Pierre angulaire d’une éducation de qualité, la distribution efficace et équitable des ressources destinées aux établissements scolaires est un enjeu de taille pour les systèmes éducatifs. Outre des financements suffisants, une distribution efficace des ressources nécessite des dispositifs de gouvernance adéquats et des mécanismes d’allocation des fonds à l’éducation bien conçus. Ce chapitre sera consacré à l’étude d’approches systémiques permettant de gérer, dans sa complexité, la gouvernance du financement des établissements scolaires dans un contexte de décentralisation budgétaire et d’autonomisation des établissements. Il y sera également présenté une série de questions à aborder lors de la définition des mécanismes d’allocation des fonds, en soulignant au passage l’intérêt que peut présenter l’utilisation de formules de financement en fonction des besoins. Enfin, ce chapitre soulignera l’importance de cadres réglementaires adaptés, en ce qui concerne l’octroi de fonds publics à des prestataires privés, pour éviter des conséquences indésirables ou préjudiciables au regard de l’équité.
Optimiser les ressources dans l’enseignement scolaire
3. Gouvernance et distribution du financement de l’éducation : relier efficacement les ressources et l’apprentissage
Abstract
Introduction
La pandémie de COVID‑19 a entraîné une forte augmentation des dépenses d’éducation dans les pays de l’OCDE : environ deux tiers d’entre eux ont relevé leur budget et les autres ont maintenu un niveau de dépenses constant (OCDE, 2021[1]). Cependant, dans un contexte de reprise économique tardive et de révision des priorités budgétaires du fait de l’agression de la Russie contre l’Ukraine, les pays membres se trouvent confrontés à des choix difficiles. Ils doivent distribuer des ressources publiques peu abondantes entre et au sein de différents domaines d’action (éducation, santé, protection sociale) pour soutenir la reprise économique et trouver un équilibre entre les objectifs économiques et sociaux à court et à long terme. Si l’investissement dans l’éducation joue un rôle crucial dans la reprise économique et sociale après la pandémie, il devient clairement prioritaire pour les pouvoirs publics de veiller à une utilisation efficiente et équitable des ressources éducatives.
Du niveau global de financement des établissements scolaires dépend en grande partie la qualité de l’enseignement et des apprentissages. C’est ce que souligne une récente étude quasi expérimentale sur le financement des écoles et les résultats des élèves aux États-Unis (Jackson, 2018[2]). Le niveau global de dépenses détermine sans doute aussi la capacité des systèmes éducatifs à faire face aux défis qui se présentent, comme la pandémie de COVID‑19. De manière générale, des systèmes scolaires qui manquent d’enseignants, de chefs d’établissement et d’auxiliaires de qualité, mais aussi d’équipements et de matériels éducatifs adaptés, auront des difficultés à promouvoir une éducation de qualité (OCDE, 2017[3]). Un investissement insuffisant dans le personnel diminue l’attractivité des carrières dans le secteur éducatif et rend plus difficile à la fois de recruter des professionnels qualifiés et de les maintenir en poste. Les contraintes de ressources, telles que le manque de personnel de qualité, peuvent également limiter la capacité d’innovation pédagogique des établissements (OCDE, 2019[4]). De même, bien que les investissements dans les infrastructures soient rarement le moyen le plus efficace d’améliorer les résultats des élèves, il n’en reste pas moins que des installations insuffisantes, qui ne favorisent pas l’enseignement et l’apprentissage, peuvent nuire à la recherche de l’excellence au sein du système scolaire (OCDE, 2018[5] ; Gunter et Shao, 2016[6]).
Les dépenses globales sont certes importantes, mais au-delà d’un certain niveau d’investissement, la gouvernance et la répartition des fonds alloués aux établissements le sont tout autant pour favoriser l’apprentissage.
Au-delà d’un certain niveau d’investissement, la gouvernance, la répartition et la bonne utilisation des fonds sont au moins aussi importantes pour favoriser l’apprentissage que le montant total investi. La gouvernance des fonds alloués aux établissements scolaires relève des diverses autorités responsables de la collecte, de la gestion et de l’allocation des ressources, de même que les relations entre ces autorités. Dans de nombreux pays, la gouvernance du financement des établissements se caractérise par une décentralisation financière de plus en plus grande, une autonomie accrue des établissements scolaires et un financement public croissant des prestataires privés. Ces tendances, bien que porteuses de nouveaux défis, peuvent permettre d’utiliser les fonds de manière plus efficace et plus équitable si elles reposent sur des dispositifs institutionnels adaptés. D’autre part, la mise au point de mécanismes efficaces d’allocation et de distribution des fonds, entre les niveaux d’administration ou à chaque établissement, est également essentielle pour veiller à ce que le financement des établissements favorise l’apprentissage des élèves, l’équité et les objectifs d’action connexes (OCDE, 2017[3]).
Ce chapitre décrit les pratiques et les procédures mises en œuvre pour gérer et distribuer efficacement les fonds alloués aux établissements, et analyse les difficultés rencontrées. Il est structuré en cinq thèmes :
Premièrement, l’articulation des responsabilités en matière de collecte et d’allocation des fonds alloués à l’enseignement scolaire. Il s’agit notamment du rôle et de la conception des transferts budgétaires en vue d’uniformiser la capacité de dépense des diverses entités, ainsi que de l’utilisation du suivi et de l’évaluation en vue d’assurer la transparence de circulation des ressources.
Deuxièmement, l’importance des approches systémiques pour résoudre les problèmes de complexité que pose la gouvernance du financement des établissements scolaires, problèmes qui peuvent entraîner des défaillances et un manque de transparence. Une gouvernance du financement des établissements scolaires efficace exige une délimitation claire des responsabilités, des mécanismes de coordination adaptés et un renforcement systématique des capacités.
Troisièmement, l’autonomie accrue dont semblent désormais bénéficier les établissements pour gérer leurs propres budgets, et les conditions à mettre en place pour que ces derniers mettent à profit cette autonomie de manière constructive. Les aspects suivants sont notamment étudiés : direction pédagogique compétente, soutien technique et degré de responsabilité, mais aussi les cadres institutionnels adéquats pour faire face au risque de creusement des inégalités entre établissements.
Quatrièmement, le financement public des prestataires privés dans le cadre de politiques plus générales visant à promouvoir le choix des parents et la qualité de l’enseignement, ainsi que l’élaboration de cadres réglementaires permettant de compenser les effets potentiellement néfastes de ces politiques sur l’équité.
Enfin, ce chapitre examine une série de questions de fond qu’il convient de prendre en compte dans l’élaboration d’un modèle d’allocation des ressources pour garantir une répartition transparente et prévisible des ressources, par exemple, l’équilibre à trouver entre financements réguliers et ciblés, la taille des dotations ainsi que l’application de nouveaux mécanismes d’allocation des fonds. Ce thème couvre les approches nationales de répartition des fonds au titre des dépenses courantes et des dépenses en capital. S’agissant des dépenses courantes, l’analyse porte également sur la mise au point de formules de calcul des financements pouvant être ajustées à l’appui des objectifs d’efficience, d’équité et de qualité.
Répartir les responsabilités relatives aux recettes et aux dépenses dans l’enseignement scolaire
La majeure partie des fonds alloués à l’enseignement scolaire provient de l’administration centrale, cependant, dans bien des pays, les autres administrations prennent aussi une part importante au financement des établissements
La majeure partie du financement initial de l’enseignement scolaire provient de l’administration centrale et est principalement issue des recettes fiscales. Les autorités infranationales, cependant, complètent généralement le financement de l’État sur les recettes qu’elles tirent de la fiscalité locale ou de redevances (OCDE, 2017[3])1. En 2019, dans les pays de l’OCDE, 59 % en moyenne du financement public de l’enseignement non supérieur émanaient de l’administration centrale, avant transferts interadministrations (Graphique 3.1) (OCDE, s.d.[7]). Les autorités locales fournissaient de leur côté 27 % du financement initial, les régions 15 % (OCDE, s.d.[7])2.
Le financement décentralisé des établissements scolaires exige un harmonisation des compétences en matière de recettes et de dépenses et un bon équilibre des responsabilités et de la confiance entre les différents acteurs concernés
Dans de nombreux pays, les autorités infranationales s’affirment comme des acteurs importants dans l’affectation et la gestion des fonds destinés aux établissements scolaires (OCDE, 2017[3]). Si la décentralisation budgétaire permet aux administrations infranationales d’adapter les décisions de financement des établissements scolaires aux besoins locaux, elle n’est toutefois pas sans nécessiter certains compromis (perte d’économies d’échelle, par exemple) (OCDE, 2021[8]). Par conséquent, elle doit être organisée de telle manière que ces administrations disposent des moyens nécessaires pour répondre aux besoins des élèves, mais aussi de la capacité requise pour être à la hauteur de leurs responsabilités financières. Les différents niveaux d’administration doivent pour cela parvenir à une évaluation commune des besoins de financement ainsi qu’à un savant dosage de responsabilité et de confiance entre eux (OCDE, 2017[3]). Quand bien même le financement est décentralisé, l’administration centrale demeure souvent comptable de la qualité, de l’efficience et de l’équité de l’éducation sur le plan national et, de ce fait, pourra souhaiter exercer un droit de regard sur les dépenses engagées et les résultats obtenus aux échelons subalternes. Ces derniers peuvent, de leur côté, percevoir cette supervision comme une ingérence (Schaeffer et Yilmaz, 2008[9]).
Les compétences en matière de collecte et de dépense des fonds destinés aux établissements scolaires doivent être bien équilibrées pour encourager une utilisation efficiente des ressources financières (OCDE, 2017[3]). Les responsabilités en matière de financement de l’éducation et de dépenses d’éducation étant dispersées entre les différents niveaux d’administration, il est possible que ces derniers soient moins motivés à assurer une allocation équitable des ressources d’une part, et un usage responsable de ces ressources de l’autre (OCDE, 2017[3]). Ainsi, là où la levée des fonds nécessaires à la rémunération des enseignants et les décisions concernant l’emploi de ceux-ci sont dissociées, on sera moins enclin à adapter les niveaux d’encadrement à l’évolution des effectifs d’élèves (OCDE, 2019[4]).
Les systèmes scolaires qui accordent aux autorités infranationales des compétences conséquentes en matière de dépenses pourraient alors accroître les responsabilités de levée de fonds de ces dernières et leur autonomie budgétaire à la marge. Les pays nordiques, par exemple, accordent généralement aux administrations locales un droit de regard important sur le taux de l’impôt sur le revenu des personnes physiques ; une pratique reprise par certains pays d’Europe centrale et orientale. Le fait d’avoir leurs propres recettes fiscales peut encourager les administrations infranationales à définir une offre de service public qui réponde aux souhaits de la population locale, les aider à mobiliser des moyens supplémentaires en faveur de l’enseignement scolaire et les dissuader d’engager des dépenses excessives en leur imposant une contrainte budgétaire rigoureuse (OCDE, 2017[3] ; OCDE, 2021[8]).
La décentralisation budgétaire risque de créer des inégalités au regard des ressources à la disposition des collectivités locales et exige la mise en place de mécanismes de péréquation adaptés
Cela étant, accroître la proportion de recettes propres dans les budgets que les administrations infranationales consacrent à l’éducation présente aussi le risque de créer des inégalités géographiques quant aux fonds disponibles pour les établissements scolaires. Les territoires les plus riches seront le plus souvent les mieux à même de lever leurs propres fonds et de fournir un niveau de financement adapté par rapport au nombre d’élèves. Aux États-Unis, par exemple, avant les années 70, la majeure partie des ressources consacrées au financement de la scolarité obligatoire étaient collectées au niveau local et provenaient principalement des impôts fonciers. L’assiette de ces impôts étant, en règle générale, d’autant plus élevée que la valeur des logements est importante, les collectivités où vivait une population aisée pouvaient consacrer davantage d’argent à chaque élève (Jackson, Johnson et Persico, 2015[10]).
Les transferts de ressources de l’administration centrale aux administrations infranationales (transferts verticaux) ou entre ces dernières (transferts horizontaux) peuvent être un moyen de faire en sorte que tous les territoires soient en mesure d’offrir des services équivalents à niveau d’imposition égal, et de garantir ainsi l’égalité des chances entre les élèves. Les transferts financiers peuvent aussi contribuer à corriger les écarts entre les recettes et les dépenses des administrations infranationales. Le fait est que les compétences de ces administrations en matière de dépenses se sont accrues bien plus vite que leurs compétences en matière fiscale, d’où des déséquilibres budgétaires (OCDE, 2017[3] ; OCDE, 2021[8]). Une fois pris en compte les transferts verticaux, la part de l’administration centrale dans le financement de l’enseignement non supérieur passe de 59 % à 44 %, tandis que celle des collectivités locales augmente, par voie en conséquence, de 26 % à 42 % (Graphique 3.1. ci-dessus). En Corée, en Lituanie, au Mexique, en Pologne et en République slovaque, la différence de pouvoir de financement, avant et après transferts, représente plus de 50 points de pourcentage (OCDE, 2021[11]).
L’Examen des ressources scolaires de l’OCDE nous présente l’exemple de différents pays qui ont mis en place des mécanismes de transfert et de péréquation en parallèle aux réformes déléguant aux administrations infranationales certaines responsabilités en matière de financement (Encadré 3.1).
Encadré 3.1. Mécanismes de transfert et de péréquation introduits par différents pays dans le cadre de la décentralisation du financement de l’éducation
Lorsque le Brésil, au milieu des années 90, a décentralisé son système de financement de l’éducation, il a créé le Fonds pour le maintien et le développement de l’enseignement élémentaire et la valorisation de la profession enseignante (Fundo para Manutenção e Desenvolvimento do Ensino Fundamental e Valorização do Magistério, FUNDEF) afin de corriger les importants déséquilibres observés entre les régions pour ce qui est du montant des dépenses par élève. Les autorités étatiques et municipales étaient tenues de reverser une part de leurs recettes fiscales à ce fonds, qui était ensuite redistribué à ceux chez qui ce ratio de dépenses était inférieur à un montant donné. Le FUNDEF n’a pas empêché les régions les plus riches d’accroître leurs dépenses globales plus rapidement que ne le faisaient les régions plus pauvres, mais il a néanmoins joué un important rôle de redistribution. Il a par ailleurs permis d’augmenter le niveau des dépenses en termes absolus et de donner une meilleure visibilité sur les transferts. Le FUNDEF a été réformé en 2007 et rebaptisé Fonds pour le maintien et le développement de l’enseignement primaire (Fundo de Manutenção e Desenvolvimento da Educação Básica, FUNDEB), puis relancé en 2021 avec un nouveau mandat et en tant que partie intégrante du système de financement des établissements scolaires.
Le système scolaire de la Colombie est relativement décentralisé : le financement des autorités régionales et locales habilitées à s’occuper de l’éducation provient principalement du budget de l’État, mais elles peuvent également y contribuer sur leurs propres deniers. Le principal mécanisme de financement est le Système général de transferts (Sistema General de Participaciones, SGP) qui répartit les recettes de divers services publics entre l’administration centrale et les administrations infranationales. La ventilation des ressources du SGP est propre à chaque secteur. Concernant l’éducation, le SGP alloue chaque année une quote-part par élève aux administrations infranationales. Les quotes-parts sont établies selon différents critères d’équité et d’efficience, selon le secteur géographique (urbain ou rural) et selon le nombre d’élèves inscrits l’année précédente. Des suppléments sont versés pour certains profils (élèves ayant des besoins éducatifs particuliers, par exemple). Le SGP distribue par ailleurs des ressources destinées à l’amélioration de la qualité dans les établissements scolaires ou au financement des retraites et des services de santé dans le secteur éducatif.
Au Danemark, les communes sont les principaux prestataires de services publics, et leur compétence s’étend notamment à l’enseignement primaire et au premier cycle du secondaire. L’essentiel de leurs dépenses est financé par les dotations publiques et la fiscalité locale. Le montant global de ces dotations est négocié chaque année avec l’État. L’enveloppe allouée à chacune est principalement fonction du nombre d’habitants. Il existe d’autre part un système de péréquation financière qui prend en compte à la fois les recettes fiscales et les dépenses nécessaires compte tenu de la pyramide des âges et de la structure socioéconomique de la population. Il vise à assurer un niveau comparable d’offre de service aux communes en ajustant les budgets locaux en fonction de la taille et de la composition des populations locales.
En Pologne, la décentralisation de l’éducation s’est inscrite dans un mouvement national de plus grande ampleur enclenché en 1990. Le principal transfert de fonds de l’État aux collectivités (la « subvention générale ») est constitué de plusieurs éléments calculés séparément. L’élément éducatif est calculé en fonction du nombre d’élèves et de divers coefficients correspondant à la disparité du coût de l’éducation en fonction de la catégorie d’élèves. L’élément de péréquation, calculé selon une formule établie, assure aux collectivités les plus défavorisées jusqu’à 90 % de la différence de recettes moyennes, rapportées au nombre d’habitants, par rapport aux collectivités ayant une population scolaire comparable.
Source : OCDE (2017[3]), The Funding of School Education: Connecting Resources and Learning, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264276147-en ; Radinger et al. (2018[12]), OECD Reviews of School Resources: Colombia 2018, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264303751-en.
La nature des transferts budgétaires a une incidence sur l’autonomie des administrations infranationales quant aux dépenses consacrées à l’enseignement scolaire et à leur gestion par l’administration centrale
Les conditions attachées aux transferts interadministrations peuvent avoir une influence considérable sur l’usage qui est fait des fonds. Les dotations peuvent être destinées à un emploi précis (dotations affectées), à un certain type de dépenses de manière plus générale (dotation globale) ou ne pas avoir de destination particulière (dotations forfaitaires). La nature des conditions attachées au versement d’une dotation aura une incidence sur la répartition des responsabilités entre les échelons administratifs et déterminera la latitude de décision laissée aux administrations infranationales ainsi que la rigueur du contrôle exercé par l’État (OCDE, 2017[3]).
Les dotations forfaitaires confèrent un maximum d’autonomie aux autorités infranationales en leur permettant de déterminer à discrétion quelle part des fonds consacrer à l’enseignement scolaire. Dans ce cas de figure toutefois, il leur sera plus difficile de faire en sorte que le budget de l’éducation ne se ressente pas des tensions créées par les besoins de financement d’autres services publics locaux. Les dotations globales sont conditionnées à un usage particulier (par exemple, les dépenses courantes de l’enseignement préprimaire et primaire). Les administrations infranationales gardent encore une liberté de décision très appréciable, concernant entre autres la proportion à consacrer aux salaires ou aux dépenses de fonctionnement. Les dotations affectées sont en revanche plus contraignantes et permettent à l’administration centrale d’exercer un contrôle plus étroit sur les dépenses et les actions en exigeant que les fonds soient réservés à des postes de dépenses précis (OCDE, 2017[3]) Les fonds peuvent, par exemple, être destinés à garantir des niveaux minimums de dépenses au profit de certaines catégories de personnel, pour l’acquisition de supports pédagogiques ou en faveur de tel ou tel groupe d’élèves. (OCDE, 2018[5] ; OCDE, 2019[4])
Quelques pays, dont le Danemark et la Suède, ont de plus en plus eu recours aux subventions fléchées au fil des ans pour guider l’utilisation des fonds par les communes (OCDE, 2017[3]). Dans l’ensemble du secteur public et à l’échelle internationale, néanmoins, une légère tendance à délaisser les dotations affectées au profit de dotations sans affectation particulière semble pouvoir être observée, le pilotage des dépenses se faisant alors par la réglementation et l’accent mis sur les résultats et la performance (Blöchliger et Kim, 2016[13] ; OCDE, 2021[8]).
La conception des mécanismes de transfert budgétaire doit tenir compte d’un certain nombre de difficultés
S’ils contribuent largement à financer la prestation de services et à équilibrer les finances des administrations infranationales, les transferts budgétaires ont aussi leurs inconvénients propres (OCDE, 2017[3] ; OCDE, 2021[8]). Tout d’abord, les transferts émanant de l’administration centrale seront susceptibles d’amplifier la fluctuation des ressources des administrations infranationales et de compliquer la planification à moyen terme puisqu’ils ont généralement un caractère procyclique (ils sont généralement plus importants en période de croissance et diminuent en période de crise). Ensuite, le fait d’ajuster le montant des dotations aux recettes des administrations locales pourrait dissuader celles-ci de lever des fonds par elles-mêmes et, partant, de réduire l’ensemble des moyens mobilisés en faveur de l’éducation. Cet effet incitatif est particulièrement prononcé dans le cas des communes riches, lesquelles pourraient avoir besoin de recettes supplémentaires importantes pour parvenir à une augmentation marginale de leurs dépenses en biens publics locaux (Hoxby, 1998[14]). En troisième lieu, un recours important aux subventions de l’administration centrale les inciterait probablement à laisser filer les dépenses, en escomptant que celles-ci seront couvertes par de nouveaux transferts, et contribuerait ainsi au creusement des déficits et de la dette. Enfin, la détermination du montant des subventions et les méthodes de calcul elles-mêmes peuvent aussi poser problème (Blöchliger et Kim, 2016[13] ; Busemeyer, 2008[15]). Aussi est-il important de s’attacher, dans la conception des mécanismes de transfert budgétaire, à rechercher l’implication des parties prenantes sans favoriser pour autant la recherche de rente et les distorsions politiques (par l’entremise d’organismes indépendants ou par des procédures budgétaires en deux temps, par exemple) (OCDE, 2017[3] ; OCDE, 2021[8]).
La pandémie de COVID‑19 s’est accompagnée de difficultés particulières pour des systèmes de péréquation qui peinent à réagir aux nouvelles crises à court terme. Lorsque les fonds des transferts de péréquation sont destinés à des sources de recettes précises ou plafonnés à un certain taux de croissance, une baisse des recettes sous l’effet de la pandémie est possible, ce qui ferait baisser les transferts. Il est également courant de relier les transferts de péréquation à des indicateurs retardés de capacité contributive ou à une moyenne mobile. Les transferts interadministrations risquent alors de creuser les inégalités géographiques en temps de crise lorsque le besoin d’intervention ne suit pas les schémas précédents (OCDE, 2021[8]).
Si bien pensés soient-ils, les mécanismes de péréquation ne suffiront pas nécessairement à empêcher une forte hétérogénéité des dépenses d’éducation entre les collectivités dans les systèmes décentralisés. Ainsi, d’après les données citées dans Regards sur l’éducation 2021, aux États-Unis, l’État qui consacrait le plus de moyens par élève dépensait pratiquement trois fois plus que celui qui en consacrait le moins. Des variations régionales de moindre envergure sont observées en Allemagne, en Espagne et en Suisse (Graphique 3.2 (OCDE, 2021[11])). Ces écarts peuvent signaler des priorités différentes en matière d’instruction publique, la possibilité pour certaines collectivités de réaliser des gains d’efficience et/ou l’éventuelle présence d’inégalités dans les services éducatifs assurés aux élèves. L’une des solutions envisageables pour garantir un minimum de financement à tous les établissements consiste à leur réserver, en fonction des besoins évalués, une partie des fonds centraux, le reste pouvant être utilisé à la discrétion des administrations infranationales. Il conviendrait par ailleurs d’encourager et d’aider ces administrations à confronter leurs stratégies de financement des établissements scolaires (OCDE, 2017[3]).
La décentralisation budgétaire devrait s’accompagner d’un système adéquat de suivi, d’évaluation et de production de rapports pour garantir la transparence des flux de ressources
Enfin, l’élargissement des compétences dévolues aux administrations infranationales en ce qui concerne les dépenses, les recettes et le recours à l’emprunt ne va pas sans compliquer le contrôle budgétaire et l’information financière (Schaeffer et Yilmaz, 2008[9]). Des procédures adaptées de suivi, d’évaluation et de production de rapports doivent être prévues pour veiller à ce que les fonds que le pouvoir central transfère aux administrations infranationales soient utilisés de manière efficiente et dans le respect du cadre juridique en vigueur. Il est souhaitable que les bénéficiaires de ces transferts communiquent les renseignements nécessaires, au sujet de leurs budgets d’éducation, pour faire plus de transparence sur la circulation des ressources (OCDE, 2017[3]).
Face à la complexité du financement décentralisé des établissements scolaires, adopter une stratégie systémique
La répartition des responsabilités relatives au financement des établissements scolaires est complexe dans de nombreux pays
Dans bien des systèmes éducatifs, la répartition des responsabilités relatives au financement est complexe et varie parfois selon le type de ressources (dépenses de fonctionnement ou d’investissement, par exemple) et la nature de l’enseignement dispensé (général ou professionnel, par exemple) (OCDE, 2021[11]). C’est ainsi que, dans la plupart des pays, il incombe aux collectivités locales de pourvoir à la gestion et au financement de l’instruction élémentaire (préprimaire et primaire essentiellement, parfois premier cycle du secondaire) tandis que le secondaire et le deuxième cycle du secondaire degré relèvent plus généralement de la compétence des régions ou de l’État (OCDE, 2017[3]). Autre exemple : le contrôle plus étroit exercé par l’État sur les dépenses d’investissement par rapport aux dépenses de fonctionnement. Il ressort de l’Examen des ressources scolaires de l’OCDE que les autorités centrales s’occupent davantage des dépenses d’investissement que des dépenses courantes, mais tous les pays participants sauf un déclarent que les responsabilités relatives aux dépenses d’investissement sont partagées, le plus souvent entre des autorités centrales et locales (OCDE, 2018[5]). Enfin, la gestion des ressources en personnel et des budgets y afférents est généralement du ressort de multiples intervenants. Ce sera, par exemple, aux établissements de recruter les enseignants pour lesquels ils reçoivent des fonds de l’administration centrale, tandis que les administrations locales prendront en charge la rémunération du personnel administratif (OCDE, 2019[4]).
Une décentralisation réussie suppose une délimitation claire des responsabilités, de bons mécanismes de coordination et une gestion adéquate des données
Le financement efficace et transparent des établissements scolaires exige une délimitation nette des responsabilités confiées aux différents intervenants ainsi que des mécanismes qui permettent à ces derniers de se coordonner. Il convient de désigner clairement qui est responsable du financement de chaque niveau et type d’enseignement ainsi que des différents types de ressources – emploi des enseignants, des chefs d’établissement et autres personnels, dépenses d’investissement et d’entretien, et services auxiliaires, y compris restauration et transports scolaires, par exemple. Dans un contexte de décentralisation, il importe que chaque niveau d’administration rende compte des dépenses qu’il décide. La responsabilisation des administrations infranationales exige de même la mise en place, à tous les niveaux, de structures de contrôle fiables fondées sur la coopération (OCDE, 2017[3]).
La coordination est tout aussi importante pour faciliter les arbitrages et concilier les considérations à court et à long terme quant à l’emploi des ressources scolaires dans les systèmes multiniveaux. À titre d’exemple, la répartition des responsabilités relatives à l’utilisation des fonds dédiés au personnel aura une incidence sur la marge de manœuvre dont disposent les intervenants concernés pour déterminer les effectifs et les profils de poste ainsi que sur l’adéquation entre les décisions d’embauche et les besoins spécifiques de l’établissement (OCDE, 2019[4]). De même, la répartition des responsabilités touchant aux dépenses d’investissement et d’entretien aura une incidence sur l’évaluation des interactions entre ces deux types de dépenses et sur la répartition la plus efficiente possible des ressources. Les dépenses d’investissement peuvent avoir une incidence à long terme sur les dépenses d’entretien, tout comme le fait de surseoir à des réparations peut nécessiter à la longue des travaux importants (OCDE, 2018[5]).
L’expérience acquise par les participants à l’Examen des ressources scolaires mené par l’OCDE montre que la complexité des dispositifs mis en place pour assurer la gouvernance des fonds destinés aux établissements scolaires peut amoindrir l’efficience lorsqu’il y a chevauchement de responsabilités ainsi que la transparence, la responsabilisation et la confiance quant à l’utilisation et la circulation des ressources financières. Des problèmes d’efficience peuvent apparaître là où des pans entiers du système scolaire sont gérés par des niveaux d’administration différents et pour ainsi dire en vase clos. Il peut aussi, en pareil cas, se révéler difficile de gérer correctement l’information relative à l’utilisation des fonds et son incidence sur l’équité et la qualité en termes d’apprentissage, de bien-être et de développement des élèves (OCDE, 2017[3]).
Encadré 3.2. Réforme de la gestion du financement des écoles : l’exemple de l’Autriche
Dans le cadre d’un plus vaste train de réformes de l’école adopté en 2017, l’Autriche a réorganisé l’administration des établissements fédéraux et provinciaux. C’est ainsi que des conseils généraux de l’éducation (Bildungsdirektionen) ont été mis en place dans chaque province en 2019. Le morcellement des responsabilité par niveau et type d’établissement entre le gouvernement fédéral et les provinces avait jusqu’alors fait obstacle à une utilisation transparente et efficiente des ressources. Outre la réorganisation administrative, la réforme visait à améliorer la transparence, l’efficacité et l’efficience de l’utilisation des ressources en introduisant un système plus global de contrôle de l’éducation. Celui-ci couvre tous les établissements et concerne la gestion de la qualité, le suivi de l’enseignement et le contrôle des ressources. Un cadre d’allocation indicielle des ressources (Chancenindex) a par ailleurs été introduit dans le but d’établir des critères plus uniformes et transparents sur la distribution des fonds dédiés aux enseignants. Ce Chancenindex alloue des ressources complémentaires en fonction du milieu dont sont issus les élèves, et des inspections scolaires permettent un ciblage plus nuancé des établissements. L’utilisation des ressources devrait en outre être plus transparente et plus efficiente grâce à un système électronique uniforme de gestion du personnel pour tous les enseignants, au niveau tant fédéral que régional.
Source : OCDE (2019[16]), Education Policy Outlook 2019: Working Together to Help Students Achieve their Potential, https://dx.doi.org/10.1787/2b8ad56e-en ; OCDE (2017[3]), The Funding of School Education: Connecting Resources and Learning, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264276147-en ; BMBWF (2017[17]) Bildungsreform: Autonomiepaket und Bildungsdirektion Informationsunterlage (Education reform: school autonomy deal and Joint Boards of Education Information sheet), https://www.bmbwf.gv.at/dam/jcr:24746cd7-9c94-4468-90e0-bac523eb225a/brf_ueb.pdf.
La solution à ces problèmes, qui tiennent à la complexité de la gouvernance du financement des établissements scolaires, passe nécessairement par l’adoption d’une approche systémique qui amène à réfléchir à la fois aux structures (par exemple, nombre idéal de niveaux de gouvernance) et aux processus (par exemple, participation des parties prenantes, dialogue ouvert et utilisation de données probantes et de résultats de recherches). Réformer uniquement les structures, sans tenir compte des processus qui les sous-tendent, ne permet pas d’aboutir à des solutions systémiques et durables. De manière générale, la réduction du nombre de strates intermédiaires par lesquelles transitent les financements avant de parvenir aux établissements scolaires peut alléger les formalités et faciliter le pilotage des dépenses par l’administration centrale. D’autre part, une meilleure disponibilité des données sur différents aspects du financement des établissements entre les niveaux d’administration et les institutions peut faciliter le suivi de l’efficacité du financement et assurer la transparence sur l’utilisation des ressources aux divers échelons du système scolaire (OCDE, 2017[3]). L’Encadré 3.2 décrit, à titre d’exemple, une réforme à grande échelle visant à réduire la complexité de la gestion et de la répartition des ressources en Autriche.
Dans les systèmes décentralisés, il importe également de renforcer les capacités de gestion des fonds à l’échelon local
Là où les administrations infranationales jouent un rôle central dans la gestion du financement des établissements scolaires, le renforcement des compétences techniques et administratives à l’échelon local est indispensable. La décentralisation du financement des établissements scolaires génère en effet d’importantes contraintes pour les autorités locales sur les plans de la planification budgétaire et de la gestion financière. Les communes plus petites, sans doute moins expérimentées et moins bien pourvues en personnel, peuvent éprouver de difficultés, ce qui peut engendrer ou creuser des inégalités régionales (Dafflon, 2006[18]). Le renforcement des capacités est particulièrement important dans les pays comptant un grand nombre de petites communes, comme l’Autriche, la France, la Hongrie, la République tchèque, la République slovaque et la Suisse. Le morcellement horizontal des responsabilités de financement des établissements scolaires risque dans ces cas de nuire à la qualité des services publics et de causer des inefficiences (OCDE, 2017[3] ; OCDE, 2021[8]).
La formation professionnelle et l’appui sont deux leviers que l’on pourra envisager d’actionner pour renforcer leurs capacités. Les cadres de compétences applicables aux responsables et administrateurs locaux, qui indiquent les compétences requises dans le domaine de la gestion financière, peuvent servir de boussole pour la formation et le développement professionnel, de même que pour les recrutements (OCDE, 2017[3]). L’amélioration du niveau de compétences des responsables locaux dépend cependant non seulement de la capacité des intéressés, mais aussi des structures institutionnelles dans lesquelles s’inscrit leur activité. Cela concerne notamment leur accès aux informations essentielles, ainsi que les mécanismes de suivi et de remontée d’information se rapportant aux travaux des autorités municipales et de leurs services. Le développement des capacités des autorités locales peut également passer par la création de réseaux et d’espaces de collaboration (à travers, par exemple, la mise en commun de personnel spécialisé dans les domaines de la gestion budgétaire, du contrôle financier et de l’exploitation des données sur la performance), lesquels ont jusqu’ici été encore trop peu utilisés (OCDE, 2017[3]). Dans la mesure où il s’agit d’une entreprise complexe et qui demande du temps, le renforcement des capacités sera dans l’idéal réfléchi à l’avance et fera l’objet d’une planification stratégique (Burns, Köster et Fuster, 2016[19]).
La Norvège apporte un exemple d’investissement systématique dans le renforcement des capacités à tous les niveaux du système, guidé par des analyses menées à l’échelon local et la prise de décisions au sein de réseaux de communes. Le pays a une longue tradition de décentralisation : les régions sont chargées des établissements du deuxième cycle du second degré et les communes sont responsables de la petite enfance, du primaire et du premier cycle du secondaire. Si les dispositifs de gouvernance favorisent la participation des administrations locales, celles-ci n’ont peut-être pas toujours les capacités requises. Pour inscrire l’amélioration de l’éducation dans une démarche plus durable et corriger les écarts de capacités entre les administrations locales, un nouveau modèle de développement collectif des compétences a été introduit pour les écoles. Ce modèle repose sur trois piliers complémentaires : 1) un système décentralisé qui doit garantir que toutes les communes prennent des mesures en faveur du développement des compétences en leur apportant des fonds d’État ; 2) un système de suivi grâce auquel les communes et comtés dont les résultats demeurent médiocres dans des domaines clés de l’enseignement et de la formation se voient proposer aide et conseils par l’administration centrale ; 3) un système d’innovation qui doit apporter davantage de connaissances tirées de la recherche au sujet du système scolaire. Le nombre de communes et de régions a été réduit dans le cadre d’une réforme des administrations locales en vigueur depuis 2020, engagée dans un but d’amélioration de la qualité, de l’équité et de l’efficience (OCDE, 2019[20] ; OCDE, 2020[21]).
Des réseaux de conseillers peuvent aussi venir soutenir les administrations locales dans leurs activités en lien avec l’éducation et compléter d’autres stratégies de renforcement des capacités. C’est ainsi qu’au Danemark, le ministère de l’Éducation a créé un corps national de consultants en éducation, chargé de conseiller les communes (et les établissements scolaires) dans leurs efforts d’amélioration. Cette initiative favorise l’apprentissage mutuel à la fois en partageant l’expertise avec les autorités locales et en faisant remonter les expériences locales vers l’administration centrale (OCDE, 2019[4]).
Quelques pays comptant un grand nombre de petits prestataires ont choisi de les regrouper pour qu’ils disposent ainsi de la capacité nécessaire à une gestion efficace des ressources (voir l’exemple de la Norvège plus haut). D’autres envisagent de confier cette responsabilité à des échelons administratifs plus élevés ou de créer de nouveaux organes administratifs qui se chargeraient de gérer les ressources d’un nombre plus important d’établissements scolaires. C’est le cas du Chili, pays qui a amorcé, depuis 2015, une recentralisation de son système scolaire public, où les services locaux de l’éducation et la Direction nationale de l’enseignement public prennent petit à petit le relais des communes. Le transfert de compétences devrait toucher à son terme d’ici 2025 (OCDE, 2019[16]). Une évaluation de la première année de mise en œuvre de la réforme semble indiquer que ce type de réorganisation structurelle devrait être accompagné d’un renforcement des capacités dans la durée, avec création de réseaux horizontaux, afin de déboucher sur des améliorations tangibles de l’enseignement et des apprentissages (Anderson, Uribe et Valenzuela, 2021[22]). De même, en Hongrie, l’État a repris à sa charge l’entretien des écoles, délégué aux collectivités locales jusqu’en 2011, pour remédier aux problèmes causés par la décentralisation (OCDE, 2019[16]). Lorsqu’il y a recentralisation de compétences, il est important que les décisions financières soient prises après consultation des parties prenantes locales et restent en phase avec les besoins à cet échelon (OCDE, 2017[3]).
Rendre les établissements scolaires autonomes dans la gestion et l’emploi des fonds
Les établissements scolaires ne disposent pas dans tous les pays de la même autonomie quant à leurs ressources
Depuis le début des années 1980, de nombreux pays, membres de l’OCDE ou non, comme le Canada, l’Espagne, la Finlande, Hong Kong (Chine), Singapour et la Suède, ont octroyé aux établissements scolaires une plus grande latitude d’action, sur le plan à la fois des programmes d’enseignement et de l’emploi des ressources, quoiqu’à des échelons différents (Eurydice, 2007[23] ; Wang, 2013[24]). Si ces réformes ne procédaient pas partout des mêmes motifs, la finalité escomptée était généralement de rendre les établissements scolaires plus réactifs aux besoins des populations locales, d’alléger les formalités administratives et de créer un environnement favorable à l’innovation (Burns et Köster, 2016[25] ; Bullock et Thomas, 1997[26]).
Les établissements scolaires jouissent d’un maximum d’autonomie quant à l’emploi de leurs ressources lorsqu’une part importante du financement fourni par les autorités centrales et les administrations infranationales l’est sous la forme de dotations budgétaires globales. Dans d’autres systèmes éducatifs, ils bénéficient d’une autonomie moyenne dans la mesure où ils reçoivent des ressources financières dont l’emploi est assorti de conditions. Les subventions sont ainsi parfois destinées exclusivement à un poste de dépenses précis (les dépenses de fonctionnement, par exemple) ou à un usage particulier (le développement professionnel, par exemple). En revanche, les systèmes qui fournissent aux établissements scolaires des ressources en nature ou qui prévoient des paiements directs par les autorités supérieures, ne laissent que peu d’autonomie quant à l’allocation des ressources (OCDE, 2017[3]).
L’autonomie en matière de ressources exige une direction pédagogique et un appui technique solides
L’autonomie budgétaire des établissements scolaires peut présenter de multiples avantages, néanmoins la recherche et l’expérience donnent à penser que ses liens avec les performances des établissements n’est pas manifeste et que l’élargissements des responsabilités financières n’est pas une solution universelle. Dans l’ensemble, les élèves qui ont obtenu les meilleurs résultats en sciences aux tests du PISA 2015 fréquentaient un établissement dont le dirigeant avait une plus grande latitude quant à l’emploi des ressources (établissement du budget, recrutement et licenciement de personnel, par exemple), mais seulement si l’on compare les pays où les chefs d’établissement indiquaient avoir une liberté d’action, sur le plan pédagogique, supérieure à la moyenne OCDE (Graphique 3.3).
Il est probable par conséquent que les avantages du transfert de responsabilités en matière budgétaire se matérialiseront dans la mesure où les établissements scolaires sauront utiliser à bon escient l’autonomie qui leur est accordée et faire face aux difficultés qui l’accompagnent. Il faut donc consacrer des moyens à la direction des établissements et lui apporter un soutien adapté sur les plans administratif et technique. Des mesures relativement faciles à mettre en œuvre, dont la formation à la gestion du temps, pourraient aider les chefs d’établissement à mieux concilier leurs responsabilités pédagogiques et administratives, à consacrer davantage de temps aux tâches jugées prioritaires et à travailler plus sereinement (OCDE, 2019[4]). Responsables de leurs propres fonds, les établissements scolaires doivent mettre en place des systèmes de budgétisation et de comptabilité, gérer contrats et passations de marchés et discuter des questions touchant aux ressources avec l’ensemble de la communauté scolaire. Dans certains pays, comme en Angleterre (Royaume-Uni), le système scolaire aide concrètement les établissements à faire face à ces responsabilités et accroître l’efficacité de leurs dépenses (biens et services hors personnel, par exemple) (Encadré 3.3).
L’extension de l’autonomie des établissements scolaires en matière budgétaire exige des stratégies pour atténuer les éventuelles inégalités et responsabiliser les établissements quant à l’utilisation des ressources
Qui plus est, pour que l’autonomisation n’exacerbe pas les inégalités entre les établissements scolaires, un cadre réglementaire et institutionnel complet doit être mis en place (Bullock et Thomas, 1997[26]). Il est particulièrement difficile aux établissements de petite taille et à ceux qui sont défavorisés de se doter des capacités nécessaires à la gestion des ressources. L’un des moyens de prévenir d’éventuelles inégalités consiste à élargir l’autonomie de manière sélective en ciblant les établissements qui disposent des capacités nécessaires ou qui peuvent mettre en commun leurs ressources administratives (ressources humaines, locaux et infrastructure d’arrière-plan). Les associations scolaires constituées en Communauté flamande de Belgique sont un bon exemple de plateforme collaborative aidant les établissements à réaliser des économies à travers la mutualisation de ressources. Si la formation de ces associations, tout comme l’adhésion, s’adresse aux établissements volontaires, les pouvoirs publics proposent des incitations sous la forme de ressources supplémentaires en personnel qui peuvent être mises en commun entre les adhérents (OCDE, 2017[3]).
Enfin, l’extension de l’autonomie budgétaire des établissements doit être accompagnée par des procédures efficaces de suivi et d’évaluation permettant de vérifier que les fonds sont employés conformément aux objectifs généraux qui ont été fixés et que tous les élèves bénéficient d’une instruction de qualité. Les conseils d’établissement peuvent jouer un rôle essentiel par le suivi à l’échelon local et la responsabilisation horizontale et devraient bénéficier d’orientations, de ressources et d’informations utiles à cette fin. Il serait souhaitable que les évaluations des établissements scolaires prennent en compte l’utilisation que ceux-ci font de leurs ressources financières au service des objectifs généraux du système scolaire ainsi que de l’instruction et du développement des élèves. Les pays dans lesquels les établissements scolaires jouissent d’une vaste autonomie devraient également encourager la diffusion d’informations au sujet des budgets de ces établissements ainsi que d’informations au sujet des projets d’établissement et des autres activités menées par les établissements (OCDE, 2017[3]).
Encadré 3.3. Initiatives visant à aider les établissements scolaires dans la gestion de leurs ressources et accroître l’efficience des dépenses, hors dépenses de personnel, en Angleterre (Royaume-Uni)
L’Angleterre (Royaume-Uni) a pris diverses initiatives pour aider les établissements scolaires à gérer leurs ressources et à les employer à meilleur escient (hors dépenses de personnel) face aux pressions budgétaires.
La Schools’ Buying Strategy, lancée par le ministère de l’Éducation en 2017, visait à aider les établissements scolaires à économiser sur les dépenses, hors dépenses de personnel, en transmettant différents outils et conseils utiles sur la gestion de budget à leurs dirigeants et gestionnaires financiers (souvent désignés par le terme School business managers). Dans le cadre d’une plus vaste entreprise de professionnalisation du personnel chargé de la gestion financière, le ministère a recueilli un ensemble d’orientations fondées sur de bonnes pratiques et d’indications concrètes, détaillant par exemple la marche à suivre à chaque étape d’une procédure de passation de marché. Parmi les outils qu’il a mis à la disposition des établissements figure également un système d’études comparatives en ligne qui permet à chacun de confronter ses dépenses, dans leur ensemble et par postes, avec celles d’autres établissements au profil similaire pour isoler les sources d’inefficacité et les éventuels gisements d’économies.
De nombreux établissements ayant des difficultés à se procurer un grand nombre de biens et de services dans un environnement de marché complexe, le ministère leur a offert la possibilité de profiter de tarifs négociés à l’échelle nationale et de réaliser des économies d’échelle grâce à des accords-cadres appelés National Deals. Ces « accords nationaux » permettent de réaliser des économies sur les contrats existants en ce qui concerne notamment la fourniture d’eau et d’électricité, les licences de logiciel et le matériel informatique. Le même programme comprend également des prêts sans intérêts destinés à financer des travaux d’économie d’énergie ainsi que le dispositif Risk protection arrangement, proposant une police d’assurance avantageuse par rapport aux tarifs pratiqués par les compagnies d’assurance d’entreprise.
En avril 2020, la stratégie d’achats (Schools’ buying strategy) avait permis aux établissements scolaires d’économiser quelque 425 millions GBP et a fait l’objet d’une évaluation et d’une révision sur la base des enseignements tirés tout au long de sa mise en œuvre.
Source : Adapté de OCDE (2018[5]), Responsive School Systems: Connecting Facilities, Sectors and Programmes for Student Success, https://dx.doi.org/10.1787/9789264306707-en ; Department for Education (2021[28]), Schools’ Buying Strategy, Londres, https://www.gov.uk/government/publications/schools-buying-strategy (consulté le 10 janvier 2022).
Établir des cadres réglementaires pour le financement public des établissements privés
Le financement public d’établissements privés cherche à améliorer le choix et l’efficience...
En 30 ans, plus de deux tiers des pays de l’OCDE ont introduit des mesures visant à accroître le choix d’établissements scolaires (Musset, 2012[29]), souvent par le financement public d’établissements privés et en laissant les élèves et les familles libres de choisir. L’aide financière aux établissements privés est généralement incorporée dans des systèmes de choix parental selon lesquels les fonds publics peuvent soit « suivre les élèves » dans l’établissement privé éligible de leur choix ou servir à indemniser les parents des frais d’inscription sous forme de chèques-éducation ou de crédits d’impôt. Ces mesures ont abouti au développement d’un important secteur privé subventionné dans certains pays (OCDE, 2017[3] ; OCDE, 2018[5]) (Graphique 3.4).
Le financement public d’établissements privés peut être motivé par une panoplie d’arguments, dont l’importance relative varie selon le contexte national (voir (Boeskens, 2016[30])). Certains pays tiennent à garantir le droit des familles à choisir l’établissement scolaire fréquenté par leurs enfants, sans restrictions légales ni obstacles financiers. D’autres accordent une plus grande importance au choix de l’école comme moyen de stimuler la concurrence entre les établissements et les motiver à améliorer la qualité, stimuler une plus grande diversité de l’offre éducative et encourager l’innovation des modalités pédagogiques et de gouvernance pour améliorer l’efficience et les retombées de l’enseignement dans la durée (OCDE, 2017[3] ; OCDE, 2018[5]).
... mais risque d’aggraver la ségrégation sociale et de porter préjudice au système public
L’expérience de plusieurs pays indique que l’impact sur l’équité et la qualité de l’éducation des établissements privés subventionnés est influencé par la structure institutionnelle dans laquelle ils s’inscrivent (OCDE, 2017[3] ; OCDE, 2018[5]). Plus particulièrement, les conditions que les établissements privés doivent remplir pour avoir droit aux subventions sont indispensables à la bonne gouvernance des systèmes de libre choix d’établissement scolaire. Au nombre de ces critères, la sélection des élèves et les droits d’inscription supplémentaires sont des pratiques particulièrement préoccupantes. Laisser les établissements subventionnés sélectionner leurs élèves en fonction de leurs résultats antérieurs et de tests d’aptitude peut créer des obstacles à l’inclusion, lesquels pourraient mettre en péril l’équité et la qualité de l’enseignement (OCDE, 2017[3]).
L’admission sélective permet aux établissements privés d’opérer un « écrémage » des élèves de très bon niveau du secteur public. Étant donné que les parents jugent souvent à tort de la qualité des écoles en regardant la composition de la population d’élèves, la sélection à l’entrée peut permettre aux établissements de gagner un avantage concurrentiel sans améliorer leur offre d’enseignement. La sélectivité menace d’aggraver la ségrégation privé/public des élèves et pourrait creuser les écarts de résultats actuels. Elle pourrait aussi priver le système scolaire public d’élèves de très bon niveau et être préjudiciable aux autres élèves en dépossédant les écoles publiques de moyens vitaux tout en leur laissant une forte proportion d’élèves défavorisés, pour qui des moyens plus importants sont nécessaires (Boeskens, 2016[30]). Par ailleurs, les systèmes à libre choix qui permettent aux établissements privés de faire payer aux parents des frais de scolarité élevés en supplément du montant couvert par la subvention publique risquent d’aggraver la ségrégation socioéconomique à l’école (OCDE, 2017[3]).
Pour atténuer ce risque, des cadres réglementaires adéquats de financement public des établissements privés sont nécessaires
Si l’on veut atténuer la menace qui pèse alors sur l’équité, il est important que tous les établissements subventionnés soient tenus à la même réglementation concernant les politiques d’enseignement et d’admission, et que le respect de ladite réglementation soit efficacement surveillé. Pour veiller à ce que les chèques-éducation et autres formes de financement public facilitent l’accès à l’enseignement privé, la réglementation doit empêcher les établissements privés subventionnés de faire payer des droits d’inscription pouvant constituer des obstacles à l’entrée. Par ailleurs, pour que le libre choix de l’établissement scolaire améliore l’accès à une instruction de qualité au lieu de favoriser la sélectivité et l’écrémage, les pouvoirs publics doivent réglementer les procédures d’admission et s’assurer que les établissements privés adhèrent aux mêmes normes de sélection que les établissements publics. Les pratiques d’admission des établissements recevant plus de demandes d’inscription qu’elles n’ont de place doivent dès lors être transparentes et homogènes dans l’ensemble des secteurs scolaires. Des systèmes de loterie pour attribuer les places dans ces établissements ou des formules conçues pour préserver la diversité des élèves pourraient être envisagés (OCDE, 2017[3]).
Avec sa loi d’inclusion (Ley de Inclusión Escolar) de 2015, le Chili a réformé la réglementation de l’octroi de fonds publics à des prestataires privés pour garantir le libre choix d’établissement et réduire la ségrégation socioéconomique. Trois grands changements ont été apportés aux conditions d’éligibilité aux financements publics. Premièrement, la loi impose que les établissements privés subventionnés appartiennent à des organisations à but non lucratif afin de veiller à ce que les fonds publics soient employés exclusivement à des fins d’éducation. Deuxièmement, elle élimine le système de « cofinancement » (co-pago) selon lequel des frais d’inscription étaient versés aux établissements par les familles en complément des subventions de l’État. Les contributions volontaires des parents pour les activités extrascolaires sont toutefois toujours autorisées. Pour compenser la perte de fonds destinés aux établissements privés subventionnés, la loi augmente les ressources allouées aux prestataires. Enfin, elle empêche les établissements publics et les établissements privés subventionnés d’appliquer une forme quelconque de critères de sélection des élèves (OCDE, 2019[16]).
Des mécanismes de production de rapports et de transparence sont eux aussi importants pour s’assurer que les établissements privés subventionnés servent l’intérêt public en prodiguant un enseignement de qualité, mais aussi pour fournir aux parents les informations dont ils ont besoin pour évaluer les processus et les résultats des différents établissements. Enfin, ces mesures doivent être assorties d’initiatives pour informer sur les options de choix d’établissement, améliorer l’accès des familles défavorisées aux informations sur les établissements et les aider à faire des choix plus éclairés (OCDE, 2017[3]).
Établir la démarche globale de financement des établissements scolaires
L’affectation de financements au système scolaire, entre les niveaux de l’administration ou aux établissements individuels, peut se faire selon différents mécanismes. Les mécanismes doivent être guidés par un principe fondamental de répartition transparente et prévisible des moyens. Un système d’allocation des fonds publics stable et connu permet aux établissements scolaires et aux autorités de planifier leur développement à l’horizon des prochaines années. Or, une certaine latitude est également nécessaire pour répondre à des besoins financiers imprévus du fait, par exemple, de variations des effectifs d’élèves (par le biais de négociations dans l’application des règles de financement ou au moyen d’un élément ajustable) (OCDE, 2017[3]). Une diminution même modeste des effectifs d’élèves peut entraîner une réduction des dotations salariales alors que les salaires restent fixes. Une certaine souplesse est également procurée par les dispositifs de gestion des ressources humaines, dont le temps de travail (temps plein et temps partiel) et les conditions contractuelles (emploi permanent et emploi temporaire) (OCDE, 2019[4]).
Pour veiller à ce que le modèle d’affectation des financements soit adapté à leurs structures de gouvernance, les systèmes scolaires doivent se poser une série de questions, abordées ci-après.
La démarche globale de financement des établissements scolaires doit équilibrer les financements réguliers affectés aux établissements et les financements ciblés à l’appui d’objectifs précis
Les financements ciblés peuvent soutenir des objectifs de politique publique spécifiques...
Outre la distribution des responsabilités relatives au financement des établissements scolaires et les conditions attachées aux différentes dotations, il est important de penser aux dispositifs de distribution des financements. Les systèmes doivent notamment déterminer quelle proportion du financement public sera distribuée selon le mécanisme d’allocation principal par opposition à d’autres mécanismes, dont les financements ciblés dans le cadre de programmes spéciaux. On entend ici par « mécanisme d’allocation principal » les financements réguliers couvrant les salaires et autres dépenses fixes. Il est généralement basé sur les effectifs d’élèves, mais aussi sur d’autres facteurs en fonction des objectifs de politique publique (OCDE, 2017[3]).
Le financement de programmes spéciaux n’est certes pas sans présenter d’inconvénients, mais les mécanismes de financement hors allocation principale procurent un certain degré de souplesse au modèle de financement global et peuvent faciliter la réalisation d’objectifs de politique publique spécifiques et d’expérimentations de pratiques innovantes. Les programmes ciblés peuvent en outre contribuer à compenser les inégalités, surtout lorsqu’ils sont conjugués avec une dotation stable. D’autres arguments peuvent être cités en faveur du maintien d’une proportion des dotations à un niveau plus central pour les programmes ciblés : la nécessité de couvrir des dépenses à court terme ou urgentes inégalement réparties entre les établissements (ex. réparations des bâtiments) ; celle de répondre à des besoins émergents (apprentissage numérique, cours de soutien) ; ou encore celle d’assurer une offre de services adéquate (formation en cours d’emploi pour le personnel, disponibilité de personnel d’accompagnement) (OCDE, 2017[3]).
Un certain nombre de pays ont employé des programmes ciblés à différentes fins (pour faciliter l’intégration d’élèves ayant des besoins éducatifs particuliers ou pour aider les écoles rurales) (Encadré 3.4). Pendant la pandémie de COVID‑19, divers programmes ciblés ont été utilisés pour faire progresser l’équité socioéconomique à l’école. Les pays de l’OCDE ont eu recours aux subventions pour l’achat d’appareils de TIC (ordinateurs individuels et portables) plus qu’à toute autre mesure en faveur des populations risquant d’être exclues des plateformes d’éducation à distance. Certains ont également mis en place des incitations et des aides financières à destination des élèves vulnérables (pour les repas, le transport, etc.) (OCDE, 2021[32]). Des programmes visant à minimiser la baisse des résultats scolaires causée par l’enseignement à distance ont également été organisés (Encadré 3.4).
... mais il convient de trouver un juste équilibre avec les financements réguliers
Bien que le financement ciblé procure un degré supérieur de souplesse et de contrôle, la distribution d’une plus grande proportion du financement par le biais du mécanisme d’allocation principal peut favoriser la stabilité et déboucher sur des gains d’efficience. En Angleterre (Royaume-Uni), par exemple, on observe que le mécanisme de financement central est plus efficient du fait qu’une plus forte proportion du financement global est déléguée aux établissements scolaires ; seuls en sont exclus les grandes dépenses en capital et quelques services locaux. À ce constat s’ajoute l’obligation de conditionner la majeure partie du financement local au nombre d’élèves et à leurs caractéristiques (OCDE, 2017[3]).
Un recours excessif aux financements ciblés peut entraîner des chevauchements et nuire à la prévisibilité des allocations de moyens futures. Des programmes ciblés permettent de mieux piloter et surveiller l’utilisation des moyens, mais les coûts de transaction sont alors plus élevés et la charge administrative est alourdie. L’accumulation de nombreux fonds ciblés peut en outre déboucher sur une recentralisation au coup par coup du financement des établissements scolaires, accroître sa complexité et nuire à sa transparence. En effet, le recours à des mécanismes de financement ciblé – hors allocation principale – peut entraîner des enjeux de gouvernance et un manque de clarté quant à l’utilisation des fonds au niveau régional, local ou au niveau des établissements scolaires (OCDE, 2017[3]).
L’Examen des ressources scolaires mené par l’OCDE met également en avant l’importance de trouver un juste équilibre entre dotations régulières et dotations ciblées pour réaliser plus efficacement les objectifs des systèmes de financement et simplifier ces derniers. Il s’agit notamment de prendre des décisions sur le meilleur mécanisme pour favoriser l’équité et diriger des moyens complémentaires vers les groupes d’élèves ayant des besoins supplémentaires. On peut envisager de réduire les coûts de transaction par l’inclusion d’ajustements en faveur de l’équité pour des groupes d’élèves particuliers dans la plus grande partie de la dotation au lieu de recourir aux financements ciblés (OCDE, 2017[3]).
Encadré 3.4. Exemples de financement ciblé de programmes spécifiques dans une sélection de pays
Programmes en faveur d’objectifs et priorités de politique publique
En Colombie, le ministère de l’Éducation est la principale institution chargée de la planification, de la gestion et du contrôle du financement de l’éducation publique. Il peut aussi soutenir des initiatives du système scolaire, en fonction des priorités nationales et de son budget d’investissement. Par le passé, les financements ont favorisé le perfectionnement des enseignants et les initiatives liées à la ruralité.
En République tchèque, un certain nombre de subventions financent des programmes expérimentaux ou pilotes spécifiques et les nouvelles initiatives dans le domaine éducatif, lesquels émanent souvent du niveau local. Les programmes à retombées positives pourront être intégrés dans le dispositif de financement ordinaire.
En Angleterre (Royaume-Uni), les établissements accueillant des élèves issus d’un milieu défavorisé reçoivent des moyens au titre d’un programme ciblé (Pupil Premium) en complément de leur dotation régulière. Ils sont libres de les dépenser en fonction de leurs besoins, mais sont comptables de leurs décisions.
En Nouvelle-Zélande, le ministère de l’Éducation finance directement les établissements scolaires (qui sont gérés par des conseils de direction), mais peut aussi fournir des services et des programmes ciblés. Par exemple, il finance un service spécial d’accompagnement (Resource Teachers: Learning and Behaviour, RTLB) plus économique à déployer sur plusieurs établissements. Ce service couvre le soutien scolaire, la suppléance et la formation professionnelle en gestion des comportements ou développement de programme scolaire.
Programmes visant à minimiser la baisse des résultats scolaires causée par l’enseignement à distance pendant la pandémie de COVID‑19
En France, l’opération « Vacances apprenantes » a été menée en 2020 et 2021 pour aider les élèves particulièrement touchés par les fermetures d’établissements. Cette initiative s’appuie sur la coopération avec les autorités et associations locales et a deux objectifs : 1) combler les déficits d’apprentissage et réduire le risque de décrochage et 2) veiller à ce que les enfants aient accès à des expériences enrichissantes pendant les vacances d’été.
Au Portugal, tous les établissements scolaires publics ont pu déposer une demande de complément de moyens au titre du programme Plano 21|23 - Escola+ de 40 mesures en faveur de la relance de l’éducation.
Source : OCDE (2021[32]), The State of School Education: One Year into the COVID Pandemic, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/201dde84-en ; OCDE (2017[3]), The Funding of School Education: Connecting Resources and Learning, https://dx.doi.org/10.1787/9789264276147-en ; OCDE (2019[4]), Working and Learning Together: Rethinking Human Resource Policies for Schools, https://dx.doi.org/10.1787/b7aaf050-en.
Il est important de choisir la bonne méthode pour déterminer le montant des financements réguliers affectés aux établissements scolaires...
Un financement régulier peut être alloué aux établissements selon, grosso modo, l’une de quatre méthodes principales dont l’utilisation dépendra également de l’usage des fonds(dépenses de fonctionnement ou d’investissement) :
Discrétion administrative : fondée sur l’appréciation individuelle des besoins de chaque établissement. Des indicateurs peuvent être utilisés, mais les calculs fondés sur des indicateurs ne sont pas contraignants et pourraient ne pas être appliqués universellement à tous les établissements.
Coût marginal : prend en compte les dépenses historiques dans le calcul de l’allocation pour l’année suivante, avec des modifications mineures pour des variations particulières (effectifs d’élèves, équipements scolaires, prix des facteurs). Cette méthode est souvent combinée avec la discrétion administrative, et les deux sont généralement employées dans les systèmes centralisés.
Soumissions et négociations : les établissements scolaires répondent à des appels d’offres pour obtenir des moyens supplémentaires dans le cadre d’un programme particulier ou présentent un dossier de demande.
Financement par formule : application de critères objectifs selon une règle universelle pour établir le montant des moyens auxquels chaque établissement peut prétendre. Le financement par formule s’appuie sur une formule mathématique à plusieurs variables, chacune affectée d’un coefficient pour déterminer les budgets scolaires (OCDE, 2017[3]).
L’allocation de financements en fonction des besoins d’un établissement (discrétion administrative et soumission-négociation) est plus directe que l’allocation fondée sur une série d’indicateurs des besoins. Il est toutefois difficile d’avoir une grande visibilité sur les besoins particuliers lorsque l’allocation de moyens concerne un nombre important d’établissements scolaires, et la distribution selon les deux premières méthodes (discrétion administrative et coût marginal) est rarement efficiente ou équitable. Lorsque des critères historiques sont appliqués, ces moyens financent le personnel d’une année sur l’autre et les établissements ne sont aucunement incités à réduire leurs dépenses, à accroître leur efficience ou à améliorer la qualité de leur offre. Le financement historique procure stabilité et prévisibilité, mais il peut aussi faire obstacle à l’expansion des établissements de plus en plus demandés tout en soutenant ceux qui restent à la traîne (Commission européenne/Eurydice, 2000[33]).
Si la discrétion administrative joue pour beaucoup dans l’affectation des financements aux établissements scolaires dans de nombreux pays, le financement par formule est adapté à la répartition des dépenses de fonctionnement et a été adopté dans bien des pays (voir le Graphique 3.5). Le recours au financement par formule contribue à des systèmes d’allocation plus transparents et prévisibles, notamment lorsque le financement est lié au nombre d’élèves (Commission européenne/Eurydice, 2000[33]). Cette transparence peut avoir un impact bénéfique sur les débats d’orientation et contribuer à l’acceptation générale d’un modèle de financement étant donné que les critères et les affectations peuvent être examinés et débattus. Dans certaines conditions, une formule de financement bien conçue est le moyen le plus efficace, équitable, stable et transparent d’allouer des fonds destinés aux dépenses de fonctionnement des établissements scolaires (OCDE, 2017[3]).
... mais aussi de rénover régulièrement les mécanismes de financement et d’établir des stratégies de mise en œuvre lorsque de nouveaux mécanismes sont introduits
Pour être efficaces, les mécanismes de financement doivent non seulement être bien conçus, mais aussi bien mis en œuvre. D’autant plus que l’introduction de tout nouveau modèle de financement créera des gagnants et des perdants, à moins que des ressources complémentaires soient disponibles (OCDE, 2017[3]).
En Autriche, par exemple, l’introduction de critères socioéconomiques dans la formule appliquée pour la distribution des moyens a suscité de fortes tensions. Les partenaires sociaux étaient favorables à l’introduction d’une allocation indicielle des moyens, mais certaines provinces affichant une forte proportion d’écoles rurales s’opposaient à ce changement qui aurait probablement abouti à la redistribution des financements à l’avantage des écoles urbaines et au détriment des écoles de campagne. Enfin, dans le cadre d’une grande réforme scolaire en 2017, le ministère de l’Éducation a eu l’occasion d’intégrer un indice socioéconomique dans l’allocation des moyens, ce qui ne pouvait toutefois pas être fait sans introduire de nouvelles règles (voir l’Encadré 3.2).
Les réformes des modèles de financement en Angleterre (Royaume-Uni) et en Nouvelle-Zélande ont également suscité la controverse (OCDE, 2017[3]). En janvier 2022, les deux pays ont lancé un débat sur des réformes plus poussées de leurs systèmes respectifs de financement des établissements scolaires. L’Angleterre (Royaume-Uni) étudie encore la possibilité d’introduire une formule de financement national rigoureuse qui amoindrirait le rôle des autorités locales dans les décisions d’allocations de ressources aux établissements scolaires (Roberts, 2022[34]), tandis que la Nouvelle-Zélande continue de s’interroger sur les moyens d’améliorer l’égalité des chances d’apprentissage par l’apport de ressources complémentaires, pour les élèves de milieux défavorisés en particulier (Ministère de l’Éducation, 2021[35]).
De l’expérience de nombreux pays ressort dès lors l’importance de bien gérer l’économie politique des réformes et de former des attentes réalistes quant au coût de leur mise en œuvre. Une consultation adéquate des parties prenantes est nécessaire pour accroître l’équité perçue d’un système d’allocation ; elle peut en outre veiller à ce que les mécanismes de financement répondent à des enjeux qui n’ont pas été anticipés. Par exemple, un nouveau modèle de financement par tête peut fixer des incitations à l’efficience et des taux d’encadrement équilibrés. Cependant, face à la diminution de la population d’âge scolaire, les établissements financés selon ces systèmes risquent de se trouver en proie à des difficultés pour maintenir les enseignants en poste ou les redéployer. Dans ce type de contexte, l’obtention anticipée de moyens supplémentaires pour les indemnités de licenciement des enseignants pourrait être un important facteur de réussite (OCDE, 2017[3] ; OCDE, 2019[4]).
Les exemples de l’Australie, de la Communauté flamande de Belgique et de la République tchèque mettent en évidence la nécessité de former des attentes réalistes sur le coût de la mise en œuvre de nouveaux modèles de financement. En Australie, le gouvernement s’est explicitement engagé à ce qu’aucun établissement scolaire ne subisse de perte de moyens financiers en conséquence d’une grande réforme du modèle de financement australien, laquelle avait pour objectif d’assurer un financement plus adéquat pour les élèves ayant des besoins éducatifs particuliers. La mise en œuvre de la réforme a donc demandé d’engager des ressources supplémentaires importantes. En Communauté flamande de Belgique, les changements apportés au système de distribution des dotations de fonctionnement et des emplois allaient de pair avec des augmentations substantielles du budget global (OCDE, 2017[3]). En République tchèque, en vertu de la réforme du financement des établissements scolaires en vigueur depuis 2020, les dotations nationales sont désormais calculées en fonction du nombre d’enseignants ou d’heures d’enseignement plutôt que du nombre d’élèves. Cette réforme s’est accompagnée d’une augmentation des ressources totales destinées aux établissements publics dans le budget national (environ 12 % en 2020) (OCDE, 2019[16] ; Eurydice, 2022[36]).
L’Examen des ressources scolaires mené par l’OCDE a également mis en avant l’importance de procéder à un examen périodique des mécanismes d’allocation des financements pour s’assurer qu’ils servent les objectifs du système éducatif de manière optimale. Il se dégage de l’expérience des pays qui l’ont fait, comme l’Angleterre (Royaume-Uni) et la Communauté flamande de Belgique, quelques pratiques opérationnelles et conceptuelles. Par exemple, les organismes indépendants (par exemple un organisme indépendant déjà en place ou un groupe de chercheurs indépendants) jouent généralement un rôle de premier plan en formulant des recommandations pour la réforme, tandis que les agents de l’État assument un rôle de soutien (administration, données et analyse). Autres éléments communs : un mandat clair pour l’examen (orientation et périmètre), une échéance précise, mais aussi un positionnement dans le contexte stratégique général) ; des informations sur les mécanismes de collecte de données factuelles (pour les consultations des parties prenantes, l’analyse des financements dans un échantillon d’établissements et la recherche) (OCDE, 2017[3]).
La répartition des dépenses de fonctionnement doit être prévisible et transparente
Les formules de financement sont un mécanisme transparent servant à aligner la distribution des financements alloués aux établissements scolaires sur les objectifs de politique publique...
Tout mécanisme d’allocation des financements doit être en adéquation avec la gouvernance du système scolaire et le contexte de politique publique. Dans l’allocation des fonds aux dépenses de fonctionnement, certains objectifs peuvent être plus importants que d’autres selon les objectifs de politique publique prioritaires. (OCDE, 2017[3])
Des formules de financement sont utilisées dans de nombreux pays pour distribuer les financements réguliers destinés aux dépenses de fonctionnement, dont les salaires. Par la pondération différentielle à chacun de leurs principaux éléments, les formules de financement peuvent être conçues de manière à soutenir différents objectifs de politique publique de manière équilibrée (OCDE, 2017[3]) :
Favoriser l’équité est l’une des fonctions les plus importantes du financement par formule. Des allocations universelles, par élève et par année d’études, sont un moyen de garantir l’équité horizontale (le traitement égal des bénéficiaires ayant des besoins équivalents) Pour favoriser l’équité verticale (des niveaux de financement différents pour des besoins différents), l’allocation de base peut être systématiquement ajustée par l’application de coefficients en fonction des besoins.
Mettre en place des incitations pour les bénéficiaires et soutenir des politiques particulières (une fonction directive).
Réguler le marché (soutenir les politiques de libre choix des établissements scolaires). Plus la proportion des fonds affectés par tête sera importante, plus cette fonction sera accentuée.
À défaut d’une formule de financement exemplaire, quelques principes peuvent guider la conception d’une formule efficace. L’une des principales difficultés réside dans la prise en compte des différences de coût en fonction des besoins éducatifs des élèves et dans la mise en place de niveaux différents de financement des établissements basés sur des différences légitimes de coût unitaire que les établissements ne peuvent pas contrôler. Une formule avec coefficients pour tenir compte de ces différences est alors nécessaire. Or, les formules de financement doivent équilibrer complexité (nécessaire pour tenir compte des différences de besoins des établissements) et transparence (afin de garantir l’accessibilité et la clarté du modèle de financement pour les parties prenantes).
Pour guider la conception de formules mieux adaptées à des besoins différents, la recherche a dégagé quatre éléments principaux : 1) une allocation de base par élève ou par classe, différenciée selon l’année d’études ou le niveau de scolarité ; 2) une allocation pour des profils éducatifs ou des programmes scolaires spécifiques (différents domaines professionnels ou programmes pour les besoins éducatifs spéciaux ; 3) une allocation pour les élèves ayant des besoins éducatifs supplémentaires ajustée en fonction des différentes caractéristiques ou des différents types de handicaps des élèves ; et 4) une allocation pour des besoins particuliers liés au site de l’établissement et à son lieu d’implantation, ajustée en fonction des différences structurelles de coûts de fonctionnement, comme dans le cas des établissements ruraux avec de plus petits effectifs de classe. Une analyse détaillée et convaincante, accompagnée de données empiriques sur les différences de coût exactes, peut guider les débats d’orientation sur l’ajustement des paramètres inclus dans les mécanismes de financement. Il y a lieu de recueillir des données fiables sur l’adéquation du financement en général ainsi que pour les éléments spécifiques visés par le mécanisme de distribution (OCDE, 2017[3]).
... et peuvent être conçues de manière à créer des incitations désirables pour les établissements scolaires
Les formules de financement doivent aussi favoriser la discipline budgétaire au niveau des administrations locales et des établissements. Les effectifs d’élèves seront un facteur déterminant de l’allocation de moyens dans tous les systèmes scolaires pour veiller à doter les établissements d’un personnel enseignant suffisant pour le temps d’enseignement fixé. Les moyens nécessaires peuvent être déterminés à partir du nombre d’élèves ou du nombre de classes. L’allocation de moyens par élève stimule la concurrence et l’efficience. Or, les charges fixes n’évoluent pas avec le nombre d’élèves. Le financement par élève peut de ce fait créer des tensions pour les établissements dont l’effectif d’élèves est faible ou en baisse, et le nombre d’élèves par enseignant en hausse. Pour tenir compte du fait que tous les coûts ne sont pas linéaires, une formule de financement peut comporter des coefficients de pondération pour les établissements de moindre taille. Cette méthode inciterait la majorité des établissements à réduire le nombre de classes par l’augmentation des effectifs de classe, tout en octroyant davantage de moyens à des établissements particuliers (OCDE, 2017[3] ; OCDE, 2018[5]). L’Encadré 3.5 donne des exemples d’approche des formules de financement dans des pays de l’OCDE.
Les salaires des enseignants (sur lesquels les autorités locales/régionales ou les établissements n’exercent parfois aucun contrôle) seront un autre facteur déterminant des besoins de moyens des établissements scolaires. Certains systèmes scolaires allouent par conséquent les financements en incluant une sorte d’estimation du coût moyen dans la formule. Ces systèmes : 1) fournissent un cadre pour mettre en balance les dépenses effectives de salaires des enseignants et les fonds disponibles pour la rémunération du personnel et 2) peuvent remplir une fonction égalisatrice puisqu’ils favorisent des niveaux de dotation en personnel comparables pour tous les établissements. En Estonie et en Lituanie, par exemple, les salaires moyens des enseignants ont été des variables d’entrée importantes dans la formule de répartition des moyens. (OCDE, 2017[3] ; OCDE, 2019[4])
Encadré 3.5. Exemples de financement par formule pour les établissements scolaires d’une sélection de territoires
Les Pays-Bas ont introduit le financement par formule pour l’enseignement primaire et l’enseignement secondaire. Depuis une réforme en 2019, la dotation en capital de l’enseignement primaire estime le handicap des élèves en fonction d’un indicateur, lequel est constitué de cinq caractéristiques de base : le niveau d’études de la mère et du père, le pays d’origine des parents, la situation des parents au regard de l’endettement, la durée du séjour de la mère aux Pays-Bas, et le niveau moyen d’études des mères des élèves de l’établissement. Les établissements reçoivent des ressources complémentaires pour les élèves appartenant aux 15 % les plus défavorisés selon les estimations. Le complément de budget pour les établissements du second degré était autrefois calculé en fonction à la fois du nombre d’élèves dont les parents avaient un faible niveau d’études et des caractéristiques socioéconomiques du quartier de l’établissement. Un indicateur correspondant du handicap des élèves du second degré est en préparation. Le système de dotation en capital des Pays-Bas est un exemple de méthode indicielle globale, bien que la part indicielle des financements alloués en pourcentage de l’affectation totale à l’éducation soit relativement faible (environ 4.5 %).
Toronto (Canada) applique un « indice des opportunités d’apprentissage » (Learning Opportunities Index, LOI) pour gérer la répartition des moyens entre les établissements du district scolaire municipal. Les besoins de financement des écoles sont évalués à partir de six variables : 1) le revenu médian dans le quartier de résidence des élèves ; 2) la proportion de familles à faibles revenus dans un secteur particulier ; 3) la proportion de familles bénéficiaires d’aide sociale ; 4) la proportion d’adultes sans diplôme d’enseignement secondaire ; 5) la proportion d’adultes titulaires d’un diplôme universitaire et 6) la proportion de familles monoparentales. Le rapprochement entre les élèves et les quartiers se fait à partir du code postal. À l’instar des Pays-Bas, la proportion des moyens distribués selon la formule fondée sur les besoins représente 5 % seulement des dépenses totales d’éducation.
Le canton suisse de Zurich utilise un indice social pour distribuer les moyens d’enseignement entre les établissements depuis 2004/05. L’indice en question comporte trois éléments fondés sur les statistiques officielles : 1) la proportion de ressortissants étrangers (hors Autriche, Allemagne et Liechtenstein) ; 2) la proportion d’élèves bénéficiaires d’aide sociale ; et 3) la proportion de contribuables à faibles revenus. À la différence des autres indices, celui-ci ne sert pas à fournir des moyens supplémentaires pour les élèves défavorisés, mais à distribuer les moyens d’enseignement ordinaires.
Source : Nusche, D. et al. (2016[37]), OECD Reviews of School Resources: Austria 2016, http://dx.doi.org/10.1787/9789264256729-en.
Des examens périodiques sont nécessaires pour veiller à ce que les formules de financement continuent de satisfaire des besoins qui évoluent. Ils peuvent permettre aux pouvoirs publics d’établir s’il est nécessaire de réviser les ajustements applicables aux formules en fonction des besoins des élèves et des établissements, ainsi que le poids du financement par formule rapporté à celui des programmes de financement ciblé dans l’enveloppe globale (OCDE, 2017[3]).
... mais les indicateurs utilisés pour la distribution des financements aux écoles doivent être sélectionnés avec soin
L’Examen des ressources scolaires mené par l’OCDE a révélé l’importance de faire attention au choix des indicateurs utilisés pour allouer les dotations, mais aussi de bien comprendre les exigences techniques et analytiques de la conception de mécanismes d’affectation efficaces. Il en est ainsi tant pour les systèmes qui utilisent des formules de financement que pour ceux qui suivent d’autres méthodes, même s’ils n’emploient pas systématiquement un seul ensemble de critères pour allouer les fonds (OCDE, 2017[3]).
Il est possible d’utiliser une panoplie d’indicateurs pour déterminer la proportion d’élèves ayant des besoins de moyens supplémentaires identifiés. Par exemple, le financement par zone vise à compenser les effets supplémentaires causés par une forte concentration d’élèves issus d’un milieu défavorisé. Ces méthodes risquent toutefois d’exclure une proportion de la population défavorisée et d’inclure un grand nombre d’individus qui ne sont pas défavorisés. Il apparaît également que la désignation « zone cible » peut être stigmatisante et encourager les familles de la classe moyenne à fuir ces zones. On observe par conséquent un glissement général vers des indicateurs plus fins et représentatifs de la composition effective des élèves des établissements (OCDE, 2017[3]), comme l’illustre l’Encadré 3.6.
Encadré 3.6. Initiatives en faveur de la prise en compte des caractéristiques des élèves propres à chaque établissement dans l’allocation des moyens : exemples des communautés française et flamande de Belgique
En Communauté française de Belgique, l’indice socioéconomique est basé sur le secteur de résidence des élèves et utilise des variables comme les revenus, les niveaux des diplômes, le taux de chômage, etc. Ces indicateurs sont revus tous les cinq ans. Les informations requises sont communiquées par les chefs d’établissement une fois par an et servent, après vérification au niveau central, à attribuer à chaque élève une valeur sur l’indice socioéconomique. L’allocation de fonds est déterminée en classant les établissements en fonction de la moyenne des indices socioéconomiques des élèves. L’appartenance au quartile inférieur des établissements ouvre droit à des périodes d’enseignement ou à des fonds supplémentaires.
La Communauté flamande de Belgique utilise un système comparable pour allouer des ressources complémentaires destinées à compenser le handicap socioéconomique. Le système flamand de financement des établissements scolaires est conçu pour favoriser l’égalité d’accès à l’éducation pour tous et compenser les différences de milieu socioéconomique des élèves. Pour aider les établissements à satisfaire les besoins d’élèves issus de milieux divers, une partie de leurs dotations de fonctionnement est pondérée en fonction du statut socioéconomique. Cette pondération repose sur des facteurs fortement liés aux résultats scolaires : le niveau d’études de la mère, la langue (étrangère) parlée à la maison, les capacités financières de la famille et les caractéristiques du quartier de l’élève. Les caractéristiques socioéconomiques des élèves entrent en outre dans le calcul et l’allocation des heures d’instruction aux écoles primaires (enseignement primaire et préprimaire), tandis que les établissements secondaires reçoivent un complément d’heures d’instruction en fonction de ces caractéristiques. La pondération socioéconomique peut permettre aux établissements d’offrir des cours de rattrapage, de diviser les classes et de libérer les enseignants pour diverses activités pédagogiques et d’accompagnement. Les autorités flamandes cherchent ainsi à équilibrer choix et autonomie d’un côté et équité de l’autre.
Source : OCDE (2017[3]), The Funding of School Education: Connecting Resources and Learning, https://dx.doi.org/10.1787/9789264276147-en ; Nusche, D., et al. (2015[38]), OECD Reviews of School Resources: Flemish Community of Belgium 2015, http://dx.doi.org/10.1787/9789264247598-en.
Que les indicateurs reposent sur des secteurs géographiques, des établissements ou des élèves spécifiques, un compromis est opéré entre simplicité et transparence d’une part et exactitude et équité de l’autre (Atkinson et al., 2005[39]). L’indicateur parfait n’existe pas. Un ciblage plus fin sur les contextes locaux demande des indicateurs plus complexes, sachant toutefois que cette complexité accrue nuit à leur transparence et à leur lisibilité par un plus grand public. Dans de nombreux pays, le débat sur le nombre d’indicateurs pouvant être inclus dans les mécanismes d’allocation des moyens afin de suivre les besoins supplémentaires est un débat permanent. On trouve également des exemples dans lesquels le recours à des indicateurs simplifiés n’a que très peu influé sur les niveaux de financement des établissements (OCDE, 2017[3]).
La disponibilité et la qualité des données sont des préoccupations majeures pour l’élaboration d’indicateurs. Un grand nombre de ceux qui sont employés pour l’allocation de moyens supplémentaires aux secteurs géographiques et aux établissements souffrent très lourdement d’un manque de données actuelles. S’ajoute à ce problème celui des erreurs de classification et de données incomplètes sur les établissements, les secteurs ou les élèves. On manque, par exemple, de données sur un nombre considérable d’élèves bénéficiaires de repas scolaires gratuits aux États-Unis. Les élèves pour lesquels ces données ne sont pas disponibles sont simplement comptabilisés avec ceux qui n’ont pas droit aux repas scolaires gratuits (Harwell et LeBeau, 2010[40]). Enfin, pour renforcer l’intégrité du système de financement, les indicateurs doivent être à l’épreuve des manipulations afin d’éviter toute incitation à gonfler ou dégonfler les chiffres et de bénéficier ainsi de moyens supplémentaires (OCDE, 2017[3]).
De nombreux systèmes de financement visent un juste milieu entre les indicateurs de recensement et les indicateurs d’établissements. Une option consiste, par exemple, à utiliser à la fois un financement ciblé individuellement pour les élèves ayant des besoins éducatifs particuliers plus profonds et une méthode de calcul fondée sur les données de recensement pour les élèves ayant des besoins éducatifs particuliers moins lourds ou des besoins liés au désavantage socioéconomique. Les données de recensement utilisées comme mesure des besoins des élèves individuels sont parfois moins exactes, mais la recherche peut aider à choisir le meilleur indicateur supplétif ou la meilleure combinaison d’indicateurs. L’utilisation des données de recensement présente également l’avantage d’alléger la charge administrative des établissements. Tous les systèmes se doivent de rénover régulièrement les indicateurs utilisés, pour veiller à ce qu’ils cadrent avec les évolutions des systèmes de données, mais aussi afin de développer des capacités techniques et analytiques adéquates pour la conception, la mise en œuvre et la maintenance d’un mécanisme d’allocation efficace (OCDE, 2017[3]) (Encadré 3.7).
Encadré 3.7. Rénovation des indicateurs utilisés pour l’allocation de moyens aux établissements scolaires : les expériences française et irlandaise
La France a introduit en 2020/21 un nouveau modèle d’allocation des moyens d’enseignement aux établissements secondaires publics par le ministère de l’Éducation nationale au niveau régional – organisé en académies. Au cœur de ce modèle, les moyens d’enseignement sont alloués sur une base annuelle, en tenant compte des ressources budgétaires disponibles, des variations des effectifs d’élèves, de l’impact de mesures de politique publique spécifiques, et des besoins locaux (y compris des facteurs socioéconomiques, de la taille des établissements, du lieu d’implantation et de l’offre de formation). Cette réforme s’inscrivait à la suite de la rénovation du modèle de répartition des moyens pour l’enseignement primaire (Le Laidier et Monso, 2017[41]). Une méthodologie et des indicateurs nouveaux ont été choisis, en s’appuyant sur les données de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) et la participation de certaines autorités régionales à un groupe de travail. Le modèle précédent avait été critiqué pour son manque de prise en compte des différences régionales, des inégalités devant l’éducation ou encore son manque de transparence dans la répartition finale des moyens. Le critère social ne corrigeait pas suffisamment les inégalités sociales pour le premier cycle de l’enseignement secondaire (les collèges) et était totalement absent pour le deuxième cycle du secondaire (les lycées). Les différences de besoins en moyens entre différents programmes d’enseignement professionnel n’étaient pas non plus prises en compte. À la suite du travail technique mené entre 2015 et 2019, un prototype du nouveau modèle a été discuté avec les régions avant sa finalisation. Le nouveau modèle calcule les heures d’enseignement pour chaque établissement et les résultats au niveau régional sont obtenus par agrégation. Cette méthode permet de mieux rendre compte de l’hétérogénéité des situations au sein des régions et d’obtenir des paramètres plus stables pour l’allocation des moyens. Les critères utilisés concernent le milieu socio-économique des élèves (d’après l’indice de position sociale calculé à partir de la catégorie socioprofessionnelle des parents et de la part d’élèves boursiers) et les caractéristiques structurelles des établissements (offre de programme, taille et éloignement). L’utilisation de deux sources d’information pour le critère socio-économique affine le ciblage sur le contexte territorial. Les deux types de variables – socio-économiques et structurelles – étant aujourd’hui presque exclusivement continues plutôt que catégorielles, les précédents effets de seuil sont éliminés. Le modèle devrait évoluer dans le temps à mesure que de nouvelles variables seront disponibles ou que d’autres perdront en importance (Evain et Monso, 2021[42]).
En Irlande, le gouvernement a engagé la réforme du modèle utilisé pour déterminer l’allocation d’aides supplémentaires aux écoles ayant les plus fortes concentrations d’élèves exposés au risque de handicap scolaire par le biais du « plan d’action national pour l’égalité des chances à l’école » (Delivering Equality of Opportunity In Schools [DEIS]). Cet exercice a mis en relief la possibilité de tirer parti des progrès en matière de collecte des données dans le secteur public pour améliorer le système harmonisé de repérage des niveaux de désavantage dans les écoles, et réduire ainsi la charge administrative des établissements responsables de communiquer les données et des autorités scolaires centrales chargées d’en contrôler la qualité. Il a souligné l’importance de doter le ministère de l’Éducation de moyens adéquats à l’appui des fonctions de collecte et d’analyse de données nécessaires à ce repérage. En 2017 la nouvelle méthodologie a été employée à titre de prototype pour élargir le programme DEIS à 79 établissements scolaires supplémentaires. Un travail de perfectionnement considérable a été effectué depuis et elle sera utilisée pour étendre le programme à d’autres établissements enregistrant les plus fortes concentrations de handicap scolaire à compter de 2022 (OCDE, 2017[3]).
Source : Evain F. et O. Monso (2021[42]), « La rénovation du modèle d’allocation des moyens d’enseignement dans le second degré public », Éducation et formations 102, DEPP, pp. 235-260, https://www.education.gouv.fr/les-territoires-de-l-education-des-approches-nouvelles-des-enjeux-renouveles-education-formations-323741 (consulté le 18 janvier 2022). Le Laidier S. et O. Monso (2017[41]), « L’allocation des moyens dans le premier degré public : Mise en œuvre d’un nouveau modèle », Éducation et formations 94, DEPP, pp. 59-89, https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01699266 (consulté le 19 janvier 2022).
Source : OCDE (2017[3]), The Funding of School Education: Connecting Resources and Learning, https://dx.doi.org/10.1787/9789264276147-en.
Les dépenses d’investissement doivent être réparties de manière à favoriser un accès équitable aux financements d’investissement et une gestion efficace des investissements
Les pays ont généralement recours à différents flux de financement pour les investissements en capital dans les établissements scolaires
Bien que, rapportée aux salaires, une part relativement faible des dépenses d’éducation soit consacrée aux moyens physiques, les fonds destinés aux matériels scolaires ainsi qu’à la construction et à l’entretien des équipements constituent l’un des plus lourds investissements d’infrastructures publiques. Conjugués avec la gestion et le pilotage efficaces du réseau scolaire en ligne conformément à des besoins changeants, les mécanismes de répartition des dotations d’équipement et d’entretien jouent un rôle important en veillant à ce que ces moyens soient utilisés efficacement et dirigés vers les secteurs et les établissements ayant le plus besoin d’investissement (OCDE, 2018[5]).
De nombreux systèmes utilisent différents flux de financement pour répartir les moyens destinés à la construction de nouvelles écoles ou aux travaux d’agrandissement ou de rénovation des installations déjà en place. Si les fonds destinés aux dépenses de fonctionnement sont généralement alloués selon différents types de dotations annuelles récurrentes, les dépenses en capital sont plus souvent couvertes par des dotations ad hoc ou des programmes d’investissement. Dans certains pays, des financements d’organismes internationaux, comme les Fonds structurels de la Commission européenne ou la Banque interaméricaine de développement, viennent compléter ces sources nationales de financement des infrastructures (OCDE, 2018[5] ; OCDE, 2017[3]).
L’Encadré 3.8 illustre certaines approches du financement des projets de construction, de l’entretien et des travaux de rénovation par le biais de programmes d’investissement en infrastructures.
Encadré 3.8. Programmes d’investissement en infrastructures dans une sélection de pays
Au lendemain de la crise financière mondiale, l’Australie a lancé un programme fédéral d’investissement, Building the Éducation Revolution (BER) en 2009 : 16.2 miliards AUD de dotations affectées à des projets d’infrastructure à chaque établissement primaire et secondaire du pays. Censé impulser la relance économique des collectivités locales, ce programme a donné naissance à 23 564 projets de construction réalisés par 22 autorités gouvernementales et non gouvernementales chargées de l’éducation (Commonwealth of Australia, 2011[43]).
En Autriche, les programmes de développement des écoles à long terme (Schulentwicklungsprogramm, SCHEP) financent la modernisation de l’infrastructure des établissements scolaires relevant de l’administration fédérale, généralement à des échéances de cinq à dix ans. Ils reposent sur les principes d’orientation vers les résultats, de transparence et d’efficience. Les investissements sont transférés aux propriétaires des bâtiments scolaires, le plus souvent la « Société immobilière fédérale » (Bundesimmobiliengesellschaft) et les communes, via des augmentations de loyer. Les dotations sont calculées à partir de prédictions à moyen et long termes des besoins d’infrastructure fondées sur des données provenant de la base. Le programme actuel (SCHEP 2020) est doté d’une enveloppe de 2.4 milliards EUR pour la période 2020‑2030, destinée à la rénovation des infrastructures scolaires fédérales en réponse aux nouveaux besoins pédagogiques (apprentissage numérique, école toute la journée), à des considérations écologiques et aux évolutions spatiodémographiques. Un total d’environ 270 projets est envisagé (Ministère autrichien de l’Éducation, des Sciences et de la Recherche (BMBWF), s.d.[44]).
Au Chili, un Plan stratégique pour les infrastructures scolaires (Plan Estratégico de Infraestructura Escolar) a dégagé un investissement estimé à plus de 500 millions USD pour moderniser l’infrastructure scolaire entre 2014 et 2018. Il reposait sur un état des lieux de l’infrastructure dressé entre 2012 et 2014, lequel avait pointé des insuffisances graves dans une proportion considérable des installations scolaires existantes (OCDE, 2019[16]).
Dans le cadre d’une politique nationale d’allongement de la journée scolaire, la Colombie a mis en place un plan national pour la création des infrastructures nécessaires. Afin de mobiliser les moyens de financer les infrastructures et les équipements, un « fonds d’infrastructures éducatives » (Fondo de Financiamiento de la Infraestructura Educativa, FFIE) a été instauré, lequel a pour finalité de regrouper les moyens en provenance de différentes sources, de les gérer efficacement, et de prioriser les projets en fonction de leur impact potentiel. Le fonds lance des appels à projets d’investissement à l’intention des autorités éducatives régionales et locales et les projets retenus sont cofinancés nationalement (MEN, s.d.[45]).
Source : Commonwealth of Australia (2011[43]) Building the Education Revolution Implementation Taskforce: Final Report ; BMBWF (s.d.[44]), Schulbau, https://www.bmbwf.gv.at/Themen/schule/schulsystem/schulbau.html (consulté le 6 décembre 2021) ; OCDE (2019[16]), Education Policy Outlook 2019: Working Together to Help Students Achieve their Potential, https://dx.doi.org/10.1787/2b8ad56e-en ; MEN (s.d.[45]), Fondo de Financiamiento de Infraestructura Educativa, https://ffie.com.co (consulté le 3 décembre 2021).
Les moyens affectés aux dépenses en capital sont souvent basés sur une évaluation ad hoc des besoins, ce qui permet de satisfaire les besoins en infrastructures...
Contrairement aux affectations de fonds aux dépenses de fonctionnement, le niveau de dotations aux dépenses en capital est rarement calculé au moyen de formules de financement (voir le Graphique 3.5 ci-dessus). La valeur des biens d’équipement fluctue dans le temps, à mesure de leur dégradation, de leur vieillissement ou des travaux de maintenance et de rénovation. Ce qui explique les différences importantes d’état et de valeur des immobilisations et le besoin correspondant de capitaux des secteurs et des établissements individuels, différences qui doivent être prises en compte dans l’affectation de fonds aux dépenses en capital (Commission européenne/Eurydice, 2000[33] ; OCDE, 2018[5]).
Au lieu de cela, le niveau de financement en capital repose généralement sur une évaluation des besoins ou sur la discrétion administrative. Il s’agit le plus souvent de diriger les financements vers les établissements ayant le plus grand besoin de rénovation ou de réparations urgentes. Certains systèmes scolaires allouent également des capitaux selon une procédure compétitive et de nombreuses autorités locales demandent aux établissements de déposer un dossier qui servira à évaluer leur demande d’aide financière. Des états des lieux réguliers des bâtiments scolaires peuvent aider les autorités à évaluer les investissements nécessaires, à la fois globalement et à l’échelon des établissements, ainsi que l’efficacité de ces investissements. Des données de meilleure qualité sur l’état des sites peuvent guider l’allocation des moyens et renforcer l’assise factuelle du ministère de l’Éducation dans les négociations budgétaires interministérielles (OCDE, 2018[5]).
... mais peut créer des inégalités d’accès au financement en capital
Si ces mécanismes de financement procurent la latitude nécessaire pour satisfaire les plus grands besoins d’infrastructures à mesure qu’ils se manifestent, les capacités et l’expérience techniques qu’ils exigent de la part des établissements ou des autorités locales sont susceptibles de creuser les inégalités. Même si elles parviennent à accéder au financement en capital, certaines autorités manquent parfois de moyens pour la gestion efficace d’un grand chantier d’infrastructure, de la passation de marchés et de l’achat de matériaux et de services. Il en est de même pour l’accès aux sources internationales de financement, qui demandent de pouvoir préparer les dossiers de demande, puis d’absorber et d’utiliser les moyens reçus au niveau local. Afin d’assurer une distribution équitable des moyens en capital, les mécanismes de financement doivent minimiser les obstacles pour les bénéficiaires manquant d’expertise technique. Des directives centrales peuvent réduire le coût des procédures de planification et veiller au respect des normes de qualité et des objectifs de politique publique (OCDE, 2018[5]).
Messages clés
De manière générale, les responsabilités en matière de financement de l’éducation et les modèles d’allocation de fonds à l’éducation doivent encourager l’efficience des dépenses, accroître la transparence des flux financiers et atténuer les inégalités entre les établissements et les secteurs géographiques. Ce chapitre met en évidence cinq leviers prometteurs pour réaliser ces objectifs.
Dans un premier temps, l’analyse souligne l’importance d’une correspondance des compétences en matière de recettes et de dépenses aux différents niveaux d’administration. Or, les compétences en matière de recettes des administrations locales incitent à l’efficience des dépenses, mais risquent de créer des disparités géographiques au regard des compétences en matière de dépenses. Les transferts interadministrations peuvent apporter une solution à ces questions d’équité.
Deuxièmement, les décideurs doivent résoudre les problèmes de complexité que pose la dispersion des compétences en matière de financement des établissements scolaires entre les différents niveaux d’administration. Cela suppose une définition claire des responsabilités, des mécanismes de coordination adéquats et le développement des capacités techniques et administratives nécessaires à des choix de dépenses judicieux au niveau local.
Troisièmement, une plus grande autonomie des établissements scolaires demande des politiques publiques qui leur permettent d’utiliser leur pouvoir décisionnel de manière constructive tout en étant comptables de leurs choix de dépenses. Il faut pour cela renforcer les capacités des établissements scolaires et assurer un suivi et une évaluation efficaces des écoles par les autorités centrales.
Quatrièmement, lorsque des fonds publics sont alloués à des prestataires privés, les décideurs doivent empêcher les effets néfastes sur l’équité. En particulier, les fonds publics doivent être soumis 1) à une réglementation interdisant aux établissements privés d’imposer des barrières à l’entrée, et 2) à des structures claires de production de rapports. D’autre part, les parents doivent recevoir les informations nécessaires pour choisir un établissement et optimiser les chances de réussite scolaire de leurs enfants.
Enfin, le chapitre suggère que les systèmes de financement doivent équilibrer les dotations régulières et ciblées afin de veiller à ce que les dispositifs de financement soient suffisamment souples et transparents. S’agissant des dotations régulières, des formules de financement bien conçues, tenant compte des différentes structures de coût des établissements, peuvent constituer un moyen transparent de couvrir les dépenses courantes de ces derniers. Les dépenses d’investissement nécessitent généralement un financement ciblé, mais des enquêtes régulières d’évaluation des besoins d’investissement des établissements, accompagnées de directives centrales concernant les demandes de financement, peuvent améliorer la transparence et l’équité des allocations.
Références
[22] Anderson, S., M. Uribe et J. Valenzuela (2021), « Reforming public education in Chile: The creation of local education services », Educational Management Administration & Leadership, p. 174114322098332, https://doi.org/10.1177/1741143220983327.
[39] Atkinson, M. et al. (2005), School Funding: A Review of Existing Models in European and OECD Countries, National Foundation for Educational Research/Local Government Association, Slough, https://www.nfer.ac.uk/media/1734/esf01.pdf (consulté le 2 décembre 2021).
[13] Blöchliger, H. et J. Kim (dir. pub.) (2016), Fiscal Federalism 2016: Making Decentralisation Work, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264254053-en.
[30] Boeskens, L. (2016), « Regulating Publicly Funded Private Schools: A Literature Review on Equity and Effectiveness », Documents de travail de l’OCDE sur l’éducation, n° 147, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/5jln6jcg80r4-en.
[26] Bullock, A. et H. Thomas (1997), Schools at the centre? A study of decentralisation, Routledge, Londres, New York.
[25] Burns, T. et F. Köster (dir. pub.) (2016), Governing Education in a Complex World, La recherche et l’innovation dans l’enseignement, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264255364-en.
[19] Burns, T., F. Köster et M. Fuster (2016), Education Governance in Action: Lessons from Case Studies, La recherche et l’innovation dans l’enseignement, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264262829-en.
[15] Busemeyer, M. (2008), « The Impact of Fiscal Decentralisation on Education and Other Types of Spending », Revue Suisse de Science Politique, vol. 14/3, pp. 451-481, https://doi.org/10.1002/j.1662-6370.2008.tb00109.x.
[33] Commission européenne/Eurydice (2000), Questions clés de l’éducation en Europe Volume 2: Le financement et la gestion des ressources dans l’enseignement obligatoire - Évolution des politiques nationales, Communautés européennes, Luxembourg, https://op.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/148c719b-bc81-4d65-a065-60e2e994ac68 (consulté le 10 janvier 2021).
[43] Commonwealth of Australia (2011), Building the Education Revolution Implementation Taskforce: Final Report, Commonwealth of Australia, Canberra, http://pandora.nla.gov.au/pan/128244/20110727-1626/www.bertaskforce.gov.au/documents/publications/BERIT_final_report.pdf (consulté le 4 décembre 2021).
[18] Dafflon, B. (2006), « The Assignment of Functions to Decentralized Government: From Theory to Practice », dans Brosio, G. et E. Ahmad (dir. pub.), Handbook of Fiscal Federalism, Edward Elgar Publishing, Cheltenham, GL, Northampton, MA,, https://doi.org/10.4337/9781847201515.00020.
[28] Department for Education (2021), Schools’ buying strategy, https://www.gov.uk/government/publications/schools-buying-strategy (consulté le 10 janvier 2022).
[36] Eurydice (2022), Czech Republic: National reforms in school education, https://eacea.ec.europa.eu/national-policies/eurydice/content/national-reforms-school-education-17_en (consulté le 10 février 2022).
[23] Eurydice (2007), L’autonomie scolaire en Europe : Politiques et mécanismes de mise en œuvre, Eurydice, Bruxelles, https://op.europa.eu/fr/publication-detail/-/publication/102bb131-8105-4599-9367-377946471af3 (consulté le 29 juillet 2021).
[42] Evain, F. et O. Monso (2021), « La rénovation du modèle d’allocation des moyens d’enseignement dans le second degré public », Education et formations n° 102, DEPP, pp. pp. 235-260, https://www.education.gouv.fr/les-territoires-de-l-education-des-approches-nouvelles-des-enjeux-renouveles-education-formations-323741 (consulté le 18 January 2021).
[6] Gunter, T. et J. Shao (2016), « Synthesizing the effect of building condition quality on academic performance », Education Finance and Policy, vol. 11/1, pp. 97-123, https://doi.org/10.1162/EDFP_a_00181.
[40] Harwell, M. et B. LeBeau (2010), « Student Eligibility for a Free Lunch as an SES Measure in Education Research », Educational Researcher, vol. 39/2, pp. 120-131, https://doi.org/10.3102/0013189x10362578.
[14] Hoxby, C. (1998), « All School Finance Equalizations Are Not Created Equal », https://doi.org/10.3386/W6792.
[2] Jackson, C. (2018), « Does School Spending Matter? The New Literature on an Old Question », NBER Working Paper, n° 25368, National Bureau of Economic Research, Cambridge, MA, https://www.nber.org/papers/w25368 (consulté le 28 décembre 2021).
[10] Jackson, C., R. Johnson et C. Persico (2015), « The Effects of School Spending on Educational and Economic Outcomes: Evidence from School Finance Reforms », The Quarterly Journal of Economics, vol. 131/1, pp. 157-218, https://doi.org/10.1093/qje/qjv036.
[41] Le Laidier, S. et O. Monso (2017), « L’allocation des moyens dans le premier degré public : Mise en œuvre d’un nouveau modèle », Education et formations 94, DEPP, pp. pp. 59-89, https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01699266 (consulté le 19 January 2021).
[45] MEN (s.d.), Fondo de Financiamiento de Infraestructura Educativa, https://ffie.com.co (consulté le 3 décembre 2021).
[17] Ministère autrichien de l’Éducation, des Sciences et de la Recherche (BMBWF) (2017), Autonomiepaket und Bildungsdirektion - Informationsunterlage, https://www.bmbwf.gv.at/dam/jcr:24746cd7-9c94-4468-90e0-bac523eb225a/brf_ueb.pdf.
[44] Ministère autrichien de l’Éducation, des Sciences et de la Recherche (BMBWF) (s.d.), Schulbau, https://www.bmbwf.gv.at/Themen/schule/schulsystem/schulbau.html (consulté le 6 décembre 2021).
[35] Ministère de l’Éducation (2021), Education Funding System Review, https://www.education.govt.nz/our-work/consultations/recent-consultations/education-funding-system-review (consulté le 10 février 2022).
[29] Musset, P. (2012), « School Choice and Equity: Current Policies in OECD Countries and a Literature Review », Documents de travail de l’OCDE sur l’éducation, n° 66, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/5k9fq23507vc-en.
[38] Nusche, D. et al. (2015), OECD Reviews of School Resources: Flemish Community of Belgium 2015, OECD Reviews of School Resources, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264247598-en.
[37] Nusche, D. et al. (2016), OECD Reviews of School Resources: Austria 2016, OECD Reviews of School Resources, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264256729-en.
[8] OCDE (2021), Fiscal Federalism 2022: Making Decentralisation Work, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/201c75b6-en.
[11] OCDE (2021), Regards sur l’éducation 2021 : Les indicateurs de l’OCDE, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/5077a968-fr.
[1] OCDE (2021), The State of Global Education: 18 Months into the Pandemic, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/1a23bb23-en.
[32] OCDE (2021), The State of School Education : One Year into the COVID Pandemic, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/201dde84-en.
[21] OCDE (2020), « Education Policy Outlook in Norway », OECD Education Policy Perspectives, n° 20, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/8a042924-en.
[31] OCDE (2020), PISA 2018 Results (Volume V): Effective Policies, Successful Schools, PISA, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/ca768d40-en.
[16] OCDE (2019), Education Policy Outlook 2019: Working Together to Help Students Achieve their Potential, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/2b8ad56e-en.
[20] OCDE (2019), Improving School Quality in Norway: The New Competence Development Model, Implementing Education Policies, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/179d4ded-en.
[4] OCDE (2019), Working and Learning Together: Rethinking Human Resource Policies for Schools, OECD Reviews of School Resources, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/b7aaf050-en.
[5] OCDE (2018), Responsive School Systems: Connecting Facilities, Sectors and Programmes for Student Success, OECD Reviews of School Resources, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264306707-en.
[3] OCDE (2017), The Funding of School Education: Connecting Resources and Learning, OECD Reviews of School Resources, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264276147-en.
[27] OCDE (2016), Résultats du PISA 2015 (Volume II) : Politiques et pratiques pour des établissements performants, PISA, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264267558-fr.
[7] OCDE (s.d.), Regards sur l’éducation 2022 : Les indicateurs de l’OCDE, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/8b532813-fr.
[12] Radinger, T. et al. (2018), OECD Reviews of School Resources: Colombia 2018, OECD Reviews of School Resources, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264303751-en.
[34] Roberts, N. (2022), School funding in England. Commons Library Research Briefing, House of Commons Library, Londres, https://researchbriefings.files.parliament.uk/documents/CBP-8419/CBP-8419.pdf (consulté le 10 février 2022).
[9] Schaeffer, M. et S. Yilmaz (2008), « Strengthening Local Government Budgeting and Accountability », Document de travail de recherche sur les politiques, n° 4767, Banque mondiale, Washington, D.C., http://Document de travail de recherche sur les politiques, n° 4767 (consulté le 1 décembre 2021).
[24] Wang, Y. (dir. pub.) (2013), Education Policy Reform Trends in G20 Members, Springer Berlin Heidelberg, Berlin, Heidelberg, https://doi.org/10.1007/978-3-642-38931-3.
Notes
← 1. L’administration centrale s’entend des instances dont les décisions s’appliquent à l’échelle nationale, ou de celles qui prennent part, à différents titres, à la prise de décisions à cette même échelle. Il s’agit, outre l’administration centrale proprement dite, des instances nationales ayant compétence en matière éducative, financière et législative, ainsi que des services centraux d’audit. Toutes les administrations de niveau hiérarchique inférieur – régional ou local, par exemple – sont désignées ci-après comme administrations infranationales.
← 2. Les parts de contribution de fonds de chaque niveau d’administration étant arrondies, leur total n’est pas égal à 100 %.