Ce chapitre examine ce que l’on sait au sujet de l’innovation dans le secteur public et pourquoi il est nécessaire de modifier l’approche des gouvernements à l’égard de l’innovation. Il examine les caractéristiques de l’innovation et ses répercussions dans le contexte gouvernemental. Le chapitre évalue également les connaissances actuelles sur l’innovation et la façon dont elles pourraient éclairer l’élaboration d’un modèle pour les systèmes d’innovation du secteur public. Il conclut en analysant les formes de soutien qui garantissent le mieux une innovation cohérente et fiable dans le contexte d’un environnement en évolution.
Le Système d'innovation de la fonction publique du Canada
Chapitre 3. Que sait-on de l’innovation dans le secteur public?
Abstract
Les chapitres précédents ont démontré le besoin et le désir d’une plus grande innovation dans la fonction publique du Canada. Toutefois, le parcours historique montre également que cette connaissance n’est pas suffisante en soi. Vouloir et demander de l’innovation, ce n’est pas la même chose que de s’assurer que l’innovation se produit dans la mesure prévue ou requise. L’innovation et les pratiques qui la sous-tendent posent clairement un certain nombre de défis. Quelles approches, alors, jouent un rôle important dans la promotion de l’innovation et existe-t-il une théorie du changement pour une innovation réussie dans le secteur public?
Le présent chapitre porte sur l’état actuel de l’innovation et sur sa pratique dans la fonction publique du Canada. Bien que cet examen soit axé sur les efforts d’innovation du Canada, bon nombre des enjeux pertinents reflètent les tendances et les pressions plus générales ou se rapportent à la nature sous-jacente de l’innovation dans le secteur public en tant que processus. Ainsi, le présent chapitre prend un peu de recul par rapport au contexte canadien immédiat, afin de mieux comprendre les principaux enjeux qui peuvent ensuite être mis à contribution dans le contexte canadien.
Ainsi, le présent chapitre examine les questions suivantes :
Pourquoi l’innovation prend-elle de l’importance pour le gouvernement? Quels sont les facteurs sous-jacents et pourquoi ceux-ci exigent-ils une approche plus systématique?
Que sait-on de la nature et des caractéristiques de l’innovation dans le secteur public et quelles sont les répercussions de ces connaissances pour les gouvernements qui tentent d’accroître leur niveau d’innovation?
Comprendre le rôle croissant de l’innovation en tant que ressource essentielle du gouvernement
Le chapitre précédent décrivait l’histoire de l’innovation au Canada – une histoire de discussions et d’efforts pour encourager l’innovation – et décrivait le consensus sur certains des moteurs de l’innovation. Cependant, qu’est-ce qui motive vraiment l’accent accru sur l’innovation? Pourquoi est-ce important et pourquoi la pratique actuelle des gouvernements (au Canada et ailleurs) pourrait-elle être insuffisante?
Pourquoi l’innovation est-elle importante?
Essentiellement, la raison pour laquelle l’innovation est importante est que dans le contexte d’un environnement en évolution, on ne peut tenir pour acquis que ce qui a fonctionné une fois continuera de fonctionner (ou de fonctionner aussi bien), et par conséquent, de nouvelles réponses seront souvent nécessaires.
Cela s’explique par le fait qu’un contexte en évolution exige souvent une réponse différente, qui peut nécessiter un certain degré d’innovation. À mesure que de nouvelles connaissances sont développées et que de nouvelles technologies émergent, l’éventail des possibilités, de ce qui pourrait être fait, se transforme. Ces nouvelles possibilités modifient la perception et le calcul des avantages par rapport aux possibilités existantes et aux choix antérieurs.
L’innovation dans un secteur de la société ou dans une partie du monde peut modifier les attentes des gens à l’égard de ce qu’ils veulent ou de ce dont ils ont besoin. Par exemple, l’introduction de services en ligne modifie la perception des processus classiques (p. ex. « pourquoi ne puis-je pas faire cela en ligne? »). À mesure que de nouvelles approches sont mises à l’essai dans d’autres secteurs de l’économie, ceux qui travaillent avec le gouvernement ou au sein du gouvernement sont susceptibles de changer leur compréhension de la façon dont le gouvernement pourrait et devrait fonctionner.
De même, les innovations du passé risquent de ne plus fonctionner adéquatement une fois que les conditions auront changé. Ainsi, dans un environnement en évolution, l’innovation continue est souvent nécessaire pour réagir efficacement. L’innovation est donc nécessaire pour que les gouvernements demeurent pertinents, appropriés et efficaces.
Qu’est-ce qui est différent maintenant?
Comme l’innovation est un impératif à un gouvernement efficace, il ne faut pas s’étonner que les gouvernements aient toujours innové dans une certaine mesure. L’innovation au gouvernement n’est pas nouvelle en soi, que ce soit sur le plan des politiques, des services ou du fonctionnement du gouvernement. Tous les services gouvernementaux ont été une innovation à un moment ou un autre, qu’il s’agisse des services de police, des services de santé ou des systèmes de bien-être. Les gouvernements continuent d’innover aujourd’hui, par exemple en fournissant des systèmes biométriques ou en développant de nouvelles façons d’interagir avec les citoyens (OCDE, 2018).
Il ressort clairement de l’historique exploré dans le chapitre précédent que la fonction publique du Canada a également innové et continuera probablement de le faire. Pourquoi est-il nécessaire de porter une plus grande attention à cette question?
L’une des réponses, c’est que même si l’innovation a toujours existé, le processus a rarement été uniforme. L’innovation, en général, s’est produite de façon sporadique. Les gouvernements ont généralement hésité à changer trop ou trop rapidement. Souvent, l’innovation est une réponse à des pressions aiguës, comme des crises ou des facteurs externes; dans d’autres cas, elle se fait de façon plus graduelle et progressive. Ce n’est pas une caractéristique constante.
La nature occasionnelle de l’innovation dans le secteur public a toujours été un atout – une caractéristique plutôt qu’un écueil. La stabilité, la prévisibilité, la fiabilité, la responsabilisation et la diligence raisonnable sont perçues comme des valeurs fondamentales pour les modèles bureaucratiques de gouvernement (OCDE, 2017a, p. 33). Les gens ne se tournent pas vers le gouvernement pour être surpris, et les politiciens ne s’attendent pas à ce que la fonction publique les surprenne. Ils veulent avoir l’assurance que la fonction publique est prudente et qu’elle tient compte des services, des activités et des cadres de base du gouvernement et que ceux-ci demeureront relativement uniformes.
En cas de crise, des exceptions sont faites (ou exigées) pour permettre une action rapide ou une nouvelle approche. Lorsqu’un mandat politique de changement est accordé, on s’attend à ce que l’appareil gouvernemental s’ajuste rapidement et livre la marchandise. Cependant, on s’attend souvent à ce que ces occasions d’innovation soient brèves et prennent fin afin d’assurer un retour à la normalité de la stabilité et de la routine.
Bien que cette approche ait fonctionné d’une façon générale par le passé, la question pour les gouvernements est de savoir si ce modèle de fonctionnement est toujours suffisant. Est‑il adapté à un monde qui connaît des changements importants (peut-être exponentiels) – des changements qui peuvent être rapides, draconiens et radicaux? Plus précisément, le paradigme actuel est-il suffisant pour produire les résultats que les citoyens désirent? Une tendance à la baisse de la confiance envers les gouvernements nationaux dans le monde semble indiquer que ce n’est pas le cas (OCDE, 2017b, p. 215).
Un contexte en évolution pour les gouvernements : de la stabilité à la fluctuation
Comme il a été mentionné précédemment, le secteur public doit composer avec un état caractérisé par l’instabilité, l’incertitude, la complexité et l’ambiguïté (IICA). Le secteur public évolue dans un monde fortement interconnecté, ce qui signifie que les événements dans un secteur peuvent rapidement avoir une incidence sur d’autres secteurs, souvent de façon imprévisible. Les médias sociaux ont grandement accéléré la diffusion de l’information et la vitesse à laquelle une question peut devenir le point de mire de l’attention – et donc une préoccupation politique éventuelle – même si ce n’est que momentanément. La consommation/démocratisation de la technologie (comme en témoignent l’omniprésence des téléphones intelligents et la création de plateformes numériques mondiales axées sur la participation) signifie que les individus ont désormais accès à des capacités qui n’étaient autrefois accessibles qu’aux grandes organisations, accélérant ainsi le rythme de changements possibles. Cet état d’IICA en est un de flux efficace, où le changement peut se produire rapidement et où la portée et le degré de changement d’orientation éventuel peuvent être importants.
Il est probable que le rythme du changement s’accélérera encore, ce qui aura des répercussions encore plus importantes. Les nouvelles technologies offrent le potentiel de vagues de changement nouvelles et plus rapides. Par exemple, l’apprentissage automatique introduit le potentiel de la « pensée » non humaine, et les systèmes axés sur les algorithmes créent des situations qui n’exigent pas (ou ne sont pas limitées par) l’intervention humaine ou la prise de décision. Les technologies distribuées telles que les chaînes de blocs offrent la possibilité d’accélérer et d’amplifier la marginalisation et l’élimination des intermédiaires facilitées par Internet. Les systèmes et plateformes interconnectés à l’échelle mondiale permettent de mettre en œuvre des changements presque instantanément dans le monde entier. Tous ces exemples offrent la possibilité d’un changement encore plus rapide, avec moins de médiateurs ou d’arbitres pour interrompre le processus, alors que les coûts de transaction liés à l’introduction du changement diminuent. L’écart entre une idée et sa réalisation à l’échelle mondiale n’a peut-être jamais été aussi faible.
Tous ces changements pourraient avoir une incidence sur l’éventail de ce que le gouvernement peut offrir et sur les attentes des citoyens à l’égard du gouvernement. Face à de tels changements, les gouvernements devront stimuler l’innovation afin d’atteindre les objectifs de la société et de produire des résultats (p. ex., s’attaquer aux maladies ou lutter contre les changements climatiques). Cependant, il arrive que les gouvernements doivent repousser le changement afin de protéger les valeurs fondamentales de la société qui sont à risque d’être perturbées par la technologie (p. ex., gérer ou atténuer l’ajustement structurel de l’économie). Un plus grand changement entraînera plus d’innovation, ce qui obligera les gouvernements à devenir de plus en plus agiles et à fonctionner de façon nouvelle et parfois très différente.
La situation du flux qui découle du passage de taux de changement relativement faibles à relativement élevés dans le contexte opérationnel des gouvernements peut avoir un certain nombre de ramifications. Cela implique que chaque gouvernement doit tenir compte de sa relation avec l’innovation sur plusieurs fronts, y compris réfléchir à sa nature fondamentale :
En tant qu’entité – comment le gouvernement peut-il demeurer fonctionnel sur le plan de son fonctionnement?
En tant que décideur – comment le gouvernement peut-il demeurer efficace dans l’exercice de ses responsabilités fondamentales?
En tant que décideur – comment le gouvernement peut-il demeurer capable et reconnu comme une autorité ?
En tant qu’organisme démocratique, comment le gouvernement peut-il rendre des comptes aux citoyens?
En termes de risque et d’incertitude – comment le gouvernement peut-il faire les bons investissements ou se prémunir contre différentes possibilités ?
Sur le plan pratique – comment le gouvernement peut-il faire de l’innovation une compétence de base?
Le fonctionnement du gouvernement dans un environnement de changement élevé
Dans un environnement où le changement se produit lentement ou où l’innovation est minime, il est probable qu’un ministère efficace et performant connaîtra :
sa mission et les priorités connexes;
les principaux intervenants et leurs points de vue généraux sur les questions pertinentes;
les capacités nécessaires et les processus et stratégies efficaces pour remplir sa mission;
les enjeux qui se profilent à l’horizon;
les enjeux et les échéanciers clés qui auront une incidence sur la planification et les investissements à long terme.
Toutefois, dans un environnement de changement intensif et d’innovation éventuellement transformatrice, il est moins probable que cela soit vrai. Voici quelques exemples :
Il faudra peut-être reformuler ou réajuster la mission. Par exemple, si l’incidence des incendies dans une ville diminue à mesure que les nouvelles technologies et les nouveaux matériaux réduisent les risques connexes, la mission des pompiers devra changer (Donaldson, 2018).
Les intervenants concernés peuvent changer. Par exemple, les technologies décentralisées d’énergie renouvelable telles que l’énergie solaire et le stockage dans des batteries peuvent accroître la gamme des parties prenantes, d’un nombre relativement faible de sociétés énergétiques à des millions de ménages éventuels.
Les connaissances sur ce qui fonctionne et les capacités connexes nécessaires pour exécuter ces stratégies peuvent devenir incertaines. Par exemple, une intervention policière en matière de cybercriminalité exigera des capacités très différentes de celles déployées dans le cas de formes plus traditionnelles d’activité criminelle.
De nouveaux problèmes peuvent survenir rapidement et dans des domaines inattendus. Par exemple, l’arrivée du covoiturage était inattendue pour de nombreux groupes de transport et décideurs politiques.
La planification à long terme peut devenir problématique à mesure que la certitude diminue. Par exemple, les changements climatiques peuvent compliquer considérablement la planification des infrastructures.
Le tableau 1 examine de plus près les différences éventuelles entre les environnements présentant des taux de changement et d’innovation plus faibles et plus élevés. Bien que ces différences ne nécessitent pas toujours une innovation accrue dans le secteur public, les organisations du secteur public devront adopter, adapter et mobiliser de nouvelles technologies, de nouvelles façons de penser, de nouvelles façons de travailler et établir de nouvelles relations au fil du temps si elles veulent demeurer fonctionnelles. Il est probable que l’innovation fera partie de ce processus.
… l’environnement auquel la plupart des individus et des organisations sont confrontés aujourd’hui n’est pas ce qu’il était au tournant du siècle; il est même radicalement différent de ce qu’il était, disons, il y a 25, 50 ou 100 ans – les conditions du marché étaient constantes; les hypothèses demeureraient valides pendant des années; les décisions n’avaient pas à être réexaminées avant un certain temps. [traduction] (Serrat, 2012, p. 4)
Tableau 3.1. Différences entre les taux de changement faibles et élevés pour les organismes du secteur public
Facteur |
Environnement ou contexte avec un taux de changement et d’innovation plus faible |
Environnement ou contexte avec un taux de changement et d’innovation plus élevé |
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Intervenants/acteurs |
Les intervenants et les acteurs pertinents sont susceptibles d’être connus ou compris. Les capacités, les motivations et les intentions des acteurs sont susceptibles d’être relativement bien comprises. |
De nouveaux acteurs sont susceptibles d’émerger, probablement avec des compétences, des habiletés et des motivations différentes. Les intérêts des acteurs existants sont susceptibles de changer (possiblement pour maintenir la position ou exploiter les possibilités), ou le discours dominant s’éloignera probablement des positions précédemment comprises et attendues. Les relations entre et avec les intervenants sont plus susceptibles de fluctuer et de fonctionner avec une certaine fluctuation à mesure que le contexte évolue et que les intérêts changent. |
Connaissances |
Les connaissances pertinentes (ou les lacunes dans ces connaissances) sont susceptibles d’être connues et appréciées. |
De nouvelles connaissances sont susceptibles d’apparaître de sources inattendues ou inconnues Les connaissances existantes peuvent être contestées, discréditées ou attaquées. Les nouvelles connaissances peuvent être rejetées ou dévaluées. |
Expertise et compétence organisationnelles |
Les organisations sont susceptibles d’avoir une expertise, des capacités et des compétences établies et comprises dans des domaines pertinents par rapport à leurs fonctions. Les besoins en compétences et en capacité de l’organisation sont généralement bien compris et se reflètent dans le recrutement, les pratiques de gestion, la formation et le perfectionnement. |
Les capacités et l’expertise existantes peuvent rapidement devenir insuffisantes pour les enjeux ou les défis à relever. Une nouvelle expertise et de nouvelles capacités sont susceptibles d’être nécessaires et développées, parfois en conflit avec les attentes, les intérêts, les traditions et les valeurs existants de l’organisation. Les besoins en compétences peuvent être difficiles à définir et les pratiques actuelles de formation ou de perfectionnement peuvent être davantage axées sur les domaines de compétences antérieurs qui sont plus faciles à cerner et à combler. |
Enjeux émergents |
Les secteurs susceptibles de poser problème, bien qu’ils ne soient pas prévisibles, sont la plupart du temps attendus. De nombreux problèmes font leur apparition lentement avec le temps (ou en cas de crise) et peuvent être résolus par une combinaison de stratégies existantes et la mise à contribution de plus de ressources. |
Les signaux faibles peuvent se transformer en tendances corrélatives rapidement et inopinément Les problèmes proviennent de domaines inattendus et auparavant sans lien entre eux. Les enjeux peuvent souvent être abordés plus efficacement lorsqu’ils sont encore émergents; cependant, les questions à ce stade ne sont peut-être pas encore considérées comme un enjeu politique ou comme étant graves/dignes d’y consacrer une attention et des ressources limitées. |
Planification |
Les plans et les hypothèses sous-jacents sont généralement conformes à la réalité. L’affectation des ressources peut être (approximativement) prévue et planifiée. |
Les hypothèses qui sous-tendent les plans à long terme sont souvent fausses. Il faut plus de souplesse et d’ajustement en retour. |
Compréhension de ce qui fonctionne |
Il existe un consensus sur les stratégies, les outils, les approches et les interventions susceptibles d’être efficaces dans des circonstances particulières. |
Les stratégies existantes peuvent devenir moins efficaces à mesure que l’environnement évolue. D’autres approches (nouvelles ou déjà essayées ou rejetées) peuvent promettre une plus grande efficacité. Une plus grande expérimentation des nouvelles approches pourrait avoir lieu afin de déterminer des stratégies plus efficaces/appropriées à un nouveau contexte. |
Infrastructure/investissement |
La compréhension des besoins en matière de capacité, des priorités et des interventions privilégiées peut être utilisée pour cerner les besoins en matière d’infrastructure et d’investissement et y répondre. |
Les placements à long terme peuvent devenir difficiles à mesure que diminue la certitude quant à l’avenir. Une approche de portefeuille qui investit dans des paris multiples peut être plus appropriée ou l’on peut opter pour de nombreux petits investissements dans différentes options jusqu’à ce que les options les plus prometteuses soient repérées. |
Décisions et priorités organisationnelles |
Les processus décisionnels et les priorités organisationnelles sont compris et relativement stables. Les décideurs partagent la même information et connaissent les principaux enjeux. Les opérations de base ne sont pas surprenantes et les responsabilités connexes peuvent être déléguées. |
Les priorités organisationnelles peuvent être sujettes à des changements rapides. Les décideurs peuvent ne pas partager ou connaître tous les renseignements ou enjeux pertinents. Les nouvelles fonctions, les nouveaux enjeux ou les nouveaux défis peuvent exiger beaucoup d’attention dans la prise de décisions, tandis que les fonctions de base peuvent devoir s’ajuster ou changer. |
Responsabilité |
La responsabilité pour des questions et des fonctions particulières est circonscrite. |
La responsabilité peut souvent s’estomper entre les rapports hiérarchiques, les organisations et les secteurs. |
Leadership |
Les organisations peuvent souvent avoir un leadership constant pendant de longues périodes. Lorsqu’un changement de leadership se produit, les nouveaux dirigeants sont souvent choisis au sein de l’organisation ou d’une organisation ayant une mission ou une fonction semblable. |
Des qualités nouvelles ou différentes peuvent être attendues des leaders. Il se peut que les cheminements de carrière traditionnels ne permettent pas de prédire d’où proviendront les futurs dirigeants. |
Efficacité du gouvernement dans un environnement de grands changements
Les gouvernements doivent également prêter attention à la façon dont les innovations affectent les activités des autres, ainsi que les leurs. Par exemple, la technologie peut rendre redondantes les anciennes méthodes de production et excédentaires les personnes qui les maîtrise. Avec le temps, l’innovation transforme l’économie, change la société et affecte les citoyens de multiples façons, dont certaines sont positives, d’autres moins.
L’innovation influe donc sur le contexte de l’élaboration des politiques. Elle touche en particulier les règles et règlements pertinents et les conditions générales nécessaires pour la société et l’économie. Au fur et à mesure que l’économie évoluera, les politiques appropriées changeront également.
Dans une économie en évolution, une structure statique (ou à échelle) de politiques et de services deviendra de plus en plus dysfonctionnelle ou inappropriée. Elle sera adaptée à une réalité économique qui, par incrément, n’existe plus. L’évolution économique rend ainsi les cadres politiques existants de plus en plus dysfonctionnels […] une économie en évolution exige l’innovation des politiques et pas seulement l’augmentation de l’efficience ou l’intensification des politiques existantes. [traduction] (Potts 2009, p. 37)
Comme Potts (2009, p. 42) le soutient dans sa version de l’hypothèse de la « Reine rouge »1, les politiques publiques doivent continuellement innover pour ne pas prendre de retard – autrement dit, les cadres stratégiques doivent continuellement évoluer pour avoir le même effet. Par exemple, le covoiturage a obligé à modifier la réglementation de l’industrie du taxi; la montée des drones remet en question les lois actuelles sur l’espace aérien; et les véhicules autonomes soulèvent des questions sur la responsabilité, la sécurité routière et les paramètres de planification. L’évolution de l’économie, provoquée par l’accélération des changements technologiques, oblige le secteur public à « fonctionner » pour rester au même endroit. Cela suggère que l’innovation est une condition préalable pour que les gouvernements souhaitent demeurer efficaces.
Prise de décisions dans un environnement de changement considérable
Les gouvernements ne sont pas des acteurs neutres dans une société ou une économie. En plus d’être des décideurs politiques, ils sont des décideurs, des organismes de normalisation, des investisseurs, des arbitres et des médiateurs, des partenaires et des fournisseurs de services, des gestionnaires de crise et des gestionnaires des risques, entre autres. De plus, on s’attend à ce que les gouvernements en sachent assez pour être de bons décideurs pour chacun de ces rôles.
Dans un environnement où le taux de changement est faible, il est plus facile de comprendre et d’apprécier la nature du changement qui se produit, d’en évaluer les répercussions et de réagir en conséquence. Dans un environnement où le taux de changement est élevé, il est beaucoup plus difficile d’apprécier les subtilités, les enjeux et les répercussions et interactions possibles. Par exemple, les développements de l’intelligence artificielle, de la réalité augmentée, de la biotechnologie et de la fabrication additive promettent tous des changements à grande échelle, bien que la façon dont ces changements se produiront demeure très incertaine. De plus, même si chacun de ces changements aura une incidence individuelle importante, ils interagiront et se croiseront, produisant d’autres effets agrégés.
Si les gouvernements doivent prendre des décisions appropriées – en tant qu’organismes de réglementation, en tant que catalyseurs du développement de l’industrie et en tant qu’investisseurs et fournisseurs, en tant que médiateurs entre les gagnants et les perdants, et en tant que surveillants de l’ajustement structurel – ils doivent avoir une compréhension pratique des changements qui se produisent, ou pouvoir se fier à leur perception. Bien que les gouvernements puissent avoir le pouvoir d’agir, la légitimité et l’efficacité de toute action dépendront de la perception que ces décisions et ces actions sont appuyées par la compétence.
Toutefois, la nature de bon nombre de ces changements signifie que les gouvernements ne peuvent tout simplement pas se familiariser avec ces changements lorsqu’ils le devraient. Toute technologie qui évolue rapidement comporte une foulée de questions, de nuances et de points d’intervention possibles. Les spectateurs ne seront pas en mesure d’apprécier ou de saisir pleinement ces aspects, car l’apprentissage (sous forme de connaissances tacites) découle uniquement de leur participation et s’ils mettent la main à la pâte. Bon nombre des décisions pertinentes seront fondées sur la connaissance des intervenants et des enjeux, la compréhension du contexte et la connaissance des scénarios possibles.
Si les gouvernements doivent prendre des décisions sur ces éléments, sur les nouvelles technologies, les nouveaux modèles d’affaires, les nouvelles façons de travailler et d’interagir, ils ne peuvent donc pas être des spectateurs. Ils doivent participer, d’une façon ou d’une autre, à la pratique de l’innovation. De nombreux gouvernements ne veulent peut-être pas être à la « pointe » en raison des coûts et des risques (réels et perçus) en cause, mais ils ne peuvent pas être, de façon réaliste, des adopteurs tardifs ou réticents s’ils veulent être des décideurs efficaces dans leurs diverses fonctions.
Cela suggère également que la sophistication de la pratique de l’innovation dans le secteur public est un prérequis pour les gouvernements.
Attentes du gouvernement dans un environnement de changement important
Dans un environnement qui évolue lentement, les attentes demeureront probablement relativement stables. Cependant, un taux élevé de changement offre l’occasion de revoir les pratiques et les hypothèses de longue date. Les nouvelles technologies, les nouveaux modèles d’exploitation et les nouvelles pratiques permettent de nouveaux types de compréhension, de nouvelles façons de travailler, de nouvelles façons de communiquer et d’interagir, et de nouvelles formes de collaboration.
Par exemple, dans un monde où l’on peut accéder presque instantanément à de l’information sur presque n’importe quel sujet au moyen d’un téléphone intelligent, l’obligation d’accéder à l’information en personne devient un fardeau, alors qu’auparavant, cela était peut-être normal. La capacité d’une multinationale d’offrir des services très personnalisés en s’appuyant sur les renseignements personnels d’une personne peut faire en sorte que les utilisateurs soient moins patients avec un système fiscal qui exige une saisie laborieuse de données et qui s’attend à ce qu’ils répondent à des questions auxquelles ils ont déjà répondu. La connaissance de ce qui est possible changera les attentes à l’égard du gouvernement. Les besoins et les désirs des citoyens s’adapteront rapidement dans un monde où ce qui est possible change aussi rapidement.
Le changement peut donc susciter des questions de la part de ceux qui travaillent au gouvernement, ainsi que des citoyens et des observateurs, sur la façon dont les choses se font. Cela nous donne l’occasion de nous demander : « Pourquoi cela ne se fait-il pas différemment, maintenant que nous savons qu’il y a peut-être d’autres solutions de rechange? »
Une fois la question posée, il y a sans doute une responsabilité démocratique d’essayer de faire mieux, d’innover afin d’obtenir les meilleurs résultats pour les citoyens – des résultats qui sont à la fois possibles et réalisables.
Cela aussi suggère que l’innovation dans le secteur public n’est pas simplement une « bonne chose à avoir », mais plutôt un prérequis pour tout gouvernement.
Le gouvernement et le risque de disparité dans les taux de changement
Chacun de ces facteurs – à savoir si le gouvernement est suffisamment fonctionnel, efficace, informé et réceptif – fait ressortir les risques qui pourraient découler du manque d’innovation au gouvernement. Chaque fois qu’il y a un décalage entre le rythme et l’orientation du changement à l’extérieur du gouvernement (p. ex., dans les domaines de la science, de l’industrie, de la société ou d’autres gouvernements) et le rythme et l’orientation du changement au sein du gouvernement, les risques suivants peuvent survenir :
Le gouvernement investit davantage pour obtenir moins – par exemple, l’efficacité des pratiques antérieures diminuera à mesure que les anciens systèmes ne suivent pas le rythme des systèmes plus novateurs (moins coûteux ou meilleurs) utilisés ailleurs. Un exemple de ce risque est l’exploitation d’un service postal à l’ère numérique, où il peut devenir plus coûteux tout en offrant moins (du moins par rapport aux mesures de rendement établies).
Attentes non satisfaites ou mal alignées – si le gouvernement agit d’une manière qui s’écarte de plus en plus de ce que les citoyens peuvent expérimenter ou réaliser ailleurs, et qu’il n’est pas perçu comme capable de répondre à ce qui est supposé être des attentes raisonnables, la confiance envers l’institution diminuera. Par exemple, si les gens commencent à se demander pourquoi le gouvernement ne peut pas offrir les portails en ligne faciles pour les transactions et les services offerts par de nombreuses entreprises, ils pourraient perdre confiance dans sa capacité de demeurer pertinents dans leur vie quotidienne.
Capacité d’absorption insuffisante/réceptivité à l’investissement – la capacité du gouvernement de « acheter » ou d’externaliser des solutions sera limitée s’il perd son degré de sophistication en tant que client, en ne comprenant pas suffisamment les possibilités offertes. Par exemple, le potentiel de l’intelligence artificielle ne peut être compris du jour au lendemain à moins que le gouvernement ait déjà de l’expérience sur le terrain, établi des réseaux et des activités pertinents pour se tenir informé des nouvelles pratiques.
La réactivité plutôt que l’adaptation – réagir aux problèmes une fois qu’ils sont pleinement développés, plutôt que de les aborder lorsqu’ils sont encore naissants, exige habituellement plus de ressources et est plus complexe. Par exemple, il sera probablement plus difficile de réagir à un virage vers les véhicules autonomes après leur arrivée que d’aider à faire évoluer les cadres politiques à mesure que la technologie se développe et que les leçons sont apprises sur les répercussions.
Encore une fois, tous ces risques donnent à penser que l’innovation dans le secteur public est importante pour le fonctionnement, l’efficacité, la pertinence et la valeur du gouvernement.
L’innovation comme compétence de base
L’innovation est souvent qualifiée comme un moyen d’arriver à une fin, de quelque chose à accomplir pour arriver à autre chose. Elle est perçue comme une option possible plutôt que comme une compétence de base.
Dans un environnement à faible changement, cette vision est intuitivement logique. Les problèmes exigent une réponse et l’innovation peut être l’une des nombreuses options parmi lesquelles choisir. La poursuite de l’innovation avec son potentiel de perturbation, la déstabilisation des relations existantes, la dévaluation des investissements antérieurs et l’imprévisibilité ne seront souvent pas l’option privilégiée. Pourquoi le risque change-t-il plus qu’il n’est nécessaire et pose-t-il de nouveaux problèmes? Si quelque chose tourne mal, le coût (et le blâme) sera probablement supérieur à l’avantage promis. Un environnement à faible changement peut tendre vers une préférence pour des ajustements et une optimisation progressifs et graduels, plutôt que des changements abrupts ou significativement nouveaux.
Toutefois, dans un contexte de changements rapides, l’innovation peut prendre plus d’importance. Prenez, par exemple, les finances, les ressources humaines, l’approvisionnement, la stratégie et d’autres éléments qui sont devenus des fonctions centrales de toute organisation gouvernementale efficace. Aucune de ces fonctions n’a de valeur en soi; ce sont toutes des fonctions instrumentales. Il est toutefois improbable que des résultats ou des répercussions efficaces, durables et significatifs soient obtenus sans eux. Dans un environnement de changement rapide, où la prévisibilité est réduite et où les activités existantes risquent de devenir (graduellement ou abruptement) moins adaptées à l’environnement opérationnel, l’innovation peut également devoir être considérée comme une fonction fondamentale d’importance égale.
Dans un environnement en évolution rapide, le besoin d’innovation (p. ex., pour répondre aux changements technologiques, aux nouvelles attentes en matière de service ou à un enjeu politique) peut frapper n’importe où dans un système, et à plusieurs endroits en même temps. Ainsi, ce n’importe où (et ce partout) pourrait devoir se mobiliser pour l’innovation.
Dans un tel environnement, la capacité de prédire ce qui fonctionnera et ce qui sera efficace (en s’appuyant sur les connaissances établies) diminue également avec le temps. Il est donc nécessaire d’élargir la gamme d’options possibles qui pourraient être appliquées. En cas d’incertitude croissante, une organisation doit élargir ses paris à de multiples possibilités si elle désire obtenir un résultat.
En bref, dans un environnement en évolution rapide, la perception de l’innovation peut passer de quelque chose qui est considéré comme utile dans certaines circonstances à une fonction de base qui devrait toujours être prise en considération, même si elle n’est pas utilisée ou choisie comme option à poursuivre.
Dans ce dernier cas, l’innovation fait partie du travail de chacun, même si on ne s’attend pas à ce que chacun soit un expert en innovation – une situation semblable à la perception actuelle des ressources humaines, de l’approvisionnement, de la gestion financière et ainsi de suite. Chacun doit être apte et prêt à innover, même si l’heure et le lieu ne peuvent être prédits. Comme c’est le cas pour d’autres fonctions ministérielles, l’innovation devra également être orientée et soutenue afin d’assurer un impact maximal. Ceux qui innovent devront avoir accès à une expertise pour les aider à tirer le meilleur parti du processus.
Le besoin d’une approche systémique de l’innovation dans le secteur public
On peut donc dire que les facteurs suivants affectent le contexte opérationnel du gouvernement :
Changer les fonctions – dans un environnement de changement, les gouvernements doivent aussi changer leur façon de fonctionner.
Courir pour rester en place – dans une économie en évolution, les gouvernements doivent changer le cadre stratégique simplement pour maintenir les mêmes résultats.
Pas de place pour les spectateurs – pour demeurer efficaces, les gouvernements doivent avoir une connaissance expérientielle de l’innovation; ils ne peuvent pas attendre qu’on leur donne des réponses.
On s’attend à plus – de nombreux politiciens, citoyens et fonctionnaires veulent que les choses changent et s’y attendent.
Risque de décalage – un gouvernement qui n’innove pas risque d’être toujours en retard et de toujours réagir, et de toujours décevoir.
L’innovation comme compétence de base – le besoin d’innovation peut frapper n’importe où. Il faut donc que chacun soit prêt à jouer un rôle.
Pris ensemble, ces facteurs suggèrent que l’innovation doit passer d’une activité sporadique à une activité qui doit se faire de façon constante et fiable. L’innovation ne doit pas être vue comme un événement fortuit, mais comme une ressource fiable qui peut être exploitée.
Un simple test concret de cette proposition consiste à déterminer combien de secteurs du gouvernement peuvent être décrits comme étant véritablement contemporains, vraiment appropriés à leur contexte et, par conséquent, produire un niveau de résultats qui répond ou dépasse les attentes. Combien de secteurs du gouvernement peuvent être considérés comme étant vraiment conscients de tous les enjeux, utilisant efficacement la technologie et les processus disponibles, et non seulement réagir à l’environnement, mais aider à le façonner? Si cela ne décrit pas l’ensemble des activités d’un gouvernement, cela donne à penser que l’innovation se fait à un rythme plus lent que ce qui est nécessaire.
Une explication partielle de cet état de fait est que, même si l’innovation est (et a été) au sein des gouvernements, elle est généralement un sous-produit des processus et des modes de fonctionnement existants, plutôt qu’un objectif en soi. L’innovation au sein du secteur public a rarement été un point de mire délibéré du gouvernement, sauf dans des domaines très précis et, par conséquent, elle est généralement ponctuelle.
Si l’innovation est déjà possible et se fait déjà, mais pas au niveau nécessaire ou attendu dans un contexte de changement élevé, il est probable que quelque chose d’autre soit nécessaire. Si l’innovation se produit parfois, mais pas assez souvent, cela donne à penser qu’il y a des facteurs systémiques en jeu. Dans de tels cas, il y a quelque chose qui limite le niveau d’innovation au gouvernement, malgré le besoin d’innovation. Qu’est-ce que c’est?
Pour répondre à cette question, il est nécessaire de se concentrer explicitement sur le système de l’innovation – les acteurs, les actions, les ambitions et les interactions qui façonnent et affectent les performances de l’innovation. Il n’est pas suffisant de se fier à l’innovation en tant que sous-produit, tout comme de compter sur des crises ou d’autres catalyseurs externes pour stimuler l’innovation. Si le gouvernement a besoin de l’innovation pour être une ressource fiable et pour que l’innovation soit une activité cohérente, systématique et fiable, il doit comprendre le système qui produit l’innovation. Il doit comprendre les moteurs, les acteurs et les facteurs qui déterminent quand et comment l’innovation se produit.
En bref, si un gouvernement veut influencer la façon et le moment où l’innovation réussit au gouvernement, il devra comprendre son système d’innovation du secteur public.
Comprendre l’innovation dans le secteur public
Pour comprendre l’innovation dans le secteur public au niveau systémique, il faut d’abord comprendre la nature de l’innovation dans le secteur public. Qu’est-ce que l’innovation dans le secteur public? En quoi, le cas échéant, est-ce différent de l’innovation dans le secteur privé? Quelles sont les caractéristiques de l’innovation dans le secteur public qui pourraient l’affecter au niveau systémique? La discussion qui suit vise à décrire les caractéristiques pertinentes de l’innovation.
Définition de l’innovation dans le secteur public
Comme il est indiqué au chapitre 1, l’innovation fait référence aux idées qui sont appliquées dans de nouveaux contextes ou de nouvelles façons afin d’avoir un impact. Cette question du « nouveau » signifie que l’innovation est intrinsèquement un concept ambigu, parce que ce qui est nouveau changera entre les contextes et l’adoption de quelque chose qui est autrement « ancien » dans un contexte différent peut tout de même le rendre nouveau. Ce qui était autrefois innovant peut bientôt devenir routinier ou même ancien, et ce qui est innovant dans une organisation peut ne pas l’être dans une autre. Malgré cette ambiguïté intrinsèque, l’OCDE (2017a : 23) suggère trois caractéristiques de l’innovation dans le secteur public :
Nouveauté : les innovations introduisent de nouvelles approches dans un contexte défini.
Mise en œuvre : les innovations doivent être mises en œuvre, pas simplement rester à l’état d’une idée.
Incidence : les innovations visent de meilleurs résultats pour le public, notamment l’efficience, l’efficacité et la satisfaction des utilisateurs ou des employés.
Cette définition distingue l’innovation de la créativité (trouver de nouvelles idées) et de l’invention (créer de nouvelles choses qui pourraient ne pas être utilisées).
Cependant, comme l’innovation ne peut être comprise que dans son contexte, la définition précise variera d’un contexte à l’autre. Bien que ces caractéristiques de haut niveau soient probablement pertinentes pour l’innovation, peu importe où elle se produit, la compréhension exacte de ce qui est innovateur devrait être adaptée à la situation dans laquelle elle se produit. Ce qui est novateur pour une personne, une équipe, une organisation, un système ou un pays peut ne pas l’être pour un autre.
Encadré 3.1. « Ce dont nous parlons lorsque nous parlons d’innovation »
L’Unité de l’impact et de l’innovation a utilisé la définition suivante de l’innovation dans son rapport annuel de 2016-2017 :
« Trop souvent, lorsque certains emploient le terme innovation, ils veulent simplement dire qu’ils font quelque chose de nouveau, d’intéressant ou d’inédit. Utilisez dans ce sens, il peut perdre sa signification.
Le Centre donne un sens particulier à l’innovation, qui le guide dans son travail. Dans notre contexte, l’innovation implique d’utiliser de nouvelles connaissances, ressources, technologies ou approches dont en peut démontrer qu’elles améliorent les résultats pour le public, par opposition aux modes de fonctionnement traditionnels pour démontrer l’efficacité de l’innovation, il faut, dans la mesure du possible, procéder à une évaluation rigoureuse et utiliser des méthodes expérimentales structurées qui fournissent des données probantes sur son incidence.
Au cours de la prochaine année, le Centre collaborera avec des ministères et des partenaires externes pour promouvoir une vision et une approche communes de l’innovation et de l’expérimentation dans la fonction publique » (Bureau du Conseil privé, 2017).
L’importance de cela pour tout examen d’un système est que tout système d’innovation sera également contextuel. Si ce qui est innovateur dépend du contexte, alors ce qui est inclus dans un système d’innovation dépendra aussi du contexte. Ce qu’un système d’innovation du secteur public comprend, ou comment il se présente, variera d’un pays à l’autre.
Définir ce que n’est pas l’innovation dans le secteur public
Un élément fondamental de l’innovation est la notion de « changement discontinu » ou de changement qui ne correspond pas à ce qui s’est passé auparavant (Osborne et Brown, 2013 : 3). Cela signifie intrinsèquement que l’innovation n’est pas la même chose que l’amélioration continue ou le changement progressif.
Il s’agit d’une tâche tout à fait différente, par exemple, d’aider le personnel à perfectionner ses compétences actuelles plutôt que de lui dire que ces compétences sont devenues redondantes et qu’il doit suivre une nouvelle formation pour conserver son poste (si cela n’a pas été aussi fait de façon redondante, bien sûr). La nature distincte et les défis de l’innovation, par opposition au développement ou au changement des services (comme la gestion du risque, de l’incertitude et de l’échec), se perdent dans ce genre de sophisme. [traduction] (Osborne and Brown, 2013: 3)
Bien entendu, l’amélioration continue est souvent une activité importante. Il s’agit d’une approche clé pour réaliser des gains d’efficience et d’un moyen important de transformer des concepts novateurs en pratiques établies et efficaces. Mais ce n’est pas la même chose que l’innovation. Ainsi, si l’innovation n’est pas un changement progressif, elle sera souvent en concurrence avec le changement progressif.
L’innovation n’est pas non plus intrinsèquement bonne. L’innovation peut être nécessaire, mais cela ne signifie pas qu’une innovation particulière sera valable ou bénéfique (Osborne et Brown, 2013). L’innovation peut donc parfois être en conflit avec les valeurs et les priorités actuelles, et elle peut profiter à des intérêts particuliers qui ne sont pas harmonisés avec le bien collectif (ou même individuel).
Ces aspects de l’innovation (ou ce que l’innovation n’est pas) sont importants lorsqu’on envisage l’ensemble du système, parce qu’ils impliquent que le système doit en fait intégrer et permettre des tensions et des divergences éventuelles pour que l’innovation émerge. Cependant, ils suggèrent également que l’innovation ne devrait pas être laissée à elle-même lorsqu’elle émerge, car le processus d’innovation ne garantit pas que l’innovation qui émerge est nécessaire ou souhaitée. Il faut donc gérer l’innovation.
L’innovation dans le secteur public est une question d’incertitude et d’apprentissage
Comme l’innovation représente un changement discontinu, elle est associée à un degré élevé d’incertitude. Essentiellement, l’innovation consiste à prendre des mesures qui n’ont pas de résultat défini ou garanti. Par définition, il s’agit de la possibilité de l’imprévu. Si quelque chose peut être parfaitement prédit, alors ce n’est pas novateur.
Cette caractéristique signifie que l’innovation est intrinsèquement une question d’apprentissage, c’est-à-dire qu’elle consiste à s’engager avec l’incertitude, et à la réduire, et d’acquérir une meilleure compréhension de la relation entre les éléments. L’OCDE (2016) a décrit un grand nombre de questions liées à l’apprentissage et à l’innovation, y compris l’importance de l’apprentissage en simple boucle (apprendre ce que c’est) et l’apprentissage en double boucle (apprendre ce qui est à la base de ce que c’est).
Bien que cela puisse sembler évident au début, l’apprentissage n’est pas un processus simple et sous-entend que les gens changent ce qu’ils savent être vrai – quelque chose qui n’est pas toujours facile ou bienvenu. Pour soutenir l’innovation dans le secteur public, il faut appuyer l’apprentissage sous ses différentes formes. L’innovation doit également comporter un certain degré de « désapprentissage » et veiller à ce que les nouvelles vérités ne s’enracinent pas. Du point de vue du système, cela est important parce qu’il y a une autre tension inhérente : il faut s’assurer que les différents types d’apprentissages qui accompagnent l’innovation sont soutenus et que les résultats sont diffusés et partagés, mais éviter l’émergence d’une nouvelle orthodoxie incontestée qui inhibe l’innovation future.
Différences par rapport à l’innovation dans le secteur privé
L’innovation dans le secteur public n’est pas la même que l’innovation dans le secteur privé. Le secteur public évolue dans un environnement différent, avec des forces opérationnelles différentes. Plus particulièrement, le secteur public ne possède pas le moteur prépondérant du profit du secteur privé et fonctionne plutôt avec un moteur beaucoup plus contesté et nuancé sous forme de politiques. Cela crée un environnement qui exige différentes approches en matière d’innovation.
Les compétences nécessaires pour innover et encourager l’innovation dans d’autres secteurs associés au leadership dans le secteur public sont distinctes de celles du secteur privé. L’étendue de l’environnement, la complexité des relations et l’histoire des organisations suggèrent une culture qui est loin d’être claire et unitaire, et c’est pourquoi un mode de leadership s’est formé beaucoup plus par consensus et perspectives à plus long terme qu’autrement. [traduction] (Hall and Holt, 2008: 25)
Le secteur public existe pour réaliser les priorités du jour du gouvernement (bien qu’elles soient parfois contrebalancées par des considérations à plus long terme comme les institutions et les valeurs fondamentales). Cependant, il ne s’agit pas d’une activité technocratique de mise en œuvre, mais d’une activité intrinsèquement politique qui consiste à naviguer entre différentes options, différentes possibilités et différents ensembles de rapports de pouvoir.
Lorsque nous examinons l’innovation dans le secteur public, nous devons tenir compte des facteurs qui peuvent être particulièrement importants. L’un d’entre eux est l’importance de se mobiliser en politique. L’innovation ne relève pas uniquement des experts techniques ou des administrateurs; la mobilisation à l’égard de la politique est essentielle au bon fonctionnement de toute innovation majeure. Cette mobilisation permettra presque certainement de cerner des objectifs multiples et concurrents, et elle offre également un processus permettant de les mettre à l’essai et de les évaluer. L’autre facteur clé du secteur public concerne le rôle et les valeurs de la fonction publique, à savoir une gestion impartiale, professionnelle, uniforme et stable, malgré le besoin d’innover. [traduction] (Podger 2015: 122)
L’aspect politique du secteur public – sa responsabilité vis-à-vis du gouvernement – se manifeste le plus nettement par rapport à la question du risque. L’innovation, en tant que processus intrinsèquement incertain, comporte le risque de conséquences négatives, prévues ou non. Pour toute organisation du secteur public, ces conséquences pourraient concerner un large éventail d’éventualités (Osborne et Brown, 2005), y compris les impacts éventuels sur la santé et la sécurité des citoyens, les conséquences inattendues qui attirent l’attention politique ou un résultat qui n’est pas suffisamment probant pour être réalisable même s’il « fonctionne ». L’innovation, en tant qu’événement incertain, peut donner lieu à des surprises et, à ce titre, elle est particulièrement bien placée pour perturber la relation entre une fonction publique et le leadership politique d’un gouvernement. L’aversion au risque est donc une caractéristique commune dans de nombreux environnements du secteur public.
Du point de vue du système, cela indique que l’appétit pour l’innovation dans le secteur public sera toujours sujet à des fluctuations éventuelles en fonction des changements politiques.
Importance des idéologies et des paradigmes environnants
La nature politique de l’innovation dans le secteur public signifie qu’elle n’est pas neutre sur le plan des valeurs ou isolée des choix et des forces politiques qui façonnent le secteur public. Les paradigmes dominants de l’époque affecteront ou influenceront naturellement toute innovation proposée ainsi que ses chances d’adoption. Par exemple, la nouvelle gestion publique (NGP) était une philosophie dominante dans un certain nombre de pays et a contribué à façonner le développement de l’innovation.
Notamment, la NGP favorise les innovations qui appuient la décentralisation, la privatisation et la sous-traitance des services; favorise la concurrence entre les fournisseurs publics et les entreprises privées/organismes sans but lucratif; développe le consumérisme et sépare la prise de décisions politiques et administratives de la production de services. [traduction] (Windrum, 2008a: 15)
Il est important de reconnaître les différents paradigmes, car ils serviront probablement de filtres pour toute innovation qui est tentée, et pourraient bien limiter l’éventail des possibilités, peu importe ce qui serait autrement faisable sur le plan conceptuel ou technologique.
Si l’on veut réduire au minimum le mauvais gouvernement plutôt que de maximiser le bon gouvernement, on s’abstiendra d’accorder des pouvoirs discrétionnaires aux fonctionnaires. [traduction] (Kelman, 2008: 38)
Différents paradigmes encourageront ou soutiendront différents types d’innovation et mettront l’accent sur différents acteurs et différentes relations, ce qui aura un effet sur le rendement et l’évolution du système d’innovation.
Différentes formes d’innovation
L’innovation dans le secteur public peut prendre différentes formes. Windrum (2008a : 8) fournit une taxonomie de six types d’innovation :
Service – introduction d’un nouveau service ou amélioration d’un service existant.
Prestation de services – des façons nouvelles ou modifiées d’interagir avec les clients dans la prestation de services.
Administration et organisation – changements aux structures et routines.
Concept – élaboration de nouvelles visions du monde qui remettent en question les hypothèses existantes.
Politique – changement de la pensée ou de l’intention derrière un paradigme stratégique.
Systématique – des modes de fonctionnement nouveaux ou améliorés du secteur public de façon fondamentale.
Toute innovation singulière peut chevaucher une ou plusieurs de ces catégories.
Cette variété dans les formes que peut prendre l’innovation est importante parce qu’elle aide à illustrer l’éventail de capacités et de connaissances différentes qui peuvent être pertinentes pour le processus d’innovation. La conception novatrice des services sera souvent différente et fera appel à des personnes, à des compétences et à des capacités différentes de l’innovation en matière de politiques. Différentes formes d’innovation comporteront probablement des considérations différentes et pourraient exiger différents types de soutien.
Du point de vue du système, cela met en évidence qu’il faudra probablement mettre en place de multiples sous-systèmes et écosystèmes pertinents pour différentes fonctions du système.
Différents degrés d’innovation
L’ampleur et la portée de l’innovation peuvent également varier. Par exemple, l’innovation peut aller d’une innovation radicale à une innovation progressive (Freeman, 1982). Dans ce cas, l’innovation progressive ne fait pas référence à l’amélioration graduelle ou continue, car elle comporte toujours l’introduction d’une nouveauté importante et, par conséquent, exige un ensemble différent d’outils et de méthodes de gestion.
L’innovation radicale, qui implique une perturbation et un changement importants des modèles opérationnels et relationnels existants, exigera des approches (et des réponses) différentes de celles de l’innovation plus progressive, ce qui est peu susceptible de remettre en cause de façon significative le statu quo. Il est probable que la capacité de tout système de tolérer l’innovation progressive dépassera largement sa capacité de tolérer l’innovation radicale.
Il y a d’autres catégories possibles de degrés d’innovation (p. ex., voir Miles, 2013); toutefois, l’élément fondamental est que l’innovation peut varier dans le degré de changement qu’elle entraîne. Les différents degrés d’innovation impliqueront des réponses, des stratégies et des modes d’inculcation différents.
Innovation et temps
Une caractéristique fondamentale de l’innovation est l’importance du temps. Le temps détermine si une innovation est considérée comme un succès ou un échec (Dodgson, Gann et Satter, 2005). Au début, une innovation peut sembler assez réussie, seulement pour qu’il s’avère avec le temps que l’innovation n’a pas fonctionné ou qu’elle n’était pas corrélée à l’impact observé. Une autre innovation peut être perçue au départ comme de faible envergure et relativement sans conséquence, et s’avérer ultérieurement l’objet d’éloges pour les effets vastes et en cascade qu’elle a produits. Le temps peut changer la façon dont une innovation est perçue en fonction de la forme qu’elle prend (une innovation en matière de services peut être perçue comme une innovation conceptuelle dans le temps) ou du degré de radicalité (p. ex., passer d’un concept incrémentiel à un concept vraiment radical).
L’importance du temps pour l’innovation dans le secteur public signifie que tout aperçu de l’innovation induira inévitablement en erreur. L’innovation doit être considérée dans son contexte, y compris dans le temps. Du point de vue du système, l’innovation doit être évaluée dans sa contemporainaité et analysée sur des périodes prolongées.
Différentes vagues d’innovation
En effet, même si l’innovation du secteur public perdure, ce qui est clairement le cas, elle-même se transforme [traduction] (Borins, 2014).
L’innovation est la pratique qui consiste à faire ce qui n’a pas été fait auparavant (dans un contexte particulier). Le processus d’innovation change donc également, car les innovations précédentes révèlent de nouvelles possibilités (et parfois en éliminent d’anciennes). Par exemple, l’innovation ouverte implique des infrastructures, des outils et des relations de soutien différents de ceux qui sont nécessaires à l’innovation principalement menée au sein d’une organisation. L’innovation est un processus dynamique, car les résultats des innovations antérieures modifient parfois la façon dont l’innovation se présentera à l’avenir. La nouvelle technologie permet de nouvelles vagues d’innovation qui favoriseront différentes techniques, relations, infrastructures et logiques sous-jacentes et notions de valeur.
Cela signifie qu’il n’y a pas de modèle établi qui puisse être utilisé pour soutenir l’innovation, que ce soit au niveau organisationnel ou systémique. La façon dont l’innovation est réalisée et, par conséquent, la façon dont elle est soutenue ou gérée, changera au fil du temps et exigera une attention, un investissement et une réflexion continus afin de demeurer pertinente et utile dans le contexte de la contemporanéité.
Différentes vitesses d’innovation
Le processus d’innovation dépend également de la conjoncture du temps, de l’incertitude et des différents degrés et différentes formes et vagues d’innovation. La rapidité avec laquelle l’innovation peut être tentée dépend de la combinaison de tous ces facteurs. Si une situation est bien comprise et qu’il y a un large consensus sur ce qui est nécessaire, il est plus probable que le processus d’innovation se déroulera rapidement. Lorsqu’il y a un degré élevé d’incertitude, qu’il n’y a pas de consensus ou de mandat clair pour une innovation importante ou que les conséquences possibles sont importantes, il est probable qu’une approche plus délibérée et plus lente à l’égard de l’innovation doive être adoptée.
En pareils cas, l’accent peut être mis sur la collecte de connaissances et l’apprentissage par le biais du processus d’innovation, plutôt que sur une action rapide, afin d’éviter les points d’inflexion non désirés – des seuils au-delà desquels il n’y a pas de retour. Parfois, une innovation « lente » sera nécessaire, avant d’obtenir l’acceptation et le soutien nécessaires pour aller de l’avant efficacement.
La relation entre la rapidité et l’incertitude est donc fortement conditionnelle. Par exemple, il peut être très avantageux d’accélérer le processus d’innovation lorsqu’il fait partie de la routine et que les résultats sont relativement bien précisés. La rapidité peut être désavantageuse lorsque l’innovation perturbe les façons de faire existantes et justifie une réflexion et un apprentissage approfondis. Un accent exagéré sur la rapidité trahirait aussi une insouciance lorsque les conséquences des erreurs sont importantes, comme dans le cas de la conception d’un aéronef ou d’une centrale nucléaire. [traduction] (Dodgson, Gann and Satter, 2005: 22)
Différentes parties du système devront s’engager dans l’innovation à des vitesses différentes, selon le niveau d’incertitude auquel s’ajoute la pression pour que l’innovation se produise.
Cette question de rapidité ajoute une autre dimension au processus d’innovation. Du point de vue du système, cela soulève la question de savoir comment les différentes vitesses d’innovation peuvent être soutenues simultanément.
Innovation descendante et ascendante
L’innovation peut être dictée par le haut (c.‑à‑d. elle peut être mandatée et dirigée) ou elle peut émerger comme un processus ascendant (p. ex. du personnel de première ligne).
L’origine de l’idée peut avoir une grande incidence sur la voie qu’elle empruntera. Une idée qui vient d’un gouvernement nouvellement élu ayant une mission claire sera probablement très différente d’une idée qui vient d’un fonctionnaire d’un organisme qui essaie de consolider les efforts de changement antérieurs.
Borins (2014) a constaté qu’une part importante de l’innovation dans le secteur public est ascendante. Cependant, compte tenu des défis que pose l’innovation dans le secteur public, cela signifie qu’il est important de tenir compte des motivations de ceux qui pourraient contribuer au processus d’innovation. Le rôle des gestionnaires et des dirigeants est donc particulièrement important, car ils exerceront une influence importante sur l’appétit pour le risque d’essayer quelque chose de nouveau (Kelman, 2008).
Si des idées novatrices peuvent venir de n’importe où dans une organisation, plutôt que d’une élite supérieure, alors les organisations deviendront plus innovatrices si elles stimulent l’innovation tous azimuts. [traduction] (Borins 2006: 27).
La source de l’innovation influe donc sur la façon dont elle est abordée, la façon dont elle pourrait devoir être soutenue et la voie que l’innovation pourrait emprunter. Les mêmes idées peuvent avoir un effet très différent dans un système d’innovation, selon leur origine.
Des fins différentes pour l’innovation
La distinction entre l’innovation ascendante et descendante permet également d’attirer l’attention sur les différents objectifs de l’innovation.
Les politiciens ou les administrateurs d’organismes sont associés à des innovations en réponse à des crises. Les cadres intermédiaires et le personnel de première ligne ont tendance à entreprendre des innovations ensemble et sont plus susceptibles d’être les initiateurs lorsqu’il y a un problème que lorsqu’il y a une crise. [traduction] (Borins, 2014)
Dans le secteur public proprement dit, l’innovation peut être considérée comme étant généralement motivée par des problèmes (p. ex., Windrum, 2008b), même si ce problème est un problème cerné au niveau opérationnel (Borins, 2014), une crise ou un impératif politique (bien qu’il ne s’agisse pas strictement d’un « problème », une priorité politique exige certainement une réponse et une action de la part de la fonction publique).
Cependant, l’innovation peut également être « dirigée par une mission », orientée vers un objectif ou un ensemble d’objectifs particuliers. Cette forme d’innovation peut être initiée pour résoudre des problèmes particuliers; elle peut ainsi être exploratoire ou plus ambitieuse.
Les missions et les problèmes ont l’avantage de réduire l’incertitude entourant le processus d’innovation en fournissant un moyen d’évaluer les initiatives novatrices et leurs résultats (c.‑à‑d. a‑t‑on fait ce qu’il fallait?). Ils représentent également un moteur tangible pour l’innovation (p. ex., une acceptation que les choses doivent changer) par opposition à l’inertie au sein du système qui soutiendra probablement le statu quo (OCDE, 2016). Il se peut qu’une innovation plus exploratoire peine à cadrer avec ces critères, car sa valeur éventuelle ou le soutien de ses promoteurs peuvent ne pas être immédiatement apparents.
Bien entendu, l’innovation dans le secteur public ne relève pas uniquement de la fonction publique – de plus en plus d’autres acteurs peuvent contribuer au processus, directement ou indirectement. Dans ces cas, d’autres facteurs peuvent être plus pertinents, comme la valeur publique, les débouchés commerciaux ou d’autres intérêts.
Les raisons pour lesquelles l’innovation sera entreprise seront donc différentes, et ces objectifs différents auront une incidence sur la nature et le déroulement des processus d’innovation respectifs.
Différentes voies pour l’innovation dans le secteur public
Tout comme l’innovation peut être entreprise à diverses fins, elle peut également suivre des voies différentes, dont certaines peuvent être mieux adaptées à des types particuliers de problèmes ou de buts/objectifs. Certains auteurs (Bessant, Hughes et Richards, 2010) ont proposé une gamme de modèles pour les différentes voies d’accès à l’innovation :
Recherche et développement – « Les idées sont développées par des spécialistes, raffinées, développées et lancées. »
Mobilisation élevée – « Tous les employés participent au processus de résolution progressive des problèmes. »
Réseau – « Les idées sont développées, adaptées et adoptées au moyen de réseaux. »
Radical/discontinu – « Un groupe se voit accorder le droit de penser l’impensable et de développer des idées en périphérie ou en dehors du courant dominant. »
Esprit d’entrepreneuriat – « Les idées sont élaborées à petite échelle à l’intérieur ou à l’extérieur d’une organisation. »
Recombinant – « Une idée est adaptée et adoptée d’un milieu à un autre. »
Dirigé par l’utilisateur – « Les utilisateurs innovent eux-mêmes par la coproduction avec des professionnels ou en utilisant la voix ou le choix. »
D’autres auteurs (Eggers et Singh, 2009) ont suggéré un autre ensemble de voies :
Cultiver – convient le mieux à la mobilisation des employés.
Reproduire – convient le mieux à l’adaptation d’une innovation existante à un nouveau contexte.
Partenaire – chercher à établir des partenariats pour tirer parti de différents environnements et des différentes ressources et compétences
Réseau – utilise les forces d’innovation d’un éventail de personnes et d’organisations.
Source libre – utilise des approches à source libre pour mobiliser un plus grand nombre de participants et de contributeurs éventuels.
Un ajout possible à ces deux séries de voies serait la « déviance positive », qui consiste à trouver et à reproduire ou à mettre à l’échelle des exemples d’adaptation novatrice déjà en cours, mais pas répandus, dans un système (Pascale, Sternin et Sternin, 2016).
Ces différentes voies ont des utilisations ou des forces différentes et des modèles habilitants différents. Ainsi, différents types d’innovation seront nécessaires pour différents types d’enjeux, de problèmes, d’occasions ou de missions, et le choix de la voie la plus appropriée dépendra des actifs, des investissements et des relations disponibles. Un système d’innovation sera probablement plus efficace s’il s’appuie sur des approches multiples.
L’innovation dans le secteur public comme processus plutôt que comme événement
Compte tenu des considérations précédentes, il est clair que l’innovation ne se produit pas en vase clos ou sur commande. De même, l’innovation ne vient pas de nulle part; elle dépend plutôt d’un éventail de conditions, de capacités et de facteurs de soutien.
L’innovation gouvernementale découle d’un processus de développement qui dure des mois ou des années, un processus qui tient compte de nombreux intervenants et intérêts. [traduction] (Bardach, 2008: 113)
Les facteurs pertinents peuvent comprendre les connaissances et l’apprentissage antérieurs, l’infrastructure, les investissements antérieurs, les relations et les réseaux existants et l’expérience antérieure en matière d’innovation. Lorsqu’on examine le processus d’innovation, ou la capacité de générer de façon constante et fiable un flux d’innovations, une approche concertée de l’innovation par une organisation individuelle peut exiger un investissement considérable et soutenu.
Selon notre expérience, il peut falloir de trois à cinq ans à une organisation pour acquérir les types de compétences, d’outils, de processus de gestion, de paramètres, de valeurs et de systèmes de TI nécessaires pour appuyer l’innovation continue et généralisée. [traduction] (Skarzynski and Gibson, 2008: 16)
De plus, l’innovation en tant que processus d’apprentissage ne se produit pas nécessairement rapidement. L’introduction d’une nouvelle innovation ne mène pas à une compréhension immédiate, ni ne garantit qu’elle s’intégrera ou s’adaptera aux routines existantes, ou qu’elle sera utilisée de la bonne façon, bien défendue ou expliquée, ou qu’elle atteindra ce qui était convenu.
… l’innovation est un processus qui doit être contrôlé. Le personnel doit abandonner ses vieilles croyances et en acquérir de nouvelles. Une innovation ne peut pas être simplement « branchée » depuis un ailleurs. Chaque équipe ou organisation doit faire son propre parcours d’innovation. [traduction] (Osborne and Brown, 2005: 197)
L’innovation est donc un processus individuel et organisationnel, un cheminement plutôt qu’un événement. Cela vaut également pour l’ensemble de la fonction publique, comme l’illustrent le chapitre 2 et le parcours historique de l’innovation de la fonction publique du Canada.
Du point de vue du système, cela signifie qu’il y aura des taux d’apprentissage différents, et donc des expériences différentes des mêmes développements. Un système d’innovation mobilisera de nombreux acteurs différents à différents stades du parcours de l’innovation.
L’innovation dans le secteur public est fondamentalement complexe
L’innovation dans le secteur public est d’une complexité irréductible. Les dimensions connexes de l’innovation explorées ici représentent une partie, mais non la totalité, des facteurs pertinents qui rendent l’innovation dans le secteur public fondamentalement difficile et incertaine.
Le succès d’un processus d’innovation dans le secteur public dépend de l’évolution des facteurs interpersonnels, organisationnels, politiques, sociaux et économiques. Qui plus est, il est tributaire d’un passé constitué d’efforts fructueux et infructueux. [traduction] (Borins, 2014)
Cela ne veut pas dire que l’innovation du secteur public ne peut pas être soutenue; c’est plutôt de laisser entendre qu’il n’y a pas de réponses faciles ou de solutions toutes faites. L’innovation n’est pas quelque chose qu’on puisse simplement commander ou diriger, puis s’attendre à ce qu’elle se concrétise.
Mais faire de l’innovation une priorité, ce n’est pas la même chose que de la concrétiser. Trop souvent, l’innovation ne devient rien de plus qu’un slogan à la mode ou un autocollant — le thème de gestion du jour — qui reçoit une abondante rhétorique révérencieuse dans les réunions d’entreprise, les campagnes de publicité d’entreprise et les rapports annuels. [traduction] (Skarzynski and Gibson, 2008: 4)
Un système d’innovation qui se traduit par l’innovation en tant que ressource fiable ne peut alors être souhaité. Il faut une réflexion approfondie, un engagement continu, une observation et une réflexion pour comprendre comment il fonctionne.
Résumé et signification pour une perspective systémique
En somme, l’innovation dans le secteur public comprend un large éventail de caractéristiques qui ont une incidence sur la façon dont elle peut être mise à contribution, appuyée ou encouragée.
1. Ce que c’est : L’innovation sous-entend nouveauté, mise en œuvre et impact, mais ce qui détermine s’il y a ou non innovation a essentiellement trait au contexte. Les systèmes d’innovation seront donc également contextuels et varieront selon les contextes des différents pays.
2. Ce que ce n’est pas : comme l’innovation implique un changement discontinu, cela signifie qu’il ne s’agit pas d’un processus d’amélioration continue et qu’on ne peut donc pas s’attendre à ce qu’il se produise naturellement. L’innovation n’est pas non plus nécessairement bonne en soi. Ainsi, l’innovation ne peut pas être laissée à elle‑même. Elle exige une gestion active.
3. L’innovation est une question d’incertitude et d’apprentissage. Il y a différentes formes d’apprentissage, et chacune peut être appuyée de différentes façons. Un système d’innovation doit comprendre la diffusion des connaissances qui en résultent, mais empêcher qu’elles ne deviennent une orthodoxie établie qui limite l’innovation future. Il faut équilibrer l’apprentissage et le désapprentissage.
4. Elle est différente en ce qui concerne le secteur privé. L’innovation dans le secteur public comporte des contraintes et des enjeux différents, y compris des politiques, l’absence d’un moteur unitaire de l’innovation, comme le profit, et l’existence d’un environnement de risque différent. L’innovation peut être fortement souhaitée, puis soudainement abandonnée. Il y aura un appétit variable pour l’innovation dans le secteur public, qui est probablement beaucoup plus aigu que dans le secteur privé.
5. L’innovation est influencée par les idéologies et les paradigmes de son contexte. L’innovation dans le secteur public ne doit pas être perçue comme étant neutre sur le plan des valeurs ou comme un exercice technocratique. Ces idéologies et paradigmes façonneront la nature du système et les rôles et capacités attendus de ses acteurs. Ce que l’on attend d’un système dépendra des opinions et des croyances dominantes de l’époque.
6. Il existe différentes formes d’innovation. Il peut s’agir d’un nouveau service ou d’une façon tout à fait différente de comprendre les enjeux et de communiquer avec les citoyens. Différentes formes entraîneront différentes contributions et pourraient exiger différents types de soutien et mobiliser différentes parties du système.
7. Les degrés d’innovation varient. L’innovation peut être incrémentielle (mais implique tout de même un changement discontinu) jusqu’à radicale. Du point de vue des systèmes, des degrés différents exigeront des réponses différentes.
8. L’innovation ne peut être évaluée qu’au fil du temps. Le succès ou autres résultats ne peut être compris qu’au fil du temps, par l’apprentissage et l’observation. La prise en compte du fonctionnement et du rendement d’un système d’innovation doit donc tenir compte de l’immédiat (ce qui fonctionne maintenant) et du long terme (l’impact au fil du temps). Le temps changera la perception du rendement.
9. L’innovation se produit en différentes vagues. La pratique de l’innovation et ce qu’elle implique évoluera à mesure que de nouvelles techniques, connaissances et technologies deviendront possibles. Un système d’innovation peut avoir besoin de souplesse pour traverser ou maintenir des vagues d’innovation multiples.
10. Il y a différentes vitesses d’innovation. Lorsque le champ d’incertitude est réduit (p. ex., on s’entend clairement pour dire que quelque chose de différent est nécessaire rapidement), l’innovation pourrait se produire plus rapidement. Dans d’autres circonstances, il se peut que le processus d’innovation doive se dérouler plus lentement, avant de s’engager à prendre des mesures qui pourraient ne pas être réversibles. Un système d’innovation devra être en mesure de maintenir simultanément différentes vitesses d’innovation.
11. L’innovation peut être ascendante ou descendante. L’innovation comporte des considérations différentes selon l’endroit d’où elle vient, mais l’essence de l’innovation ascendante est que les idées importantes peuvent venir de n’importe où. Quant à savoir si elles émergeront, cela dépend de l’environnement et des signaux des dirigeants. Le progrès d’une idée à travers un système d’innovation sera façonné par ses origines. L’origine d’une idée est aussi importante que la nature de l’idée.
12. L’innovation vise des objectifs différents. L’innovation dans le secteur public est habituellement dirigée par des problèmes et parfois par des missions. Ces deux approches fournissent une base à l’innovation pour contrer tout préjugé à l’égard de l’absence d’innovation. Un système d’innovation impliquera la mise en œuvre de différents types d’innovation à des fins différentes. Ces différents objectifs auront une incidence sur le processus d’innovation.
13. L’innovation dans le secteur public peut se produire de différentes façons. Il n’y a pas d’approche unique pour générer de l’innovation – chaque approche aura des utilités différentes et exigera différentes formes de soutien ou d’investissement. Différentes approches offriront des forces différentes et exigeront un soutien différent. Un système d’innovation comportera probablement toute une gamme d’approches différentes et en tirera parti.
14. L’innovation est un processus plutôt qu’un événement. L’innovation dans le secteur public ne vient pas de nulle part; il s’appuie sur le passé. L’élaboration d’un processus d’innovation efficace et fiable dans le secteur public exigera probablement beaucoup de temps et d’investissement. Un système d’innovation englobera de nombreux acteurs différents à différentes étapes du parcours de l’innovation. Il y aura donc des rythmes d’apprentissage différents dans tout le système.
15. L’innovation dans le secteur public est fondamentalement complexe. Il n’y a pas de réponses faciles, pas d’approches « établies et oubliées ». Il faut un engagement et un mouvement constants pour rester adapté au contexte en évolution.
Bref, l’innovation dans le secteur public n’est pas un exercice simple. Mis à part le fait de démontrer que l’innovation est difficile, quels sont les avantages de ces diverses nuances et caractéristiques de l’innovation dans le secteur public? En outre, quelles sont les conséquences pour une perspective systémique? Le tableau 2 répertorie quatre incidences principales.
Tableau 3.2. Incidences de la nature de l’innovation dans le secteur public pour une perspective systémique
L’innovation sous-entend une découverte continue |
L’innovation est variée et à multiples niveaux |
L’innovation exige une intervention |
L’innovation sera interprétée différemment selon le passé, le présent et les horizons possibles. |
---|---|---|---|
1. L’innovation est contextuelle. |
6. Différentes formes d’innovation apporteront des contributions différentes. |
2. L’innovation exige une gestion active. |
5. Les opinions et les croyances dominantes de l’époque façonneront le système. |
3. L’innovation consiste à équilibrer l’apprentissage et le désapprentissage. |
7. Différents degrés d’innovation exigeront des réponses différentes. |
11. L’origine d’une idée est aussi importante que la nature de l’idée. |
8. Le temps changera la perception du rendement du système d’innovation. |
4. L’appétit pour l’innovation fluctue. |
9. Différentes vagues d’innovation devront être maintenues ou traversées. |
13. Différentes approches offriront des forces différentes et exigeront un soutien différent. |
|
15. Il n’y a pas de réponse facile. |
10. Différentes vitesses d’innovation doivent être maintenues simultanément. |
14. Différents rythmes d’apprentissage s’observeront dans l’ensemble du système. |
|
12. Différents objectifs auront une incidence sur le processus d’innovation. |
L’innovation suppose une découverte permanente : aucun « système d’innovation » ne sera approprié ou adapté à tous les contextes. De nouvelles idées et leçons tirées du processus d’innovation façonneront (ou devraient le faire) ce que l’on attend du système et la compréhension de ce qui est possible. Cela changera à son tour la destination. Il n’y a donc pas de recette ou de solution unique pour un système d’innovation. Il s’agit plutôt d’un cheminement continu.
L’innovation est variée et comporte plusieurs niveaux : il n’y a pas un seul type d’innovation. La forme, le degré, les modèles, la vitesse et les objectifs de l’innovation varient. Un système d’innovation impliquera donc de multiples flux d’innovation et exigera donc une diversité d’efforts, d’acteurs et de structures.
L’innovation exige une intervention : bien que l’innovation découle souvent de facteurs structurels ou circonstanciels (p. ex., une crise ou un problème particulier), un système d’innovation exigera une intervention et une surveillance délibérées. Une intervention est nécessaire, qu’il s’agisse de veiller à ce que l’innovation atteigne des objectifs plus larges que la simple résolution d’un problème immédiat, de veiller à ce que les idées de certains acteurs ne soient pas indûment priorisées, de veiller à ce que les capacités requises soient disponibles ou d’intégrer les leçons tirées dans un système distribué. On ne peut se fier à un système d’innovation pour fournir ce qui est nécessaire en l’absence de surveillance.
L’innovation sera interprétée différemment selon le passé, le présent et les horizons possibles : la façon dont l’innovation sera perçue changera au fil du temps, soit parce que la pratique de l’innovation aura évolué, soit parce qu’on en aura appris davantage sur l’impact ou le succès d’une innovation, soit parce que les valeurs, les croyances et les idéologies changeront. Toute évaluation ou réflexion à propos d’un système d’innovation doit donc tenir compte du passé, du présent et des différents horizons possibles.
L’innovation dans le secteur public est donc nécessaire, mais elle doit être entreprise de manière plus cohérente et fiable, et exige une approche systématique. Cette approche systématique doit comprendre un apprentissage continu, une approche nuancée qui tient compte de la nature variée de l’innovation, de la surveillance et de l’intervention, et une perspective simultanée à court et à long terme.
Comprendre et façonner les systèmes d’innovation du secteur public
Le débat actuel sur les caractéristiques de l’innovation dans le secteur public s’appuie principalement sur ce qui a été appris à une échelle individuelle ou organisationnelle. Mais comme le souligne Bourgon (2008), il est possible de penser à la capacité individuelle des fonctionnaires, à la capacité organisationnelle et à la capacité collective. Si l’innovation n’est envisagée que d’un point de vue individuel ou organisationnel, elle n’aboutira pas à une approche systémique sur laquelle un gouvernement peut s’appuyer pour devenir suffisamment cohérent et fiable pour répondre aux pressions croissantes en vue de la transformation. Il faut mettre l’accent sur le système d’innovation, ce qui doit permettre de gérer la complexité inhérente de l’innovation dans le secteur public.
Toutefois, la plupart des directives existantes, tant dans le secteur privé que dans le secteur public, sont élaborées ou ne sont pertinentes que selon une perspective individuelle ou organisationnelle.
Quoi qu’il en soit, il existe certaines réflexions sur les systèmes d’innovation. La principale prémisse de la littérature sur les systèmes d’innovation est qu’il est impossible d’évaluer une composante du système d’innovation sans voir comment elle s’intègre aux autres éléments structurels et au processus d’innovation dans son ensemble. En effet, l’approche examine les capacités (également dictées par les institutions) et leur adéquation et leur effet sur le rendement novateur de ces systèmes (Lundvall et coll., 2011).
En même temps, l’analyse des systèmes d’innovation est conceptuellement très hétérogène (voir Gault, 2007; Soete, Verspagen et ter Weel, 2010). Il existe différentes approches des systèmes d’innovation, y compris les systèmes d’innovation nationaux, à la fois larges et étroits (Edquist, 1997; Lundvall, 1992; Nelson, 1993), les systèmes d’innovation régionaux (Cooke, Heidenreich et Braczyk, 2004), les systèmes d’innovation sectorielle (Dolata, 2009; Malerba, 2005) et les systèmes d’innovation technologique (Carlsson et Stankiewicz, 1991; Hekkert et coll., 2007; Johnson et Jacobsson, 2001). De nombreux chercheurs ne considèrent pas ces différentes perspectives comme des approches des systèmes d’innovation, et perçoivent plutôt ces systèmes d’innovation comme interreliés et intégrés (Markard et Truffer, 2008).
Chaque approche examine différents niveaux du système. Par exemple, les acteurs de l’approche des systèmes d’innovation technologique (SIT) peuvent être à la fois des individus et des organisations (instituts de recherche, organismes publics, etc.) ou des réseaux d’acteurs tels que les chaînes de valeur (Bergek et coll., 2008). Essentiellement, la perspective des SIT est principalement une approche de mésoniveau avec des structures et des fonctions au niveau du système technologique (Kukk, Moors et Hekkert, 2015 : 47; Markard, Suter et Ingold, 2015 : 82; voir d’autres arguments dans Hekkert et coll., 2007). On considère que cette approche est plus « gérable » empiriquement que les systèmes nationaux, régionaux ou sectoriels d’innovation qui fonctionnent principalement au niveau macro.
Ces modèles sont tous fondés sur le secteur privé. Comme nous l’avons vu précédemment, l’innovation dans le secteur public est différente : elle a des moteurs différents, des acteurs différents et des contraintes différentes. Existe-t-il des modèles de systèmes d’innovation dans le secteur public?
Certains pays ont déjà adopté une vision holistique de l’innovation dans le secteur public au niveau des gouvernements nationaux. Il s’agit notamment de l’Australie (gouvernement australien, 2010) et du Royaume-Uni (NAO, 2009). La recherche australienne comprenait également une analyse nationale de différentes innovations dans le secteur public (Scott‑Kemmis, 2010), qui envisageait et proposait une stratégie pour le rendement de la fonction publique en matière d’innovation. D’autres gouvernements nationaux (p. ex., le Danemark) ont également entrepris des travaux importants pour encourager ou soutenir l’innovation dans leurs fonctions publiques.
Toutefois, dans l’ensemble, il ne semble pas encore y avoir de modèle uniforme pour la prise en compte, la compréhension et la promotion de l’innovation dans la fonction publique.
En l’absence d’un tel modèle, il y a un risque réel que les efforts de toute fonction publique soient un peu fragmentaires, répondant à des symptômes à leur tour, au lieu de s’attaquer aux causes profondes et d’exploiter les facteurs sous-jacents. En l’absence de modèle, il est probable que des problèmes bien ancrés persisteront, que des tensions subsisteront et que les progrès seront limités et susceptibles de reculer.
En somme, malgré deux décennies de réformes structurelles et de gestion du rendement, l’innovation n’est pas devenue, d’une façon générale, l’effigie du comportement du secteur public. Une meilleure formation des gestionnaires publics en matière de leadership et de résolution de problèmes a certes contribué à encourager l’innovation, mais les obstacles structurels demeurent. Bien que certains organismes se soient sans aucun doute mobilisés pour l’innovation et aient consacré des efforts considérables à la mise en œuvre des réformes qui s’imposaient dans les processus organisationnels, il n’a pas été possible d’imposer au secteur public un comportement novateur à l’extérieur des domaines comportant des processus spécialisés (p. ex., l’adoption de services à la clientèle axés sur les TI). En effet, la culture de la fonction publique dans presque tous les pays tend à être axée sur l’aversion au risque et la procédure, en raison des exigences administratives en matière de reddition de comptes, d’équité procédurale et de prévisibilité (Head, 2013 : 153-154).
Trois principales préoccupations en matière d’innovation
L’innovation, comme il en a été question, peut prendre de nombreuses formes, être entreprise à différentes fins et peut être progressive jusqu’à radicale ou perturbatrice. Toutefois, il n’existe pas de modèle approprié dans la pratique et la documentation existantes visant à rendre la complexité de l’innovation plus gérable et accessible pour les systèmes d’innovation du secteur public. Le problème réside dans le fait que toutes les innovations ne peuvent pas être traitées individuellement d’un point de vue systémique. En effet, une conception trop simplifiée de l’innovation permettrait de ne pas tenir compte des différences importantes. Il faut quelque chose entre les deux.
S’appuyant sur ce qui a été examiné jusqu’à présent et sur l’expérience de l’Observatoire sur l’innovation dans le secteur public de l’OCDE, la section qui suit suggère trois principales préoccupations en matière d’innovation dans le secteur public. Ces préoccupations distinguent les différents aspects de l’innovation qui ont une incidence sur la façon dont elle peut ou doit être soutenue :
Réaliser les objectifs d’aujourd’hui – cela se rapporte à l’innovation qui a lieu pour répondre aux principales priorités et au fait que le gouvernement a la capacité d’innover pour atteindre ses objectifs. Ce genre d’innovation sera habituellement de nature progressive et exploitera les ressources de connaissances actuelles. Cependant, dans certains cas, il sera transformationnel en vue de répondre à des programmes plus ambitieux.
Produire des résultats pour demain – Il s’agit de l’exploration et de la mobilisation à l’égard des enjeux nouveaux et des technologies qui façonneront les priorités futures, les engagements futurs et les réponses futures. Ce genre d’innovation prendra vraisemblablement des formes plus radicales qui seront plus difficiles à intégrer aux structures existantes.
Assurer l’état de préparation à l’innovation – cela signifie d’assurer la capacité d’absorption nécessaire dans l’ensemble de la fonction publique pour échanger de nouvelles idées, de nouvelles méthodes et de nouvelles façons de travailler et de produire des résultats. L’innovation n’est pas une capacité qui peut être activée ou désactivée à volonté, et il est probable que la préparation à l’innovation ne puisse être atteinte que si elle est soutenue et prise en compte explicitement. De plus, l’innovation exige des structures de soutien. Une façon d’illustrer l’importance de cet aspect est de substituer l’approvisionnement à l’innovation, c’est-à-dire qu’il ne peut y avoir d’approvisionnement efficace si les systèmes nécessaires ne sont pas en place ou si les personnes concernées n’ont aucune expérience ou connaissance des articles ou des services faisant l’objet de l’approvisionnement ou des processus d’approvisionnement. Bien que chacun n’ait pas besoin d’être un expert en approvisionnement, la plupart des acteurs doivent reconnaître et accepter l’approvisionnement comme une fonction centrale du secteur public. De même, l’innovation efficace ne peut exister en vase clos – la familiarité, l’expérience, les connaissances et les processus doivent être présents pour qu’elle fonctionne comme une ressource fiable.
Ces aspects, loin d’être rigides, visent à démontrer qu’un secteur public efficace devra prendre en considération et soutenir simultanément différents volets d’activité d’innovation.
Cependant, même si ces trois perspectives peuvent être utiles pour clarifier pourquoi et comment différents types d’innovation sont nécessaires, et les différents facteurs sous‑jacents à chacune d’elles, elles proposent davantage un point de vue fonctionnel qu’une perspective systémique. Elles démontrent que les gouvernements auront besoin d’une approche diversifiée en matière d’innovation, mais elles ne répondent toujours pas à la question sous-jacente, à savoir ce qui peut être fait pour générer, mettre en œuvre et mettre à l’échelle de façon plus uniforme et plus fiable l’innovation en réponse aux divers besoins du gouvernement.
Établir un modèle pour les systèmes d’innovation du secteur public
Ce chapitre a démontré qu’en période de changements accrus, les gouvernements doivent se mobiliser pour l’innovation d’une manière plus sophistiquée qu’auparavant. Les gouvernements ont besoin que l’innovation soit un élément cohérent et fiable de leur arsenal lorsqu’ils cherchent à obtenir de meilleurs résultats et à répondre aux attentes en évolution. Les gouvernements ont besoin d’une approche systématique et systémique de l’innovation.
Il a également été démontré que l’innovation est aussi intrinsèquement complexe, variée et ne peut être soutenue par une seule approche. Il n’y a pas de réponses faciles ni de solutions polyvalentes. L’attention soutenue et la myriade d’efforts déployés par divers gouvernements, y compris le gouvernement du Canada, illustrent ce point – si quelqu’un l’avait maîtrisé, il est probable que d’autres auraient suivi.
Le défi de soutenir l’innovation dans le secteur public au niveau du système est encore exacerbé par le manque de directives pertinentes, la plupart des ressources étant destinées aux praticiens individuels ou examinées dans une optique d’organisation individuelle. La plupart des modèles de systèmes d’innovation existants proviennent de la pratique du secteur privé, et ne peuvent être considérés comme pertinents ou appropriés en raison des différences inhérentes au contexte du secteur public.
Pour que les gouvernements évitent les réponses fragmentaires à des problèmes symptomatiques, un modèle de soutien à l’innovation devient nécessaire.
Cependant, d’après ce que nous savons, il n’est possible de cerner que trois secteurs prioritaires différents pour le gouvernement, soit la réalisation d’aujourd’hui, la réalisation de demain et la préparation à l’innovation. Ces perspectives ne seront toutefois pas suffisantes pour aider les gouvernements à stimuler et à soutenir l’innovation dans le secteur public. Les connaissances existantes ne suffisent pas pour élaborer le modèle requis.
Afin d’aider à trouver un modèle qui peut rendre plus gérable la complexité d’une approche systémique à l’égard de l’innovation dans le secteur public, il est impératif d’en apprendre davantage.
Le chapitre suivant propose de le faire en examinant l’expérience de l’innovation dans la fonction publique du Canada.
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