Les caractéristiques démographiques et socioéconomiques des personnes et leur attitude politique influent sur leur perception des pouvoirs publics et la confiance qu’elles leur portent. Ce chapitre met en évidence la variabilité du niveau de confiance dans le gouvernement national et les institutions publiques en fonction de ces attributs. Les différents groupes sont déterminés par des caractéristiques socioéconomiques et démographiques telles que l’âge, le sentiment de sécurité financière, le bagage éducatif et le genre, ainsi que par leur attitude politique, qui comprend leur appartenance politique, leur voix politique et leur capacité à participer à la vie politique. Il présente également la façon dont les écarts de confiance entre ces groupes ont évolué dans les pays pour lesquels des données ont été recueillies tant en 2021 qu’en 2023, en s’attachant plus particulièrement à l’évolution des écarts de confiance selon le genre.
Enquête de l’OCDE sur les déterminants de la confiance dans les institutions publiques – résultats 2024
2. Conditions socio-économiques, capacité d’action politique et confiance
Abstract
Gouverner dans une démocratie représentative implique de composer avec une société pluraliste qui mêle différents profils socio-économiques et attitudes politiques, ce qui n’est pas sans poser des difficultés. Les pouvoirs publics peinent souvent à impliquer l’ensemble de la population et à concilier des besoins, des intérêts et des points de vue divergents. Les groupes les plus vulnérables ont par exemple tendance à moins participer au processus démocratique, un point qui appelle des améliorations dans les pays de l’OCDE. Examiner la confiance dans les institutions publiques à travers le prisme de ces différents groupes de population peut aider à faire la lumière sur l’efficacité des efforts déployés par les pouvoirs publics pour élaborer des politiques inclusives et équitables.
Ce chapitre s’intéresse aux différences constatées dans la proportion d’individus affichant un niveau de confiance élevé ou modérément élevé selon les catégories de population, définies par leurs caractéristiques socio-économiques et démographiques, par leur appartenance politique, ou par leur capacité d’action politique, qui a trait notamment à leur confiance dans leur poids politique et dans leur capacité à participer à la vie politique. Ces différences de niveaux de confiance entre les catégories de population sont ici appelées « écarts de confiance ».
2.1. Les niveaux de confiance de la population varient davantage en fonction de l’appartenance politique des individus et de la perception qu'ils ont de leur capacité d’action politique, que de caractéristiques socio-économiques ou démographiques
Parmi les pays de l’OCDE, la confiance dans les institutions publiques varie plus en fonction du sentiment de capacité d’action politique et de l’appartenance politique des individus que de leurs caractéristiques socio-économiques et démographiques. Cela souligne le lien entre la confiance politique et le sentiment d'avoir son mot à dire dans la prise de décision politique (OCDE, 2022[1]). L’impression d’avoir une influence sur les processus politiques et, dans une moindre mesure, la confiance des individus quant à leur participation à la vie politique, qui ensemble définissent la « capacité d’action politique », constituent des déterminants majeurs de la confiance envers le gouvernement national. De même, l’appartenance politique, mesurée par le fait qu’un individu a voté ou non pour l’administration en place lors des dernières élections, joue un rôle significatif. L’ampleur des écarts de confiance montre que, en moyenne, les niveaux de confiance diffèrent moins d'un groupe socio-économique et démographique à l’autre, défini par des critères tels que le niveau d'instruction, le sexe et l’âge, qu’en fonction de la capacité d’action politique telle qu’elle est perçue et de l’appartenance politique (Graphique 2.1).1 Cette tendance à des variations plus marquées des niveaux de confiance en fonction du sentiment de capacité d’action politique et de l’appartenance politique se vérifie dans tous les pays.
L’égalité des chances en matière de représentation dans les processus politiques et d’élaboration des politiques est un aspect déterminant d’une démocratie qui fonctionne. Le sentiment de ne pas avoir son mot à dire est associé à une faible confiance dans le gouvernement national. En moyenne, parmi ceux qui estiment avoir leur mot à dire sur l’action des pouvoirs publics, 69 % déclarent avoir une confiance élevée ou modérément élevée dans le gouvernement national, contre seulement 22 % de ceux qui estiment ne pas avoir leur mot à dire, ce qui constitue l’écart de confiance le plus important (Graphique 2.1). Ce résultat est inquiétant si l’on considère qu’en moyenne, 53 % des personnes interrogées estiment qu’elles n’ont pas leur mot à dire sur l’action des pouvoirs publics (Graphique 4.15).
En outre, la confiance dans le gouvernement national est corrélée positivement à la conviction d’être en mesure de participer à la vie politique. En moyenne, dans tous les pays, on constate un écart de confiance de 25 points de pourcentage entre les personnes qui sont confiantes quant à leur capacité à participer à la vie politique et celles qui ne le sont pas. Alors que dans huit pays, cet écart est supérieur à 30 points de pourcentage, en République tchèque, en Islande et au Royaume-Uni, les écarts dans les niveaux de confiance dans les pouvoirs publics en fonction de la confiance des individus dans leur capacité à participer à la vie politique sont beaucoup plus faibles (Graphique 2.2).
Certains aspects de la capacité d’action politique, tels que le fait d’avoir son mot à dire et la confiance en sa capacité personnelle à participer à la vie politique, sont en partie liés aux profils socio-économique et démographique des individus. Par exemple, les personnes ayant un niveau d’instruction plus élevé et qui s’estiment en situation de sécurité financière ont davantage tendance à croire en leur capacité à participer à l’élaboration des politiques que celles dont le niveau d’instruction et la sécurité financière sont plus faibles. Les écarts, de 20 et 10 points de pourcentage respectivement, constituent à la fois un motif et une conséquence de la participation inégale aux processus politiques et à la prise de décision. Cependant, alors que l’appartenance déclarée à un groupe sujet à des discriminations a une incidence importante sur le niveau de confiance dans le gouvernement national, elle n’a pas d’impact significatif sur la confiance dans la capacité personnelle à participer à la vie politique. Ce résultat en apparence contradictoire peut trouver son explication dans des travaux de recherche qui suggéraient que le sentiment d’être l’objet de discriminations pouvait accroître l’engagement politique (Reher, 2018[2]), et ainsi renforcer la confiance des individus dans leur propre capacité à participer aux processus politiques. Il se peut également que les personnes animées par une conscience politique plus forte soient davantage susceptibles de se considérer comme appartenant à un groupe victime de discriminations.
Il ressort également de l’enquête sur la confiance qu’une part importante de ceux qui n’ont pas confiance dans le gouvernement national et qui estiment ne pas avoir leur mot à dire sur le plan politique se sentent néanmoins confiants quant à leur capacité à participer à la vie politique et sont, de fait, engagés dans diverses activités politiques (Encadré 2.1).
Encadré 2.1. Un manque de confiance qui n’est pas synonyme de désengagement
Les personnes qui déclarent ne pas avoir confiance dans leurs gouvernements – ou s’en méfier – sont souvent présentées comme désengagées politiquement parlant, ou désabusées par la politique et la démocratie en général. Or, les données de l’édition 2021 de l’enquête sur la confiance suggèrent que, si une partie de ce groupe est effectivement désengagée, une proportion importante fait preuve d’un engagement politique, qui peut prendre différentes formes, tout en estimant ne pas avoir leur mot à dire (Prats, Sina et Ferrin, 2024, à paraître[3]).
L’enquête sur la confiance de 2023 révèle que 15 % des personnes font part d’une absence totale de confiance dans le gouvernement national en répondant « 0 » sur l’échelle de réponse de 0 à 10. Bien qu’elles représentent une part importante des répondants, leur proportion est en baisse depuis l’enquête sur la confiance de 2021 (graphique 1.4). En ce qui concerne le sentiment de capacité d’action politique, parmi les personnes qui n’ont pas du tout confiance dans les pouvoirs publics, environ un tiers (31 %) sont confiantes quant à leur capacité à participer à la vie politique, et seulement 7 % ont le sentiment d’avoir leur mot à dire sur ce que fait le gouvernement.
Pour ce qui est de l’engagement politique, les personnes qui n’ont pas confiance dans le gouvernement national ont moins voté lors des dernières élections nationales que le reste de la population : 75 % contre 84 %. En parallèle, la grande majorité (86 %) des individus qui déclarent ne pas avoir confiance dans le gouvernement national sont engagés politiquement, d’une manière ou d’une autre, et ce dans une plus large mesure que ceux qui affichent un niveau de confiance plus élevé (Graphique 2.3). En moyenne, par rapport au reste de la population, une part significativement plus élevée de ceux qui ont déclaré ne pas avoir confiance dans le gouvernement national s’engage dans des activités politiques non conventionnelles, telles que la publication ou le partage de contenus politiques (5 points de pourcentage de plus) et le boycott de produits pour des raisons politiques (4 points de pourcentage de plus). Ils sont également plus nombreux à avoir signé une pétition (6 points de pourcentage de plus) et participé à des manifestations (3 points de pourcentage de plus).
Ces dernières années, les effets de la polarisation politique sur le fonctionnement des pays démocratiques ont fait l’objet de nombreuses discussions. La polarisation politique a été associée à des niveaux plus élevés de désenchantement vis-à-vis des processus démocratiques, avec pour corollaire une moindre résilience démocratique des systèmes politiques (Iyengar et al., 2019[4]). En outre, une polarisation ancrée dans la structure politique, qui réduit le nombre de « terrains d’entente », entrave fortement la capacité des gouvernements à entreprendre des réformes et à mettre en œuvre des politiques essentielles au sein des systèmes démocratiques. Dans les pays de l’OCDE, les effets de l’appartenance politique peuvent donner lieu à des situations de « paralysie politique » qui font obstacle à l’adoption de réformes structurelles (Brock et Mallinson, 2023[5]). Qui plus est, dans certains contextes, l’appartenance politique a eu un impact considérable sur l’adhésion des individus aux politiques et aux restrictions instaurées pendant la pandémie de COVID-19, notamment sur leur propension à se faire vacciner (Impact Canada, 2023[6]), et mis en lumière l’influence de l’orientation politique sur le respect des mesures (Druckman et al., 2020[7]).
Hormis une question sur le soutien politique apporté au gouvernement en place lors des dernières élections nationales, l’enquête sur la confiance ne comportait pas de questions sur le bord politique et l’attitude des répondants à l’égard d'autres partis politiques. La mesure du degré de polarisation s’est appuyée sur un indicateur de substitution, à savoir l’écart de confiance dans la fonction publique nationale entre les personnes qui ont (auraient) voté pour le gouvernement en place et celles qui ne l’ont pas fait. Le choix d'utiliser cet écart pour mesurer la polarisation découle du fait que la confiance dans les institutions administratives, par opposition aux institutions politiques, devrait, en principe, dépendre de leur performance en matière de gouvernance publique, plutôt que du soutien partisan. L’existence d’un écart de confiance dans les institutions administratives entre les partisans du gouvernement en place et ses opposants suggère que l’appartenance politique est en train d’évoluer vers une polarisation politique.
Sans surprise, dans tous les pays de l’OCDE, la confiance dans le gouvernement national est plus élevée chez les personnes qui, lors des dernières élections nationales, ont voté pour un parti actuellement au pouvoir : en moyenne, parmi ceux qui ont voté pour le gouvernement en place, une majorité déclare avoir une confiance élevée ou modérément élevée dans le gouvernement national (53 %), contre seulement 26 % parmi ceux qui ont soutenu un parti de l’opposition. L’écart est particulièrement important au Canada, en Estonie, en Finlande, en France et en Islande (Graphique 2.4). Cet « écart partisan » de 27 points de pourcentage en ce qui concerne la confiance dans le gouvernement national ne peut être considéré comme un signe de polarisation. Cependant, les niveaux de confiance dans d’autres instances étatiques plus « administratives » telles que la police, les tribunaux et le système judiciaire, ainsi que dans la fonction publique nationale, qui devraient être à l’abri de l’esprit de parti, présentent également un important écart partisan, de 11 à 13 points de pourcentage (Graphique 2.5). En Belgique, au Canada, en Estonie et en Grèce, l’écart partisan en ce qui concerne la confiance dans la fonction publique nationale dépasse les 20 points de pourcentage. En outre, entre 2021 et 2023, la polarisation - mesurée par l’écart de confiance dans la fonction publique (nationale) entre ceux qui ont voté pour le gouvernement en place et les autres électeurs - a augmenté de 3 points de pourcentage en moyenne.2
2.2. Les personnes vulnérables sur le plan socio-économique ont tendance à moins faire confiance aux institutions publiques, et le fossé se creuse en fonction du niveau d’instruction
La vulnérabilité économique est associée à des faibles niveaux de confiance dans le gouvernement national. En moyenne, dans l’OCDE, 46 % des personnes de la catégorie des hauts revenus font état d’une confiance élevée ou modérément élevée, contre 41 % dans la catégorie des revenus intermédiaires et 31 % dans celle des faibles revenus.
Dans tous les pays, le sentiment d’insécurité économique est associé à une moindre confiance dans le gouvernement et, dans de nombreux pays, le sentiment de vulnérabilité financière est plus fortement corrélé à une confiance moindre dans les institutions publiques que le niveau réel des revenus.3 En moyenne, dans les pays de l’OCDE, seules 35 % des personnes préoccupées par leur situation économique et financière déclarent avoir un niveau de confiance élevé ou modérément élevé dans leur gouvernement national (Graphique 2.6). À l’inverse, parmi celles qui sont moins préoccupées par leur situation économique, la part des répondants qui font état d’un niveau de confiance élevé ou modérément élevé est supérieure de 17 points de pourcentage (52 %).
Avoir un diplôme universitaire est associé à une confiance envers le gouvernement supérieure de 13 points de pourcentage en moyenne comparé à ceux qui n'ont pas terminé leurs études au-delà du premier cycle de l’enseignement secondaire. Toutefois, au Royaume-Uni, et dans une moindre mesure au Mexique, les personnes qui ont un niveau d’instruction plus élevé ont tendance à avoir moins confiance dans leur gouvernement national que les personnes ayant un niveau d’instruction inférieur (Graphique 2.7).
En moyenne, dans les 18 pays pour lesquels des données sont disponibles, l’écart de confiance dans le gouvernement lié au niveau d’études a augmenté de 4 points de pourcentage depuis l’enquête sur la confiance de 2021, ce qui contraste avec la stabilité de l’écart de confiance entre les personnes qui présentent des niveaux différents de préoccupations économiques et financières. Par rapport à 2021, les personnes dont le niveau d'instruction est plus faible tendent à avoir moins confiance dans le gouvernement en 2023 : en effet, la part de ces personnes qui ont une confiance élevée ou modérément élevée dans le gouvernement national est de 34 % en 2023, contre 39 % en 2021.4 La confiance est également en baisse parmi les personnes ayant un niveau d'instruction élevé, mais de deux points de pourcentage seulement. En outre, entre 2021 et 2023, l’écart entre les personnes peu instruites et les personnes plus instruites s’est creusé quel que soit le déterminant lié à la gouvernance publique étudié. Cela s’applique particulièrement pour les aspects liés à l’ouverture perçue de l’administration tels que la possibilité d’exprimer son point de vue sur les décisions d’une autorité locale et la prise en compte des avis exprimés lors de consultations publiques. Alors qu’en 2021, 39 % des personnes ayant un faible niveau d’instruction estimaient probable qu’elles puissent exprimer leur point de vue sur les décisions des autorités locales, contre 47 % des personnes plus instruites, ces proportions sont respectivement de 34 % et 47 % en 2023.
Les sentiments de discrimination renforcent la vulnérabilité sociale et politique de certaines populations. Le fait de s’identifier comme appartenant à un groupe objet de discriminations est corrélé à une confiance moindre à la fois dans les institutions publiques et dans autrui. L’écart de confiance interpersonnelle est en effet aussi important que l’écart de confiance dans le gouvernement. En moyenne, dans l’OCDE, l’écart de confiance interpersonnelle entre ceux qui s’identifient comme appartenant à un groupe faisant l'objet de discriminations et ceux qui ne s’identifient pas comme tels est de 12 points de pourcentage, tandis que l’écart de confiance dans le gouvernement est de 14 points de pourcentage (Graphique 2.8). L’écart est similaire en ce qui concerne la confiance dans d’autres institutions publiques, en particulier dans la police et dans les tribunaux et le système judiciaire, ainsi qu’en ce qui concerne la (non-)satisfaction des personnes à l’égard des services. Toutefois, comme indiqué précédemment, contrairement à d’autres facteurs socio-économiques, le sentiment d’appartenance à un groupe victime de discrimination ne modifie pas radicalement le sentiment de pouvoir participer à la vie politique.
On constate également des variations significatives des niveaux de confiance dans autrui en fonction des caractéristiques socio-économiques et démographiques. Par exemple, la confiance accordée à autrui par les personnes ayant un faible niveau d’instruction est inférieure de12 points de pourcentage à la confiance accordée par celles dont le niveau d’instruction est élevé. Cet écart de confiance interpersonnelle en fonction du niveau d’instruction est proche de l’écart de confiance envers le gouvernement, qui est de 13 points de pourcentage. Cette disparité s’étend au statut économique et aux tranches d’âge, bien que l’ampleur relative des écarts de confiance envers autrui et envers l’administration entre les groupes définis par ces caractéristiques diffèrent quelque peu de celle observée pour le niveau d’instruction et l’identification d’appartenance à un groupe objet de discriminations. La similarité des écarts de confiance envers autrui et envers le gouvernement suggère un jeu de renforcement dans la façon dont les profils socio-économiques et démographiques influent sur ces deux types de confiance. Cela souligne la nature souvent cumulative et intersectionnelle de la vulnérabilité.
2.3. Les femmes et les jeunes continuent à faire moins confiance au gouvernement, mais l’écart de confiance entre les genres s’est creusé tandis que celui entre les générations s’est réduit
Dans la plupart des pays, les femmes ont tendance à faire moins confiance au gouvernement national que les hommes. En 2023, 36 % des femmes accordent une confiance élevée ou modérément élevée au gouvernement, contre 43 % des hommes. L’écart est particulièrement important dans certains pays comme l’Australie,5 le Danemark, la France, le Luxembourg et la Nouvelle-Zélande, et particulièrement faible au Chili, en Lettonie, en République slovaque, en Espagne et au Royaume-Uni. Il n’y a qu’en Estonie, en Islande et en Norvège que les femmes font légèrement plus confiance au gouvernement national que les hommes (Graphique 2.9).
En moyenne, l’écart de confiance entre les hommes et les femmes (Encadré 2.2) a été multiplié par quatre depuis l’enquête sur la confiance de 2021, puisqu’il est passé de 2 points de pourcentage en 2021 à 8 points de pourcentage en 2023, notamment chez les jeunes. Cette tendance mériterait de faire l’objet d’un suivi rapproché. Cette évolution contraste avec la réduction de l’écart de confiance entre les groupes de population les plus jeunes (18-29 ans) et les plus âgés (50 ans et plus).
Encadré 2.2. Les écarts de confiance selon le genre
Depuis 2021, les écarts de confiance dans les institutions publiques selon le genre se sont accentués, de même que l’écart de confiance envers le gouvernement national en fonction du niveau d’instruction. Ces différences en fonction du genre et du niveau d’instruction se sont accentuées, contrairement aux écarts de confiance liés à l’âge, qui se sont resserrés par rapport à 2021. Pour les dix-huit pays qui ont participé aux enquêtes de 2021 et de 2023, la part des femmes ayant une confiance élevée ou modérément élevée dans le gouvernement national est inférieure à celle des hommes de huit points de pourcentage en 2023, alors que cet écart était de deux points de pourcentage en 2021. L’aggravation de cet écart entre le niveau de confiance des femmes et celui des hommes dans le gouvernement national est particulièrement marquée en Finlande et en Suède. On retrouve des hausses similaires liées au genre en ce qui concerne la confiance à l’égard de la fonction publique nationale (5 points de pourcentage) et du parlement et des autorités locales (4 points de pourcentage pour les deux), tandis que l’écart de confiance entre les genres dans les autres institutions publiques est resté faible au cours des deux dernières années. D’autres observateurs relèvent également des attitudes politiques de plus en plus divergentes entre les femmes et les hommes (Financial Times, 2024[8]). Trois éléments peuvent fournir un début d’explication au creusement rapide de l’écart de confiance entre les hommes et les femmes dans certains pays.
En premier lieu, l’écart de confiance entre les jeunes femmes et les jeunes hommes (de 18 à 29 ans) est deux fois plus important qu’entre les femmes et les hommes de 50 ans et plus. Dans la tranche d’âge la plus jeune, au cours des deux dernières années, l’écart de confiance entre les genres a augmenté de 8 points de pourcentage en moyenne (de 3 à 11 points de pourcentage) dans les pays qui ont participé aux deux éditions de l’enquête. Au Canada, en Irlande et en Corée, l’écart de confiance selon le genre s’est davantage accentué chez les jeunes que dans les autres pays, et nettement plus que dans l’ensemble de la population.1
Deuxièmement, dans l’ensemble et tous âges confondus, les répondants masculins sont plus susceptibles de soutenir un parti au pouvoir, d’avoir confiance en leur capacité à participer à la vie politique, et de considérer qu’ils ont leur mot à dire sur les questions politiques. Ces divergences contribuent à l’écart de confiance entre les hommes et les femmes, car les personnes ayant une plus grande capacité d’action politique ont tendance à accorder davantage leur confiance au gouvernement. Dans les pays de l’OCDE, par exemple, les hommes sont 13 points de pourcentage plus confiants que les femmes dans leur capacité à participer à la vie politique, une tendance qui se vérifie dans tous les pays (Graphique 2.10).
Enfin, en moyenne, l’écart entre les hommes et les femmes s’est creusé en ce qui concerne les déterminants de la confiance liés à la perception de la gouvernance publique entre 2021 et 2023. En particulier, les femmes se montrent plus sceptiques quant à la capacité du gouvernement à s’attaquer à des problèmes complexes et à garantir l’équité dans les services publics.
1. Ces résultats doivent être interprétés avec prudence car les données nationales reflètent la répartition nationale par âge et par genre, mais pas l’intersection entre ces deux caractéristiques. Par exemple, la proportion d’hommes (ou de femmes) de moins de 30 ans de l’échantillon ne correspond pas nécessairement à la proportion d’hommes (ou de femmes) de moins de 30 ans dans la population.
Les jeunes ont tendance à faire moins confiance au gouvernement national que leurs ainés. Plus précisément, 43 % des personnes âgées de 50 ans et plus déclarent avoir une confiance élevée ou modérément élevée dans le gouvernement national, contre 36 % des personnes de 18 à 29 ans. De même que parmi les répondants de la tranche d’âge inférieure, 37 % des personnes âgées de 30 à 49 ans expriment une confiance élevée ou modérément élevée (Graphique 2.11). Dans quelques pays comme le Canada, l’Estonie et les Pays-Bas, la tranche d’âge la plus jeune fait davantage confiance au gouvernement national que la tranche la plus âgée ; dans quelques autres pays, comme l’Australie, la Belgique, la Tchéquie, la Norvège et la Suède, on ne constate pas de différence.
En moyenne, dans les 18 pays de l’OCDE pour lesquels des données sont disponibles sur ces deux années, l’écart de confiance entre les générations à l’égard du gouvernement national a diminué de moitié entre 2021 et 2023 (de 10 à 5 points de pourcentage). Cette réduction résulte à la fois d’une légère hausse de la confiance parmi les jeunes (39 % des personnes âgées de 18 à 29 ans ont déclaré avoir une confiance élevée ou modérément élevée dans le gouvernement national en 2023, contre 37 % en 2021), et d’une baisse de la confiance chez les personnes de 50 ans et plus (qui est passée de 47 % à 43 %). La hausse de la part de jeunes qui estiment avoir leur mot à dire dans le système politique (de 33 % à 35 %) et la baisse de la proportion de personnes plus âgées sur cette mène question (de 29 % à 26 %) peuvent en partie expliquer cette tendance.
Le fait que les jeunes répondants continuent de faire légèrement moins confiance en moyenne au gouvernement conduit à se demander si certains déterminants liés à la gouvernance publique sont plus sensibles à l’âge que d’autres. Cependant, en moyenne, on ne constate pas de différence significative entre les plus jeunes et les plus âgés en ce qui concerne leur avis quant à la capacité du gouvernement à répondre aux intérêts intergénérationnels, et à gérer de manière adéquate les transitions verte et numérique et les situations d’urgence. Dans la majorité des pays étudiés, les jeunes affichent en moyenne un niveau de confiance plus élevé dans la capacité du gouvernement à servir les intérêts intergénérationnels, en particulier en Belgique et au Canada. Au contraire, en Irlande et au Royaume-Uni, les jeunes ont nettement moins confiance que les personnes plus âgées dans la volonté et la capacité du gouvernement à concilier les intérêts des différentes générations. Enfin, dans certains pays comme le Chili, le Luxembourg, la Slovénie et la Suisse, on constate peu ou pas de différence entre les tranches d’âge sur cette question, signe d’une opinion plus uniforme quant à la capacité du gouvernement à gérer les intérêts des différentes générations au sein de la population (Graphique 2.12).
2.4. Conclusion : renforcer la confiance grâce à l’action publique
Afin de réduire les écarts de confiance entre les groupes de population, les institutions publiques peuvent prendre les mesures ci-après.
Le sentiment de capacité d’action politique et l’appartenance politique influencent davantage la confiance dans le gouvernement que leurs caractéristiques socio-économiques ou démographiques. Les personnes qui estiment avoir leur mot à dire sur ce que fait le gouvernement sont, en moyenne, plus de trois fois plus enclines à exprimer leur confiance à l’égard du gouvernement que celles qui estiment ne pas avoir leur mot à dire. Au vu de l’influence de la capacité d’action politique et de la participation à la vie politique sur les résultats en matière de confiance, il apparaît donc nécessaire de mettre en place des politiques qui favorisent l’inclusion et l’implication politiques afin d’accroître la confiance dans les institutions publiques.
Une minorité considérable de 15%, bien qu’en baisse par rapport à 2021 dans les pays pour lesquels des données sont disponibles pour les deux années, a indiqué qu'elle n'avait aucune confiance dans le gouvernement national. Ce groupe a tendance à moins voter aux élections nationales et locales et à se sentir plus impuissant quant à l’action des pouvoirs publics. Dans le même temps, une grande majorité de ceux qui déclarent ne pas avoir confiance dans le gouvernement sont engagés dans des activités politiques, avec une surreprésentation des formes non conventionnelles telles que la publication de contenus politiques et le boycott de produits, mais également la signature de pétitions et la participation à des manifestations.
La conception de politiques publiques visant à atténuer la vulnérabilité économique et les discriminations pourraient grandement contribuer à remédier aux écarts de confiance et favoriser une confiance plus généralisée dans les institutions publiques, car ces facteurs influent fortement sur le niveau de confiance des individus. La confiance est nettement plus faible parmi les personnes préoccupées par leur situation financière personnelle : seulement 35% du groupe signalant des préoccupations financières font confiance au gouvernement, comparé à 52% parmi les personnes ayant moins de soucis financiers.
Les femmes et les jeunes ont tendance à moins accorder leur confiance au gouvernement que les hommes et les personnes plus âgées (50 ans et plus). Il conviendrait de porter une attention particulière à l’écart de confiance entre les hommes et les femmes, qui se creuse rapidement, notamment en ce qui concerne les jeunes femmes. En 2023, dans les 18 pays étudiés, la proportion de femmes déclarant avoir confiance dans le gouvernement est inférieure de 8 points de pourcentage en moyenne à celle des hommes, alors que cet écart était de 2 points en 2021. En outre, quel que soit leur âge, les femmes ont tendance à être moins confiantes quant à leur capacité à participer à la vie politique, et à moins penser qu’elles ont leur mot à dire. Face à ce constat, les gouvernements devraient redoubler d’efforts pour impliquer ces groupes et répondre à leurs préoccupations particulières afin de garantir l’égalité d’accès et de représentation dans l’élaboration des politiques.
Références
[5] Brock, C. et D. Mallinson (2023), « Measuring the stasis: Punctuated equilibrium theory and partisan polarization », Policy Studies Journal, vol. 52/1, pp. 31-46, https://doi.org/10.1111/psj.12519.
[7] Druckman, J. et al. (2020), « Affective polarization, local contexts and public opinion in America », Nature Human Behaviour, vol. 5/1, pp. 28-38, https://doi.org/10.1038/s41562-020-01012-5.
[8] Financial Times (2024), A new global gender divide is emerging, https://www.ft.com/content/29fd9b5c-2f35-41bf-9d4c-994db4e12998.
[6] Impact Canada (2023), Why Trust Matters: TIDES Program.
[4] Iyengar, S. et al. (2019), « The Origins and Consequences of Affective Polarization in the United States », Annual Review of Political Science, vol. 22/1, pp. 129-146, https://doi.org/10.1146/annurev-polisci-051117-073034.
[1] OCDE (2022), Instaurer la confiance pour renforcer la démocratie : Principales conclusions de l’enquête 2021 de l’OCDE sur les déterminants de la confiance dans les institutions publiques, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/f6a31728-fr.
[3] Prats, M., S. Sina et M. Ferrin (2024, à paraître), « Lack of Trust in Institutions and Political Engagement », OECD Working Papers on Public Governance.
[2] Reher, S. (2018), « Mind This Gap, Too: Political Orientations of People with Disabilities in Europe », Political Behavior, vol. 42/3, pp. 791-818, https://doi.org/10.1007/s11109-018-09520-x.
Notes
← 1. Ces résultats sont généralement confirmés par les analyses de régression qui utilisent comme variable dépendante la confiance dans le gouvernement national (voir annexe A), bien que les écarts de confiance liés au sentiment de capacité d’action politique soient moins marqués que dans l’analyse descriptive présentée dans ce chapitre. Selon une analyse de régression des données de 2023, le fait d’avoir voté pour le gouvernement en place est associé à l’effet marginal moyen le plus élevé sur la probabilité d’avoir une confiance élevée ou modérément élevée dans le gouvernement national, suivi par un niveau d’instruction plus élevé (par rapport à faible), un âge de 50 ans ou plus (par rapport à un âge de 18 à 29 ans), un niveau d’instruction intermédiaire, et la possibilité de faire entendre sa voix sur l’action publique menée.
← 2. La question de l’enquête de 2021 portait sur la « confiance dans la fonction publique », tandis que celle de 2023 portait sur la « confiance dans la fonction publique nationale ». Une question distincte interrogeait sur la confiance dans la fonction publique régionale/locale, selon le pays interrogé.
← 3. Les niveaux de revenus objectifs sont mesurés en regroupant les répondants se situant dans les 20 % inférieurs, les 60 % intermédiaires et les 20 % supérieurs de la distribution des revenus des ménages au niveau national.
← 4. Dans le cas du Chili, de la Colombie et de la Grèce, les niveaux d’instruction faible et moyen sont combinés en raison de la sous-représentation de répondants ayant un faible niveau d’instruction dans ces pays.
← 5. L’enquête sur La confiance et la satisfaction à l’égard de la démocratie en Australie a révélé un écart de confiance entre les hommes et les femmes de 11 points de pourcentage en juin et de 9 points de pourcentage en novembre. Des différences méthodologiques, notamment en ce qui concerne l’échelle des réponses et un échantillonnage reposant sur des quotas modifiés, ont pu contribuer à des différences dans l’écart de confiance mesuré.