leur milieu et de leur perception de la gouvernance publique ; et elle est très faible dans le cas du gouvernement national (effet marginal moyen de -1 point de pourcentage). Ce constat s’explique par le fait que les différences entre les hommes et les femmes en termes de perception des déterminants liés à la gouvernance publique, d’une part, et de perception de la capacité d’action politique et d’appartenance politique, d’autre part, expliquent (presque, dans le cas du gouvernement national) entièrement les différences concernant leur niveau de confiance.
Au niveau global, les tendances économiques, environnementales, de santé publique et de sécurité sont fortement susceptibles d’influer sur les niveaux de confiance de par leur impact sur le sentiment de stabilité et de sécurité des individus. Les conclusions de l’enquête de l’OCDE sur la confiance donnent à penser que les inquiétudes de quelqu’un concernant le bien-être économique et financier de son propre ménage sont négativement corrélées à la confiance à l’égard du gouvernement national. Cette corrélation n’est toutefois pas très forte au niveau des pays (Graphique A.5.). Il ressort de l’enquête menée au Chili que les personnes qui ont le plus peur d’être victimes d’un acte criminel ont également un niveau de confiance plus faible, ce qui fait écho aux conclusions d’une étude menée en 2023 sur les déterminants de la confiance dans les institutions publiques au Brésil (OCDE, 2023[1])
Le lien entre les micro-perceptions et les macro-tendances, par exemple entre le bien-être économique d’un ménage et la santé de l’économie, est complexe. Il renvoie non seulement à l’évolution des principaux indicateurs économiques, tels que la croissance du PIB et le taux de chômage, mais aussi aux expériences des individus dans leur environnement immédiat, à leur milieu socio‑économique et à leur perception du filet de sécurité sociale offert par le système de prélèvements et de prestations. Par exemple, les personnes qui occupent un emploi instable semblent juger la performance de l’économie sur la base de la pauvreté plutôt que sur celle des taux de chômage ou de croissance (Hellwig et Marinova, 2022[2]) ; tandis que les individus jouissant d’une plus grande sécurité sur le plan économique semblent prêter davantage attention au PIB et aux facteurs de chômage et d’inflation lorsqu’ils évaluent leur degré de satisfaction à l’égard de la conjoncture économique (Fraile et Pardos-Prado, 2013[3]). La hausse de la précarité de l’emploi et l’augmentation du coût des biens et services essentiels, comme l’éducation et le logement, à un rythme supérieur à celui de l’inflation globale (OCDE, 2019[4]), peuvent avoir une incidence plus prononcée sur la perception d’insécurité économique d’un individu concernant sa propre famille, que le taux de croissance économique en lui-même. La vulnérabilité financière perçue réduit la probabilité d’avoir une confiance élevée ou modérément élevée dans le gouvernement national et le parlement, de l’ordre de deux points de pourcentage, mais elle n’a pas d’impact statistiquement significatif au seuil de signification de p<0.01 sur la confiance à l’égard des autorités locales et de la fonction publique nationale.
Au niveau individuel, l’enquête sur la confiance montre que les personnes qui se sentent politiquement autonomes et en phase avec le gouvernement en place ont généralement davantage confiance dans le gouvernement et les institutions administratives. Toutefois, les analyses selon le modèle de régression montrent clairement que la différence brute en termes de confiance entre les personnes ayant voté pour le gouvernement en place et celles n’ayant pas voté pour s’explique en grande partie par d’autres caractéristiques et par leur perception des déterminants liés à la gouvernance publique. En particulier, alors que les individus qui ont voté pour ou auraient voté pour l'un des partis au pouvoir sont dix points de pourcentage plus susceptibles d'avoir une confiance élevée ou modérément élevée envers le gouvernement national, cette différence est beaucoup plus petite que l'écart de confiance partisan non ajusté de 27 points de pourcentage (voir Chapitre 2). De plus, cet effet marginal tombe déjà à trois points de pourcentage lorsqu'il s'agit de confiance envers le parlement national. Dans le cas des autorités locales et de la fonction publique nationale, en revanche, il n’existe pas de lien statistiquement significatif (au seuil de 0.01).
Bien sûr, le soutien des citoyens en faveur du gouvernement en place lors des dernières élections peut également influer sur leur perception des déterminants liés à la gouvernance publique, mais il est rassurant de constater que cela n’a que peu d’incidence sur ce que les individus considèrent comme important lorsqu’ils déterminent leur niveau de confiance. Par ailleurs, cela n’influe pas sur le lien statistique entre les déterminants de la confiance et les résultats en matière de confiance.
En plus de répondre à des situations hypothétiques liées aux différents aspects de la gouvernance publique, les personnes interrogées dans le cadre de l’édition 2023 de l’enquête sur la confiance ont également été invitées à indiquer quel facteur a contribué le plus à leur confiance à l’égard du gouvernement national parmi les six options suivantes : 1) les compétences, 2) l’intégrité, 3) l’ouverture, 4) le respect des promesses électorales et 5) l’équité intergénérationnelle, au niveau des pouvoirs publics, ainsi que 6) les préférences politiques (« Les politiques du gouvernement concordent avec mes préférences »). Les réponses à cette question montrent que, en moyenne, seuls 26 % des répondants citent la concordance entre les politiques publiques et leurs préférences, qui est le facteur le moins fréquemment mentionné. En revanche, 59 % des répondants ont choisi « Les agents publics se soumettent aux mêmes règles que tout le monde » comme principal facteur déterminant leur niveau de confiance. D’après notre analyse, que les répondants aient ou non voté pour le gouvernement en place, les facteurs qui influent le plus sur leur confiance à l’égard des pouvoirs publics sont sensiblement les mêmes. Les personnes qui n’ont pas voté pour l’un des partis actuellement au pouvoir mettent légèrement plus l’accent sur l’intégrité ; et celles qui ont (auraient) voté pour l’un des partis au pouvoir mettent légèrement plus l’accent sur la concordance entre leurs préférences politiques et les politiques du gouvernement. Mais, sinon, les tendances sont très similaires entre les deux groupes. Ce constat donne à penser que, si le soutien ou l’opposition au gouvernement au pouvoir peut influer sur la façon dont les citoyens jugent les résultats des institutions publiques et sur le degré de confiance qu’ils leur accordent, les critères qui déterminent leur confiance à l’égard du gouvernement national ne varient pas de manière systématique.1
Évaluer dans quelle mesure la variation des niveaux de confiance est corrélée à l’évolution de la perception des déterminants liés à la gouvernance publique
Dans certains des pays ayant participé aux éditions 2021 et 2023 de l’enquête, les niveaux de confiance ont considérablement varié, phénomène qui mérite explication. La confiance à l’égard des institutions publiques est la résultante de nombreux facteurs qui sont, pour une grande partie d’entre eux, mesurés par l’enquête sur la confiance et inclus dans l’analyse économétrique ci‑dessus. Toutefois, d’autres facteurs, liés par exemple au cycle politique, peuvent eux aussi entraîner des fluctuations des niveaux de confiance. Il est donc logique de se demander dans quelle mesure l’évolution de la perception des déterminants liés à la gouvernance publique et des caractéristiques contextuelles est à l’origine de ces variations des niveaux de confiance.
La comparaison simple, présentée au chapitre 1, entre l’évolution de la perception moyenne des déterminants de la confiance liés à la gouvernance publique et l’évolution de la part des personnes ayant une confiance élevée ou modérément élevée dans le gouvernement national a apporté un premier éclairage sur cette question. Plus précisément, les pays dans lesquels la perception de l’ensemble des déterminants liés à la gouvernance publique s’est améliorée entre 2021 et 2023 ont également constaté une augmentation de la part des personnes ayant une confiance élevée ou modérément élevée dans le gouvernement national ; et l’inverse s’est vérifié dans les pays où la perception moyenne de l’ensemble des déterminants liés à la gouvernance publique s’est détériorée (Tableau d'annexe 1.A.2 du chapitre 1). Toutefois, dans le cas des pays se situant dans un « entre-deux », où la perception de certains déterminants liés à la gouvernance publique s’est améliorée tandis que celle d’autres facteurs est restée constante ou s’est détériorée, cette comparaison simple est insuffisante pour déterminer dans quelle mesure la variation des niveaux de confiance peut être attribuée à l’évolution de la perception des déterminants de la confiance.
Une analyse économétrique est donc nécessaire pour apporter des réponses plus précises à cette question. L’analyse par décomposition est traditionnellement utilisée pour déterminer dans quelle mesure les différences de résultats entre deux groupes, comme les revenus des hommes et ceux des femmes, peuvent être attribuées, ou non, aux différences entre leurs caractéristiques. Nous appliquons une méthode de décomposition courante, à savoir la décomposition de Blinder-Oaxaca à deux facteurs, afin de comprendre quelle part de la variation des niveaux de confiance dans chacun des pays qui ont participé aux éditions 2021 et 2023 de l’enquête de l’OCDE sur la confiance peut s’expliquer par l’évolution des déterminants liés à la gouvernance publique et des caractéristiques contextuelles, et quelle part ne peut pas l’être.
Les conclusions de l’analyse de décomposition montrent que, pour la majorité des pays pour lesquels on dispose d’informations sur les niveaux et les déterminants de la confiance dans les enquêtes de 2021 et 2023, la variation des niveaux de confiance sur cette période peut s’expliquer à hauteur d’au moins 30 % par le modèle économétrique que nous appliquons dans ce chapitre. Dans certains pays, dont l’Australie, la Colombie, la Corée, l’Estonie, la France, le Portugal et le Royaume-Uni, la part expliquée est nettement plus élevée. Ainsi, en Estonie et en Corée, l’évolution de la perception des déterminants peut expliquer presque entièrement la variation des niveaux de confiance observée entre 2021 et 2023. Dans d’autres pays, en revanche, la différence expliquée n’est pas statistiquement significative, et au Danemark et aux Pays-Bas, elle va dans la direction opposée à celle de la variation des niveaux de confiance réellement observée.
Différents facteurs peuvent contribuer aux résultats somme toute différents concernant la part de l’écart de confiance qui peut être expliquée par le modèle. Le premier d’entre eux tient peut-être à l’inclusion ou non dans l’enquête des déterminants liés à la gouvernance publique qui sont particulièrement pertinents dans un pays donné. Par exemple, le poids important de certaines des nouvelles variables intégrées dans le cadre de l’édition 2023 de l’enquête sur la confiance suggère que ces variables couvrent des aspects de la gouvernance publique qui comptent pour les individus et qui n’étaient auparavant pas couverts par les autres variables liées à la gouvernance publique. Dans la mesure où elles ne figuraient pas dans l’édition 2021 de l’enquête, elles ne peuvent donc pas être prises en compte dans cette analyse de décomposition. Ensuite, il est également possible que des facteurs qui ne sont liés ni aux caractéristiques contextuelles mesurées ni à la perception des déterminants liés à la gouvernance publique puissent influer sur les niveaux de confiance. Par exemple, le cycle politique peut avoir une incidence sur les niveaux de confiance qui n’est pas pleinement prise en compte par les déterminants liés à la gouvernance publique. Ainsi, un optimisme accru à l’issue d’une élection récente ne se traduit pas nécessairement par une évaluation plus positive des compétences et des valeurs des institutions publiques. En revanche, elle peut amener davantage de personnes à faire état d’une confiance élevée ou modérément élevée à l’égard du gouvernement national. L’exclusion de ces facteurs signifie que, en toutes circonstances, le modèle ne peut expliquer qu’une partie de la variation des niveaux de confiance, et non pas la totalité. Enfin, l’évolution de la pertinence de certains déterminants liés à la gouvernance publique, par exemple sous l’effet d’un changement de l’environnement médiatique, peut également contribuer à modifier la façon dont ces déterminants sont corrélés à la confiance. Ainsi, en 2021, les individus ont peut-être accordé plus d’importance à la préparation aux pandémies ou aux situations d’urgence qu’en 2023.
Encadré A.1. Régression logit évaluant l’importance des différents déterminants de la confiance
Les résultats économétriques présentés dans l’annexe sont des analyses selon le modèle de régression logistique, dont l’objectif est d’établir les principaux déterminants de la confiance dans le gouvernement national, les autorités locales, la fonction publique et le parlement national, et ce, dans 30 pays de l’OCDE. Des résultats détaillés seront présentés dans (Ciccolini et Kups, à paraître[5])
D’après le Cadre de l’OCDE sur les déterminants de la confiance, la perception qu’ont les personnes interrogées de la réactivité, de la fiabilité, de l’ouverture, de l’intégrité et de l’équité des institutions publiques, ainsi que leur sentiment d’avoir une capacité d’action politique, devraient être les principaux déterminants de la confiance dans les trois institutions. La question de l’enquête mesurant la confiance dans chacune des institutions de façon distincte est formulée comme suit : « Sur une échelle de 0 à 10 (0 signifiant pas du tout et 10 totalement), dans quelle mesure faites-vous confiance à chacune de ces institutions ? ». Dans les analyses de régression, la confiance est recodée en tant que variable binaire (confiance faible ou nulle : 0 à 4 ; et confiance élevée ou modérément élevée : 6 à 10). Les réponses neutres (5) et « Ne sait pas » sont exclues.
L’analyse concrétise les compétences des administrations (y compris la satisfaction à l’égard des services administratifs) et les valeurs au moyen de 19 variables, mesurées sur une échelle de réponses allant de 0 à 10 et normalisées pour cet exercice. La capacité d’action politique est concrétisée par les variables relatives à l’efficacité politique interne et externe, à savoir la confiance d’un individu dans la possibilité de participer à la vie politique et sa perception que des personnes comme lui ont leur mots à dire quant à l’action des pouvoirs publics ; et la perception de l’action menée par les pouvoirs publics face aux défis planétaires et à long terme est quant à elle concrétisée par les variables relatives à la confiance dans la capacité du pays à réduire les émissions de gaz à effet de serre, et à la confiance dans le fait que les pouvoirs publics concilient les intérêts des générations actuelles et futures.
Les détails techniques de l’analyse économétrique sont expliqués ci-dessous.
Spécification du modèle : tous les modèles tiennent compte des caractéristiques socio-démographiques des individus (âge, genre, niveau d’études, s’identifie à un group faisant l’objet de discrimination), de la confiance interpersonnelle et de leurs préoccupations financières. Il prend également en compte le fait que les individus ont voté (ou auraient voté) pour l’un des partis actuellement au pouvoir. Ils intègrent les effets fixes par pays dans les analyses transnationales et les effets fixes par année dans les analyses qui regroupent les données des deux cycles d’enquête. Tous les modèles comprennent les pondérations de l’enquête. Les données manquantes sont exclues par suppression des observations.
Interprétation technique : les déterminants statistiquement significatifs sont présentés sous forme d’effets marginaux moyens. La mention « statistiquement significatif » renvoie aux variables indépendantes liées à la gouvernance publique incluses dans le modèle de régression logistique qui ont donné p<0.01. L’interprétation technique de l’effet sur la confiance de la fiabilité des pouvoirs publics s’agissant de prendre des décisions fondées sur des données probantes, par exemple, est qu’une augmentation d’un écart-type de la fiabilité perçue est associée à une augmentation de 6.8 points de pourcentage de la confiance dans le gouvernement national. Ou, si l’on prend en considération toutes les autres variables du modèle, toutes conditions égales par ailleurs, le fait de passer d’une personne moyenne à une personne ayant généralement un niveau de confiance plus élevé dans la fiabilité de l’administration est corrélé à une augmentation de 6.8 points de pourcentage de la confiance dans le gouvernement national.
Les résultats de l’analyse de régression doivent être interprétés avec prudence ; il convient notamment d’éviter de laisser entendre que ces variables importantes ont pour effet d’accroître confiance. Toutes les variables incluses dans les modèles de régression sont corrélées et la direction du lien entre la confiance et la perception de la gouvernance publique peut être réciproque. Toutefois, les résultats résistent largement au choix du modèle. Par exemple, la direction et l’importance des résultats sont similaires lorsqu’un modèle classique des moindres carrés ou un modèle logit dans lequel les variables explicatives (déterminants liés à la gouvernance publique) sont également recodées en tant que variables d’indicateur 0-1 (où « 1 » correspond à 6‑10 sur l’échelle de réponses et « 0 » aux réponses 0‑5 et « Ne sait pas ») est appliqué.
Références
[5] Ciccolini, G. et S. Kups (à paraître), Identifying the public governance drivers of trust - An econometric analysis of the OECD Survey on Drivers of Trust in Public Institutions, OCDE.
[3] Fraile, M. et S. Pardos-Prado (2013), « Correspondence between the Objective and Subjective Economies: The Role of Personal Economic Circumstances », Political Studies, vol. 62/4, pp. 895-912, https://doi.org/10.1111/1467-9248.12055.
[2] Hellwig, T. et D. Marinova (2022), « Evaluating the Unequal Economy: Poverty Risk, Economic Indicators, and the Perception Gap », Political Research Quarterly, vol. 76/1, pp. 253-266, https://doi.org/10.1177/10659129221075579.
[1] OCDE (2023), Drivers of Trust in Public Institutions in Brazil, Building Trust in Public Institutions, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/fb0e1896-en.
[4] OCDE (2019), Sous pression : la classe moyenne en perte de vitesse, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/2b47d7a4-fr.
Note
← 1. Cette conclusion selon laquelle les critères autodéclarés ne diffèrent pas entre les électeurs (potentiels) et les non‑électeurs en faveur du gouvernement en place est corroborée par les résultats des analyses économétriques. Plus précisément, lorsque l’on effectue des analyses distinctes, selon le modèle de régression, de la confiance à l’égard du gouvernement national sur la base des déterminants liés à la gouvernance publique et des caractéristiques contextuelles qui sont par ailleurs identiques aux éléments décrits dans la section « La réactivité face aux données probantes, la capacité à concilier les besoins intergénérationnels et la possibilité de faire entendre sa voix sur la scène politique sont étroitement liés à la confiance à l’égard de du gouvernement national », appliquées aux personnes qui ont voté (ou auraient voté) pour le gouvernement en place et à celles qui n’ont pas voté (ou n’auraient pas voté) pour lui, les déterminants de la confiance les plus importants, par exemple à l’égard du gouvernement national et de la fonction publique nationale, restent les mêmes.