La plupart des pays s’efforcent d’améliorer l’accessibilité, la qualité, l’équité et l’efficience de leurs systèmes d’enseignement. Toutefois, la poursuite simultanée de ces objectifs pose un réel défi aux responsables publics. La recherche de l’équité et celle de l’efficience ont notamment souvent été présentées comme incompatibles sur le plan de l’allocation des ressources dans l’enseignement. Cependant, l’efficience et l’équité peuvent aller de pair et le présent chapitre explore comment ces deux objectifs peuvent être poursuivis ensemble. Il présente des éclairages et des politiques prometteuses des pays de l’OCDE dans quatre domaines pouvant contribuer à améliorer l’équité et l’efficience : investir dans des services d’EAJE de qualité, investir pour améliorer le niveau de qualité des enseignants, réduire l’échec scolaire, et adapter les réseaux scolaires à l’évolution des attentes.
Optimiser les ressources dans l’enseignement scolaire
4. Mettre le financement des établissements scolaires au service de l’efficience et de l’équité dans l’enseignement
Abstract
Introduction
La plupart des pays à travers le monde ont formulé des objectifs clairs en faveur d’un accroissement de l’accessibilité et de l'amélioration de la qualité, de l’équité et de l’efficience de leur système éducatif. Pourtant, les systèmes scolaires ne disposent que de ressources limitées pour poursuivre ces objectifs et se trouvent contraints de trancher entre différents choix et arbitrages en matière de dépenses et de ressources.
Illustration de ces dilemmes, la pandémie de COVID-19 complique encore la répartition des ressources en ajoutant une nouvelle priorité : contenir la propagation du virus dans les établissements scolaires pour 1) assurer la sécurité des élèves, des enseignants et des autres personnels scolaires, et 2) maintenir la continuité pédagogique et les liens après la fermeture des écoles en 2020. En outre, les fermetures d’établissements scolaires ont amplifié les disparités socio-économiques, rendant d’autant plus impérieuse la nécessité de lutter contre les inégalités dans le système éducatif. Il apparaît donc de plus en plus important de répartir le mieux possible des ressources limitées entre des priorités concurrentes. Ces préoccupations ont également gagné en importance au lendemain du déclenchement de la guerre d'agression de la Russie contre l’Ukraine, compte tenu des nouvelles contraintes budgétaires apparues dans le sillage de cette nouvelle crise, par exemple avec l'accroissement des investissements de nombreux pays en faveur de leur défense nationale et du matériel militaire.
Quels que soient les postes de dépenses des établissements, comme les infrastructures, le personnel ou les services auxiliaires, le système scolaire doit veiller à ce que les ressources soient utilisées à bon escient et orientées là où elles seront le plus bénéfique aux élèves, en s’appuyant sur une analyse du contexte national et local. L’efficience dans l’enseignement se définit généralement comme la capacité à optimiser le potentiel éducatif au moindre coût. Dans ce sens, on peut améliorer l’efficience d’un établissement scolaire de deux manières : soit en conservant des niveaux de résultats identiques tout en diminuant les fonds alloués aux établissements, soit en obtenant de meilleurs résultats avec le même niveau de financement (OCDE, 2017[1]).
L’équité et l’efficience souhaitées dans l’enseignement sont souvent présentées sous forme d’arbitrages à opérer au niveau de l’allocation des ressources, pourtant, ces deux objectifs peuvent aller de pair
L’efficience et l’équité sont parfois considérées comme des objectifs concurrents dans l’éducation, car les mesures en faveur de l’équité dans l’enseignement supposent souvent des investissements supplémentaires en faveur de catégories d’élèves pénalisés, et ces fonds supplémentaires ne se traduisent pas nécessairement par des résultats d’ensemble proportionnellement meilleurs. Il peut en résulter une efficience moindre et donc un arbitrage éventuel entre les deux objectifs. Le lien entre efficience et équité n’est cependant pas si net. Les travaux de recherche indiquent un certain nombre d’orientations qui semblent favorables aux objectifs d’efficience comme d’équité, et méritent donc l’attention des responsables publics lorsqu’ils doivent répartir les ressources. Ces orientations devraient également se révéler utiles pour éclairer les réflexions des pays sur la manière d’allouer les fonds au fur et à mesure qu’ils se remettent de la pandémie de COVID-19 et alors qu’ils sont confrontés à un remaniement des priorités budgétaires compte tenu de la situation géopolitique et économique qui se dégrade. Si l’on considérer que l’efficience et l'équité peuvent aller de paire, les débats cessent alors d’être des échanges d’où personne ne sort vainqueur pour chercher à favoriser les synergies entre une instruction équitable, de meilleurs résultats et une utilisation optimale des ressources disponibles (OCDE, 2017[1]).
Le présent chapitre analyse certains de ces domaines d’action pouvant favoriser à la fois l’efficience et l’équité dans l’enseignement scolaire. Il s’articule autour de quatre thèmes clés :
Premièrement, ce chapitre porte sur l’importance d’investir dans des services d’éducation et d’accueil des jeunes enfants (EAJE) de qualité, et en particulier 1) d’accroître le taux de fréquentation des enfants issus de milieux défavorisés, et 2) de favoriser la qualité des processus dans les structures d’EAJE afin d’améliorer le vécu et les interactions des enfants.
Deuxièmement, on analyse les arbitrages à opérer dans les politiques relatives aux enseignants et l’importance cruciale d’investir dans le niveau de qualité des enseignants, en mettant particulièrement l’accent sur 1) l’attractivité du métier d’enseignant pour les candidats talentueux, ce qui suppose un salaire adéquat, et 2) une répartition équitable et efficace des enseignants entre les établissements.
Troisièmement, ce chapitre explore les facteurs structurels qui ont une influence sur le passage des élèves entre les cycles du système éducatif et les efforts consentis pour réduire le risque d'échec scolaire et de décrochage. L’échec scolaire et le décrochage sont généralement favorisés par un manque de coordination et d’intervention précoce et par le recours au redoublement ou à l’orientation précoce, ce qui peut entraîner une baisse de l’efficience et de l’équité.
Enfin, le chapitre conclut par un examen des stratégies à mettre en œuvre pour gérer efficacement les réseaux scolaires et les adapter à l’évolution de la demande, tout en préservant la qualité, l’équité et le bien-être. Dans ce contexte, le chapitre s’intéresse également aux stratégies complémentaires nécessaires pour faciliter l’accès des élèves des zones rurales isolées à l’instruction.
Favoriser des services d’éducation et d’accueil des jeunes enfants de qualité
Les responsables publics partout dans le monde reconnaissent les multiples avantages de l’EAJE
Des services d’éducation et d’accueil des jeunes enfants (EAJE) de qualité offrent de formidables possibilités pour les enfants, leurs familles et la société. Des éléments probants issus de domaines de la recherche aussi divers que les neurosciences ou l’économie montrent clairement que l’EAJE peut donner un meilleur départ à tous les enfants, et en particulier à ceux issus de milieux moins privilégiés, en favorisant leur développement (OCDE, 2021[2] ; OCDE, 2018[3]).
L’apprentissage et le développement des jeunes enfants sont étroitement liés dans tous les domaines. Les compétences cognitives, sociales et émotionnelles ainsi que la maîtrise de soi se développent en parallèle pendant la petite enfance, les gains dans un domaine contribuant à des avancées présentes et futures dans d’autres (OCDE, 2020[4]). La préscolarisation dans des structures de qualité favorise le développement des enfants dans tous ces domaines, avec des retombées bénéfiques pour l’apprentissage futur. Au Danemark, par exemple, des enfants ayant été préscolarisés dans des structures de qualité élevée ont obtenu de meilleurs résultats à l’examen écrit de la fin du premier cycle du secondaire (dix ans après leur préscolarisation) que leurs camarades dont l’expérience en matière d’EAJE avait été moins bonne (Bauchmüller, Gørtz et Rasmussen, 2014[5]). De même, les conclusions d’une étude menée au Royaume-Uni montrent qu’une préscolarisation de qualité élevée est associée à de meilleurs résultats à la fin de la scolarité obligatoire, suffisamment pour entraîner des revenus bruts supérieurs de 4.3 % sur l’ensemble de la vie (Cattan, Crawford et Dearden, 2014[6]).
Outre leurs retombées d’ordre éducatif et économique, des services d’EAJE de qualité favorisent aussi le bien-être social et émotionnel (voir également le chapitre 2 sur les retombées de l’éducation sur le plan social pour l’individu et pour la collectivité). Dans un échantillon provenant des États-Unis, à l’âge de 15 ans, les adolescents signalent moins de problèmes comportementaux et émotionnels lorsqu’ils ont été auparavant préscolarisés dans des structures d’EAJE de meilleure qualité (Vandell et al., 2010[7]). À plus long terme, la préscolarisation est en corrélation positive avec le bien-être à l’âge adulte selon plusieurs indicateurs, notamment la santé physique et mentale, le niveau de formation et l’emploi (Belfield et al., 2006[8] ; Campbell et al., 2012[9] ; García et al., 2020[10] ; Heckman et Karapakula, 2019[11] ; Heckman et al., 2010[12] ; Karoly, 2016[13] ; Reynolds et Ou, 2011[14]). Enfin, la société en bénéficie à long terme par le biais d’un taux d’activité et de salaires plus élevés, d’une meilleure santé physique et d’une moindre criminalité (OCDE, 2021[2]).
Dans ce contexte, il est rentable d’investir dans des services d’EAJE de qualité, dont la fréquentation est en hausse...
Investir dans des services d’EAJE de qualité, tout en les ciblant en particulier sur les enfants défavorisés, représente donc un levier essentiel de l’action publique pour atteindre à la fois l’efficience et l’équité dans l’enseignement (OCDE, 2017[1]) ; il convient toutefois de mener des recherches plus approfondies sur les types d’investissements permettant spécifiquement d’obtenir des retombées bénéfiques importantes (Rea et Burton, 2020[15] ; Whitehurst, 2017[16])et sur les moyens de pérenniser les acquis de la petite enfance grâce à des investissements dans l’enseignement primaire et au-delà (Johnson et Jackson, 2019[17]).
De plus en plus sensibilisés à l’importance de l’EAJE, les pays de l’OCDE ont élargi l’offre d’enseignement préprimaire (niveau 02 de la CITE) et pris des mesures ciblées en faveur des enfants issus de milieux défavorisés. Les taux de préscolarisation ont ainsi augmenté, jusqu’à atteindre un taux de fréquentation universel ou quasi‑universel des enfants âgés de 3 à 5 ans dans plusieurs pays, et pour l’année précédant l’entrée à l’école primaire dans la plupart des pays. Les taux de préscolarisation des enfants de moins de 3 ans - qui grandissent et apprennent à un rythme plus rapide qu’à tout autre moment de la vie - sont également en hausse dans les pays de l’OCDE, même s’ils restent plus variables que pour les enfants plus âgés (Graphique 4.1) (OCDE, 2021[18]).
Pourtant, les enfants issus de milieux défavorisés, qui tirent le plus de bénéfices des services d’EAJE, y sont généralement moins nombreux...
La préscolarisation est un outil puissant pour réduire les inégalités et aider tous les enfants à acquérir des bases solides pour leur apprentissage et leur bien-être. En général, toutefois, les enfants issus de familles socio-économiquement défavorisées sont moins susceptibles que leurs camarades mieux lotis de fréquenter des structures d’EAJE (OCDE, 2018[20] ; Adema, Clarke et Thévenon, 2016[21]).
Les données du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) 2018 montrent qu’en moyenne, dans les pays de l’OCDE, 86 % des élèves issus de milieux favorisés ont été préscolarisés pendant au moins deux ans, alors que ce n’est le cas que pour 74 % de leurs camarades moins bien lotis (Graphique 4.2). Il est important de noter que l’écart de taux de préscolarisation entre les élèves issus de milieux socio‑économiques différents n’a guère varié en moyenne dans les pays de l’OCDE entre les enquêtes PISA 2015 et 2018, ce qui laisse penser que, malgré la hausse générale de fréquentation des services d’EAJE, des inégalités demeurent. Ces données doivent néanmoins être interprétées avec prudence, car les élèves ayant indiqué, dans le cadre de l’enquête PISA 2018, avoir fréquenté des structures d’EAJE ont été préscolarisés plus de dix ans auparavant (OCDE, 2021[2]).
Ces disparités privent non seulement un grand nombre d’enfants issus de milieux défavorisés des bénéfices apportés par une préscolarisation dans une structure de qualité, mais elles privent aussi leurs familles sur le plan économique puisque le fait de garder leurs enfants les empêchent de suivre une formation ou de participer au marché du travail. La pandémie de COVID-19 a pu exacerber cet écart de préscolarisation : la hausse du chômage pendant la première année de la crise sanitaire a particulièrement touché les femmes et eu des répercussions sur la présence des mères de famille sur le marché du travail, un bon indicateur du taux de préscolarisation avant la pandémie (OCDE, 2021[2]).
De nouvelles stratégies sont nécessaires pour accroître le taux de préscolarisation des enfants défavorisés, par exemple un accès gratuit universel équilibré entre les différents groupes d’âge
Parmi les stratégies possibles pour garantir un accès équitable aux services d’EAJE et accroître la préscolarisation de façon générale figure le développement des services d’EAJE gratuits, pendant au moins quelques heures, à un âge ou pour des groupes ciblés. L’accès universel et gratuit à au moins une année de préscolarisation est désormais courant dans les pays de l’OCDE, et le fait d’avoir accès à des services d’EAJE de qualité et facilement accessibles peut encourager une large participation de divers types de familles. Les pays doivent toutefois équilibrer leurs investissements avec prudence entre les différents groupes d’âge (OCDE, 2021[2]). L’accès universel et gratuit est généralement ciblé sur l’enseignement préprimaire (maternelle), ce qui peut limiter les ressources publiques disponibles pour soutenir la préscolarisation des enfants de moins de 3 ans (OCDE, 2018[20]). Le développement de services d’EAJE gratuit ou subventionné, qui ciblent les familles subissant des pertes de revenu pour cause de congé parental ou de chômage, peut également contribuer à ce que les enfants puissent continuer leur préscolarisation même si leurs parents perdent leur emploi (OCDE, 2021[2]).
Outre l'accès universel et gratuit, les pouvoirs publics peuvent utiliser d'autres outils pour favoriser une préscolarisation équitable. Ils peuvent notamment mettre en œuvre des cadres règlementaires qui encouragent une offre de services d’EAJE publics et privés de qualité, ou des mécanismes permettant d'adapter les structures d’EAJE aux besoins des familles défavorisées (OCDE, 2020[22] ; Blanden et al., 2016[23]).
Si l’importance d’une EAJE de qualité est de plus en plus largement admise, le financement du secteur reste inférieur à celui des niveaux d’enseignement suivants
D’après les données de Regards sur l'éducation, en moyenne en 2018, les pays de l’OCDE ont consacré 0.9 % de leur produit intérieur brut (PIB) à l’EAJE, contre respectivement 1.5 % et 1.9 % de leur PIB à l’enseignement primaire et secondaire (OCDE, 2021[18]). Dans certains pays, la durée de l’enseignement préprimaire est plus courte que celle de l’enseignement primaire, ce qui peut expliquer des dépenses globales inférieures. Cependant, la part des dépenses privées dans les dépenses totales est plus élevée pour l’enseignement préprimaire que pour le primaire, ce qui met en évidence l’écart entre les financements nécessaires dans le secteur et les investissements publics (Graphique 4.3) (OCDE, 2021[2]). En 2018, dans les pays de l’OCDE, les fonds privés représentaient en moyenne 29 % des dépenses totales consacrées à l’éducation des tout-petits (niveau 01 de la CITE) et 17 % à l’éducation préprimaire (niveau 02 de la CITE). Au niveau du primaire, en revanche, seuls 8 % des dépenses consacrées aux établissements scolaires provenaient de sources privées (OCDE, 2021[18]). En outre, les dépenses par enfant dans l’enseignement préprimaire sont, en moyenne dans les pays de l’OCDE, inférieures aux dépenses par élève aux niveaux d’enseignement suivants, même si plusieurs pays, notamment nordiques, conjuguent des investissements importants par enfant et un large accès à l’EAJE (OCDE, 2021[18]).
En plus de faciliter l’accès des enfants défavorisés à l’EAJE, les investissements dans l’EAJE doivent également permettre d’améliorer la qualité de l’offre
Les responsables publics s’efforcent de mieux comprendre ce qui fait la réussite des investissements publics en faveur des premières années d’enseignement et comment l’améliorer. Les travaux de recherche soulignent systématiquement l’importance de veiller à ce que l’EAJE soit de qualité élevée pour tirer pleinement parti des avantages qu’il y a à consacrer des fonds à l’éducation des jeunes enfants (OCDE, 2021[2]). La qualité des processus (vécu des enfants en matière d’EAJE et interactions avec les autres enfants, le personnel, l’espace, le matériel, la famille et la collectivité (OCDE, 2021[2])) est en particulier désignée comme le principal moteur du développement des enfants dans le cadre de l’EAJE (Melhuish et al., 2015[24]).
La complexité de ce que recouvre la qualité dans ce secteur nécessite des solutions pluridimensionnelles. Les travaux de l’OCDE sur l’EAJE ont mis en lumière cinq instruments d’action qui sont déterminants pour la mise en place de systèmes d’EAJE susceptibles de favoriser la qualité des processus : gouvernance, normes et financement ; programmes d’enseignement et pédagogie ; développement professionnel du personnel ; données et suivi ; et enfin, participation des familles et de la collectivité (OCDE, 2021[2]). Le personnel de l’EAJE joue bien sûr un rôle central pour assurer des services d’EAJE de qualité pour tous les enfants. Toutefois, notamment parce que historiquement la garde des jeunes enfants était considérée comme une activité non rémunérée exercée par les femmes, le personnel de l’EAJE n’est pas toujours reconnu pour le professionnalisme nécessaire pour accomplir ses tâches. Relever le niveau exigé de qualification dans les pays où il est faible peut constituer un moyen d’améliorer le statut des professionnels de l’EAJE et d’attirer des candidats plus solides dans le secteur (Encadré 4.1) (OCDE, 2021[2]).
Cette démarche doit toutefois s’accompagner de la possibilité pour le personnel en place de répondre aux nouvelles exigences par le biais de la formation et de la validation des acquis. Il faut pour cela dégager du temps et des fonds pour améliorer l’accès et la participation du personnel aux activités de développement professionnel. Pour que les niveaux de compétence exigés et les salaires soient, à terme, harmonisés, et pour attirer et retenir des personnels de haute qualité, les pays peuvent fixer des objectifs à long terme d’amélioration des salaires et des perspectives d’évolution de carrière (OCDE, 2021[2]).
Encadré 4.1. Initiatives visant à accroître le nombre de personnels qualifiés dans l’EAJE : Australie, Canada et Irlande
Plusieurs pays ont mis en œuvre diverses stratégies pour accroître le nombre d’enseignants qualifiés dans l’EAJE au fil du temps, par exemple fixer des normes plus élevées, mettre en place des mécanismes d’incitation ou offrir des possibilités de formation sur le lieu de travail au personnel du secteur.
En Australie, depuis 2012, des exigences accrues en matière de main-d’œuvre ont progressivement été mises en place. Les services dispensés au sein des structures auprès d’enfants de l’enseignement préprimaire doivent garantir un minimum d’accessibilité aux enseignants qualifiés dans l’éducation des jeunes enfants, en fonction du nombre d’heures de service et du nombre d’enfants présents chaque jour. À compter de 2020, ces doivent garantir l’accès à deux enseignants du préprimaire si 80 enfants ou plus sont présents. En outre, ces critères concernent à la fois les enseignants et les assistants : la moitié du personnel doit détenir ou préparer au moins un diplôme de l’enseignement supérieur de cycle court (niveau 5 de la CITE) et l’autre moitié doit détenir ou préparer au moins un diplôme de l’enseignement postsecondaire au niveau 4 de la CITE. Conformément à la mise en œuvre progressive des exigences réglementaires adoptées en 2012, le niveau de qualification a augmenté ces dernières années pour les enseignants du préprimaire membres des structures d’EAJE.
Au Canada, un grand nombre de provinces et de territoires ont récemment établi de nouvelles normes pour la formation initiale. Par exemple, en Nouvelle-Écosse, les programmes d’études postsecondaires ont été mis à jour pour répondre aux nouvelles normes adoptées sur l’enseignement. La province a également mis en place un processus de reconnaissance des acquis afin de donner aux individus qui travaillent depuis dix ans ou plus dans le domaine de l’EAJE la possibilité de prouver qu’ils ont acquis les connaissances et les compétences nécessaires pour obtenir une certification dans l’EAJE.
En Irlande, de nouvelles conditions ont été instaurées ces dernières années sur le plan des qualifications requises, et les structures sont encouragées à embaucher du personnel d’EAJE plus qualifié. Les enseignants, (appelés « éducateurs principaux » dans le cadre du programme d’éducation des enfants de 3 à 5 ans), doivent désormais être titulaires d’un diplôme du niveau 5 de la CITE au minimum. Toutefois, les structures où les enseignants détiennent un diplôme universitaire (niveau 6 de la CITE) reçoivent davantage de financements. La proportion d’enseignants diplômés (travaillant avec des enfants de tous âges) a augmenté au cours des dix dernières années, passant de 12 % en 2012 à 34 % en 2021. Pour tous les agents qui travaillent directement avec des enfants, la formation minimale requise est un titre reconnu dans l’EAJE au niveau 4 de la CITE.
Source : OCDE (2021[2]), Petite enfance, grands défis VI - Soutenir des interactions constructives dans l’éducation et l’accueil des jeunes enfants, Éditions OCDE Paris, https://doi.org/10.1787/71b52184-fr.
Investir dans le niveau de qualité des enseignants
Les enseignants constituent la ressource la plus importante des établissements scolaires, et des données fiables montrent que les enseignants peuvent avoir des effets à long terme sur les résultats de leurs élèves à l’âge adulte
Les enseignants constituent sans doute la ressource la plus précieuse des établissements scolaires. De solides données probantes montrent que les enseignants jouent un rôle crucial dans l’amélioration des possibilités d’apprentissage des élèves, probablement plus que quiconque en dehors de la famille, et que les enseignants peuvent avoir des effets à long terme sur les résultats de leurs élèves à l’âge adulte, comme les revenus et la poursuite d’études supérieures (Chetty, Friedman et Rockoff, 2014[25] ; Rivkin, Hanushek et Kain, 2005[26] ; Rockoff, 2004[27]). Des travaux de recherche récents ont mis en évidence l’incidence des enseignants sur d’autres résultats souhaitables, notamment le comportement des élèves à l’école (présence en classe et abandon scolaire (Liu et Loeb, 2019[28] ; Gershenson, 2016[29] ; Koedel, 2008[30])) et les compétences socio-émotionnelles comme la résilience, l’état d’esprit de développement et l’efficacité personnelle (Kraft, 2019[31] ; Blazar et Kraft, 2016[32] ; Jennings et DiPrete, 2010[33]).
L’insuffisance des investissements en faveur des enseignants risque donc de créer à terme des problèmes de qualité, d’équité et d’efficience dans l’enseignement scolaire. Les réformes des dépenses passant par une baisse du salaire des enseignants ou par une réduction des activités de développement professionnel peuvent rendre une carrière dans l’enseignement moins attrayante et moins motivante, et rendre ainsi plus difficile le recrutement de personnes qualifiées (OCDE, 2017[1]). En revanche, des politiques efficaces en matière de ressources humaines permettent de développer des carrières attrayantes et motivantes, de répartir les enseignants de manière efficace et équitable, et de soutenir un dispositif de formation professionnelle solide afin que les enseignants continuent de dispenser un enseignement de qualité (OCDE, 2019[34]).
Néanmoins, de nombreux pays sont confrontés à un certain nombre de défis communs. En particulier, les carrières, les salaires et les conditions de travail restent souvent peu intéressants et empêchent les individus compétents de se lancer ou de rester dans une carrière d’enseignant (OCDE, 2019[34]). D’après les données de Regards sur l'éducation, le taux d’attrition des enseignants, c’est-à-dire la proportion d’enseignants quittant la profession au cours de leur carrière, dépassait, en 2016, 8 % dans la moitié des pays pour lesquels on dispose de données (OCDE, 2021[18]). En outre, les enseignants les plus efficaces et les plus expérimentés ne sont souvent pas affectés aux établissements et aux élèves qui en ont le plus besoin (OCDE, 2019[34]).
De surcroît, les programmes de formation initiale des enseignants ne sont pas toujours du niveau de qualité requis pour espérer sélectionner les bons candidats et les préparer à une carrière dans l’enseignement, le risque étant que les étudiants abandonnent leur cursus ou que les diplômés ne se dirigent finalement pas vers l’enseignement, générant ainsi des défaillances profondes. Enfin, le temps des enseignants peut être employé de manière plus ou moins efficace, ce qui influe sur le coût et la qualité de l’enseignement (Boeskens et Nusche, 2021[35]).
Mais les pays sont confrontés à des arbitrages importants en matière de politique de ressources humaines, d’autant plus d’actualité face à la pandémie de COVID-19
Comme semble le montrer l’expérience des pays, les implications en termes de moyens des politiques relatives aux enseignants sont souvent sous-estimées au stade de la conception. Une politique de ressources humaines doit prendre en compte les arbitrages importants qui s’imposent en matière de ressources et être mise en œuvre en tenant compte du contexte particulier dans lequel elle s’inscrit. Par exemple, le choix d’imposer des classes de taille réduite, des horaires de travail plus longs pour les enseignants ou un temps d’instruction plus court par enseignant entraîne une hausse du nombre d’enseignants requis et des dépenses par élève (OCDE, 2019[34]).
Les systèmes scolaires ont également été confrontés à ces arbitrages tandis qu’ils cherchaient à atténuer l’incidence de la pandémie de COVID-19. Comme semble l’indiquer une enquête sur les fermetures d’établissements scolaires suite à la crise sanitaire, près de la moitié des pays interrogés (48 %) ont recruté des enseignants temporaires et/ou d’autres personnels pour répondre aux besoins des élèves d’au moins un niveau d’enseignement pendant l’année scolaire 2020/21. Ces ressources supplémentaires ont été déployées pour assurer le remplacement des enseignants en arrêt-maladie, faciliter la distanciation physique au moyen de classes en effectif réduit et assurer le soutien scolaire. Certains pays ont décidé d’augmenter le salaire des enseignants pour compenser la charge de travail supplémentaire (Lettonie, Lituanie et Slovénie), tandis que d’autres ont augmenté le temps de travail afin de donner aux établissements la possibilité de réduire la taille des classes ou de dispenser des cours de soutien (Autriche) (OCDE, 2021[36]).
La taille des classes est un sujet très débattu, mais les gains d’efficience semblent faibles, sauf pour les plus jeunes et pour les élèves défavorisés
Le taux d’encadrement et la taille des classes sont des sujets très débattus dans le cadre des politiques éducatives. Les stratégies visant à réduire la taille des classes sont généralement étayées par des arguments liés à des échanges plus riches entre enseignants et élèves, au temps plus long consacré à chaque tâche et à une approche plus individualisée de l’attention portée aux élèves (OCDE, 2017[1]). Les données de l’enquête TALIS 2018 montrent que les classes plus petites s’accompagnent en général d’un temps d’enseignement et d’apprentissage réel plus long, mais qu’elles ne sont pas liées à d’autres indicateurs de qualité d’enseignement, comme le recours à des méthodes d’activation cognitive ou l’efficacité personnelle telle que la rapportent les enseignants (OCDE, 2019[37]).
En outre, les avantages éventuels des petites classes doivent être mis en balance avec d’autres investissements potentiels tels que l’amélioration de la formation professionnelle et des conditions de travail. L’organisation des élèves dans des classes plus petites est une mesure coûteuse car elle nécessite davantage de personnel par élève. En d’autres termes, un arbitrage peut devoir être fait entre renforcer les ressources humaines pour avoir des effectifs réduits en classe et investir dans des ressources humaines de meilleure qualité et dans de nouvelles méthodes d’enseignement et d’apprentissage (OCDE, 2017[1]).
Compte tenu de leur coût élevé, les mesures de réduction des effectifs en classe semblent relativement moins efficientes que les autres interventions visant à favoriser l’apprentissage des élèves (Rivkin, Hanushek et Kain, 2005[38]). Certains systèmes très performants, comme ceux de Shanghai et Singapour, ont choisi de réduire la charge de travail des enseignants afin qu’ils puissent libérer du temps pour leur perfectionnement professionnel (Jensen et al., 2012[39]). Si le lien entre l’effectif en classe et les résultats des élèves est encore largement débattu (Santiago, 2002[40]), de nombreux éléments indiquent une relation positive forte entre les classes aux effectifs réduits et l’apprentissage de groupes d'élèves particuliers. Il s'agit notamment d'apprenants dans leurs premières années et issus de milieux défavorisés (Krueger, 1999[41] ; Angrist et Lavy, 1999[42] ; Chetty et al., 2011[43] ; Dynarski, Hyman et Schanzenbach, 2013[44]). Ceci montre que l'affectation de ressources supplémentaires aux enseignants (par exemple dans les systèmes scolaires où le nombre d'élèves diminue) devrait concerner les élèves les plus susceptibles de bénéficier de telles interventions, à savoir les élèves défavorisés et les élèves de l’enseignement préprimaire et primaire (OCDE, 2017[1]).
De manière plus générale, il semble encore possible de trouver des solutions plus créatives pour organiser les élèves en petits groupes. Par exemple, les enseignants peuvent être encouragés et soutenus lorsqu'ils souhaitent aménager leur classe de manière à favoriser des méthodes d’apprentissage plus individualisées et plus actives. Les chefs d’établissement pourraient aussi avoir une plus grande latitude pour employer le personnel de manière plus souple afin de permettre aux enseignants de travailler avec des groupes plus restreints au moins une partie du temps (OCDE, 2019[37]).
Il est urgent d’attirer, de retenir et de motiver des individus talentueux dans l’enseignement, en tenant particulièrement compte des facteurs intrinsèques et extrinsèques
Attirer et retenir les meilleurs enseignants, les motiver tout au long de leur carrière et leur permettre d’utiliser efficacement leurs compétences pour favoriser l’apprentissage et le bien-être des élèves : autant d’éléments qui caractérisent les systèmes scolaires performants (OCDE, 2019[34]).
D’après les données de l’enquête TALIS 2018, même si de multiples raisons peuvent amener quelqu’un à choisir le métier d’enseignant, la grande majorité des enseignants en exercice ont été motivés par leur attachement au service public et par l’impact social de l’instruction (OCDE, 2019[37]). Travailler avec des jeunes et leur donner le goût d’apprendre constituent de puissantes sources de motivation intrinsèque. Dans le même temps, de nombreux enseignants indiquent que des facteurs extrinsèques, notamment les perspectives de carrière (61 %), la sécurité de l’emploi (71 %) et la capacité à concilier travail et vie privée (66 %), ont également joué un rôle important dans leur décision de rejoindre l’enseignement. En outre, dans de nombreux pays de l’OCDE, les conditions de travail, les salaires et la charge de travail administrative figurent parmi les principales préoccupations des enseignants en exercice (OCDE, 2019[37]).
Les motivations intrinsèques et extrinsèques sont donc étroitement imbriquées et les pays doivent en tenir compte lorsqu’ils souhaitent renforcer l’attractivité du métier d’enseignant, motiver le personnel scolaire et lui permettre de favoriser l’apprentissage des élèves. Les pays doivent faire de l’enseignement une carrière financièrement gratifiante mais aussi intellectuellement satisfaisante, et permettre aux enseignants de se concentrer sur l’instruction (OCDE, 2019[34]).
Les niveaux de rémunération comparativement bas expliquent en partie la pénurie d’enseignants et le taux élevé de rotation des effectifs
Si la rémunération n’est qu’un des nombreux facteurs qui rendent une profession attractive, le niveau des salaires, la structure de la grille de rémunération et les facteurs qui déterminent les augmentations de salaire sont des leviers importants qui doivent être pris en considération pour favoriser l’offre de personnel enseignant, son maintien en poste et sa motivation (OCDE, 2019[34]).
Il est largement admis que la rémunération des enseignants devrait être compétitive par rapport à celle des individus ayant le même niveau d’études et exerçant des professions comparables, afin d’attirer des candidats à fort potentiel et d’éviter leur départ. Il ressort pourtant de la publication de l’OCDE Regards sur l'éducation que les salaires effectifs des enseignants sont inférieurs à ceux des travailleurs ayant un niveau de qualification analogue dans la quasi-totalité des pays pour lesquels des informations sont disponibles, même si ces salaires augmentent généralement avec le niveau d’enseignement où les enseignants sont en poste (Graphique 4.4). En 2020, les salaires moyens des enseignants du préprimaire correspondaient à 81 % des rémunérations à temps plein des 25-64 ans diplômés du supérieur, à 86 % pour les enseignants du primaire, à 90 % pour les enseignants du premier cycle du secondaire et à 96 % pour ceux du deuxième cycle du secondaire. Les revenus relatifs des enseignants varient néanmoins beaucoup d’un pays à l’autre. Au Costa Rica, en Lituanie, au Portugal et en Irlande, les enseignants gagnent plus que les autres adultes diplômés du supérieur à tous les niveaux d’enseignement, tandis qu’ils gagnent les deux tiers voire moins à certains niveaux d’enseignement en Hongrie et aux États-Unis (OCDE, 2022[19]).
Les salaires comparativement bas sont souvent considérés comme l’un des facteurs expliquant la pénurie d’enseignants et le manque de candidats qualifiés. La non-compétitivité des salaires aurait aussi un effet défavorable sur le taux d'attrition des enseignants, certaines données indiquant que leurs salaires (et le coût d’opportunité du manque à gagner avec une carrière professionnelle hors enseignement) influencent la probabilité qu’ils quittent la profession (Falch, 2011[45]), en particulier en début de carrière (Hendricks, 2014[46] ; Murnane, Singer et Willett, 1989[47]). Par voie de conséquence, la compétitivité des salaires contribuerait aussi à réduire le taux élevé de rotation des effectifs dans les établissements scolaires, un phénomène susceptible de compromettre la réussite des élèves et qui a tendance à toucher davantage les établissements défavorisés (Ronfeldt, Loeb et Wyckoff, 2013[48]).
Plusieurs pays qui affichaient des salaires d’enseignants largement inférieurs à ceux des travailleurs ayant un niveau d’études analogue ont envisagé de réduire cet écart en vue d’améliorer l’attractivité de la profession (Encadré 4.2). Pourtant, si les niveaux des salaires absolus et relatifs sont des éléments importants pour déterminer l’attractivité financière d'une carrière dans l’enseignement, d’autres aspects liés à la rémunération devraient également être pris en compte au moment d’évaluer leur compétitivité. Dans de nombreux pays, par exemple, les enseignants sont des fonctionnaires qui jouissent d’une grande sécurité de l’emploi ou bénéficient de nombreux avantages, comme une pension, l’exonération d’impôt, les allocations familiales et les congés annuels, contrairement aux travailleurs qui exercent des fonctions comparables dans le privé. Il convient par conséquent d’étudier la compétitivité des salaires des enseignants par rapport à un groupe de comparaison pertinent, en gardant à l’esprit les avantages à la fois financiers et non financiers (OCDE, 2019[34]).
Encadré 4.2. Augmentation de la rémunération des enseignants pour améliorer l’attractivité de la profession en Estonie, en République tchèque et en Suède
En République tchèque, il apparaît clairement que les bas salaires et les mauvaises conditions de travail étaient à l’origine du manque de considération et d’attractivité de la profession enseignante. À la suite d’une hausse initiale des salaires des enseignants de 22 % en termes réels entre 2009 et 2014, le gouvernement s’est fixé comme priorité de faire progresser encore les salaires pour combler les pénuries de personnel dans le cadre de sa stratégie pour l’éducation 2020, adoptée en 2014. En conséquence, les salaires des enseignants augmentent chaque année depuis 2015, une hausse de 8 % ayant été enregistrée en 2016. En 2017, le gouvernement a mis en œuvre un programme visant à relever les salaires de 15 %. Sous la pression des syndicats enseignants régionaux et à la suite de négociations avec eux, le budget 2019 de l’éducation comportait un crédit de 95 milliards CZK pour les salaires des enseignants, soit une hausse de 16.1 milliards CZK par rapport à 2018, représentant une augmentation moyenne de 10 %. La nouvelle stratégie sectorielle du pays (Strategy 2030+) prévoit de nouvelles hausses de salaire pour les enseignants, à la fois par rapport au salaire moyen dans l’économie nationale et par rapport au salaire moyen des travailleurs diplômés du supérieur. Parmi les mesures envisagées dans la stratégie figurent aussi un examen du régime des salaires et l'accroissement de la part des ressources consacrées aux compléments de rémunération sous forme de prime afin que les chefs d'établissement puissent récompenser la qualité de l’enseignement (MSMT, 2020[49] ; OCDE, 2020[50]).
En Estonie, la satisfaction des enseignants et leur image dans la société étaient au cœur de la stratégie pour la formation tout au long de la vie sur la période 2014-2020. Le gouvernement a notamment relevé les salaires et réformé l’organisation du travail de manière à améliorer l'image de la profession enseignante dans la société. Pour attirer les meilleurs candidats, les salaires moyens des enseignants ont été ajustés afin de les aligner sur le niveau requis de qualifications et la palette de compétences acquises. L’action du gouvernement a ciblé en particulier les salaires des enseignants débutants pour que la profession gagne en popularité auprès des jeunes. Le régime des salaires des enseignants a aussi été assorti de mesures visant à inciter les enseignants à perfectionner leurs compétences professionnelles, avec la possibilité de ne pas enseigner pendant un semestre pour atteindre des objectifs précis en matière de développement professionnel (OCDE, 2020[51]).
En Suède, le gouvernement a mis en place en 2014 un dispositif national pour attirer des candidats dans l’enseignement et ainsi éviter les pénuries d’enseignants et améliorer l’attractivité de la profession. Ce dispositif prévoyait des hausses de salaire et une progression plus rapide de la rémunération des enseignants, en fonction de leurs compétences et de leur développement professionnel. En 2016, il a été suivi d’une initiative visant à compléter les salaires des enseignants (Lärarlönelyftet) en récompensant ceux qui participent à des programmes de développement professionnel. Le gouvernement a en outre cherché à encourager l’entrée dans la profession en facilitant l’accès à l’enseignement depuis différentes trajectoires et en augmentant les aides publiques pour les nouveaux enseignants. Des subventions ont aussi été mises en place pour améliorer les conditions de travail et les possibilités de carrière, favorisant par conséquent le maintien dans la profession. Ces mesures ont été complétées par une campagne d’information (För det vidare) visant à attirer davantage de candidats dans l’enseignement, à éviter leur départ et à améliorer leur image dans la société (OCDE, 2020[51]).
Source : OCDE (2020[51]), Résultats de TALIS 2018 (Volume II) : Des enseignants et chefs d’établissement comme professionnels valorisés, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/69e92fca-fr ; (OCDE, 2020[50]), Education Policy Outlook 2020: Czech Republic, https://www.oecd.org/education/policy-outlook/country-profile-Czech-Republic-2020.pdf (consulté le 31 janvier 2022) ; MSMT (2020[49]), Strategy for the Education Policy of the Czech Republic up to 2030+, https://www.msmt.cz/uploads/brozura_S2030_en_fin_online.pdf (consulté le 31 janvier 2022).
Pour améliorer l’attractivité du métier d’enseignant, il convient de s'intéresser aussi à la structure de la grille de rémunération et aux critères appliqués à l’augmentation des salaires
Outre la compétitivité des revenus d'activité des enseignants sur l’ensemble de la vie, les responsables publics doivent étudier avec attention la répartition de ces rémunérations tout au long de leur carrière et les facteurs qui déterminent la progression de leurs salaires. Il pourrait être utile de mettre en balance les salaires de départ plus élevés, par exemple, avec les avantages que procurent des hausses de salaires plus importantes tout au long de la carrière. En effet, de nombreux pays sont confrontés à une double difficulté, à savoir offrir des salaires de départ qui soient compétitifs pour attirer des candidats à fort potentiel dans la profession tout en cherchant aussi à conserver, motiver et récompenser les enseignants chevronnés de qualité par le biais d’augmentations salariales (OCDE, 2019[34]).
Il ressort de Regards sur l’éducation que les barèmes de rémunération des enseignants et leur pente (c'est-à-dire le rythme auquel les salaires augmentent en cours de carrière) varient considérablement selon les pays de l’OCDE pour lesquels des données sont disponibles. Dans un certain nombre de pays, les enseignants gagnent comparativement moins en début de carrière mais affichent une plus forte progression salariale à mesure qu’ils obtiennent des qualifications complémentaires ou qu’ils gagnent en ancienneté. En Angleterre (Royaume-Uni), au Chili, en Corée, au Costa Rica, en Hongrie, en Israël et au Mexique, par exemple, les salaires des échelons supérieurs peuvent être plus de 2.5 fois plus élevés que ceux de départ. En Colombie, les salaires des échelons supérieurs du barème correspondent à plus du triple des salaires de départ. En revanche, les échelles de salaires dans des pays comme l’Allemagne, le Danemark et l’Espagne, qui proposent des salaires de départ parmi les plus élevés, sont comparativement plus resserrées (Graphique 4.5) (OCDE, 2022[19]).
…mais il n’existe pas de solution unique pour établir des barèmes appropriés de rémunération…
Il n’existe toutefois pas de solution unique pour concevoir des barèmes appropriés de rémunération. Les décisions des responsables publics doivent au contraire tenir compte des défis précis que leur pays doit relever, ainsi que des marchés du travail locaux. Si l’incapacité à attirer les jeunes diplômés dans la profession suppose sans doute de relever les salaires de départ, les taux d’attrition élevés chez les enseignants en milieu de carrière montrent plutôt l’intérêt de mettre en place des mesures plus attractives de progression des salaires. De même, d’autres éléments économiques plus vastes, comme le niveau des salaires dans le secteur privé ou le taux de chômage, déterminent si, et dans quelle mesure, des salaires de départ plus élevés sont un moyen efficace d’attirer des candidats très performants et quelles formes de progression salariale sont les mieux adaptées pour récompenser les enseignants et amplifier leur influence profonde sur l’apprentissage et le développement des élèves (OCDE, 2019[34]).
Resserrer le barème de rémunération permet de libérer des ressources pour augmenter les salaires de départ au détriment des salaires des personnels plus expérimentés. Ceci pourrait permettre d'attirer davantage d'étudiants dans l’enseignement et de réduire le taux d'attrition en début de carrière. En Autriche, le code de l’enseignant de 2015 est un exemple de réforme en faveur d’un barème de rémunération plus condensé (Encadré 4.3). En revanche, augmenter le taux de progression des salaires tout au long de la carrière permettrait d’offrir des salaires plus élevés aux échelons supérieurs. De tels barèmes permettraient de conserver dans la profession des enseignants plus expérimentés et de les motiver, ou offrirait davantage de possibilités en termes de différenciation des salaires entre les enseignants (OCDE, 2019[34]).
Encadré 4.3. Réformer la grille des salaires des enseignants pour rendre la profession plus attractive aux yeux des débutants : l’exemple de l’Autriche
En 2015, l’Autriche a mis en place un nouveau code de l’enseignant qui s’applique à tous les enseignants qui entrent dans la profession depuis 2019/20. Ce code a resserré le barème de rémunération, ce qui a abouti à des salaires de départ plus attractifs mais des salaires réduits aux échelons supérieurs, les gains attendus des enseignants sur l’ensemble de la vie restant ainsi à peu près les mêmes. Ces changements se sont accompagnés d’un niveau accru de qualifications requises pour les enseignants débutants dans les écoles provinciales et une charge d’enseignement plus importante dans les établissements fédéraux.
On s’attend à ce que le tassement de la structure des salaires en Autriche (dont la pente était beaucoup plus raide que la moyenne de l’OCDE) entraîne une hausse des dépenses à moyen terme jusqu’au départ à la retraite des enseignants chevronnés les mieux rémunérés qui ont le droit de continuer d’exercer sous l’ancien régime de rémunération. Cet effet sera en partie compensé par les plus longues heures d’enseignement et la réglementation des heures supplémentaires dans le nouveau code. Les enseignants ont été moins nombreux que prévu à choisir d'adhérer au nouveau code lors de la période de transition (2015-2019) pendant laquelle son adoption était facultative.
Note : En Autriche, les établissements fédéraux et les établissements provinciaux ne couvrent pas les mêmes niveaux d’enseignement. Les établissements fédéraux (Bundesschulen) comprennent les lycées d’enseignement général et les collèges et lycées d’enseignement professionnel du deuxième cycle du secondaire (niveaux 2-3 de la CITE). Les établissements provinciaux (Landesschulen) comprennent les écoles primaires, les établissements d’enseignement général du premier cycle du secondaire, les nouvelles écoles secondaires (Neue Mittel Schule), les établissements pour les élèves ayant des besoins éducatifs particuliers, les établissements d’enseignement préprofessionnel et les établissements d’enseignement professionnel du deuxième cycle du secondaire à temps partiel (niveaux 1-3 de la CITE).
Source : OCDE (2019[34]), Working and Learning Together: Rethinking Human Resource Policies for Schools, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/b7aaf050-en.
… et il convient d’anticiper les grandes difficultés de mise en œuvre lorsque l’on modifie les régimes de rémunération
Les réformes des salaires s’accompagnent toujours d’une certaine incertitude quant à l’ampleur et à la répartition des avantages qu’elles sont censées apporter, et elles suscitent parfois des oppositions chez les individus qui craignent d’y perdre, que ce soit en termes absolus ou relatifs. Il est donc nécessaire d'instaurer un dialogue ouvert avec les parties prenantes, y compris les syndicats d’enseignants, et les associer au processus de réforme. Pour instaurer et préserver la confiance dans la mise en œuvre des réformes des salaires, celles-ci doivent s’appuyer sur une communication claire, la recherche d’un consensus et la hiérarchisation des demandes concurrentes de ressources. Ne pas associer pleinement les parties prenantes à l’étape de la conception des réformes peut coûter cher, et certains pays de l’OCDE ont dû retarder ou abandonner leurs projets de réforme face à la résistance des parties prenantes.
L'expérience des pays de l'OCDE montre également l’importance d’anticiper les coûts et les défis inhérents aux réformes des salaires. Par exemple, si le fait d’ajuster la pente des barèmes de salaires et de transférer des ressources aux deux extrémités s’avère théoriquement neutre sur le plan budgétaire, les conséquences budgétaires sont souvent difficiles à prévoir et les réformes risquent d’entraîner d’importants coûts de transition sur toute la durée de leur mise en œuvre. Enfin, les responsables publics doivent garder à l’esprit l’inertie des processus de réforme et l’intervalle de temps très long qu’il peut falloir pour qu’une modification du régime de rémunération des enseignants atteigne l’ensemble de la profession voire simplement une majorité des effectifs (OCDE, 2019[34]).
Certains pays ont cherché à renforcer le lien entre les salaires des enseignants et leurs performances pour promouvoir un enseignement de qualité, ce qui n’est pas sans difficulté
En plus de rattacher les salaires à l’ancienneté, de nombreux régimes visent à encourager le perfectionnement continu des enseignants en différenciant la rémunération sur la base du niveau d’études et de formation des enseignants ou de leurs responsabilités. D’autres formes de rémunération différenciée ont visé à rattacher plus explicitement le salaire des enseignants à leur efficacité évaluée. Par exemple, depuis 2006, le ministère américain de l’Éducation octroie sur concours des subventions au titre du dispositif Teacher Incentive Fund à des circonscriptions scolaires pour financer l’élaboration et la mise en œuvre de programmes de rémunération fondée sur la performance qui ciblent les enseignants et les chefs d’établissement. Les circonscriptions participantes ont été tenues d’utiliser des indicateurs de l’amélioration des résultats des élèves et d’effectuer au moins deux observations des pratiques en classe ou dans les établissements pour évaluer l’efficacité de l’enseignement (OCDE, 2019[34]).
En théorie, la rémunération basée sur la performance a pour but d’encourager les enseignants à améliorer leur pratique et les résultats des élèves en récompensant l’efficacité de leur pédagogie (OCDE, 2019[34]). Toutefois, des travaux de recherche menés dans différents contextes ont montré qu’il était difficile d’évaluer les performances au niveau de chaque enseignant. Ils ont également montré que des mesures d’incitation en faveur de l’amélioration de la performance des enseignants pouvaient avoir des effets pervers, par exemple des enseignants qui circonscrivent le programme d’enseignement ou réduisent les efforts déployés pour des tâches non explicitement reconnues dans le programme (Ballou et Springer, 2015[52] ; OCDE, 2013[53] ; Papay, 2011[54] ; Rothstein, 2010[55]). Le fait de recourir de façon excessive à des incitations extrinsèques risque aussi de saper la motivation intrinsèque des enseignants et d’avoir une influence négative sur les relations collégiales (Bénabou et Tirole, 2003[56] ; Frey, 1997[57]).
Une autre solution consiste à rattacher les salaires à la progression de carrière pour créer un lien plus indirect entre l’expertise croissante des enseignants et leur rémunération ; cette façon de procéder peut résoudre certaines difficultés liées au dispositif classique de rémunération fondée sur la performance (Encadré 4.4). D’abord, elle peut combiner des récompenses extrinsèques pour des performances élevées (sous la forme d’augmentations de salaires) et des récompenses intrinsèques sous la forme d’opportunités et de responsabilités professionnelles qui évoluent avec les connaissances et les compétences des enseignants. Ensuite, cette solution propose aux enseignants à la fois débutants et chevronnés des objectifs réalistes fondés sur leur position actuelle sur l’échelle professionnelle et un parcours clair pour les atteindre. Pour mettre en œuvre de tels régimes de rémunération, les pays doivent développer plus avant et intégrer leurs normes pédagogiques, systèmes d’évaluation, schémas de carrière et barèmes des salaires (OCDE, 2019[34]).
Encadré 4.4. Rattacher les salaires à l’avancement professionnel : les exemples de la Colombie et du Chili
En Colombie, le nouveau schéma de carrière des enseignants, mis en place en 2002 et applicable aux enseignants nommés après son entrée en vigueur, montre comment des liens indirects entre évaluation et rémunération peuvent être établis. Contrairement au système fondé sur l’ancienneté qui s’applique aux enseignants nommés avant 2002, les enseignants doivent se soumettre à une évaluation diagnostique et formative (Evaluación de Carácter Diagnóstico Formativo, ECDF) pour avancer professionnellement et atteindre l’échelon suivant sur l’échelle des salaires. Si ce processus d’évaluation reposait initialement sur des travaux écrits, il a été réformé en 2015 pour évaluer au plus près l’efficacité des enseignants en classe. Il se fonde désormais sur des évaluations par des pairs à partir d’observations vidéo, sur l’identification des besoins de développement professionnel et sur l’accès des enseignants à des possibilités de développement professionnel. Si les détails du processus font l’objet de négociations fréquentes depuis sa mise en place (par exemple concernant la fiabilité de la méthode d’évaluation), le système est un signe clair de la volonté de consolider les liens indirects entre les performances des enseignants et leur rémunération.
De même, le Chili a recours à un dispositif de certification (Sistema de Reconocimiento) pour encadrer la progression des enseignants au cours des cinq étapes de leur schéma de carrière (Carrera Docente) en fonction des compétences mentionnées dans le cadre national de l’enseignement (Marco para la Buena Enzeñanza). Leur progression s’accompagne d’une meilleure rémunération grâce à des primes spéciales (Asignación por tramo de desarrollo profesional docente) et à un salaire de base plus élevé (Bonificación de Reconocimiento Profesional). Ce dispositif donne également accès à de nouvelles opportunités professionnelles, comme des réseaux d’enseignants, et à la formation professionnelle pour améliorer les pratiques. Il comprend une évaluation écrite standardisée et des repères extérieurs qui permettent d’évaluer le portefeuille professionnel des enseignants, ainsi qu’une observation en classe. Si la progression jusqu’aux deux dernières étapes de la carrière d’enseignant (Experto I et Experto II) est volontaire, les enseignants sont censés passer de la première étape (Inicial) à la deuxième ou la troisième (Temprano, Avanzado) au bout de quatre à huit ans. Cette méthode permet en outre d’écarter les enseignants peu performants de la profession s’ils échouent plus de deux fois à l’examen.
Source : OCDE (2019[34]), Working and Learning Together: Rethinking Human Resource Policies for Schools, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/b7aaf050-en.
La répartition inéquitable des enseignants pose problème dans de nombreux pays…
La répartition inéquitable du personnel enseignant dans les établissements scolaires dans différents contextes socioéconomiques pose problème dans de nombreux pays, comme l’ont montré de nombreuses publications et données de l’OCDE (OCDE, 2018[58] ; OCDE, 2019[34]). Les données du PISA 2015, par exemple, indiquent que les enseignants dans les établissements les plus défavorisés sont moins qualifiés ou chevronnés que ceux des établissements les plus favorisés dans plus d’un tiers des systèmes scolaires participants, et que les écarts de résultats des élèves en fonction de leur situation socioéconomique sont plus marqués lorsque les enseignants qualifiés et chevronnés sont moins nombreux à exercer dans les établissements défavorisés (OCDE, 2018[58]).
Les données plus récentes de TALIS 2018 montrent de la même façon qu’en moyenne dans les pays de l’OCDE, les enseignants débutants exercent généralement dans des établissements plus difficiles fréquentés par davantage d’élèves d’origine modeste ou issus de l’immigration (Graphique 4.6) (OCDE, 2019[37]). Les nouveaux enseignants sont souvent confrontés aux réalités de la salle de classe pendant leurs premières années d’enseignement (Jensen et al., 2012[59]), ce qui risque de réduire leur sentiment d’efficacité perçue et d’augmenter la probabilité qu'ils changent d’établissement voire qu’ils quittent l’enseignement.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer la répartition inégale des enseignants, notamment les procédures et les règles de recrutement ainsi que les préférences des enseignants
Si le fait de donner davantage d’autonomie aux établissements scolaires eu égard au recrutement de leurs enseignants permet d’établir une meilleure adéquation entre le personnel et le lieu de travail, certains redoutent que cette stratégie ne creuse les disparités entre les établissements en termes de qualifications et d’expérience des enseignants. En revanche, confier cette tâche à des autorités de niveau supérieur favoriserait une répartition plus équitable des enseignants entre les établissements favorisés et défavorisés et permettrait de pourvoir les postes vacants dans les établissements scolaires qui ont du mal à recruter (OCDE, 2019[34]).
Les données internationales montrent néanmoins une répartition inéquitable des enseignants à la fois dans les systèmes où le recrutement des enseignants incombe à un niveau supérieur de responsabilité et dans ceux qui confient cette tâche aux établissements (OCDE, 2018[58]). Cela signifie qu’une répartition efficace et équitable des enseignants dépend non seulement du niveau de prise de décision, mais aussi des processus de recrutement et des incitations et préférences des enseignants. Dans un certain nombre de systèmes, ce sont les intérêts des enseignants plutôt que les besoins des élèves qui déterminent leur déploiement, ce qui fait qu’il est difficile de faire correspondre les diverses expériences et compétences des enseignants aux différents contextes des établissements. Par exemple, dans les systèmes centralisés, les préférences des enseignants les mieux classés peuvent choisir en priorité l’établissement dans lequel ils souhaitent exercer. Dans les systèmes décentralisés, les établissements scolaires ou les autorités infranationales doivent peut-être préserver les droits statutaires des enseignants, tels que les contrats permanents ou les niveaux élevés d’ancienneté, lorsqu’ils recrutent du personnel (OCDE, 2019[34]).
Des solutions pourraient consister à mettre en place des incitations à la fois financières et non financières
Certains systèmes scolaires ont mis en place des incitations financières pour encourager les enseignants à travailler dans les écoles qui ont le plus besoin d‘eux, par exemple des salaires plus élevés pour exercer dans les établissements accueillant une grande proportion d’élèves d’origine modeste, une rémunération différenciée pour telles ou telles compétences, ou encore des bourses et des subventions pour enseigner dans des établissements défavorisés (Encadré 4.5).
Encadré 4.5. Incitations financières pour attirer et retenir des enseignants très performants dans les établissements défavorisés au Chili et en France
Le gouvernement du Chili a mis au point différents dispositifs pour récompenser sous forme de prime les enseignants très performants qui choisissent de travailler dans des établissements défavorisés. Le programme Asignación de Excelencia Pedagógica (AEP) vise à récompenser les enseignants les plus efficaces et à favoriser le maintien des effectifs dans la profession. En vigueur entre 2002 et 2021, le programme a mis en place en 2012 une prime pour les enseignants qui travaillent dans des établissements défavorisés. Une évaluation du programme a montré que les incitations n’étaient pas suffisantes pour réorienter les enseignants les plus performants vers les établissements défavorisés, mais qu’elles permettaient de conserver des enseignants de qualité dans les établissements particulièrement difficiles. Depuis 2017, une autre incitation financière est en vigueur (Asignación de Reconocimiento por Docencia en Establecimientos de Alta Concentración de Alumnos Prioritarios), qui s’attache également à attirer des enseignants dans des établissements accueillant une forte proportion d’élèves défavorisés et à les maintenir en fonction.
En 1981, la France a créé les zones d’éducation prioritaire (ZEP), un programme d’éducation compensatoire qui octroie des ressources complémentaires aux établissements défavorisés. En 1992, par exemple, une prime annuelle de 600 EUR a été accordée aux enseignants des ZEP. Le dispositif a beaucoup évolué depuis. Par exemple, depuis septembre 2015, les enseignants qui travaillent dans des établissements situés dans des zones défavorisées reçoivent une prime annuelle qui peut varier de 1 734 EUR à 2 312 EUR (montant brut). Depuis septembre 2019, les enseignants qui exercent dans des établissements situés dans des secteurs isolés qui concentrent les plus grandes difficultés sociales (REP+) reçoivent une prime salariale brute annuelle de 4 646 EUR.
Source : OCDE (2020[51]), Résultats de TALIS 2018 (Volume II) : Des enseignants et chefs d'établissement comme professionnels valorisés, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/69e92fca-fr.
Dans certains contextes, les incitations financières ont donné des résultats prometteurs en termes d’affectation des enseignants dans les établissements qui en ont le plus besoin (Steele, Murnane et Willett, 2010[60] ; Clotfelter et al., 2008[61]). Mais ces stratégies ne donneront pas les mêmes résultats selon la forme et la générosité des incitations ainsi que le cadre général de l’emploi et de la progression professionnelle des enseignants. Par exemple, une mesure d’incitation financière mise en place en France pour encourager les enseignants à travailler dans des établissements défavorisés (voir l’Encadré 4.5), n'a pas donné de résultats positifs. Ceci montre bien que le montant de la prime financière et la façon dont la mesure est perçue sont deux éléments essentiels pour atteindre les objectifs fixés (Prost, 2013[62]). Les dispositifs d’incitation financière doivent par conséquent faire l’objet d’une évaluation et d’un suivi appropriés.
Bien entendu, les incitations non financières ont aussi de l’importance. Par exemple, une autre possibilité consiste à reconnaître l’expérience acquise dans des établissements difficiles ou isolés pour l’avancement professionnel des enseignants. Il convient de prendre également en compte d’autres facteurs, tels que les possibilités d’assumer des responsabilités supplémentaires et de participer à des travaux de recherche et d’innovation, et les conditions de travail, comme le temps de préparation, la direction, la collégialité, l’obligation de rendre des comptes, la taille des classes ou les installations. Il est par conséquent tout aussi important de veiller à ce que les établissements scolaires situés dans des zones difficiles offrent des conditions de travail attrayantes au personnel éducatif (OCDE, 2019[34]).
Lutter contre l’échec scolaire
L’échec scolaire coûte cher aux élèves et constitue une source majeure d’inefficacité pour les systèmes éducatifs
L’éducation formelle est un processus cumulatif, sinon linéaire. Lorsque la progression scolaire est compromise par des connaissances lacunaires ou des redoublements, les élèves risquent de quitter l’école prématurément, de ne pas accéder à l’enseignement supérieur et de jouir de moins bonnes perspectives d’emploi (OCDE, 2018[63]). Lorsque les élèves n'ont pas une scolarité fluide et quittent l’école avec un bagage de connaissances, de compétences et d’aptitudes insuffisant, le coût est élevé pour les systèmes scolaires et les individus, et cet échec représente une source importante d’inefficacité dans de nombreux pays (OCDE, 2017[1]). Dans le contexte de la pandémie de COVID-19, répondre aux besoins urgents des élèves qui ont pu quitter l’école prématurément ou qui sont exposés à un risque accru de décrochage sera une priorité éducative et économique absolue dans certaines situations, par exemple au moyen de programmes de la deuxième chance ou de cours accélérés de qualité (Encadré 4.6).
Encadré 4.6. Remobiliser les apprenants en difficulté et lutter contre le décrochage scolaire au moyen de programmes complémentaires de la deuxième chance et de cours accélérés
Les programmes de la deuxième chance et de cours accélérés sont des formes d’interventions dédiées aux élèves dont le passage dans l’enseignement secondaire ou post-secondaire ou l’entrée sur le marché du travail a échoué ou reste difficile. Ils proposent des cours et un cadre pédagogique différents pour remobiliser les élèves au lieu de chercher à mieux les accompagner dans une scolarité ordinaire.
La solution classique pour les élèves qui ont quitté l’école mais qui, une fois adultes, expriment le souhait d’acquérir des compétences et des titres au niveau de l’enseignement secondaire, c’est le programme de la deuxième chance. Les programmes de la deuxième chance permettent en effet de combler les lacunes et de lutter contre l’échec scolaire de diverses manières, notamment la remédiation en lecture, écriture et calcul, la reprise de cours en ligne ou en personne, la démonstration des compétences acquises via un test et l’expérience professionnelle.
En France, par exemple, un réseau d’écoles de la deuxième chance (E2C) propose une formation pratique aux jeunes qui abandonnent prématurément leur scolarité. La formation, qui cible les 16-25 ans sans qualification, se concentre en particulier sur des parcours d’apprentissage personnalisés et l’expérience professionnelle. Dans le cadre du grand plan d’investissement du gouvernement pour 2018-2022, le ministère du Travail prévoit de financer de nouveaux parcours entre 2019 et 2022, de soutenir l’ingénierie des systèmes d’information du réseau et de favoriser la mise en œuvre de l’approche par compétences.
Au Danemark, un nouveau type de programmes d’éducation et de formation fondamentales préparatoires (FGU) a été lancé en 2019 pour repenser et renforcer l’éducation de la deuxième chance et réduire de 50 % la proportion de jeunes sans emploi et sortis du système éducatif d’ici à 2030. Ces programmes sont dispensés par des organismes dédiés dans un certain nombre d’établissements scolaires et s’inscrivent dans le cadre des initiatives en faveur de la jeunesse prises par 98 communes du pays. Ils sont proposés dans diverses filières, comportent un solide module d’orientation et de conseil et appliquent de nouvelles méthodes pédagogiques pour favoriser l’accès des moins de 25 ans au deuxième cycle du secondaire ou au marché du travail.
Une alternative au programme classique de la deuxième chance consiste à réorienter l’élève avant l’échec. Ces types de programmes d’intervention précoce reposent souvent sur l’idée de cours accélérés plutôt que de remédiation. Si ces stratégies sont variables, elles ont comme point commun de donner aux élèves la possibilité d’obtenir des crédits et des titres dans l’enseignement supérieur tout en étant inscrits dans l’enseignement secondaire, et aussi la possibilité d’effectuer des stages en entreprise. Les élèves sont accompagnés par des mentors professionnels, visitent de multiples environnements de travail lors de missions d’apprentissage et ont accès à des stages rémunérés ou non rémunérés. Dans certains cas, les diplômés de ces programmes de cours accélérés sont prioritaires lorsque les employeurs privés partenaires diffusent des offres d’emploi.
L’une de ces écoles à New York aux États-Unis est le Pathways in Technology Early College High School. Cet établissement dispense aux élèves un programme d’enseignement enrichi qui correspond à des possibilités d'emploi réelles chez l’entreprise partenaire IBM et qui leur permet de décrocher en six ans à la fois un diplôme de fin d'études secondaires et un diplôme spécialisé gratuit en sciences appliquées (Associate in Applied Science, AAS). Les élèves bénéficient d’un service de mentorat par des professionnels et ont accès à des expériences et des stages pratiques en milieu professionnel.
Source : OCDE (2018[63]), Responsive School Systems: Connecting Facilities, Sectors and Programmes for Student Success, Éditions OCDE, Paris ; https://dx.doi.org/10.1787/9789264306707-en. EPALE (2019[64]), Preparatory basic education and training, https://epale.ec.europa.eu/en/blog/preparatory-basic-education-and-training (consulté le 31 janvier 2022) ; Réseau E2C France (s.d.[65]), Qui sommes nous?, https://reseau-e2c.fr/qui-sommes-nous (consulté le 31 janvier 2022).
De nombreux systèmes scolaires ont du mal à accompagner les élèves dans leurs transitions, ce qui risque de conduire à l’échec scolaire et à une utilisation inefficiente et inéquitable des ressources
Les expériences des élèves à mesure qu’ils progressent dans le système scolaire varient considérablement d’un pays de l’OCDE à l’autre, mais les transitions verticales (c’est-à-dire ascendantes) jouent un rôle important dans le vécu scolaire de chacun, souvent dès le début de la scolarité. Dans tout système scolaire, les élèves cumulent les années de scolarité avant de mettre à profit leurs acquis pour réussir sur le marché du travail (OCDE, 2018[63]).
Cependant, de nombreux systèmes scolaires peinent à accompagner les élèves dans leurs transitions. Les pratiques et les politiques qui visent à faciliter le passage de l’éducation et l’accueil des jeunes enfants à l’enseignement primaire sont très diverses, et les systèmes scolaires des pays de l’OCDE ont longtemps cherché le meilleur moyen de répondre aux besoins éducatifs et sociaux uniques des élèves qui passent de l’enseignement primaire au premier cycle du secondaire. Enfin, la transition entre le premier et le deuxième cycle du secondaire est souvent l’une des plus difficiles, intervenant souvent à l’âge où prend fin la scolarité obligatoire (OCDE, 2018[63]).
Lorsque l’organisation de l’offre éducative ne parvient pas à favoriser la progression harmonieuse des élèves au sein du système ni ne les oriente vers des programmes correspondant à leurs intérêts, les conséquences peuvent être le désengagement, l’échec scolaire et plus tard l’inadéquation des compétences, conduisant dès lors à une utilisation inefficiente et inéquitable des ressources scolaires. En revanche, les transitions harmonieuses favorisent le développement du capital humain, facilitent l’entrée sur le marché du travail et réduisent les coûts associés au chômage des jeunes et aux mauvais résultats des adultes sur le plan de la santé (OCDE, 2018[63]).
Une meilleure coordination entre les niveaux et les secteurs d’enseignement peut avoir des effets positifs sur les transitions des élèves au sein du système
La fluidité des transitions des élèves passe par une coordination étroite entre les différents niveaux et secteurs de l’enseignement scolaire, qui sont souvent fragmentés, et les organes directeurs compétents. Par exemple, l’éducation et l’accueil des jeunes enfants et l’enseignement primaire sont en général davantage gérés à l’échelon local que l’enseignement secondaire, qui relève le plus souvent de la responsabilité de l’administration centrale. Améliorer la coordination entre les différents niveaux d’enseignement permet d’améliorer l’efficience, la qualité et l’équité :
Premièrement, une coordination efficace de l’offre éducative permet de réduire les services éducatifs redondants et de renforcer la collaboration professionnelle et les capacités de supervision.
Deuxièmement, elle peut faciliter et encourager le partage des ressources, par exemple les installations et les supports pédagogiques, entre les établissements scolaires qui dispensent différents niveaux d’enseignement et leurs organes directeurs.
Troisièmement, la coordination permet de mieux articuler l’offre scolaire et pédagogique, de faciliter la progression des élèves dans l’ensemble du système, de leur donner la possibilité d’intégrer les compétences acquises à chaque niveau d’enseignement et de réduire au minimum les raisons d’abandonner l’école (OCDE, 2018[63]).
Concevoir des programmes de transition explicites ou combiner différents niveaux d’enseignement en une seule organisation dans les zones où le taux de décrochage scolaire précoce est élevé peut également favoriser les transitions verticales pour tous les élèves. De manière plus générale, la configuration des années et niveaux d’enseignement aura une incidence sur la nature et la fluidité des transitions des élèves, ainsi que sur la mesure dans laquelle les services, les installations et les supports pédagogiques peuvent être mis en commun de façon judicieuse. Les responsables publics devraient par conséquent évaluer les solutions pertinentes en consultation avec les parties prenantes et réfléchir à la meilleure configuration possible des années et niveaux d’enseignement (OCDE, 2018[63]) :
Plusieurs études aux États-Unis, par exemple, ont constaté que les résultats des élèves étaient meilleurs lorsque le passage de l’enseignement primaire au premier cycle du secondaire était tout simplement supprimé et que les élèves restaient dans leur école primaire jusqu’à la 8e année de scolarité (Rockoff et Lockwood, 2010[66] ; Schwerdt et West, 2013[67]).
En Suède, une réforme de 1994 visant à intégrer les 7e , 8e et 9e années de scolarité dans les établissements d’enseignement de base gérés à l’échelon local a fait que les élèves ont continué de fréquenter des établissements de plus petite taille plus proches de leur domicile, sans effet significatif sur les résultats scolaires (Holmlund et Böhlmark, 2017[68]).
Une meilleure intégration des différents niveaux d’enseignement peut également passer par une façon différente d’administrer les établissements et les programmes scolaires. La Colombie et le Portugal, par exemple, ont organisé leur offre éducative en regroupant les établissements dispensant différents niveaux d’enseignement. Cette organisation permet aux élèves de suivre l’ensemble de leur scolarité dans le même groupe scolaire élargi s’ils le souhaitent et favorise une utilisation plus efficiente des ressources (OCDE, 2018[63]).
Les taux élevés de redoublement nuisent à l’efficience et à l’équité du système dans certains pays...
La progression verticale des élèves au sein du système scolaire est également influencée par des facteurs institutionnels et par la réglementation de l’enseignement, comme les normes en matière d’éducation, les examens de passage, les pratiques de redoublement ou les structures d’accompagnement des apprenants en difficulté. Les systèmes scolaires doivent constamment gérer les tensions entre, d’une part, l’adoption de stratégies qui visent à imposer des normes élevées de connaissances et d’aptitudes afin que les élèves acquièrent les compétences nécessaires pour réussir leur vie future et, d’autre part, les politiques qui n’entravent pas inutilement la progression verticale des élèves (OCDE, 2018[63]).
L’acquisition ou non de certaines compétences scolaires détermine ou non le passage des élèves d’une année à l’autre, en fonction des politiques systémiques et du contexte culturel (Goos et al., 2013[69]). La Norvège et le Japon constituent des exemples extrêmes parmi les pays de l'OCDE car, d'après les données du PISA 2018, le redoublement est inexistant. À l’inverse, lorsqu’on considère les élèves âgés de 15 ans, 41 % des élèves en Colombie, 32 % au Luxembourg et 31 % en Belgique ont redoublé au moins une fois (OCDE, 2020[70]).
Les données internationales ne vont pas dans le sens de la pratique systématique du redoublement. Il apparaît en effet clairement que les élèves qui redoublent obtiennent de moins bons résultats dans un grand nombre d’indicateurs que les élèves qui n’ont jamais redoublé (Ikeda et García, 2014[71]). Les données révèlent des résultats moins bons ou, au mieux, mitigés pour les redoublants, ce qui peut en partie s’expliquer par le fait que le redoublement s’accompagne rarement d’un programme modifié ou de ressources pédagogiques supplémentaires (Schwerdt, West et Winters, 2017[72] ; Allen et al., 2009[73] ; Jacob et Lefgren, 2004[74] ; Jimerson, 2001[75] ; Jimerson, Anderson et Whipple, 2002[76]).
… parce que le redoublement est une pratique coûteuse pour les systèmes scolaires et les individus
Le redoublement, qui ajoute une année de scolarité supplémentaire, est une pratique coûteuse. Le maintien des élèves dans le système accroît les effectifs inscrits et fait par conséquent augmenter le niveau de financement nécessaire, en plus de retarder l’entrée des élèves sur le marché du travail (Manacorda, 2012[77] ; Alet, Bonnal et Favard, 2013[78] ; Benhenda et Grenet, 2015[79]). Selon une estimation de l’OCDE, le coût total des redoublements est équivalent à 10 % ou plus des dépenses nationales annuelles consacrées à l’enseignement primaire et secondaire dans certains pays. Le coût par élève de 15 ans peut atteindre 11 000 USD ou plus (Graphique 4.7) (OCDE, 2011[80]).
... un phénomène qui touche généralement de façon disproportionnée les élèves défavorisés
En outre, le fait de redoubler soulève d’importantes questions en termes d’équité, étant donné que les élèves issus de milieux socioéconomiques défavorisés sont plus susceptibles d’être freinés dans leur scolarité que leurs camarades plus favorisés. En moyenne, dans les pays de l’OCDE, un élève défavorisé est plus de deux fois plus susceptible qu’un élève favorisé d’avoir redoublé au moins une fois, même si ces deux élèves ont obtenu des résultats similaires au test de compréhension de l’écrit du PISA (Graphique 4.8). Dans les pays de l’OCDE, un élève sur cinq qui fréquente un établissement défavorisé a redoublé au moins une fois depuis son entrée à l’école primaire, contre seulement 5 % des élèves des établissements favorisés (OCDE, 2020[70]). De même, la probabilité de redoubler est plus forte chez les garçons que chez les filles, et chez les élèves issus de l’immigration que chez les élèves nés dans le pays (OCDE, 2018[63]).
Un certain nombre de pays ont pris des mesures pour modifier les pratiques de redoublement en proposant un accompagnement personnalisé aux élèves en difficulté...
Ces dernières années, un certain nombre de pays de l’OCDE ont pris des mesures pour tenter de moins recourir à la pratique du redoublement. D’après les données du PISA, le nombre de redoublements a diminué entre 2003 et 2018 dans 14 des 36 pays et autres participants pour lesquels on dispose de données comparables. En moyenne, dans les pays de l’OCDE, le pourcentage d’élèves ayant déclaré avoir redoublé au moins une fois a diminué de trois points de pourcentage sur la période. Plus particulièrement, les redoublements ont diminué de plus de 10 points de pourcentage en France, au Mexique, aux Pays-Bas et en Türkiye, tandis qu’ils ont augmenté en Autriche, en Corée, en Islande, en Nouvelle-Zélande, en République slovaque et en République tchèque (OCDE, 2020[70]).
Moins recourir aux redoublements suppose d’offrir aux élèves en difficulté un accompagnement intensif et personnalisé : les écarts d’apprentissage entre les élèves devraient être ciblés à un stade précoce en apportant le soutien nécessaire aux élèves en difficulté afin qu’ils puissent rattraper leur retard avant que les lacunes ne soient trop importantes (Encadré 4.7).
Encadré 4.7. Offrir un accompagnement personnalisé aux élèves en difficulté : Autriche, Finlande et Uruguay
En Autriche, différentes mesures visent à apporter un soutien précoce aux élèves ayant des difficultés d’apprentissage. Dans l’enseignement primaire, le programme prévoit un cours de rattrapage (Förderunterricht) par semaine pour les élèves qui risquent de prendre du retard, en particulier dans les matières principales. Ce cours supplémentaire peut être dispensé sous la forme d'une leçon supplémentaire ou être intégré dans l’emploi du temps normal. De plus, les élèves dans le deuxième cycle de l’enseignement secondaire qui présentent des difficultés peuvent bénéficier d’un accompagnement individuel (Individuelle Lernbegleitung). Cette forme de soutien ne se concentre pas sur des matières en particulier, mais plutôt sur l’ensemble du processus d’apprentissage. Dans le cadre de ce programme, les élèves travaillent avec un tuteur (Lernbegleiter*in) avec en point de mire des objectifs individuels d’apprentissage. Un système d’alerte précoce (Frühwarnsystem) devrait permettre de repérer les élèves qui ont des difficultés pour apprendre et qui risquent de prendre du retard, et servir de base à l’élaboration de mesures d’accompagnement précoce.
Dans le système éducatif finlandais, presque tous les élèves passent automatiquement à la classe supérieure (personne ne redouble avant la 10e année de scolarité) ; chaque enfant a droit à un accompagnement personnalisé par des professionnels qualifiés dans le cadre de sa scolarité ordinaire. Un enseignant spécialement formé pour travailler auprès des élèves en difficulté est affecté à chaque école et travaille en étroite collaboration avec les enseignants pour repérer les élèves qui ont besoin d'un soutien supplémentaire.
En Uruguay, le programme PMC (Programa Maestros Comunitarios) affecte un à deux enseignants locaux dans des établissements défavorisés, en fonction de la taille de l’établissement. Ce programme vise à empêcher les élèves de prendre du retard et d’avoir à redoubler en apportant un soutien aux moins performants. Ce programme est couplé au programme Maestro más Maestro qui propose aux élèves des secteurs mal desservis soit une aide aux devoirs après l’école soit un soutien par une équipe de maîtres.
Source : OCDE (2018[63]), Responsive School Systems: Connecting Facilities, Sectors and Programmes for Student Success, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264306707-en ; Eurydice (2021[81]), Support Measures for Learners in Early Childhood and School Education: Austria, https://eacea.ec.europa.eu/national-policies/eurydice/content/support-measures-learners-early-childhood-and-school-education-1_en (consulté le 31 janvier 2022).
Recenser les indicateurs contextuels qui à la fois permettent d’anticiper un redoublement et sont faciles à interpréter pour toutes les parties prenantes est une première étape essentielle pour intervenir à un stade précoce (Encadré 4.8). Il sera sans doute nécessaire de mettre en place des systèmes de données capables de suivre de manière intégrée l’assiduité des élèves, leurs notes et leur comportement. Une fois ces systèmes de données en place, les professionnels de l’éducation au niveau des établissements scolaires devront être formés pour interpréter leurs résultats et concevoir un protocole d’intervention normalisé (OCDE, 2018[63]).
Encadré 4.8. Utiliser des systèmes de suivi des données pour élaborer des indicateurs d’alerte précoce permettant de repérer les élèves susceptibles de redoubler et/ou de décrocher
La mise en œuvre d’une intervention précoce est fortement compromise lorsqu’on ne parvient pas à identifier les élèves à risque de façon systématique suffisamment tôt. Certains profils d’élèves qui risquent de redoubler ou d’abandonner leur scolarité sont facilement identifiables par le personnel scolaire : les éléments perturbateurs, les élèves qui refusent de faire le travail demandé et ceux qui échouent aux examens. Il existe cependant des profils d’élèves en difficulté moins évidents à repérer : les élèves qui cherchent à ne pas se faire remarquer, ceux qui fournissent le minimum de travail et affichent un faible niveau de compétences. Pour concevoir un dispositif global permettant de repérer tous les élèves à risque, des systèmes de données robustes sont nécessaires et doivent être utilisés régulièrement par le personnel scolaire.
Dans un premier temps, il est essentiel de veiller à ce que chaque élève dispose d’un identifiant unique pour l’ensemble des établissements et des réseaux afin de pouvoir suivre les élèves très mobiles qui sont particulièrement vulnérables. Deuxièmement, combiner l’expertise des enseignants et l’analyse empirique pour recenser les facteurs les plus prédictifs de l’échec scolaire, du redoublement et du décrochage scolaire est une méthode qui permet de déterminer quels sont les principaux indicateurs à suivre. Dans certains contextes, ces résultats ne correspondent pas à l’opinion courante. Par exemple, aux États-Unis, l’assiduité, les notes et le comportement sont des facteurs prédictifs beaucoup plus forts de la réussite scolaire que les résultats à des tests externes.
Une fois que les pays auront mis en place des systèmes d’infrastructure de données et se seront mis d’accord sur les indicateurs à suivre, une formation approfondie du personnel scolaire (enseignants, conseillers et chefs d’établissement) devra intervenir pour s’assurer qu’ils comprennent la signification des indicateurs d’alerte précoce et qu’ils reconnaissent leur utilité. Pour que le personnel scolaire voit un intérêt à recueillir ces données, il convient d'adopter un plan d’intervention clair. Il peut s’agir de sessions ciblées d’instruction et d’orientation en petits groupes ou d’aiguillage vers des prestataires de services sociaux. Il est donc indispensable d’établir un protocole précis des mesures à prendre lorsqu’un élève est identifié comme étant en difficulté, et de mettre en place un mécanisme pour suivre les actions menées et s’assurer que ces interventions ont bien lieu.
La dernière étape pour s’assurer que le système de suivi des données cible efficacement les cas d'élèves à risque consiste à examiner périodiquement les effets des interventions au niveau des établissements et du système. Il s’agit notamment d’analyser l’évolution des résultats eu égard aux indicateurs d’alerte précoce pour différentes catégories d’élèves et d’établissements, de comparer les résultats des élèves eu égard à ces indicateurs avant et après les interventions pour suivre la progression individuelle, ainsi que d’effectuer des études d’évaluation plus formelles pour recenser les effets de causalité des interventions, en utilisant par exemple la méthode de régression sur discontinuités ou des modèles d’appariement d’élèves pour comparer les élèves pris en charge et les autres aux caractéristiques similaires. Ces types d’analyses permettent d’examiner les domaines dans lesquels les élèves ou les établissements ont besoin d’une aide supplémentaire, d’évaluer l’efficacité de telle ou telle intervention et d’évaluer le programme dans sa globalité.
Source : OCDE (2018[63]), Responsive School Systems: Connecting Facilities, Sectors and Programmes for Student Success, Éditions OCDE, Paris ; https://dx.doi.org/10.1787/9789264306707-en.
... ainsi que par des dispositifs de « passage sous condition » et des interventions visant à faire évoluer la culture scolaire
Les systèmes scolaires peuvent également cesser de considérer le redoublement comme l’une des deux options d’une alternative. Dans les classes supérieures notamment, il est possible d’imposer aux élèves de refaire le programme de l’année précédente dans la matière dans laquelle ils ont eu des difficultés, plutôt que de leur demander de refaire l’ensemble de l’année passée. Moyennant une organisation réfléchie de l’emploi du temps des élèves, cette solution peut aussi s'appliquer aux classes inférieures. Cette forme de « passage sous condition » est susceptible de satisfaire les nombreux enseignants qui, par expérience, préfèrent privilégier la responsabilisation des élèves et l’accompagnement individuel, et neutraliserait d’autre part les dommages associés dont le système dans son ensemble se préoccupe (OCDE, 2018[63]).
Enfin, on ne pourra éviter les redoublements sans un changement de culture au sein du corps enseignant ni sans incitations à destination des établissements scolaires. Dans de nombreux pays en effet, les enseignants et le grand public considèrent que le redoublement est un moyen valable de conserver un niveau scolaire élevé. La sensibilisation des enseignants aux dangers du redoublement, notamment par l’intermédiaire des activités de perfectionnement professionnel, de la formation initiale et de la formation continue, est une solution à adopter. De plus, il convient que les autorités éducatives prennent officiellement position contre un recours immodéré au redoublement et expliquent au public, données à l'appui, les conséquences de cette pratique. Ce n’est que par une telle action venant d’en haut que l’on pourra faire évoluer progressivement des habitudes bien ancrées. La France et la Communauté française de Belgique peuvent être citées en exemple pour l’attention soutenue qu’elles portent au problème du redoublement (Encadré 4.9).
Encadré 4.9. Quand le système éducatif s’attache à faire diminuer le taux de redoublement : ce que nous enseignent les exemples de la France et de la Communauté française de Belgique
France
En 2008, le ministère de l’Éducation a fixé des objectifs ambitieux de réduction du pourcentage de redoublement. Les chefs d’établissement ont alors été tenus de justifier leurs résultats en la matière et encouragés à faire diminuer le nombre de redoublants. Les élèves en difficulté au cours des deux dernières années du primaire ont bénéficié de deux heures supplémentaires de soutien scolaire. Le taux de redoublement en primaire étant encore de 14 % en 2009, le ministère s’est donné pour objectif de le diviser par deux d’ici 2013. En 2014, l’exécutif a pris un décret au sujet du redoublement [Décret n° 2014-1377 du 18 novembre relatif au suivi et à l’accompagnement pédagogique des élèves]. Il y indique que le redoublement de classe doit revêtir un caractère « exceptionnel ». Il y souligne d’autre part l’importance du dialogue préalable entre l’élève et le personnel enseignant (Benhenda et Grenet, 2015[79]). Le taux de redoublement a sensiblement reculé, mais n’en demeure pas moins élevé ; il reste encore beaucoup à faire. En 2018, la France arrivait encore au 11e rang des pays de l’OCDE au regard du nombre de redoublements : 17 % des élèves avaient redoublé au moins une fois au cours de leur scolarité primaire.
Comme le montre l’étude de cas de la France, les économies budgétaires générées par la suppression des redoublements se matérialisent de façon progressive. L’abolition de cette pratique peut en effet avoir un coût dans un premier temps du fait que les élèves accèdent en plus grand nombre aux niveaux d’enseignement supérieurs, qui sont aussi plus onéreux. Toutefois, les premières économies seraient constatées à moyen terme (après deux ans dans le cas de la France) et deviendraient de plus en plus substantielles. Cela n’est pas sans conséquences pour l’action des pouvoirs publics, dans la mesure où « premièrement, les économies budgétaires permises par la suppression du redoublement ne pourront être mobilisées et réutilisées pour financier d’autres dispositifs éducatifs que de façon progressive. Deuxièmement, cette réforme nécessiterait une gestion pluriannuelle rigoureuse du recrutement et de l’affectation des enseignants pendant toute la période de transition. » (Benhenda et Grenet, 2015, p. 4[79]).
Communauté française de Belgique
En Communauté française de Belgique, le redoublement et l’abandon scolaire précoce posent problème de longue date et coûtent cher aux individus et à la société. D’après certaines estimations, peut-être optimistes, le coût des redoublements s’élève à 42.8 millions EUR pour le primaire et 349.2 millions EUR pour le secondaire (données de 2014), soit l’équivalent de 10 % du budget alloué à ces deux niveaux d’enseignement. Diverses mesures et initiatives ont par conséquent vu le jour au fil du temps pour faire évoluer les habitudes, dans l’enseignement primaire en premier lieu, mais aussi dans l’enseignement secondaire. Une réforme de grande envergure (baptisée Pacte pour un enseignement d’excellence) adoptée en 2015 dans le but de promouvoir la qualité de l’enseignement, vise aussi à lisser les parcours scolaires et faire diminuer le nombre d’élèves en situation d’échec de même que les redoublements.
Depuis les modifications apportées à la législation en 2015 et 2016, les redoublements en maternelle ne sont plus admis qu’à titre exceptionnel. À la demande des parents et avec l’aval de l’établissement, il est possible qu’un enfant redouble sa troisième année, mais il n’est alors pas pris en compte dans le calcul des besoins d’encadrement. Dans le cadre de leur formation continue, les enseignants de troisième année de maternelle peuvent apprendre à mieux appréhender certains troubles de l’apprentissage et à adapter leur pédagogie en conséquence. En règle générale, les établissements sont tenus de mettre en place un accompagnement individualisé et d’autres mesures de soutien lorsque de tels troubles sont décelés, avec le concours du centre psycho-médico-social auquel ils sont rattachés, et de définir des stratégies de lutte contre l’échec scolaire, l’abandon scolaire précoce et le redoublement dans le cadre d’un plan de pilotage révisé tous les six ans. Au premier cycle du secondaire, un Plan individuel d’apprentissage doit être mis en place, à partir des observations des enseignants et des conseillers, pour les élèves en difficulté, élèves qui se voient assigner des objectifs personnalisés et bénéficient d’un accompagnement pluridisciplinaire.
Ces mesures s’inscrivent dans le prolongement d’initiatives antérieures, comme le projet Décolâge ! ayant fédéré un réseau d’établissements scolaires désireux de recourir à des pratiques pédagogiques nouvelles pour lutter contre le redoublement à la charnière entre la maternelle et le primaire, et la réforme du premier cycle de l’enseignement secondaire (niveau 2 de la CITE) destinée à renforcer le tronc commun d’enseignement applicable aux élèves jusqu’à l’âge de 14 ans.
Source : OCDE (2018[63]), Responsive School Systems: Connecting Facilities, Sectors and Programmes for Student Success, Éditions OCDE, Paris ; https://dx.doi.org/10.1787/9789264306707-en. Benhenda et Grenet (2015[79]), Combien coûte le redoublement dans l’enseignement primaire et secondaire en France ?, Institut des Politiques Publiques, Paris ; Ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles (2016[82]), Examen de l’OCDE des politiques pour un usage plus efficace des ressources scolaires RAPPORT PAYS Communauté française de Belgique, Ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Bruxelles, http://www.oecd.org/education/school-resources-review/reports-for-participating-countries-country-background-reports.htm (consulté le 1er février 2022).
Une orientation précoce des élèves vers certains cursus peut également faire entrave à l’efficience et à l’équité dans l’enseignement
Compte tenu de la diversité des goûts, des aptitudes et des besoins, de nombreux systèmes éducatifs proposent plusieurs filières d’enseignement et cursus parallèles, et orientent souvent les élèves vers des environnements d’apprentissage distincts. Les filières de l’éducation et de la formation professionnelles (EFP) occupent une place considérable au deuxième cycle du secondaire et les responsables publics en sont venus, depuis quelques années, à voir en elles l’une des clés de la prospérité économique nationale puisque les employeurs recherchent, chez les diplômés du secondaire, une palette de compétences bien plus large que celle acquise par l’intermédiaire de l’enseignement classique (OCDE, 2018[63]).
Malgré les avantages que l’on peut escompter d’un enseignement professionnel de bonne qualité, l’inquiétude reste de mise en ce qui concerne la sélection des élèves qui sont orientés vers un tel cursus. Il tend en effet à y avoir une forte corrélation entre la sélection des élèves dans les filières et leur situation socioéconomique, à plus forte raison lorsque l’orientation (c'est à dire l'affectation des élèves à partir de leurs résultats scolaires) se décide de bonne heure (OCDE, 2018[63]). D'après l’analyse des résultats du PISA 2018, les pays de l'OCDE qui répartissent les élèves entre différentes voies à un stade précoce présentent des résultats moins homogènes en lecture, même après prise en compte du PIB par habitant. Les écarts entre ces pays en ce qui concerne l’âge auquel intervient la première sélection comptent pour 46 % de cette disparité de résultats en lecture (Graphique 4.9) (OCDE, 2020[70]).
À l’encontre des tenants d’une orientation précoce qui feront valoir qu’instruire des enfants dans des environnements d’apprentissage différents permet d’avoir recours de bonne heure à des pratiques pédagogiques plus adaptées, les données réunies dans plusieurs pays laissent plutôt penser que la pratique n’a pas d’intérêt significatif pour les élèves. Dans bien des cas de figure, il apparaît que l’orientation améliore à la marge les résultats des meilleurs élèves tandis qu’elle détériore sensiblement ceux des élèves en difficulté ; elle creuse ainsi les inégalités au regard de l’instruction sans bénéfice d’ensemble sur le niveau scolaire moyen (Hanushek et Wossmann, 2006[83] ; Epple, Newlon et Romano, 2002[84] ; Schütz, Ursprung et Wößmann, 2008[85]).
… raison pour laquelle certains systèmes ont choisi de la retarder et d’autres ont pris des mesures afin d’en atténuer les effets potentiellement préjudiciables pour les élèves
Certains systèmes scolaires redoublent d’efforts pour adopter un mode de fonctionnement plus polyvalent et retardent l’orientation, qui jusque-là intervenait à un stade précoce, afin que le milieu d’origine des élèves ait moins d’incidence sur la filière choisie (Encadré 4.10). Retarder l’âge de la première orientation, c’est donner aux jeunes la possibilité de mûrir sur les plans cognitif et socioaffectif et de s’engager sur la voie la plus exigeante qui soit à leur portée. Il se peut toutefois que la concrétisation d’une telle réforme soit tributaire de mesures complémentaires, comme l’ouverture de parcours plus souples qui s’adaptent à la diversité des besoins et l’introduction de systèmes plus adaptés pour le suivi du profil des élèves qui s’orientent vers les différentes filières (OCDE, 2018[63]).
Là où un report est politiquement impossible, d’autres solutions sont envisageables pour atténuer les possibles conséquences préjudiciables d’une orientation précoce. Quelques systèmes éducatifs s’orientent vers une intégration plus poussée des filières d’enseignement général, accéléré, préprofessionnel et professionnel, qui sont désormais proposées dans les mêmes établissements du premier et du deuxième cycles du secondaire. Même si la sélection est précoce, la création de ces établissements polyvalents peut à la fois avoir une incidence positive sur les résultats éducatifs et libérer des ressources qui permettront de répondre à d’autres priorités. L’intégration d’éléments de l’enseignement professionnel et de l’enseignement général est de nature à susciter des synergies et à sensibiliser les élèves aux avantages de chaque filière. Elle pourrait aussi contribuer à gommer les différences socioéconomiques, car les établissements intégrés sont susceptibles également d’aider les élèves à mieux gérer les transitions. La démarche d’intégration permet d’autre part de moduler davantage le suivi des lieux où les élèves peuvent réaliser des apprentissages de différents types, pratiques ou théoriques, en fonction de la discipline (OCDE, 2018[63]).
L’intégration de l’enseignement permet ainsi une planification plus cohérente de l’éducation pour améliorer la progression des élèves à tous les niveaux du système éducatif. Si prometteuse qu’elle en ait l’air, il est important que l’intégration soit organisée de manière à ne pas donner naissance à une école « à deux étages » où certaines filières sont considérées comme moins prestigieuses ou de moindre valeur que la filière d’enseignement général. Investir dans la création d’infrastructures dernier cri et vanter les avantages de l’apprentissage par la pratique peuvent aider à battre en brèche cette idée dominante (OCDE, 2018[63]).
Encadré 4.10. Mesures prises en Autriche et en Communauté flamande de Belgique pour retarder l’orientation précoce et rendre le système d’enseignement plus polyvalent
Autriche
Le système d’enseignement autrichien se caractérise par des transitions précoces avec sélection à la clé, une filière professionnelle très développée et un enseignement largement différencié, en particulier au deuxième cycle de l’enseignement secondaire. Au terme de leur scolarité primaire, généralement à l’âge de 10 ans, les élèves entrent soit dans un établissement d’enseignement classique du premier cycle du secondaire (Allgemein bildende höhere Schule – Unterstufe, AHS-U) soit dans un établissement d’enseignement secondaire général (Mittelschule, MS), autrefois appelé « nouvelle école secondaire » (Neue Mittelschule, NMS).
La nouvelle école secondaire (NMS), introduite à titre expérimental en 2008, était conçue à l’origine comme une école polyvalente accueillant tous les élèves de 10 à 14 ans (de la 5e à la 8e année de scolarité) et permettant de reculer le moment de l’orientation. Si l’intention initiale était de réunir ainsi, dans cette nouvelle école, les deux filières qui existaient jusque-là au premier cycle du secondaire, celles-ci ont continué de coexister en vertu d’un consensus entre les forces politiques. Quoiqu’il en soit, la NMS (ou MS comme on l’appelle désormais), depuis sa création, est devenue en Autriche la voie normale pour le premier cycle du secondaire, les élèves y étant admis à la sortie du primaire sans aucun autre prérequis. Après une expérimentation réalisée dans plusieurs établissements pilotes en 2019-20, son modèle pédagogique a évolué à partir de la rentrée suivante, justifiant un changement de nom (Mittelschule, MS). Les modifications apportées ont concerné, entre autres, le système de notation, les cours de soutien et le regroupement des élèves.
Pivot de la réforme initiale, la NMS/MS suit un programme d’enseignement analogue à celui de l’autre filière du premier cycle du secondaire (AHS-U), mais ses buts éducatifs sont différents. Autrefois répartis en différents groupes selon leur niveau dans les matières principales, les élèves sont évalués selon une échelle de notation différente en fonction de leurs résultats en 7e et 8e année depuis le passage au nouveau système. La réforme NMS/MS a également introduit de nouvelles méthodes pédagogiques, et notamment une individualisation plus poussée de l’apprentissage, qui repose aussi davantage sur des projets, en particulier dans les matières principales. La réforme visait en outre à ouvrir de plus larges horizons aux élèves, et en premier lieu à les aider à poursuivre leur scolarité dans un établissement d’enseignement général du deuxième cycle du secondaire (Allgemein bildende höhere Schule – Oberstufe, AHS-O) pour y décrocher un diplôme de fin d’études (Matura).
L’introduction de la NMS s’est accompagnée d’un programme d’évaluation, quoique celui-ci n’ait pas été conservé au-delà de la phase initiale de la réforme. Il ressort de cette évaluation que la réforme a eu des effets positifs faibles à relativement forts sur la qualité de l’enseignement, l’accompagnement des élèves et le climat pédagogique, mais pas nécessairement sur les résultats d’apprentissage. Ces effets étaient plus marqués dans les établissements scolaires qui ont appliqué cette réforme de façon plus rigoureuse (Eder et al., 2015[86]).
Communauté flamande de Belgique
En Communauté flamande de Belgique, l’orientation des élèves intervenait relativement tôt, entre 12 et 14 ans. L’enseignement secondaire se subdivise en trois degrés et les parcours proposés à chacun de ces degrés sont de plus en plus spécialisés. Si les étudiants peuvent passer de la filière professionnelle à la filière générale, cela se produit rarement au cours du deuxième cycle du secondaire. Les transferts vers des établissements ou des formations à caractère moins général sont en revanche fréquents (on parle de « système en cascade »).
Pour retarder l’orientation jusqu’à l’âge de 14 ans et atténuer les effets négatifs d’une répartition précoce des élèves au cours du secondaire, la Communauté flamande de Belgique a mis en œuvre une réforme de la législation destinée à moderniser l’enseignement secondaire. Cette modernisation a coïncidé avec l’introduction de nouveaux objectifs d’apprentissage en ce qui concerne le premier cycle du secondaire, pour lequel le Parlement flamand a défini et approuvé un cadre en 2018. C’est ainsi que, depuis le 1er septembre 2019, de nouveaux objectifs, clairs et concrets, s’appliquent à l’enseignement obligatoire du premier degré du secondaire.
Le Parlement flamand a défini et approuvé un cadre réglementaire pour la modernisation de la structure et de l’organisation de l’enseignement secondaire. Ce cadre fixe ainsi les nouvelles conditions d’admission, les diplômes et l’offre pédagogique au premier degré du secondaire. Un tableau de correspondance et un ensemble de règles accompagnant le nouveau programme ont permis aux conseils d’établissement de se préparer à la modernisation de l’enseignement secondaire et de définir la place de leur établissement dans ce nouveau contexte. La modernisation de l’enseignement secondaire a débuté le 1er septembre 2019, ce qui a laissé aux établissements le temps nécessaire pour s’y préparer. Les grandes réformes de l’enseignement obligatoire contribuent à faire évoluer différentes considérations stratégiques : la rationalisation de l’offre au niveau secondaire, la clarification de la finalité des cursus (préparation aux études supérieures ou à une entrée directe dans la vie active), la réforme des programmes par la définition de nouveaux objectifs d’apprentissage, la formation et le statut professionnel des enseignants. Elles sont actuellement mises en œuvre de manière progressive. La modernisation de l’enseignement secondaire à travers le redécoupage des domaines d’études, la redéfinition de la finalité de chaque cursus et l’introduction de nouveaux programmes, n’a débuté qu’à la rentrée 2019 pour s’achever normalement au cours de l’année scolaire 2025-26. La mise en place des nouveaux objectifs d’apprentissage de la première année du deuxième degré de l’enseignement secondaire (première année du deuxième cycle de l’enseignement secondaire) n’est intervenue qu’à la rentrée 2021.
Source : OCDE (2018[63]), Responsive School Systems: Connecting Facilities, Sectors and Programmes for Student Success, Éditions OCDE, Paris ; https://dx.doi.org/10.1787/9789264306707-en; BMBWF (2020[87]), Die Mittelschule.. Änderungen ab dem Schuljahr 2020/21 im Überblick, Bundesministerium für Bildung, Wissenschaft und Forschung, Vienna, https://www.bmbwf.gv.at/dam/jcr:7b6de1bc-36c1-4b54-88f0-7683120238d0/mittelschule_2020.pdf (consulté le 13 janvier 2022) ; OCDE (2019[88]), Education Policy Outlook 2019: Working Together to Help Students Achieve their Potential, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/2b8ad56e-en.
Adapter les réseaux scolaires à l’évolution des attentes
L’évolution de la démographie et les mutations économiques et sociales ont imposé aux pays d’adapter l’organisation de leur infrastructure scolaire et de leurs services éducatifs. Les régions rurales ont perdu des habitants au cours des 15 dernières années dans la plupart des pays de l’OCDE, sous l’effet des gains de productivité agricole, des économies d’agglomération, de la baisse de la fécondité et de l’accélération de l’exode rural. En raison de l’évolution asymétrique de la démographie, de nombreux systèmes éducatifs se trouvent confrontés tout à la fois à des capacités excédentaires qu’ils ne peuvent plus entretenir en zone rurale et à la nécessité d’étoffer l’offre scolaire dans les grandes villes. Si toutes les zones rurales ne se ressemblent pas, et si certaines des difficultés auxquelles elles se heurtent se rencontrent aussi en zone urbaine, la diminution des effectifs, le manque de personnel enseignant et la proportion relativement importante d’élèves défavorisés font qu’il devient parfois difficile de dispenser un enseignement de qualité dans certains environnements ruraux.
Adapter le réseau scolaire (autrement dit l’emplacement, la taille et la structure de son infrastructure physique, l’utilisation des installations et la répartition des services entre les sites) dans les régions où la demande diminue est ainsi devenu un problème crucial pour des systèmes d’enseignement soucieux de gagner en efficience afin de libérer des ressources qu’ils pourront consacrer à améliorer le niveau des élèves (OCDE, 2018[63] ; Echazarra et Radinger, 2019[89] ; OCDE, 2021[90]).
Les petits établissements, en dépit de leurs avantages, peuvent faire obstacle à une organisation efficiente de l’enseignement...
La structure du réseau scolaire a une incidence significative sur les ressources nécessaires au fonctionnement de ce réseau et à l’entretien des équipements. Il n’existe aucun consensus au sujet des éléments qui déterminent la taille (grande, moyenne, petite) d’un établissement dans un contexte donné. Quelle que soit la limite fixée, il ressort de recherches menées dans différents pays que des économies d’échelle significatives peuvent être réalisées si l’on accroît le nombre d’élèves accueillis par un établissement, jusqu’à un certain niveau du moins, après quoi ces économies s’amoindrissent ou même s’inversent (Andrews, Duncombe et Yinger, 2002[91] ; Falch, Rønning et Strøm, 2008[92]).
Les grands établissements peuvent diminuer leurs dépenses par élève jusqu’à un certain point en réduisant leurs coûts fixes (gestion administrative, fonctionnement et entretien des équipements, par exemple). De plus, ils sont mieux à même d’accueillir dans chaque classe le maximum d’élèves autorisé. Il semblerait toutefois que les dépenses aient tendance à augmenter une fois que l’on dépasse un certain seuil et que les établissements de très grande taille connaissent leurs propres problèmes, dont une plus grande complexité organisationnelle (OCDE, 2018[63]).
En ce qui concerne le vécu des élèves et des enseignants, la taille d’un établissement a ses avantages et ses inconvénients. Les petites structures ont souvent plus de mal à offrir un large choix pédagogique aux élèves, à recruter des enseignants dans certaines spécialités, ainsi qu’à disposer d’installations et d’équipements de qualité. Elles sont en revanche avantagées à d’autres points de vue. On considère en effet qu’elles permettent de meilleures interactions entre le personnel, les parents et les élèves, qu’elles favorisent le sentiment d’appartenance et facilitent les échanges entre les élèves d’âges différents (OCDE, 2018[63]). Le nombre relativement faible d’élèves présents dans chaque classe, souvent constaté dans les petits établissements, permet sans doute aux enseignants de consacrer davantage d’attention à chacun et de personnaliser leurs cours en conséquence, et l’on sait combien cette pratique est profitable aux plus jeunes et aux enfants issus de milieux socioéconomiques modestes (Piketty, 2004[93]).
… d’où l’importance d’une gestion efficace des réseaux d’établissements scolaires ruraux
L’un des principaux obstacles au fonctionnement efficient des écoles en zones rurales tient précisément à leur petite taille et à la faible densité de population alentour. Du fait, entre autres, de cette taille restreinte et du déclin démographique, ces établissements tendent à avoir des classes moins nombreuses et moins d’élèves par enseignant que dans les villes, ce qui peut peser lourdement sur les finances publiques (OCDE, 2018[63] ; Echazarra et Radinger, 2019[89] ; OCDE, 2021[90]). Si l’on se réfère aux données du PISA 2018, par rapport aux établissements des zones urbaines, le nombre d’élèves par enseignant et la taille des classes sont généralement inférieurs en zone rurale dans l’enseignement secondaire, dans les pays de l’OCDE (OCDE, 2021[90]).1 On retrouve les mêmes caractéristiques, souvent plus accentuées, dans l’enseignement primaire (OCDE, 2018[63]).
D’après un récent rapport de l’OCDE donnant une estimation du coût et de l’éloignement (géographique) des services d’éducation et de santé dans les zones rurales, en Europe, le coût de l’enseignement par élève est supérieur de 20 % (720 EUR) dans les campagnes faiblement peuplées par rapport aux villes en ce qui concerne les écoles primaires et de 11 % (681 EUR) en ce qui concerne les établissements du secondaire (Graphique 4.10). Cet écart de coût peut être supérieur à 40 % au primaire en Estonie, en Finlande et en Lettonie, et 16 % au secondaire en Espagne et en Grèce (OCDE/CE-CCR, 2021[94]).
Des stratégies très diverses peuvent être mises en œuvre pour s’attaquer aux manques d’efficacité dans les réseaux d’établissements, qui exigent toutes de savoir concilier judicieusement coût et accès
La conduite adoptée face au manque d’efficacité dans les réseaux scolaires et à la baisse des effectifs d’élèves consiste d’ordinaire à opérer une concentration, c’est-à-dire à fermer certains établissements et à transférer leurs élèves vers d’autres, situés à proximité. Cependant, la liste des stratégies permettant de rationaliser ces réseaux va désormais bien au-delà des regroupements ou des fermetures d’établissements considérés par beaucoup comme des solutions de dernier recours compte tenu des fortes répercussions sur le quotidien des élèves et sur les collectivités (OCDE, 2018[63]).
Mettre en place des infrastructures scolaires qui offrent à tous un espace d’apprentissage adapté et en assurer le fonctionnement est une condition fondamentale à l’équité et à la qualité du système d’enseignement. Il est essentiel à cet égard de prêter attention à la couverture géographique des réseaux scolaires et à la proximité des services éducatifs par rapport au domicile des élèves, car un éloignement excessif et/ou l’absence de transports adaptés peuvent nuire à la fois à l’assiduité et aux résultats. Les pays peuvent par conséquent envisager diverses stratégies pour rationaliser l’organisation du réseau scolaire, par exemple repenser l’organisation et la répartition des services éducatifs entre les différents établissements, encourager les prestataires à coopérer et à mutualiser leurs moyens, créer des regroupements scolaires et amorcer des concentrations d’établissements (OCDE, 2018[63]).
L’OCDE a procédé, pour les 27 pays de l’UE et le Royaume-Uni, à des simulations qui soulignent l’urgence d’une gestion efficace du réseau scolaire et les difficultés qu’elle soulève s’agissant de maîtriser les coûts tout en veillant à l’accessibilité des services. Dans ces pays, même en adaptant le réseau scolaire à l’évolution de la demande d’ici 2035, le coût par élève dans les zones rurales faiblement peuplées devrait augmenter de 3 % environ en moyenne, tandis que l’éloignement des établissements devrait s’accroître partout sauf en ville, et tout particulièrement dans les villages (OCDE/CE-CCR, 2021[94]). De nombreux systèmes d’enseignement se trouvent ainsi mis au défi d’encourager une organisation rationnelle du réseau scolaire sans méconnaître que dispenser une instruction de qualité dans des petits établissements demande davantage de ressources et qu’un soutien approprié doit être apporté à ces établissements, notamment lorsque les concentrations ne sont pas envisageables (OCDE, 2018[63]).
Qualité, équité et bien-être doivent être les principes directeurs des réformes du réseau scolaire, réformes qui pourront varier selon le niveau d’enseignement et exiger le concours et le contrôle de la collectivité
Quelle que soit la stratégie choisie, la qualité de l’enseignement, l’équité et le bien-être des élèves doivent être les maîtres-mots de toute réforme du réseau scolaire. Si les concentrations, par exemple, peuvent permettre aux élèves de recevoir une meilleure instruction et aux enseignants de mieux se perfectionner, elles peuvent aussi imposer des trajets excessivement longs. Pour que l’intérêt éducatif des élèves soit au cœur des réformes du réseau scolaire, les pays doivent avoir conscience des limites inhérentes à la fusion d’établissements et veiller en priorité à ce que les enfants, les plus jeunes en particulier, n’aient pas trop de distance à parcourir pour se rendre en cours. Cela étant, le programme d’enseignement secondaire, plus spécialisé que celui du primaire, est souvent impossible à appliquer à l’échelle d’un établissement rural ordinaire. En d’autres termes, si l’optimisation des structures d’éducation et d’accueil des jeunes enfants et des écoles primaires peut avoir des limites, les concentrations d’établissements se justifient davantage dans l’enseignement secondaire (OCDE, 2018[63]).
Comme pour tout projet de réforme d’envergure, la réorganisation du réseau scolaire devrait être précédée d’une consultation systématique des principales parties prenantes et se faire avec leur concours (OCDE, 2018[63]). Cela peut permettre de prévenir les conflits, d’apporter des solutions adaptées aux besoins des collectivités locales et de s’assurer que les parties prenantes sont disposées à mettre en œuvre la réforme et possèdent bien les outils nécessaires pour lui donner effet comme prévu (Viennet et Pont, 2017[95]). Il convient que les pouvoirs publics mettent la main à la pâte en veillant à faire le maximum de transparence, en expliquant clairement l’intérêt éducatif des réformes envisagées et en montrant quels bénéfices tangibles celles-ci apporteront aux élèves (Burns et Köster, 2016[96]). Des orientations émanant de l’administration centrale quant au moment opportun et aux modalités à choisir pour mener à bien les consultations peuvent être d’une aide précieuse aux autorités locales et permettre d’ajuster les attentes des différentes parties intéressées (OCDE, 2018[63]).
Pour que les réformes profitent à tous les élèves, quels que soient leur milieu et leurs besoins, il importe également que les autorités en discernent à l’avance les conséquences possibles sur l’équité et le bien-être de groupes précis de manière à pouvoir faire le nécessaire pour y remédier. Le suivi constant des effets sur l’équité devrait être intégré dès l’origine à la planification et à la conception des réformes. Il conviendrait en parallèle de consulter les représentants des groupes vulnérables et de les associer aux étapes clés de la préparation et de la mise en œuvre des réformes envisagées. Si les autorités devraient s’inspirer d’autres pays ayant réformé leur réseau scolaire, réaliser des évaluations et en communiquer les résultats au niveau infrasystémique peut aussi être un moyen de favoriser l’apprentissage à l’échelle de tout le système et d’obtenir des renseignements fiables sur les effets de l’adaptation du réseau scolaire sur les élèves (OCDE, 2018[63]).
La mutualisation des ressources et la coopération peuvent générer économies d’échelle et gains d’efficience
La coopération et la mutualisation de ressources entre établissements d’enseignement peuvent, dans bien des cas, permettre aux plus petites structures de réaliser des économies d’échelle et des gains d’efficience tandis que le nombre, la taille et la distribution des écoles demeurent identiques (Encadré 4.11). Elles peuvent consister, par exemple, à se répartir des services spécifiques ou des enseignements de spécialité ; à mettre en commun le personnel, les installations et l’infrastructure d’arrière-plan ; à grouper les achats de matériel ou de services ; à coordonner le transport des élèves ; et à organiser ensemble les activités de perfectionnement professionnel des enseignants. Au-delà des économies d’échelle, la mise en commun des ressources et la collaboration peuvent aussi aider les petits établissements scolaires à élargir leur offre éducative et la qualité de l’instruction dispensée (OCDE, 2018[63]).
Le succès d’une telle coopération dépend d’un certain nombre de conditions. L’éloignement et le manque de confiance entre les dirigeants et le personnel – à plus forte raison lorsque les établissements se disputent un même public – peuvent faire obstacle au partage des ressources. En revanche, des objectifs clairement définis et la mise en avant des avantages que chaque partie retirera pourront servir de base à une collaboration durable (Muijs, 2015[97]). Il convient d’autre part que les pouvoirs publics encouragent les petits établissements scolaires à collaborer et s’attachent à lever les obstacles et supprimer tout ce qui pourrait les en dissuader.
Encadré 4.11. Corriger les manques d’efficience dans les réseaux scolaires : exemples de coopération et de mutualisation des ressources en Communauté flamande de Belgique et en Espagne
En Communauté flamande de Belgique, le ministère de l’Éducation a mis en place un dispositif pour encourager les établissements scolaires à collaborer entre eux avec la création d’associations (scholengemeenschappen), dans l’enseignement secondaire tout d’abord, à partir de 1999, puis dansl’enseignement primaire également, depuis 2003. Ces associations prennent la forme de partenariats entre des établissements d’un même secteur géographique, avec un nombre moyen de participants compris entre 6 et 12. En ce qui concerne plus particulièrement le second degré, l’un des objectifs premiers du dispositif était de permettre aux établissements d’utiliser leurs ressources de façon plus efficiente et d’élargir leur offre pédagogique grâce à une coopération et une coordination plus poussées. L’adhésion à ces associations se fait sur la base du volontariat. Pour encourager la collaboration dans un système qui fait la part belle à l’autonomie et à la mise en concurrence des établissements, le ministère fournit du personnel et d’autres ressources supplémentaires dont les membres de l’association déterminent ensemble l’emploi qu’ils en feront. Les associations qui ont le mieux réussi ont aussi gagné en efficacité et en efficience grâce à l’utilisation de systèmes communs de recrutement et d’évaluation du personnel qui a permis d’alléger la charge de travail administratif des chefs d’établissement, lesquels ont ainsi pu se consacrer davantage à leur rôle pédagogique. Il ressort d’autre part des évaluations des associations du second degré que les membres de beaucoup d’entre elles ont défini des politiques concertées de gestion des effectifs qui facilitent la mise en commun du personnel.
L’Espagne fournit un autre exemple de coopération et de mise en commun des ressources entre les établissements. Dans ce pays, les partenariats entre établissements ruraux (Colegios Rurales Agrupados, CRA) ont permis aux petites structures de faire face aux problèmes de ressources rencontrés à partir de la fin des années 1980. Les établissements participants, répartis entre plusieurs communes, mettent en commun des enseignants itinérants, du matériel pédagogique ou des activités périscolaires et organisent à intervalles réguliers des réunions de coordination entre les équipes enseignantes. En Catalogne, une des communautés autonomes du pays, les établissements scolaires collaborent entre eux dans le cadre de Zones d’éducation rurale (Zona Escolar Rural, ZER), autour d’un projet pédagogique et d’un programme d’instruction communs. La coordination à l’échelle de chaque zone est confiée à une équipe de direction, formée d’un chef d’établissement, d’un responsable pédagogique et d’un secrétaire, qui consacrent 25 heures hebdomadaires à cette activité. Il existe dans chaque ZER un conseil scolaire au sein duquel sont représentés les chefs d’établissement, les enseignants, le personnel administratif, les parents d’élèves et les communes. Un minimum de trois professeurs itinérants dessert les établissements d’une zone donnée pour y enseigner une langue étrangère, la musique et le sport. Les grandes ZER, qui réunissent sept établissements sinon davantage, embauchent un quatrième professeur itinérant pour répondre à des besoins éducatifs particuliers.
Source : OCDE (2018[63]), , Responsive School Systems: Connecting Facilities, Sectors and Programmes for Student Success, Éditions OCDE, Paris ; https://dx.doi.org/10.1787/9789264306707-en ; Ares Abalde, M. (2014[98]), « School Size Policies: A Literature Review », Documents de travail de l’OCDE sur l’éducation, n° 106, Éditions OCDE, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/5jxt472ddkjl-en.
Réunir les établissements scolaires sous une direction commune peut aussi être bénéfique à l’efficience et à la qualité tout en permettant de conserver un maillage étroit du réseau scolaire
La coopération entre les établissements scolaires peut prendre différentes formes, avec un caractère plus ou moins officiel, une durée plus ou moins longue et une portée plus ou moins grande. Correctement gérée, la création de regroupements scolaires dotés d’une gestion administrative commune peut aussi apporter des améliorations significatives sur les plans de l’efficience et de la qualité de l’enseignement dispensé sans diminuer la couverture géographique du réseau scolaire. Les regroupements scolaires devraient être considérés comme un bon moyen de pallier certains inconvénients des établissements de petite taille sans qu’il soit nécessaire de les fermer. Compte tenu de leur complexité, la mise en place d’une équipe de direction centralisée et l’élaboration d’un budget pour des établissements répartis sur plusieurs sites exigent toutefois que l’on prête attention au renforcement des capacités de la direction pédagogique et administrative, et éventuellement à la mise en place de structures de direction décentralisées. La Colombie et le Portugal sont deux pays à avoir mis en œuvre des réformes de grande envergure qui ont consisté à placer plusieurs établissements sous une direction commune pour former des regroupements scolaires (Encadré 4.12) (OCDE, 2018[63]).
Encadré 4.12. Corriger les manques d’efficience dans les réseaux scolaires : exemples des regroupements scolaires en Colombie et au Portugal
En Colombie, le ministère de l’Éducation a encouragé le rapprochement d’établissements scolaires situés à proximité les uns des autres dans l’objectif d’offrir à tous les élèves la possibilité de suivre leur scolarité au sein d’un seul et unique regroupement d’établissements, de faciliter le passage d’un cycle au suivant et de lutter contre l’abandon. Depuis 2002, les établissements scolaires, et notamment ceux du secteur public, sont organisés en regroupements dans lesquels l’enseignement est dispensé sur plusieurs sites. Le site principal accueille tous les niveaux de la scolarité obligatoire. Les autres sites n’en accueillent qu’une partie. Un regroupement scolaire s’organise autour d’un site principal et de plusieurs annexes. Il ressort d’études qualitatives que cette réorganisation des établissements scolaires a permis aux petites structures rurales d’accéder à diverses ressources et infrastructures pédagogiques (bibliothèque, laboratoire informatique et installations sportives, par exemple) et facilité le passage des élèves vers les classes supérieures, quoique son effet sur les redoublements et l’abandon soit plus nuancé.
Le Portugal a réformé son réseau d’écoles à partir de 2005 pour remédier au manque d’efficience et corriger des inégalités criantes entre les régions. En l’espace d’une dizaine d’années, les autorités compétentes ont fermé 47 % des établissements scolaires publics du pays, des écoles primaires rurales pour la plupart, tout en investissant dans la création de nouvelles infrastructures, les transports et les activités périscolaires. Dans le cadre du processus de concentration, la quasi-totalité des établissements publics (98 %) ont été organisés en regroupements dotés d’une administration unique. Ces regroupements comprennent habituellement des écoles maternelles, des écoles primaires et des établissements d’enseignement secondaire. S’ils sont formés de 4 à 7 établissements en règle générale, le nombre de membres est compris entre 2 et 28. La direction de chaque regroupement est confiée à un chef d’établissement, secondé de plusieurs adjoints et de coordonnateurs, et à des conseils d’établissement. Les conseils d’établissement sont composés d’un conseil général (formé des représentants élus des enseignants et des parents d’élèves, ainsi que de représentants des autorités municipales et des partenaires locaux) auquel s’ajoute un conseil pédagogique où siègent des coordonnateurs pédagogiques désignés par le responsable du regroupement (par exemple les responsables de l’enseignement préscolaire, de l’enseignement primaire, des mathématiques, des langues, des arts, des sports, de l’inclusivité). La constitution des regroupements, qui devait contrebalancer en partie le préjudice causé par les fermetures d’établissements, a permis de rationaliser l’emploi des ressources et de faciliter la progression des élèves de classe en classe au cours des années de leur scolarité obligatoire. La réorganisation du réseau scolaire passe aussi pour avoir rompu l’isolement des enseignants travaillant en zone rurale, élargi l’offre pédagogique accessible aux élèves défavorisés dans les régions reculées et favorisé la collaboration entre le ministère de l’Éducation, les communes, les établissements scolaires et les autres parties prenantes.
Source : OCDE (2018[63]), Responsive School Systems: Connecting Facilities, Sectors and Programmes for Student Success, Éditions OCDE, Paris ; https://dx.doi.org/10.1787/9789264306707-en.
Adopter une approche « modulaire » est une autre option possible pour organiser les réseaux scolaires de manière efficiente
Encourager une conception « modulaire » du réseau scolaire et de l’offre éducative peut élargir la palette de stratégies flexibles à mettre en œuvre pour parvenir à une organisation efficiente. Cela suppose de ne plus considérer les établissements scolaires dans leur globalité, mais chacun des services qu’ils proposent et de voir s’il y est possible d’en améliorer la répartition entre les établissements. Une certaine souplesse dans la combinaison des différentes classes au sein d’un même établissement peut faciliter l’adaptation du réseau scolaire à l’évolution de la demande, particulièrement lorsque la pression n’est pas la même aux différents niveaux d’enseignement. La promotion de ces approches modulaires devrait également amener à se demander quels sont les niveaux d’enseignement qui peuvent être proposés à l’échelon local et quels sont ceux qui devraient au contraire être davantage centralisés (OCDE, 2018[63]).
L'Estonie, par exemple, a fait le choix d’une séparation plus distincte entre l’enseignement général du deuxième cycle du secondaire et l’enseignement élémentaire. L’objectif était de renforcer le deuxième cycle du secondaire tout en conservant à peu près intact le réseau des établissements du premier cycle. En parallèle à la construction d’établissements centralisés pour le deuxième cycle du secondaire, les autorités ont donc voulu inciter les administrations municipales à réfléchir aux niveaux d’instruction qu’elles sont en mesure d’assurer correctement à leur échelle (OCDE, 2018[63]).
La concentration du réseau scolaire peut venir en complément d’autres stratégies de réforme
Nonobstant les nombreuses promesses de la mutualisation des ressources et de la création de regroupements, les systèmes dotés d’un réseau scolaire fragmenté devraient en complément inciter les petits établissements à se regrouper. La concentration peut générer des économies dans la durée à travers l’augmentation de la taille moyenne des établissements et la diminution des dépenses fixes rapportées au nombre d’élèves. Lorsqu’ils envisagent une concentration de leur réseau scolaire, les pays doivent cependant soupeser avec soin les avantages économiques attendus et les coûts non négligeables induits par l’opération, les dépenses publiques et privées occasionnées par l’allongement des distances de déplacement et les conséquences sociales et économiques pour les collectivités avoisinantes (départ des familles ou évolution des prix de l’immobilier, par exemple). Une organisation adéquate des transports (qui exige généralement des investissements importants) doit être mise en place lorsque les élèves sont redirigés vers des établissements plus lointains. La concentration peut aussi réduire la diversité des établissements et laisser aux parents un moindre choix en termes de prestataires et d’offre pédagogique (Gronberg et al., 2015[99]).
D’après les éléments dont on dispose, il semble que les élèves issus de milieux socioéconomiques défavorisés soient particulièrement pénalisés par les fermetures d’établissements scolaires, les conséquences à long terme étant cependant moindres si un autre établissement public situé à une distance raisonnable est en mesure de les accueillir (Humlum et Smith, 2015[100]). Pour atténuer les éventuels effets négatifs, le processus de transition doit être aussi lisse que possible, de manière à ce que les élèves s’adaptent en douceur à leur nouvel environnement (OCDE, 2018[63]).
Les pays qui optent pour une concentration peuvent envisager de combiner différentes interventions, et notamment d’avoir recours à des incitations financières et à des aides directes pour accompagner les fermetures d’établissements. Les incitations financières, sous forme par exemple d’une allocation par élève dont le montant est déterminé de manière centralisée, peuvent dissuader très efficacement de maintenir des petites structures compte tenu de leurs coûts fixes par élève relativement élevés. Ces mesures doivent être définies avec soin pour s’adresser aux niveaux et secteurs dans lesquels la concentration apportera les avantages les plus nets, des précautions étant prises pour protéger les établissements qui ne peuvent ou ne doivent pas fermer (OCDE, 2018[63]).
La concentration peut encore être encouragée par d’autres moyens, par exemple par un élargissement des bassins scolaires. Des outils de pilotage, comme la détermination d’effectifs minimums par établissement et par classe, sont de nature à encourager une organisation plus efficiente de l’enseignement. Cependant, eu égard à la diversité des réalités locales, il est important de garder à l’esprit qu’il n’existe aucune solution « tout-terrain » en ce qui concerne la taille et la répartition des établissements. Pour tenir compte des particularités, les autorités peuvent accorder des dérogations aux règles établies en ce qui concerne les effectifs minimums dans le cas d’établissements identifiés comme devant relever d’un statut particulier puisque leur fermeture serait préjudiciable aux élèves. D’une manière générale, il convient de veiller à donner des incitations claires et à utiliser des outils qui soient complémentaires et non pas contradictoires (Duncombe et Yinger, 2007[101]).
Cela étant, la marge de manœuvre est souvent limitée pour ce qui est de réformer le réseau scolaire dans les zones isolées...
Aux difficultés propres aux établissements scolaires de petite taille s’ajoutent, dans bien des zones rurales, celles inhérentes à l’isolement géographique. Dans les régions reculées, en particulier, l’éloignement est un frein à l’application de stratégies visant à rationaliser le réseau scolaire par la coopération entre établissements, la création de regroupements ou les concentrations. Pour garantir néanmoins une instruction de qualité aux élèves dans ces secteurs, les autorités peuvent recourir à diverses solutions qui permettront de pallier les difficultés spécifiques aux établissements des zones isolées sans modifier la structure du réseau scolaire (OCDE, 2018[63] ; Echazarra et Radinger, 2019[89]).
Les projections récentes de l’OCDE sur le coût et l’accessibilité de l’enseignement dans les zones rurales montrent une fois encore qu’il faut des stratégies complémentaires pour assurer une offre d’enseignement équitable à tous les enfants – à commencer par ceux des régions isolées – sachant que certains établissements doivent rester ouverts malgré des effectifs insuffisants pour garantir à chacun la possibilité de s’instruire. D’après les estimations présentées par l’Organisation dans son rapport, le temps moyen de trajet des élèves est quatre à cinq fois plus important dans les campagnes faiblement peuplées qu’en ville (OCDE/CE-CCR, 2021[94]).
Ces stratégies complémentaires peuvent s’avérer déterminantes pour réduire les écarts entre les élèves des villes et ceux des campagnes. Dans la plupart des pays de l’OCDE, les seconds sont en effet systématiquement en retard sur les premiers au regard des résultats scolaires et du niveau d’instruction (Echazarra et Radinger, 2019[89]). Lors du PISA 2018, les jeunes de 15 ans scolarisés en ville dans les pays de l’OCDE ont obtenu des résultats supérieurs de 48 points, en moyenne, à ceux de leurs camarades scolarisés en zone rurale. Cet écart équivaut à plus d’une année de scolarité, même si les différences de profil socioéconomique tendent à l’expliquer (OCDE, 2021[90]). Bien que l’on manque de données sur le sujet, il est probable que la pandémie de COVID-19 et les dispositions prises pour assurer la continuité pédagogique grâce à l’enseignement à distance n’ont pas eu les mêmes conséquences sur les uns et les autres.
… d’où la nécessité de recourir à des stratégies complémentaires pour corriger les inégalités au regard des possibilités d’instruction qui pénalisent les élèves des zones rurales et isolées
Il peut être très difficile de faire en sorte que tous les établissements scolaires dispensent une instruction de qualité, quelle que soit leur situation géographique. Néanmoins, des pratiques innovantes existent pour réduire les écarts entre ville et campagne dans le domaine de l’enseignement comme : le recrutement d’enseignants du cru dans une démarche « d’autosuffisance », la création de réseaux de formation professionnelle entre établissements ruraux, ou l’utilisation des nouvelles technologies d’enseignement à distance, conjuguées au développement des capacités et des moyens disponibles à l’échelon local (Sipple et Brent, 2015[102] ; Echazarra et Radinger, 2019[89]).
Le coût unitaire d’un enseignement de qualité étant plus élevé dans les zones rurales, certains pays assurent un financement spécial aux petits établissements des régions reculées. Des programmes ciblés ont permis de financer la formation des enseignants et la collaboration entre ces établissements et contribué à étoffer l’offre de transport là où la distance nuit considérablement à l’assiduité des élèves. Par exemple, le Danemark a augmenté le soutien financier qu’il octroie aux établissements scolaires de petite taille des territoires insulaires de manière à maintenir un enseignement de qualité dans ces territoires. Le Chili et la Colombie ont eux aussi pris des moyens pour traiter les problèmes touchant à la qualité de l’enseignement dans les zones rurales (Encadré 4.13) (OCDE, 2018[63]).
La poursuite d’études au-delà de l’enseignement secondaire pose parfois de sérieuses difficultés aux jeunes de ces régions qui, souvent, n’ont pas d’ambitions particulières et doivent surmonter des obstacles financiers, matériels et personnels considérables à mesure qu’ils avancent dans les études. À l’occasion du PISA 2018, il est apparu que, dans les pays de l’OCDE, les élèves scolarisés en milieu rural étaient, en moyenne, moitié moins nombreux que ceux scolarisés en ville à envisager obtenir un jour un diplôme universitaire (OCDE, 2021[90]). Les pays doivent par conséquent veiller à ce que les aides apportées soient à la hauteur des besoins – bourses, allocations, soutien socioaffectif, orientation, logement, par exemple (OCDE, 2018[63]).
Encadré 4.13. Exemple d’appui ciblé aux écoles rurales : Chili et Colombie
Au Chili, un programme en faveur de l’enseignement élémentaire en zone rurale (Programa de Mejoramiento de la Calidad y Equidad de la Educación para las Escuelas Básicas Rurales), mis en place en 1992, assure une assistance technique aux établissements scolaires de ces régions. À l’origine, ce programme recouvrait la fourniture de matériel pédagogique, l’organisation de formations et d’activités de développement professionnel à destination des enseignants et l’adaptation des programmes aux spécificités rurales. Il a d’autre part amené la création de réseaux d’écoles rurales(microcentros rurales), toujours en activité, qui offrent aux enseignants un espace où se rencontrer régulièrement pour collaborer à l’organisation des cours et aux évaluations.
De même, en Colombie, un programme d’enseignement en zone rurale (Programa de Educación Rural, PER), appliqué entre 2002 et 2015, a visé à favoriser l’accès à un enseignement de qualité, lutter contre l’abandon scolaire et rendre l’instruction plus facilement adaptables aux besoins des élèves. Le programme s’inscrivait dans une démarche pluridimensionnelle qui misait sur l’utilisation de modèles pédagogiques souples et de supports d’enseignement conçus pour les écoles rurales, la formation des enseignants et le renforcement des capacités des administrations locales de l’éducation intéressées. Des stratégies complémentaires ont été axées sur l’amélioration des compétences élémentaires en langue et en mathématiques au primaire ainsi que sur l’enseignement de l’anglais. Une étude d’impact a révélé des effets positifs nets sur l’efficience (taux d’abandon, taux de passage en classe supérieure et taux d’échec) et sur la qualité (résultats obtenus à une évaluation normalisée en langue) dans les établissements où le programme a été appliqué.
Source : OCDE (2018[63]), Responsive School Systems: Connecting Facilities, Sectors and Programmes for Student Success, Éditions OCDE, Paris ; https://dx.doi.org/10.1787/9789264306707-en; Echazarra and Radinger (2019[89]), Learning in rural schools: Insights from PISA, TALIS and the literature , Documents de travail de l’OCDE sur l’éducation, https://dx.doi.org/10.1787/8b1a5cb9-en.
Messages clés
Les analyses proposées par ce chapitre montrent qu’il est possible d'améliorer à la fois l'efficience et l'équité dans les systèmes éducatifs et mettent en lumière plusieurs leviers de l'action publique pour réduire les écarts en matière de résultats scolaires, améliorer les performances globales et faire baisser les coûts liés au manque d’efficience.
Premièrement, les investissements en faveur de l’EAJE se traduisent par une nette amélioration des résultats de l’apprentissage et du développement socioémotionnel des enfants. Les mesures visant à élargir l'accès aux services d’EAJE, notamment pour les groupes d’enfants défavorisés, et à améliorer leur qualité peuvent donc aider à améliorer l’efficience et l’équité des systèmes éducatifs.
Deuxièmement, le présent chapitre recommande d’investir en faveur d’un enseignement de qualité. Les responsables publics sont notamment encouragés à rendre la carrière d’enseignant plus attractive en passant par la révision des niveaux actuels de rémunération, des structures salariales et des critères de progression professionnelle. Il convient également de veiller en particulier à ce que les enseignants qualifiés soient équitablement répartis au sein du système éducatif grâce à des mécanismes d’incitation adaptés.
Troisièmement, les responsables publics doivent lutter contre l’échec et l’abandon scolaires, lesquels sont à l’origine de dépenses majeures pour les systèmes éducatifs et touchent de façon disproportionnée les élèves défavorisés. Le présent chapitre alerte notamment contre le recours excessif au redoublement et préconise le développement d’un système d’alerte précoce et un accompagnement individuel des élèves en difficulté pour éviter qu’ils ne prennent du retard. De plus, les responsables publics devraient retarder l’orientation des élèves en fonction de leurs résultats scolaires pour permettre à tous d'optimiser leur potentiel.
Enfin, ce chapitre recommande de réformer les réseaux scolaires dans les zones rurales afin de parvenir à un équilibre entre accessibilité et efficience. Pour réaliser des économies d'échelle, les responsables publics pourraient favoriser la mutualisation des ressources entre plusieurs établissements scolaires, créer des directions conjointes d'établissements ou octroyer plus de flexibilité pour permettre le regroupement de différents niveaux d’enseignement au sein d’un seul établissement.
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Note
← 1. Dans le cadre du PISA, les établissements scolaires ruraux s’entendent de ceux situés dans des communes de moins de 3 000 habitants et les établissements urbains désignent ceux situés dans toute grande ville de plus de 100 000 habitants.