O’Sullivan Eoin
López-Gómez et Carlos
O’Sullivan Eoin
López-Gómez et Carlos
Le présent chapitre propose une vue d’ensemble des tendances qui voient le jour, dans le domaine de la recherche-développement (R-D) industrielle, en relation avec la prochaine révolution de la production. Il s’appuie sur un travail d’analyse réalisé sur le document des politiques publiques nationales, des exercices de prospective et des stratégies de recherche de différents pays de l’OCDE ainsi que d’autres grandes économies. De ce tour d’horizon, il ressort que la convergence (des disciplines de recherche, des technologies et des systèmes), le changement d’échelle (des technologies émergentes) et la capture de la valeur économique nationale (de l’innovation industrielle) sont des thèmes qui attirent une attention croissante des pouvoirs publics. Ce qui a permis d’élargir le périmètre et des programmes de recherche industrielle et à la mission dévolue aux établissements de recherche et d’innovation, au-delà de la recherche fondamentale. Pour les mêmes raisons, les principaux acteurs des systèmes d’innovation resserrent leurs liens et se dotent d’infrastructures nouvelles (outils, technologies génériques et installations) à l’appui de la convergence et du changement d’échelle. Des études de cas portant sur un certain nombre d’initiatives choisies viendront rendre compte de la diversité des lignes d’action adoptées par les pays mais également des contextes nationaux. Ce chapitre veut tout à la fois éclairer et stimuler le débat sur la manière dontil convient de concevoir et gérer les institutions et programmes de recherche industrielle pour servir à la prochaine révolution de la production.
Le présent chapitre propose un examen des dernières tendances observées sur le plan des initiatives publiques de soutien à la R-D industrielle. Ces tendances sont appréciées à l’aune des priorités de la recherche technologique, des grands thèmes qui influent sur la formulation des politiques et de l’évolution des établissements et programmes de recherche quant à leurs fonctionnement et modalités. Notre propos s’appuie sur une analyse systématique d’un certain nombre de politiques publiques nationales, d’exercices de prospective et de stratégies suivies par des organismes de recherche.
Les pages qui suivent révèlent que, formulant des stratégies de R-D industrielle ajustées à la prochaine révolution de la production, les décideurs non seulement fixent l’ordre des priorités de la recherche technologique dans les domaines concernés mais encore mettent en place des institutions, programmes et initiatives pour veiller au développement, à la démonstration et à l’application des résultats de la recherche dans les systèmes industriels. Nous verrons dans ce chapitre que la convergence (des disciplines de recherche, des technologies et des systèmes), le changement d’échelle (des technologies émergentes) et la capture de la valeur économique nationale (de l’innovation dans l’industrie) sont des thèmes qui retiennent de leur part une attention croissante dans ce contexte. D’où le périmètre élargi, au-delà de la recherche fondamentale, donné aux programmes de recherche industrielle et à la mission dévolue aux établissements de recherche et d’innovation, lesquels, par ailleurs et pour les mêmes raisons, resserrent leurs liens avec les principaux acteurs des systèmes d’innovation et se dotent d’infrastructures nouvelles (outils, technologies génériques et installations) à l’appui de la convergence et du changement d’échelle.
Les décideurs s’aperçoivent qu’il faut mieux appréhender les forces qui façonnent l’avenir des industries manufacturières, avec ce qu’elles emportent comme conséquences pour la compétitivité nationale et, dans le champ politique, pour le soutien à une croissance économique tirée par ces industries (O’Sullivan et al., 2013). On constate notamment, à travers les pays de l’OCDE, une volonté renouvelée de mieux saisir comment les investissements, institutions et initiatives de R-D industrielle portés par les pouvoirs publics stimulent l’innovation avec le plus d’effet dans le contexte de la prochaine révolution de la production. Les activités de fabrication font l’objet d’un net regain d’intérêt dans les stratégies de recherche et d’innovation de pays comme les États-Unis (NEC et OSTP, 2015), l’Allemagne (BMBF, 2014a, 2014b), le Japon, (CSTI, 2015) et la République populaire de Chine (ci-après, « la Chine » ; République populaire de Chine, 2016) et d’organisations multilatérales comme la Commission européenne (CE, 2011). En outre, des études prospectives et des stratégies nationales leur ont été consacrées dernièrement par la Suède (MEI, 2016 ; Teknikföretagen, 2013), l’Australie (CSIRO, 2016) et le Royaume-Uni (Foresight, 2013 ; BIS, 2012) pour ne citer que ces quelques exemples. Certains pays encore, dont leJapon (CRDS, 2015), le Royaume-Uni (AMSG, 2016), les États-Unis (PCAST, 2014), les Pays-Bas (Holland High Tech, 2015a, 2015b, 2016) et la Chine (MIIT, 2016), ont établi des plans d’action et des stratégies détaillés à l’égard de technologies de fabrication ayant reçu un rang de priorité élevé. Des initiatives nationales de premier plan sont par ailleurs l’objet d’une attention soutenue de la part des autorités, ainsi du programme « Industrie 4.0 », en Allemagne (Acatech, 2013), du Réseau national d’innovation industrielle (National Network for Manufacturing Innovation), aux États-Unis (AMNPO, 2013), de la stratégie Robot du Japon et du plan d’action Made in China 2025 (Conseil des Affaires d’État, 2015).
Les technologies susceptibles de révolutionner les activités de fabrication sont nombreuses et variées, et les effets que l’on peut attendre de chacune d’elles demeurent mal déterminés (OCDE, 2016). Il existe cependant un relatif consensus, à l’échelle internationale, quant aux grandes catégories de technologies émergentes à même de transformer radicalement l’industrie telle que nous la connaissons (IDA, 2012 ; Dickens, Keely et Williams, 2013 ; López-Gómez et al., 2013). La bioproduction, la nanofabrication, la fabrication avancée, les technologies de l’information et des communications (TIC), les matériaux avancés et les nouvelles techniques de production (par exemple, l’impression 3D) occupent aujourd’hui une large place dans les études et stratégies publiques. Définir les priorités et modalités d’exécution propres des initiatives et programmes de recherche publics se révèle toutefois être un exercice ardu en raison de la convergence des technologies et de la complexité de l’industrie moderne. Bon nombre des familles de technologies que nous venons de citer ont de vastes ramifications, font appel à des disciplines très diverses et peuvent trouver toutes sortes d’applications industrielles. Non seulement certains des grands domaines qui s’ouvrent aujourd’hui à la recherche sont par essence pluridisciplinaires mais, en plus, les nouvelles percées de la science et de l’ingénierie promettent de bouleverser les chaînes de valeur sur toute leur longueur. Comme le montrent les exemplesdonnés plus loin dans ce chapitre, il s’ensuit que l’action des pouvoirs publics peut porter sur une multitude de technologies de fabrication diverses et étroitement unies les unes aux autres.
Les priorités de la recherche publique liée aux activités manufacturières et la configuration de l’architecture institutionnelle varient de pays à pays selon les points forts de chacun dans les domaines de l’industrie et de la recherche (O’Sullivan, 2011, 2016). En Allemagne, par exemple, l’accent est mis sur l’intégration des technologies numériques dans les équipements de production industrielle et les « usines intelligentes », et plus particulièrement sur les systèmes embarqués, les systèmes cyberphysiques1 et l’internet des objets (IdO), dans le cadre du programme « Industrie 4.0 » dont on a beaucoup parlé (Acatech, 2013). Au Japon, l’administration centrale a récemment insisté sur l’importance d’intégrer les applications de la robotique avancée et de l’intelligence artificielle dans l’ensemble des chaînes d’approvisionnement spécialisées (METI, 2015a, 2015b ; CSTI, 2015). Aux États-Unis, c’est le déploiement accéléré de la fabrication avancée, produits et procédés confondus, qui occupe depuis peu une place de choix dans les documents d’orientation nationaux, où l’on souligne fréquemment l’importance des nouvelles technologies nées de la recherche scientifique (PCAST, 2011, 2014).
Le paysage industriel qui sert de cadre au développement et à l’application de nouvelles technologies va lui aussi en se complexifiant. De multiples relations d’interdépendance s’y nouent entre les activités, les entreprises, les technologies, les composants et les sous-systèmes, et c’est de l’interaction de ces différents éléments que procède la production de biens et de services (PCAST, 2011 ; Tassey, 2010 ; Brecher, 2012). Il est de ce fait difficile de prédire quelle influence les nouvelles technologies (et la convergence des technologies) exerceront sur les dynamiques de création et de capture de valeur dans les différents secteurs de l’industrie. Les systèmes embarqués, par exemple, renferment une part toujours plus importante de la valeur créée dans des domaines allant de l’automobile à l’aérospatiale en passant par la fabrication de matériel médical (ARTEMIS, 2011).
Il faut compter d’autre part que diverses « mégatendances » – comme la mondialisation des chaînes de valeur, le raccourcissement du cycle de vie des produits, le numérique et l’évolution des habitudes de consommation – agissent sur les systèmes de fabrication, ne cessant de modifier les gisements de productivité (Dickens, Kelly et Williams, 2013 ; López-Gómez et al., 2013). À titre d’exemple, le développement de la demande mondiale de produits personnalisés confère un avantage commercial aux entreprises manufacturières qui, grâce à la souplesse de leur appareil productif, sont en mesure de satisfaire aux exigences de marchés de masse comme à celles de marchés de petits volumes tout en restant compétitives au niveau des coûts (Brecher, 2012, 2015).
Dans ce tissu industriel complexe et en pleine mutation, l’attention des pouvoirs publics tend de plus en plus à se cristalliser sur les thèmes de la convergence, du changement d’échelle et du maintien de la production dans des économies où les salaires sont élevés. Ces thèmes ont à leur tour une influence sur les programmes publics de R-D, les partenariats public-privé et les missions confiées aux nouvelles institutions de R-D.
Les nouveaux programmes, institutions et initiatives de soutien à la R-D industrielle financé par les gouvernements étudiés dans le présent chapitre ont notamment ceci en commun que leur périmètre s’étend au-delà de la R-D fondamentale (pour englober, par exemple, la démonstration de prototypes, le développement des compétences et celui de la chaîne d’approvisionnement) et qu’ils accordent davantage de place à de « grands enjeux » (liés, entre autres, à la production durable, à la nanofabrication et au stockage de l’énergie). La conclusion de nouveaux partenariats de recherche et le rapprochement, au sein du système d’innovation, des programmes et initiatives de R-D, sont également mis à l’honneur, puisque l’interdisciplinarité et la collaboration interinstitutionnelle deviennent désormais une exigence explicite. De même, des efforts grandissants sont faits pour assurer une bonne coordination et une collaboration entre les institutions.
La suite du chapitre renferme plusieurs études de cas permettant à la fois d’apprécier la diversité des thématiques et des approches choisies et de mettre en lumière telle ou telle caractéristique des initiatives à grand retentissement engagées dans certains des pays considérés. Ces études de cas sont consacrées au pôle d’excellence sur la technologie de production d’intégration pour les pays à salaires élevés (Integrative Produktionstechnik für Hochlohnländer, Allemagne), au réseau HVM Catapult (High Value Manufacturing Catapult) sur les activités de fabrication à forte valeur ajoutée (Royaume-Uni), à l’Institut des technologies industrielles SIMTech (Singapore Institute of Manufacturing Technologies, Singapour), à l’initiative It’s OWL (Intelligent Technische Systeme OstWestfalenLippe) sur les systèmes techniques intelligents (Allemagne), au programme interministériel de promotion de l’innovation stratégique (Strategic Innovation Promotion Programme) du Japon et, enfin, à l’initiative sur les lignes pilotes pour les technologies clés génériques de l’Union européenne (avec les exemples de la Suède et d’un consortium belge).
La dernière partie récapitulera les principales thématiques et lignes d’action choisies par les pouvoirs publics ainsi que les grandes leçons à retenir. Il est bien précisé à cet égard que bon nombre des défis auxquels la recherche doit impérativement répondre dans la perspective de la prochaine révolution de la production présentent un caractère pluridisciplinaire et systémique toujours plus marqué. Les décideurs doivent, en conséquence, tenir compte du fait que les frontières entre les différentes disciplines de la recherche industrielle tendent à s’estomper. Ainsi, dans bien des cas, il faudra, pour relever les grands défis rencontrés, s’appuyer sur des domaines traditionnellement distincts (matériaux avancés, outils de production, TIC ou gestion des opérations, par exemple), si bien qu’il y aurait lieu de mettre en place des mécanismes propres à favoriser les projets transversaux ad hoc. Les établissements de recherche publics doivent avoir la liberté, sinon la mission, d’entreprendre des activités complémentaires en rapport avec l’innovation ou de se rapprocher d’autres acteurs du domaine.
Quelques-unes des nouvelles approches, d’ordre politique ou institutionnel, suscitées par la prochaine révolution de la production ont pris corps il y a moins cinq ans et n’ont pas encore fait l’objet d’une évaluation (ou les résultats de cette évaluation n’ont pas été rendus publics). Il y aurait lieu pour les décideurs de définir des indicateurs clés permettant d’apprécier l’efficacité des programmes de R-D industrielle et de procéder à des évaluations systémiques. Le changement d’échelle des technologies, la convergence des technologies et des activités de recherche et la complexité des systèmes rendent, à cet égard, singulièrement ardu le choix d’une grille d’appréciation. Il est possible en effet que les indicateurs traditionnels ne rendent pas justice des efforts consentis en vue de permettre des rapprochements entre institutions, consolider l’interdisciplinarité et encourager l’application de la recherche. Pour mieux évaluer les institutions et les programmes, il conviendrait peut-être de recourir à de nouveaux indicateurs, en complément de ceux déjà utilisés (comme le nombre de publications et de brevets) et en particulier dans les domaines suivants : démonstration de lignes pilotes et bancs d’essai réussis, développement des compétences des techniciens et ingénieurs, renouvellement d’adhésion à des consortiums, présence des petites et moyennes entreprises (PME) dans de nouvelles chaînes d’approvisionnement, et attractiond’investissement direct étranger (IDE).
De plus, les décideurs doivent, au surplus, être au fait des enjeux de faisabilité industrielle qui vont de pair avec le changement d’échelle des technologies issues de la science. Il est souvent indispensable d’investir dans des centres de recherche appliquée et des installations dédiées à la production de pilotes pour que les innovations passent du laboratoire à l’usine. Il est par ailleurs crucial de tisser des liens et faire naître des partenariats entre les différents acteurs de la R-D industrielle, ce en raison de l’ampleur et de la complexité des défis que la prochaine révolution de la production lance au monde de l’innovation, défis qui ne pourront être relevés que par la mobilisation de capacités et d’infrastructures disséminées entre de nombreux acteurs ; certains peuvent ainsi nécessiter de recourir aux compétences techniques et aux connaissances des ingénieurs de fabrication et chercheurs industriels, mais aussi à celles des concepteurs, des fournisseurs, des équipementiers, des techniciens d’atelier et des utilisateurs.
Par ailleurs, l’infrastructure de R-D industrielle doit judicieusement combiner outils et installations pour gérer les défis de la convergence et du changement d’échelle, ainsi que pour tirer profit des potentialités qui en découlent. Métrologie avancée, technologies de mesure en temps réel, technologies de caractérisation, d’analyse et d’essai, bases de données partagées, mais aussi outils de modélisation et de simulation n’en sont que quelques exemples parmi d’autres. Il faut y ajouter les installations de démonstration – telles que les bancs d’essai, les lignes pilotes et les démonstrateurs d’usine, qui fournissent un environnement de recherche propice, car pourvu de la panoplie idoine d’outils et de technologies génériques – sans oublier non plus les techniciens indispensables à leur bon fonctionnement. Le programme de lignes pilotes pour les technologies clés génériques, financé par la Commission européenne, est un exemple d’initiative visant à offrir de nouvelles infrastructures d’innovation en réponses à ces défis particuliers.
Il existe un relatif consensus, à l’échelle internationale, quant aux grandes catégories de technologies clés émergentes susceptibles de transformer radicalement l’industrie manufacturière telle que nous la connaissons (IDA, 2012 ; Dickens, Keely et Williams, 2013 ; López-Gómez et al., 2013). La bioproduction, la nanofabrication, les TIC avancées, les matériaux avancés et les nouvelles technologies de production (ainsi l’impression 3D) occupent aujourd’hui une place à part dans les études et stratégies voulues par les gouvernements des pays de l’OCDE. Dans le contexte de la prochaine révolution de la production, donner des priorités plus précises aux programmes et initiatives financés par l’État tient de la gageure du fait de la convergence des technologies et de la complexité grandissante de nos systèmes de fabrication modernes.
Non seulement certains des grands domaines qui s’ouvrent aujourd’hui à la recherche industrielle sont par essence pluridisciplinaires, mais, en plus, les nouvelles percées de la science et de l’ingénierie pourraient bien modifier la dynamique de la compétitivité dans l’industrie et jusqu’au sein de ses secteurs d’activité. (OCDE, 2016). Les solutions aux problèmes de productivité et de compétitivité rencontrés par l’industrie se trouveront de plus en plus souvent dans la combinaison de technologies et au carrefour de multiples domaines de recherche (OCDE, 2016 ; O’Sullivan, 2011). À titre d’exemple, la production, demain, d’avions plus légers, plus silencieux et plus sobres en carburant, suppose que des efforts concertés de R-D soient fournis dans des domaines comme la modélisation aérodynamique haute-fidélité, l’usinage additif, les matériaux composites avancés, les systèmes avancés de production haute cadence de cellules d’aéronef, l’intégration des systèmes avancés, la mise au point de batteries et de réservoirs plus performants, et bien d’autres encore (AGP, 2013 ; NASA, 2016).
À cela s’ajoute que les grandes avancées de la R-D à l’égard de telle ou telle technologie sont susceptibles d’avoir de larges répercussions sur l’industrie et l’innovation, leurs activités, secteurs et domaines d’application. Pour prendre un exemple, les thématiques de la recherche sur les TIC intéressent tous les niveaux des systèmes de fabrication à travers la modélisation et la simulation de matériaux et de composants intelligents, les usines intelligentes et la fabrication additive, l’internet industriel et la planification avancée des ressources des entreprises, la fabrication et la conception numériques, et l’analytique de données massives. De même, les activités de R-D consacrées à la fabrication additive pourraient offrir une plateforme au développement d’autres technologies émergentes (tels le génie tissulaire ou les nouveaux appareils électroniques imprimés) et déboucher sur des applications dans les domaines les plus divers, de la santé à l’aérospatiale, en passant par l’automobile et les industries créatives (AMSG, 2016).
Facteur de complexité supplémentaire, la plupart des familles de technologies que nous venons d’énumérer recouvrent plusieurs sous-domaines et s’appuient sur diverses disciplines universitaires. C’est ainsi que la recherche en matériaux avancés, domaine transversal s’il en est, bénéficie des apports de la physique de la matière condensée, de la chimie, de la biologie et de l’ingénierie des méthodes. Elle peut avoir des objets très variés, en fonction du type de matériau (alliage, semi-conducteur, céramique, etc.), de ses propriétés (optiques, magnétiques, électriques, mécaniques, etc.), de l’échelle à laquelle il est mis en œuvre (nanoscopique, microscopique, etc.) et des applications ou secteurs auxquels on le destine (par exemple l’industrie aérospatiale).
Assez naturellement, les priorités données à la recherche industrielle changent selon les pays (et les organismes nationaux de R-D) et sont le reflet des points forts et préférences stratégiques de chacun dans les domaines de l’industrie et de la recherche (O’Sullivan, 2011 ; 2016)2. Pour donner une idée des différences de typologie, de terminologie et de hiérarchie que l’on peut rencontrer, les encadrés 10.1 et 10.2 reviennent sur les orientations données à l’industrie nationale dans différents pays. Plusieurs études de cas portant sur des programmes et initiatives mis en œuvre dernièrement au niveau national seront présentées en fin de chapitre.
Aux États-Unis, le débat sur les activités manufacturières se cristallise en grande partie, ces derniers temps, autour de la question de « l’industrie avancée », et l’on ne manque pas d’y souligner régulièrement l’importance des systèmes informatiques de production ou des technologies émergentes fondées sur la science (O’Sullivan et Mitchell, 2012). On insiste également sur les applications des matériaux de prochaine génération (et du génie des matériaux innovants) dans les activités de fabrication. De même, la nanofabrication et la modélisation multiéchelle du « génome des matériaux » figurent en bonne place dans les stratégies nationales. Soucieux de renforcer la coordination entre les organismes fédéraux et de définir un socle de priorités pour les activités appelant une collaboration entre secteur public et secteur privé, le gouvernement des États-Unis a voulu dresser un état des lieux de la recherche publique dans les domaines en relation avec les technologies industrielles avancées, dont l’Encadré 10.1 fournit un aperçu (NTSC, 2016). L’idée était notamment de procéder à une analyse systématique des défis et opportunités techniques et de constituer un échantillon d’initiatives et de programmes fédéraux, en cours ou en projet, la priorité allant aux technologies prometteuses, c’est-à-direcelles pour lesquelles un soutien insuffisant est apporté aux activités de R-D pré-concurrentielle indispensables à l’émergence de nouvelles industries (NTSC, 2016). On trouvera un examen et une analyse plus approfondis des technologies de production considérées d’importance stratégique aux États‐Unis dans différents rapports du Conseil du Président sur la science et la technologie (President’s Council of Advisors on Science and Technology, PCAST) (par exemple, PCAST [2012, 2014]) (voir également le Chapitre 11).
Au Royaume-Uni, une étude, réalisée à la demande du gouvernement, a mis en évidence les domaines techniques liés à l’industrie autour desquels il serait possible de structurer les activités de recherche conduites dans le pays (IfM, 2016). Cette étude a été précédée de la consultation de nombreuses parties prenantes, appartenant aussi bien aux milieux universitaires, qu’à la sphère publique (y compris les centres de R-D publics) ou à l’industrie elle-même. Une nouvelle typologie des domaines de recherche prioritaires a été employée, qui établit une distinction entre : i) les technologies de produit ; ii) les matériaux ; iii) la gestion/chaîne d’approvisionnement opérationnelle ; iv) les technologies génériques ; v) les techniques de production ; et vi) l’ingénierie et l’intégration des systèmes (Encadré 10.2). Un examen et une analyse complémentaires des domaines technologiques importants pour l’avenir des activités manufacturières au Royaume-Uni ont été réalisés dans le cadre d’un exercice de prospective sur l’industrie de demain (baptisé Future of Manufacturing) mené par le Government Office for Science, administration nationale en charge des sciences (Foresight, 2013).
Le rapport intitulé A Snapshot of Priority Technology Areas Across the Federal Government présente un aperçu des domaines prioritaires, au sein de l’administration fédérale, en ce qui concerne les technologies industrielles avancées. Ces domaines sont les suivants :
fabrication de matériaux avancés
bio-ingénierie au service des progrès de la biofabrication
biofabrication appliquée à la médecine régénérative
fabrication de bioproduits avancés
production en continu de produits pharmaceutiques.
fabrication additive
matériaux composites avancés
fabrication et conception numériques
électronique hybride flexible
photonique intégrée
métaux légers
fabrication intelligente
fibres et textiles révolutionnaires
électronique à large bande interdite.
machines-outils et systèmes de contrôle avancés
robotique d’assistance et robotique molle
bio-ingénierie appliquée à la médecine régénérative
bio-impression appliquée à différents secteurs technologiques
certification, évaluation et qualification
protection de la filière industrielle numérique – cybersécuriser l’industrie.
intensification des procédés chimiques et thermiques
durabilité dans l’industrie
procédés, à forte valeur ajoutée, de fabrication en bobine
matériaux destinés à un emploi en conditions extrêmes.
Source : NSTC (2016), « Advanced manufacturing: A snapshot of priority technology areas across the federal government ».
Les auteurs du rapport High Value Manufacturing Landscape 2016, rédigé à la demande du gouvernement pour brosser une vue d’ensemble de l’industrie à forte valeur ajoutée, ont voulu inscrire dans un cadre harmonisé les activités de recherche industrielle menées dans le pays. Les thèmes transversaux et technologies de fabrication ci-après sont présentés comme prioritaires :
électronique
photonique et électronique de puissance
technologies de production d’énergie
technologies des capteurs
robotique avancée et autonome.
nanomatériaux et nanotechnologies
nouveaux matériaux composites
matériaux légers
biomatériaux, autres matériaux nouveaux et science des matériaux.
innovation au niveau des chaînes d’approvisionnement et des modèles d’activité.
développement et gestion de logiciels
gestion et analytique des données (massives)
IdO
autonomie
mesure, métrologie, assurance et normes.
fabrication additive/impression 3D
techniques d’assemblage avancées
outillage et accessoires
ingénierie des surfaces (finition et enduction)
rénovation
fabrication de produits composites en grands volumes
procédés biologiques et biosynthétiques
génie des procédés, développement des capacités et de l’efficience ; systèmes de contrôle.
conception et fabrication intégrées
modélisation et simulation des systèmes
interface homme-machine.
Source : IfM (2016), HVM Landscape 2016.
Au Japon, le gouvernement central a choisi, dans ses derniers documents d’orientation, de privilégier l’intégration de la robotique avancée et de l’intelligence artificielle (METI, 2015a ; RRRC, 2015). Il lui est en effet apparu que le pays était bien placé pour accéder à la position de leader mondial de la robotique à l’heure de l’IdO, et il a par conséquent axé ses politiques en faveur de l’innovation industrielle sur les points suivants : la définition de normes mondiales en vue de la mise en place d’une infrastructure commune (par exemple au niveau des systèmes d’exploitation) pour l’utilisation de robots dans les ateliers de production ; l’utilisation des robots et l’accumulation de données dans divers domaines, dont celui de l’infrastructure ; et les techniques d’intelligence artificielle présentant un intérêt dans le domaine de la robotique et susceptibles de permettre la valorisation des données accumulées (RRRC, 2015). L’accent a également été mis sur les méthodes de conception et de production innovantes qui se traduisent par une plus grande satisfaction du consommateur (CSTI, 2015). La fabrication de produits destinés à une population vieillissante a par ailleurs été signalée comme pourvoyeuse potentielle d’opportunités pour les entreprises japonaises (METI, 2015b). L’Encadré 10.3 donne à voir les principaux domaines prioritaires pour la R-D industrielle tels que le gouvernementles a définis dernièrement. On trouvera un complément d’information et d’analyse au sujet de ces domaines technologiques stratégiques dans les rapports sur l’industrie (Monozukuri) publiés chaque année par le ministère de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie et les documents d’analyses de l’Agence japonaise de la science et de la technologie (voir, par exemple, METI [2015a] ; CRDS [2015a]).
L’un des piliers du programme interministériel SIP est un projet appelé « technologies de conception/fabrication innovantes » qui donne la priorité aux pôles et thèmes suivants pour ce qui est de la R-D industrielle :
Optimisation des activités de conception/fabrication :
outils de gestion de l’information au service de la conception de produits
conception en amont fondée sur l’optimisation topologique
dessins et modèles bio-innovants
conception de produits personnalisés et leur fabrication par impression 3D de matériaux anisotropes
impression 3D de pièces en caoutchouc et co-création de valeur.
Conception en amont dans un souci d’agrément du consommateur1/fabrication :
plateformes de modélisation 3D avancée
plateformes de conception dans un souci d’agrément du consommateur
gestion interactive des activités de conception en amont
nouvelles techniques de production basées sur la fabrication additive.
Matériaux innovants et moulage 3D :
agents adhésifs moléculaires
impression 3D à base de gel modelable
impression 3D à base de matériau fluide.
Moulages complexes innovants :
nanoassemblage de matériaux avancés
fabrication à échelles multiples et à partir de matériaux multiples
techniques de moulage céramique à forte valeur ajoutée
revêtements laser à forte valeur ajoutée
techniques de traitement avancé des éléments en verre.
Technologies d’usinage combiné et intelligent :
machines-outils intelligentes grâce à l’intégration FAO-CN
usinage électrochimique de prochaine génération
tours de production à tourelle multiple.
R-D à orientation pratique :
fusion de l’exploration des données, de la géométrie algébrique et du prototypage rapide
application de la chimie informatique à la fabrication de matériel de sport d’hiver
traitement des surfaces métalliques, sur la base de travaux réalisés en conditions réelles.
1. Les recherches dans ce domaine portent sur des méthodes de conception et de fabrication souples donnant des produits et des services qui offrent au consommateur un niveau de qualité et de performance supérieur (agrément).
Source : CSTI (2015), « What is the Cross-ministerial Strategic Innovation Promotion Program? », www8.cao.go.jp/cstp/panhu/sip_english/46-49.pdf.
Initiative majeure dévoilée par le Conseil des Affaires d’État de la Chine, le plan national Made in China 2025 a pour finalité l’intégration de l’informatique et de l’industrie dans dix secteurs clés (Conseil des Affairesd’État, 2015). Y sont prévues des mesures destinées à éliminer les activités manufacturières archaïques et promouvoir l’efficacité énergétique, la protection de l’environnement et la bonne gestion des ressources (Wübbeke et al., 2016).
La stratégie Made in China 2025 est très largement inspiré de l’initiative Industrie 4.0, engagée en l’Allemagne, et le gouvernement chinois envisage d’ailleurs la possibilité d’une coopération avec des institutions allemandes pour parvenir aux buts fixés (Wübbeke et al., 2016). Made in China 2025 prévoit, entre autres choses, la création de centres nationaux pour l’innovation industrielle calqués sur le modèle du réseau NNMI (National Network for Manufacturing Innovation), constitué aux États-Unis. L’Encadré 10.4 contient la liste des principaux secteurs et domaines technologiques industriels prioritaires. On trouvera d’autres informations et analyses au sujet de ces domaines technologiques qui revêtent une importance stratégique en Chine dans les rapports établis par l’Académie chinoise des sciences et le ministère de l’Industrie et des Technologies de l’information (MIIT, 2016) (voir également le Chapitre 12).
Made in China 2025 définit dix domaines technologiques clés, élevés au rang de priorités :
Informatique de nouvelle génération :
circuits intégrés
équipements TIC
systèmes d’exploitation et logiciels industriels
équipements informatiques indispensables à la fabrication intelligente.
Machines informatisées et robots haut de gamme :
machines-outils à commande numérique avancée
robotique.
Aérospatiale et aéronautique :
aéronefs
moteurs
équipements et systèmes aéroportés
infrastructures/équipements aérospatiaux.
Équipements maritimes et navires de haute technologie :
équipements de génie océanologique et navires de haute technologie
systèmes et composants critiques.
Équipements avancés de transport ferroviaire :
équipements avancés de transport ferroviaire.
Véhicules à énergies nouvelles et véhicules économes :
véhicules économes
véhicules à énergies nouvelles, y compris les batteries et moteurs innovants
véhicules intelligents.
Équipements énergétiques :
génératrices
équipements de transport et de transformation de l’électricité.
Machines agricoles :
équipements agricoles.
Nouveaux matériaux :
matériaux de base avancés, par exemple, textiles et acier
matériaux stratégiques essentiels, par exemple, alliages spéciaux, fibres et composites haute performance
nouveaux matériaux de pointe, par exemple, matériaux et métamatériaux obtenus par impression 3D.
Biopharmacie et équipements médicaux sophistiqués :
équipements médicaux de gamme intermédiaire et supérieure.
Source : Conseil des Affaires d’État (2015), 中国制造2025 [Made in China 2025].
Au-delà des orientations de la R-D industrielle dont nous avons parlé plus haut, et avec en toile de fond la complexité croissante des systèmes de production modernes, les politiques nationales de recherche associées à la prochaine révolution de la production sont façonnées par un certain nombre de thématiques communes. Citons, parmi celles-ci, la convergence des domaines de recherche, des technologies et des systèmes ; le changement d’échelle des technologies émergentes ; et le maintien d’une activité manufacturière dans les économies à salaires élevés.
Le paysage industriel qui sert de cadre au développement et à l’application de nouvelles technologies va lui aussi en se complexifiant. À la différence du modèle d’intégration verticale qui prévalait au XXe siècle, de multiples relations d’interdépendance se nouent aujourd’hui entre les activités, les entreprises, les technologies, les composants et les sous-systèmes, l’interaction de ces différents éléments permettant la production de biens et de services (PCAST, 2011 ; Tassey, 2010 ; Brecher, 2012). Aussi devient-il de plus en plus difficile de délimiter les contours du secteur manufacturier3. Cette complexité grandissant amène un élargissement du champ ouvert à l’innovation industrielle et une diversification des modes de capture de la valeur issue des activités de fabrication. Prenons l’exemple de l’automobile : de nos jours, celle-ci tend à devenir un système électronique complexe qui compte des dizaines de microprocesseurs et autres éléments empruntés aux TIC (Kurfess, 2011), ainsi que plusieurs millions de lignes de code (METI, 2010). Il s’ensuit que des fournisseurs de technologies non traditionnelles, comme les systèmes embarqués, captent une part croissante de la valeur créée, non seulement dans le secteur automobile mais dans d’autres également (ARTEMIS, 2011).
Plusieurs mégatendances agissent sur ces systèmes, modifiant constamment les gisements de compétitivité des entreprises manufacturières (Dickens, Kelly et Williams, 2013 ; López-Gómez et al., 2013). Certaines parmi elles affectent l’activité industrielle dans son ensemble, ainsi de la complexification et de la mondialisation de la production ; du raccourcissement phénoménal des cycles de fabrication sous l’effet de l’accélération de l’innovation technologique ; et de la production durable, procédant d’un usage efficient des ressources, qui tend à devenir un impératif. Comme nous l’avons dit plus haut, et comme la suite du chapitre en donnera l’illustration, la progression de la demande de produits manufacturés personnalisés confère un avantage, sur le plan commercial, aux entreprises qui se montrent capables de mettre en place des systèmes de production souples, aptes à alimenter des marchés de masse comme de petits volumes (Brecher, 2012, 2015).
Cette complexité systémique, conjuguée au relatif manque de maturité de différentes technologies génériques, suscite des problèmes inédits lorsqu’il s’agit de procéder au changement d’échelle et à l’industrialisation de nouveaux produits et des services connexes. Les décideurs doivent former des institutions, programmes et initiatives propres à autoriser le développement, la démonstration et l’application des produits de la recherche dans des systèmes industriels toujours plus complexes. L’enjeu n’est pas seulement d’exploiter les généreux filons de valeur ajoutée que l’on devrait trouver à la convergence des technologies et des systèmes mais aussi de faire en sorte que ces produits soient déployés sur une grande échelle et appliqués aux systèmes industriels, tout en veillant, au niveau national, à ce que ceux-ci soient en mesure de capter la valeur créée.
Des technologies de première importance, comme les TIC avancées (systèmes cyberphysiques, données massives, IdO), les biotechnologies industrielles et les nanotechnologies, pourraient bien transformer du tout au tout les systèmes mondiaux de fabrication dans les décennies à venir (OCDE, 2015, 2016). C’est vraisemblablement la convergence de ces technologies et des systèmes qui en sont issus qui sera le moteur de la prochaine révolution de la production.
Les politiques et stratégies nationales de recherche et d’innovation en production témoignent d’une attention plus marquée portée au rôle de la convergence. Cette notion, toutefois, sert à désigner un phénomène qui concerne une multitude d’éléments différents, puisqu’il s’applique, entre autres, aux domaines de recherche, aux technologies émergentes, aux éléments de l’appareil industriel dans son ensemble ainsi qu’aux mondes numérique et physique. L’Encadré 10.5 revient sur ces diverses formes de « convergence » qui se manifestent dans le contexte de la prochaine révolution de la production et en indique brièvement les implications pour les décideurs.
La convergence des disciplines de recherche, et tout particulièrement à l’égard des travaux menés à l’échelle nanoscopique en science des matériaux, physique de la matière condensée et biologie, a fait l’objet d’une attention soutenue de la part des responsables de la politique d’innovation (Roco et al., 2002). La convergence des technologies, notamment des technologies clés génériques, telles que les nanotechnologies, les biotechnologies, les matériaux avancés et les TIC, a débouché sur l’intégration, au niveau des appareils, de technologies dont l’association offre de nouvelles fonctionnalités et applications (Roco et al., 2013 ; CE, 2015a). La convergence des systèmes, avec notamment les nouveaux modes de mise en réseau et l’intégration de différentes composantes des systèmes industriels et d’infrastructure (transports, réseaux de distribution d’électricité, usines et réseaux de production), résulte quant à elle de la convergence des technologies de l’information et des communications. Si la convergence fait partie intégrante du discours politique général sur la science, la technologie et l’innovation (G20, 2016 ; Midest, 2016; OCDE, 2015), ce n’est que tout récemment que l’on a commencé à s’intéresser à son rôle dans la prochaine révolution de la production.Dans cette optique, ses aspects ci-après ne sont pas sans conséquence pour les priorités et programmes des pouvoirs publics dans le domaine de la R-D industrielle.
La convergence des technologies clés génériques (et les défis associés à l’application de ces technologies à l’échelle l’industrielle). Bon nombre de produits et systèmes de fabrication à forte valeur ajoutée reposeront demain sur toute une gamme de technologies (par exemple, les matériaux, avancés, les nanotechnologies, les biotechnologies et les TIC avancées) dont la combinaison et l’intégration pourrait bien susciter une multitude de nouvelles applications et de nouveaux marchés. Certaines des technologies au plus fort potentiel révolutionnaire sont fondées sur la convergence, comme les technologies quantiques (au carrefour du numérique et des matériaux avancés) ou la biologie synthétique (à la confluence du numérique et des sciences du vivant). La complexité du système et le manque de maturité de ces technologies mettent des obstacles inédits à l’industrialisation de nouveaux produits. Si les technologies convergentes peuvent offrir des fonctionnalités originales, il n’est pas exclu que celles-ci se révèlent difficilement compatibles avec des procédés de fabrication traditionnels ou des cadences de production élevées. Les politiques (et études) technologiques et les investissements dans l’infrastructure d’innovation (avec, par exemple, la création de lignes pilotes) en relation avec la prochaine révolution de la production devront répondre à ces problèmes de complexité, de changement d’échelle et dematurité industrielle.
La convergence des technologies de production (au sein de systèmes hybrides de production) serait en mesure de soutenir des activités manufacturières à forte valeur ajoutée dans les pays où les salaires sont élevés. C’est le cas notamment des systèmes avancés, qui combinent de multiples procédés au cours d’une même étape de fabrication ou mettent en œuvre différentes technologies de production et qui peuvent être utilisés pour élaborer des produits destinés aussi bien à des marchés de niche à forte valeur ajoutée qu’à des marchés de masse grâce aux économies d’échelle et à une planification simplifiée. Ces systèmes hybrides peuvent aller de pair avec un raccourcissement des chaînes de valeur du fait du remplacement de diverses étapes de fabrication par des procédés uniques, facilitant par là même l’organisation de la production. Ils superposent des domaines techniques différents, par exemple le génie matériel (coupe, tournage, formage, pressage) et les TIC, la mécatronique, les technologies de mesure et les technologies de détection. Dans le cas des économies avancées, il conviendrait de garder à l’esprit, au moment d’arrêter les politiques industrielles et les priorités de la R-D, que les investissements de R-D peuvent soutenir le développement de tels systèmes de fabrication, susceptibles d’être compétitifs même là où les salaires sont élevés.
La convergence des systèmes de fabrication (grâce aux TIC avancées et aux systèmes cyberphysiques) ouvre la possibilité d’une association plus étroite et d’une meilleure mise en relation des systèmes de production, des fournisseurs et des consommateurs. Cette convergence permettra un développement plus rapide de nouveaux produits (souvent plus « intelligents »), une organisation plus efficiente de la logistique et un élargissement de l’offre de produits et services personnalisables. Les TIC avancées rendent possibles l’intégration et la convergence des activités de fabrication au regard de trois dimensions : i) verticale – par l’intégration, entre autres, des outils, cellules de travail et lignes de production (que recouvre souvent la notion « d’usines intelligentes ») ; ii) horizontale – par l’intégration des chaînes de valeurs et réseaux interentreprises (ou « chaînes de valeur intelligentes ») ; iii) au long du cycle de vie des produits – par l’intégration d’activités d’ingénierie numérique de bout en bout sur toute la chaîne de valeur. Ces problématiques liées à la convergence des systèmes devront être prises en considération, dans les politiques de R-D au service de la prochaine révolution de la production, lorsqu’il s’agira d’apprécier les opportunités qui s’ouvrent à l’industrie nationale, les points forts etpoints faibles des capacités d’innovation dans ces domaines et les conséquences à en tirer sur le plan des priorités de la recherche.
L’un des principaux aspects de la convergence qu’il y a lieu de retenir de ce tour d’horizon a trait aux technologies et systèmes issus des TIC. Une place de choix est réservée à l’intégration des systèmes cyberphysiques (logiciels et capteurs embarqués, systèmes de mesure et de contrôle avancés) et de l’IdO aux niveaux des opérations et systèmes de fabrication. De nouveaux systèmes de « fabrication intelligente » peuvent être coordonnés, via l’internet, tout au long des chaînes de valeur, avec à la clé un développement rapide de nouveaux produits, des gains d’efficience sur le plan de la logistique et un essor des produits et services personnalisés.
La transformation numérique des activités de fabrication ne se limite pas à l’introduction de nouvelles technologies liées aux TIC dans le milieu industriel. Il s’agit bien davantage d’un phénomène transversal qui bouleverse les systèmes industriels à tous les niveaux tandis qu’il rapproche les entreprises, les technologies et les capacités de production. L’essor du numérique dans les systèmes de fabrication donne accès à un volume croissant de données et ouvre de nouveaux débouchés commerciaux aux fabricants. La recherche industrielle bénéficie quant à elle des outils mis à sa disposition par les nouvelles applications TIC.
L’un des grands thèmes abordés dans les documents d’orientation internationaux sur l’industrie (et l’innovation industrielle) que l’on s’est proposé de passer en revue dans le présent chapitre est celui du changement d’échelle et de l’industrialisation des technologies innovantes (PCAST, 2014 ; CE, 2015b). La notion de « changement d’échelle » comprend des incidences stratégiques sur diverses activités d’innovation puisque cette mutation peut concerner, entre autres, une technologie nouvelle, un produit technologique, les activités et la structure d’une entreprise manufacturière, voire les chaînes de valeur ou les marchés associés à un produit. Qui plus est, les politiques en relation avec les différents aspects du phénomène sont d’ordinaire traitées séparément, les programmes s’y rapportant étant confiés à des organismes distincts. L’une des caractéristiques les plus frappantes des nouveaux programmes consacrés au changement d’échelle (illustrée dans plusieurs des études de cas qui suivront) est qu’ils manifestent une volonté de fournir un soutien intégré aux différentes activités d’innovation, et de faciliter l’interconnexion et la coordination de celles-ci.
La notion de « changement d’échelle » est employée de façon polysémique dans les différents documents d’orientation étudiés aux fins du présent chapitre, l’accent étant mis sur telles ou telles activités d’innovation ou de production. On revient plus longuement sur cet aspect sémantique dans l’Encadré 10.6, où il est du reste proposé d’adopter une acception plus large et uniforme à même de faciliter la formulation de politiques dans ce domaine. Le rapport sur l’accélération de l’industrie avancée (Accelerating US Advanced Manufacturing) publié aux États-Unis offre une définition utile et concise de ce qu’est le « changement d’échelle » (PCAST, 2014) :
À dresser l’état des lieux des politiques et programmes récents dans le domaine de la R‐D industrielle, on s’aperçoit que la notion de « changement d’échelle » doit se concevoir de manière plus large et qu’il y a lieu de mieux coordonner et synchroniser l’action menée par les pouvoirs publics au regard de ses différentes dimensions. Parmi celles-ci, il apparaît notamment judicieux de distinguer les suivantes, figurées au Graphique 10.1 :
Changement d’échelle du développement de technologies. Pour beaucoup des technologies émergentes prometteuses mises à l’honneur dans les stratégies internationales de recherche industrielle (biologie de synthèse, technologies quantiques, graphène, etc.), la mise au point de produits novateurs s’accompagne, au plan technique, de fortes incertitudes et de sérieux risques car il s’agit de transformer un prototype de laboratoire en un article de démonstration intégré et conditionné, apte à la production en série. Il faut notamment franchir différents niveaux de maturité technologique1. Un tel processus de développement peut donner beaucoup de fil à retordre lorsqu’il est appliqué à des appareils reposant sur des technologies convergentes : il arrive en effet qu’un procédé de fabrication adapté à l’une de ces technologies soit préjudiciable au bon fonctionnement d’une autre.
Changement d’échelle du procédé ou de la production. Les activités de R-D en relation avec le changement d’échelle ne se cantonnent pas à l’innovation en technologies de produit ; une part importante d’entre elles doit être consacrée à l’élaboration de nouveaux procédés de fabrication (par exemple, la fabrication additive et les procédés laser) ou à l’adaptation de techniques et procédés existants à la production de nouvelles technologies clés génériques. Les technologies et procédés nouveaux, pour beaucoup d’entre eux, doivent faire la preuve de leur fonctionnalité, de leur applicabilité et de leur efficacité par rapport aux coûts avec des volumes et cadences de production importants et dans des conditions proches de celles d’une ligne de fabrication industrielle. Les programmes de lignes pilotes, les infrastructures de démonstration et d’essai et les institutions de R-D intermédiaire sont susceptible de jouer un rôle clé de ce point de vue.
Changement d’échelle de l’entreprise. À mesure que l’innovation technologique évolue de la mise au point de prototypes, destinés à des applications de niches ou à des applications spécialisées, vers des marchés de plus en plus larges, les entreprises doivent renforcer leurs moyens techniques et opérationnels, ainsi que leur structure administrative, ce qui n’est pas une mince affaire pour les petites entreprises innovantes. Une entreprise qui change d’échelle a été définie (Coutu, 2014) comme une entreprise dont le taux moyen annualisé de croissance ou de rotation des effectifs est supérieur à 20 % au cours des trois dernières années (et qui comptait plus de dix salariés au début de la période considérée). Trouver des recrues qui leur apportent les compétences dont elles ont besoin, se rendre à même de prétendre à la première place, accéder aux consommateurs sur le marché national et les marchés étrangers, obtenir une solution de financement adéquate et se familiariser avec les structures en place sont au nombre des défis que doivent relever les petites entreprises industrielles en plein essor (Coutu, 2014).
Changement d’échelle de la chaîne de valeur. L’application effective d’une technologie émergente en milieu industriel nécessite également la mise en place de nouvelles chaînes de valeur – soit le développement et la redistribution des capacités liées à la fabrication d’une manière adaptée aux nouveaux produits, modèles économiques et marchés. Dans le cadre de la prochaine révolution de la production, le changement d’échelle des innovations dans les secteurs manufacturiers supposera probablement une coopération de tous les acteurs de la chaîne de valeur industrielle : les fournisseurs de matériaux (et de composants/sous-systèmes) mis en œuvre dans le processus de production et les équipementiers/fournisseurs d’outillage doivent en effet synchroniser leurs activités d’innovation et entretenir des liens étroits avec les utilisateurs finaux. Un rôle clé peut revenir à cet égard aux programmes de mise en relation, aux institutions et aux mécanismes de diffusion (par exemple, aux établissements de R-D intermédiaire, aux organismes de diffusion et aux plans d’action technologiques).
1. L’échelle dite des TRL (technology readiness level) est fréquemment employée pour exprimer le niveau de maturité d’une technologie (CE, 2015). Ses niveaux 4 à 7 intéressent tout particulièrement le changement d’échelle, puisqu’ils recouvrent des activités de R-D consistant notamment en la validation d’une technologie dans un environnement représentatif, la démonstration d’un prototype dans un environnement représentatif et la démonstration d’un prototype de système dans un environnement opérationnel.
Le changement d’échelle peut se définir comme le processus par lequel une innovation se mue en un marché. Cette phase n’est pas sans comporter d’importants risques, techniques et commerciaux, pour les nouvelles technologies industrielles. Leur succès commercial suppose que leur application à grande échelle donne des résultats satisfaisants et que des marchés se développent pour permettre l’écoulement des produits fabriqués en série. C’est alors qu’il faut établir des chaînes d’approvisionnement, susciter une demande et déployer des capitaux.
Le changement d’échelle des technologies émergentes (matériaux avancés, biotechnologies, nanotechnologies, etc.) est une priorité des politiques de recherche industrielle qui se retrouve dans l’ensemble des pays couverts par la présente étude. Nombre des programmes adoptés dernièrement par les pouvoirs publics pour accompagner ce processus à l’égard de technologies révolutionnaires fondées sur les sciences mettent en vedette la faisabilité industrielle, laquelle peut réclamer de nouvelles solutions à la R-D, et nécessiter des outils, des technologies de production et des installations nouvelles pour servir au développement, à la mise à l’essai et à la démonstration d’applications émergentes. Plusieurs pays notamment ont choisi d’investir dans des centres de recherche appliquée et des sites pilotes de production dont la mission est de faire passer les innovations du laboratoire à l’usine. C’est le cas par exemple des établissements liés aux instituts pour l’innovation dans l’industrie avancée, aux États-Unis (Manufacturing USA), du réseau HVM Catapult, au Royaume-Uni, et de l’initiative des lignes pilotes pour les technologies clés génériques (TCG), financée par la Commission européenne. Nous reviendrons plus longuement sur les caractéristiques de certains de ces instituts et programmes dans les études de cas qui leur sont consacrées dans la section suivante.
L’attention portée au changement d’échelle pourrait bien croître encore du fait de la concurrence et du progrès technologique soutenus amenés par la prochaine révolution de la production, qui met les décideurs dans l’urgence de réduire l’écart qui existe entre la R-D et le déploiement des innovations liées à l’industrie avancée et de faciliter un changement d’échelle et une mise sur le marché rapides des technologies connexes (PCAST, 2012). Cela suppose, du même coup, que l’on rende plus efficiente la démonstration de la faisabilité technique et industrielle des produits incorporant des technologies nouvelles. Combler le fossé entre l’accumulation de connaissances et la mise sur le marché de produits avancés et de procédés de fabrication innovants est un objectif qui figure en bonne place à l’ordre du jour des politiques internationales. Au Royaume-Uni, par exemple, plusieurs des centres Catapult institués dans le pays ont pour mission de répondre aux défis que le changement d’échelle peut présenter dans des domaines comme la production à forte valeur ajoutée, les thérapies cellulaires et les applications satellites, et de trouver des solutions qui permettent une prompte commercialisation, sur de vastes marchés, d’une large gamme de produits (Innovate UK, 2015 ; Hauser, 2010, 2014).
Les auteurs de récentes analyses de l’activité manufacturière au niveau national s’attachent à dégager les éléments qui, au sein des systèmes industriels modernes, sont à même de capturer une valeur significative pour l’économie du pays. Dans la zone OCDE plus qu’ailleurs, on a débattu des caractéristiques qui doivent être celles des technologies et systèmes de production pour que l’activité manufacturière demeure compétitive dans des économies où les salaires sont élevés.
Outre l’automatisation et l’application des TIC avancées dans l’ensemble des systèmes de fabrication, le phénomène de convergence des technologies associé à la prochaine révolution de la production ouvre de nouvelles possibilités d’accroître considérablement la productivité industrielle et de réduire non moins considérablement la longueur des chaînes d’approvisionnement (Schuh et al., 2014). Ainsi certaines technologies novatrices permettant de combiner plusieurs étapes de fabrication laissent présager un raccourcissement sensible des temps de production. C’est le cas des centres d’usinage hybride : le traitement thermique par laser s’y effectue concomitamment à une autre opération d’usinage, d’où un très appréciable gain de temps lors des changements de séries (RWTH, 2015). Les applications de la fusion sélective par laser (SLM, selective laser melting), alliées aux outils de conception avancée, autorisent des productions en petits volumes et leur épargnent les coûts élevés traditionnellement liés aux temps de mise en course et de changement de séries. Ces solutions présentent un intérêt indéniable à l’heure où la demande de produits personnalisés suit une pente ascendante (Brecher, 2015 ; Klocke, 2009) et l’on veut croire qu’elles rendront possible le maintien de certaines activités de production dans les pays à salaires élevés. Comme nous le verrons plus loindans le présent chapitre, l’une des principales raisons d’être du pôle d’excellence allemand dédié aux technologies de production intégrative est justement le développement de solutions grâce auxquelles les opérations à forte valeur ajoutée puissent continuer de s’effectuer dans ces pays, dont l’Allemagne fait partie (RWTH, 2015).
Le potentiel disruptif de certaines technologies émergentes à l’égard du mode de distribution de leurs produits par les fabricants, des relations avec la clientèle et des modalités des transactions est une autre thématique mise en avant dans quelques documents d’orientation. Les entreprises reposant sur des plateformes numériques (telles celles fournies par Google ou Amazon), en particulier, devraient, selon toute vraisemblance, jouer un rôle important dans la capture de la valeur créée par les activités manufacturières. Il n’est pas exclu qu’elles se révèlent être des concurrentes ou des partenaires potentielles pour les entreprises de production traditionnelles (CRDS, 2015b). Le gouvernement du Japon s’est employé à identifier les domaines dans lesquels des recherches pluridisciplinaires devront être menées pour appréhender et caractériser les entreprises-plateformes permettant aux fabricants japonais de capturer la valeur issue de leurs activités sur le territoire national (CRDS, 2015a).
Il importe de noter que divers documents d’orientation soulignent que les percées technologiques associées à la prochaine révolution de la production sont susceptibles de permettre la capture de valeur non seulement dans les secteurs dits de pointe mais aussi dans d’autres industries plus traditionnelles (IDA, 2012). On escompte que, par leur conversion aux nouvelles technologies, certaines de ces industries trouvent le moyen de conserver leur viabilité dans les pays à salaires élevés, même face à une concurrence internationale plus intense. Le consortium It’s OWL, dont nous reparlerons plus loin, nous donne une bonne illustration des travaux de recherche menés dans le but de favoriser l’utilisation de ces technologies liées à la prochaine révolution de la production dans de telles branches d’activité.
Le passage en revue des mesures adoptées par les pouvoirs publics face à la prochaine révolution de la production permet d’observer des tendances nouvelles dans la manière de concevoir certains programmes, institutions et initiatives de premier plan censés répondre aux défis de plus en plus complexes associés à la R-D industrielle. On remarque ainsi que le périmètre de la mission d’innovation tend à s’élargir (pour inclure des activités au-delà de la recherche fondamentale en technologie) ; que l’on insiste davantage sur les nouveaux partenariats et liens noués en matière de recherche (pour créer des synergies entre les acteurs de la recherche et établir des relations avec les parties prenantes industrielles les plus diverses) ; et qu’un surcroît d’attention est porté aux nouvelles infrastructures d’innovation (l’objectif étant de disposer de tous les outils, équipements et installations nécessaires à la prochaine révolution de la production). Après un bref exposé de ces différentes tendances, les exemples d’études de cas seront présentés dans la suite du chapitre rendront compte de la diversité des approches nationales et des contextes dans lesquels ces approches s’inscrivent. Nous voulons croire qu’ils contribueront à alimenter les discussions et à encourager au débat à propos de la forme et du mode de gestion qu’il convient de donner aux institutions et programmes relatifs à l’industrie dans le contexte de la prochaine révolution de la production.
L’une des caractéristiques les plus marquantes des politiques et stratégies nationales d’adoption récente dans le champ de la R-D industrielle est la mise en place de programmes et d’institutions dont les fonctions ne se limitent pas au domaine de la recherche fondamentale. Parmi ces fonctions, on citera les suivantes : le développement de compétences avancées ; l’accès à des équipements spécialisés et aux conseils d’experts (en particulier pour les PME) ; la mise à disposition de bancs d’essai pour éprouver les nouveaux produits et procédés de production ; la mobilisation des parties prenantes et la création de réseaux. Au surplus, certaines de ces institutions, avec le concours d’agences de développement économique, mettent leurs capacités techniques au service de l’attraction d’IDE et du développement régional.
Le choix et l’articulation de leurs nouvelles fonctions et activités par les institutions nationales de R-D industrielle dépendent des missions qui leur sont confiées. La tendance étant aujourd’hui aux missions dictées par des enjeux spécifiques, le champ d’action des institutions déborde de plus en plus souvent celui des seules recherches nécessaires en réponse à ces enjeux. De fait, face à certains défis socioéconomiques en rapport, par exemple, avec le vieillissement, la durabilité, l’énergie et la mobilité – aujourd’hui points de mire de certaines stratégies d’innovation et institutions de R-D industrielle4 – il faut avoir recours non seulement à la recherche mais aussi à un vaste ensemble d’activités d’innovation complémentaires.
On prend également de plus en plus garde à ce que la recherche liée aux activités manufacturières vise à répondre à des problèmes intéressant l’industrie dont la recherche pure ne saurait fournir la clé à elle seule. Un exemple de ce genre nous est donné par l’ATI (Aerospace Technology Institute), créé depuis peu au Royaume-Uni. Comme indiqué dans l’Encadré 10.7, afin de contribuer à répondre aux défis de l’innovation dans le secteur aérospatial, l’ATI a été investi d’une mission qui va au-delà du simple financement de la R-D (BIS, 2016 ; ATI, 2016).
L’ATI a été créé en 2013 en application de la stratégie nationale de développement industriel d’alors (BIS, 2016 ; ATI, 2016), stratégie qui faisant de l’aérospatiale l’un des principaux bénéficiaires d’une aide publique coordonnée portant sur la R-D, les compétences, l’accès aux moyens de financement et les marchés publics. Centre virtuel auquel appartiennent des chercheurs issus du monde universitaire et des experts du secteur de l’aérospatiale, épaulés par un petit noyau administratif, l’ATI a pour mission de faire du Royaume-Uni l’un des principaux acteurs de l’innovation dans les domaines clés que sont l’aérodynamique, la propulsion, les aérostructures et les systèmes avancés. Il mène un programme axé sur la recherche et la technologie (programme ATI R&T), couplé à un investissement conjoint de l’État et du secteur privé en faveur de la compétitivité du pays dans les domaines de la conception et de la production aérospatiales, qui porte essentiellement sur des défis de grande envergure, à relever à moyen et long termes, concernant la technologie et les capacités. Il a aussi pour rôle de fournir à l’industrie aérospatiale et aux pouvoirs publics des analyses techniques de haut niveau. Le programme ATI R&T recouvre également le subventionnement de projets de recherche jusqu’à hauteur de 50 % de leur valeur totale et de projets d’investissementen capital, jusqu’à hauteur de 100 % des sommes investies.
Source : ATI (2016), « Raising ambition: Technology strategy and portfolio update 2016 ».
Il va de soi que l’éventail des fonctions adoptées par les institutions nationales dépend de la situation de l’innovation dans le pays et des enjeux technologiques et industriels propres à celui-ci. À titre d’exemple, dans les pays dépourvus de grands laboratoires de métrologie, il faudra dans doute que de nouvelles institutions développent leurs propres fonctions avancées de mesure et d’essai. De même, les pays où il n’existe pas d’organisme de conseil aux industries – comme le partenariat de vulgarisation industrielle (Manufacturing Extension Partnership) aux États-Unis – devront probablement, aux fins de leur mission générale d’innovation, désigner qui se chargera de ce rôle vis-à-vis des petites entreprises manufacturières (par exemple en ce qui concerne les stratégies d’innovation, l’amélioration des procédés, la valorisation de la main-d’œuvre et les normes à respecter).
Exemple de ces nouvelles fonctions dévolues aux institutions nationales, le développement des compétences industrielles fait de plus en plus fréquemment l’objet d’une attention toute particulière de la part des centres publics de recherche, ainsi des centres Catapult au Royaume-Uni ou des établissements du réseau Manufacturing USA. Cela se traduit, entre autres, par l’organisation de formations à destination de jeunes scientifiques et de salariés du privé. Des programmes sont parfois définis de telle sorte que, dans des domaines scientifiques et techniques émergents de quelque importance, la formation dispensée se rapproche par certains aspects de celle d’une école doctorale (ainsi les Centres for Doctoral Training, au Royaume-Uni et l’initiative allemande en faveur de l’excellence dans les écoles doctorales).
Si les décideurs en matière de recherche et d’innovation s’intéressent aux partenariats public-privé depuis bien des années, les programmes et initiatives publics de recherche industrielle insistent aujourd’hui plus qu’hier sur la nécessité de faciliter les rapprochements entre les acteurs intéressés dans l’ensemble des systèmes de production.
Considérant l’ampleur et à la complexité des défis de la prochaine révolution de la production, les diverses capacités et infrastructures dont on aura besoin pour relever chacun d’eux risquent d’être disséminées parmi un large éventail d’acteurs. Plusieurs domaines technologiques sont, individuellement, d’importants moteurs de cette révolution, mais celle-ci n’en sera pas moins portée également par la convergence de bon nombre d’entre eux (OCDE, 2016). C’est pourquoi les responsables des politiques de recherche industrielle s’attachent désormais à renouveler les programmes et institutions dans le but de réunir une panoplie idoine de capacités et d’installations de recherche et d’innovation et de nouer des partenariats judicieux.
Certains des défis auxquels la R-D industrielle se heurte nécessiteront d’avoir recours aux compétences techniques et aux connaissances d’acteurs très divers, non seulement celles des ingénieurs de fabrication et des chercheurs industriels, mais aussi celles des concepteurs, des fournisseurs, des équipementiers, des techniciens d’atelier et des utilisateurs. De la même manière, les défis rencontrés par la recherche pourront réclamer la mobilisation d’installations, d’outils et de connaissances spécialisées au-delà de ce que chaque groupe ou institut est capable de fournir individuellement, mais qu’une large collaboration – par exemple entre les centres de recherche universitaires, les laboratoires nationaux, les organismes technologiques de recherche (OTR) et les laboratoires de métrologie – doit permettre d’obtenir. Ainsi au Royaume-Uni, le réseau HVM Catapult est constitué de centres aux domaines de spécialisation distincts qui collaborent autour de problèmes graves et complexes nécessitant l’emploi conjoint de technologies et de capacités variées.
Au demeurant, la conclusion de vastes partenariats qui, en plus de couvrir les sciences de l’ingénieur et les sciences physiques, s’étendent aussi aux écoles de commerce et aux sciences sociales de manière à bien éclairer les incidences que peuvent avoir, dans les deux domaines en question, les innovations technologiques, ne manquerait pas d’apporter de la valeur ajoutée à la recherche industrielle. Des études japonaises ont d’ailleurs souligné dernièrement l’importance de la coopération entre les spécialistes de différentes disciplines, parmi lesquelles les sciences de l’ingénieur, les sciences humaines et les sciences sociales, en ce qu’elle aide à conceptualiser et développer les entreprises-plateformes qui fourniront demain des produits manufacturés et des services connexes (CRDS, 2015a). Diverses initiatives d’introduction récente, telle celle des centres d’innovation au Japon, sont censées donner lieu à la formulation de programmes de recherche pluridisciplinaire au titre de leur volet socioéconomique, sinon conformément aux objectifs qui leur sont associés, l’idée étant de favoriser les relations de collaboration avec des chercheurs en sciences sociales ou humaines (JST, 2014).
On observe de même un redoublement des efforts consentis pour améliorer la collaboration et la coordination entre les organismes et entre les institutions. Divers programmes de financement de centres de recherche universitaire, par exemple celui des Centres pour l’industrie innovante (Centres for Innovative Manufacturing), au Royaume-Uni, exigent de leurs bénéficiaires qu’ils travaillent de façon collégiale avec d’autres institutions de premier plan (des instituts de R-D industrielle, comme les centres Catapult, des laboratoires nationaux et des organismes nationaux de normalisation) et usent de leur influence auprès d’autres parties prenantes, en plus de coopérer avec elles, pour donner à leurs travaux des répercussions plus immédiates (EPSRC, 2014, 2015). D’autres programmes encore, c’est le cas de l’initiative allemande relative aux campus de recherche, ont été spécialement conçus afin que des chercheurs universitaires se joignent à ceux d’établissements publics de recherche et à des acteurs de l’industrie autour de projets communs ayant une « masse critique »5 (Koschatzky et Stahlecker, 2016).
L’une des préoccupations grandissantes, en ce qui concerne les programmes et établissements de R-D industrielle, est de combiner outils et installations d’une manière judicieuse qui permette de gérer les défis de la convergence et du changement d’échelle, et de saisir les potentialités qui en découlent. Métrologie avancée, technologies de mesure en temps réel, protocoles de caractérisation, technologies d’analyse et d’essai, bases de données ouvertes (par exemple, sur les propriétés des matériaux), mais aussi outils de modélisation et de simulation ne sont que quelques exemples parmi d’autres des outils et technologies génériques nécessaires au changement d’échelle de technologiques émergentes, comme les matériaux avancés et la biologie de synthèse, et à celui des nouveaux systèmes de fabrication issus des TIC. Il importe aussi de s’employer, via la R-D, à perfectionner certains de ces outils car la recherche a besoin désormais de fonctionnalités évoluées et de niveaux de précision supérieurs. On se souviendra ainsi que quelques-uns des grands domaines de R-D industrielle tenus pour prioritaires au Royaume-Uni et présentés à ce titre dans l’Encadré 10.2 sont réunis sous une rubrique intitulée « technologies génériques ».
Dans la même veine, l’initiative « Usines du futur », soutenue par la Commission européenne (EFFRA, 2013) insiste sur la mise au point de méthodes et d’outils d’un genre nouveau dans les domaines de la métrologie et de la modélisation, de la simulation et de la prévision. Priorité est donnée, entre autres, aux modèles virtuels s’étendant à tous les niveaux de l’usine et à toutes les étapes de son cycle de vie, ainsi qu’aux méthodes de modélisation et de simulation applicables aux procédés de fabrication de nature mécanique, énergétique, fluidique et chimique. Les innovations attendues à l’égard de ces différents outils et de ces différentes technologies génériques devraient permettre aux usines de tirer avantage de la prochaine révolution de la production (EFFRA, 2013).
La R-D industrielle gagnant en ampleur et en complexité, il est souvent nécessaire de disposer d’installations de démonstration – bancs d’essai, lignes pilotes et démonstrateurs d’usine, par exemple, qui fournissent un environnement de recherche propice, car pourvu de la panoplie idoine d’outils et de technologies génériques – et des techniciens indispensables au bon fonctionnement de ces installations. Celles-ci servent fréquemment de cadre à des activités de recherche technique et d’expérimentation consistant non seulement à mettre au point des prototypes mais aussi à en faire la démonstration et en tester l’application à l’échelle requise pour leur validation. Le passage au banc d’essai des technologies émergentes peut contribuer à conjurer les risques inhérents à leur adoption, en particulier pour les petites entreprises manufacturières (PCAST, 2014).
Semblablement à ce qui a été dit plus haut au sujet des multiples fonctions dévolues aux instituts de R-D industrielle, ces installations de démonstration peuvent aussi être associées à des activités, touchant à l’organisation et à la commercialisation, destinées à aider les entreprises et les autres parties prenantes de la chaîne de valeur à préparer la production commerciale, en vraie grandeur, de nouveaux produits fondés sur les résultats de la recherche (par exemple, en donnant lieu à des mises au point consécutivement à la fabrication de préséries et en facilitant l’établissement de relations commerciales avec des clients-précurseurs).
Les institutions, dans leur forme et leur mode de fonctionnement, sont déterminées par un ensemble d’éléments contextuels au nombre desquels figurent les priorités nationales en matière d’innovation, les atouts historiques du pays et les caractéristiques propres à son infrastructure institutionnelle (O’Sullivan, 2011, 2016). Qu’il s’agisse d’universités, de ministères de la science et de l’économie, d’instituts de recherche intermédiaire, d’agences de R-D, d’organismes de normalisation, elles jouent, individuellement et collectivement, un rôle clé dans l’exécution des programmes nationaux de R-D industrielle. On constate, d’un pays à l’autre, des différences significatives entre ces acteurs institutionnels qui tiennent à leur organisation propre, à la mission qui leur est assignée, à l’échelle et à la gamme de leurs activités, et aux rapports qu’ils entretiennent entre eux.
Pour mieux illustrer quelques-unes des stratégies dont il a été question précédemment dans ce chapitre et la diversité des contextes et des réponses données dans les différents pays considérés, les paragraphes qui suivent présentent des exemples d’institutions, d’initiatives et de programmes de première importance mis en place pour accompagner les tendances associées à la prochaine révolution de la production. Ces études de cas sont consacrées au pôle d’excellence sur la technologie de production intégrative pour les pays à salaires élevés (Integrative Produktionstechnik für Hochlohnländer, Allemagne), au réseau HVM Catapult (High Value Manufacturing Catapult) sur les activités de fabrication à forte valeur ajoutée (Royaume-Uni), à l’Institut des technologies industrielles SIMTech (Singapore Institute of Manufacturing Technologies, Singapour), à l’initiative It’s OWL (Intelligent Technische Systeme OstWestfalenLippe) sur les systèmes techniques intelligents (Allemagne), au programme interministériel de promotion de l’innovation stratégique (Strategic Innovation Promotion Programme, Japon) et, enfin, à l’initiative sur les lignes pilotes pour les technologies clés génériques (Union européenne, avec les exemples de la Suède et d’un consortium belge).
Installé à Aix-la-Chapelle, le pôle d’excellence sur la technologie de production intégrative pour les pays à salaires élevés (Integrative Produktionstechnik für Hochlohnländer) est l’une des initiatives phares de la Fondation allemande pour la recherche (DFG, Deutsche Forschungsgemeinschaft) pour ce qui a trait aux activités manufacturières. Son rôle consiste à étudier l’intégration de plusieurs technologies de production (souvent avec le concours des TIC avancées) au sein de systèmes hybrides destinés à la fabrication de produits personnalisés avec un coût proche de celui des grandes séries (RWTH, 2015).
Les activités de ce pôle d’excellence montrent, comme nous l’avons vu précédemment, l’importance qu’une économie à hauts salaires peut attacher au maintien de son hégémonie dans le domaine des technologies de production. Il s’agit d’en développer de prometteuses et durables et de recueillir des enseignements utiles, l’objectif étant de contribuer avec effet à la préservation des activités de production qui ont une importance sur le marché du travail allemand, où justement les salaires sont élevés.
Prennent part à cette initiative 19 professeurs du Département des matériaux et des technologies de production et d’autres établissements de recherche associés, dont les instituts Fraunhofer voisins. Leurs travaux portent, entre autres, sur les systèmes de production virtuels, hybrides et auto-optimisables et les procédés et stratégies de production individualisée. Le programme de recherche doit également permettre de jeter les bases d’une théorie de la science de la production, ce qui implique d’articuler des aspects ayant trait à la technologie et aux procédés de production physique avec de grands concepts de gestion et d’économie pour dessiner un cadre global dans lequel les entreprises allemandes puissent inscrire des stratégies de production favorisant la compétitivité (RWTH, 2015).
L’une des solutions envisageables en ce qui concerne les systèmes de production individualisée est le recours à la fusion sélective par laser, procédé de fabrication additive utilisé à l’origine en prototypage, pour les productions en petites séries. Cette technique, et d’autres procédés analogues avec elle, rend possible la réalisation de pièces et de composants dont la forme ou la géométrie ne se prêtent pas à un usinage traditionnel, et partant la fabrication de produits proches de la pièce unique (RWTH, 2016).
Autre grand domaine de recherche, les systèmes hybrides de production grâce auxquels plusieurs étapes de fabrication peuvent être effectuées sur une machine sans modification de ses paramètres. Il est par exemple possible de procéder simultanément à un traitement thermique par laser et à un usinage, avec le même appareil, ce qui a pour effets d’éliminer des étapes de fabrication, de réduire le temps nécessaire aux changements de séries et de raccourcir la chaîne d’approvisionnement (RWTH, 2015). Avec ce genre d’approche intégrative, la productivité des usines pourrait bien faire un bond prodigieux.
La production virtuelle, également étudiée au sein du pôle d’excellence, illustre bien la convergence des TIC avancées et des technologies de production. Les projets dans ce domaine concernent notamment l’exploration, le traitement et la visualisation des données associées à l’ensemble des niveaux systémiques de l’usine – depuis le comportement des pièces lors de chaque procédé de fabrication jusqu’à la logistique générale – pour éclairer les décisions des responsables de la production.
Il convient de noter que, pour avoir été engagée il y a une dizaine d’année déjà, cette initiative bénéficie néanmoins d’un budget en constante augmentation, car elle est l’objet d’évaluations favorables, et que les travaux produits dans ce cadre suivent une progression analogue (RWTH, 2015). Elle demeure par ailleurs à la pointe de la recherche en fabrication numérique et en fabrication en réseau et est devenue l’une des pièces maîtresses du programme Industrie 4.0.
Les centres Catapult sont, au Royaume-Uni, des organismes de R-D appliquée ayant pour finalité de promouvoir la recherche et l’innovation à travers une collaboration, à l’initiative des entreprises, entre scientifiques, ingénieurs et industriels (Innovate UK, 2015). Il est possible de les comparer au réseau NNMI des États-Unis ou aux instituts Fraunhofer allemands. Ils servent de cadre à des travaux de R-D en ingénierie portant sur des domaines comme les activités de fabrication à forte valeur ajoutée, les applications satellites, la production d’énergie en mer à partir de sources renouvelables, l’économie numérique, les systèmes de transport et les systèmes énergétiques. À côté de ce noyau d’activités de R-D technologique, la plupart des centres accueillent d’autres activités en lien avec l’innovation qui prennent appui sur leurs capacités et travaux de recherche. Ces activités complémentaires ont trait notamment aux chaînes d’approvisionnement, aux démonstrations et aux changements d’échelle et à la formation de techniciens spécialisés.
Le réseau HVM Catapult (High Value Manufacturing Catapult), dédié aux activités de fabrication à forte valeur ajoutée, est formé de sept centres dotés chacun d’un savoir-faire et d’installations distincts mais complémentaires, à savoir : l’AFRC (Advanced Forming Research Centre), spécialisé dans la recherche de mise en forme du métal ; l’AMRC (Advanced Manufacturing Research Centre), qui axe ses recherches sur l’usinage et les matériaux avancés ; le CPI (Centre for Process Innovation), qui se consacre à la démonstration et au changement d’échelle de procédés de fabrication concernant des secteurs comme l’industrie pharmaceutique, les biotechnologies et l’électronique imprimée ; le MTC (Manufacturing Technology Centre) qui traite du développement et de la démonstration de nouvelles technologies de production à l’échelle industrielle ; le NCC (National Composites Centre), dont les recherches portent sur les technologies adaptées à la conception et à la fabrication rapide de produits composites de qualité ; le NAMRC (Nuclear Advanced Manufacturing Research Centre), qui consacre ses travaux au nucléaire et à la technologie des matériaux ; enfin le WMG (Warwick Manufacturing Group), privilégie des thématiques comme la mobilité bas carbone.
La structure réticulaire permet aux différents centres de nouer des partenariats et d’unir leurs efforts de recherche pour répondre à des défis complexes, en rapport avec la prochaine révolution de la production, nécessitant de faire appel à tout un ensemble de technologies et capacités. À titre d’exemple, le réseau HVM Catapult porte un projet transversal de grande envergure qui doit permettre de lever différents freins à la production, à une cadence élevée, de pièces automobiles en matériau composite, projet autour duquel le NCC, le WMG, l’AMRC et le MTC mobilisent de concert leurs capacités de recherche (HVMC, 2016).
Le réseau HVM Catapult dispose d’importantes installations de démonstration présentant un intérêt pour la prochaine révolution de la production. Ainsi, en 2014, il a inauguré, sur le site du MTC, le premier démonstrateur d’usine numérique du Royaume-Uni (MTC, 2015). Ce démonstrateur se présente sous la forme d’un environnement immersif, en réalité virtuelle, qui place l’utilisateur dans un « atelier collaboratif » conçu sur le modèle de machines bien réelles. Il reproduit ainsi un environnement de production en continu et permet aux chercheurs universitaires, aux ingénieurs d’entreprises manufacturières et à d’autres parties prenantes de l’industrie de collaborer à l’avènement d’innovations qui auront des effets bénéfiques sur la productivité, la qualité et l’efficacité énergétique.
De plus, grâce au réseau HVM Catapult, les entreprises manufacturières ont accès à des installations (et aux techniciens correspondants) qu’elles peuvent utiliser aux fins du changement d’échelle et de la mise à l’épreuve de procédés de fabrication à forte valeur ajoutée (Innovate UK, 2015). On notera par exemple l’inauguration, en 2016, d’un Centre national de fabrication de produits biologiques (National Biologics Manufacturing Centre), relevant du CPI, qui aidera les entreprises du domaine à exploiter leurs idées, leurs recherches, leur savoir-faire et les informations de marché en leur possession pour formuler des propositions commerciales. Le centre donne libre accès à ses installations et conseils d’experts à qui veut concevoir, mettre à l’essai et commercialiser des procédés et technologies de fabrication nouveaux ou améliorés (HVMC, 2016).
Le réseau HVM Catapult joue également un rôle important dans la constitution de chaînes d’approvisionnement grâce à son expérience et à ses connaissances spécialisées en matière de R-D industrielle (Innovate UK, 2015). En plus de favoriser l’émergence des chaînes d’approvisionnement de demain par l’appui stratégique offert aux PME, il donne accès à un réseau de grands fournisseurs participant aux principales chaînes logistiques de l’industrie. Ainsi, le NAMRC tient un service « F4N » (Fit for Nuclear) à la disposition des entreprises britanniques qui souhaitent se préparer à répondre à un appel d’offres en rapport avec la chaîne d’approvisionnement du nucléaire civil. Ce service permet aux entreprises intéressées d’évaluer leurs activités au regard des normes exigées des fournisseurs du secteur et de déterminer ce qu’il y a lieu de faire, le cas échéant, pour se mettre à niveau sur le plan technologique ou en termes de capacités. Le F4N a été conçu avec le soutien de grands noms du nucléaire, comme AREVA et EDF Energy, qui ne manquent eux-mêmes pas de le solliciter lorsqu’ils sont à la recherche de partenaires potentiels (HVMC, 2016).
Le développement des compétences tient une place importante dans la mission confiée au réseau HVM Catapult (Innovation UK, 2015). De nouveaux centres de formation ont ouvert leurs portes à l’AMRC et au MTC et doivent former des cohortes de technologues et d’ingénieurs rompus aux activités de conception et de fabrication intersectorielles les plus avancées, en s’appuyant pour cela sur des technologies et techniques dernier cri, l’accent étant mis sur la gestion et la diffusion de l’innovation. Le réseau et tous les centres qui lui sont affiliés s’emploient ensemble à harmoniser l’offre d’activités de développement des compétences proposée à l’industrie britannique (HVMC, 2016).
Une étude indépendante est venue mettre en lumière récemment l’action positive du réseau HVM Catapult pour l’industrie du Royaume-Uni et plaider en faveur de la création de nouveaux centres (Hauser, 2014). En 2016, le gouvernement a fait savoir qu’il entendait doubler le budget alloué au réseau dans l’objet d’en étendre les activités à d’autres pans de l’économie britannique encore (Hauser, 2014 ; HVMC, 2016).
L’Institut des technologies industrielles (SIMTech) tient un rôle de premier plan sur la scène de la recherche et de l’innovation industrielles à Singapour. Il a reçu pour mission de pourvoir au développement de technologies de fabrication à haute valeur ajoutée, et du capital humain correspondant, pour accroître la compétitivité de l’industrie manufacturière locale (SIMTech, 2012). Le formage, la mécatronique, le collage, les mesures de précision, l’usinage, les technologies des surfaces, ainsi que la planification et la gestion des activités sont au nombre de ses domaines de spécialité. Il collabore avec des entreprises actives dans différents domaines, dont ceux de l’aérospatiale, de l’automobile, de l’industrie marine, de l’électronique, des semi-conducteurs et des technologies médicales.
Cet institut se distingue notamment en ceci qu’outre sa fonction de recherche fondamentale, il fournit tout un éventail de services complémentaires, en relation avec l’innovation, aux entreprises établies à Singapour. Pour ne citer que quelques-uns de ces services, mentionnons l’aide au renforcement des capacités de R-D des PME ; les projets et consortiums de R-D collaborative ; les programmes de soutien au développement des activités des fournisseurs ; et l’organisation de formations continues fondées sur des études de cas. Les entreprises ont également la possibilité d’accéder à un ensemble très complet d’outils de diagnostic et de mesure que l’institut met à leur disposition. L’éventail des prestations proposées par SIMTech répond aux besoins les plus immédiats de l’industrie tout en conservant une place de choix aux activités de recherche (Young, 2014).
Autre trait particulièrement intéressant, dans le contexte de la prochaine révolution de la production, SIMTech prend des initiatives pour aider les PME à adopter de nouvelles technologies, acquérir de nouvelles capacités et se risquer dans des secteurs de pointe. Des actions ont en effet été initiées dans l’objet d’encourager les PME à s’engager dans des industries en forte croissance, choisies en raison des débouchés qu’elles offrent aux fournisseurs locaux. Les initiatives de ce genre combinent en règle générale projets de recherche conjoints, services d’aide et de conseil (en particulier aux fins de l’application des normes en vigueur dans l’industrie visée) et accès à des équipements d’essai spécialisés. Fort de son expertise de la recherche industrielle, SIMTech est ainsi intervenu, entre autres, dans les domaines de l’aérospatiale, des technologies médicales, de l’exploitation pétrolière et gazière, des équipements complexes et du traitement thermique (SIMTech, 2012).
Les centres d’innovation régis par SIMTech sont organisés autour d’enjeux transversaux qui, comme la productivité et la durabilité, revêtent une importance primordiale dans la perspective de la prochaine révolution de la production. Leur but est d’obtenir la participation des entreprises aux activités d’innovation en leur démontrant tous les bienfaits qu’elles retireront de l’adoption de nouvelles technologies et en leur proposant, aux PME en particulier, un accompagnement aux fins du transfert de ces technologies. L’un de ces centres consacre ses activités aux technologies d’ingénierie de précision, absolument essentielles dans de nombreux domaines – dont l’électronique, l’aérospatiale, l’automobile, les activités maritimes, l’exploitation pétrolière et gazière et les équipements médicaux – et met à la disposition des entreprises toute une panoplie de technologies génériques de mesure et de diagnostic (conception et simulation d’optiques, intégration et caractérisation de systèmes optiques, systèmes visioniques, traitement d’images, profilométrie, inspection de défauts en 2D et 3D, analyse thermique, etc.) (PE COI, 2016).
Le soutien à la montée en gamme des PME, sur le plan technologique, est assuré aussi via le détachement de chercheurs et d’ingénieurs de recherche auprès d’entreprises locales dans le cadre de programmes publics dédiés. Ces détachements de personnel aident les entreprises qui en sont bénéficiaires à identifier quelles technologies leur sont indispensables et à développer des capacités de R-D interne en lien direct avec leurs activités (SIMTech, 2012). SIMTech organise qui plus est de nombreux séminaires, ateliers, forums et conférences de manière à faire connaître les dernières avancées technologiques et sensibiliser le public aux retombées que l’on peut en attendre. En certaines occasions, ce sont des représentants de grandes entreprises qui viennent informer les PME des débouchés ouverts, ou appelés à s’ouvrir, aux fournisseurs locaux.
Pour ce qui est du développement des compétences, SIMTech, avec le concours du ministère de l’Emploi et de ses agences, dispense des formations certifiées, inspirées d’études de cas, qui s’adressent aux spécialistes, ingénieurs des méthodes et responsables de fabrication ainsi qu’aux autres professionnels et dirigeants de l’industrie. Ces formations font largement appel aux compétences des experts de l’institut et à ses installations spécialisées.
SIMTech a resserré ses liens avec les universités de Singapour à la faveur de la création, ces dernières années, de laboratoires conjoints voués aux recherches dans des domaines émergents tels la robotique avancée, les composites à base de fibres naturelles, l’usinage tridimensionnel et les systèmes de précision servant à l’analyse du mouvement. Des formations postdoctorales sont proposées au sein de ces laboratoires dans des domaines de recherche choisis en fonction de l’intérêt qu’ils présentent pour l’industrie (SIMTech, 2012).
Notons enfin que SIMTech se distingue aussi tout particulièrement par le rôle qui est le sien aux fins de l’attraction d’IDE. Dans le cadre d’une collaboration avec le Conseil de développement économique (Economic Development Board), il établit des relations avec des entreprises envisageant d’implanter des activités à Singapour et projette avec elles des programmes conjoints de R-D au titre de la proposition de valeur du pays. Dernièrement, c’est entre autres l’industrie aérospatiale qui était concernée par des projets de ce genre.
Le consortium It’s OWL, dédié aux systèmes techniques intelligents, représente l’un des plus gros investissements consentis par l’Allemagne dans le cadre de l’initiative « Industrie 4.0 » (It’s OWL, 2016a). Il s’agit d’une alliance, réunissant plus de 170 entreprises, universités et instituts, financée par l’intermédiaire du programme des pôles d’excellence du ministère fédéral de l’Enseignement et de la Recherche (BMBF). Le consortium est implanté dans la région Westphalie-Est Lippe, une région qui ne manque pas d’atouts dans les domaines du génie mécanique et des équipements domestiques (It’s OWL, 2016b).
It’s OWL se consacre aux grandes problématiques du numérique qui sont au cœur de la prochaine révolution de la production. On y utilise la notion de « systèmes techniques intelligents » pour décrire les systèmes nés à la confluence des sciences de l’ingénieur et des TIC. Capables de s’adapter par eux-mêmes à leur environnement et aux besoins de leurs utilisateurs comme aux imprévus, ces systèmes sont de surcroît économes en énergie et fiables (It’s OWL, 2016a). It’s OWL explore différentes thématiques à travers ses projets de recherche, notamment, l’auto-optimisation, l’interaction entre l’homme et la machine, les réseaux intelligents et l’efficacité énergétique. Les solutions auxquelles ses travaux permettront d’aboutir devraient avoir une incidence non seulement sur les procédés de production, mais aussi sur le développement, le déploiement, l’entretien et la gestion du cycle de vie des nouveaux produits et systèmes (It’s OWL, 2016).
Les projets du consortium donnent en outre une idée de l’omniprésence des technologies associées à la prochaine révolution de la production dans les industries, aussi bien émergentes que traditionnelles. À côté de ceux consacrés à des applications destinées à la robotique interactive, aux véhicules électriques et hybrides et aux machines-outils intelligentes, d’autres en effet ont trait à la recherche de solutions d’auto-optimisation pour les blanchisseries industrielles et l’industrie du meuble. Les travaux consacrés aux premières, par exemple, visent une meilleure interaction entre machines et procédés par le recours à l’auto-optimisation et aux pinces robotiques. Cela devrait permettre aux blanchisseries de gagner en productivité et de réduire de moitié leur consommation d’énergie, d’eau et de lessive (It’s OWL, 2016b).
It’s OWL propose aussi des programmes de formation continue pour mettre à jour les connaissances des travailleurs de l’industrie devant l’arrivée de nouvelles technologies, les principaux groupes cibles étant les ingénieurs séniors et les jeunes professionnels. Entre autres propositions, on retiendra l’existence d’une université d’été, ouverte aux diplômés et aux jeunes professionnels, et celle d’un programme de perfectionnement s’adressant aux ingénieurs expérimentés.
Adopté par le gouvernement japonais, le programme interministériel de promotion de l’innovation stratégique (Strategic Innovation Promotion Programme, SIP) désigne une initiative nationale placée sous la conduite du Conseil pour la science, la technologie et l’innovation (CSTI), lui-même rattaché aux services du Premier ministre. Il se décompose en dix volets, avec chacun leur budget propre, qui ont pour finalité de redynamiser la société et l’économie japonaises et de hisser les industries manufacturières nationales à un rang plus élevé au plan mondial. Certains de ces volets sont associés à des thèmes intéressant les activités manufacturières, comme les technologies de conception/fabrication innovantes, l’électronique de puissance de prochaine génération, et les matériaux de structure au service de l’innovation (CSTI, 2015).
On notera avec intérêt, en ce qui concerne le volet sur les technologies innovantes de conception/fabrication que nous venons de mentionner, l’attention portée aux recherches consacrées à la convergence entre les TIC, les outils de conception et les technologies de production, et plus spécifiquement aux méthodes de conception et de fabrication souples donnant des produits et des services qui procurent au consommateur un niveau supérieur de qualité et de performance (agrément). Les travaux projetés portent entre autres sur les technologies de production compatibles avec les fonctions ou formes non conventionnelles et l’application d’outils numériques (IdO, systèmes cyberphysiques et données massives) au développement de nouveaux systèmes de prototypage à même de réduire le temps et la dépense nécessaires aux activités de R-D et à la fabrication de produits (Sasaki, 2015).
Les recherches visent également à établir une articulation plus étroite entre les efforts d’innovation déployés dans les activités amont (dont la R-D sur les matériaux et composants) et aval (dont la R-D sur les produits, les services et les systèmes) de manière à ce qu’il soit possible de répondre plus rapidement aux besoins des entreprises et des consommateurs (CSTI, 2015). L’objectif est que les résultats des travaux de recherche soient testés en production sans délai afin de hâter l’intégration d’améliorations en matière de conception.
Le programme SIP présente cette caractéristique remarquable que, pour chacun des volets auxquels est associée une tranche de financement, un responsable, souvent fort d’une solide expérience du secteur privé, chapeaute les projets correspondants depuis le stade des recherches fondamentales jusqu’à l’application pratique et la commercialisation du produit de ces recherches. Pour accéder aux capacités nécessaires, éparpillées entre de multiples acteurs, il est conseillé aux chefs de projet de nouer des liens avec les entreprises, les universités et les établissements publics de R-D.
Les initiatives de la Commission européenne relatives aux lignes pilotes pour les technologies clés génériques (TCG) illustrent, par excellence, la génération montante des programmes de R-D conçus pour répondre aux défis du changement d’échelle et de la convergence.
La Commission a isolé six TCG qui lui paraissent essentielles au développement futur de l’économie et de la société européennes – la microélectronique et la nanoélectronique, les nanotechnologies, les biotechnologies industrielles, les matériaux avancés, la photonique et les technologies de fabrication avancées (CE, 2012). L’un des grands défis de l’innovation dans ces domaines est de franchir ce que l’on appelle la « Vallée de la Mort », et en particulier de faire accéder de nouveaux prototypes, fondés sur ces technologies clés, au stade de la production commerciale. Le rapport du Groupe d’experts de haut niveau sur les technologies clés génériques contient un appel à l’adoption d’une stratégie européenne en faveur des lignes pilotes servant à la démonstration industrielle de ces technologies (CE, 2015a). Ces lignes pilotes s’entendent : i) des installations permettant la fabrication, en quantité significative, de prototypes de produits innovants issus des TCG ; et ii) des activités de démonstration et d’application à l’échelle idoine destinées à valider les prototypes du point de vue de l’utilisateur (CE, 2015b).
À côté de la recherche technique et de la démonstration, les lignes pilotes peuvent également servir à des activités en relation avec l’organisation de la production et le marché, visant à préparer les entreprises et les autres maillons de la chaîne de valeur à la mise en production commerciale de nouveaux produits fondés sur les TCG et à leur fournir des renseignements utiles à cet égard (par exemple, en donnant lieu à des mises au point consécutivement à la fabrication de pilotes et en facilitant l’établissement de relations commerciales avec des clients-précurseurs).
Exemple récent de ligne pilote TCG européenne, financée dans le cadre du programme Horizon 2020, l’installation PIX4life (PIX4life, 2017) est dédiée à la démonstration et au changement d’échelle d’applications photoniques fondées sur le nitrure de silicium (SiN) dans le domaine des sciences de la vie. La finalité technique de cette ligne pilote est de déployer une plateforme validée d’application de la technologie SiN pour la mise au point de circuits intégrés photoniques (CIP) complexes à haute densité et de démontrer que le processus pilote se prête bien au changement d’échelle d’applications dans le domaine des sciences de la vie, par exemple les sources multispectrales en microscopie de super résolution, en cytométrie et en imagerie tissulaire tridimensionnelle. Outre la R-D et les activités de démonstration, l’initiative répond également à des objectifs de renforcement des capacités et de développement de chaînes d’approvisionnement, en particulier, sur ce dernier point, en vue de l’intégration, aux CIP à SiN, de technologies à diode laser matures et de matrices de détecteurs CMOS (semi-conducteur métal-oxyde complémentaire) et de la définition d’un kit et d’outils de conception appropriés pour le nouveau secteur d’activité qui se dessine.
La convergence des technologies figure elle aussi en bonne place dans les mesures relatives aux TCG et aux lignes pilotes adoptées par la Commission européenne. Cette dernière a également conscience du potentiel lié à l’emploi combiné de ces technologies (ou TCG multiples) – par exemple dans le cadre d’applications qui intègrent et mettent en symbiose plusieurs d’entre elles pour offrir des fonctionnalités ou des propriétés uniques qu’il n’aurait pas été possible d’obtenir isolément. Ces TCG multiples commencent à trouver des applications dans des domaines tels que la biophotonique, les nanomatériaux et les systèmes photosensibles. L’étude consacrée à la ligne pilote sur les TCG multiples (CE, 2015b) souligne les défis que pose, sur le plan de l’innovation, le passage de la R-D à la fabrication pilote puis à la production industrielle, notamment pour ce qui est de préserver les fonctionnalités des technologies mises en œuvre dans le cadre d’une production en grands volumes et à des cadences soutenues.
Cette étude s’attarde sur le projet PEA (Printed Electronics Arena), de l’institut suédois Acreo, qui est un démonstrateur de ligne pilote pour les solutions à TCG multiples (CE, 2015b ; PEA, 2017). Spécialisé dans les TIC, l’institut Acreo mène des travaux de recherche appliquée dans des domaines tels que la photonique au service des télécommunications et de la nanoélectronique. Le projet PEA vise à accélérer la commercialisation de composants électroniques imprimés et d’éléments de bioélectronique organique. Une unité de production pilote, baptisée « PEAManufacturing » lui est dédiée, où les entreprises et start-ups peuvent venir apprendre, en conditions réelles, à produire de tels composants et éléments, tester les technologies à partir de leurs propres prototypes et lancer la production de préséries. Elles ont la possibilité d’accéder aux équipements et aux lignes pilotes, de recevoir des avis d’experts (dans différents domaines touchant à la science, à l’organisation de la production et à la gestion de projet) et de s’intégrer à l’écosystème scientifique et économique régional. Le PEA sert aussi de tremplin aux jeunes entreprises, de par les conseils, les formations et l’aide à la micro-production dont peuvent bénéficier les porteurs de projet.
On trouvera dans les paragraphes qui suivent une synthèse des principales thématiques, lignes d’action et leçons à retenir, dans la perspective de la prochaine révolution de la production, mises au jour par le tour d’horizon que nous venons de consacrer aux politiques nationales, exercices de prospective et stratégies des organismes de recherche de divers pays de l’OCDE et autres grandes économies.
Dans le contexte de la prochaine révolution de la production, les politiques de recherche industrielle doivent tenir compte de l’émergence de nouvelles opportunités, porteuses d’une forte valeur ajoutée, suscitées par la convergence des technologies et des systèmes ; des défis liés au changement d’échelle et à l’application des produits de la recherche dans les systèmes industriels ; et de la possibilité de capturer la valeur dans les économies nationales. Les politiques et stratégies industrielles nationales que l’on a passées en revue dans le présent chapitre témoignent d’un souci croissant d’élargir le périmètre des programmes et institutions de recherche et d’innovation (au-delà de la recherche fondamentale) ; de resserrer les liens avec les principaux acteurs des systèmes d’innovation ; et de mettre en place de nouveaux types d’infrastructures d’innovation (outils, technologies génériques et installations) à l’appui de la convergence et du changement d’échelle.
Il est de plus en plus difficile de déterminer quelles doivent être les priorités des initiatives et programmes de recherche industrielle en raison de la convergence technologique et de la complexité croissante des modes de production modernes. Non seulement certains des grands domaines qui s’ouvrent aujourd’hui à la recherche sont, par essence, pluridisciplinaires mais, en plus, les nouvelles percées de la science et de l’ingénierie pourraient bien modifier la dynamique de la compétitivité dans l’industrie et jusqu’au sein de ses secteurs d’activité. Les grands enjeux de la recherche, essentiels au succès de la prochaine révolution de la production, prennent, pour beaucoup d’entre eux, un caractère transversal et systémique qui va s’accentuant, car ils reposent sur la convergence des technologies et des systèmes de fabrication et supposent que divers acteurs du monde de l’innovation et de l’industrie unissent leurs efforts. Lorsqu’ils évaluent les incidences des investissements de R-D – et déterminent ainsi où faire porter leurs efforts – les décideurs doivent tenir compte du fait que les contours des domaines de la recherche industrielle sont de plus en plus flous.
Notons en particulier que les programmes de R-D technologique peuvent se révéler excessivement cloisonnés en l’absence de mécanismes permettant d’aborder les défis de la recherche de manière pluridisciplinaire. En effet, les plus importants de ces défis requerront, dans bien des cas, de s’appuyer sur des disciplines de la recherche industrielle qui sont traditionnellement distinctes (matériaux avancés, outils de production, TIC ou gestion des opérations par exemple). De même, les établissements et programmes publics de recherche se sont fréquemment vu confier une mission circonscrite à la recherche et ils ne sont pas libres d’entreprendre des activités complémentaires d’innovation ou de s’associer à d’autres acteurs de l’innovation. Ce qui explique qu’ils se trouvent souvent dans l’impossibilité de réunir les capacités, partenaires et installations dont ils auraient besoin pour relever les défis du changement d’échelle et de la convergence. Les études de cas l’ont illustré, et nous y reviendrons brièvement plus loin, de nouvelles stratégies voient le jour pour remédier à tout cela.
Les problématiques liées au changement d’échelle, à la convergence et à la complexité des systèmes ne sont pas non plus sans remettre sérieusement en question la manière dont sont conçus les indicateurs clés de performance et les instruments d’évaluation applicables aux programmes de R-D industrielle. Dans leur version traditionnelle, ces indicateurs et instruments n’incitent pas toujours autant qu’il conviendrait à un rapprochement des institutions, au renforcement de l’interdisciplinarité ni à l’application de la recherche. Divers défis liés à la prochaine révolution de la production solliciteront une contribution différente de la recherche et de l’innovation en fonction d’une pluralité de facteurs, dont le secteur concerné et le degré de maturité de la technologie. Pour mieux évaluer les institutions et les programmes, il y aurait lieu de se doter de nouveaux indicateurs, en complément de ceux déjà utilisés (comme le nombre de publications et de brevets) et en particulier dans les domaines suivants : démonstration réussie par lignes pilotes et bancs d’essai, développement des compétences des techniciens et ingénieurs, renouvellement de participation à des consortiums, présence des PME dans de nouvelles chaînes d’approvisionnement, et contribution à l’attraction d’IDE. Les responsables des politiques devraient se garder d’adopter des indicateurs de performance universels qui ne rendent pas compte de la nature systémique de la prochaine révolution de la production.
Des technologies de première importance, comme les TIC avancées (systèmes cyberphysiques, données massives, IdO), les biotechnologies industrielles et les nanotechnologies, pourraient bien transformer radicalement les systèmes mondiaux de fabrication dans les décennies à venir (OCDE, 2015, 2016). Les technologies de production, les systèmes de fabrication et les secteurs industriels sont également entrés en convergence. Ce phénomène de convergence des technologies et des systèmes sera vraisemblablement le moteur de la prochaine révolution de la production. Au moment de concevoir des programmes et initiatives de recherche, les décideurs doivent garder présent à l’esprit qu’il est porteur de nouvelles possibilités et de nouveaux défis pour la R-D industrielle, élargissant le champ ouvert à l’innovation et l’éventail des moyens d’en capturer la valeur. Les programmes de recherche que la Commission européenne consacre à l’emploi combiné de plusieurs technologies clés génériques sont des exemples d’initiatives visant explicitement à saisir les opportunités ainsi suscitées par la convergence.
La complexité des systèmes et le relatif manque de maturité de bon nombre des technologies clés qui doivent régir la prochaine révolution de la production ne sont pas sans causer des difficultés considérables au changement d’échelle des activités de fabrication et à l’industrialisation de nouveaux produits. L’intégration des technologies convergentes peut se faire de telle manière qu’elle offre de nouvelles fonctionnalités aux produits et/ou en améliore la qualité de fonctionnement. Il n’est pas exclu cependant que ces caractéristiques soient difficiles à conserver dans le cadre d’une production à l’échelle industrielle faisant appel à des outils et à des procédés de fabrication classiques. Les décideurs doivent être sensibilisés aux problèmes de faisabilité industrielle associés au changement d’échelle des technologies de rupture que nous devons aux sciences et qui requerront sans doute de nouvelles solutions fondées sur la R-D ainsi que des outils, des technologies de production et des installations d’un genre nouveau. Les investissements en direction des centres de recherche appliquée et des unités de production pilote, le but étant de faire passer les innovations du laboratoire à l’usine, constituent l’une des réponses courantes à ces défis. On reprendra ici l’exemple des instituts du réseau Manufacturing USA, aux États-Unis, des centres HVM Catapult, au Royaume-Uni, et des lignes pilotes pour les technologies clés génériques,qui bénéficient d’un financement de la Commission européenne.
Bien des pays de l’OCDE, dans leurs stratégies de R-D industrielle, attachent un surcroît d’importance à la découverte de nouvelles solutions permettant de capter, dans l’économie nationale, la valeur créée par la prochaine révolution de la production. À titre d’exemple, ils portent un intérêt marqué aux technologies et systèmes hybrides rendant possible la fabrication de produits personnalisés pour un coût identique à celui d’une production en grande série. Les gains de productivité promis par la révolution de la production (notamment avec l’Industrie 4.0, et en particulier les systèmes de fabrication avancée issus des TIC) ne sont pas non plus sans retenir une attention considérable. On s’intéresse de même au potentiel des entreprises-plateformes fondées sur l’internet pour la capture de la valeur créé par la fourniture en ligne de biens et de services et les interactions avec les consommateurs. Le pôle d’excellence allemand Integrative Produktionstechnik für Hochlohnländer, par exemple, étudie de multiples solutions à même d’autoriser le maintien dans le pays d’activités de production à forte valeur ajoutée (RWTH, 2015, 2016).
L’une des caractéristiques marquantes qui ressort de ce tour d’horizon des institutions nationales de R-D industrielle établies récemment est que celles-ci, en plus de leurs activités fondamentales de recherche technologique, se livrent à tout un ensemble d’activités complémentaires à l’innovation : développement de compétences avancées, mise à disposition d’équipements spécialisés et conseils d’experts (en particulier pour les PME), mise à disposition de bancs d’essai pour les nouveaux procédés de production et produits, relations avec les parties prenantes et formation de réseaux. Certaines d’entre elles, qui plus est, avec le concours d’organismes de développement économique, mettent leurs capacités techniques au service de l’attraction d’IDE et du développement régional. L’institut SIMTech (Singapore’s Institute of Manufacturing Research) est un bon exemple d’institution prenant appui sur sa fonction de recherche fondamentale pour élargir le périmètre de ses activités et assumer d’autres fonctions complémentaires en relation avec l’innovation.
Les défis qui se posent à l’innovation dans le contexte de la prochaine révolution de la production sont d’une ampleur et d’une complexité telles que les capacités et infrastructures nécessaires pour les relever sont parfois disséminées entre un grand nombre d’acteurs. Si les décideurs en matière de recherche et d’innovation s’intéressent depuis de longues années aux partenariats public-privé, on constate, dans les programmes et initiatives publics de recherche industrielle adoptés récemment, une volonté de plus en plus nette de tisser des liens solides avec les acteurs pertinents des systèmes de production. À titre d’exemple, certains des défis auxquels la R-D industrielle se heurte nécessiteront d’avoir recours aux compétences techniques et aux connaissances d’acteurs très divers, non seulement à celles des ingénieurs de fabrication et des chercheurs industriels, mais aussi à celles des concepteurs, des fournisseurs, des équipementiers, des techniciens d’atelier et des utilisateurs. Ils pourront également réclamer la mobilisation d’installations, d’outils et de connaissances spécialisées allant au-delà de ce que chaque groupe ou institut de recherche est capable de fournir individuellement, mais qu’une large collaboration (par exemple entre les centres de recherche universitaire, les laboratoires nationaux, les Organismes de Technologie et de Recherche et les laboratoires de métrologie) doit permettre d’obtenir. De surcroît, la conclusion de vastes partenariats interdisciplinaires qui, en plus de couvrir les sciencesde l’ingénieur et les sciences physiques, s’étendent aussi aux écoles de commerce et aux sciences sociales de manière à bien mettre en lumière les incidences potentielles, dans les deux domaines en question, des innovations technologiques, ne manquerait pas d’apporter de la valeur ajoutée à la recherche industrielle. Ainsi, au Royaume-Uni, le réseau HVM Catapult est une coalition de centres aux domaines de spécialisation distincts qui travaillent ensemble sur des problèmes importants et complexes nécessitant l’emploi conjoint de technologies et de capacités variées.
Les décideurs veillent de plus en plus attentivement, dans leurs choix d’investissement, à ce que l’infrastructure de R-D industrielle combine judicieusement outils et installations pour gérer les défis de la convergence et du changement d’échelle, ainsi que pour tirer profit des potentialités qui en découlent. Ils prennent notamment un souci particulier des technologies génériques nécessaires à l’innovation industrielle, au nombre desquelles se rangent la métrologie avancée, les technologies de mesure en temps réel, les technologies de caractérisation, d’analyse et d’essai, les bases de données partagées, ainsi que les outils de modélisation et de simulation. S’y ajoutent les installations de démonstration – telles que les bancs d’essai, les lignes pilotes et les démonstrateurs d’usine, qui fournissent un environnement de recherche propice, car pourvu de la panoplie idoine d’outils et de technologies génériques – sans oublier les techniciens indispensables à leur bon fonctionnement. Le programme des lignes pilotes pour les technologies clés génériques, financé par la Commission européenne, est un exemple d’initiative visant à renouveler l’infrastructure d’innovation face aux défis évoqués.
Certaines des nouvelles approches adoptées pour à la prochaine révolution de la production mises en lumière dans le présent chapitre ont fait leur apparition il y a moins de cinq ans et n’ont pas encore été l’objet d’une évaluation (ou les résultats de cette évaluation n’ont pas été rendus publics). Des indicateurs clés de résultats et instruments spécialement conçus pour servir à évaluer les instituts de recherche industrielle avancée commencent à voir le jour (voir, par exemple, AMNPO, [2015] et BIS [2016]) et des évaluations préliminaires sont en cours dans certains cas (voir, par exemple, Hauser [2014]). Il importe que les décideurs définissent des indicateurs clés de performance et des indicateurs de réussite et procèdent à une évaluation et à un examen des institutions, programmes et initiatives nouveaux, à commencer par ceux présentant, à l’égard de la prochaine révolution de la production, des caractéristiques semblables à celles dont il a été question ici. Il serait bon désormais de s’employer à constituer un socle de données factuelles, en portant une attention toute particulière au rôle qu’il appartient aux pouvoirs publics de jouer s’agissant de soutenir l’innovation par la R-D industrielle.
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← 1. Le terme de « systèmes embarqués » désigne des produits, des équipements ou d’autres systèmes électroniques plus complexes encore contenant des dispositifs informatiques qui permettent aux objets du quotidien de communiquer (avec d’autres « objets intelligents »), soit directement soit par l’intermédiaire d’un réseau, par exemple l’internet. Passerelles entre le cyberespace et le monde physique, entre le virtuel et le réel, les systèmes embarqués sont considérés comme formant la « bordure » de l’IdO (ARTEMIS, 2011).
← 2. Les portefeuilles d’activités de recherche industrielle et la terminologie associée à ces activités dans un pays donné sont, dans une certaine mesure, le reflet des atouts et structures dont il dispose dans les champs de l’industrie et de l’innovation (O’Sullivan, 2011).
← 3. La fabrication se définit d’une manière générale comme le processus consistant à transformer des matériaux en produits utilisables, par l’application du savoir et du savoir-faire humains (NAE, 2012). Les établissements du secteur manufacturier sont habituellement considérés comme étant ceux dont l’activité consiste à transformer, par un procédé mécanique ou chimique, des substances ou des composants en un nouveau produit (NAICS, 2007). D’autresdéfinitions plus larges mettent en avant la chaîne de valeur des activités exécutées par les entreprises et les travailleurs en vue de créer un produit, le mettre sur le marché et l’entretenir jusqu’à sa mise au rebut, activités parmi lesquelles on trouve la R-D, la conception, la gestion de la chaîne d’approvisionnement, la distribution, le marketing et le service après-vente. D’autres définitions encore, plus récentes, dénotent une prise de conscience du caractère complexe, dynamique et systémique des activités de fabrication. On y fait notamment une plus large place à la complexité des interactions et relations d’interdépendance entre les secteurs d’activité manufacturière, les technologies et les services qui interviennent dans la production de nombreux produits modernes, qui sont eux-mêmes, bien souvent, des systèmes extrêmement complexes (PCAST, 2011 ; Tassey, 2010 ; Brecher, 2012).
← 4. La nouvelle version de la stratégie allemande en faveur des technologies de pointe (BMBF, 2014a), pour prendre cet exemple, est bâtie autour de projets répondant à une fin précise dictée par de grands enjeux de société, dont on suppose qu’ils correspondent aux « marchés de demain ». Le climat et l’énergie (avec, par exemple, la neutralité carbone, l’efficacité énergétique et l’adaptation climatique des villes), la santé et la nutrition (avec, par exemple, la médecine personnalisée),la mobilité (avec entre autres objectifs celui d’avoir 20 millions de véhicule électriques en circulation d’ici 2020), la sécurité (avec notamment un effort sur la protection des réseaux de communication) et les communications (à travers, par exemple, la stratégie TIC 2020) sont de ceux-là.
← 5. Dans ce contexte, la « masse critique » est une notion que les agences de financement emploient volontiers pour désigner un projet de recherche de grande envergure, mobilisant un nombre important de spécialistes de disciplines complémentaires autour de problèmes d’une ampleur et d’une complexité telles qu’ils ne pourraient être traités efficacement via l’octroi de subventions à des chercheurs travaillant seuls ou en équipe.