L’essor de l’économie du partage et à la demande a radicalement transformé certains secteurs en quelques années seulement. Les plateformes numériques sont au centre de cette (r)évolution. Grâce aux progrès technologies constants, qui permettent en particulier de collecter et d’analyser de vastes quantités de données, ces plateformes ont pu mettre en œuvre avec succès des modèles économiques innovants qui sont à l’origine de « nouveaux modes de fonctionnement » fondés sur le partage d’actifs (biens et services) plutôt que les concepts traditionnels de transferts de propriété. Cette transformation reflète l’évolution des préférences des consommateurs, et notamment des plus jeunes, qui privilégient un accès souple, à la demande, aux biens et aux services, ainsi que l’intérêt suscité auprès des particuliers et des entreprises par les possibilités ainsi créées de monétiser une main d’œuvre et des actifs (sous)utilisés.
Le rôle décisif des plateformes numériques dans l’essor de l’économie du partage/à la demande et dans son expansion et sa diversification ultérieures, est déjà à l’origine de ruptures dans les secteurs des transports, du tourisme et du logement, des services professionnels et de la finance. L’entrée de nouveaux acteurs dans le secteur de l’économie du partage/à la demande remet sérieusement en cause le positionnement d’acteurs traditionnels établis de longue date. Et cela n’est vraisemblablement qu’un début. Des acteurs traditionnels font leur entrée dans l’économie des plateformes, tirant profit du potentiel offert par celle-ci pour (re)dynamiser la demande à un coût relativement faible. Toutefois, l’émergence des modèles de partage est susceptible d’induire des changements dans n’importe quel autre secteur.
Ces changements en profondeur soulèvent des problèmes de réglementation dans de multiples domaines, et notamment en matière de taxe sur la valeur ajoutée/taxe sur les biens et services (TVA/TPS). L'essor de l'économie du partage/à la demande a entraîné l'entrée sur le marché d’un nombre élevé, et toujours en hausse, de nouveaux acteurs économiques qui exercent leurs activités selon des modalités inédites et avec des conditions d’emploi ou de travail non conventionnelles.
Ces évolutions amènent à s’interroger sur l’efficacité des cadres de TVA/TPS existants pour capturer cette nouvelle réalité économique, notamment afin de préserver les recettes de TVA/TPS et de minimiser les distorsions économiques. Elles conduisent également à se demander si ces « nouveaux modes de fonctionnement », à commencer par le rôle des plateformes de l’économie du partage/à la demande, sont de nature à faciliter l’administration et le respect des obligations en matière de TVA/TPS.
Ce Rapport montre qu’il n’existe pas de réponse unique, définitive et universelle à ces questions. Les réponses apportées par les pouvoirs publics sont susceptibles de varier selon les secteurs et les juridictions, notamment à la lumière des cadres régissant la politique et l’administration de la TVA/TPS qui y sont en vigueur. De plus, l’économie du partage/à la demande n’est qu’au début de son essor, et bien qu’elle ait déjà radicalement transformé un certain nombre de secteurs, elle continue de changer et d’évoluer.
Dans ce contexte, le Rapport présente les principaux volets d’une stratégie globale que pourraient envisager les administrations fiscales pour concevoir et mettre en œuvre les réponses à apporter en matière de politique et d’administration de la TVA/TPS aux évolutions de l’économie du partage/à la demande. Ce Rapport est l’expression d’un consensus entre les services fiscaux en charge de la TVA/TPS du monde entier et les principaux acteurs du secteur, obtenu à l’issue d’un processus approfondi et inclusif d’analyses, de consultations et de partages d’expériences. En résumé, les principaux volets de cette stratégie sont les suivants :
Acquérir la connaissance nécessaire des activités de l’économie du partage/à la demande, en cernant bien ses principaux acteurs et modèles d’affaires, ses principaux secteurs, sa taille et sa croissance potentielle. Une analyse particulière des secteurs de l’hébergement et des transports, qui dominent actuellement l’économie du partage/à la demande, est incluse dans ce Rapport à l’appui de cette évaluation.
Évaluer, s’il y a lieu, la nécessité d’une intervention dans le domaine de la TVA/TPS et établir ses principaux objectifs (le « pourquoi »). Il s’agira probablement entre autres de préserver les recettes de la TVA/TPS et/ou d’envisager la possibilité d’élargir l’assiette de la TVA/TPS, et de réduire les risques de distorsion de concurrence.
Déterminer et mettre en œuvre la ou les réponses à apporter en matière de politique et d’administration de la TVA/TPS (le « comment »). Les plateformes de l’économie du partage/à la demande auront probablement un rôle à jouer à cet effet dans le partage des données et/ou la collecte de la TVA/TPS. Il est en outre possible d’envisager une série de mesures en matière de politique et d’administration afin de faciliter et de simplifier le respect des obligations fiscales pour les fournisseurs de l’économie du partage/à la demande.
Dans le cadre de l’analyse des différents volets d’action envisageables en matière de TVA/TPS pour répondre à l’essor de l’économie du partage/à la demande et de la définition d’orientations pour leur conception et leur mise en œuvre, ce Rapport présente notamment les conclusions et observations suivantes :
Il est tout à fait possible que les juridictions n’aient pas pour principal objectif d’assujettir l’ensemble des activités relevant de l’économie du partage/à la demande aux règles de la TVA/TPS. Une juridiction pourra souhaiter par exemple suivre dans un premier temps les évolutions dans les secteurs de l’économie du partage/à la demande afin de pouvoir prendre des mesures rapides et ciblées lorsque nécessaire.
Les juridictions pourront opter pour une stratégie échelonnée, dans le cadre de laquelle elles concentreront avant tout leur action sur les secteurs dominants, qui peuvent faire peser les risques les plus immédiats sur les recettes de la TVA/TPS et/ou sur la neutralité concurrentielle.
La réponse à privilégier devra être compatible avec les règles et principes généraux du système de TVA/TPS de la juridiction concernée et limiter les nouvelles exceptions ou les régimes spéciaux. Cette approche reflète notamment le souhait des juridictions de garantir une égalité de traitement des différents circuits de distribution d’un marché donné, qu’ils soient traditionnels ou numériques.
Les administrations fiscales seront souvent confrontées à la difficulté de trouver un équilibre entre, d’une part, la nécessité de protéger les recettes et de réduire les distorsions de concurrence et, d’autre part, la nécessité de préserver l’efficacité de l’administration de l’impôt et d’éviter aux acteurs de l’économie du partage/à la demande d’être confrontés à une charge administrative excessive. Dans ce dernier cas, il pourrait être souhaitable d’éviter de faire entrer dans le système de TVA/TPS un trop grand nombre de nouveaux acteurs de l'économie du partage/à la demande, ayant peut-être des connaissances limitées et/ou une capacité limitée à respecter leurs obligations fiscales. Les recettes et les effets concurrentiels de cette approche peuvent être considérables dès lors que l’on passe d’un nombre restreint de grands opérateurs traditionnels soumis pour la plupart à la TVA/TPS à un nombre élevé de petits opérateurs de l’économie du partage/à la demande dont l’activité peut rester hors du champ d’application de cette taxe (par exemple l’activité hôtelière par opposition à la location de logements de vacances de courte durée). Assujettir aux règles de la TVA/TPS les nouveaux opérateurs de l’économie du partage/à la demande peut néanmoins faire peser une pression indue sur les administrations fiscales et créer des problèmes de conformité pour les opérateurs.
Au vu de la nécessité d’apporter une réponse équilibrée à ce problème, ce Rapport énonce un certain nombre de mesures possibles visant à gérer le nombre de nouveaux acteurs économiques entrant dans le système de TVA/TPS, ainsi qu’à simplifier le respect des obligations fiscales pour les fournisseurs de l’économie du partage/à la demande. Ces mesures incluent : la détermination d’un seuil d’assujettissement à et/ou de collecte de la TVA/TPS ; la conception de régimes d’imposition forfaitaire pour déterminer l’exigibilité de la TVA/TPS ; la simplification de la comptabilité et de la déclaration ; la mise en œuvre de mécanismes de collecte de la TVA/TPS par paiement scindé/retenue à la source ; le recours à la technologie pour faciliter l’administration de la TVA/TPS et simplifier le respect des obligations fiscales ; la mise en place d’obligations déclaratives pour les tiers ; la mise en œuvre d’activités d’éducation ou d’autres activités de sensibilisation du contribuable.
Ce Rapport met en exergue les importantes possibilités de faciliter l’administration et le respect du régime de TVA/TPS qui découlent du rôle central joué par les plateformes numériques dans l’activité et l’essor de l’économie du partage/à la demande, lequel est alimenté par une analytique des données avancée. Il envisage différentes approches pour la mise en œuvre des obligations de communication des données, en tirant notamment parti des Règles types de déclaration à l’intention des vendeurs relevant de l’économie du partage et de l’économie à la demande publiées par l’OCDE en 2020 ; la collecte de la TVA/TPS par les plateformes numériques sur les transactions de l’économie du partage/à la demande qu’elles facilitent ; et l’éducation des fournisseurs de l’économie du partage/à la demande sur leurs obligations en matière de TVA/TPS.
Tout en présentant les différentes options qui s’offrent aux pouvoirs publics, ce Rapport met en lumière les opportunités considérables créées par le rôle des plateformes numériques et les mégadonnées pour améliorer la visibilité et la traçabilité de l’activité économique et de formaliser une activité économique auparavant informelle en particulier dans les économies en développement.
Enfin, le Rapport présente différentes mesures d’accompagnement visant à garantir l’efficacité et le bon fonctionnement de ces options, comme des stratégies ciblées de gestion des risques, fondées notamment sur l’utilisation extensive des données des tiers pour aider au contrôle de la conformité et à l’analyse des données ; des mesures dissuasives pour décourager les infractions ; et/ou une coopération administrative internationale solide lorsque nécessaire.