La prochaine révolution de la production
Chapitre 3. Bioproduction et bioéconomie1
Abstract
La biotechnologie industrielle implique la production de biens à partir de biomasse renouvelable et non de ressources fossiles épuisables. Objet de bien des progrès et réalisations ces dernières années, elle apporte la preuve que protection de l’environnement peut aller de pair avec création d’emploi et croissance économique. Plusieurs obstacles s’opposent néanmoins à son déploiement au service d’une large gamme de produits. Certains, de nature technique, nécessitent davantage de recherche et développement. D’autres sont dus au fait que la bioproduction est en concurrence directe avec les industries pétrolière, gazière et pétrochimique qui peuvent se prévaloir de décennies d’expérience, de chaînes d’approvisionnement perfectionnées, d’économies à grande échelle et de subventions. Un troisième type d’obstacles, enfin, est lié aux incertitudes qui entourent la durabilité de la biomasse destinée à servir de matière de base de la production future. Il en résulte que les mesures nécessaires pour exploiter les potentialités de la bioproduction sont très diverses : elles pourront passer par un soutien public à la recherche, l’élaboration d’un indicateur de durabilité de la biomasse, des programmes d’étiquetage des produits à l’intention des consommateurs, ou encore des initiatives en faveur de l’enseignement et de la formation du personnel.
Introduction
L’expansion de la bioéconomie est plus que jamais indispensable. L’actualité de 2015 – en particulier la COP21 et le Sommet mondial sur la bioéconomie – a propulsé sous les projecteurs de la scène politique le concept de bioéconomie qui, depuis déjà plus de dix ans, gagnait en importance. Ces récents événements, ainsi que l’élaboration du Programme de développement durable de l’Organisation des Nations Unies (ONU), sont intervenus en réponse aux « grands défis » que constituent le changement climatique, la sécurité énergétique, la sécurité alimentaire, la sécurité de l’eau et l’épuisement des ressources naturelles. L’expansion d’une économie fondée sur les biotechnologies peut aider à rapprocher croissance économique et réalisation des objectifs environnementaux et, aussi, à atteindre des objectifs comme le développement industriel rural. À l’heure actuelle, au moins 50 pays, dont ceux du G7, sont dotés d’une stratégie nationale en faveur de la bioéconomie ou de politiques connexes (El-Chichakli et al., 2016).
La biotechnologie industrielle implique la production de biens à partir de biomasse renouvelable et non de ressources fossiles épuisables, la biomasse pouvant être issue du bois, des cultures vivrières et non vivrières, voire des déchets ménagers. Elle fait l’objet de bien des progrès et réalisations. Par exemple, plusieurs décennies de recherche en biologie ont donné naissance à la biologie de synthèse et aux technologies d’édition du génome (la biologie de synthèse consiste à concevoir et à construire des éléments biologiques, des fonctions et des systèmes nouveaux, et à reconstruire des systèmes biologiques naturels existants). Alliés à la génomique moderne, qui constitue la base d’informations de toutes les sciences modernes du vivant, les outils sont en place pour amorcer une révolution biotechnologique dans la production. Les percées les plus récentes vont des biobatteries à la photosynthèse artificielle, en passant par les micro-organismes capables de produire des biocarburants. Début 2017, il a même été annoncé que des scientifiques avaient réussi à synthétiser du graphène à partir d’huile de soja, comme on le verra plus loin dans ce chapitre.
Toutefois, aussi remarquables que soient ces nouvelles avancées, c’est avec le déploiement de bioraffineries de pointe que la biotechnologie industrielle pourra jouer à moyen terme un rôle environnemental déterminant (Kleinschmit et al., 2014). En substance, une bioraffinerie transforme de la biomasse en produits commercialisables (denrées, alimentation animale, matériaux, produits chimiques) et en énergie (combustible, électricité, chaleur). Ce chapitre propose, sur la base d’une récente enquête de l’OCDE, une synthèse des différentes lignes de conduite adoptées dans le monde pour développer les bioraffineries de pointe.
Avec le développement des bioraffineries se pose la question fondamentale de la durabilité de la biomasse que ces installations ont pour vocation de transformer. Les pouvoirs publics peuvent concourir à la mise en place de chaînes d’approvisionnement durables pour cette production fondée sur les biotechnologies. Dans cette optique, il est urgent qu’ils soutiennent les efforts engagés pour mettre au point une définition complète ou universelle de la durabilité (en ce qui concerne les matières de base), des outils de mesure de cette durabilité, et des accords internationaux sur les indicateurs requis afin de stimuler les activités de collecte de données et de mesure (Bosch, van de Pol et Philp, 2015). Il est par ailleurs indispensable de disposer de normes de performance environnementale applicables aux bioproduits dans la mesure où très peu rivalisent actuellement avec les produits pétrochimiques en termes de coût et où la réglementation impose souvent une exigence de durabilité.
Des bioraffineries de démonstration sont en activité en phase pilote et commerciale. Indispensables pour répondre aux questions techniques et économiques entourant la production avant l’étape des investissements coûteux à grande échelle, elles n’en sont pas moins des investissements à haut risque dans la mesure où les technologies concernées n’ont pas encore été éprouvées. Il est donc nécessaire de les financer au moyen de partenariats public-privé pour limiter les risques encourus par les parties privées et démontrer la volonté des pouvoirs publics de poursuivre dans la durée des politiques cohérentes dans les domaines de l’énergie et de la production industrielle.
Alors que les biocombustibles font l’objet d’initiatives depuis déjà plusieurs décennies, les pouvoirs publics ne prêtent guère attention aux produits chimiques fondés sur les biotechnologies, qui présentent pourtant un potentiel immense de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) (Weiss et al., 2012).
En termes de réglementation, les pouvoirs publics devraient se concentrer sur trois objectifs :
Favoriser l’utilisation d’instruments, en particulier les normes, afin de faire disparaître les obstacles aux échanges de bioproduits.
S’attaquer aux contraintes réglementaires qui freinent les investissements.
Fixer pour les bioproduits des règles équivalentes à celles applicables aux biocombustibles et à la bioénergie (Philp, 2015).
Une meilleure réglementation des déchets pourrait également doper la bioéconomie. Il faudrait par exemple qu’elle soit moins normative et plus souple, de manière à autoriser le bioraffinage des résidus agricoles et forestiers ainsi que des déchets ménagers2. À travers la passation des marchés publics, les administrations pourraient aussi jouer un rôle de premier plan dans la tenue du marché.
Comme exposé dans ce chapitre, les pouvoirs publics pourraient soutenir de diverses manières la bioproduction et l’ingénierie métabolique (qui consiste à utiliser le génie génétique pour modifier le métabolisme de micro-organismes afin de les transformer en produits utiles) aux stades de la R-D et de la commercialisation. Il pourrait s’agir, par exemple, d’accompagner la R-D à la convergence de la biotechnologie industrielle et des nouveaux procédés chimiques inoffensifs pour l’environnement, ou encore de favoriser l’utilisation accrue du calcul, de l’analyse de données et des technologies numériques en biologie de synthèse (qui implique l’écriture d’un nouveau code génétique) et en ingénierie métabolique.
La bioproduction pose comme défi majeur d’être pluridisciplinaire. Les chercheurs devront être en mesure de collaborer à la croisée d’une multitude de disciplines : agriculture, biologie, biochimie, chimie des polymères, science des matériaux, sciences de l’ingénieur, évaluation environnementale, économie, mais aussi politiques publiques. Les subventions de la recherche et de la formation devront aider à produire non seulement les technologies requises, mais aussi une communauté d’experts techniques (Delebecque et Philp, 2015). Comme on le verra dans ce chapitre, les pouvoirs publics disposent d’un certain nombre de solutions éprouvées pour relever le défi.
L’acheminement vers un système de production de l’énergie et des matériaux fondé sur les ressources renouvelables sera long et semé d’embûches techniques et politiques. À la différence des transitions antérieures, du bois au charbon, puis du charbon au pétrole, la tâche est compliquée par les défis planétaires qui se posent aujourd’hui et qui la rendent d’autant plus urgente.
Un cadre d’action pour la bioéconomie
Le présent chapitre comprend deux parties. La première expose les implications d’un cadre d’action pour la bioéconomie et classe les différentes formes de soutien selon qu’elles sont axées sur l’offre ou sur la demande. La seconde propose un tour d’horizon des applications de la bioproduction et de la biotechnologie industrielle, afin de donner à voir aux décideurs l’impact possible de cette forme d’industrie manufacturière. Des objets de la vie quotidienne, comme les pneus et les bouteilles, sont déjà fabriqués avec des ressources renouvelables. Le problème général à résoudre est celui du passage à une production à grande échelle.
Il existe de nombreuses définitions de la bioéconomie. En cohérence avec l’OCDE (2009), on utilisera la définition de travail suivante aux fins de la présente publication : la bioéconomie recouvre « l’ensemble des activités économiques telles que la biotechnologie contribue de façon essentielle au secteur primaire et à l’industrie, en particulier quand les techniques avancées des sciences de la vie sont appliquées à la conversion de biomasse en matières, produits chimiques et combustibles ».
Des défis environnementaux et économiques d’envergure planétaire
Quand un pays double sa richesse, ses émissions de carbone augmentent d’environ 80 % (PNUE, 2010). Pour relever ce défi environnemental, il est indispensable de découpler la croissance économique de la dégradation de l’environnement : en particulier, il faut considérablement réduire les émissions de carbone (OCDE, 2009). Le G7 a appelé à se rapprocher autant que possible, d’ici 2050, d’une diminution des niveaux d’émission de carbone de 70 % par rapport aux niveaux de 2010 (G7 Germany, 2015). Dans la même ligne que les objectifs de la bioéconomie, l’accord de Paris sur le climat signé en 2015 vise à réduire la pollution causée par le carbone et à créer davantage d’emploi et de croissance sous l’impulsion d’investissements dans des projets sobres en carbone (CCNUCC, 2015).
Il importe que les pouvoirs publics et les acteurs privés voient, au-delà des seules menaces, les opportunités qui découlent de l’épuisement des ressources. Bâtir une bioéconomie offre la possibilité de reconstruire l’industrie et la société de façon durable, et de créer des emplois et de la valeur ajoutée en exploitant la biomasse plutôt que les ressources fossiles. Pour l’Académie nationale des sciences des États-Unis, il s’agit véritablement d’une « vision de l’avenir » car « les matières de base d’origine pétrolière dont on dépend fondamentalement sont une ressource limitée, et la diversification des matières de base élargira encore davantage le champ des possibles pour l’industrie manufacturière chimique » (Académie nationale des sciences, 2015).
Élaborer un cadre d’action pour la bioéconomie : généralités
Toutes les aspirations de la bioéconomie dépendent de son approvisionnement en biomasse durable (Piotrowski, Carus et Essel, 2015). Dans le monde d’après les combustibles fossiles, une part croissante des produits chimiques, plastiques et textiles, des combustibles et de l’électricité proviendra inévitablement de la biomasse, ce qui accroîtra la concurrence foncière (Haberl, 2015). En effet, d’ici 2050, l’humanité devra aussi produire 50 % à 70 % de denrées alimentaires de plus (FAO, 2009), dans des conditions de sécheresse de plus en plus fréquentes (Cook, Ault et Smerdon, 2015) et sur des sols de mauvaise qualité (Nkonya, Mirzabaev et von Braun, 2016). C’est là que se situe une difficulté majeure pour la bioéconomie : réconcilier les besoins contradictoires de l’agriculture et de l’industrie (Bosch, van de Pol et Philp, 2015). Priorité doit bien sûr être donnée à l’alimentation (El-Chichakli et al., 2016), donc la mesure dans laquelle la production industrielle peut s’appuyer sur la biomasse reste à déterminer (PBL, 2012).
Un autre problème concerne la durabilité des bioproduits, dont les biocombustibles et la bioénergie. En effet, tous les produits et combustibles biosourcés ne sont pas égaux à cet égard. Si certains peuvent présenter des avantages environnementaux (par exemple le fait d’éviter de grandes quantités d’émissions de gaz à effet de serre), il ne faudrait pas supposer que c’est toujours le cas (Posen, Jaramillo et Griffin, 2016). La durabilité des bioproduits doit être examinée au cas par cas (par exemple, Urban et Bakshi, 2009 ; Lammens et al., 2011). De fait, les estimations des impacts environnementaux varient considérablement (Montazeri et al., 2016), ce qui est une entrave sérieuse à la bioproduction. La crédibilité de la filière passe donc par des efforts de normalisation internationale (Carus, 2017). Par ailleurs, on s’inquiète vivement du fait que l’analyse du cycle de vie (ACV) soit le seul outil mis en œuvre dans les évaluations environnementales (ANEC, 2012) : en effet, l’ACV ne mesure que les dimensions environnementales de la durabilité, sans en saisir les aspects économiques et sociaux.
Une cinquantaine de pays ont inscrit des objectifs de bioéconomie dans leurs stratégies économiques et d’innovation. Certains se sont dotés d’une stratégie bioéconomique spécifique, notamment l’Afrique du Sud, l’Allemagne, les États-Unis, la Finlande, le Japon et la Malaisie. D’autres ont des politiques cohérentes avec le développement d’une bioéconomie, par exemple l’Australie, le Brésil, la Corée, l’Inde, l’Irlande, les Pays-Bas, la République populaire de Chine (ci-après la « Chine »), la Russie et la Suède. On trouvera un tour d’horizon complet des différentes intentions nationales dans Bioökonomierat (2015). Les priorités diffèrent d’un pays à un autre, certains se concentrant davantage sur la santé, tandis que d’autres privilégient la bioénergie. Beaucoup, néanmoins, expriment l’intention de développer une bioindustrie dont les produits auraient une valeur ajoutée supérieure à celle des biocombustibles ou de la bioénergie. Cependant, les stratégies bioéconomiques nationales, même si elles témoignent d’une volonté et d’un engagement, tendent à ne pas entrer dans le détail des instruments d’action. De plus, de nombreux autres domaines d’action ont une influence sur la bioéconomie : fiscalité, politique industrielle, politique agricole, gestion des déchets, échanges, et d’autres encore. Cette diversité rend d’autant plus difficile l’élaborationd’un cadre d’action unique pour la bioéconomie.
Les mesures doivent être axées sur l’offre, axées sur la demande et transversales
Plusieurs instruments d’action sont essentiels. Ils sont classés dans le tableau 3.1 dans les trois catégories « volontarisme technologique » (mesures axées sur l’offre), « incitation par le marché » (mesures axées sur la demande) et « actions transversales », et sont décrits plus en détail dans la suite de ce chapitre.
La demande est une source d’innovation majeure, mais tous les pays n’ont pas pleinement pris la mesure de son rôle essentiel pour stimuler l’innovation (Edler et Georghiou, 2007). Ces dernières années, toutefois, beaucoup de pays de l’OCDE ont eu davantage recours à des instruments axés sur la demande : marchés publics, réglementation, normes, politiques de consommation, ou encore initiatives en faveur de l’innovation stimulée par les utilisateurs (OCDE, 2011a). L’expérience dans la zone de l’OCDE montre que la mise en œuvre de politiques axées sur la demande reste limitée à des domaines où les mécanismes de marché ne suffisent pas à satisfaire les besoins sociétaux (par exemple, environnement) ainsi qu’à des domaines où marchés publics et privés se rejoignent (par exemple, approvisionnement en énergie). Il est donc pertinent que les objectifs stratégiques en matière de bioéconomie soient soumis à des considérations environnementales et énergétiques.
tableau 3.1. Instruments d’action d’un cadre pour la bioéconomie
Volontarisme technologique/matières de base |
Incitation par le marché |
Actions transversales |
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Accès local aux matières de base |
Objectifs et quotas |
Standards et normes |
Accès international aux matières de base |
Obligations et interdictions |
Certifications |
Subvention de la R-D |
Marchés publics |
Compétences et formation |
Soutien des installations pilotes et des démonstrateurs |
Labels et sensibilisation |
Pôles régionaux |
Soutien financier des projets phares |
Soutien financier direct pour les bioproduits |
Adhésion du public |
Incitations fiscales pour la R-D industrielle |
Incitations fiscales pour les bioproduits |
|
Conditions d’investissement améliorées |
Incitations liées aux émissions de gaz à effet de serre (par exemple, SEQE) |
|
Pôles technologiques |
Taxes sur le carbone fossile |
|
Gouvernance et réglementation |
Suppression des subventions aux combustibles fossiles |
Source : D’après Carus, M. (2014), « Presentation at the OECD workshop on bio-based production ».
L’action publique est nécessaire à de multiples niveaux
La bioéconomie nécessite une intervention publique à plusieurs niveaux (Graphique 3.1) : régional, avec notamment le déploiement de bioraffineries ; national, s’agissant du soutien à la R-D (par exemple pour la biologie de synthèse) ; et mondial, en ce qui concerne la biomasse et sa durabilité.
Or, le développement d’une bioéconomie se heurte à un obstacle majeur : les secteurs concernés opèrent en silos sans nécessairement communiquer les uns avec les autres. Par exemple, la filière des produits chimiques de base n’interagit pas régulièrement avec les agriculteurs. On retrouve cet isolement entre les différentes familles d’instruments d’action. On trouvera donc ci-après une classification des instruments qui peuvent servir à développer une bioéconomie de portée régionale, nationale et mondiale. Les exemples illustrant la nécessité d’un tel cadre d’action sont tirés de pays de l’OCDE et d’économies partenaires.
Mesures axées sur l’offre
Soutenir la R-D et la commercialisation en ingénierie métabolique et en bioproduction
La biotechnologie essentielle à la production de matières biosourcées est l’ingénierie métabolique, c’est-à-dire le fait d’utiliser le génie génétique pour modifier le métabolisme de micro-organismes. Il peut s’agir d’optimiser des voies biochimiques existantes ou d’intégrer des composés métaboliques, le plus souvent dans des bactéries, des levures ou des plantes, afin de produire avec un rendement élevé des molécules à usage médical ou biotechnologique.
En dépit du grand nombre de succès de recherche en ingénierie métabolique, très peu de nouvelles molécules ont débouché sur un succès commercial. Il faut encore 50 à 300 personnes-années de travail et des millions de dollars pour qu’un produit de l’ingénierie métabolique parvienne sur le marché (Hong et Nielsen, 2012). À titre de comparaison, la chimie connaît des taux de réussite incomparablement plus élevés. Par exemple, plus de 30 produits chimiques dérivés de la biomasse ont actuellement un niveau de maturité technologique de 8 ou plus (CE, 2015), mais quelques-uns seulement sont le fruit de l’ingénierie métabolique. Les autres sont des produits de la chimie traditionnelle utilisant la biomasse comme matière de base.
Pourtant, commencent à apparaître des éléments qui prouvent que les taux de réussite seraient supérieurs si les pouvoirs publics veillaient davantage à soutenir la R-D sur la convergence entre biotechnologie industrielle et « chimie verte » (Dusselier et al., 2015). La chimie verte recouvre la conception de procédés chimiques inoffensifs pour l’environnement débouchant sur la fabrication de produits chimiques ayant une plus faible empreinte écologique. Le succès pourrait être davantage au rendez-vous si, en outre, on consacrait une part accrue de la R-D à renforcer la convergence entre, d’une part, les technologies de l’information et du calcul et, d’autre part, la biologie de synthèse et l’ingénierie métabolique (Rogers et Church, 2016) (Encadré 3.1).
Encadré 3.1. Faire converger les technologies de l’information et du calcul en bioproduction pour donner à la biotechnologie son langage universel
Jusqu’à présent, le champ de la biotechnologie a peu prêté attention à des concepts tels que l’interopérabilité, la séparation entre conception et fabrication, ou encore la normalisation des pièces et des systèmes – des notions pourtant centrales en sciences de l’ingénieur. Une règle générale s’applique à tous les secteurs manufacturiers : 70 % environ des coûts de fabrication d’un produit sont déterminés par des décisions prises à la conception, tandis que 20 % seulement dépendent de décisions de production. Quand le cycle de l’ingénierie est appliqué à la biotechnologie, les échecs sont fréquents.
L’industrie manufacturière telle qu’on la conçoit dans l’économie moderne fonctionne parce que les logiciels de conception et de test peuvent communiquer avec les matériels de production via une succession de couches d’interfaces de programmation d’applications. Sur ce modèle, la biotechnologie doit élaborer ses propres logiciels et langages de programmation à haut niveau pour transformer le cycle de sa propre conception (Sadowski, Grant et Fell, 2016). C’est l’interopérabilité qui permettra d’unifier les différentes technologies en jeu.
Cycle d’ingénierie et biotechnologie : la phase d’essai est un frein
Quand, en génie métabolique, on travaille avec un très grand nombre de micro-organismes génétiquement modifiés, l’une des étapes la plus chronophage est l’évaluation de leurs caractéristiques, ou traits, observables, ce que l’on appelle leur phénotype (Wang et al., 2014). Quand on construit des micro-organismes en vue de produire des biocombustibles ou des produits chimiques biosourcés, le succès de la conception se mesure à la quantité de produit formé. Or, s’il faut répartir différentes souches entre de nombreux instruments d’essai et déterminer la concentration du produit chimique d’intérêt dans chacun, alors (seules) quelques centaines de milliers d’évaluations sont réalisables chaque jour, tandis qu’au contraire, il est possible de concevoir et de construire quotidiennement des milliards de génotypes différents (Rogers et Church, 2016). La productivité globale est limitée par le débit du processus permettant d’évaluer si les organismes qu’on a conçus ont les bons traits. La reproductibilité en biologie de synthèse est également un défi (Beal et al., 2016) à relever pour que la biofabrication devienne une plateforme manufacturière crédible.
Relever ces défis nécessitera de nouveaux moyens d’analyse et de stockage des données
La baisse rapide du coût de la synthèse de l’acide désoxyribonucléique (ADN) a rendu les coûts de synthèse dérisoires pour de nombreux laboratoires. Ainsi qu’on vient de le voir, la phase d’essai demeure un important goulet d’étranglement de la production. Comme les technologies d’automatisation mécanique ou électronique ne peuvent pas compenser la lenteur des essais, les réponses devront venir de la biologie elle-même (Rogers et al., 2015 ; Xiao et al., 2016) avec l’aide de modèles de calcul informatique (Rogers et Church, 2016). De fait, on sait désormais concevoir des capteurs génétiques pouvant signaler qu’un micro-organisme modifié possède le phénotype recherché et constitue donc un produit d’intérêt. Cette méthode permettra d’évaluer des millions de constructions par cycle, mais elle créera aussi une quantité de données sans précédent. À l’ère de l’apprentissage automatique, l’objectif ultime devrait être que les données déterminent l’itération suivante des constructions sans intervention humaine requise (Rogers et Church, 2016). Par exemple, AutoBioCAD promet la conception de circuits génétiques pour Escherichia coli (E. coli) sans contribution humaine ou presque (Rodrigo et Jaramillo, 2013). Pour ce faire, il faut des algorithmes avec apprentissage automatique qui sachent corréler des données issues d’ensembles différents dans le but d’établir, sans connaissancepréalable, des correspondances entre gènes, protéines et voies métaboliques (Wurtzel et Kutchan, 2016).
De nombreux chercheurs appellent à développer des langages informatiques entièrement nouveaux pour la biotechnologie. Ils affirment que les variantes de langues naturelles comme l’anglais ou le français sont trop imprécises et ambiguës pour être utiles à la gestion des systèmes hautement complexes de la biologie et de la biotechnologie. Il est temps, semble-t-il, de concevoir des langages de programmations dédiés aux sciences du vivant. Sadowski, Grant et Fell (2016) avancent que le besoin essentiel est de développer et d’adopter des langages machine de haut niveau pour des bioprocédés exécutables. Le langage de programmation Antha, destiné aux calculs en tous genres de la biologie, est sans doute la première tentative réelle engagée dans ce sens. Construit sur la base du langage de programmation Go de Google, avec néanmoins des fonctionnalités propres au domaine, il est supposé permettre la conduite d’expériences d’une complexité jamais atteinte.
Les goulets d’étranglement de la recherche et de la commercialisation en bioproduction
Les succès commerciaux de l’ingénierie métabolique sont loin de rivaliser avec ceux de la recherche. Face à ce manque de réussite commerciale, des chercheurs de l’Institut avancé de science et de technologie de la Corée (Korea Advanced Institute of Science and Technology, KAIST) ont récemment proposé dix stratégies générales concernant l’ingénierie métabolique des systèmes pour favoriser la création de souches microbiennes industrielles (Lee et Kim, 2015). L’ingénierie métabolique des systèmes diffère de l’ingénierie métabolique traditionnelle en ce qu’elle associe aux approches classiques de l’ingénierie métabolique des outils d’autres domaines tels que la biologie des systèmes, la biologie de synthèse et l’évolution moléculaire. Beaucoup d’entreprises sont compétentes dans une ou plusieurs de ces spécialités, mais peu d’entre elles peuvent toutes les intégrer au sein d’un processus de production. Dans ce domaine comme dans d’autres de la biotechnologie, il faut donc une meilleure collaboration entre le milieu universitaire et les entreprises biotechnologiques industrielles (Pronk et al., 2015) et un transfert des connaissances bien plus rapide entre les secteurs public et privé.
Si l’on y regarde de plus près, la littérature consacrée au sujet met en lumière les défis biotechnologiques déterminants qu’il faudra relever pour accélérer le passage du laboratoire au marché. L’Encadré 3.2 décrit les biotechnologies les plus souvent citées dont il faut approfondir le développement. C’est dans ces domaines en particulier qu’il s’agit de financer la recherche publique de façon coordonnée et ciblée.
Encadré 3.2. Poursuivre le développement de certaines biotechnologies pour accélérer le passage du laboratoire au marché
On trouvera ci-après des exemples de biotechnologies dont on préconise souvent d’approfondir le développement.
Prétraitement et biotraitement consolidé de la biomasse. Le Département de l’Énergie des États-Unis estime, comme beaucoup de spécialistes du domaine, que le biotraitement consolidé est le moyen à bas coût ultime de réaliser l’hydrolyse et la fermentation de la cellulose, un ensemble de processus qui rend la cellulose accessible aux micro-organismes (US DOE, 2006). Dans le cas du biotraitement consolidé, le biocatalyseur qui fabrique le produit biochimique est aussi celui qui décompose la biomasse cellulosique (bois ou canne à sucre, par exemple) en sucres fermentables, ce qui supprime l’étape spécifique coûteuse de la dégradation enzymatique et permet d’opérer avec un nombre réduit de réacteurs. Le biotraitement consolidé a fait l’objet de plusieurs succès de recherche (par exemple, Salamanca-Cardona et al., 2016), mais il n’est pas encore viable sur le plan commercial.
Croissance sur des composés à un atome de carbone (dits « en C1 »). Les progrès sont lents car il peut être difficile de travailler en milieu industriel avec les bactéries connues pour se développer sur des substrats en C1. Il est également très difficile d’introduire les mécanismes génétiques d’utilisation du carbone de ces bactéries dans des souches de bactéries exploitables en production (Burk et van Dien, 2016). Pourtant, beaucoup de composés en C1 sont disponibles en grande quantité (par exemple, le méthanol) et certains sont des gaz à effet de serre exploitables (méthane, monoxyde de carbone, CO2). Leur faible coût et leur abondance en font des substrats attractifs pour le biotraitement. L’entreprise néo-zélandaise LanzaTech, qui a développé cette technologie jusqu’au stade de la démonstration à grande échelle, devrait construire une unité de fermentation sur le site d’une aciérie belge afin de convertir de l’hydrogène et le très toxique monoxyde de carbone en éthanol. Cette initiative est financée en partie par le secteur privé et en partie via le programme Horizon 2020 de l’Union européenne.
Conception informatique des enzymes. Les méthodes actuelles de conception d’enzymes plus actives et plus spécifiques sont au mieux semi-rationnelles. Discipline encore balbutiante, la conception informatique des enzymes pourrait faciliter la conception rationnelle des protéines voire aider à créer des fonctions entièrement inédites (Privett et al., 2012). Pour repousser encore les frontières et ainsi concevoir, fabriquer et optimiser de nouvelles enzymes de haute performance, il s’agit de créer des plateformes intégrées qui associent modélisation informatique et ingénierie métabolique expérimentale.
Cellules minimales pour usines microbiennes bioconfinées. La conception des futures souches de production se fera à partir de cellules minimales, ou châssis (en d’autres termes, des machines biologiques minimales autoreproductrices que l’on peut adapter pour qu’elles fabriquent des produits chimiques ou des combustibles spécifiques). Ostrov et al. (2016) ont mis au point des outils informatiques et expérimentaux pour rapidement concevoir et prototyper des organismes de synthèse. Malgré les progrès déjà annoncés sur la voie du développement de génomes synthétiques, les efforts à fournir se situent à une échelle encore inexplorée. Concevoir et utiliser des souches de production industrielle nécessite également de savoir bioconfiner les micro-organismes génétiquement modifiés pour empêcher leur propagation dans l’environnement. Or, pour l’heure, il existe des indicateurs nécessaires mais non suffisants pour évaluer le bioconfinement (Mandell et al., 2015). C’est pourquoi les stratégies de développement sont encore incomplètes.
Robustesse. Les micro-organismes naturels ne sont pas destinés à résister aux conditions extrêmes de la production industrielle, c’est pourquoi on doit concevoir de nouveaux traits pour les rendre plus robustes (Zhu et al., 2011). Cette question est si largement posée que l’Agence américaine de recherche avancée dans le domaine de la défense (Defense Advanced Research Projects Agency, DARPA) en a fait l’une de ses priorités de recherche. Le portefeuille de la DARPA consacré à la robustesse biologique en milieu complexe (Biological Robustness in Complex Settings, BRICS) comprendra un ensemble de programmes visant à mettre au jour les principes de conception d’organismes biologiques robustes en milieu artificiel afin, ensuite, d’appliquer ces connaissances fondamentales à des applications spécifiques telles que la bioproduction à la demande de nouveaux médicaments et combustibles.
Productivité. La plupart des processus microbiens naturels sont incompatibles avec les procédés industriels car les titres des solutions (grammes de produit par litre), les rendements (grammes de produit par gramme de matière première) et la productivité (grammes de produit par litre par heure) sont souvent trop faibles pour être déployables à grande échelle (Maiti et al., 2016). La contrainte fondamentale qui pèse sur la productivité de la cellule hôte est la charge métabolique qui conduit à des modifications physiologiques indésirables. En effet, l’ingénierie métabolique destinée à la bioproduction, en plus de consommer les molécules énergétiques telles que l’adénosine triphosphate (ATP), déclenche des inefficiences énergétiques dans la cellule (Wu et al., 2016). Le titre, le rendement et la productivité peuvent sembler des questions à traiter à l’étape de R-D qui précède la mise sur le marché. Cependant, les problèmes rencontrés sont si courants et insolubles qu’il est probablement nécessaire de financer davantage la recherche fondamentale.
Modèles de fermentation à petite échelle. Les fermenteurs – ces réacteurs clos soigneusement contrôlés dans lesquels des micro-organismes fabriquent des produits utiles – sont les arbitres ultimes de l’optimisation des procédés. Mais ils sont coûteux à exploiter et requièrent généralement une supervision poussée. De plus, le principe de la fermentation à petite échelle présente des lacunes, notamment pour ce qui est du contrôle du pH, de l’aération du milieu et de la possibilité de procéder à de fréquentes prises d’échantillons. La microfluidique pourra, espérons-le, apporter des solutions à ces problèmes (Burk et van Dien, 2016). Science et technologie de la manipulation et du contrôle de fluides en quantités microscopiques (du microlitre au picolitre) dans des canaux miniatures, la microfluidique permet, puisque les volumes de fluides sont si faibles, de travailler avec un rapport surface/volume très important. Elle pourrait donc aider à accélérer les réactions (transferts de chaleur, transferts de masse, transferts de gaz) et, au cours du procédé de fermentation, économiser les substrats coûteux sur lesquels se développent les micro-organismes.
Édition des gènes et du génome de souches de production. Jusqu’à présent, l’édition et l’ingénierie ciblées du génome se sont révélées difficiles et coûteuses. Il est urgent d’élaborer des méthodes efficientes d’édition génomique multiplex (Esvelt et Wang, 2013). Il serait utile que se règlent les questions concernant les brevets relatifs à l’outil d’édition génomique CRISPR/Cas9 (Ledford, 2016) car cette technologie se prête à la manipulation génétique non seulement de souches de production traditionnelles telles que la levure de boulanger (Stovicek et al., 2015) et E. coli (Jiang et al., 2015) mais aussi de souches non conventionnelles comme la diatomée modèle Phaeodactylum tricornutum (Nymark et al., 2016) (les diatomées sont des organismes aquatiques unicellulaires photosynthétiques).
Incitations fiscales pour la R-D industrielle
Les incitations fiscales réduisent le coût marginal des dépenses de R-D et d’innovation et sont généralement plus neutres quant au choix des technologies que les mesures de soutien direct. Depuis dix ans, les pays de l’OCDE y ont de plus en plus recours (plutôt qu’à des subventions ou d’autres formes de soutien direct) pour soutenir l’investissement dans la R-D (OCDE, 2014a). La majorité des pays de l’OCDE utilisent ce type d’instrument, tout comme beaucoup d’économies BRICS (Brésil, Fédération de Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud). Aux États-Unis, les incitations fiscales sont considérées comme un moyen important de stimuler la filière des biomatériaux : une série d’entre elles ont été proposées au 112e Congrès, dont certaines ont été réintroduites au 113e Congrès.
L’existence aux États-Unis d’un crédit d’impôt en faveur de la production des produits biosourcés pourrait promouvoir l’investissement, la production et l’adoption des bioproduits, de la même façon que les crédits d’impôt en faveur de la production de biogazole et de biocarburants cellulosiques ont stimulé l’investissement dans ces domaines.
Pôles technologiques
La plupart des pays de l’OCDE soutiennent l’innovation des entreprises en promouvant des programmes structurés autour de pôles. Il existe un soutien à de tels pôles technologiques spécialisés en Australie, en Belgique, au Canada, au Danemark, en Espagne, aux États-Unis, en Irlande, en Israël, en Nouvelle-Zélande, aux Pays-Bas, en Pologne, à Singapour et en Suisse. Pour justifier leurs efforts de soutien aux pôles technologiques – qui se manifeste à travers l’infrastructure, des activités de mise en réseau, des formations ou d’autres mesures – les pouvoirs publics invoquent en premier lieu l’augmentation des externalités de savoir pour tous les acteurs du pôle. Cette possibilité de diffusion des connaissances est particulièrement pertinente dans le domaine de la biotechnologie industrielle, étant donné la diversité des activités de recherche et de production que cette dernière exige, de l’ingénierie des bioréacteurs jusqu’au génie génétique. À titre d’exemple, il existe en Europe le pôle BioBased Delta au sein duquel se sont engagés des leaders de l’industrie chimique comme Royal Cosun, Suiker Unie, Dow Chemicals, Cargill et Corbion (Deloitte, 2015).
Soutien des petites et moyennes entreprises (PME) et des start-ups
Toutes les PME engagées dans la haute technologie sont confrontées à des problèmes propres à leurs domaines d’activité respectifs. Dans le secteur de la biotechnologie, elles peuvent avoir à faire face à de nombreuses années de recherche à haut risque sans revenus (Pisano, 2010), avec des installations spécialisées coûteuses et une étape complexe d’entrée sur le marché. Quand elles sont spécialisées dans la bioproduction, elles peuvent en outre se retrouver en concurrence avec quelques-unes des plus grandes multinationales pétrolières et pétrochimiques qui, elles, disposent de marchés établis, de chaînes de valeur et d’approvisionnement stables, de technologies éprouvées et d’installations de production entièrement amorties. Pourtant, les pouvoirs publics attendent beaucoup des PME.
Les pôles technologiques et régionaux sont un mécanisme de premier plan pour soutenir les PME car ils leur fournissent toute une gamme de services : accès à du capital-risque et d’autres services financiers ; conseils commerciaux sur l’utilisation stratégique des normes, labels et certificats ; assistance à l’utilisation d’outils spécifiques d’analyse du cycle de vie et de durabilité ; accès à des installations de démonstration et d’essai. Mais les administrations nationales peuvent aussi prévoir divers autres mécanismes de soutien, en particulier des exonérations d’impôt et de cotisations sociales.
Soutien de l’accès local aux matières de base
L’utilisation de matières de base locales présente plusieurs avantages stratégiques. Premièrement, il est écologiquement plus avantageux de s’approvisionner localement que de transporter des matières sur de longues distances voire depuis l’étranger (en termes de consommation d’énergie liée au transport). Deuxièmement, la création d’emplois locaux et ruraux peut contribuer à la réalisation d’autres objectifs tels que la spécialisation intelligente (OCDE, 2013b) et la réindustrialisation stimulée par la connaissance. Cependant, de grands défis restent à relever.
Un premier problème important tient à la complexité des chaînes de valeur des bioraffineries (Graphique 3.2). L’action publique vise donc à favoriser l’implantation de nombreuses unités de production locales interconnectées qui puissent s’intégrer à d’autres industries voisines, de manière à assurer la consommation complète des résidus et des déchets par divers procédés (Luoma, Vanhanen et Tommila, 2011). Le Graphique 3.2 est bien sûr très simplifié puisqu’il omet, d’une part, la contribution des établissements de recherche et des PME de la chimie et des biotechnologies et, d’autre part, les stratégies de fin de cycle comme le compostage. Il n’illustre pas non plus le concept d’utilisation en cascade de la biomasse3. Toutefois, il montre le nombre d’acteurs impliqués et la complexité de leurs interactions. Par exemple, la bioraffinerie de Bazancourt-Pomacle en France (Schieb et Philp, 2014) travaille avec 10 000 agriculteurs.
Les politiques publiques promeuvent la R-D le long des chaînes d’approvisionnement et de valeur, mais les marchés d’approvisionnement – par exemple pour les facteurs de la production spécialisée – bénéficient de peu d’attention (Knight, Pfeiffer et Scott, 2015), ce qui peut dissuader les investisseurs. Ce manque d’intérêt pour les marchés d’approvisionnement traduit peut-être le fait que les pouvoirs publics ne veulent pas être perçus comme intervenant sur les marchés et, possiblement, contrevenant aux bonnes pratiques en matière de concurrence (Institute of Risk Management and Competition and Markets Authority, 2014).
Les parties prenantes concernées sont si diverses qu’elles n’entretiennent presque jamais des contacts réguliers les unes avec les autres dans l’économie fossile (par exemple, les centres de R-D et les établissements publics de recherche, qui tendent à ne pas être implantés en milieu rural, ont besoin de mécanismes pour entrer en relation avec les autres acteurs de la chaîne de valeur de la biotechnologie industrielle). Les groupes de parties prenantes sont également très divers4. De ce fait, l’action publique a un rôle à jouer pour éviter que le processus de communication ne soit aléatoire, de circonstance et inefficient. L’analyse souligne l’importance potentielle des coopératives d’acheteurs et d’autres formes d’intermédiaires sur les marchés d’approvisionnement (Knight, Pfeiffer et Scott, 2015).
Les pôles régionaux peuvent aussi être bien positionnés pour évaluer les solutions de développement régional. Il sera d’autant plus facile de renforcer les capacités au niveau local que les réseaux commerciaux locaux, par exemple les cercles d’échanges et de machines agricoles et forestières (entreprises de location d’équipements), seront de qualité et que les relations seront établies dans la confiance. Encourager la conception d’outils logiciels d’aide à la décision au service du développement de la chaîne d’approvisionnement locale serait une intervention publique relativement peu coûteuse5. Les pays européens ont souvent recours au mécanisme du pôle régional pour renforcer les capacités dans le secteur de la biotechnologie industrielle6.
En France, dans la région Picardie-Champagne-Ardenne, le pôle Industrie & Agro-Ressources (IAR) a déjà enregistré des résultats tangibles. Fort de plus de 200 membres, il réunit des parties prenantes françaises de la recherche, de l’enseignement, de l’industrie et de l’agriculture autour de l’objectif de l’optimisation de la valeur ajoutée issue de l’exploitation de la biomasse. Bien ancré dans la région, il est le site de bioraffineries dont l’activité est un succès. Son autre ambition est d’intégrer le savoir-faire externe grâce à des alliances stratégies internationales. Remplissant la fonction classique d’un pôle régional, il rassemble des parties prenantes de l’ensemble de la chaîne de valeur autour d’un problème d’innovation commun.
Accès international aux matières de base : potentiel et durabilité de la biomasse
De grandes quantités de biomasse sont déjà expédiées partout dans le monde, la plupart du temps à destination de pays de l’OCDE (BP-EBI, 2014). La consommation mondiale de biomasse augmente et continuera d’augmenter (Schmitz et al., 2014). Le potentiel de la biomasse et son coût pourraient devenir des déterminants cruciaux des coûts globaux d’atténuation du changement climatique (Rose et al., 2013).
Or, une division s’opère peu à peu entre les économies avancées comme l’Europe, qui ont peu de surplus de biomasse, et les économies en développement non contraintes par des pénuries de biomasse. Il convient donc d’élaborer des politiques harmonisées à l’échelle internationale pour créer et préserver les échanges de biomasse durable, mais aussi pour éviter tout litige international autour de la biomasse (Bosch, van de Pol et Philp, 2015).
Encadré 3.3. Exemples de stratégies innovantes d’approvisionnement en biomasse aux États-Unis et au Japon
La Stratégie en faveur de la biomasse établie par le Japon en 2002 a été une première approche destinée à soutenir l’accès local aux matières de base. Coordonnée par trois ministères, à savoir le ministère de l’Agriculture, des Forêts et de la Pêche, le ministère de l’Environnement et le ministère de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie, elle définit trois niveaux d’intervention – technique, régional et national – et fixe des objectifs pour la production, la collecte et le transport, pour les technologies de conversion et pour favoriser la demande d’énergie ou de matières d’origine renouvelable. Les opportunités de commercialisation des technologies de la biomasse ont ainsi été considérablement renforcées.
Une « ville de la biomasse » est une zone où, grâce à la coopération des parties prenantes locales, on implante et on exploite un système complet d’utilisation de la biomasse. Chaque étape du processus – production, conversion, distribution, utilisation – est liée aux autres. Ce sont les collectivités locales qui conduisent l’élaboration et la mise en œuvre des plans d’implantation de villes de la biomasse. Depuis 2005, environ 300 villes de ce type ont été créées dans le pays. Le ministère de l’Agriculture, des Forêts et de la Pêche a également soutenu la création de villes de la biomasse dans des régions pilotes de quatre pays de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (ASEAN), à savoir l’Indonésie, la Malaisie, la Thaïlande et le Viet Nam.
Depuis plus de dix ans, les États-Unis étudient la possibilité, pour alimenter leur bioéconomie nationale, de porter à un milliard de tonnes leur production de biomasse sèche. Le premier « Billion Ton Report » est paru en 2005 (US DOE, 2005) avec des mises à jour en 2011 et 2016 (US DOE, 2011 ; US DOE 2016). Tous ces rapports s’articulent autour du même principe de base : les États-Unis pourraient, selon les hypothèses qui sont faites, produire un milliard de tonnes de biomasse sèche par an, ce qui leur permettrait de remplacer une part importante de leur essence (d’origine fossile) par des biocarburants (renouvelables). À l’heure actuelle, le pays consomme 365 millions de tonnes sèches de production végétale agricole, de ressources forestières et de déchets pour fabriquer des biocarburants, des produits biochimiques et d’autres bioproduits. L’estimation principale en exergue des rapports indique que les États‐Unis pourraient, en développant leurs ressources biomassiques et en levant les obstacles existants, créer une bioéconomie pesant un milliard de tonnes et ainsi multiplier par cinq les recettes directes de cette filière, ce qui rapporterait près de 259 milliards USD et génèrerait 1.1 million de nouveaux emplois dans l’économie américaine tout entière d’ici 2030 (Rogers et al., 2017).
S’agissant de la durabilité de la biomasse, la réalité est qu’il n’existe pour l’heure ni définition exhaustive ou universelle de la durabilité, ni outil idéal pour la mesurer, ni consensus international sur les indicateurs à employer. Les indicateurs utilisés pour catégoriser la durabilité de la biomasse ne prévoient encore aucune contrainte quant au type de biomasse. Pourtant, l’expansion de la bioéconomie mondiale suscite des inquiétudes importantes en termes de durabilité : impacts possibles sur la sécurité de l’eau et des sols, risques pour la biodiversité, émissions et empreinte carbone, valeurs énergétiques nettes, et changements, en particulier indirects, d’affectation des sols (BR&D, 2016). La production de biomasse nécessite que les pouvoirs publics se penchent sur ces questions (Knudsen, Hermansen et Thostrup, 2015) et élaborent les normes appropriées. La génomique peut aussi contribuer largement à la durabilité de la biomasse, un fait dont de nombreux pays ne tiennent pas suffisamment compte7.
Soutien des installations de production : financement des bioraffineries de démonstration et de taille industrielle
Les bioraffineries de démonstration sont difficiles à financer car le volume de production n’est pas suffisant pour agir sur le prix de marché (Philp, Guy et Ritchie, 2013). Les bioraffineries de taille industrielle sont pour leur part difficiles à construire pour des raisons surtout liées aux incertitudes qui entourent les technologies, l’approvisionnement et l’action publique (BR&D, 2016). Le secteur privé n’étant pas prêt à supporter l’intégralité de la charge financière de ces gros investissements, il a fallu des partenariats public-privé (PPP) pour limiter les risques encourus par les investisseurs privés. Le PPP le plus important qui existe actuellement en Europe est le Bio-based Industries Joint Undertaking (BBI JU).
La phase de démonstration est une étape critique sur la voie de la commercialisation. L’installation, plus grande que celle de la phase pilote, permet souvent de mettre en évidence des limitations économiques et techniques qu’il est beaucoup moins coûteux de corriger à cette étape plutôt qu’au moment de l’exploitation industrielle.
Aux États-Unis, ces technologies sont le plus souvent financées par des apports de fonds propres combinés à des ressources publiques, ces dernières prenant la forme soit de subventions fédérales, soit de garanties de prêts apportées par l’État fédéral (Encadré 3.4). En apportant une telle garantie, l’État (le garant) s’engage à assumer l’obligation d’un emprunteur privé si celui-ci fait défaut. Les garanties de prêts s’apparentent donc à des financements de projets traditionnels, mais l’État fédéral accepte le risque technologique et apporte son soutien, ce qui accélère les étapes de l’approbation et du contrôle.
Encadré 3.4. Garanties de prêt et programme 9003 de la loi agricole du Département de l’Agriculture des États-Unis
Dans la loi agricole (Farm Bill) de 2014, le programme 9003 du Département de l’Agriculture des États-Unis, précédemment intitulé Biorefinery Assistance Program, est devenu le Biorefinery, Renewable Chemical, and Biobased Product Manufacturing Assistance Program, un titre qui inclut désormais, outre les bioraffineries, les produits chimiques renouvelables et les bioproduits. Le Département de l’Agriculture a reçu pour consigne d’assurer la diversité des types de projets approuvés et de limiter à 15 % du total des fonds obligatoires disponibles les montants utilisés pour les garanties de prêt destinées à promouvoir la fabrication de bioproduits. On retiendra toutefois de cette mesure que le dispositif s’applique désormais à la fois aux biocarburants et aux produits et matières biosourcés. Les garanties de prêts peuvent aller jusqu’à 250 millions USD.
Ces fonds peuvent être utilisés pour financer le développement, la construction et la modernisation des installations suivantes :
bioraffineries de taille industrielle utilisant les technologies éligibles
installations de biofabrication utilisant des équipements de traitement et de fabrication à l’échelle industrielle fondés sur des technologies nouvelles pour convertir les produits chimiques renouvelables et autres produits biosourcés des bioraffineries en produits destinés à l’utilisateur final.
Les demandeurs peuvent, dans certaines conditions, avoir accès à des solutions de refinancement.
Il importe de noter que le programme fait une distinction entre les bioraffineries et les installations de biofabrication. La participation de l’État fédéral (garantie de prêt plus autres financements fédéraux) ne peut pas dépasser 80 % du total des coûts du projet éligible. L’emprunteur et les autres parties au projet doivent apporter une part significative de fonds propres.
Le dispositif InnovFin – Financement européen de l’innovation, une initiative conjointe du Groupe Banque européenne d’investissement (BEI) et de la Commission européenne au titre du programme Horizon 2020, accorde des garanties ou des prêts directs à des projets de recherche et d’innovation, en particulier des projets de démonstrateurs industriels (Scarlat et al., 2015). Il s’agit d’une avancée majeure pour l’Europe dont les mécanismes de financement de la bioéconomie n’incluaient précédemment pas les garanties de prêt.
L’action publique devrait s’intéresser aux bioraffineries intégrées
Le meilleur moyen de s’affranchir de la volatilité des prix des matières de base et des produits pourrait être de fabriquer toute une gamme de combustibles et de produits chimiques dans une seule et même installation (Encadré 3.5). Mais une telle installation, dite « bioraffinerie intégrée », est techniquement très complexe. Aujourd’hui, le concept de bioraffinerie intégrée est devenu synonyme de celui de bioraffinerie cellulosique. Les quelques bioraffineries cellulosiques qui existent dans le monde produisent de l’éthanol cellulosique en petite quantité.
Le modèle de la bioraffinerie intégrée présente plusieurs avantages. Une bioraffinerie intégrée a les moyens de fabriquer d’autres produits ou de consommer d’autres matières de base lorsque, par exemple, l’une de ces dernières devient trop chère. Elle peut aussi, grâce à cette flexibilité, s’adapter aux disponibilités saisonnières (Giuliano, Poloetto et Barletta, 2016). Les économies d’échelle que permet sa taille industrielle réduisent les coûts de traitement des co-produits obtenus de petites quantités de forte valeur. De plus, comme certains équipements sont communs à plusieurs procédés, il est moins nécessaire de dupliquer les matériels, ce qui réduit le coût en capital. Enfin, la coproduction permet certaines intégrations supplémentaires (par exemple, ce sont l’électricité et la vapeur coproduites avec les résidus de fabrication qui alimentent en énergie l’installation).
Encadré 3.5. Le concept de bioraffinerie intégrée
Une bioraffinerie intégrée transforme de la biomasse en combustibles, produits chimiques, matériaux ou électricité (Keegan et al., 2013). Il n’existe pas encore de bioraffinerie véritablement intégrée qui transformerait l’intégralité de la biomasse, même si certaines installations tendent vers ce taux de conversion. Pour l’heure, les bioraffineries ne sont pas conçues pour fabriquer tout un éventail de produits chimiques à partir de nombreuses matières de base différentes. Les bioraffineries mono-intrant mono-produit, en particulier, courent des risques économiques à cause des variations de prix des matières de base (en particulier, les cultures vivrières). Quand les matières de base et les produits sont diversifiés, il est possible d’adapter le fonctionnement de l’installation aux conditions économiques.
Synthèse des types de bioraffinerie
Il n’existe que quelques types de bioraffinerie (voir Encadré 3.5 et République fédérale d’Allemagne, 2012). Les bioraffineries de première génération utilisent généralement comme matière de base une culture vivrière quelconque. En termes de durabilité économique, la canne à sucre brésilienne est actuellement la matière première privilégiée des bioraffineries (par exemple, Gouvernement du Royaume-Uni, 2012). En 2011, il y avait 490 installations de production de biogazole et d’éthanol à partir de canne à sucre (Brazil Biotech Map, 2011). À la mi-2016, ce chiffre avoisinait les 300.
Les préoccupations de tous bords concernant l’utilisation de cultures vivrières comme matières premières ont conduit au développement de diverses bioraffineries de deuxième génération. La filière la plus importante est celle qui utilise des matières de base lignocellulosiques pour fabriquer, dans des bioraffineries intégrées, des produits chimiques, des matériaux et même de la bioénergie à partir des résidus. La biomasse lignocellulosique se répartit en quatre grandes catégories (Tan, Yu et Shang, 2011) : les résidus agricoles (par exemple, tiges et feuilles de maïs, bagasse de canne à sucre) ; les cultures dédiées à la production énergétique ; les résidus du bois (y compris déchets de scieries et d’usines à papier) et les déchets solides fermentables et papetiers municipaux. Une autre filière émergente à fort potentiel est celle qui consiste à transformer par fermentation des effluents gazeux industriels en produits utiles. Les bioraffineries de ce type, autrefois purement théoriques, sont aujourd’hui une réalité, mais elles sont encore extrêmement rares.
Les bioraffineries alimentées par des résidus du bois bénéficient d’une attention croissante compte tenu de l’évolution des modes de production papetière qu’on observe dans le monde. Leur déploiement fait sens dans de nombreux pays dotés depuis longtemps d’une industrie papetière. La densité énergétique relativement élevée du bois est intéressante du point de vue du transport. Les gammes de produits les plus populaires sont généralement fabriquées à partir de fibres de bois (biocarburants, pâte/papier, biomatériaux, produits biochimiques). L’écorce et les autres parties des arbres, comme les feuilles, qui constituent les déchets forestiers, restent une ressource sous-exploitée (Devappa, Rakshit et Dekker, 2015). Les bioraffineries du bois les plus avancées se trouvent dans les pays scandinaves.
Encadré 3.6. Synthèse d’une enquête de l’OCDE sur les catégories de bioraffineries
L’OCDE a élaboré une enquête à l’intention des exploitants de bioraffineries. Les cinq exploitants qui ont répondu représentaient les principaux types de bioraffineries :
première génération (France) utilisant des cultures vivrières (en particulier, betterave à sucre, blé et alfalfa)
deuxième génération (Norvège) utilisant du bois pour produire de l’éthanol et des produits biochimiques
deuxième génération (Italie) utilisant de la lignocellulose (paille de blé, paille de riz et canne géante [qui n’est pas la canne à sucre])
deuxième génération (Canada) utilisant des déchets solides municipaux non compostables et non recyclables
deuxième génération (Italie) utilisant des chardons non comestibles pour produire des produits biochimiques.
Points communs
Compte tenu de l’éventail des matières de base et des technologies de procédé, ces bioraffineries présentent de nombreuses différences. Elles ont néanmoins aussi des points communs, les plus significatifs pour les décideurs étant les suivants : approvisionnement local en biomasse grâce à des accords passés avec des agriculteurs, des coopératives et des villes (pour les déchets municipaux) ; technologies propriétaires (aucune bioraffinerie n’utilise de technologie sous licence) même si des partenariats sont en place ; toutes ont reçu un financement public sous une forme ou une autre (au moins pour la R-D et les projets pilotes).
Enseignements à tirer
Dans un secteur où les risques financiers sont très élevés, le principe qui veut que tous les risques incombent au premier qui change ne s’applique pas : les types de bioraffinerie sont en constante évolution et les matières de base, les technologies de conversion et les produits sont variés. Les différentes matières de base, les différentes technologies, les différents modèles économiques peuvent intéresser tout un éventail d’investisseurs.
Les modèles économiques de type coopératif ou familial semble un moyen de promouvoir les projets risqués qui s’inscrivent à plus long terme.
La question de l’acceptabilité des bioraffineries ne devrait pas être difficile à résoudre : certaines sont implantées dans des collectivités locales depuis 60 à 70 ans.
L’approvisionnement local en biomasse doit être mis en œuvre via des accords spécifiques passés avec des agriculteurs locaux, des coopératives ou des municipalités. Ces accords sont indispensables pour la durabilité économique, environnementale et sociale.
Le modèle économique des bioraffineries intégrées rend la fabrication de produits à faible valeur (biocarburant, éthanol, produits chimiques de base) une condition préalable à la production de petits volumes de spécialités chimiques ou d’ingrédients pour les produits cosmétiques, médicamenteux et textiles à plus forte valeur.
Toutes les bioraffineries reçoivent ou ont reçu une certaine forme de financement public (au moins pour la R-D et les projets pilotes). Toutes ont la perspective de dupliquer leur installation ou de déployer leur technologie sous licence.
La preuve de la faisabilité technologique ayant été apportée, un nombre accru d’investisseurs et d’exploitants devraient avoir davantage d’assurance dans les nouveaux projets. Cela dépendra néanmoins encore en partie des prix du pétrole et du gaz.
Les bioraffineries de cet échantillon ont nécessité des investissements allant de 100 millions EUR à 300 millions EUR, des chiffres substantiels mais bien inférieurs aux investissements dans les raffineries de pétrole.
Perspectives et entraves
La compétitivité des bioraffineries dépend énormément de l’existence, pour la biomasse et les matières de base renouvelables, de règles équivalentes à celles qui s’appliquent aux combustibles fossiles (voir Philp, 2015).
Les politiques publiques européennes devraient être stables au cours du temps. Par exemple, des modifications sur l’obligation et le taux d’incorporation de biocarburants dans les carburants fossiles sont en discussion. Les investisseurs craignent une volte-face des gouvernements, qui pourrait laisser les investissements bloqués.
Les incertitudes qui entourent la volatilité des prix mondiaux de l’énergie (concurrence du pétrole, du gaz et du charbon) et des produits agricoles rendent extrêmement risqués les plans de développement des nouveaux projets.
Pour conclure, quand on examine en parallèle les enseignements positifs à tirer d’un échantillon de bioraffineries et les défis à relever au niveau mondial, on constate qu’il devrait être possible, dans les décennies à venir, de lever les obstacles et d’avancer beaucoup plus vite sur la voie de la bioéconomie, pour autant que tous les acteurs (secteur public, secteur privé et société civile) dialoguent entre eux. D’autres études de cas seront nécessaires au fil du temps, mais la bioéconomie industrielle a d’ores et déjà franchi avec succès l’étape de la preuve de concept.
Source : Schieb (2017), « OECD survey of biorefinery types ».
À l’avenir, les bioraffineries marines pourraient aussi constituer une solution importante, même si elles présentent des difficultés techniques (Golberg et Liberzon, 2015). Utiliser des algues à la fois comme matière de base et comme biocatalyseur a pour principal avantage d’atténuer la pression qui pèse sur les sols et les cultures vivrières. Les algues ont aussi pour avantage de contenir beaucoup plus d’huile que les cultures terrestres.
Incitation par le marché (mesures axées sur la demande)
Obligations et objectifs
L’examen des obligations et des objectifs révèle les différences entre les stratégies que l’Europe et les États-Unis ont choisi d’appliquer pour faire entrer les biocarburants sur le marché. Dans l’Union européenne (UE), plusieurs États membres ont pris volontairement l’initiative (ce n’était pas une obligation de l’UE) de fixer des objectifs d’incorporation (c’est-à-dire, un pourcentage de biocarburant à mélanger à l’essence ou au gazole). Aux États-Unis, en revanche, les pouvoirs publics ont décidé d’établir des obligations plutôt que des objectifs d’incorporation moins contraignants (Ziolkowska et al., 2010). Ils ont notamment défini les volumes en valeur absolue de biocarburants que le secteur privé doit produire. Ces deux instruments – obligations et objectifs – sont devenus des outils standard pour soutenir l’entrée des biocarburants sur le marché dans les pays de l’OCDE et BRICS (voir OCDE, 2014b).
L’obligation sans doute la plus connue en matière de bioproduction a été mise en place aux États-Unis par la loi de 2007 sur l’indépendance et la sécurité énergétiques (Energy Independence and Security Act, EISA) (Federal Register, 2010) : elle impose des volumes élevés de production de biocarburants. Avec cette règle et les obligations d’incorporation, les États-Unis ont ainsi mis en place une politique exhaustive de soutien aux biocarburants.
Cependant, si les obligations n’établissent aucune distinction entre les biocarburants en fonction des matières de base ou des méthodes de production, et ce malgré des divergences importantes en termes de coûts et d’avantages environnementaux, les États pourraient se retrouver à soutenir un biocarburant plus cher que son équivalent pétrolier et moins performant sur le plan écologique (Initiative mondiale sur les subventions, 2007). Pour éviter ce piège, il est important, à court terme, d’harmoniser les analyses du cycle de vie (ACV) à l’échelle de l’industrie et, à plus long terme, de conduire des évaluations de la durabilité qui soient robustes et cohérentes au niveau international.
Marchés publics
Les marchés publics représentent autour de 13 % du produit intérieur brut (PIB) en moyenne dans les pays de l’OCDE (OCDE, 2012b). Bien qu’il soit possible d’y faire appel pour faciliter la commercialisation des produits innovants de la bioéconomie, des difficultés se posent du côté de l’offre comme du côté de la demande.
Du côté de l’offre, seule une petite proportion de l’éventail des produits de la bioéconomie se prête au commerce d’entreprise à consommateur (B2C), le marché sur lequel les acheteurs publics opèrent habituellement (par exemple, carburants et produits de consommation). Les bioproduits sont pour la plupart des produits chimiques ou intermédiaires qui s’échangent uniquement sur le marché interentreprises (B2B).
Du côté de la demande, les marchés publics forment un paysage institutionnel fragmenté : le nombre d’acheteurs publics répertoriés dans l’UE dépasse 2 100 au seul niveau des administrations nationales. Le nombre total des acteurs publics municipaux et régionaux, au sein de l’UE, est estimé, à 250 000. Une telle fragmentation empêche la coordination ainsi que le renforcement des capacités et des savoirs propres au secteur d’activité.
Par ailleurs, les acheteurs publics tendent à être très sensibles au prix, ce qui constitue un frein pour tout produit innovant. Divers instruments d’action visent à lever cet obstacle. Par exemple, aux États-Unis, le programme BioPreferred du Département de l’Agriculture vise spécifiquement à augmenter l’achat et l’utilisation des bioproduits : il propose ainsi un catalogue de quelque 14 000 produits biosourcés. Dans l’UE, la législation de 2014 sur les marchés publics innovants facilite la mise en œuvre de solutions innovantes et le développement de produits innovants, même si elle ne mentionne pas des produits ou des groupes de produits innovants spécifiques. Des projets tels que le Forum de l’innovation biosourcée pour les marchés publics (InnProBio) visent à favoriser la montée en puissance des bioproduits sur les marchés publics européens.
Normes et certifications applicables aux bioproduits
Des normes et certifications strictes donnent confiance aux consommateurs et aux acteurs du secteur en apportant de la crédibilité aux déclarations de performance et de durabilité (tels que « biosourcé », « matière première renouvelable », « biodégradable », « recyclable » ou encore « réduction de l’impact des gaz à effet de serre »). Elles aident à vérifier certaines affirmations concernant la biodégradabilité ou la teneur en produits biosourcés, ce qui favorise le développement du marché (OCDE, 2011b). Toutes ces déclarations doivent pouvoir être vérifiées par les consommateurs, les agences de gestion des déchets et les législateurs. La vérification par un tiers est un moyen d’empêcher toute déclaration environnementale injustifiée.
Les normes ont une importance stratégique : elles constituent une base solide pour l’entrée sur le marché d’un nouveau produit ou d’une nouvelle technologie, ainsi que pour la poursuite des efforts de R-D. Elles contribuent aussi à lever les incertitudes auxquelles les entreprises doivent faire face. Leur élaboration est le fruit d’une coopération étroite entre industriels, chercheurs et décideurs, un facteur indispensable à la création d’un environnement favorable au déploiement à pleine échelle de nouveaux produits et de nouvelles technologies.
En apportant la preuve de la conformité à des exigences juridiques, les normes fournissent également les bases scientifiques nécessaires à la mise en œuvre des lois. Elles peuvent être utilisées pour vérifier que les objectifs stratégiques et techniques sont bien atteints.
À titre d’exemple, l’Association japonaise des bioplastiques (Japan BioPlastics Association, JBPA) a lancé un programme de certification des produits contenant du plastique d’origine biomassique pour favoriser le développement du marché des bioplastiques. Elle a établi des normes et une méthodologie d’analyse et d’évaluation des plastiques, et également créé un logo facilement reconnaissable par les consommateurs. La certification de la JBPA, appelée BiomassPla, spécifie que les produits qui portent le logo doivent contenir 25 % en masse de plastique biosourcé.
Les étiquettes des produits doivent fournir des informations claires et fiables sur la performance environnementale des matières biosourcées. Cette règle s’applique en particulier aux bioplastiques, les plus susceptibles d’être controversés dans notre société, compte tenu du bilan négatif et des perceptions attachés à l’utilisation des pétroplastiques. Il existe aujourd’hui dans le monde de nombreux labels écologiques, ainsi qu’une grande variété de définitions et de procédures de certification. Promouvoir une harmonisation de ces écolabels à moyen terme permettrait sans doute de dégager des gains d’efficience importants.
Taxes sur le carbone fossile et incitations à réduire les émissions
L’analyse de l’OCDE montre que le moyen le plus rentable d’atténuer le changement climatique est d’établir progressivement un signal de prix mondial du carbone en s’appuyant sur les mécanismes de marché (OCDE, 2013a). La finalité des politiques de tarification du carbone devrait être aujourd’hui d’envoyer des signaux de prix clairs et crédibles qui favorisent la transition vers une économie bas carbone à moyen et à long terme (OCDE, 2015a). Pour fixer des prix du carbone explicites, il convient de mettre en place soit une taxe sur le carbone, exprimée en prix fixe par tonne de carbone rejeté, soit un dispositif de quotas d’émissions cessibles, qui consiste à délivrer un nombre fixe de permis pour établir l’objectif de réduction des émissions puis à laisser l’offre et la demande en déterminer le prix.
Autrefois politiquement impopulaires, les mécanismes de tarification du carbone existent désormais dans des pays, des États fédérés, des régions et des villes qui totalisent environ 12 % des émissions mondiales, soit trois fois plus qu’il y a dix ans (Rydge, 2015). La crainte qu’une tarification du carbone soit dommageable pour la compétitivité industrielle semble reculer. Pour l’heure, plus de 40 pays disposent d’un système de tarification du carbone. Cependant, les prix appliqués sont souvent très bas. Quelque 90 % des émissions produites par la consommation d’énergie ont un coût inférieur à 30 EUR par tonne (le bas de la fourchette d’estimation du coût du carbone) et 60 % ne sont soumises à aucun prix d’aucune sorte8.
Les pouvoirs publics peuvent utiliser les recettes de la tarification du carbone de plusieurs façons qui devraient toutes viser l’efficience. La plus appropriée consiste sans doute à financer la transition énergétique et manufacturière qu’exige le changement climatique. Ainsi, une partie de ces recettes pourrait servir à financer des projets de R-D en bioéconomie (voir par exemple l’Encadré 3.7).
Encadré 3.7. Climate Change and Emissions Management Corporation (CCEMC) et CO2 Solutions, Canada
En avril 2007, l’Alberta est devenue la première juridiction d’Amérique du Nord à voter une loi sur le changement climatique exigeant des gros émetteurs de gaz à effet de serre (GES) qu’ils réduisent ces rejets. Deux ans plus tard, était créée la CCEMC, une composante fondamentale de la stratégie de l’Alberta en faveur de la lutte contre le changement climatique et de sa transition vers une économie à faible émission de carbone plus forte et plus diversifiée.
Le gouvernement de l’Alberta administre l’ensemble des financements de mise en conformité chaque année et les mutualise dans un Fonds pour la gestion des émissions et du changement climatique (CCEMF). Versés par les industriels, les montants sont mis à la disposition de la CCEMC via une subvention du gouvernement de l’Alberta.
Le règlement de l’Alberta sur les émetteurs de certains gaz stipule que les installations qui rejettent plus de 100 000 tonnes d’équivalent CO2 par année doivent ramener ces rejets à 12 % en dessous du seuil de référence. Celles qui ne peuvent atteindre cet objectif ont trois solutions pour se mettre en conformité : améliorer leurs installations pour faire passer leurs émissions en deçà du seuil obligatoire ; acheter des crédits de performance ou des compensations carbone en Alberta ; ou verser au CCEMF 15 CAD pour chaque tonne qui dépasse la limite attribuée.
La CCEMC gère ses ressources comme un portefeuille de projets, avec un large éventail d’investissements. Elle finance des projets à tous les niveaux de la chaîne d’innovation, le plus gros de la somme revenant à des projets de démonstration ou de mise en œuvre.
Par exemple, en 2012 et 2013, CO2 Solutions (Québec) a obtenu une subvention de 5.2 millions CAD du gouvernement canadien et 7.5 millions CAD de la CCEMC grâce à l’initiative écoENERGIE sur l’innovation pour l’optimisation et le test de la technologie de captage biologique du CO2 pendant l’extraction de sables bitumineux (CCEMC, 2015).
En novembre 2015, le gouvernement de l’Alberta a annoncé un plan de réduction des émissions de GES de la province, qui prévoit notamment de mettre fin à l’exploitation des centrales à charbon et de fixer un prix du carbone de 30 CAD par tonne jusqu’en 2018, avec des augmentations en termes réels au-delà. Ce plan a été soutenu par des groupes environnementaux et des compagnies pétrolières.
Réforme des subventions aux combustibles fossiles
Non seulement les subventions en faveur des combustibles fossiles compromettent les efforts entrepris pour atténuer le changement climatique, mais elles constituent aussi une politique coûteuse, source de nombreuses distorsions. En faussant les coûts et les prix, elles entraînent des inefficiences dans nos modes de production et de consommation d’énergie (OCDE, 2015b). Leur ordre de grandeur diffère selon la méthode de calcul. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) et le Fonds monétaire international (FMI) utilisent la méthode de l’écart de prix, c’est-à-dire la différence entre les prix intérieurs des combustibles et des prix de référence, ici les prix internationaux des combustibles. L’estimation de l’AIE varie d’une année à l’autre, mais tend à se situer autour de 500 milliards USD par an. Les différences entre les estimations avant taxe et après taxe sont très importantes9. Selon une estimation du FMI, les énergies fossiles ont bénéficié du montant phénoménal de 5 300 milliards USD, soit 6.5 % du PIB mondial, en subventions après taxe en 2015 (FMI, 2015)10. Toujours selon le FMI, éliminer les subventions après taxe en 2015 aurait pu augmenter les recettes publiques de 2 900 milliards USD (3.6 % du PIB mondial), réduire les émissions mondiales de CO2 de plus de 20 % etdiviser par plus de deux le nombre de décès prématurés liés à la pollution de l’air.
Dans les pays de l’OCDE, plus de 550 subventions à la consommation de combustibles fossiles ont été recensées (OCDE, 2012a). Elles ont totalisé ensemble entre 55 milliards USD et 90 milliards USD par an au cours de la période 2005-11. La suppression progressive des subventions inéconomiques à la consommation de combustibles fossiles est une mesure politiquement difficile et impopulaire, aussi nécessaire soit-elle (The Economist, 2014). Les coûts sociaux et environnementaux des subventions aux combustibles fossiles (Whitley et van der Burg, 2015) sont rarement évidents pour le grand public et pourraient même ne pas être clairs pour les ministres des Finances (Edenhofer, 2015). Mais les pouvoirs publics pourraient utiliser l’argent économisé pour, entre autres, financer des projets et des technologies de décarbonation (Martin, 2016) tels que ceux que nécessite la bioéconomie.
Actions transversales (combinaisons de mesures axées sur l’offre et sur la demande)
Construire des indicateurs et convenir d’une terminologie et de définitions communes
Pour construire des indicateurs de performance de la bioéconomie, il est important d’avoir accès à des données robustes. Or, le terme « bioéconomie » lui-même n’a pas le même sens dans tous les pays (Viaggi, 2016). Disposer de la définition normalisée d’un produit biosourcé (ou bioproduit) est nécessaire pour le développement tant des marchés publics que des entreprises. Le débat autour du dilemme « déchet ou ressource » (autrement dit, quelque chose est-il simplement un déchet sans valeur ou pourrait-il être utilisé comme ressource productive) (House of Lords, 2014) compte également. À cause de cette multiplicité des termes et de l’absence de définitions communes, il est difficile d’évaluer les volumes des différentes matières, aujourd’hui considérées comme des déchets, qui pourraient venir alimenter les bioraffineries. Par exemple, la collecte de données sur les « résidus agricoles » pâtit de ce problème de définition. Ce manque de clarté s’oppose à la facilité avec laquelle on peut identifier les volumes disponibles des cultures vivrières exploitables, par exemple la canne à sucre, dont on collecte à l’échelle internationale des données aisément comparables.
Comme on l’a vu plus haut dans ce chapitre, l’un des objectifs clés du bioraffinage, en particulier les biocarburants et biomatériaux de deuxième génération, est de créer de la valeur à partir de déchets (Fava et al., 2015). Les « biodéchets » ont de plus en plus d’importance pour le bioraffinage et les bioraffineries devraient connaître les tonnages lorsqu’elles établissent leurs feuilles de route. Cependant, toute définition qui exclut les résidus agricoles et forestiers modifie drastiquement les estimations disponibles. La définition de ce qu’on appelle « l’élimination des déchets » pourrait être modifiée pour autoriser la collecte, le transport et le tri en vue d’une éventuelle conversion en bioraffinerie. De fait, si une matière est appelée à être transformée dans une bioraffinerie, il convient de la considérer non plus comme un déchet mais comme une ressource.
Développer les compétences et l’éducation dans le secteur pour former la main d’œuvre
La bioproduction et la bioéconomie constituent généralement des défis pour l’enseignement supérieur, qu’il s’agit de relever rapidement. Par exemple, rien qu’aux Pays-Bas, on s’attend à une demande de 10 000 experts des biotechnologies au cours des dix ans à venir (Langeveld, Meesters et Breure, 2016).
Pour beaucoup, la biologie de synthèse est un domaine qui relève des sciences de l’ingénieur, et non de la biologie (Andrianantoandro et al., 2006). Ses spécialistes doivent être formés dans une ou plusieurs disciplines essentielles – génétique, biologie des systèmes, microbiologie ou chimie –, mais ils doivent aussi maîtriser les techniques de l’ingénierie, et notamment ses méthodes quantitatives, pour pouvoir décomposer la complexité biologique en structures élémentaires normalisées, ou concevoir de nouveaux composants et systèmes biologiques. Or, être un bon ingénieur nécessite d’avoir des compétences en mathématiques, en informatique et en modélisation (Delebecque et Philp, 2015). La pluridisciplinarité est un thème récurrent dans l’enseignement de la biotechnologie industrielle. Par exemple, pour résoudre les problèmes complexes liés à l’augmentation du nombre de biopolymères, « les chercheurs devront être en mesure de collaborer à la croisée des disciplines conventionnelles que sont l’agriculture, la biologie, la biochimie, la catalyse, la chimie des polymères, les sciences des matériaux, les sciences de l’ingénieur, l’évaluation environnementale, l’économie et les politiques publiques » (Zhu, Romain et Williams, 2016).
Il est difficile pour la jeune bioindustrie de trouver des ingénieurs en automatisation spécialistes de la production de souches à haut rendement. Pendant longtemps, il a également été difficile de trouver des personnes qui maîtrisent les procédés de fermentation. Malgré tout, le personnel qu’il est le plus compliqué de recruter est sans doute celui qui a une bonne connaissance de la conception et de la statistique expérimentales (Sadowski, Grant et Fell, 2016). Résoudre ce problème prend toute son importance maintenant qu’il est de plus en plus courant de travailler avec de grands ensembles de données. La bioproduction a besoin de recruter dans tous ces corps de métier, or elle se heurte pour l’heure à une difficulté essentielle : le nombre de travailleurs qualifiés dont elle a besoin est limité parce qu’elle constitue encore une niche du secteur manufacturier, donc il n’est pas évident pour les pouvoirs publics de donner la priorité à l’enseignement dans ces disciplines.
L’Écosse doit relever toute une série de défis pour favoriser au mieux le développement de son industrie biotechnologique, et en particulier celui de la pénurie des compétences. En réponse directe aux attentes du secteur, le Centre industriel d’innovation dans les biotechnologies (Industrial Biotechnology Innovation Centre, IBioIC) a créé des cursus adaptés pour satisfaire les besoins à tous les niveaux de l’enseignement : des filières d’apprentissage modernes et des diplômes nationaux de niveau supérieur (Higher National Diplomas, HND) en biotechnologie industrielle, le premier Master of Science (MSc) collaboratif du Royaume-Uni en biotechnologie industrielle, et des bourses doctorales (PhD) avec des universités d’Écosse et des partenaires industriels dans tout le Royaume-Uni. L’IBioIC s’est vu confier la mission de rapporter entre 1 milliard GBP et 1.5 milliard GBP de valeur ajoutée brute à l’économie écossaise d’ici 2025 grâce à l’industrialisation de la biologie. Pour s’acquitter de cette tâche, il doit pouvoir compter sur un apport continu de personnes talentueuses. Cet exemple illustre combien est nécessaire non seulement la capacité de recherche, mais aussi la main d’œuvre.
Intégrer des compétences managériales et transférables aux cursus et recourir à des cours en ligne gratuits (MOOC)
Le programme de Master of Business Administration (MBA) classique n’est pas adapté à l’industrie biotechnologique en général car elle connaît des évolutions rapides qui rendent importantes la gestion du changement. Quelques cursus courts déjà proposés aux cadres du secteur leur permettent de se tenir informés des derniers développements sans avoir à quitter leur poste pendant de longues périodes (il existe par exemple des MBA dont les enseignements ont lieu par sessions de trois jours). En 2015, le programme londonien SynbiCITE a ainsi proposé un MBA de quatre jours autour des principales stratégies à suivre pour établir, développer et gérer une entreprise de biotechnologie axée sur la biologie de synthèse.
Cela fait déjà plusieurs décennies que se tiennent des échanges concernant les moyens de rendre les diplômes de recherche plus flexibles (Académie nationale des sciences, 1995) en y incluant des formations à des compétences transférables. Les chercheurs d’aujourd’hui doivent acquérir des compétences dans des domaines comme la communication, la résolution de problèmes, le travail en équipe, le réseautage et le management. Une formation officielle dans des domaines de compétences transférables présente plusieurs avantages, comme nous l’indique la littérature (par exemple, OCDE, 2012c).
L’expérience traditionnelle en campus universitaire pourrait être révolutionnée par l’explosion des MOOC qui élargiront, voire remplaceront en partie, les travaux en classe et en laboratoire. À titre d’exemple, l’Université technique de Delft (Pays-Bas) et l’Université de Campinas (Brésil) proposent ensemble un MOOC spécialisé dans la biotechnologie industrielle, qui a pour but de transmettre des savoirs et des outils au service de la conception de procédés biotechnologiques durables. Les étudiants mettent en pratique les bases de la biotechnologie industrielle pour élaborer des procédés de fermentation destinés à la production de carburants, de produits chimiques et de denrées alimentaires. Pendant leur formation, ils doivent concevoir un procédé biotechnologique et évaluer sa performance et sa durabilité.
Créer et gérer des établissements de formation de spécialistes grâce à des partenariats public-privé
Les chercheurs en début de carrière ont du mal à acquérir de l’expérience en bioproduction car les universités ne disposent généralement pas des installations nécessaires. Un modèle de formation intéressant est celui des instituts nationaux d’Irlande. L’un d’eux, l’Institut national de recherche et de formation en biotraitement (National Institute for Bioprocessing Research and Training, NIBRT) est une installation dédiée à la formation en biotraitement. Il se trouve que l’Irlande, malgré sa taille relativement modeste, possède un grand secteur pharmaceutique. L’institut met au point des solutions de formation personnalisées pour ses clients, le public visé pouvant aller de l’opérateur au cadre supérieur, et la formation peut être dispensée dans un environnement de production réaliste. Ce type d’environnement, plutôt rare dans les universités, est mieux adapté à la formation des professionnels du secteur. Une telle installation pourrait aussi servir à donner aux étudiants une première expérience des conditions de travail en milieu industriel.
Une autre solution consiste à proposer des stages dans des centres de recherche industrielle comme Fraunhofer en Allemagne et VTT en Finlande, ou dans des instituts de recherche tels que l’Organisme de recherche scientifique et industrielle (Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation, CSIRO) en Australie, le RIKEN au Japon, l’Institut de recherche en bioscience et biotechnologie (Korea Research Institute of Bioscience & Biotechnology, KRIBB) en Corée ou encore le KAIST en Corée également (Encadré 3.8). De tels stages permettent aux étudiants d’acquérir des compétences pratiques sans avoir à satisfaire aux exigences universitaires telles que la publication d’articles dans des périodiques.
Encadré 3.8. Établissements de recherche et biotechnologie industrielle
Plusieurs établissements de recherche prestigieux proposent des services dérivés de leurs activités de recherche en biotechnologie industrielle. Ces services pourraient s’avérer déterminants pour le renforcement des capacités des bioéconomies nationales. En voici quelques exemples.
CSIRO, Australie. Le CSIRO collabore avec un large éventail de secteurs d’activité : agriculture et alimentation ; santé et biosécurité ; numérique, énergie, utilisation des sols et eau ; secteur manufacturier ; ressources minérales ; océans. Les recherches en biotechnologie industrielle et environnementale sont les suivantes : bioprocédés pour une gestion durable des ressources ; catalyseurs biologiques pour des industries durables ; compréhension des procédés métaboliques.
Entre autres projets, le CSIRO cherche à utiliser les flux de déchets d’eucalyptus des industries du bois ou du papier pour fabriquer des bouteilles et des emballages en polytéréphtalate d’éthylène (PET) biosourcé. Ce composé chimique aromatique peut être soumis à des transformations supplémentaires pour donner des dérivés à forte valeur ajoutée en mesure de remplacer les additifs pétrosourcés qui entrent dans la composition des matériaux d’emballage. L’expertise acquise en biocatalyse et en ingénierie enzymatique est étendue au développement des capacités en biologie de synthèse. Le CSIRO a mis au point et breveté un système efficace de nano-usine enzymatique qui comprend plusieurs nano-réacteurs capables de convertir le glycérol en molécules à forte valeur, par exemple des produits pharmaceutiques. Il a également élaboré une technique de production de graphène à partir d’huile de soja (Seo et al., 2017).
RIKEN, Japon. Le RIKEN est le plus gros établissement de recherche fondamentale et appliquée du Japon. Il mène des activités de recherche fondamentale tout en visant l’innovation. Son programme consacré à l’ingénierie de la biomasse fait intervenir plusieurs disciplines telles que les bioplastiques, la génomique de synthèse, la recherche sur les enzymes, la recherche sur la cellulose et la recherche sur les usines cellulaires. Le RIKEN dispose aussi d’un bureau de développement commercial qui promeut la collaboration en fonction des besoins de l’industrie1. Son programme Junior Research Associate (JRA) fournit des postes à temps partiel dans ses installations à de jeunes chercheurs inscrits en thèse dans une université japonaise. De cette façon, le RIKEN donne à des doctorants la possibilité de mener des travaux de recherche aux côtés de ses scientifiques, et se donne les moyens de renforcer ses relations avec les universités japonaises.
KRIBB, Corée. Le KRIBB compte plusieurs centres spécialisés dont la mission est de répondre aux besoins de la bioproduction : un centre de recherche sur les biomatériaux industriels, un centre de recherche sur la biologie de synthèse et les produits biochimiques, un centre de recherche sur les usines cellulaires et un centre de génie des procédés biotechnologiques. Il dispose également d’un centre d’aide aux PME qui soutient le développement des capacités et la croissance des PME axées sur les biotechnologies.
KAIST, Corée. Le KAIST est un établissement de premier plan dans le domaine de l’ingénierie métabolique, qui se consacre en particulier à la bioproduction de polymères et de molécules plateformes à usage industriel (Lee et al., 2011). Au moins trois centres du KAIST contribuent aux travaux dans le domaine de la biotechnologie industrielle : le centre de la biotechnologie de synthèse et des systèmes, le centre de recherche sur le génie des procédés biotechnologiques, et le centre de recherche en bio-informatique.
1. Par exemple, l’équipe chargée d’étudier les usines cellulaires a biosynthétisé le 4-vinyl phénol, le monomère d’un plastique aux propriétés analogues à celles du polystyrène (Noda et al., 2015).
Une réglementation insuffisante peut être dommageable
La réglementation recouvre la mise en place de règles par l’administration et les instances gouvernementales dans le but d’influer sur les comportements des acteurs privés de l’économie. En matière d’innovation, la vocation première de la réglementation devrait être de stimuler l’innovation, même si l’effet contraire est indéniablement possible. Une réglementation complexe et chronophage est beaucoup plus dommageable pour les petites entreprises axées sur les biotechnologies que pour les grandes. Les pouvoirs publics pourraient agir pour limiter cet impact.
Une étude conduite pour le gouvernement des Pays-Bas (Sira Consulting, 2011) a identifié quelque 80 obstacles réglementaires à la bioéconomie, qu’elle a répartis en plusieurs catégories :
Contraintes fondamentales. Ces contraintes nécessitent une démarche politique et stratégique (par exemple, droits d’importation, règles équivalentes pour tous, certification, faisabilité financière).
Contraintes antagonistes. Ces contraintes ne peuvent pas être supprimées, mais les pouvoirs publics peuvent aider les entreprises à satisfaire à la réglementation (par exemple, règlement REACH11).
Contraintes structurelles. Ces contraintes nécessitent d’ajuster la réglementation, sans exiger d’action politique ou stratégique.
Contraintes opérationnelles. Dans ce cas, ce n’est pas la réglementation qui est le problème, mais sa mise en œuvre par les autorités locales, par exemple. Ces contraintes peuvent entraîner, en particulier pour les PME, des obstacles importants à l’investissement dans la bioéconomie.
Dans la bioéconomie, un exemple souvent cité de réglementation ayant réussi à stimuler l’innovation est l’interdiction des sacs en plastique à usage unique en Italie (voir par exemple, OCDE, 2013c). En janvier 2011, l’Italie a promu une réglementation inédite dont l’objectif était de remplacer les sacs en plastique traditionnels par des sacs biodégradables et compostables (en conformité avec la norme CEN harmonisée 13432) et des sacs réutilisables à longue durée de vie. On estime que cette réglementation a eu plusieurs effets souhaitables. Elle a notamment déclenché de nouveaux investissements dans la production de bioplastiques, avec des effets en cascade positifs tout au long de la chaîne de valeur, et permis d’améliorer la gestion des déchets, les citoyens italiens adoptant peu à peu des comportements positifs pour la durabilité environnementale.
Faire la synthèse : l’innovation des systèmes au service d’une économie coordonnée
L’innovation des systèmes est une démarche transversale consistant à mobiliser une combinaison d’innovations technologiques et sociales pour résoudre des problèmes systémiques par nature. Faisant intervenir de nombreux acteurs des différents niveaux de l’administration ainsi que de sphères non gouvernementales, elle se place dans une perspective à long terme. C’est pourquoi, dans toute politique d’innovation système, la gouvernance est un facteur déterminant.
Étant donné la complexité de ses chaînes de valeur et d’approvisionnement, la bioéconomie implique nécessairement l’innovation des systèmes. Par exemple, la production de carburants est un système qui s’étend des activités d’exploration et de forage jusqu’à l’automobile et au-delà. Quand l’action publique est menée dans des domaines si interconnectés, il est possible que des facteurs externes la détournent de son objectif initial. À titre d’exemple de la complexité et du risque encouru, considérons le cas de la Suède qui a tenté d’introduire le carburant éthanol (Encadré 3.9) pour se libérer de ses importations de pétrole brut (Commission pour l’indépendance pétrolière, 2006), et qui s’est heurtée à différents obstacles, parmi lesquels le manque d’adhésion du public (Sprei, 2013).
Encadré 3.9. Suède, éthanol, innovation systémique et adhésion du public
La transition de l’essence à l’éthanol nécessite des véhicules polycarburants pouvant rouler à l’E85 (85 % d’éthanol et 15 % d’essence). Dans un premier temps, ces véhicules ont été importés en Suède. Ford y a commercialisé le premier modèle polycarburant en 2002. À partir de 2005, Saab et Volvo ont choisi d’entrer à leur tour sur le marché. Dans les années qui ont suivi, le nombre de modèles polycarburants a continué d’augmenter, jusqu’à 74 différents en 2010. La part des ventes elle aussi a progressé chaque année, pour atteindre près de 25 % du marché total en 2008. Mais, après cette date, les ventes ont diminuées et ne représentaient plus que 5 % des voitures neuves vendues en 2011.
Dans le nouveau système, on favorise la demande de véhicules polycarburants, mais un véhicule polycarburant peut aussi rouler à l’essence classique. C’est pourquoi il faut commencer par établir l’infrastructure permettant d’acheter du carburant E85, et aussi inciter les consommateurs à y recourir s’il est plus coûteux que l’essence ordinaire. L’éthanol et les carburants alternatifs ont donc bénéficié d’importantes mesures de et les carburants alternatifs ont donc bénéficié d’importantes mesures de soutien de la part des autorités suédoises, allant de l’obligation de proposer un carburant alternatif dans les stations-service à la subvention à l’achat d’un véhicule polycarburant. Les mesures prises incluaient:
remise de 10 000 SEK (plus de 1 000 EUR) pour les acheteurs d’un véhicule polycarburant
exemption du péage de congestion à Stockholm
remise sur le prix de l’assurance
gratuité de places de parking dans la plupart des grandes villes suédoises
réduction de la taxe annuelle d’immatriculation du véhicule
réduction de 20 % de la taxe sur les véhicules de sociétés si les véhicules sont polycarburants
depuis 2005, obligation pour les stations-service du pays qui vendent plus de 3 millions de litres de carburant par an de proposer au moins un type de biocarburant à la vente (Parlement de Suède, 2009).
En Suède, les carburants font l’objet à la fois d’une taxe sur le carbone et d’une taxe sur l’énergie. Les biocarburants en ont cependant été exemptés, ce qui les a rendus plus compétitifs en termes de prix et a encouragé leur utilisation.
D’avril 2007 à fin juin 2009, les particuliers ont bénéficié d’une remise de 10 000 SEK pour l’achat d’un véhicule dit « vert », comprenant les véhicules polycarburants consommant moins de 9.2 litres pour 100 kilomètres (km). Cette remise en juin 2009 a été remplacée par une exonération de la taxe de circulation pendant cinq ans. Cette taxe est calculée en fonction des émissions de CO2 du véhicule et variable d’un modèle à un autre. Ce changement explique une part de la baisse des ventes aux particuliers. Cependant, les ventes de véhicules verts ont continué d’augmenter. Il semble que les ventes de véhicules conventionnels produisant des émissions de CO2 inférieures à 120 grammes par km n’aient pas été impactées par cette nouvelle taxe, en particulier les nouveaux véhicules diesel (Sprei, 12013).
Le carburant E85 avaient de nombreux avantages : réduction des émissions de CO2, possibilité de produire du carburant dans le pays grâce à l’éthanol de blé et l’éthanol lignocellulosique, et avantage économique pour le propriétaire du véhicule en cas d’augmentation des prix du pétrole. Toutefois, fin 2007, une opposition a mis en doute les avantages environnementaux de ce carburant. Quand les prix mondiaux des denrées alimentaires ont commencé à augmenter, l’opinion publique a rapidement vu un lien avec l’utilisation croissante des biocarburants, à tort ou à raison. Les émissions en lien indirect avec l’occupation des sols et aux nouvelles productions ont été mises en avant, ce qui a fragilisé l’image de carburant écologique qu’avait l’éthanol. L’opinion publique a commencé à s’opposer à l’éthanol.
Dans le même temps, les véhicules diesel qui satisfaisaient aux critères écologiques sont entrés sur le marché et sont devenus un substitut possible aux véhicules polycarburants. Malgré les importantes subventions, le prix de l’E85 restait trop élevé pour faire concurrence au gazole. Il restait peu d’arguments convaincants pour privilégier l’achat d’un véhicule polycarburant plutôt qu’un diesel à faibles émissions. Les subventions publiques peuvent au début, aider à créer un marché mais, ne peuvent pas être maintenues longtemps, il est nécessaire qu’il y ait une action publique plus attractive sur le long terme.
On en retiendra que l’innovation de système nécessite les efforts coordonnés de plusieurs ministères ou administrations – chargés notamment de l’agriculture, du commerce, de l’énergie, de l’environnement, des transports et de l’industrie – afin, entre autres, de limiter la duplication inutile des travaux et de prévenir les effets de blocage qui peuvent s’avérer coûteux. Un système entier peut tomber en panne si certaines de ses parties ne fonctionnent pas correctement. Telle est la règle qui s’applique à toute approche système de politique d’innovation.
Le périmètre de la bioproduction : diversifier les produits et fabriquer à plus grande échelle
Cette partie du chapitre présente l’offre de plus en plus étendue de produits biosourcés et analyse les conséquences de la croissance du secteur, notamment pour l’action publique.
Les produits de base tels que les bioplastiques utilisables pour fabriquer des bouteilles sont des produits à faible valeur et facilement fabriqués en grande quantité. Les substituer aux pétroplastiques permettrait d’éviter une grande partie des émissions. À l’autre bout du spectre, les produits biopharmaceutiques ont beaucoup de valeur mais sont plus difficiles et coûteux à commercialiser. Certaines sociétés pharmaceutiques cherchent pourtant déjà à assurer la durabilité des procédés de production (Watson, Cramption et Dillon, 2017) et, pour cela, auront en partie recours à la bioproduction. L’exemple spécifique de la soie d’araignée synthétique, présenté plus loin, est intéressant : la résistance très élevée et la biocompatibilité de ce matériau permettent d’envisager sa commercialisation sur le marché spécialisé des articulations et des tissus artificiels.
Il est également probable que, dans un avenir proche, les transports par véhicules légers et moyens deviennent électriques, ce qui permettrait l’affranchissement des carburants liquides. Dès 2017, par exemple, des experts de l’énergie ont suggéré à l’Écosse d’envisager l’interdiction des véhicules à essence et diesel12. En Suède, le groupe Scania a entrepris de lancer un poids lourd hybride à usage urbain qui peut rouler en mode tout électrique ou avec du carburant renouvelable. De fait, le gouvernement suédois ambitionne de disposer d’une flotte de véhicules ne dépendant pas des combustibles fossiles d’ici 2030 (Hellsmark et al., 2016). S’agissant des transports maritimes et aériens, en revanche, il est difficile d’imaginer une solution de remplacement des carburants liquides. Mais les aéroports de Los Angeles et d’Oslo sont les premiers au monde à avoir intégré des biocarburants dans leur processus régulier de ravitaillement (Il Bioeconomista, 2016a). Plusieurs compagnies aériennes, notamment KLM et United Airlines, achètent désormais du biocarburant aéronautique. En mai 2016, Cathay Pacific a ouvert pour deux ans une ligne aérienne entre Toulouse et la Chine sur laquelle circuleront des avions alimentés au biocarburant aéronautique. Et en septembre 2016, Gevo a annoncé qu’il venait de conclure avec Deutsche Lufthansa AG un accord portant sur l’approvisionnement de kérosène fabriqué à partir d’alcool jusqu’à 8 millionsde gallons par an (alcohol-to-jet – ATJ).
Les pays de l’OCDE ne pourraient pas avoir un niveau de vie si élevé sans les innombrables produits chimiques utilisés au quotidien. Or, 96 % des produits manufacturés contiennent au moins un produit chimique (Milken Institute, 2013), il est clair que les produits pétrochimiques seront beaucoup plus difficiles à remplacer que les carburants fossiles. Premier consommateur industriel d’énergie, le secteur de la chimie totalise quelque 10 % de la consommation d’énergie finale dans le monde (Broeren, Saygin et Patel, 2014). Il est également la troisième source industrielle d’émissions après le secteur de l’acier et celui du ciment (AIE, 2012).
La fabrication du plastique absorbe environ 8 % de la production pétrolière mondiale, soit 4 % pour la production des matières premières et 3 à 4 % pour la production de l’énergie consommée par les procédés manufacturiers (Hopewell, Dvorak et Kosior, 2009). C’est la raison pour laquelle, d’ici 2050, la consommation de pétrole brut destinée à la fabrication du plastique pourrait atteindre entre 28 % et 32 % des niveaux actuels de production de pétrole brut, ce qui mettrait les plastiques en concurrence avec les combustibles pour l’accès au pétrole brut. Une telle croissance est en décalage complet avec les nouvelles découvertes de pétrole, actuellement au plus bas niveau atteint depuis 60 ans.
Le moyen le plus évident d’obtenir des produits chimiques durables de substitution directe (c’est-à-dire en remplacement) ou de même fonction (des molécules de nature différente mais de même fonction) passe par l’utilisation de matières de base renouvelables. L’idée de faire appel aux biotechnologies pour fabriquer des produits chimiques entièrement artificiels ne s’est concrétisée qu’avec l’émergence de l’ingénierie métabolique dans les années 90 (Wong, 2016). Malgré les nombreux défis à résoudre, la voie biotechnologique présente plusieurs avantages par rapport à la voie strictement chimique. L’extrême diversité du métabolisme microbien permet de choisir parmi un très grand nombre de réactions biochimiques (une base de données contient 130 000 hypothétiques réactions enzymatiques). De plus, les processus microbiens se déroulent à basse température et principalement à pression atmosphérique, ce qui constitue un atout sur les plans environnemental et économique.
À ce jour, la chimie renouvelable reste bien en avance sur la biotechnologie industrielle pour ce qui est de la fabrication des produits chimiques de base. De nombreux produits chimiques ont déjà pu être fabriqués avec des micro-organismes. Toutefois, si la plupart sont des succès de recherche, beaucoup pourraient ne jamais atteindre l’étape de la commercialisation. Les raisons à cela, à la fois techniques et financières, sont interdépendantes (par exemple, des biotechnologies plus efficientes feraient baisser le coût de production, ce qui rendrait les produits chimiques et matériaux biosourcés plus compétitifs face aux produits de la pétrochimie). Fondamentalement, la bioproduction sans soutien public est confrontée à des défis considérables compte tenu des économies d’échelle réalisables dans la pétrochimie.
Cependant, quand on examine de plus près la structure de l’industrie pétrochimique moderne, on constate qu’une grande partie de la production chimique organique ne vise à fabriquer qu’un nombre relativement limité de produits différents. Le Département de l’Énergie des États-Unis (US DOE, 2004) a identifié 12 molécules plateformes que l’on peut produire à partir de sucres par transformation biologique ou chimique (une molécule plateforme est une molécule avec plusieurs groupes fonctionnels qui, de ce fait, peut donner naissance à de nouvelles familles de molécules utiles). De leur côté, Saygin et al. (2014) estiment que sept polymères pourraient techniquement remplacer la moitié du total des polymères produits en 2007. Ces exemples soulignent combien les plastiques sont devenus le matériau de prédilection dans un très grand nombre d’applications.
L’arrivée d’équivalents biosourcés des thermoplastiques qui dominent le marché, à savoir le polyéthylène (PE), le polypropylène (PP) et le polytéréphtalate d’éthylène (PET) est l’un des développements importants. Le bio-PE et le bio-PP, synthétisés par voie chimique à partir de monomères produits par fermentation, présentent des caractéristiques de performance identiques à celles de leurs équivalents d’origine pétrolière et, qui plus est, peuvent entrer directement dans les systèmes de recyclage existants. Rattachés à la catégorie des bioplastiques puisque leurs atomes de carbone proviennent de sources renouvelables, ils peuvent potentiellement contribuer à la réduction des émissions de GES. Il est d’ailleurs anticipé que la production mondiale des bioplastiques évolue considérablement pour finir dominée par les thermoplastiques biosourcés durables (OCDE, 2013c) plutôt que par les plastiques biodégradables.
Les moyens biotechnologiques de produire les composés aromatiques (c’est-à-dire les composés chimiques qui émettent une odeur) sont particulièrement difficiles à mettre en œuvre. Ces composés aromatiques sont en effet fabriqués en très gros volumes, et leur large éventail de fonctions n’est pas facile à remplacer. À titre d’exemple, la production du seul benzène atteindra plusieurs dizaines de millions de tonnes en 2017. Le benzène peut être utilisé en tant que tel, à des fins spécifiques, mais il entre aussi dans la composition d’autres produits chimiques de valeur supérieure. Pourtant, les composés aromatiques de base s’avèrent extrêmement difficiles à bioproduire. Plusieurs études se sont penchées sur la production microbienne de composés aromatiques à partir de la biomasse (Kawaguchi et al., 2016), mais elles ne visaient pas les composés aromatiques de base.
D’un autre côté, certains facteurs environnementaux incitent clairement à produire des aromatiques biosourcés (Eriksson, 2013). Les plus gros réservoirs renouvelables de composés aromatiques sont la lignine et l’hémicellulose. La lignine est la source d’aromatiques renouvelable la plus complexe à exploiter, mais elle ne saurait être ignorée : en effet, quelque 50 millions de tonnes de lignine sont produites chaque année dans le monde par les seuls procédés de dépulpage ; la masse totale de lignine disponible dans la biosphère dépasse les 300 milliards de tonnes et augmente chaque année d’environ 20 milliards de tonnes (Smolarski, 2012).
Aux États-Unis, la société Anellotech developpe des solutions intégrant la chimie du renouvelable au défi de la production des composés aromatiques. Son procédé consiste à chauffer rapidement de la biomasse non alimentaire – bois, sciure, tiges et feuilles de maïs, bagasse de canne à sucre – puis à transformer immédiatement les gaz ainsi obtenus en hydrocarbures grâce à un catalyseur recyclable. Le mélange final de benzène, toluène et xylènes (BTX) est analogue à celui que l’on peut obtenir à partir du pétrole.
Les composés BTX font partie intégrante de la production d’un grand nombre de plastiques, parmi lesquels le polyuréthane, le polycarbonate, le polystyrène et le nylon. Les aromatiques sont également très largement présents dans l’industrie automobile. Le groupe Toyota est d’ailleurs le premier utilisateur de matériaux renouvelables dans ses véhicules (OCDE, 2011b).
La bioproduction et sa visibilité
Pour le grand public et les décideurs, la bioproduction manque de visibilité. Le tableau 3.2 présente des exemples de produits dont la visibilité a fortement augmenté ces dernières années. Néanmoins, cette révolution de la production pourrait passer inaperçue parce qu’un produit biosourcé ressemble en tous points à son équivalent pétrosourcé (qu’il s’agisse d’un pneu, de l’écran d’un smartphone ou d’une bouteille). La certification et l’étiquetage aideraient à accroître la visibilité, en donnant confiance aux fabricants et en favorisant une meilleure perception et donc l’adhésion du public. Le nouvel élan depuis 2015, particulièrement avec la COP21 l’intérêt pour l’économie circulaire, pourraient aussi être des leviers pour amener la bioproduction sous les projecteurs.
tableau 3.2. Des produits biosourcés de plus en plus familiers
Produit |
Contexte |
---|---|
Des pissenlits pour le latex |
Des prototypes de pneus contenant du latex biosourcé ont été présentés à la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, à Copenhague, en décembre 2009. La Fraunhofer-Gesellschaft et le fabricant de pneumatiques Continental ont construit une installation pilote de production de caoutchouc à partir de pissenlits. Le pissenlit russe pousse dans des sols qui ne conviennent pas à l’agriculture. |
Du sucre pour les bouteilles |
Les deux groupes Coca Cola et PepsiCo utilisent des bouteilles en plastique en partie biosourcées. La bouteille de Coca Cola contient du mono-éthylène glycol dérivé de la fermentation du sucre qui, une fois mélangé avec d’autres composants, donne du polytéréphtalate de polyéthylène biosourcé (bio-PET). L’objectif à long terme est de remplacer le PET pétrosourcé. |
De l’huile de soja pour le graphène |
Le graphène est plus de 200 fois plus résistant que l’acier et conduit mieux l’électricité que le cuivre. Si l’on ajoute environ 1 % de graphène à un plastique, on peut transformer ce dernier en conducteur électrique. Le graphène est cependant plus coûteux que d’autres matériaux. Des chercheurs du CSIRO, en Australie, ont mis au point un nouveau procédé de synthèse du graphène à partir d’huile de soja (Seo et al., 2017). |
De l’huile de ricin pour les prises murales |
DuPont extrait une molécule plateforme de l’huile de ricin, à partir de laquelle il synthétise un polyamide à 68 % biosourcé (le polyamide synthétique que l’on connaît sous le nom de nylon). Ce polyamide est aussi résistant que le nylon qui entre habituellement dans la fabrication des prises murales. |
Des bioplastiques pour les voitures |
L’une des premières utilisations des bioplastiques a été de remplacer les composants métalliques ou pétroplastiques dans les véhicules, ce qui permettait de gagner en masse et/ou de réduire les émissions de GES. Ford et Toyota, entre autres, réfléchissent aujourd’hui aux moyens d’utiliser des bioplastiques dans les textiles des habitacles et mettent en œuvre certaines de ces solutions. Daimler et Royal DSM ont collaboré à la création d’un couvercle de moteur en plastique à 70 % biosourcé. |
Du sucre pour les tapis |
Dupont et Mohawk associent du propanédiol biosourcé et une molécule plateforme pétrosourcée pour produire une fibre de tapis souple, durable et facile à nettoyer. Ce textile est à 37 % d’origine biologique. |
Des levures pour les crèmes de soin du visage |
Korres cultive des levures qui, lorsqu’elles sont exposées à de l’ozone ou à des ultraviolets, produisent des hexapeptides (courts peptides de six acides aminés). Ces composés servent ensuite d’ingrédients actifs anti-âge dans certaines crèmes de soin du visage. |
Produits biopharmaceutiques |
On produisait jusqu’à maintenant les antibiotiques avec des micro-organismes. Désormais, on a recours à la biologie de synthèse pour fabriquer un antipaludique puissant. En 2014, Sanofi a livré à des pays africains où le paludisme est endémique les premiers lots à grande échelle de traitements antipaludiques fabriqués à partir d’un nouveau dérivé de l’artémisinine semi-synthétique. |
Compléments pour l’alimentation humaine et animale |
Cargill fabrique un édulcorant en produisant, par la biologie de synthèse, une levure capable de transformer des molécules de sucre de manière à ce qu’elles présentent les mêmes propriétés que la stévia, sans que la plante elle-même ne soit nécessaire. Calysta est spécialisé dans la production de protéines microbiennes destinées aux marchés de l’alimentation du bétail et des poissons. |
Des enzymes dans les détergents |
Les détergents biologiques contiennent toute une gamme d’enzymes permettant un lavage à basse température, par exemple à 30 °C, ce qui se traduit par des économies d’énergie, une réduction des émissions, et un moindre coût. |
De la soie d’araignée dans les implants médicaux |
La soie d’araignée est un matériau extrêmement résistant que l’on trouve aujourd’hui dans les sutures, les armatures, les greffes et certains implants médicaux. Oxford Biomaterials, Orthox Ltd et Neorotex Ltd étudient un certain nombre d’applications biomédicales de la soie d’araignée génétiquement modifiée. L’armée des États-Unis teste actuellement des vêtements de protection en soie d’araignée. Enfin, la variante E. coli de la soie d’araignée pourrait remplacer le Kevlar dans les air bags. |
Conclusions
Ce chapitre a décrit le début de la transition vers un nouveau modèle de production fondée sur les biotechnologies (Il Bioeconomista, 2016b). Plusieurs pays, bien placés dans le domaine de la recherche en bioéconomie, sont peu avancés sur la voie du déploiement (via des bioraffineries et des unités de production chimique). Les bioraffineries cellulosiques, sources de grands espoirs, se révèlent malheureusement, sujettes à des défaillances techniques inquiétantes. À ce jour, les volumes d’éthanol cellulosique que l’on produit sont encore limités et dépendants des aides publiques (Peplow, 2014). Les progrès de la recherche ont beaucoup d’avance sur ceux du déploiement à pleine échelle, ce qui n’est pas une surprise dans un secteur aussi jeune. Ce chapitre a également décrit les principaux instruments d’action à mettre en œuvre pour rétablir l’équilibre entre R-D et succès commercial.
Schieb et al. (2015) prévoient que, pour que la bioéconomie industrielle soit un succès, le nombre de bioraffineries, aussi bien aux États-Unis qu’en Europe, doit augmenter pour atteindre un chiffre entre 300 et 400. Cette progression représente un investissement très lourd, qui devra provenir en majeure partie du secteur privé. Les échanges avec les acteurs de l’industrie de la bioproduction, demandent des politiques stables et de long terme afin de gagner la confiance du secteur privé pour investir dans des projets risqués.
Les messages sur la durabilité atteignent désormais l’industrie fossile. Le changement de cap est évident quand les administrateurs du Rockefeller Family Fund déclarent : « Àl’heure où l’on s’emploie partout dans le monde à supprimer l’utilisation des combustibles fossiles, cela n’aurait que peu de sens – financièrement ou éthiquement – de continuer à détenir des investissements dans de telles entreprises » (Cunningham, 2016). L’Arabie saoudite elle-même prévoit de diversifier son économie et de mettre fin prochainement à sa dépendance vis-à-vis du pétrole13. L’industrie pétrolière doit aussi garder à l’esprit le fait que les véhicules électriques pourraient venir perturber leur domaine d’activité. Ces véhicules pourraient en effet se substituer à la demande de quelque 2 millions de barils de pétrole par jour d’ici 2025, un volume équivalent à celui de la surcapacité qui a déclenché la plus grosse récession pétrolière de la génération au cours des trois dernières années (Bloomberg, 2017).
L’incitation principale pourrait désormais venir de la ratification de l’Accord de Paris en 2016. L’action publique se concentre actuellement sur la tarification du carbone, qui pourrait apporter aux États des recettes importantes – avec à leur charge, ensuite, de dépenser cette nouvelle manne au service de technologies de décarbonation de l’énergie et de la production. Ce chapitre a présenté quelques domaines des sciences et des technologies vers lesquels ces ressources pourraient être réorientées. En tout état de cause, il est indispensable que la bioéconomie fasse partie des futurs paysages énergétiques et productifs (Szarka et al., 2017).
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Notes
← 1. Les données statistiques concernant Israël sont fournies par et sous la responsabilité des autorités israéliennes compétentes. L’utilisation de ces données par l’OCDE est sans préjudice du statut des hauteurs du Golan, de Jérusalem-Est et des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie aux termes du droit international.
← 2. À ce jour, la biologie de synthèse est encadrée par la réglementation applicable aux organismes génétiquement modifiés (OGM). Il n’est probablement pas nécessaire à moyen terme de modifier substantiellement le système en place, mais les pouvoirs publics doivent exercer une veille. S’il semble qu’on retrouve en biologie de synthèse les mêmes questions de biosécurité que celles que posent les OGM, la nature pluridisciplinaire de la discipline signifie néanmoins qu’il faut davantage sensibiliser et former les parties prenantes non familières du domaine. La biologie de synthèse soulève en outre des préoccupations de biosécurité spécifiques :
Comme, avec la biologie de synthèse, on peut sans difficulté concevoir de l’ADN quelque part, le construire ailleurs, et le livrer encore ailleurs, l’utilisation du matériel génétique fini peut être découplée de son origine.
La synthèse peut ouvrir la porte à ceux qui cherchent à obtenir des pathogènes particuliers à des fins dommageables et qui, ainsi, pourraient contourner les règles nationales et internationales de biosécurité (cependant, pour l’heure, il est beaucoup plus facile de modifier génétiquement un pathogène existant que de recourir à la biologie de synthèse pour en créer un).
De l’avis général, la fabrication et la vente d’ADN de synthèse doivent faire l’objet d’un processus de sélection. Les principaux aspects qu’il convient de contrôler sont les suivants : sélection pour éviter la synthèse de pathogènes connus ou d’ADN liée à des toxines ; sélection pour éviter d’expédier des produits à des clients douteux ; autorisation des équipements et des substances requis pour la synthèse des oligonucléotides.
← 3. Le concept d’utilisation en cascade de la biomasse recouvre l’idée que la biomasse sert à fabriquer d’abord de faibles volumes de produits à forte valeur, puis de plus gros volumes de produits à moins forte valeur, et ainsi de suite jusqu’à extraction de la majeure partie de la valeur. Avec ce qui reste, on peut alors produire de l’électricité ou de la chaleur (eau chaude, chauffage urbain).
← 4. Les parties prenantes régionales sont notamment les agriculteurs, les sylviculteurs et leurs associations professionnelles et coopératives, les acheteurs, les cercles d’échanges et de machines agricoles et forestières, les transporteurs et les autres prestataires logistiques, les entreprises des secteurs de la chimie et des combustibles, les bioraffineries, les sociétés de capital-risque, les entreprises agroalimentaires, les établissements de R-D, les PME spécialistes des technologies, les entreprises de gestion des déchets, les autorités de réglementationet les agences de recyclage et de gestion des déchets.
← 5. Par exemple, la base de données mise au point par Black et al. (2016) pour l’évaluation des chaînes d’approvisionnement en biomasse à l’appui du développement des bioraffineries tient compte de l’origine des matières ainsi que des aspects logistiques, techniques et stratégiques. Plus la nécessité d’établir des chaînes d’approvisionnement en biomasse sur mesure devient réelle, puis il est important d’améliorer la prise de décision. À l’avenir, les concepteurs de nouveaux projets industriels seront amenés à prendre de nombreuses décisions critiques pour leur activité, concernant l’origine de la biomasse et l’implantation des bioraffineries. Les logiciels du type décrit ici pourraient simplifier ce processus décisionnel. Il pourrait s’agir d’outils open-source développés avec les organisations des pôles régionaux.
← 6. Cela s’est produit par exemple en Allemagne, en Belgique, en France, en Italie, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, des pays qui disposent tous d’un secteur de la chimie étendu et stratégique. En 2006, le ministère fédéral allemand de la Recherche et de l’Éducation a mis des pôles en concurrence pour renforcer la biotechnologie industrielle nationale. Les cinq pôles de biotechnologie industrielle sélectionnés ont reçu des financements d’un montant total de 60 millions EUR.
← 7. Encore trop peu largement reconnue, la génomique a commencé à révolutionner la production alimentaire sans modification génétique. Grâce aux progrès qu’elle permet, il est possible d’améliorer les programmes de sélection et ainsi d’accélérer les succès pour un large éventail d’espèces végétales et animales. La plupart des types d’élevage et d’agriculture peuvent bénéficier de la génomique, notamment sur certains points économiquement fondamentaux, comme l’efficience alimentaire et la résistance aux maladies, qui peuvent aider à renforcer la sécurité alimentaire aujourd’hui et à l’avenir. La génomique peut aussi contribuer largement à la durabilité de la biomasse. Par exemple, les cultures énergétiques constitueront à l’avenir une part importante de la production biomassique. Or, l’impact de la génomique sur la sélection végétale commence à peine à se faire sentir, un message que de nombreux cercles de décideurs ne perçoivent pas encore très bien. Il est important, pour de nombreux pays, de mieux cerner les avantages de la génomique en agriculture : ils pourraient orienter plus efficacement les programmes de recherche pertinents, par exemple en finançant des programmes de formation des agriculteurs à la génomique (le programme irlandais Beef Data and Genomics Programme sur la génomique et l’élevage bovin en est un bon exemple).
← 8. L’« écart de prix du carbone », un indicateur synthétique qui donne la mesure dans laquelle les prix effectifs du carbone s’écartent de la tarification des émissions à 30 EUR par tonne, met en lumière les moyens possibles de renforcer la tarification du carbone (OCDE, 2016).
← 9. Il y a subvention avant taxe quand les consommateurs de l’énergie paient un prix inférieur au coût d’approvisionnement.
← 10. Il y a subvention après taxe quand le prix payé par le consommateur est inférieur au coût d’approvisionnement auquel on a ajouté une taxe « corrective » appropriée qui reflète le dommage environnemental associé à la consommation d’énergie ainsi qu’une taxe supplémentaire sur la consommation qui s’applique à tous les biens de consommation pour augmenter les recettes.
← 11. Le règlement européen (CE) du 18 décembre 2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH) porte sur la production et l’utilisation des substances chimiques ainsi que leurs effets potentiels sur la santé humaine et l’environnement.