Havas Attila
Weber et K. Matthias
Havas Attila
Weber et K. Matthias
La prospective peut constituer un instrument utile face aux opportunités et aux défis de la prochaine révolution de la production. Comme le montrent les différentes études de cas présentées dans ce chapitre, elle facilite le débat et la réflexion systémique sur des scénarios d’avenir multiples et contribue à modeler le futur par la participation et l’engagement. De nature participative, elle mobilise les principaux acteurs et les invite à formuler des avis communs sur l’avenir, à débattre de leurs futurs objectifs et intérêts et à s’entendre sur des actions en accord avec leur vision collective. La prochaine révolution de la production exige des mesures rapides et proactives et une meilleure coordination entre les différents domaines d’action des politiques publiques. La prospective peut aider les responsables politiques en fournissant les fondements de politiques efficaces, en plaçant les enjeux de l’action publique dans un cadre nouveau et en traduisant les préoccupations à long terme en priorités communes. En outre, on peut avancer que la mise en œuvre des politiques est d’autant plus rapide et plus efficace que les principales parties prenantes sont associées précocement à leur élaboration. Cependant, la prospective est loin d’aboutir automatiquement à des résultats positifs : ce chapitre examine huit facteurs déterminants pour en tirer profit. En dernier ressort, face aux recommandations qui leur sont adressées, les responsables politiques doivent être prêts à agir.
Les décisions quotidiennes prises par les responsables de l’action publique ou les dirigeants des organisations privées ou sociétales, guidées par une réflexion stratégique à long terme, conduisent en général à des résultats plus ciblés que les décisions ponctuelles. La réflexion stratégique suit des démarches diverses, mais celles qui reposent sur la prospective apparaissent plus solides car elles couvrent un large spectre de possibilités à long terme venant alimenter les stratégies à mettre en place. C’est le cas a fortiori des décisions qui visent à définir la position d’un pays, d’une région ou d’une entreprise face aux turbulences causées par la prochaine révolution de la production.
Parmi les différents modes d’analyse de l’avenir, ce chapitre se concentre sur la prospective, approche particulièrement pertinente pour étudier les opportunités à saisir et les défis à relever dans le cadre de la prochaine révolution de la production : outre qu’elle facilite le débat et la réflexion systémique sur les futurs possibles, la prospective contribue aussi à modeler le monde de demain. Le processus prospectif, bien conçu et conduit, permet d’isoler et d’évaluer de façon systématique et transparente les facteurs et tendances d’ordre sociétal, technologique, économique, environnemental et stratégique susceptibles d’agir sur la compétitivité, la création de richesse et la qualité de la vie. Cette analyse peut aider les responsables de l’action publique à définir des enjeux et à concevoir des politiques. La prospective peut contribuer à transformer les préoccupations à long terme en priorités urgentes. Elle peut aussi améliorer la connaissance et la compréhension de ces facteurs par les parties prenantes, en les incitant à agir et à préparer le terrain pour des actions et stratégies complémentaires. Ainsi, elle peut faire naître des attentes et des stratégies plus cohérentes, pour une mise en œuvre plus efficace des politiques. En étudiant de multiples scénarios pour l’avenir (plutôt qu’un scénario unique) et en regroupant des acteurs importants d’horizons divers, la prospective peut aider les responsables de l’actionpublique à faire face à un avenir incertain et fournir les bases de politiques plus rigoureuses.
Pour tirer profit de la prospective, il faut être attentif aux processus qu’elle exige et aux propositions qu’elle produit. Il faudrait dans l’idéal qu’elle soit institutionnalisée, et qu’elle s’organise en cycles réguliers soutenus par des analyses prospectives continues. Pour donner des résultats satisfaisants, il est essentiel qu’elle s’adresse à un client motivé. La prospective doit être inscrite dans le système décisionnel. Le moment choisi, la pertinence de l’exercice par rapport aux grands enjeux et la coordination avec d’autres initiatives présentent tous une grande importance. En outre, il est primordial de trouver un mode d’organisation qui atténue la contradiction inhérente entre la nécessité pour la prospective de s’exercer suffisamment près des processus décisionnels (pour avoir de l’effet) et celle d’en assurer l’indépendance intellectuelle (pour produire des idées originales et une réflexion créative). Cette tension permanente ne peut trouver de solution qu’en fonction du contexte.
La section suivante passe rapidement en revue les types d’analyse prospective les plus importants et leur utilité pour l’action publique dans le contexte de la prochaine révolution de la production. Elle examine ensuite les avantages potentiels de la prospective et son influence sur les politiques, là encore par comparaison avec d’autres types d’analyse de l’avenir. Elle met l’accent sur plusieurs facteurs qui peuvent aider les responsables politiques à optimiser les avantages de la prospective avant de résumer les principaux enseignements à retenir sur le plan de l’action publique et de l’organisation.
Les analyses prospectives peuvent prendre des formes diverses et poursuivre des objectifs différents. Les formes les plus connues sont la prévision, les exercices de type « technologies clés », la prospective, la planification stratégique dans le secteur privé et la planification nationale indicative. Ce chapitre est centré sur la prospective. Mais pour mieux comprendre son utilité pour l’action publique – ce qu’on peut et ce qu’on ne peut pas en attendre – il est intéressant de juxtaposer brièvement la prospective et d’autres types d’analyse orientée vers l’avenir, en particulier la prévision et l’analyse prospective réalisée par des experts (non participative)1. Tout d’abord, deux approches systématiques fondamentalement différentes sont envisagées : la prévision et la prospective. Les prévisionnistes supposent que l’avenir est essentiellement déterminé par des paramètres structurels et institutionnels relativement stables, dont les principales caractéristiques peuvent être appelées « forces motrices ». La tâche consiste donc pour l’essentiel à définir ces forces motrices, à concevoir un modèle quantitatif fiable, à collecter les données utiles et à procéder à des simulations pour générer des extrapolations correspondant à différents moments dans l’avenir. Des experts doivent intervenir dans la réalisation de ces extrapolations, qui peuventdifférer l’une de l’autre sur le plan quantitatif, mais pas sur le plan structurel (les mêmes variables sont utilisées systématiquement, même si leur valeur change d’une prévision à l’autre). La prévision peut être utilisée aussi bien dans le cadre d’exercices purement théoriques que comme instrument d’aide à la décision dans le secteur public ou privé.
L’exercice de prospective, en revanche, repose sur l’idée qu’il est possible d’agir sur l’avenir par des actions volontaires dans le présent : une partie au moins des tendances défavorables peut être dans une certaine mesure corrigée (réorientée, ralentie ou même stoppée) et de nouvelles tendances favorables peuvent s’y substituer sous l’effet de mesures privées et publiques. La prospective étudie donc différents scénarios possibles. Dans les périodes d’incertitude, il faut penser l’avenir comme un faisceau de possibilités pour concevoir des stratégies qui permettent de faire face à l’imprévu.
Pour tirer pleinement parti de la capacité de la prospective à influer sur l’avenir, il faut y associer les acteurs importants, non seulement pour mettre en évidence, mais aussi pour évaluer les grandes tendances (en cours, naissantes et à venir), envisager les avenirs possibles et choisir le plus favorable. Les valeurs et les intérêts jouent ainsi un rôle décisif dans les processus de prospective, de sorte qu’il est essentiel que l’ensemble du processus soit inclusif et transparent. Associée à des méthodes participatives, la prospective peut englober des perspectives différentes dans l’étude des scénarios possibles et faire apparaître diverses influences sur les enjeux en question et divers effets de ces mêmes enjeux. Le processus lui-même peut avoir des effets systémiques : le dialogue instauré, du fait de son intensité, peut renforcer les réseaux des principaux acteurs, en créer de nouveaux et donner plus de poids à une réflexion axée sur l’avenir. Les nouvelles méthodes participatives remodèlent également toute la culture décisionnelle dans le domaine d’action visé.
En outre, la plupart des activités de prospective visent à faire émerger un consensus d’un futur souhaitable. Ces visions, et les feuilles de route opérationnelles qui les accompagnent, peuvent constituer des moyens efficaces de réunir les différentes parties prenantes intéressées autour d’un programme d’action commun. De telles visions, feuilles de route et initiatives stratégiques ont pour principal avantage d’atténuer les incertitudes concernant les ambitions des partenaires et concurrents et de contribuer ainsi à la prise de décision à long terme. De plus, les participants qui parviennent à une vision commune peuvent s’attendre à ce que leurs interlocuteurs prennent des mesures pour mettre en œuvre l’option retenue et alignent ainsi leurs actions futures en fonction de l’avenir favorable défini ensemble.
Il convient de bien distinguer la prospective des stratégies qu’elle doit alimenter. Dans le cadre de la prochaine révolution de la production, l’initiative « Industrie 4.0 » de l’Allemagne (PlattformIndustrie 4.0) apparaît comme un bon exemple de stratégie inspirée, au moins en partie, par des activités antérieures de prospective conduites dans le pays.
La prochaine révolution de la production déclenchera probablement des mutations complexes, compte tenu des interactions des nouvelles technologies (comme l’impression en 3D et la lecture optique, l’internet des objets, la communication et les interactions de machine à machine (M2M) et de personne à machine (P2M), et la robotique de pointe) ; des nouveaux matériaux (bio- et nanomatériaux en particulier) ; des processus novateurs (production fondée sur les données, intelligence artificielle, biologie de synthèse par exemple) ; et des nouveaux modèles économiques (exploitation du « sur-mesure de masse », partage et économie des plateformes) (OCDE, 2016a, 2016b). Ces changements peuvent toucher les activités de recherche, de développement technologique et d’innovation (orientation des recherches, attribution de fonds, commercialisation, préoccupations éthiques) ; le marché du travail (par la création et la suppression d’emplois) ; la distribution des revenus et le bien-être ; les besoins en personnel qualifié (et par conséquent la formation par le système d’enseignement, le recyclage, la formation tout au long de la vie) ; et plusieurs domaines de réglementation (comme les droits de propriété intellectuelle [DPI], la protection de la vie privée, la sécurité et les investissements à réaliser pour la garantir). En outre, le numérique peut contribuer largement au développement de l’économie circulaire (par le « sur-mesure de masse », la logistiqueintelligente, les villes intelligentes et les maisons intelligentes par exemple). Les conséquences de la prochaine révolution de la production sur les politiques sont si diverses qu’il serait difficile de mentionner un domaine important de l’action publique qui ne sera pas touché par les changements radicaux dont il est question plus haut.
C’est pourquoi la coordination des politiques correspond à un besoin bien réel. La prospective aiderait les décideurs politiques à faire face à ces changements et défis complexes de trois manières2. En premier lieu, elle faciliterait une démarche systémique, envisagerait de nombreux scénarios d’avenir et tirerait parti de la diversité des connaissances et de l’expérience des participants. En outre, un fort sentiment d’appropriation parmi les participants pourrait contribuer à maintenir l’élan d’une bonne coordination de la conception et de la mise en œuvre des politiques. En deuxième lieu, la prochaine révolution de la production risque selon toute probabilité de renforcer l’incertitude. Cependant, une vision commune développée par les principales parties prenantes au processus de prospective, ainsi à même de se l’approprier, peut atténuer l’incertitude. En troisième lieu, la prochaine révolution de la production entraînera sans doute aussi des changements systémiques, par exemple avec l’apparition de nouveaux écosystèmes d’innovation ou de systèmes d’innovation nationaux sectoriels et régionaux radicalement remaniés. Un processus prospectif porteur de transformation, visant à étudier et à soutenir ces changements systémiques, peut contribuer à redessiner les structures de pouvoir en place (qui peuvent freiner les changements souhaités), à renouveler la raison d’être des politiques, la culture et les méthodesde prise de décision dans leur ensemble, et par conséquent à assurer l’efficacité et l’efficience des politiques publiques.
Les exercices de prévision et de prospective reposent sur tout un arsenal de méthodes quantitatives et qualitatives, comme la simulation, l’extrapolation, les études Delphi, l’analyse prospective, les méthodes d’analyses PESTEL (politique, économique, sociale [socio-culturelle], technologique, environnementale et légale) et SWOT (forces, faiblesses, opportunités et menaces), et la mise au point de scénarios (Encadré 9.1). Plusieurs d’entre elles, comme la simulation, l’analyse prospective, l’analyse SWOT et l’analyse de scénario, sont largement utilisées dans les processus d’aide à la décision au quotidien. Un processus prospectif donné repose sur un ensemble « sur mesure » d’outils et de méthodes permettant d’isoler et d’évaluer de façon systématique et transparente les facteurs et les tendances d’ordre sociétal, technologique, économique, environnemental et stratégique susceptibles d’influer sur la compétitivité, la création de richesse et la qualité de vie.
Les facteurs et tendances STEEPV (technologiques, économiques, environnementaux, politiques et de valeur) et l’analyse PESTEL offrent un cadre simple pour mettre en évidence les principales forces motrices et tendances. L’analyse SWOT sert à recenser et répartir en catégories les facteurs internes (forces et faiblesses) et externes (opportunités et menaces) auxquels doit faire face une organisation, une ville, une région, un pays ou une partie du monde.
L’analyse prospective vise à détecter les premiers signes d’évolutions qui pourraient avoir de l’importance. Il peut s’agir de signaux faibles (ou précoces), de tendances, d’événements ponctuels ou d’autres évolutions, de problèmes, risques et menaces persistants, y compris sur des aspects qui se trouvent à la marge de la pensée contemporaine et qui défient les hypothèses antérieures. Il peut s’agir d’une démarche entièrement exploratoire ou d’une recherche limitée d’information dans un domaine spécifique défini par les objectifs d’une tâche donnée. L’analyse prospective cherche à déterminer, à l’échéance choisie (court, moyen ou long terme), ce qui perdurera probablement, ce qui peut varier et ce qui change en permanence.
L’extrapolation de tendance commence par mettre en évidence une tendance qui se dégage au fil du temps et en fait une projection dans l’avenir au moyen de données sur les taux de variation. Les prévisions à court terme reposent sur le prolongement d’une courbe linéaire ou exponentielle (croissance économique ou diffusion d’une technologie par exemple). Pour utiliser l’extrapolation à long terme, il faut être certain que les éléments déterminants de la tendance persisteront.
La simulation consiste à créer et appliquer un modèle mathématique informatisé imitant le comportement d’un processus ou d’un système réel dans le temps. Elle décrit et analyse ce comportement en posant différentes questions sur le système réel. Elle peut ainsi contribuer à la mise au point de systèmes réels.
Une étude Delphi (ou selon la méthode de Delphes) est une étude conduite par des experts au moins deux « tours », les réponses obtenues au tour précédent étant présentées aux répondants du deuxième tour et aux suivants. À partir du deuxième tour, les experts sont ainsi informés des avis de leurs homologues lorsqu’ils donnent leurs réponses. C’est cette rétroaction qui distingue les études Delphi des sondages d’opinion ordinaires. L’idée est que les répondants peuvent tirer des enseignements des avis des autres experts, sans être soumis à des influences indues de la part de ceux qui parlent le plus fort dans un groupe ou qui ont le plus de prestige. En principe, ceux qui se démarquent fortement du consensus doivent expliquer pourquoi ils ont adopté cette position, et apportent ainsi des renseignements utiles aux autres experts.
Les différentes situations à envisager pour l’avenir peuvent être décrites et examinées de façon plus ou moins approfondie et à des fins assez diverses sous forme de « visions », de « scénarios d’avenir » et de « scénarios complets » :
Une vision est une brève description (un seul paragraphe) de l’avenir souhaité, visant à réunir et à mobiliser les personnes autour d’une vision particulière.
Un scénario d’avenir est une description détaillée d’une situation particulière à venir (résultat, principales caractéristiques et interactions des évolutions importantes). Par rapport à une vision, il présente un caractère plus précis, plus analytique et plus neutre. Pour résumer, une vision est normative, tandis qu’un scénario d’avenir est descriptif (il s’agit d’un outil d’exploration).
Un scénario complet (ou scénario de trajectoire) comporte un scénario d’avenir, ainsi que la trajectoire à suivre, c’est-à-dire les principales décisions et mesures à prendre pour parvenir à cet avenir particulier.
Pour être efficaces, les visions, scénarios d’avenir et scénarios complets doivent être plausibles, cohérents et offrir des éclairages intéressants sur l’avenir. Ils doivent présenter des structures différentes, c’est-à-dire ne pas se ressembler au point de constituer de simples variations d’un cas de base. Ils peuvent s’appuyer sur de nombreuses sources et méthodes différentes, en particulier toutes celles qui figurent ci-dessus, et sur des séances de « remue-méninges » et des ateliers spéciaux d’élaboration de scénarios. À l’inverse de la simulation, les scénarios d’avenir et les scénarios complets peuvent explorer des relations et des tendances, en incluant des crises et des ruptures, pour lesquelles peu ou pas de données existent; il est plus facile d’y intégrer des motivations, des valeurs et des comportements ; et ils peuvent se traduire par des images qui frappent l’imagination de ceux qu’elles visent. Ils peuvent aider les responsables de l’action publique à réfléchir à l’avenir de façon systématique en examinant un éventail de scénarios possibles. Ces outils permettent aussi de stimuler la créativité et de se libérer de l’obsession répandue du présent et du court terme.
Une étude critique sur les technologies (clés) vise à dégager les priorités à court terme (trois à dix ans) des politiques de recherche et développement. Elle se caractérise par un ensemble de critères d’évaluation du caractère « critique » (l’importance) de technologies particulières. Elle se fonde sur des entretiens avec des experts et dans certains cas sur une analyse comparative avec un pays ou une région.
Source : Sources et lectures complémentaires : Cuhls, K. et al. (2015), « Models of horizon-scanning: How to integrate horizon-scanning into European research and innovation policies », www.isi.fraunhofer.de/isi-wAssets/docs/v/de/publikationen/CU_ERL_PW_Models-of-Horizon-Scanning.pdf ; Gavigan, J. et al. (2001), « A practical guide to regional foresight ».
En fonction de la démarche méthodologique adoptée, les exercices de prospective peuvent aboutir à des « produits » variés, tels que rapports thématiques de groupes d’experts, listes de priorités, recommandations pour l’action publique et feuilles de route. Il peut s’agir de produits intermédiaires générés au cours de l’exercice ou de produits finals. Ils constituent souvent les résultats les plus visibles du travail de prospective et peuvent être largement utilisés dans le cadre de la planification des politiques, y compris par ceux qui n’ont pas été directement associés au processus prospectif.
La prospective est pratiquée dans de nombreux domaines aux niveaux sectoriel, local, régional, national et international. Plusieurs exercices prospectifs ont été consacrés exclusivement aux activités manufacturières et de production, parmi lesquels « Making Value for America : Embracing the Future of Manufacturing, Technology, and Work » (Donofrio et Whitefoot, 2015), « The Future of Manufacturing: A new era of opportunity and challenge for the UK » (Foresight, 2013), « The Future of Manufacturing in Europe 2015-2020: The Challenge for Sustainability (FutMan) » (voir Geyer et al., 2003) et « Manufacturing Visions – integrating diverse perspectives into pan-European foresight (ManVis) » (Arilla et al., 2005). D’autres exercices prospectifs couvrent des domaines divers, dont l’industrie manufacturière, en général dans le cadre d’efforts nationaux de grande envergure. Ils s’inscrivent dans les différents cycles des programmes de prospective chinois, finlandais, allemands, japonais, coréens, russes, et britanniques, ainsi que dans des programmes nationaux ponctuels, par exemple en Afrique du Sud, en Grèce, en Hongrie, en Italie, en Pologne, au Portugal, en Slovaquie et en Slovénie3. Le nombre élevé – et croissant – de ces programmes de prospective semble indiquer qu’ils peuvent être utiles à l’action publique dans des systèmes d’innovation assez différents.
Cela étant, les activités continues d’analyse prospective sont étroitement prises en charge par des organismes gouvernementaux dans plusieurs pays. Les exemples les plus pertinents sont ceux du programme britannique d’analyse prospective (Horizon-Scanning Programme), du Centre for Strategic Futures à Singapour et d’Horizons de politiques Canada, qui a conduit plusieurs projets « MetaScan » ces dernières années.
Les analyses prospectives peuvent prendre une multitude de formes, au gré des variations des objectifs précis, de la couverture thématique, de la portée géographique, du centre de gravité, de la méthode et de l’horizon temporel de l’analyse. L’ampleur de la couverture thématique varie aussi (selon que l’analyse est axée sur les enjeux scientifiques et technologiques ou plus largement sur les systèmes d’innovation et de production) ainsi que celle de la participation (limitée aux experts du domaine ou élargie à d’autres acteurs). La combinaison de ces paramètres permet de définir quatre archétypes différents d’analyse prospective (tableau 9.1). Ces archétypes4 font l’objet d’explications plus détaillées ci‐dessous, illustrées de brèves descriptions de situations réelles.
Comme on l’a souligné plus haut, la prospective est un processus participatif, mais certains types d’analyse prospective peuvent aussi être conduits par des équipes d’experts de taille (plus) modeste, pouvant envisager un seul ou de multiples scénarios d’avenir. À l’inverse des exercices de prospective, les projets en question sont en général plus courts et moins coûteux, et peuvent avoir sur certaines décisions des effets plus directs, plus visibles et plus facilement identifiables. Les exercices de type « technologies clés » entrent dans cette catégorie ; il en est réalisé, par exemple, dans la République tchèque (Klusacek, 2004), en France – où les exercices « Technologies clés » reviennent tous les cinq ans – et aux États-Unis. Cependant, ce type de projet a peu de chances d’aboutir à une vision commune, à une atténuation des incertitudes et à des effets systémiques et, en particulier, de modifier la culture décisionnelle en général. En outre, l’utilisation de cet instrument ne permet pas d’enrichir le dialogue sur l’action publique grâce aux avis des citoyens et des organisations non gouvernementales (ONG).
Ampleur de la couverture thématique |
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Enjeux scientifiques et technologiques |
Systèmes d’innovation et de production |
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Ampleur de la participation |
Experts |
Productive Nanosystems: A Technology Roadmap, (États-Unis, 2007) Études Delphi en Corée (depuis 1994, dernière étude réalisée en 2015-16) ManVis (Union européenne, 2003-06) |
Making Value for America: Embracing the Future of Manufacturing, Technology, and Work (États-Unis, 2015) FutMan (Union européenne, 2001-03) |
Large participation |
Exploiting the Electromagnetic Spectrum, (UK Foresight, 2004) Nanotechnology for Podlaskie 2020 (Pologne, 2009-13) |
FinnSight 2015 (Finlande, 2006) BMBF Foresight (Allemagne, 2007-09, 2012-14) Advanced Manufacturing Partnership (États-Unis, depuis 2011) The Future of Manufacturing: A new era of opportunity and challenge for the UK (2013) Programmes japonais de prospective les plus récents |
Source : Analyse des auteurs.
Une analyse prospective donnée peut viser à créer des visions stratégiques pour guider les efforts en faveur du progrès technologique. Ainsi, le projet de prospective du Royaume-Uni sur l’exploitation du spectre électromagnétique (Exploiting the Electromagnetic Spectrum – EEMS), achevé en 2004, a permis de mettre en évidence dans ce champ particulier de la science et de la technologie quatre domaines au développement rapide qui devraient devenir d’importants secteurs d’activité dans les 10 à 20 prochaines années : le traitement de données entièrement optique, l’usinage au laser, l’électromagnétique en champ proche et l’imagerie non invasive. Un plan d’action a été établi pour chaque domaine par le groupe concerné, composé de représentants des entreprises, du monde universitaire, des communautés d’usagers et d’organismes publics et autres. Après cinq ans, une étude a permis de constater que le projet EEMS avait tiré des conclusions justes sur les domaines scientifiques et techniques qui allaient compter pour les entreprises, toujours pertinentes cinq ans plus tard. À la suite du projet, de nombreuses actions ont encouragé le débat sur l’importance des quatre domaines mis en évidence, bien qu’il ait été difficile dans le cadre de l’étude réalisée d’établir une évaluation quantitative des conséquences de ces activités (DTI, 2004).
Plusieurs autres projets sont également axés sur la science et la technologie. Certains sont des travaux d’experts, comme l’étude intitulée « Productive Nanosystems: A Technology Roadmap » (États-Unis, 2007 ; voir UT-Battelle [2007]), et la série d’études Delphi réalisée en Corée tous les cinq ans depuis 1994. D’autres sont des projets plus participatifs comme celui de la Russie sur les nanotechnologies (Russie, 2005 ; voir Gaponenko [2008]) et celui de la Pologne sur les nanotechnologies pour la Podlachie à l’horizon 2020 (Pologne, 2009-13 ; voir Kononiuk et al. [2012])5.
D’autres projets de prospective, privilégiant une démarche plus systémique, cherchent à proposer des visions de l’industrie ou, plus généralement des systèmes d’innovation ou de production, nationaux, régionaux ou sectoriels. Ainsi, le projet britannique intitulé « The Future of Manufacturing: A New Era of Opportunity and Challenge for the UK », achevé en 2013, a permis d’examiner les facteurs très divers influant sur l’avenir de la production manufacturière à l’horizon 2050 (Encadré 9.2). D’une durée de deux ans, ce projet de grande envergure a abouti à la publication de 37 rapports de référence, mobilisé les principaux acteurs du Royaume-Uni et fait intervenir environ 300 experts de l’industrie et du monde universitaire, dirigeants d’entreprises et autres parties prenantes de 25 pays, au moyen d’ateliers organisés sur trois continents (GOS, 2013).
Le programme japonais de prospective, d’abord exclusivement consacré aux technologies, a adopté dans ses cycles récents une approche plus large, englobant par exemple le marché, la santé, l’environnement, les compétences et la prise de participation lors de la présentation du plan de « relance de l’industrie japonaise » (Bureau du Premier ministre du Japon, 2013, 2014).
Aux États-Unis, l’Académie nationale d’ingénierie (National Academy of Engineering, NAE) a publié en 2015 un important rapport donnant une vue d’ensemble de la production manufacturière : « Making Value for America: Embracing the Future of Manufacturing, Technology, and Work » (Donofrio et Whitefoot, 2015). À la différence de l’étude prospective britannique sur l’avenir de la production, cette étude des États-Unis se fonde sur les travaux d’un groupe d’experts plus restreint (comité mis en place par la NAE, membres du personnel et contributions d’autres experts de la science et de la technologie).
Le projet « The Future of Manufacturing: A New Era of Opportunity and Challenge for the UK » a été lancé en 2011, dans le cadre du troisième cycle de prospective du Royaume-Uni1, sous le parrainage du ministre du Commerce, de l’Innovation et des Compétences.
Ce projet d’une durée de deux ans était placé sous la direction personnelle du conseiller scientifique principal du gouvernement. Le groupe de haut niveau d’acteurs de l’industrie (Industry High Level Stakeholder Group), composé de 34 représentants d’entreprises, d’administrations publiques, d’associations professionnelles, d’ONG et de syndicats et présidé par un secrétaire d’état, a fourni des conseils stratégiques. Le projet a été supervisé par un groupe pluridisciplinaire de neuf experts de haut niveau, présidé par le président d’une grande entreprise britannique, et composé essentiellement d’universitaires. Il a mobilisé non seulement les principaux acteurs du Royaume-Uni, mais aussi quelque 300 experts de l’industrie et du monde universitaire, dirigeants d’entreprises et autres parties prenantes de 25 pays, au moyen d’ateliers tenus en Asie, en Europe et aux États-Unis, tout en utilisant d’autres modes de consultation.
Les productions écrites se répartissent en 37 documents techniques évalués par les pairs, un rapport final de 250 pages et un rapport de synthèse de 54 pages, tous mis en ligne. Plusieurs facteurs influant sur les principales caractéristiques de la production à l’horizon 2050 ont été examinés, notamment de nouveaux modèles économiques, comme la « servicisation » du secteur manufacturier, l’expansion des chaînes de valeur, les grandes tendances et opportunités du marché, la relocalisation de proximité de la production au Royaume-Uni et la part croissante de la participation étrangère. Les effets probables de cinq technologies omniprésentes et de six technologies secondaires sont également décrits, ainsi que les caractéristiques des usines, des tendances environnementales et des compétences requises à l’avenir. Plusieurs types de déficits de financement sont également mis en évidence. Sur la base de cette vision systémique de l’avenir de la production manufacturière, le rapport final étudie en profondeur les conséquences de l’ensemble des facteurs et tendances à l’œuvre sur l’action publique. Plutôt que de formuler des propositions naïves reposant sur une simple extrapolation des tendances, il souligne la nécessité d’avoir une vue d’ensemble de la création de valeur dans le secteur manufacturier ; de mieux cibler le soutien apporté à certaines étapes de la production par une approche fondée sur les chaînes de valeur et une compréhensionsystémique des politiques scientifiques, technologiques et d’innovation, ainsi que des politiques industrielles ; et de renforcer la capacité des pouvoirs publics à évaluer et coordonner les politiques à long terme.
Ce projet n’a pas encore été évalué.
1. Le Royaume-Uni est l’un des premiers pays d’Europe à avoir utilisé la prospective, dès le début des années 90. Avec l’expérience acquise, les objectifs, les méthodes employées et l’organisation de ces activités ont évolué à chaque nouveau cycle. Le premier cycle (1993-98) visait à définir les priorités scientifiques et techniques pour l’ensemble du système de recherche britannique. Le deuxième (1999-2001) cherchait à encourager une plus large participation au dialogue sur les questions se rapportant aux entreprises, à mobiliser une plus grande variété de participants, et à élargir l’éventail des aspects pris en compte, notamment en accordant plus d’attention à la qualité de la vie. Dans le cadre du troisième cycle (2002 à aujourd’hui), le champ de l’analyse a considérablement évolué pour anticiper les changements de politiques et déterminer comment la science et la technologie peuvent répondre à des besoins directs et très ciblés (par exemple pour faire face aux inondations, à la cybercriminalité et à l’obésité). Le nombre de projets en cours simultanément a été ramené à trois ou quatre et leur durée d’exécution a également été réduite (à 12-18 mois). L’une des conditions préalables est désormais de disposer d’un parrainage solide, assuré par un homme politique ou un dirigeant de haut niveau déterminé à mettreen œuvre les recommandations émanant d’un projet donné. Voir Georghiou, Keenan et Miles (2010), Keenan et Miles (2008) et Miles (2005) pour une analyse en profondeur des cycles de prospective du Royaume-Uni.
Le Président des États-Unis a lancé en 2011 une autre initiative importante sous le nom d’Advanced Manufacturing Partnership (AMP). Après un premier volet couronné de succès qui a conduit à plusieurs recommandations (PCAST, 2012), un deuxième volet (AMP2.0) a été lancé en septembre 2013, et a donné lieu à d’autres recommandations publiées dans un rapport de 2014 (PCAST, 2014). Un suivi est assuré dans le cadre d’une initiative financée par l’administration des États-Unis, « MForesight: Alliance for Manufacturing Foresight » (Encadré 9.3).
Les États-Unis ont lancé l’AMP en 2011, en chargeant des entreprises, des universités, l’administration fédérale et d’autres acteurs de recenser les technologies émergentes pouvant créer des emplois de qualité dans la production manufacturière intérieure et renforcer la compétitivité mondiale des États-Unis.
Le comité de direction de l’AMP a défini cinq axes de travail aux objectifs distincts : mise au point de technologies ; infrastructures et installations partagées ; éducation et développement des compétences de la main-d’œuvre ; politiques publiques ; et vulgarisation. Des rapports d’information ont été produits sur ces différents thèmes. De vastes consultations avec les parties prenantes ont été organisées de façon à recenser les possibilités d’investissement dans la production avancée de nature à transformer l’industrie des États-Unis. Quatre réunions régionales tenues dans différents États ont rassemblé 1 200 participants de l’industrie et du monde universitaire. Le sixième rapport d’information a fait la synthèse des principaux enseignements à tirer de ces réunions. La deuxième phase de l’AMP a commencé en septembre 2013.
Deux grands rapports ont été publiés par le comité de direction de l’AMP. Le premier, intitulé « Capturing Domestic Competitive Advantage in Advanced Manufacturing » (PCAST, 2012) s’attache aux trois piliers sur lesquels s’appuyer afin de créer les conditions nécessaires pour que les États-Unis conservent leur place de chef de file des techniques de fabrication avancée : faciliter l’innovation (six recommandations) ; se doter d’un réservoir de talents (six recommandations), et améliorer le climat des affaires (quatre recommandations). Les recommandations formulées portent notamment sur les points suivants : mettre au point un modèle d’évaluation, de hiérarchisation et de recommandation concernant les investissements fédéraux à réaliser dans les technologies de production avancées ; s’appuyer sur des partenariats public-privé, en particulier sur le Réseau national d’innovation dans l’industrie manufacturière (National Network for Manufacturing Innovation, NNMI), pour faire avancer les technologies à fort impact et les modèles de collaboration englobant le développement des technologies, les infrastructures d’innovation et la valorisation des compétences de la main-d’œuvre ; et se servir de l’intervention publique pour accroître l’investissement privé dans la production avancée aux États-Unis.
Le deuxième rapport, « Accelerating US Advanced Manufacturing » (PCAST, 2014), utilise aussi les trois piliers définis au cours de la phase 1 pour organiser ses 11 recommandations. Celles-ci concernent : la gouvernance des politiques publiques (élaboration d’un plan national sur les technologies de production émergentes et création d’un consortium consultatif, et d’une structure commune de gouvernance du NNMI) ; de nouvelles infrastructures de recherche et développement (R-D) public-privé sur la production ; des procédures et normes (par exemple sur l’interopérabilité des technologies et la cybersécurité) ; la transformation de l’image de la production dans le but d’attirer les talents ; l’éducation et le développement des compétences, ainsi qu’un système d’attestations des compétences reconnues au niveau national, transférables et combinables ; l’amélioration des flux d’information sur les technologies, les marchés et les chaînes d’approvisionnement en direction des petites et moyennes entreprises (PME) ; l’atténuation du risque associé au développement des technologies avancées de production par la création d’un fonds d’investissement public-privé à cette fin, ainsi que l’amélioration des échanges d’information entre les partenaires stratégiques, l’administration et les producteurs et la mise en place d’incitations fiscales destinées à encourager les investissements dans la productionmanufacturière. Le rapport comporte également une recommandation sur la mise en œuvre invitant le Conseil économique national (National Economic Council) et le Bureau de la politique scientifique et technologique (Office of Science and Technology Policy) à présenter au Président un ensemble de recommandations dans un délai de 60 jours.
Pour faire suite aux recommandations du premier rapport de l’AMP, un plan stratégique intitulé « A National Strategic Plan for Advanced Manufacturing » a été publié en février 2012 ; une équipe interdisciplinaire formée sous le nom de Advanced Manufacturing National Program Office (AMNPO) a été chargée de coordonner les initiatives transversales et d’y collaborer ; les financements fédéraux destinés à la R-D en production avancée ont augmenté de près de 20 % au cours de l’exercice 2013 ; des instituts pilotes se consacrant à ces technologies ont été ouverts ; et le système de brevets a été réformé (d’autres impacts sont présentés dans le rapport PCAST [2014]).
Le suivi de l’AMP a été assuré par une initiative financée au moyen de fonds publics et appelée « MForesight: Alliance for Manufacturing Foresight ». Créée en 2015, celle-ci vise à représenter la communauté nationale de la production avancée, en communiquant aux pouvoirs publics des informations et des analyses sur les nouvelles technologies, la formation de la main-d’œuvre et les possibilités de partenariats public-privés qui renforcent la compétitivité des États-Unis. Elle s’est fixé six objectifs principaux :
Recenser et hiérarchiser les technologies dont le développement et l’expansion sont intéressants.
Préparer des rapports sur les nouvelles technologies dans la perspective d’investissements futurs.
Recenser et partager les exemples de réussite en matière de commercialisation de technologies et de développement des compétences de la main-d’œuvre.
Faire part aux entreprises, aux pouvoirs publics et aux établissements universitaires des possibilités et des défis qui se présentent dans la production avancée.
Promouvoir les possibilités de carrière dans l’ingénierie et la production avancée.
Diffuser les résultats des prévisions sur la technologie pour aider la communauté manufacturière des États-Unis à conserver une longueur d’avance.
Ces objectifs doivent être atteints au moyen d’ateliers publics interactifs, de petites réunions d’experts et de tables rondes virtuelles, de la publication de rapports, d’articles, de la présentation d’exposés à l’occasion de conférences et de l’utilisation des réseaux sociaux1.
1. Pour plus d’informations, voir http://mforesight.org/about-us/.
Pour résumer, les pays ont appliqué une multitude d’approches et de méthodes pour définir les opportunités et les défis qui pourront résulter de la prochaine révolution de la production et s’y préparer. Compte tenu de l’interdépendance des technologies, des processus et des nouveaux modèles économiques, une approche systémique de la prospective semble plus appropriée qu’une focalisation plus étroite sur les questions scientifiques et technologiques. En outre, les approches participatives permettent à des acteurs du secteur de l’innovation et de la société d’apporter un ensemble beaucoup plus riche de connaissances, d’expérience, de valeurs, d’aspirations, de perspectives et de stratégies à l’appui de l’analyse des évolutions technologiques, économiques, sociales et éventuellement environnementales. Les projets plus limités exécutés par des experts présentent cependant un avantage important dans certains cas : ils donnent normalement des résultats plus rapides pour un coût plus faible.
Cette section présente les avantages potentiels de la prospective – en envisageant ses effets attendus et inattendus – et analyse six possibilités différentes de contribution de l’exercice prospectif à la formulation et à la mise en œuvre des politiques.
Comme le montrent diverses études (Havas, Schartinger et Weber [2010] et Cassingena Harper [2016], par exemple), la prospective peut aider les décideurs à faire face aux incertitudes de l’avenir. Elle peut faciliter la formulation des politiques grâce à la production de rapports analysant la dynamique du changement, les défis à venir et les solutions à envisager sur le plan de l’action publique. Ces analyses aident les responsables des politiques à définir les questions à traiter et à concevoir les politiques. Elles peuvent ainsi fournir l’assise de politiques plus efficaces, encourager la pensée systémique, donner un nouveau cadre aux enjeux de l’action publique et transformer les préoccupations à long terme en priorités urgentes. La prospective peut aussi renforcer l’efficacité de la mise en œuvre des politiques en facilitant la mobilisation et l’entente des principaux acteurs et en soutenant la coordination des politiques. Elle peut ainsi compléter les instruments traditionnels qui abordent l’action publique selon une approche descendante, en influant sur l’état d’esprit des parties prenantes au processus et en préparant ainsi le terrain pour des actions et stratégies complémentaires.
Pour que ces avantages se matérialisent, la prospective doit agir sur différents plans :
sur le plan cognitif, pour contribuer à préparer les populations aux changements possibles (nouveaux contextes, nouveaux processus socio-économiques), ce qui fait intervenir de nouveaux modes de réflexion
sur le plan procédural, pour contribuer à l’évolution des processus de préparation des décisions, par exemple en y associant des acteurs plus nombreux et plus divers
sur le fond, pour transformer réellement le contenu des politiques
sur le plan des changements structurels et/ou organisationnels.
Il s’agit là des effets attendus de la prospective, mais il n’est pas du tout certain qu’ils se concrétiseront. Les facteurs et conditions essentiels pour tirer parti de la prospective sont examinés dans une autre section.
Il faut aussi envisager les effets attendus en tenant compte du cadre de gouvernance dans lequel s’inscrit la prospective. Par essence, l’exercice de prospective peut renforcer le système de gouvernance des politiques en place ou contribuer à le transformer. La perception des problèmes préliminaires influe ainsi sur la conception de l’exercice prospectif. En particulier, le cadre de référence est essentiel, c’est-à-dire la façon dont le problème est circonscrit et la nécessité ou non de renforcer ou de transformer le système de gouvernance des politiques en place ou d’autres parties du système d’innovation.
Aux effets attendus peuvent aussi s’ajouter des effets imprévus, positifs et négatifs. Par nature, ceux-ci sont rarement anticipés : ils résultent souvent d’influences indirectes ou inconnues. L’évolution de l’état d’esprit des responsables de l’action publique et d’autres parties prenantes sous l’effet de l’activité de prospective peut contribuer par exemple à accroître ou développer des capacités de réflexion stratégique qui peuvent être utiles également dans d’autres domaines d’action. C’est aussi le cas des nouveaux réseaux constitués et des connaissances créées.
Le recensement et l’interprétation des effets de la prospective soulève le problème bien connu de l’attribution. Il est possible que d’autres facteurs que la prospective agissent aussi sur les politiques et que la prospective ne fasse que consolider et intégrer des initiatives isolées déjà en place depuis un moment, de sorte que ses effets réels sont souvent difficiles à observer et à mesurer avec précision. Le problème de l’attribution se pose tout particulièrement dans le cas des effets de grande envergure, par exemple sur les résultats économiques. L’influence s’exerce par des voies multiples et indirectes, et de nombreux autres facteurs entrent en jeu. Le moment où se font sentir les effets attendus présente aussi beaucoup d’importance : si certains sont presque immédiats, d’autres peuvent mettre beaucoup de temps à se manifester6.
Il est difficile de déterminer comment s’exercent les impacts observés (Georghiou et Keenan, 2006). Dans la littérature consacrée à la prospective, le « processus » est souvent présenté comme (au moins) aussi important que les « produits », c’est-à-dire les rapports, listes de priorités, recommandations ou feuilles de route (Amanatidou et Guy, 2008). En effet, le processus est plus à même que tout rapport de modifier l’état d’esprit des décideurs et de contribuer à la constitution de nouveaux réseaux (même s’il ne faut pas nier l’influence des rapports et recommandations bien écrits)7.
La prospective consiste à explorer différents scénarios possibles pour l’avenir. En période d’incertitudes, il faut penser l’avenir comme un faisceau de possibilités pour concevoir des politiques qui permettront de faire face à l’imprévu. L’expérience de Shell au début des années 70 en est un exemple bien connu : ayant envisagé une crise pétrolière parmi les scénarios possibles, l’entreprise était mieux préparée que ses concurrents à faire face à cette situation lorsqu’elle s’est produite (Jefferson, 2012 ; Shell, 2013). La prospective peut aussi contribuer à une plus grande efficacité des politiques en associant au dialogue sur l’action publique des participants d’horizons divers, de façon à exploiter leurs vastes connaissances, leurs expériences complémentaires, leurs aspirations et leurs idées. Les pouvoirs publics finlandais, par exemple, ont établi leur rapport de prospective, « Long-term Climate and Energy Policy: Towards a Low-carbon Finland » (2009) sur la base d’un processus participatif, en invitant des acteurs aux horizons et aux intérêts divers à étudier quatre scénarios différents qui proposaient des solutions diverses pour une Finlande sobre en carbone, présentant des conséquences différentes pour l’industrie, les consommateurs et l’administration. Le projet a abouti en définitive à un dialogue entre le gouvernement et le Parlement sur l’avenir du pays et a fourni les fondements de stratégies applicablesau-delà des cycles parlementaires.
Dans un monde complexe, les phénomènes ne peuvent être compris isolément, mais doivent être envisagés dans leur contexte, compte tenu de différents points de vue. La prospective, de par sa nature participative, offre un moyen d’intégrer différentes perspectives dans l’étude des scénarios d’avenir possibles et de mettre en évidence les influences qui s’exercent et les conséquences des aspects étudiés. Le projet prospectif britannique, « The Future of Manufacturing: A new era of opportunity and challenge for the UK » en a donné récemment un bon exemple, en examinant plusieurs facteurs qui influent sur l’avenir de la production à l’horizon 2050 (Encadré 9.2). Le rapport étudie les effets de ces facteurs et tendances sur l’action publique. Il souligne la nécessité d’adopter une vision intégrée de la création de valeur dans le secteur manufacturier ; de mieux cibler le soutien apporté à certaines étapes de la production par une approche fondée sur les chaînes de valeur et une compréhension systémique des politiques scientifiques, technologiques et d’innovation, et des politiques industrielles ; et de renforcer la capacité des pouvoirs publics à évaluer et coordonner les politiques à long terme. Le processus lui-même peut avoir des effets systémiques, dans la mesure où le dialogue renforce les réseaux d’acteurs en place ou en crée de nouveaux, et accentue l’orientationprospective de la réflexion. Les méthodes participatives utilisées dans la prospective peuvent aussi transformer toute la culture décisionnelle, en particulier pour ce qui est des politiques d’enseignement, de production industrielle et d’innovation.
Le projet AMP des États-Unis adopte aussi une démarche systémique en soulignant l’importance des structures, processus et normes de gouvernance, de l’acquisition et de la reconnaissance des compétences, des facteurs financiers et autres qui limitent les investissements dans les technologies avancées, des capacités d’élaboration de stratégies des PME et de la constitution de réseaux entre les partenaires stratégiques (Encadré 9.3). De même, le rapport « Making Value for America: Embracing the Future of Manufacturing, Technology, and Work » (Donofrio et Whitefoot, 2015), ainsi que l’étude sur la relance de l’industrie japonaise (« Revitalization of Japanese Industry », Bureau du Premier ministre du Japon, 2013, 2014), envisagent la production manufacturière dans un contexte général.
Les administrations ont tendance à s’organiser en fonction de domaines de compétences bien établis et strictement délimités. Il est souvent difficile dans un tel environnement de trouver une place pour des domaines de recherche pluridisciplinaires ou de nouvelles modalités de délimitation entre eux (par exemple en passant de la recherche à visée scientifique et technologique à des projets de recherche et d’innovation axés sur des problèmes de société). Les processus de prospective peuvent aider non seulement à encadrer différemment les enjeux de l’action publique, mais aussi à susciter des innovations sur le plan de l’organisation. Ceux qui y prennent part pourraient conclure par exemple que le cloisonnement des domaines de réflexion qui prédominent dans les cercles gouvernementaux gêne la coordination des diverses mesures publiques qui doivent être alignées pour apporter une réponse efficace face à ces grands enjeux.
Le programme de prospective du ministère fédéral allemand de l’Éducation et de la Recherche (BMBF) constitue un exemple intéressant à cet égard (Encadré 9.4) : il cherche à recenser de nouveaux domaines d’intervention de la recherche et à définir des questions transversales et des sujets interdisciplinaires qui méritent l’attention. Deux de ces nouveaux domaines d’avenir, « Coopération en matière de technologies humaines » et « Production-consommation 2.0 », ont acquis une grande visibilité dans le débat public, déclenché d’intenses discussions sur l’avenir de l’industrie manufacturière en Allemagne, et finalement contribué à l’apparition et à la formulation de la notion désormais connue sous le nom de « Industrie 4.0 ». L’un d’eux a par la suite donné naissance, en 2010, à une nouvelle division du BMBF appelé « Évolution démographique et coopération en matière de technologie humaine ».
Le programme allemand de prospective du BMBF (BMBF Foresight) a été lancé en 2007, et des travaux de suivi ont eu lieu en 2012. Il reposait sur les activités antérieures de prospective du BMBF et utilisait différentes méthodes (technologies clés, Delphi, Processus FUTUR). Il doit être envisagé dans le cadre de la stratégie allemande en matière de technologies de pointe (visant à concentrer les efforts de recherche sur les domaines prometteurs) et de l’Initiative Excellence (qui octroie des financements complémentaires aux universités et centres de recherche de premier plan). Les principaux objectifs de l’exercice 2007 étaient les suivants :
Recenser les nouveaux domaines d’intervention de la recherche et de la technologie auxquels le BMBF devrait s’intéresser.
Définir des questions transversales et des sujets interdisciplinaires appelant davantage d’attention.
Contribuer à former des partenariats stratégiques entre différents services du ministère et différents groupes d’acteurs du système d’innovation, pour qu’ils puissent étudier ensemble les questions et sujets retenus de façon stratégique.
Proposer des mesures concrètes prioritaires à adopter pour promouvoir les domaines en question.
BMBF Foresight, coordonné par une équipe d’experts extérieurs, a eu recours à des méthodes d’analyse et d’étude très diverses, telles que : enquêtes d’experts, participation à des cycles de réflexion critique ou formulation conjointe de conseils pour l’action publique. Une première phase largement analytique a conduit à la réalisation d’un panorama des sujets émergents. Une étude Delphi en ligne est venue ensuite le consolider, suivie d’une série d’ateliers destinés à en assurer l’interprétation nécessaire. Le processus a fait apparaître 14 thèmes de recherche et d’innovation à venir et sept domaines transversaux. En outre, des propositions ont été faites sur les acteurs à prendre en compte, les partenariats à former et les mesures à prendre.
Les résultats du programme ont été rassemblés dans deux rapports principaux : Warnke (2009a), Cuhls, Ganz et Warnke (2009a) et Cuhls, Ganz et Warnke (2009b).
L’un des domaines transversaux les plus visibles, nommé ProductionConsommation 2.0, regroupe les évolutions technologiques et sociales à venir dans toute la chaîne production-consommation. Si les thèmes de recherche pour l’avenir ont pu s’intégrer assez facilement dans la stratégie et les politiques du ministère, en particulier la stratégie sur les technologies de pointe, il a été beaucoup plus difficile d’intégrer les domaines transversaux. En effet, il n’est pas aisé d’aborder des questions transversales alors que les terrains d’action des disciplines scientifiques et techniques sont clairement délimités et qu’une culture assez monolithique limite l’ouverture aux démarches interdisciplinaires.
Cependant, l’intégration des futurs domaines transversaux à forte teneur en innovation dans un processus qui permet aussi d’obtenir certains résultats rapides sur des thèmes de recherche et d’innovation plus traditionnels constitue probablement une approche judicieuse. Certains enseignements non conventionnels se sont ainsi dégagés dans un contexte qui favorisait plutôt les thèmes de recherche et d’innovation conventionnels.
Le programme BMBF Foresight a réussi à éviter le destin de plusieurs projets de prospective mis en place dans d’autres pays où les changements de gouvernement ont beaucoup réduit la probabilité que les résultats obtenus soient pris en compte par les nouveaux responsables en poste. En mettant l’accent sur des thèmes émergents présentant un potentiel d’exploitation important, il a laissé suffisamment de place à des choix politiques correspondant à différents types de processus d’élaboration de stratégies.
En outre, les échanges étroits instaurés avec les organes de tutelle de BMBF Foresight faisaient partie intégrante du projet dès la conception. Il était prévu que l’équipe de prospective engage un dialogue approfondi avec les différents services intéressés du BMBF. Ces interactions auraient pu donner lieu à la recherche et la découverte laborieuses de nouveaux sujets, mais elle a renforcé la concertation et le débat dans et entre les services gouvernementaux.
Enfin, même les résultats les moins exploités de BMBF Foresight se sont révélés utiles à l’élaboration des politiques par la suite, en constituant un « réservoir d’informations » à l’appui de changements systémiques ultérieurs. Dans l’intervalle, l’administration a acquis de l’expérience sur la bonne utilisation de la prospective.
Définir les actions à mener amène à décider quels sont les aspects de l’action publique qui méritent le plus d’attention. Il faut recenser, choisir et préciser les priorités. L’inscription d’un problème donné parmi les priorités dépend du caractère d’urgence qui lui est conféré.
La prospective peut être utile à différents égards pour définir les actions à mener, en montrant pourquoi une question qui semble se poser à long terme peut nécessiter une attention immédiate. Tout d’abord, elle contribue à modifier la perception des enjeux à long terme, en les transformant parfois en problèmes urgents. Elle peut ainsi servir à expliquer pourquoi des questions qui se posent à longue échéance doivent être mises d’urgence à l’ordre du jour des programmes d’action d’aujourd’hui.
En outre, en rapport avec les perspectives à long terme inhérentes à la prospective, de nouvelles explications destinées à soutenir et justifier les interventions à venir peuvent être mises au point dans le cadre de la prospective pour fournir des arguments à l’appui de l’intervention des pouvoirs publics. Dans le cas des rapports de prospective finlandais, cet effet a été obtenu et renforcé par le dialogue instauré entre le Parlement et les pouvoirs publics au moment de l’élaboration des rapports. Les enjeux à longue échéance (changement climatique, compétitivité et bien-être social par exemple) ont été placés au premier rang des priorités, en partie du fait de l’attention portée aux rapports de prospective correspondants.
Enfin, les visions d’avenir contribuent souvent largement à rendre les enjeux à long terme plus tangibles, dans la mesure où elles servent de source d’inspiration et d’orientation pour l’établissement des priorités et les argumentations correspondantes (voir les exemples présentés dans l’Encadré 9.5).
En dehors de l’exploration des scénarios possibles pour l’avenir, la plupart des activités de prospective visent à faire émerger une communauté de vues autour d’un scénario souhaitable. Ces visions, et les feuilles de routes qui les accompagnent, peuvent être le moyen de réunir les principales parties intéressées autour d’un programme d’action commun. Leur principal intérêt est de contribuer à réduire les incertitudes concernant les ambitions des partenaires et concurrents, et de faciliter ainsi les décisions d’investissement à long terme. En outre, lorsque les participants aboutissent à une vision commune, chacun peut s’attendre à ce que la plus grande partie des autres intervenants prenne des mesures pour parvenir aux objectifs retenus, et par conséquent fassent coïncider leur actions futures avec le scénario qu’ils ont conjointement désigné comme souhaitable. La première tentative de mise en place de telles visions communes de l’industrie manufacturière au niveau de l’UE est le projet FutMan (Future of manufacturing in Europe 2015-2020 – the challenge for sustainable development), mis en œuvre de 2001 à 2003 (Geyer et al., 2003). Celui-ci consistait à élaborer et étudier différents scénarios d’avenir pour l’industrie manufacturière, ainsi que les principaux éléments d’une vision commune de l’UE. Il est intéressant de constater que le projet a correctement anticipé certaines évolutions technologiques, comme la fabrication additive (impression 3D). Les résultats obtenus ont contribué à la création de la plateforme technologique européenne MANUFUTURE, qui rassemble les principales parties prenantes du monde universitaire et de l’industrie. La vision et le programme de recherche stratégique de MANUFUTURE ont été étayés par la suite par le projet de suivi de FutMan, appelé ManVis.
« Une adaptabilité constante dominera tous les aspects de l’industrie manufacturière, de la recherche-développement à l’innovation en passant par les processus de production, l’interdépendance entre fournisseur et consommateur, et l’entretien/la réparation pendant toute la durée de vie du produit. Les produits et processus seront durables, et la réutilisation, le remanufacturage et le recyclage des produits arrivant au terme de leur durée de vie utile seront intégrés au départ. Des systèmes en circuits fermés permettront d’éliminer le gaspillage d’énergie et d’eau et de recycler les déchets ». (Extrait de « A new vision for UK manufacturing » présenté dans GOS [2013], p. 6.)
« Une nouvelle génération de technologies d’information de réseaux, d’analyses de données et de modélisation prédictive offre des capacités sans précédent et permet d’accéder à des possibilités, inimaginables jusqu’à présent, d’utilisation de données et d’information, non seulement pour l’avancement de technologies, matériaux et produits nouveaux, mais aussi la mise en place de modalités de production nouvelles porteuses d’améliorations radicales. (…) Nous pensons que cette intégration grâce à l’ASCPM [Advanced Sensing, Control, and Platforms for Manufacturing] améliorera la productivité, la souplesse au niveau des produits et des processus, la viabilité de l’environnement, l’utilisation de l’énergie et des matières premières, les performances en matière de sécurité et les résultats économiques – et renforcera ainsi la compétitivité des usines des États-Unis, petites ou grandes, simples ou complexes. En particulier, l’application généralisée des technologies ASCPM présente un grand potentiel pour la production à forte intensité énergétique et l’utilisation de l’analyse de données massives à l’appui des décisions de l’industrie manufacturière. (…) »
« La visualisation, l’informatique et la fabrication numérique (VIFN) forment au niveau de l’entreprise un ensemble de méthodes de fabrication intelligente intégrées et transversales qui s’appuient sur les avancées en cours des systèmes et outils des technologies de l’information ; elles amélioreront la compétitivité de la production des États-Unis en assurant l’efficacité de la chaîne d’approvisionnement de bout en bout, une flexibilité sans précédent et une gestion optimisée de l’énergie, pour la fabrication « zéro défaut » de produits et composants personnalisés à partir de modèles numériques, au moment et à l’endroit voulus. (…) Nous pensons que la VIFN (…) va modifier rapidement la manière dont l’industrie manufacturière utilise et échange l’information pour prévoir, soutenir, acquérir, livrer et fabriquer des produits commerciaux aux États-Unis. (…) »
« Notre ambition pour l’avenir est que les États-Unis forment une main-d’œuvre capable d’inventer, d’adapter, d’entretenir et de recycler des matériaux essentiels aux infrastructures, à la défense, aux soins médicaux et à la qualité de vie dans le pays. Cette ambition accélérera aussi la transition vers une plus grande maturité de la technologie et de la fabrication, pour une intégration plus rapide et plus large dans l’industrie ». (Extraits de PCAST [2014] p. 67-70.)
La prospective vise en général à mettre en évidence des enjeux à venir souvent communs aux domaines d’intérêt public établis. L’implication de participants appartenant à des domaines d’action publique différents susceptibles d’être touchés par ces évolutions nouvelles peut passer par un dialogue qui transcende les frontières des domaines en question. Ce dialogue peut contribuer à une perception commune des nouveaux défis et à des stratégies complémentaires, sinon conjointes, pour y faire face. La coordination des politiques peut être encouragée sur un plan horizontal (c’est-à-dire entre les domaines d’intervention ou entre la représentation parlementaire et le gouvernement) aussi bien que vertical (entre les ministères et les organes d’exécution). Le projet FinnSight 2015, conduit en 2006, illustre ces deux aspects (Encadré 9.6). Il s’intéressait aux facteurs influant fortement sur les entreprises et la société finlandaises, et au recensement des domaines d’expertise pouvant favoriser le bien-être et la compétitivité, et a enrichi le dialogue entre les pouvoirs publics et le Parlement sur ces questions. En outre, ses résultats ont non seulement aidé les deux organisations chargées de la mise en œuvre, l’Académie de Finlande et l’Agence nationale de technologie (Tekes), à mettre au point leurs stratégies respectives, mais ont aussi contribué par la suite à la création des Centres stratégiquespour la science, la technologie et l’innovation (comme CLEEN Oy, le pôle environnement et énergie).
Les rapports de prospective publiés par la Finlande sont établis depuis 1992 par le bureau du Premier ministre et un groupe de réflexion spécial. Ils font l’objet de débats dans les services gouvernementaux, puis sont présentés et examinés par le Parlement finlandais la deuxième année de chaque législature. L’édition 2006 du rapport de prospective – FinnSight 2015 – était consacrée à l’avenir de l’industrie. FinnSight 2015 visait à mettre en évidence les facteurs de changement et les défis à relever dans la recherche et l’innovation, en analysant les domaines d’expertise favorisant le bien-être dans la société et la compétitivité des entreprises au moyen d’activités de recherche scientifique et d’innovation (Académie de Finlande et Tekes, 2006).
Le projet FinnSight 2015 a été mis en œuvre conjointement par l’Académie de Finlande et la Tekes. Centré sur les facteurs de changement pouvant influer sur les entreprises et l’industrie ainsi que sur la société finlandaise à l’horizon 2015, il les a recensés en les rapprochant des domaines de compétence en Finlande, et a proposé des domaines dans lesquels des compétences particulières devaient être développées. Il s’est appuyé essentiellement sur les travaux de dix groupes sectoriels d’experts représentant des organisations professionnelles et de la société civile. Les groupes d’experts ont réalisé une étude qualitative des facteurs de changement ainsi que des évaluations en ligne semi-quantitatives. Les interactions entre groupes ont permis de mettre en évidence les domaines transversaux.
L’important rapport adressé au Parlement (Académie de Finlande et Tekes, 2006), principale production du projet, a alimenté les débats parlementaires, mais aussi déclenché des débats publics et une réflexion stratégique dans les entreprises et les pôles d’activité finlandais.
Ces rapports de prospective des pouvoirs publics permettent de placer des questions d’avenir parmi les priorités de l’action publique. Ce processus s’accomplit directement lorsque les rapports sont pris en compte dans les débats parlementaires et/ou publics (et indirectement lorsque les experts de la prospective contribuent à l’élaboration des rapports). Bien qu’il soit difficile de confirmer leur influence directe sur la formulation des politiques, certains éléments indiquent que les récents rapports finlandais ont renforcé la connaissance et l’importance de la réflexion prospective dans le pays. Leur caractère institutionnel, le soutien qui leur est accordé au plus haut niveau par le gouvernement et le Parlement, leur solidité méthodologique et leur grande ouverture aux meilleures connaissances disponibles dans le pays contribuent à renforcer leur influence sur la définition des priorités. Établis à haut niveau, ces rapports contribuent également à assurer la continuité des programmes d’action d’un gouvernement à l’autre.
Les rapports de prospective des pouvoirs publics exercent aussi une influence au-delà de la sphère publique. FinnSight 2015, par exemple, a joué un rôle important dans la création des Centres stratégiques pour la science, la technologie et l’innovation. Les résultats obtenus ont aussi servi à renforcer les travaux stratégiques de l’Académie de Finlande et de la Tekes.
La Finlande possède une culture bien développée de la prospective et une capacité d’absorption élevée dans ce domaine. Un réseau gouvernemental de prospective relie les nombreux services et organismes publics dotés d’unités de prospective qui réalisent régulièrement des études. En outre, les acteurs concernés sont bien conscients des principaux obstacles et pièges associés aux exercices de prospective conduits par les pouvoirs publics, et y accordent une grande attention. Il s’agit notamment des obstacles suivants :
surabondance d’informations du fait de l’ouverture et du partage de l’information
réticence à publier les données résultant des travaux de prospective
bureaucratie excessive décourageant la participation
échec de la recherche d’experts compétents avec lesquels travailler
médiocre qualité des informations et analyses de base
manque de cohérence de la conception du processus
manque de continuité des interactions avec les utilisateurs des résultats de la prospective
prospective perçue comme inutile par la société.
En résumé, la prospective peut avoir toutes sortes d’impacts directs et indirects sur les activités d’innovation et par conséquent sur les performances économiques. Par les avantages et les produits qui résultent du processus (rapports, visions d’avenir, recommandations, feuilles de route par exemple), elle est appelée à agir sur la formulation des politiques. Cependant, compte tenu de la complexité des modes d’influence – dont témoignent le simple nombre et la diversité des parties prenantes aux processus de prospective puis à l’élaboration des politiques – il apparaît difficile d’établir un lien clair et direct entre un processus de prospective donné et son impact sur les politiques.
En outre, l’influence possible et les impacts attendus de la prospective varient selon le type d’analyse réalisée. Les processus participatifs mobilisent un ensemble plus vaste de connaissances, d’expériences, d’aspirations et de visions du monde qu’un projet fondé sur des experts. On peut s’attendre à ce qu’ils produisent des idées plus nouvelles et originales, mieux étayées compte tenu de la diversité des points de vue, dans la mesure où elles sont mises à l’épreuve et examinées de façon approfondie sous différents angles. De plus, les processus participatifs sont plus susceptibles d’aboutir à une meilleure compréhension des défis à long terme et de leurs répercussions sociales, environnementales et économiques. Les politiques se trouvent ainsi mieux étayées tandis que leur crédibilité et leur légitimité sont renforcées. Il est alors possible de coordonner en connaissance de cause un plus vaste ensemble de politiques et d’en accroître l’efficacité.
De toute évidence, l’analyse prospective axée sur l’innovation et les systèmes de fabrication est amenée à envisager un éventail plus large de questions que les projets centrés sur la science et la technologie, et à avoir des répercussions bénéfiques sur l’élaboration comme sur la mise en œuvre des politiques. Compte tenu de la complexité des enjeux – du fait de l’interdépendance des opportunités et défis technologiques, économique, sociétaux et environnementaux – de la prochaine révolution de la production, il semble plus adapté de se fonder sur une approche systémique pour l’élaboration des mesures à prendre face à ces changements radicaux et profonds. Les études de cas présentées dans les encadrés de ce chapitre le confirment. Dans certains contextes, une analyse prospective centrée sur la science et la technologie peut néanmoins être utile également. Il doit cependant être clair dès le départ que les avantages et les impacts mis en évidence par cette approche seront différents et nécessairement plus limités.
Cette section est consacrée aux principaux facteurs à prendre en compte pour tirer profit de la prospective. Il s’agit surtout de facteurs politiques et stratégiques ainsi que de considérations méthodologiques diverses.
L’une des conditions fondamentales de l’efficacité de la prospective est de s’adresser à un client motivé, c’est-à-dire à une organisation ou un ensemble d’organisations détenant des compétences décisionnelles, ouvertes aux recommandations résultant de l’exercice de prospective et prêtes à y donner suite (y compris en jouant le rôle de « champion de la prospective » si d’autres entités doivent être associées à la prise de décision). Si cet engagement n’existe pas, l’essentiel du temps et des efforts consacrés au processus de prospective sera gaspillé, de même que l’argent public dépensé pour faire face aux coûts d’organisation et autres frais. À titre d’exemple, le deuxième cycle du programme de prospective du Royaume-Uni (1999-2001) n’a pas eu beaucoup de retombées, pour deux raisons principales : il comportait trop de projets sans objectifs clairs ; et il manquait de clients – ou « propriétaires » de projets – ayant expressément besoin de régler un problème de politique publique au moyen d’un exercice prospectif. Ayant tiré les leçons de l’expérience, le troisième cycle, lancé en 2002 (et toujours en cours au moment de la rédaction de cet article), ne compte plus que trois ou quatre projets en cours simultanément, et tous sont « parrainés » par un ministre qui préside en général le groupede parties prenantes chargé de la supervision des travaux. Ce ministre s’approprie ainsi le projet et se trouve prêt à appliquer les propositions qui en résultent. S’il n’était pas activement associé à leur formulation, des idées tout aussi valables pourraient être perçues comme des recommandations provenant « d’étrangers », et auraient probablement moins de chances d’être mises en œuvre (Encadré 9.2).
Il convient aussi de mettre au point un plan cohérent en coopération étroite avec le(s) client(s) pour déterminer l’axe général, les principaux objectifs, l’échéance et la portée géographique du projet de prospective, ainsi que les participants et méthodes à retenir.
Les activités de prospective ont besoin d’un soutien durable pour porter leurs fruits : il faut du temps en effet – souvent plusieurs cycles de travaux – pour influer sur les politiques, les modes de pensée, la culture décisionnelle et les systèmes de gouvernance. Le projet « The Future of Manufacturing: A new era of opportunity and challenge for the UK », par exemple, a duré deux ans et exigé d’importantes ressources (Encadré 9.2). Dans d’autres cas, une succession de projets a été nécessaire : la plate-forme technologique européenne MANUFUTURE s’est appuyée sur les résultats de FutMan et ManVis (tous deux mentionnés plus haut) pour définir sa vision et son programme stratégique de recherche. Elle a apporté des informations à l’appui des éléments des programmes-cadres de recherche et de développement technologique de l’Union européenne en rapport avec la production, pour la mise en place d’un nouveau paradigme dans ce domaine. Le septième programme-cadre et Horizon 2020 auraient évolué différemment s’ils n’avaient pas été précédés des projets ManVis et FutMan. Ces dialogues stratégiques sont désormais facilités par le projet sur les systèmes de production intelligents (Intelligent Manufacturing Systems) qui s’étend sur trois continents (www.ims.org ;voir aussi Cagnin et Könnölä [2014]).
Dans les pays qui n’appliquent de programmes nationaux de prospective que de façon ponctuelle (la Grèce et la Hongrie par exemple), les possibilités d’en tirer profit restent limitées. Ce n’est pas le cas des pays qui ont à leur actif plusieurs cycles de prospective s’étendant sur une longue période (l’Allemagne, le Japon ou le Royaume-Uni par exemple, voir les encadrés 9.2 et 9.4)8.
La prospective reste dans de nombreux pays un moyen nouveau et inhabituel de réfléchir, de communiquer et de préparer des actions stratégiques, de sorte que l’apprentissage est essentiel dans ce domaine. Les rapports disponibles sur des cas réels, ainsi que les directives méthodologiques, aideraient certainement les responsables politiques, les professionnels de la prospective, les parties prenantes (en tant que participants potentiels) et les relais d’opinion à mieux comprendre et évaluer l’intérêt de la prospective, mais une connaissance approfondie passe nécessairement par la pratique. Étant donné que l’exercice de prospective ne peut s’appuyer sur un modèle unique qui en garantisse le succès, d’une part, et que les défis à relever et les opportunités à exploiter ne cessent d’évoluer, d’autre part, le processus d’apprentissage revêt une importance particulière. Les changements de grande envergure apportés au troisième cycle du programme de prospective du Royaume-Uni le montrent bien (Encadré 9.2). Autre exemple parlant, celui du programme de prospective du Japon, dont l’objectif exclusivement technologique des années 70 et 80 a évolué dans les derniers cycles vers une approche sociotechnique plus large. Ce changement d’orientation témoigne de l’évolution de la perception des relations entre technologie et société au Japon.
La dernière condition pour une prospective utile et de qualité est l’existence d’une culture de la prospective profondément enracinée. La mise en place d’une culture de la prospective est un processus long et exigeant, qui ne peut être planifié à l’avance au moyen d’échéances et d’étapes intermédiaires. Il faut pour cela soutenir en permanence la prospective ainsi que le processus d’apprentissage qui suit. Depuis 1992, par exemple, le gouvernement finlandais, sous la responsabilité du Premier ministre et avec l’aide de partenaires extérieurs, prépare une fois par législature un rapport de prospective destiné au Parlement national. Ces rapports renforcent la réflexion à long terme en Finlande, instaurent un dialogue entre le gouvernement et le Parlement sur les questions d’avenir présentant un intérêt au niveau national et fournit à l’action publique un cadre stratégique qui va bien au‐delà des cycles électoraux (Encadré 9.6). Dans des pays comme la Grèce, la Hongrie et la Turquie, en revanche, les changements de gouvernement empêchent la poursuite des programmes nationaux de prospective, et donc la création d’une culture de la prospective.
Pour être utile, la prospective doit faire partie intégrante du système de prise de décision (Encadré 9.2Encadré 9.6). Son calendrier, sa pertinence par rapport aux grands enjeux d’une société donnée et la coordination à assurer avec les autres politiques sont déterminants. Le programme allemand de prospective du BMBF (2007-09) s’est consacré aux enjeux et défis à venir, afin de soutenir les politiques scientifiques et technologiques du pays, en relation étroite avec sa stratégie en matière de haute technologie. Cette coordination a permis de mettre en évidence de nouveaux domaines de recherche et de technologie, de définir des enjeux transversaux et des thématiques interdisciplinaires auxquels prêter attention. Elle a aussi contribué à la mise en place de partenariats stratégiques à l’intérieur du BMBF et avec les acteurs du système national d’innovation (Encadré 9.4).
Il est important également de trouver un mode d’organisation qui puisse atténuer la contradiction inhérente à la double nécessité d’intégrer la prospective dans le processus décisionnel (pour obtenir un soutien politique), et d’en assurer l’indépendance intellectuelle (pour faciliter une réflexion créatrice). Il est difficile de concilier ces impératifs, et cette tension ne peut trouver de solution qu’en fonction du contexte. En Hongrie par exemple, compte tenu de l’héritage de la planification centrale, en particulier de ses éléments hiérarchiques, le gouvernement hongrois a décidé que le programme national de prospective technologique (TEP) (1998-2000) devait être dirigé par ses participants plutôt que par l’organe gouvernemental qui l’avait mis en place et financé, et bénéficier d’une grande autonomie. Le programme n’a donc pas été intégré dans les structures décisionnelles. En outre, l’organe gouvernemental qui l’avait établi n’avait pas le poids politique nécessaire pour convaincre les grands ministères de prendre des mesures en application des recommandations formulées par le TEP. Quelques-unes seulement ont été mises en œuvre, par un processus « lent et non linéaire » (Georghiou et al., 2004).
Pour que la prospective soit efficace, il est important d’étudier la relation entre sa conception (thématique principale, méthode et niveau de participation), et les caractéristiques du système de gouvernance de l’action publique dans lequel elle doit s’inscrire (en particulier la culture et les méthodes décisionnelle en vigueur, la détermination des décideurs à s’appuyer sur les résultats, l’existence de compétences et de pratique méthodologique et le niveau des capacités de réflexion stratégique). Souvent, l’exercice de prospective doit résonner avec le système de politique de gouvernance en place pour donner de bons résultats. La prospective doit être compatible avec la culture de la participation et respecter les limites institutionnelles et organisationnelles fondamentales. C’est habituellement le cas des activités de prospective destinées à fixer des priorités thématiques sans remettre en question les conditions structurelles et institutionnelles qui prévalent dans un domaine donné.
Cependant, il faut établir une distinction claire entre les activités de prospective visant à définir des priorités thématiques et celles qui visent à entraîner des changements systémiques (Havas et Weber, 2017). Cette distinction est déterminante dans le contexte de la prochaine révolution de la production, compte tenu de la nécessité d’apporter des modifications de fond aux structures organisationnelles, aux institutions et aux relations. Dans de tels cas, il convient plutôt de concevoir des modes de prospective porteurs de transformation qui contribuent à faire évoluer le système de gouvernance de l’action publique.
Cet argument montre aussi qu’il faut se faire une idée réaliste de l’ampleur des défis à relever avant de définir la portée et l’objet d’un exercice de prospective.
Les produits de la prospective doivent être adaptés aux besoins et aux modes de communication des publics visés. Aux documents de synthèse rapides et concis destinés aux décideurs de haut niveau doivent par exemple s’ajouter de solides rapports d’étude préliminaire et d’analyse. Il peut être important également de se servir des réseaux sociaux pour diffuser les résultats de la prospective s’ils visent principalement le grand public. L’adaptation des résultats de la prospective à des publics particuliers exige des compétences spéciales, par exemple pour la présentation de ces résultats sous forme de documents de synthèse.
On souligne souvent l’importance du processus de prospective en mettant l’accent sur les avantages complémentaires qu’il apporte grâce à la constitution de réseaux, à la mobilisation et à la coordination stratégique entre les participants, mais il offre aussi un excellent moyen de faciliter l’utilisation et l’adoption des recommandations formulées à l’issue de l’exercice de prospective. Ceux qui y ont participé sont les mieux à même d’en promouvoir les résultats (Jarmai, 2015).
Pour que la prospective soit utilisée avec succès dans la prise de décision, il faut qu’elle soit bien intégrée dans l’organisation (EFFLA, 2012). Cette condition comporte plusieurs facettes importantes, concernant notamment les structures et responsabilités dans l’organisation (qui est responsable ?), le rôle de la prospective dans les procédures de prise de décision (quand présente-t-elle une importance pour la prise de décision ?), les compétences du personnel dans le traitement et l’interprétation des activités de prospective (qui est compétent ?) et l’accès aux réseaux/pôles internes et externes de connaissances sur la prospective et les échanges qui s’effectuent avec eux (comment obtenir des connaissances en matière de prospective ?).
La conception et la gestion de l’exercice de prospective doivent tenir compte de tous les aspects mentionnés plus haut, mais en particulier : i) des moyens à utiliser pour intégrer la prospective dans les structures décisionnelles tout en assurant son indépendance intellectuelle ; et ii) du choix de l’approche, des participants et des méthodes à privilégier. En outre, il est essentiel de concevoir et de mettre en œuvre une stratégie de communication adaptée à l’objectif général et au public visé en premier lieu (responsables politiques uniquement ou principales parties prenantes, organisations de la société civile et grand public).
Le contexte général – en particulier la culture et les méthodes de prise de décision, ainsi que les compétences et l’expérience méthodologiques disponibles – détermine : i) où implanter l’unité de gestion ; et ii) quels rôles et responsabilités conférer aux experts extérieurs, facilitateurs et professionnels de la prospective.
Comme dans tout projet financé par des fonds publics, les aspects opérationnels – préparation du budget et respect des limites financières, indication des échéances et observation des délais – sont déterminants. Ce qui est propre à l’exercice de prospective, c’est la nécessité de maintenir en outre une certaine souplesse. Souvent, les besoins définis au départ, et par conséquent les objectifs à atteindre, évoluent sous l’effet du processus lui-même : les participants acquièrent une meilleure compréhension de la situation et des besoins, opportunités et défis à venir du simple fait de leur participation. Il faut ainsi trouver un équilibre subtil entre deux exigences quelque peu contradictoires : fixer des objectifs clairs d’une part et conserver une marge de manœuvre d’autre part, sans compromettre l’achèvement de l’exercice prospectif dans les délais.
Les processus d’innovation couronnés de succès exploitent différents types de connaissances. Ces éléments de savoir, produits par divers acteurs et activités, sont donc rarement disponibles dans une organisation unique – voire jamais. Les pouvoirs publics doivent par conséquent soutenir la production, la diffusion et l’exploitation de tous les types de connaissances, ainsi que diverses formes de collaboration entre partenaires, secteurs et pays, conclusion d’autant plus pertinente dans un contexte d’atténuation du cloisonnement entre production et services.
Les exemples examinés plus haut montrent que la prospective, si elle est appliquée et exploitée correctement, peut appuyer l’élaboration des politiques pendant les périodes de mutation technologique et socioéconomique rapide, non seulement parce qu’elle étudie les évolutions possibles dans l’avenir, mais aussi parce qu’elle constitue en elle-même une intervention. Grâce à des méthodes participatives, les principaux acteurs et parties prenantes sont mobilisés et invités à formuler des points de vue communs sur l’avenir, à débattre de leurs futurs objectifs et intérêts et à s’entendre sur des actions conjointes et cohérentes. Ces avantages concernent aussi les pouvoirs publics, dans la mesure où l’apparition de nouveaux défis nécessite des ajustements plus fins et une meilleure coordination entre les différents domaines d’action.
Pour que ces avantages potentiels de la prospective se concrétisent, il faut satisfaire à plusieurs conditions préalables :
L’efficacité de la prospective dépend de sa bonne intégration dans les processus décisionnels. Il faut pour cela modifier à la fois les structures organisationnelles et les processus d’élaboration de stratégies (Encadré 9.2).
Il faut lier les processus prospectifs aux cycles de l’action publique pour s’assurer de disposer des informations nécessaires au moment voulu.
La production d’un rapport n’est pas l’unique finalité de la prospective. Les éléments participatifs de la prospective exigent beaucoup de temps et de ressources, mais les interactions ainsi créées entre parties prenantes et décideurs sont essentielles pour déclencher des évolutions de la gouvernance, de la société et de l’économie.
L’acquisition des compétences nécessaires et la création d’un environnement favorable à l’exercice d’une prospective efficace et efficiente nécessitent des efforts soutenus. Des actions ponctuelles sont peu susceptibles d’avoir les effets espérés sur la formulation des politiques. Il faut du temps, et parfois des mesures spécifiques, pour favoriser et diffuser une réflexion prospective.
Une certaine forme d’institutionnalisation – au moyen de programmes réguliers et/ou par la mise en place d’organisations spécialisées – est également nécessaire pour créer une culture de la prospective et en exploiter durablement les avantages. Les cycles électoraux étant sensiblement plus courts que les échéances envisagées par la prospective, cette condition présente une importance particulière.
Si l’indépendance intellectuelle ne préside pas à l’élaboration de réflexions nouvelles, la prospective ne peut remplir sa fonction essentielle, c’est-à-dire mettre en évidence les grands défis et opportunités à venir et les moyens nouveaux d’y faire face.
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← 1. Les principales différences entre prospective (participative) et analyse prospective (non participative) réalisée par des experts, pour ce qui est des enjeux de la prochaine révolution de la production, sont examinées dans la section suivante.
← 2. La prospective peut aussi aider les décideurs du secteur privé, au niveau de l’entreprise et du secteur, à faire face à l’évolution des possibilités d’investissement résultant de la prochaine révolution de la production ; à coordonner les innovations en matière de technologie, d’organisation, de modèle économique, de finances, de gestion et de commercialisation ; et à réorganiser et coordonner les réseaux internationaux d’innovation et de production.
← 3. Des analyses détaillées de ces études de cas figurent par exemple dans : Amanatidou (2013, 2014) ; Cuhls (2004) ; Cuhls (2013) ; Cuhls et Georghiou (2004) ; Cuhls et al. (2008) ; Georghiou, Keenan et Miles (2010) ; Georghiou et Keenan (2006) ; Havas (2003), Keenan et Miles (2009) ; Könnölä, Salo et Brummer (2009) ; Kuwahara (1999) ; Martin et Johnston (1999) ; Miles (2005) ; NISTEP (2005) ; OCDE (1996) ; Salo et al. (2009) ; Shin, Hong et Grupp (1999) ; Stanovnik et Kos (2007) ; et Yokoo et Okuwada (2012).
← 4. Les archétypes sont utiles à desfins d’analyse pour soutenir les processus d’élaboration de stratégies, mais les situations réelles s’en éloignent souvent. La stratégie robotique du Japon (2015), par exemple, est fortement axée sur la science et la technologie, mais s’intéresse aussi explicitement à diverses questions transversales, comme les ressources humaines, le développement, la réglementation, ainsi qu’aux caractéristiques propres à certains secteurs comme la production, les services, les applications de soins médicaux et infirmiers, les infrastructures, les interventions en cas de catastrophe et la construction, ainsi qu’à diverses branches de l’agro-alimentaire. Le programme polonais de nanotechnologie pour la région de Podlachie à l’horizon 2020 (Nanotechnology for Podlaskie 2020) privilégiait lui aussi les aspects scientifiques et technologiques, mais prêtait aussi beaucoup d’attention à la constitution de réseaux et à la coopération au niveau régional. Aux États‐Unis, le programme Advance Manufacturing Partnership comporte également des caractéristiques essentielles de deux archétypes : ses rapports ont été produits par des groupes d’experts, mais 1 200 participants de l’industrie, du monde universitaire et des administrations publiques ont été associés au projet au moyen de consultations régionales, et leurs points de vue et propositions sont pris en compte dans le rapport final.
← 5. Compte tenu de la quantité de projets sur les technologiesde l’information et de la communication (TIC), la biotechnologie industrielle, les produits chimiques et pharmaceutiques conduits dans de nombreux pays, il est impossible d’établir une liste de ces analyses prospectives qui tende à l’exhaustivité.
← 6. Pour une étude plus détaillée des effets intermédiaires et finals possibles, voir par exemple Havas, Schartinger et Weber (2010).
← 7. Les avantages de l’exercice prospectif peuvent aussi porter sur l’amélioration des processus de préparation des décisions et de l’efficacité des dispositifs structurels et/ou organisationnels.
← 8. Pour un aperçu rapide de ces études de cas par pays, voir par exemple Havas et Weber (2017). Pour une analyse plus détaillée, consulter en particulier Amanatidou (2013, 2014) ; Cuhls (2013) ; Cuhls et Georghiou (2004) ; Cuhls et al. (2008) ; Georghiou, Keenan et Miles (2010), Georghiou et Keenan (2006) ; Havas (2003), Kuwahara (1999) ; Martin et Johnston (1999) ; Miles (2005) ; NISTEP (2005) ; OCDE (1996) ; et Yokoo et Okuwada (2012).