Ce chapitre utilise trois scénarios différents pour examiner des parcours différents que le système d’innovation du secteur public pourrait emprunter. Chaque scénario est conçu pour faciliter un examen du déroulement possible du système au fil du temps.
Le Système d'innovation de la fonction publique du Canada
Chapitre 7. Trois scénarios pour examiner ce qui pourrait arriver ensuite
Abstract
Les systèmes sont difficiles à saisir et les systèmes d’innovation du secteur public le sont encore plus, surtout vu l’absence d’une lentille d’analyse avant cet examen. L’une des principales critiques des analyses des systèmes d’innovation dans le secteur privé ont été l’incapacité de les rendre celles‑ci opérationnelles et traitables. Si tout est relié à tout, où devraient commencer les décideurs? Pour contribuer à rendre plus traitables le modèle et les interprétations présentés aux chapitres précédents dans le contexte de la fonction publique canadienne, les auteurs de l’examen ont sélectionné une nouvelle approche visant à faciliter la présentation d’interventions systémiques pour les pays : la construction de scénarios.
La construction de scénarios est un exercice d’analyse où l’on construit des exposés narratifs de tendances et d’événements actuels et historiques dans un certain contexte afin de décrire de façon plus uniforme les trajectoires futures possibles. L’objectif est de déterminer des voies possibles conduisant à une vision de l’avenir. Dans un exercice d’analyse des systèmes, les scénarios servent à éviter les solutions linéaires et réductives, examinant plutôt le système dans son ensemble. La construction de scénarios pose une question clé : « Quels sont les ensembles de solutions possibles qui peuvent être combinées et formulées pour changer le fonctionnement du système?”
Fondamentalement, les scénarios présentent, d’abord et avant tout, une perspective critique de l’avenir. Ce cadre futur clarifie les principales questions fondamentales et décisions stratégiques auxquelles diverses organisations font face dans le système, et il établit des liens entre les décisions critiques et leurs horizons temporels. À ce titre, les scénarios servent à éclaircir les catalyseurs de changement (voir le modèle exploratoire au chapitre 4), ce qui peut faire en sorte que même l’incertitude soit plus traitable. Par conséquent, les scénarios sont particulièrement utiles dans le contexte de l’innovation, où l’incertitude – même dans le présent – est extrêmement élevée.
Face à une telle incertitude, il y a une menace continue d’échec (ce qui est normal pendant le processus de changement). Cela peut faire dérailler continuellement diverses activités et diminuer dans le système le goût pour les stratégies et les activités d’innovation futures. Par conséquent, la robustesse du système dans son ensemble doit être prise en compte plutôt que de se concentrer sur des activités et des interventions discrètes. En réalité, la construction de scénarios devrait être un processus continu et en évolution – se préparer pour l’avenir et non le prédire – qui mobilise divers acteurs. On espère que cet exercice soit la première étape du long parcours destiné à bâtir des systèmes plus robustes.
D’après l’analyse du système d’innovation du secteur public canadien, l’OCDE a formulé trois scénarios hypothétiques. Le scénario « zéro » décrit le fonctionnement actuel du système à travers les lentilles de quatre types différents d’avenirs traditionnels :
ce qui est probable (qui risque d’arriver);
ce qui est possible (qui pourrait arriver);
ce qui est la plausible (qui arrivera peut‑être);
ce qui est préférable (que l’on veut qui arrive).
Le scénario zéro examine la capacité actuelle du système de se corriger de lui‑même dans la réalité existante, si rien d’autre n’arrive.
Le scénario 1 enquête sur des changements clés aux politiques dans des secteurs fonctionnels établis du gouvernement. Il examine la mesure dans laquelle ces changements peuvent corriger et améliorer le système d’innovation du secteur public.
Le scénario 2 formule un exposé narratif concernant une transformation totale du système avec un processus de changement radical et une vision de l’avenir radicale, en plus d’une possible mise à niveau du système dans son ensemble en termes d’innovation du secteur public.
Cet exercice vise à fournir des indices à propos des catalyseurs de changement importants, des indicateurs d’alerte rapide et des stratégies qui peuvent être assez robustes pour produire des résultats malgré les défis futurs. Aucun des scénarios n’est censé être prédictif ou normatif. Il s’agit plutôt d’invitations à réfléchir à l’orientation future du système, en cherchant à remettre en question les hypothèses existantes, souvent inexprimées, sur la façon dont les événements se dérouleront.
Scénario « zéro » : Le système continue « tel quel »
Encadré 7.1. Récapitulatif critique de la situation actuelle
Il y a eu plusieurs tentatives d’introduire de nouveaux raisonnements dans le système d’innovation du secteur public canadien depuis le début des années 1990 (la « mémoire vivante » actuelle du système). Le secteur public a connu des périodes plus ou moins propices à l’innovation en raison de changements relatifs à l’économie politique et au style de leadership et de la méfiance accrue envers la fonction publique en général, ce qui ont été des éléments de base des réformes liées à la nouvelle gestion publique partout dans le monde. Ainsi, il n’y a jamais eu d’exposé narratif qui ait pénétré dans la fonction publique pour expliquer pourquoi un changement s’impose dans le secteur, même si des tentatives valides de mettre en place ce dernier élément ont été entreprises (p. ex. la Loi sur la modernisation de la fonction publique, canada@150, Objectif 2020 et la Déclaration fédérale, provinciale et territoriale sur l’innovation dans le secteur public).
Par conséquent, les évolutions et les innovations dans le secteur public canadien peuvent être décrites le mieux comme des « poches d’innovation » – des initiatives appuyées sur de bonnes intentions, habituellement reliées à leur point de départ (initiatives ou activités liées à un ministère qui dépendent fortement de personnes en particulier), qui sont demeurées discrètes, décousues et cloisonnées. Certaines innovations sont motivées par des mouvements partant du haut (p. ex. des directives expérimentales, les subventions et contributions en tant que principal facteur du côté de l’offre), tandis que d’autres viennent du bas en raison de la frustration croissante au sein de la fonction publique. Cette frustration vient généralement d’une prise de conscience de changements survenant à l’extérieur du secteur qui n’ont aucun équivalent dans le lieu de travail. Les mesures partant du bas ne sont toutefois accessibles qu’à de rares privilégiés en raison de conditions de leadership ou de qualités personnelles favorables, ce qui introduit dans le système un degré de coïncidence et, sans doute, d’élitisme. Les autres personnes dont les circonstances sont moins privilégiées sont confrontées à un système de gestion du rendement traditionnel qui n’associe pas l’innovation à de bons résultats, ce qui vient donc endurcir la « couche argileuse » du gouvernement canadien. Ainsi, les idées novatrices ne sont pas évaluées par leur mérite, mais par les qualités personnelles et le capital social en cause.
Qui plus est, les initiatives novatrices peuvent difficilement l’emporter sur les domaines fonctionnels du gouvernement (« parité »). Par conséquent, les ministères du secteur public conservent les stratégies traditionnelles et entreprennent des projets de démonstration de faible niveau (p. ex. des micromissions) qui ne perturbent pas le statu quo des structures établies. Le système a donc tendance à traiter les symptômes plutôt que la maladie.
En l’absence d’un exposé narratif d’ensemble (la « clarté » au sein du système), différentes logiques concurrentes ont émergé en parallèle aux secteurs fonctionnels du gouvernement. Parmi les divers exposés narratifs qui ont été introduits dans le système, on trouve, entre autres : l’innovation en tant que gain d’efficience (p. ex. la réduction de la paperasse); l’innovation à l’aide d’outils et de méthodes (p. ex. GCpédia, GCconnex, directives sur l’expérimentation, introspection comportementale); les solutions organisationnelles pour l’innovation (p. ex. la prolifération des laboratoires d’innovation); les solutions de ressources humaines pour l’innovation (p. ex. micromissions, équipes spéciales, agents libres, nouvelle orientation en matière de dotation); l’innovation par le financement (prix de l’innovation, défis, Initiative Impact Canada); et le travail d’impact dans diverses itérations (p. ex. Des résultats pour les Canadiens et les Canadiennes en 2000, résultats et livraison). Il semble que tous les divers aspects du système soient abordés; pourtant, ces interventions différentes et les logistiques opérationnelles sont assorties de buts divergents et, parfois, contradictoires (p. ex. l’efficience par opposition à l’impact; les gains rapides par opposition à l’expérimentation).
La présence d’interventions et de logiques différentes sont source d’incongruité et de mauvaise harmonisation dans le système. Les ressources peuvent être mal affectées, et les succès de ces diverses activités ne sont pas transposés à d’autres activités; en fait, ils peuvent y nuire.
En l’absence d’un message cohérent expliquant pourquoi l’innovation est nécessaire, le centre a tenté d’aborder le sujet en fournissant des solutions techniques. Toutefois, les efforts visant à introduire des initiatives n’ont pas tenu compte des capacités et des obstacles culturels et institutionnels à leur assimilation, en grande partie parce que la perspective du système étant absente. Il en découle des situations où il est difficile de prédire les initiatives qui « sortiront gagnantes », puisque leur survie et leur réussite dépendent davantage de leur livraison rapide et de leur démonstration positive (et sans doute d’autres facteurs arbitraires) que de leur potentiel de transformer le secteur public. Bon nombre d’initiatives – si ce n’est la totalité – ne sont pas parvenues à une échelle suffisante pour faire remettre en question les opérations du secteur public. L’intention est bonne, mais leurs effets sont graduels. En réalité, ces signaux « techniques » deviennent un mécanisme de sélection des innovations au gouvernement, empêchant probablement le portefeuille optimal d’innovations de voir le jour dans le secteur public canadien. Bon nombre d’innovations sont mises à l’essai, mais peu sont mises à l’échelle. Le système n’est donc pas « adéquat » pour soutenir un portefeuille d’innovations diversifiées – que ce soit pour permettre des innovations radicales orientées vers la mission ou l’expérimentation ascendante. Il est dépourvu des mécanismes de rétroaction qui permettent aux différentes activités de fonctionner au degré de portée et d’échelle nécessaire (« normalité » de l’innovation).
Ainsi, tout nouveau changement perturbateur auquel le secteur fait face est invariablement abordé dans de petites « poches ». Le secteur ne peut passer outre les défis auxquels il est directement confronté (que ce soit sous forme de l’économie de partage ou de la transformation numérique); toutefois, dans de nombreux cas, le raisonnement transformatif est délégué à de petites équipes avec des clauses de temporisation et peu de suivi, étant donné qu’il manque une participation de haut niveau continue. Dans les faits, ce processus creuse le potentiel de changement à long terme. En raison de l’abondance de personnes hautement qualifiées dans le secteur, le système est en mesure de réagir aux crises discrètes lorsque celles‑ci se présentent, et il se réorganise en conséquence; or cela perturbe fortement les structures et le fonctionnement établis du gouvernement. Les leçons tirées de la gestion des pressions externes ne se diffusent pas bien dans le système. Cette situation est aggravée par le manque de liens avec l’environnement externe – que ce soit les liens avec les citoyens (perspective de l’utilisateur) ou d’autres sources de changement transformatif potentiel (technologues, chercheurs, etc.)
Compte tenu de cette analyse critique, l’hypothèse du scénario zéro est que le système sera maintenu « tel quel » en l’absence d’un élan interne visant à modifier considérablement les éléments et les fonctions de base du gouvernement.
Les risques du scénario 0
D’après ce qui précède, il y a une forte probabilité que se poursuive l’élan ascendant existant en faveur de l’innovation. Cet élan trouvera un débouché dans des initiatives où les intérêts des innovateurs sur le terrain coïncident avec la pression de l’offre technique ou méthodologique au niveau supérieur. Les innovations « proches du marché » où le peut se servir de l’expérimentation comme forme de légitimité, avec des résultats directement démontrables, survivront, tandis que d’autres périront ou devront attendre qu’une occasion exceptionnelle se présente (crises d’origine extérieure ou champions de l’innovation de haut niveau). L’innovation continuera d’être associée aux efforts de personnes (la ténacité et la confiance de ces dernières) plutôt qu’aux mérites sous‑jacents des idées. Ce sera aussi le plus grand prédicteur de survie des laboratoires d’innovation du secteur public – ceux sans incidence immédiatement et directement « démontrable » seront fermés. Davantage orientés vers un horizon à long terme, les laboratoires et les groupes de travail des « grandes idées » seront les premiers à disparaître. D’autres apparaîtront avec les nouvelles vagues. Des éclats d’innovation se présenteront, technologiques ou d’une autre nature, mais le cycle se répétera. Une minorité seulement d’innovations s’infiltreront dans le système, en raison surtout de facteurs de coïncidence (appuis politiques pratiques, événements externes, etc.) plutôt que par dessein délibéré. Étant donné que les mécanismes de sélection sont hautement volatils, les organisations ne pourront adopter les idées au potentiel le plus grand; elles n’auront plutôt accès qu’à la pointe de l’iceberg.
Encadré 7.2. Scénario de rechange (événement à faible probabilité et à incidence très élevée)
Une des expériences phares échouera
Dans ce scénario, un des projets pilotes clés qui sont validés selon la directive sur l’expérimentation ne parviendra pas à produire de résultats et l’éthique de l’expérience sera publiquement remise en question. Des débats politiques de haut niveau s’en suivront et s’intensifieront rapidement, et l’ensemble du programme et de l’intervention gouvernementale se rapportant à l’expérimentation seront remis en question. Étant donné que l’on n’a pas déployé d’efforts systématiques pour évaluer le rôle de l’expérimentation dans le secteur public, les promoteurs de la directive ont peu de contre‑arguments à présenter. Le centre peut toujours s’efforcer de justifier la directive sur l’expérimentation, mais puisqu’aucune expérience stratégique produisant des réussites (prouvables) n’a été mise en œuvre, les preuves positives sont représentées comme étant anecdotiques. L’initiative étant considérée comme descendante, peu de ministères sont prêts à se joindre au débat. L’initiative est entachée et le programme est réorienté : on permet qu’un petit nombre d’expériences existantes soient achevées, mais ces expériences ne sont pas très médiatisées ou sont reformulées comme des essais ou des projets pilotes de politique traditionnels.
Certaines pressions de l’offre techniques ou méthodologiques qui viennent du haut – sous forme d’obligations à impact social (OIS) ou d’interventions d’introspection comportementale – s’infiltreront dans le système, habituellement dans les ministères et organismes à haut rendement où les idées plus radicales font l’objet d’expérimentation. Cette aura toutefois de favoriser davantage l’enfermement, où les activités existantes au sein des fonctions ministérielles sont amplifiées. Les secteurs fonctionnels dont la capacité est plus grande deviendront plus forts dans leur domaine, et les secteurs plus faibles s’affaibliront. Après que les fruits des branches les plus basses auront été cueillis, le domaine d’intervention se rétrécira et la recherche de la prochaine nouvelle aide « technique » commencera. Il y aura une certaine croissance de clarté et de consensus au fil du temps, mais les efforts visant à créer une intention stratégique dans le système seront supplantés par les éclats d’intérêt dans de nouveaux sujets émergents.
De façon analogue au secteur privé – et sous les effets de la numérisation –, des hiérarchies organisationnelles aplanies verront le jour au gouvernement. Cela s’accompagnera de changements aux tâches de la plupart des fonctionnaires, avec une plus grande responsabilité de prendre des décisions, mais moins de temps et de capacité pour le faire. Le résultat sera une dépendance continue vis‑à‑vis des solutions « techniques » pour innover. La direction intermédiaire du secteur public sentira qu’une pression croissante est exercée sur elle. L’innovation sera ajoutée aux examens de rendement, mais elle s’accompagnera de confusion plutôt que de clarté. Les incitatifs à parler ouvertement des échecs diminueront, puisque le système punit la livraison insuffisante. Par conséquent, la frustration des innovateurs potentiels augmentera, certains d’eux deviendront désabusés et d’autres quitteront le secteur public.
Les signaux externes de crises imminentes seront ignorés ou ratés, puisque les mécanismes de rétroaction internes visant à mieux relever et amplifier les signaux faibles sont ignorés.
Encadré 7.3. Scénario de rechange
Le secteur public fera face à une crise ayant des effets systémiques
Les centres de données de Services partagés sont piratés, des rançongiciels sont insérées dans le système et un délai de cinq jours est donné au gouvernement pour payer afin de récupérer les données. La confusion et le chaos règnent. Le gouvernement met sur pied une équipe de crise; il ferme le système, mais il n’est pas en mesure de trouver les rançongiciels à temps. Toutes les données sont détruites. Les services qui dépendent du numérique sont fermés. L’équipe de crise tente de trouver une sauvegarde et de redémarrer des centres de données antérieurs, mais elle en est incapable parce que la technologie est trop ancienne. Après des mois de confusion, l’analyse sur papier des demandes sociales et d’autres fonctions de service commence. Les services sont extrêmement lents et l’insatisfaction du public est incroyablement haute. Le gouvernement lance une proposition pour trouver d’autres solutions. Des fournisseurs du secteur privé imposent un arrangement de services infonuagiques au gouvernement.
Conséquences du scénario zéro
Le scénario zéro contribue à illustrer certaines des limites du contexte actuel. Vu les efforts existants et compte tenu du temps qu’ils pourraient prendre, le scénario pose la question suivante : « Les voies existantes sont‑elles suffisantes pour un monde en rapide évolution où la demande de résultats novateurs est continue? »
Le scénario contribue aussi à démontrer que bien que les risques associés à l’encouragement à l’innovation en tant que ressource plus fiable sont réels, des risques potentiels considérables sont associés au fait de s’en tenir aux arrangements existants. De plus, le scénario contribue à examiner quelles pourraient être certaines des options nécessaires si les arrangements actuels étaient maintenus.
Des stratégies destinées à fonctionner dans la structure actuelle du système devraient être élaborées dans trois domaines différents :
Stratégies de base
Formuler un exposé narratif commun pour l’innovation et un mode mental commun au sein de la communauté de l’innovation. Se servir de l’examen pour le faire.
S’assurer que l’innovation est une composante explicite des plans stratégiques des organismes.
Rendre l’innovation explicite dans la gestion du rendement – avec une composante d’échec positive – et assurer une intendance et une évaluation rigoureuses de la pratique.
Stratégies de protection (opérations d’équilibre ou de compensation)
Diversifier les mécanismes de sélection, y compris des mécanismes de contestation assortis de fonds réaffectés au centre pour contrer la dépendance vis‑à‑vis la hiérarchie.
Imposer au moins trois ou quatre expériences stratégiques interministérielles à tout moment.
Établir une mesure d’évaluation du coût de renonciation afin de renforcer, dans le système, la compréhension des coûts à long terme associés au fait de ne pas entreprendre des innovations transformatrices dans le secteur public.
Stratégies d’urgence (résilience contre des événements futurs ou des circonstances futures que l’on ne peut prédire avec certitude)
Créer un mécanisme pour équilibrer la rétroaction négative sur l’innovation : publier couramment des cas de réussite et des expériences personnes de gestion du système.
« Achetez un parapluie pour la tempête qui s’en vient » : prévoir une marge de manœuvre suffisante et des ressources souples (équipes de correction) dans le système pour composer avec les crises inévitables.
Surveillance et détection des crises : évaluer périodiquement la résilience du système, puisqu’il s’agit du mieux qu’on puisse espérer dans le système en place.
Scénario 1 : Amélioration graduelle des activités d’innovation dans les secteurs fonctionnels
Encadré 7.4. Les événements critiques dans le système
Un nouvel organisme (« PSI Canada ») est constitué en tant que principal forum d’intendance et de garde du système d’innovation du secteur public, faisant participer certains cadres supérieurs de l’ensemble de la fonction publique. Chaque membre de PSI Canada est chargé d’élaborer une stratégie pour des secteurs fonctionnels différents du système (p. ex. le perfectionnement des ressources humaines et des talents, la sécurité publique, l’infrastructure et le développement économique). On demande aux membres de préciser les rôles propres à chaque secteur fonctionnel ainsi que les outils et les méthodes utilisés (p. ex. les défis et l’introspection comportementale). Cela comprendra l’évaluation de la mesure dans laquelle ces différentes fonctions toucheront le système, la portée et l’échelle de leurs effets prévus et la détermination des principaux acteurs (ministères, organismes et intervenants externes) de l’écosystème et leurs fonctions particulières.
PSI Canada examine et comble collectivement les lacunes et les logiques contradictoires entre les divers secteurs fonctionnels (p. ex. le perfectionnement des ressources humaines, les initiatives de financement). Une stratégie globale unifiée est créée pour aider les membres de PSI Canada à aborder collectivement les divers secteurs et à combler les lacunes et les contradictions. Des outils, des méthodes et des ressources (p. ex. la directive sur l’expérimentation, l’Initiative Impact Canada et la nouvelle orientation en matière de dotation) deviendront entremêlés aux objectifs d’innovation cernés dans les secteurs fonctionnels. Après qu’une compréhension des synergies et des rôles est acquise, les membres de PSI Canada établissent des stratégies dans leurs secteurs fonctionnels respectifs afin de concevoir des programmes et des communautés de pratique – des écosystèmes – pour l’innovation. Inévitablement, les mandats existants sont examinés et les ressources sont réaffectés de secteurs qui sont considérés comme dupliquant les efforts d’innovation du secteur public ou qui ne sont pas conformes aux stratégies fonctionnelles. Certaines initiatives élaborées en périphérie du système (p. ex. les agents libres) seront regroupées de façon organisationnelle en secteurs fonctionnels de base. Des mesures sont mises en place pour les périodes de transition afin de veiller à ce que les nouvelles innovations liées à la structure organisationnelle puissent survivre. Cela réduira la fragmentation dans le système, mais viendra aussi réduire au minimum l’émergence possible (ce qui est un compromis considérable). Toutefois, de nouvelles organisations (communautés, équipes, etc.) seront aussi créées au fil du temps alors que les tâches et les missions au sein des secteurs fonctionnels deviendront plus claires. Les ministères, les organismes et les équipes – vieilles et nouvelles – d’écosystèmes fonctionnels en particulier devront rendre des comptes aux chefs de PSI Canada dans leur domaine de responsabilité.
Les chefs sont libres de concevoir des processus pour stimuler l’innovation dans leurs domaines respectifs, mais ils doivent rendre compte des pratiques au forum. PSI Canada se concentrera sur une mise à niveau graduelle des secteurs fonctionnels; toutefois, les membres introduiront aussi des projets phares clés dans leur domaine, en plus de rendre régulièrement des comptes sur le succès des initiatives. Les membres de PSI Canada ont une responsabilité double : présenter au comité et partager avec lui les leçons clés tirées de leurs champs de responsabilité; et diffuser les leçons tirées d’autres secteurs dont ils sont responsables par l’entremise de communautés de pratique et par d’autres mesures. La reddition de compte est intégrée au système afin de veiller à ce que l’échange de connaissances fonctionne et soit contrôlé de façon routinière.
Les membres de PSI Canada sont également responsables de présenter au groupe les questions transversales. Les conflits inévitables entre les programmes des secteurs fonctionnels (p. ex. la gestion des ressources humaines par opposition au développement numérique) seront présentés à l’organisme et traités par celui‑ci. L’organisme se sera vu accorder tout le pouvoir décisionnel par les dirigeants politiques. S’il demeure des questions, on fera appel à un comité global d’arbitres pour conflits, composé de cadres de haut niveau et de champions de l’innovation indépendants de PSI.
Les risques du scénario 1
Ce scénario repose sur l’idée que des synergies peuvent être créées en regroupant les responsabilités au centre et en créant des structures de reddition de comptes claires pour le développement du système. La souplesse et l’autonomie du système sont garanties en ne présupposant pas de solution commune pour la gestion de l’innovation dans des écosystèmes différents au sein des secteurs fonctionnels. L’intendance du système est centralisée et assujettie à la logique des fonctions gouvernementales. Ainsi, le scénario ne conteste pas radicalement le défi de la structure de fonctionnement actuelle du gouvernement canadien, tandis que les changements organisationnels ou les changements dans des domaines fonctionnels précis demeurent possibles pour améliorer l’innovation du secteur public. Néanmoins, dans certains secteurs globaux du gouvernement (p. ex. les ressources humaines), les incitatifs, la structure hiérarchique et, donc, l’intervention présentent un potentiel de transformation.
Il est fort probable que même avec un engagement de haut niveau envers PSI Canada et des mesures de reddition de comptes en place pour veiller au rendement dans les secteurs fonctionnels, les vitesses et la portée variables des activités d’innovation du secteur public se limiteront toujours à des missions. Le rôle et la capacité des chefs de certains secteurs fonctionnels détermineront l’incidence des interventions de ces derniers. Cependant, ce ne sont pas tous les membres de PSI Canada qui auront la même volonté et les mêmes appuis pour faire avancer l’innovation du secteur public dans leurs domaines respectifs. La concurrence entre les secteurs fonctionnels du gouvernement sera maintenue, puisque la collaboration descendante ne pourra pas être diffusée dans le système à des taux suffisamment élevés. À moyen et à long terme, la frustration au sein du système augmentera à mesure que les innovateurs au sein de leurs écosystèmes particuliers seront confrontés à des secteurs différents où les progrès seront plus rapides ou plus lents.
Dans une certaine mesure, il y aura une réaction contre le regroupement des programmes au niveau des organismes et des ministères, étant donné que ceux‑ci le percevront comme une menace pour leur capacité de faire avancer librement l’innovation dans leurs domaines organisationnels. PSI Canada devra lutter contre des sentiments incohérents de propriété des innovations afin de veiller à l’émergence de synergies possibles – touchant l’échelle et la portée des initiatives – dans ses secteurs fonctionnels. L’une des principales tâches sera de bâtir des communautés d’innovation dans des écosystèmes en particulier. Cette tâche sera fructueuse dans certains domaines, mais infructueuse dans d’autres. Les obstacles organisationnels traditionnels (culture, compétition, etc.) seront maintenus n en grande partie. Les membres du groupe de travail devront contrer de manière proactive le syndrome « cela n’a pas été inventé ici » en établissant des plateformes d’échange de connaissances et des groupes de discussion entre pairs entre les écosystèmes; or le problème sera toujours présent.
Encadré 7.5. Scénario de rechange
Automatisation des emplois
Les technologies relatives aux données massives et à l’apprentissage machine connaîtront une poussée de croissance exponentielle. Elles deviendront accessibles au gouvernement par l’entremise d’entreprises développant des systèmes facilement interopérables à l’intention du secteur public. Cela conduira à un élan à grande échelle en faveur de l’automatisation des emplois dans l’ensemble des fonctions gouvernementales, plus rapidement qu’on ne l’ait jamais prévu. La plupart des emplois de gestion intermédiaire et d’analyste deviendront redondants alors que le gouvernement s’efforcera de réformer le système. PSI Canada ne peut relever le défi, puisqu’elle n’a pas élaboré de stratégies intergouvernementales. L’organisation est démantelée et une nouvelle équipe de « correction » est mise sur pied.
Invariablement, le système sera mis à l’épreuve à un moment donné par une crise qui traversera divers secteurs fonctionnels. Cela se produira possiblement en raison d’échecs de la prestation de services attribuables à la croissance imprévue de la demande de services dans deux secteurs fonctionnels ou plus à la fois (p. ex. une crise des réfugiés à une échelle bien plus grande). Étant donné que le système est encore fragmenté en sous‑systèmes, on ne peut faire appel à l’innovation pour résoudre le problème en temps opportun ou pour obtenir davantage qu’une mosaïque de réactions. Le système est fragile en raison de la spécialisation excessive, ce qui nuit à sa capacité globale (même avec une coordination solide des paliers supérieurs). À long terme, le fonctionnement des secteurs de spécialisation devra changer.
Encadré 7.6. Scénario de rechange
Opposant radical au système
Discrètement, une petite organisation de type 18F (organisme numérique gouvernemental) verra le jour dans un secteur fonctionnel et contestera radicalement les pratiques opérationnelles de l’ensemble du gouvernement. Un ou plusieurs des membres du cadre de haute direction couvrira les activités de l’organisme; or en raison de la nature radicale de l’organisme et des conséquences de celui‑ci pour d’autres secteurs fonctionnels, des conflits s’en suivront rapidement. La bataille parviendra rapidement à la haute direction, où les liens de confiance renforcés précédemment seront endommagés. Pendant le débat, la spécialisation de l’organisation sera maintenue, le consensus sera obtenu et le nouvel opposant radical sera brûlé par l’échange. Les améliorations possibles proposées pour le secteur public seront perdues dans le conflit.
Conséquences du scénario 1
Ce scénario montre que la création d’un forum centralisé pour assurer l’intendance du système conduira à des attentes élevées quant à l’innovation du secteur public – possiblement trop élevées. L’utilité d’un groupe de haut niveau est que celui‑ci a du poids et de l’influence. Au fil du temps, si PSI Canada connaît du succès, il est probable qu’une plus grande responsabilité lui soit imposée, et la tendance naturelle des bureaucraties du secteur public à regarder au centre sera maintenue. Cependant, dans un contexte où l’on met de plus en plus l’accent sur l’innovation du secteur public, les efforts devront être distribués, et il faudra un profond engagement dans tout le système, et non seulement dans des nœuds particuliers. Il faudra aussi une collaboration de même qu’une coordination. Pour que le système puisse répondre à la nécessité d’innover dans toute la fonction publique, il faut une diversité de structures et de réseaux qui le permettront. La tendance structurale sera d’attribuer la responsabilité à des structures particulières ou à quelques acteurs, alors qu’il est probable que la responsabilité de l’innovation englobe tout le système.
Si une telle approche était déployée, il faudrait élaborer des stratégies dans trois domaines différents :
Stratégies de base
Attribuer des responsabilités de base aux membres de la haute direction de PSI Canada et clarifier en quoi d’autres parties du système sont censées soutenir le programme d’innovation dans son ensemble ou y être reliées.
Constituer des mécanismes redditionnels pour évaluer l’avancement dans divers secteurs fonctionnels.
Effectuer une harmonisation négociée entre les énoncés de mission transversaux et la partie du mandat de base qui concerne l’évaluation des résultats, et accorder aux membres un droit de renégociation selon des conditions appropriées.
Aborder les questions liées à la capacité dans toutes les fonctions gouvernementales afin d’aborder l’innovation, l’expérimentation et ainsi de suite dans les plans de secteurs fonctionnels en particulier.
Intégrer une structure de direction par rotation et renouveler continuellement les membres afin de contester les structures de pouvoir informelles et le raisonnement de groupe.
Stratégies de protection (opérations d’équilibre ou de compensation)
Imposer une discussion sur les échecs dans les secteurs fonctionnels de base par PSI Canada.
Intégrer des stratégies visant à contrer les biais « cela n’a pas été invité ici » (plateformes entre homologues recoupant les fonctions, évaluations comparatives entre fonctions, etc.)
Stratégies d’urgence (résilience contre des événements futurs ou des circonstances futures que l’on ne peut prédire avec certitude)
Chaque chef fonctionnel doit faire avancer au moins une expérience interministérielle radicale qui change les paradigmes.
Envisager des mécanismes visant à faire en sorte que les idées plus radicales ne seront pas perdues dans le système.
Scénario 2 : Transformation radicale du système
Encadré 7.7. Les événements critiques dans le système
Au niveau des cadres, une interprétation commune voit le jour : il faut un degré d’engagement substantiellement nouveau vis‑à‑vis l’innovation dans le secteur public. Cela fait en sorte que le commis s’engage à adopter une vision axée sur un but quant à l’innovation dans le secteur public. Par exemple, pour devenir la fonction publique la plus réceptive et la plus compétitive dans le monde, la fonction publique du Canada doit devenir la chef de file de l’innovation dans le secteur public.
Un groupe de travail est mis sur pied afin d’établir une vision commune de l’innovation du secteur public dans toute la fonction publique. La vision relie les visées de l’innovation dans le secteur public à la réforme de celui‑ci. Un examen de tout le système d’innovation du secteur public, orienté vers des buts, est mené dans le but de clarifier l’ensemble des rôles et des mesures conformément à cet objectif final. Des secteurs fonctionnels et thématiques (en plus des données ouvertes, de la transformation numérique, etc.) sont réorganisés sous la vision globale.
Des efforts de mobilisation substantiels (ateliers, groupes d’experts, groupes de discussion, etc.) sont mis en œuvre dans le but d’obtenir des appuis pour la vision. Les organisations assument leurs rôles et leur expertise dans cette vision ou sont restructurées pour s’adapter à la vision et à ses buts d’ensemble. À la fin, tout le monde a un lien personnel avec l’innovation et sa raison d’être, et tout le monde comprend ses rôles et ses responsabilités face à l’innovation. Pour toute nouvelle mesure, il faut en justifier le rôle dans la vision actuelle du secteur public.
Une nouvelle structure d’intendance de l’innovation du secteur public est mise en place. Cela sera fondé sur un système à deux voies : le centre indique les activités d’innovation nécessaires, avec les missions tirées de la vision; et le service crée pour les innovations plus radicales une structure autonome qui est financée, gérée et évaluée selon une structure différente (cela pourrait prendre diverses formes possibles). On garantit ainsi que les mesures immédiates orientées vers le but n’évincent pas les innovations radicales émergentes qui peuvent être mises à l’essai et examinées simultanément. L’ambidextrie du système est garantie. Les deux activités en soi servent la vision globale de l’innovation dans le secteur public. Le financement est réorganisé en conséquence. Différentes méthodes d’évaluation sont formulées pour des voies différentes. L’affaiblissement délibéré du statu quo en faveur d’un meilleur rendement et d’une plus grande robustesse à long terme est garanti.
Une perspective de portefeuille pour l’innovation dans le secteur public est formulée dans tout le système, équilibrant le rendement immédiat, les objectifs à moyen terme et les conceptions plus expérimentales. Les activités d’analyse des horizons sont assimilées et l’introspection devient une partie intégrante des tâches de portefeuille. Le portefeuille de l’innovation dans le secteur public ne suit pas les fonctions administratives, mais les buts d’ensemble de la vision. Les idées peuvent venir de n’importe où et seront envisagées sur un pied d’égalité. Des équipes multidisciplinaires peuvent se former facilement et sans heurt. Cela comprend non seulement le secteur public, mais aussi le secteur privé et le tiers secteur, à la fois en tant que sources d’idées et que collaborateurs en innovation. Le gouvernement a recours à la réglementation anticipatoire (règlements en bac à sable) pour diriger les innovations critiques. De plus, on fait avancer une expérimentation radicale par l’intermédiaire de certains partenariats (avec des développeurs de technologies clés) afin d’aborder l’innovation perturbatrice potentielle. Le Canada conclut des partenariats internationaux afin de mener des expériences avec des technologies transformatrices majeures pour le gouvernement (p. ex. la chaîne de blocs, l’intelligence artificielle).
Il s’opère un virage de la conformité vers un état où l’innovation collaborative est permise. L’expérimentation dans l’ensemble des secteurs gouvernementaux est permise et de nouveaux modèles opérationnels sont adoptés à l’échelle (p. ex. le nuage des talents, GCcollab).
Un mécanisme de rétroaction en temps réel sur la mise en œuvre de l’innovation dans le secteur public est mis au point, et un tableau de bord en temps réel de l’innovation dans le secteur public est mis en place, étant défini par des résultats finaux, et non des secteurs fonctionnels. Le tableau de bord englobe le nouveau portefeuille de l’innovation, qui est ouvert à l’apprentissage accéléré, à la collaboration et à l’échange de connaissances. La boucle de rétroaction sur la mise en œuvre de l’innovation est maintenant fonctionnelle.
Les risques du scénario 2
Le scénario 2 représente une transformation de tout le système et est donc le scénario le plus vaste comportant le plus haut degré d’incertitude. Il est difficile de prédire à quoi ressembleraient les structures après une transformation complète du système, étant donné que cela dépendra invariablement de la vision concrète qui est choisie. Cela met aussi en évidence la première difficulté de ce scénario de transformation : le secteur public peut s’imposer une voie de transformation qui s’avérera inefficace à long terme. Cela pourrait se produire parce que l’opposition est trop vaste, que les institutions sont trop inflexibles ou que la capacité n’est tout simplement pas suffisante dans le système pour exécuter le processus. Lorsque les signaux de la pratique émergente (et les lacunes qu’ils présentent) arriveraient, la stabilité de la pratique précédente pourrait être irréparablement endommagée. Ainsi, cette voie vers la transformation du secteur public nécessitera le plus de souplesse et de réflexivité, y compris des mécanismes de rétroaction continus et ponctuels et des arrangements institutionnels fonctionnels qui pourront mettre rapidement au jour les échecs.
Ce scénario créera aussi la plus grande opposition et réaction négative de la part du système existant. Sans une coalition de haut niveau, une harmonisation des intérêts et des champions au sein de la direction, ce scénario sera voué à l’échec dès le départ. De telles coalitions peuvent être crées, en pratique, s’il y a une prise de conscience (voir le scénario zéro) de la compréhension et de l’urgence, et si le besoin de changement a été assimilé par des personnes clés. Néanmoins, ces coalitions peuvent dépendre fortement de l’existence d’alliances clés et d’intérêts individuels, surtout aux stades précoces du processus. Dans l’environnement du secteur public marqué par les cycles politiques, ces personnes clés peuvent disparaître ou changer de poste à des moments cruciaux. Ainsi, le scénario devient dépendant du facteur temps – il est essentiel de trouver la bonne occasion de lancer le processus et d’intégrer les innovations au système, de sorte que celles‑ci ne dépendent pas des dirigeants en place.
La compréhension (l’appui) et le fonctionnement dans une nouvelle réalité sont deux choses différentes : une grande partie de l’effectif reconnaîtra la nécessité de changement, mais pourra se sentir aliéné par la nouvelle réalité, étant donné que les tâches de base (et la demande d’innovation) auront changé. Le roulement de personnel dans le secteur public augmentera substantiellement pendant une certaine période, tandis que des capacités de base seront perdues.
Même si l’approche de portefeuille vis‑à‑vis l’innovation dans le secteur public contribue à diminuer l’enfermement potentiel, elle est difficile à maintenir en pratique et à court terme. Elle coûtera en outre plus que toute autre option de rechange. L’exploration parallèle (expérimentation émergente et radicale) et l’exploitation des capacités dans le système nécessiteront des types très différents de modèles de financement, de reddition de comptes et de gouvernance des risques. La tendance traditionnelle sera que les préoccupations et les intérêts immédiats de la base d’utilisateurs actuelle l’emporteront sur les préoccupations des utilisateurs futurs potentiels. Ainsi, le maintien des portefeuilles d’innovation du secteur public dépendra fortement de la capacité de l’intendant visionnaire de séparer et de protéger les deux processus différents – du moins pendant que la nouvelle pratique est établie.
Encadré 7.8. Scénario de rechange
Mouvement contre l’intelligence artificielle (IA)
Le gouvernement du Canada met au point la première intelligence artificielle générale de bas niveau fonctionnelle dans le monde et l’adopte au gouvernement. Le processus décisionnel dans le secteur public s’accélère fortement, et les services hyper‑personnalisés deviennent une possibilité du jour au lendemain. Par la suite, beaucoup des tâches d’analyse existantes disparaissent, et la pression exercée pour repenser les services et offrir des services personnalisés devient la norme. La fonction publique ne peut s’adapter aussi vite, et une campagne anti‑IA émanant du secteur public est déclenchée et se propage rapidement dans d’autres secteurs où l’on craint la perte d’emplois imminente et les exigences techniques accrues. En raison de la pression publique croissante, le gouvernement doit fermer son application d’IA. Toutefois, d’autres fournisseurs émergent du secteur privé, où l’adoption se poursuivra. Les gens s’adaptent à la nouvelle réalité au fil du temps, et après cinq ans, le gouvernement tente de relancer son programme d’IA, mais celui‑ci a perdu une partie de sa capacité au fil du temps et les algorithmes soutenant l’ancienne technologie ont vieilli. Par conséquent, le gouvernement doit réaliser des investissements considérables pour rebâtir les capacités, ou encore externaliser celles‑ci.
Une expérimentation radicale avec des technologies émergentes dans tout le gouvernement nécessitera aussi une tolérance substantielle des échecs. Invariablement, certaines de ces initiatives échoueront – on s’y attend –, mais les capacités qu’on y développera dans le système auront des effets d’entraînement dans tout le secteur public et, possiblement, dans le secteur privé. Cependant, en l’absence de stratégies de communication pour faire participer le public à un exposé narratif cohérent à propos de la nécessité des échecs (la « gloire des échecs »), la participation du gouvernement aux activités exploratoires ne continuera pas longtemps.
Conséquences du scénario 2
La conséquence du troisième scénario est qu’il n’y a pas d’utopie de l’innovation. Plus la pression pour l’innovation est forte, plus sera forte la réaction probable contre elle par les structures, les pouvoirs et les processus existants. L’innovation a beau être nécessaire, elle doit être gérée dans une certaine mesure, et une transformation qui est trop grande trop rapidement deviendra probablement impossible à gérer, en plus de conduire à d’importants risques pour le gouvernement. Une approche de portefeuille vis‑à‑vis l’innovation est requise du point de vue du système, mais cette approche présente de vraies difficultés.
Encore une fois, on peut préciser, dans trois domaines différents, des stratégies qui favoriseraient la robustesse du système dans un tel scénario :
Stratégies de base
Regrouper des programmes différents reliés à l’innovation (p. ex. innovation, expérimentation, impact et numérisation) dans une vision dynamique commune orientée vers des buts.
Obtenir des appuis parmi le personnel pour la nouvelle vision dans l’ensemble du système.
Élaborer dans le système un modèle d’exploration et d’exploitation de l’innovation à deux voies qui traverse toutes les frontières administratives.
Formuler une perspective du portefeuille face à l’innovation dans le secteur public et veiller à l’intendance du centre.
Établir un tableau de bord en temps réel de l’innovation dans le secteur public d’après la nouvelle vision.
Stratégies de protection (opérations d’équilibre ou de compensation)
Reconnaître différents types d’incertitude et renforcer la capacité en conséquence.
Établir des partenariats entre secteurs (p. ex. des communes technologiques) avec des développeurs de technologies clés.
Stratégies d’urgence (résilience contre des événements futurs ou des circonstances futures que l’on ne peut prédire avec certitude)
Reconnaître différents types d’incertitude et recueillir des renseignements en conséquence.
Avenirs possibles
Il y a un certain nombre d’avenirs possibles pour le système d’innovation du secteur public, qui dépendent en partie des décisions et des mesures prises par des acteurs de l’ensemble de la fonction publique du Canada et au‑delà. Ce chapitre a tenté de souligner certaines des voies différentes – continuer tel quel, bâtir et élargir, ou entreprendre une transformation radicale – et de réfléchir à des éléments à prendre en considération qui pourraient accompagner chaque option.
Tel qu’il est noté dans tout le rapport, il n’y a pas qu’une seule bonne voie pour la fonction publique du Canada alors que celle‑ci suit son parcours d’innovation. Ce dont on a besoin dépendra d’où la fonction publique voudra aller. Ce chapitre cherche à contribuer à une réflexion sur cette destination, à susciter une réflexion sur la façon dont les événements pourraient se dérouler, et pourquoi, et à contribuer à entraîner une description plus explicite de ce que la fonction publique du Canada veut tirer de son parcours d’innovation.