76. La nécessité de préserver la neutralité fiscale à l’égard des fonds d’investissement est un principe largement reconnu qui sous-tend la conception des règles fiscales internationales. En vertu de ce principe, les fonds d’investissement peuvent bénéficier d’une exonération spéciale, d’une déduction ou d’un autre régime préférentiel conformément à la législation en vigueur dans la juridiction dans laquelle ils sont établis, afin de placer les investisseurs dans la même situation que s’ils avaient investi directement dans les actifs sous-jacents du fonds, plutôt que par l’intermédiaire d’un organisme de placement.
77. Le régime fiscal applicable aux fonds d’investissement ne répond ni à la nécessité ni à la volonté d’attirer des investissements vers telle ou telle juridiction, mais vise plutôt à faire en sorte que des investissements collectifs puissent être réalisés par l’intermédiaire du fonds sans faire peser sur la rentabilité des capitaux investis une charge fiscale supplémentaire. Cet objectif concerne tous les types de fonds d’investissement, y compris les organismes de placement collectif ouverts à de multiples actionnaires, comme les fonds communs de placement, ainsi que les fonds de placement alternatifs généralement ouverts à un petit groupe d’investisseurs. Il existe tout un éventail de structures d’investissement qui peuvent être utilisées pour assurer aux investisseurs une neutralité fiscale des résultats, et le fonctionnement des règles GloBE ne devrait pas induire de distorsion quant à ces choix.
78. La neutralité fiscale d’un fonds ne veut pas dire pour autant que les revenus des placements ne sont pas imposables. Ils le seront si le pays de la source a fait le choix de les taxer (par exemple, par la mise en place d’une retenue à la source)10, sachant que l’investisseur ultime peut aussi devoir supporter un impôt supplémentaire, soit lors de la distribution, soit sur le revenu d’investissement accumulé. Les récents progrès dans le domaine de la transparence fiscale, notamment grâce à la mise en œuvre de la Norme d’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers en matière fiscale par exemple, ont permis aux administrations fiscales d’accéder plus facilement aux informations dont elles ont besoin pour s’assurer que les revenus des fonds soient imposés comme il se doit en vertu des lois de la juridiction de résidence de l’investisseur.
79. Le fait que le fonds lui-même ne soit pas soumis à l’impôt pour les raisons mentionnées ci-dessus ne soulève donc pas les mêmes préoccupations que celles qui sous-tendent l’objectif poursuivi par les règles GloBE. La neutralité des fonds relève d’un principe spécifique et généralement reconnu de la politique fiscale, qui serait remis en question si les règles GloBE devaient s’appliquer aux revenus d’investissements des fonds, de sorte qu’un organisme de placement fiscalement neutre par ailleurs pourrait supporter un impôt supplémentaire en vertu des lois d’un autre État. Comme cette approche est d’ores et déjà largement utilisée par les systèmes fiscaux nationaux, exclure les fonds d’investissement du champ d’application des règles GloBE ne confère pas un avantage concurrentiel ni ne crée de distorsions économiques. Il convient donc de préserver ce principe de neutralité fiscale en veillant à ce que les règles GloBE ne s’appliquent pas aux fonds d’investissement.
80. La définition des « fonds d’investissement » s’inspire de la définition d’« entité d’investissement » figurant dans la norme IFRS 10, de la Directive 2011/61/UE sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs, et de la définition du FMI concernant les organismes de placement collectif utilisée dans les statistiques de la balance des paiements. Comme il est expliqué dans l’encadré ci-dessus, un fonds d’investissement est une entité ou un dispositif conçu pour mettre en commun les actifs d’investisseurs indépendants (ou d’une ou plusieurs entités exclues), et qui est géré par des professionnels pour le compte de ces investisseurs. Les actifs d’un fonds se composent à la fois d’actifs financiers et non financiers, notamment de droits sur ces actifs, tels que des options. La définition ne s’applique qu’à une entité ou un dispositif établi et réglementé en tant qu’organisme de placement collectif, soit directement dans la juridiction de constitution du fonds, soit indirectement lorsque la juridiction dans laquelle le fonds est établi exige que sa gestion en soit confiée à un gestionnaire de fonds réglementé (qui peut être établi et réglementé dans une juridiction différente). La définition ne s’applique pas aux organismes de placement non réglementés, tels que les sociétés à actionnariat familial.
81. Pour que le fonds soit une entité exclue, il n’est pas nécessaire qu’il jouisse d’un statut fiscal particulier en vertu de la législation de la juridiction dans laquelle il est établi, mais l’entité ou le dispositif doit posséder les caractéristiques d’un organisme de placement collectif, ce qui inclut notamment un gestionnaire professionnel qui investit conformément à une politique d’investissement définie. Un gestionnaire de fonds professionnel peut être un dépositaire ou un courtier chargé de mettre en œuvre la politique d’investissement du fonds, et d’exécuter des transactions pour le compte du fonds. La définition requiert qu’un des investisseurs soit une entité exclue, ou que l’entité ou le dispositif compte au moins deux investisseurs non liés, mais ne limite pas par ailleurs les types ou le nombre d’investisseurs.
82. La dernière partie de la définition précise qu’un fonds d’investissement peut recourir à des structures ad hoc pour détenir des actifs ou réaliser certains investissements. Ces entités ou dispositifs fonctionnent en principe dans le cadre de l’infrastructure du fonds proprement dit, et devraient être considérés comme faisant partie de l’entité exclue. L’exclusion des structures ad hoc ne s’applique pas aux entités qui exercent ou ont la responsabilité de gérer une activité économique ou commerciale du groupe d’EMN lui-même. La définition couvre également les cas où l’entité ou le dispositif sont détenus par plusieurs fonds d’investissement indépendants, ou par un ou plusieurs fonds d’investissement associés à une autre entité exclue, comme un fonds de pension. La définition prévoit aussi les situations où, pour des raisons réglementaires ou commerciales, le gestionnaire de fonds peut être tenu de détenir une participation de minimis dans l’entité ou le dispositif.
83. La définition d'entité exclue énoncée dans l'encadré ci-dessus s'applique aux entités du groupe d'entreprises multinationales qui se trouvent au sommet de la chaîne de détention. Toutefois, cette définition n'aborde pas de manière exhaustive les questions liées aux fonds d'investissement contrôlés (c'est-à-dire un fonds contrôlé par une entité constitutive d'un groupe d'entreprises multinationales qui n'est pas une entité exclue). Par exemple, des règles techniques supplémentaires peuvent être nécessaires pour éviter l'application potentielle de la RIR à un fonds contrôlé dans le cadre de l'approche descendante et des règles de détention partagée. D'autres instructions peuvent également être nécessaires quant au traitement des fonds d'investissement contrôlés dans le cadre de la RPII. Le cadre inclusif entreprendra d'autres travaux techniques concernant le traitement des fonds d'investissement afin de déterminer si des règles supplémentaires sont nécessaires pour préserver la neutralité fiscale des fonds d'investissement dans le cadre du deuxième pilier et d'envisager l'application des règles GloBE aux fonds d'investissement contrôlés, et les résultats de ces travaux seront intégrés dans les règles types.