Face à la crise liée au COVID-19, la réaction des pays de l’OCDE sur le plan budgétaire a été prompte, énergique et décisive. Leurs dirigeants ont engagé des milliards de dollars pour soutenir les systèmes de santé publique et protéger les économies et la population des conséquences matérielles de cette crise. Alors que les conséquences de la pandémie continuent de se faire sentir, l’invasion russe de l’Ukraine fait fléchir la croissance mondiale et alimente les poussées inflationnistes. Le produit intérieur brut (PIB) a stagné au deuxième trimestre 2022 et la production a décliné dans les économies du G20 tandis que l’inflation se maintient plus longtemps que prévu à un niveau élevé.
Alors que les perspectives économiques sont incertaines, les ministères de Finances se retrouvent face à des choix complexes et à des priorités budgétaires concurrentes et de plus en plus nombreuses. L’investissement dans l’éducation a beau être essentiel pour assurer le relèvement de l’économie et de la société après la pandémie et amortir les conséquences des troubles géopolitiques et économiques actuels, il y a néanmoins tout lieu de penser que l’optimisation des ressources qui lui sont consacrées va prendre de l’importance dans l’avenir. Les ministères de l’Éducation devront défendre cet investissement, apporter la preuve de leur utilisation efficace des ressources et chercher des moyens d’optimiser cette utilisation.
Les données réunies à l’échelle internationale, dont celles du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) de l’OCDE, autorisent à penser que les pays ont beaucoup à apprendre les uns des autres pour ce qui est de faire des choix de dépenses plus judicieux dans le domaine de l’éducation. En effet, certains systèmes scolaires obtiennent d’excellents résultats malgré des ressources modestes quand d’autres ont augmenté leurs dépenses sans voir pour autant d’améliorations appréciables du niveau des élèves. Au-delà d’un certain niveau d’investissement, la réussite de tous les élèves dépend de la capacité d’affecter les ressources là où elles seront le plus utiles. L’allocation optimale des ressources passe par des arbitrages complexes, une réflexion constante sur les priorités pédagogiques et des mesures qui soient en prise avec les mécanismes de gouvernance en place aux différents échelons du système scolaire.
Pour que de telles mesures soient correctement mises en œuvre, il convient de les définir avec soin, de les entourer d’une bonne communication et de s’assurer le concours des différentes parties prenantes. Les ministères de l’Éducation sont les mieux à même de relever ces défis, d’articuler les stratégies de financement aux priorités de l’enseignement et de nouer des partenariats forts pour travailler à cette tâche. Les ministères des Finances, pour leur part, peuvent jouer un rôle déterminant en apportant aux ministères de l’Éducation les talents d’experts qui leur seront utiles dans le cadre de la procédure budgétaire, pour repérer les gains d’efficience à réaliser et veiller à l’intégrité de cette procédure. À l’heure où les budgets sont placés sous haute surveillance, le resserrement de la collaboration entre les deux ministères tient de la nécessité absolue.
C’est avec cet impératif en tête que l’OCDE et les autorités françaises ont organisé un Séminaire de haut niveau sur l’optimisation des ressources dans le secteur éducatif au lendemain de la pandémie de COVID‑19, le 16 février 2022, qui a réuni des représentants des ministères des finances et de l’éducation de toute la zone OCDE pour un dialogue intersectoriel dédié à la confrontation des points de vue et à la recherche de solutions à des problèmes communs. Le séminaire a été coorganisé par la Direction de l’éducation et des compétences de l’OCDE et le Département des affaires économiques de l’OCDE, avec le concours des ministères français de l’éducation et des finances. Le rapport est étayé par la documentation de référence préparée pour ce séminaire international et par les échanges qu’il a suscités autour des principaux enjeux de l’optimisation des ressources dans l’éducation : nos connaissances et nos lacunes en la matière et la manière dont nous pouvons utiliser les outils en notre possession pour dépasser le statu quo.
Après une Synthèse qui permettra d’exposer le contexte dans lequel s’inscrit le présent rapport, les chapitres suivants offrent un inventaire des retombées économiques de l’enseignement et de ses répercussions sociales plus générales pour l’individu et la collectivité, en une manière de plaidoyer en faveur du maintien des investissements publics dans l’éducation. Le rapport met ensuite l’accent sur les principaux leviers que l’on peut actionner pour mieux optimiser les ressources investies dans l’enseignement, à savoir : gérer et répartir les financements alloués aux établissements scolaires de façon à en tirer le maximum ; rechercher l’équité en même temps que les gains d’efficience ; planifier, suivre et évaluer l’utilisation efficace des financements alloués aux établissements scolaires.
Le chapitre 1 est consacré à L’importance du capital humain dans les résultats économiques. Le renforcement du capital humain à travers l’enseignement figure en bonne place parmi les priorités de politique structurelle de nombreux pays telles que l’OCDE a pu les identifier. L’enseignement de qualité suppose d’investir dans la durée pour faire acquérir aux individus des connaissances, des compétences et des aptitudes, avec à la clé des gains de productivité, de salaire et de qualité de vie pour chacun. Au niveau macroéconomique, la présence d’une population active instruite est un facteur déterminant pour stimuler la productivité globale, l’innovation et la croissance économique à long terme. Le chapitre passe en revue les éléments empiriques démontrant l’existence d’un lien entre le capital humain et les résultats économiques et propose un indicateur amélioré pour mesurer ce capital humain, comprenant à la fois une dimension qualitative et une dimension quantitative et construit à partir de données du PISA et de l’Enquête de l’OCDE sur les compétences des adultes (PIAAC). Il ressort de l’analyse que le renforcement du capital humain (en particulier du point de vue qualitatif) pourrait générer d’appréciables gains de productivité à long terme, même si ses effets mettront peut-être plus de temps à se matérialiser que ceux d’autres mesures de politique publique.
Le chapitre 2 va au-delà des retombées économiques de l’enseignement pour se tourner vers Les retombées de l’éducation sur le plan social au sens large, pour l’individu et pour la collectivité. L’enseignement de qualité est rentable pour les individus, les groupes humains et la collectivité, au-delà de la seule dimension économique. Les individus mieux instruits vivent plus longtemps et en meilleure santé. Ils s’investissent davantage dans la vie civique et s’engagent plus volontiers en faveur du bien-être de tous. Inscrit dans la durée, l’enseignement de qualité est profitable aux groupes humains également. Il est à même de les rendre plus résilients face aux situations d’urgence, comme la pandémie de COVID‑19, et plus aptes à aller au-devant des défis émergents, tels que le changement climatique. L’éducation peut en outre aider la société à trouver des solutions originales pour s’adapter au changement et à tirer le meilleur parti des nouvelles possibilités qui s’offrent à elle, par exemple avec la transformation numérique. Les retombées de l’éducation sur le plan social au sens large se matérialisent par conséquent à la fois au niveau individuel (jouir d’une meilleure santé, offrir de meilleures perspectives à ses enfants, par exemple) et au niveau collectif, dans la mesure où les retombées à caractère individuel entraînent des externalités positives et rejaillissent sur la société dans son ensemble.
Le chapitre 3 Gouvernance et répartition des financements alloués aux établissements scolaires passe quant à lui en revue les solutions à retenir pour investir dans l’éducation de manière avisée. Nous y verrons comment les dispositifs de gouvernance et les mécanismes d’affectation des fonds peuvent contribuer à une répartition efficiente et équitable des ressources entre les établissements scolaires. Une fois les systèmes scolaires dotés d’une enveloppe globale suffisante, il est important d’employer les ressources là où il y en a le plus besoin. Ce chapitre sera consacré à l’étude d’approches systémiques permettant de gérer, dans sa complexité, la gouvernance du financement des établissements scolaires dans un contexte de décentralisation budgétaire et d’autonomisation des établissements. Il y sera également présenté une série de questions auxquelles les systèmes d’enseignement doivent apporter une réponse lorsqu’ils définissent des mécanismes d’allocation des fonds, en soulignant au passage l’intérêt que peut présenter l’utilisation de formules de financement en fonction des besoins. Enfin, ce chapitre soulignera l’importance de cadres réglementaires adaptés, en ce qui concerne l’octroi de fonds publics à des prestataires privés, pour éviter des conséquences indésirables ou préjudiciables au regard de l’équité.
Le chapitre 4 sera consacré au défi consistant à Mettre le financement des établissements scolaires au service de l’efficience et de l’équité dans l’enseignement. La plupart des pays s’efforcent d’améliorer l’accessibilité, la qualité, l’équité et l’efficience de leurs systèmes d’enseignement. La poursuite simultanée de ces objectifs pose toutefois un réel défi aux responsables de l’élaboration des politiques. La recherche de l’équité et celle de l’efficience dans l’enseignement ont souvent été présentées comme incompatibles sur le plan de l’allocation des ressources. Pourtant, l’une et l’autre peuvent aller de pair, et nous verrons dans ce chapitre comment les concilier à travers l’examen d’éléments et de mesures prometteuses, relevés dans les pays de l’OCDE et organisés autour de quatre axes : investir dans des services d’EAJE de qualité, investir dans le niveau de qualité des enseignants, réduire l’échec scolaire et adapter l’offre scolaire et les réseaux scolaires à l’évolution des attentes.
Le chapitre 5 aura pour objet La planification et le suivi de l’utilisation des financements des établissements scolaires à l’appui de l’équité et de l’amélioration des résultats. Il est indispensable de planifier, suivre et évaluer les dépenses d’éducation pour optimiser les ressources et définir des budgets financièrement viables venant à l’appui d’un enseignement de qualité et répondant aux priorités retenues. Nous verrons dans ce chapitre comment les autorités éducatives et financières peuvent collaborer afin de faire concorder les procédures de planification budgétaire et les priorités stratégiques de l’éducation. Y seront présentées par ailleurs des études de cas de pays de l’OCDE qui sont parvenus à mettre les évaluations, les examens des dépenses et les processus de suivi au service d’une utilisation plus efficace des fonds alloués aux établissements scolaires.