Ce chapitre examine l’insertion sur le marché du travail des émigrés sénégalais dans les pays de l’OCDE. Avec un intérêt particulier pour les principaux pays de destination des émigrés sénégalais, nous y étudions le statut d’occupation des 15‑64 ans en 2015/2016 et plus récemment en 2017/2020 en France, en Italie et aux États-Unis. Nous nous intéressons à l’évolution de cette insertion depuis la crise financière et économique de la fin des années 2000 et du début des années 2010 en Europe. Nous y examinons les facteurs d’employabilité des émigrés sénégalais au travers des questions de genre et d’éducation mais aussi de durée de séjour et d’acquisition de la nationalité. Outre la mesure du taux d’emploi, de chômage et d’inactivité des émigrés sénégalais, les types de postes, leur adéquation avec leurs qualifications et les secteurs d’activité où ils travaillent sont étudiés. Ce chapitre se ferme sur les caractéristiques de l’insertion des descendants d’au moins un parent émigré sénégalais en France.
Panorama de l’émigration sénégalaise
3. Situation des émigrés sénégalais sur le marché du travail
Abstract
En bref
En 2015/2016, 77 % des émigrés sénégalais en âge de travailler participent au marché du travail dans les pays de l’OCDE.
Ce taux de participation cache un niveau élevé de taux de chômage : 21 % d’entre eux sont au chômage.
61 % des émigrés sénégalais entre 15 et 64 ans sont ainsi en emploi, un taux similaire à l’ensemble des émigrés des pays de l’UEMOA mais significativement inférieur au taux de participation de l’ensemble des immigrés et des natifs de l’OCDE.
Ces taux varient beaucoup selon le pays de destination. En France, premier pays de destination des émigrés sénégalais, 66 % d’entre eux sont en emploi en 2019/2020.
Depuis 2010/2011, l’insertion des émigrés sénégalais sur le marché du travail s’est améliorée comme pour l’ensemble de la population dans l’OCDE.
Il reste cependant plus difficile pour les femmes d’accéder à l’emploi. Seule la moitié des femmes nées au Sénégal et résidant dans un pays de l’OCDE est en emploi contre les deux tiers de leur contrepartie masculine.
Le niveau d’éducation est un autre déterminant de l’accès à l’emploi. Dans l’ensemble, 73 % des émigrés sénégalais les plus éduqués ont un emploi, un taux inférieur à celui observé pour l’ensemble des immigrés.
Ce taux d’emploi plus élevé pour les individus ayant suivi des études supérieures cache une grande inadéquation entre emploi et qualifications. Celui-ci s’accentue quand la langue du pays de destination n’est pas le français ou quand les études ont été faites hors du pays de destination.
Ainsi, les émigrés sénégalais occupent surtout des postes faiblement qualifiés. Ils travaillent en premier lieu comme vendeurs ambulants ou aides ménagers. Une part non négligeable des femmes travaille dans le secteur des soins aux particuliers. Ce constat au sein de l’OCDE est à nuancer dans la mesure où il existe d’importantes hétérogénéités entre les pays.
Les émigrés sénégalais travaillent avant tout dans le secteur des services aux États-Unis et en France et plus rarement dans les secteurs primaires et secondaires sauf en Italie où environ 40 % de la main d’œuvre née au Sénégal travaille dans la construction ou l’industrie manufacturière et extractive.
Les descendants d’au moins un parent sénégalais s’insèrent plus facilement sur le marché du travail. En France, 75 % des 25‑64 ans sont en emploi, un taux similaire à celui des descendants de parents natifs.
Une insertion hétérogène mais difficile des émigrés sénégalais sur le marché travail
Parmi les plus de 310 000 émigrés nés au Sénégal âgés entre 15 et 64 ans et résidant dans les pays de l’OCDE, 77 % d’entre eux participent au marché du travail, comme le montre le Graphique 3.1. Ce taux d’activité correspond au taux moyen de participation des émigrés des pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et est légèrement supérieur au taux d’emploi moyen des immigrés dans les pays de l’OCDE (74 %). Toutefois, comme leurs homologues originaires des autres pays de l’UEMOA, les émigrés sénégalais sont plus de deux fois plus fréquemment au chômage que l’ensemble des émigrés (21 % contre 10 %). De ce fait, le taux d’emploi des émigrés sénégalais est relativement faible – 61 %, similaire à celui de l’ensemble des émigrés originaires des pays de l’UEMOA, mais inférieur à celui de l’ensemble des immigrés (67 %) et des natifs des pays de l’OCDE (65 %).
Cette insertion difficile sur le marché du travail diffère substantiellement selon les pays de destination. Moins de la moitié des émigrés sénégalais occupent un emploi au Portugal et en Belgique. Dans ces deux pays, même, moins de deux adultes sur cinq sont en emploi. Ces taux sont significativement inférieurs au taux d’emploi des natifs qui atteint 65 % au Portugal (contre 35 % pour les émigrés sénégalais) et 64 % en Belgique (contre 40 % pour les individus nés au Sénégal).
Dans les trois premiers pays de destination de l’OCDE des Sénégalais, l’Espagne, l’Italie et la France, ils ne sont qu’entre 55 % et 60 % à occuper un emploi. Le taux de chômage en Espagne atteint plus du tiers de la population sénégalaise active (35 %) alors qu’ils sont 22 % et 16 % en France et en Italie respectivement.
Parmi les autres principaux pays de destination, au Canada, aux États-Unis et au Royaume‑Uni, 70, 80 et 81 % des émigrés sénégalais ont un emploi. Dans le premier pays, ce taux est relativement similaire à celui observé pour les natifs (72 %). Dans les deux autres pays, ce taux dépasse les niveaux d’emploi de la population autochtone. Au Royaume‑Uni, le taux d’emploi des émigrés sénégalais est supérieur de 5 points de pourcentage mais s’explique notamment par le relativement faible effectif des Sénégalais résidant au Royaume‑Uni (moins de 2 500 individus). Aux États-Unis, quatrième pays de destination des Sénégalais, leur taux d’emploi est supérieur de 10 points de pourcentage : 69 % des natifs sont en emploi. Cependant, la proportion d’actifs occupés aux États-Unis cache une forte inadéquation entre les emplois occupés par les émigrés sénégalais et leur qualification, comme nous le montrerons plus tard dans le chapitre.
Si les Sénégalais s’insèrent généralement moins bien sur le marché du travail que les émigrés des autres pays, ce constat ne vaut pas pour les principaux pays de destination de l’OCDE comme le montre le Graphique 3.2. Le taux d’emploi des émigrés sénégalais est seulement inférieur à celui de l’ensemble des immigrés en Espagne et en Belgique. Dans le premier pays, les immigrés sont 58 % en emploi contre 55 % des émigrés sénégalais. Ils sont aussi relativement plus vulnérables que les immigrés dans la mesure où ils sont plus fréquemment au chômage que le reste des immigrés (+2 et +10 points de pourcentage que les émigrés de l’UEMOA et les immigrés en général). Ils sont deux fois plus fréquemment au chômage que les individus nés en Espagne (17.6 %). En Belgique, où l’insertion des émigrés sénégalais et plus généralement des émigrés de l’UEMOA (40 % de taux d’emploi) est particulièrement faible, les immigrés s’en sortent substantiellement mieux puisque la moitié d’entre eux sont des actifs occupés (51 %) contre près des deux tiers des natifs.
Dans les quatre autres principaux pays de destination, les émigrés sénégalais occupent davantage un emploi que leur contrepartie d’autres pays. Cette différence reste très faible, inférieure ou égale au point de pourcentage, en Italie et au Canada, où le taux d’emploi est faiblement inférieur (Canada) voire supérieur (Italie) à celui des natifs. Cet écart est plus large aux États-Unis et en France. Dans ce dernier pays, les émigrés sénégalais accèdent à un emploi dans les mêmes proportions que les émigrés de l’UEMOA. En revanche, ils sont 4.5 points de pourcentage en plus à être actifs occupés que les immigrés en général dont le taux d’emploi atteint 55.5 %. La différence d’insertion sur le marché du travail en France ne se matérialise pour autant pas par une moindre vulnérabilité de la population émigrée sénégalaise dont le taux de chômage de 22 % est égal au taux de chômage observé pour les immigrés en moyenne. Ils sont donc dans une moindre mesure inactifs (23 %) que le reste des immigrés de France.
La participation au marché du travail des immigrés est d’autant plus forte que le temps écoulé depuis leur arrivée est important. Effectivement, comme le montre le Graphique 3.3, si les individus arrivés il y a un an ou moins sont essentiellement inactifs en France et en Italie, le constat se renverse progressivement dès que la durée de séjour dépasse un an. Entre un et cinq ans en France, 42 % des émigrés sénégalais sont en emploi. Ce taux passe à 68 % au-delà de cinq ans passés en France et dépasse les 75 % après dix ans de résidence.
Aux États-Unis, les données de l’American community survey (ACS) de 2017/2019 (Ruggles et al., 2021[1]) montrent que les émigrés sénégalais arrivés depuis moins d’un an sont déjà 53 % à occuper un emploi. Si cela peut s’expliquer par la politique d’attribution de visas, plus de trois émigrés sénégalais sur quatre sont en emploi après cinq ans passés sur le territoire américain. Ce taux dépasse même les 80 % au-delà des 20 ans de résidence. En lien avec ce dernier point, acquérir la nationalité américaine facilite l’accès à l’emploi des immigrés et notamment des émigrés sénégalais. Effectivement, 82 % de ces derniers ont un emploi quand ils détiennent la nationalité contre 69 % d’entre eux quand ils ne l’ont pas. Cet écart se creuse pour les femmes dont le taux d’emploi est inférieur de 18 points de pourcentage quand elles ne sont pas américaines (58 % en emploi) contre 8 points de pourcentage pour leur contrepartie masculine (77 % en emploi). Ce constat se maintient mais dans une relative moindre mesure en contrôlant pour la durée de séjour des émigrés sénégalais.
Le niveau d’emploi des émigrés sénégalais s’est amélioré depuis 2010
L’insertion sur le marché du travail des émigrés sénégalais s’est relativement améliorée depuis 2010/11. Comme présenté dans le Graphique 3.4, le taux d’emploi des émigrés sénégalais a augmenté de plus de 3 points de pourcentage sur la période, passant de 57.2 à 60.6 % en 2015/16. L’évolution du niveau d’emploi des émigrés sénégalais suit une tendance générale de relative amélioration de l’environnement économique dans les pays de l’OCDE au sortir de la crise économique et financière internationale et européenne de la fin des années 2000 et de la première moitié des années 2010. Effectivement, pour les émigrés des pays de l’UEMOA et dans une moindre mesure pour les émigrés en général, le taux d’emploi a augmenté respectivement de 2.8 et 1.7 points de pourcentage. Il s’inscrit dans le contexte de reprise relative de l’économie des pays de l’OCDE dont la légère augmentation du taux d’emploi des natifs de près d’1 point de pourcentage est le témoin.
Cela se traduit de façon hétérogène selon les pays de destination comme le montre le Graphique 3.5, signe de la diversité des niveaux de reprise économique observés dans les pays de destination. En Belgique, où les fondamentaux économiques commencent à retrouver leur niveau d’avant crise, l’emploi est resté stable durant la période autant pour les émigrés sénégalais que pour les natifs. En revanche, dans les pays anglo-saxons, en premier lieu aux États-Unis, où la croissance est de retour de façon soutenue depuis plusieurs trimestres en 2015/2016, le taux d’emploi a augmenté significativement pour tous les individus dont les émigrés sénégalais (+4.6 points de pourcentage pour les émigrés sénégalais et +6 points de pourcentage pour les émigrés de l’UEMOA).
En Espagne, très touché par la crise de la dette, le taux d’emploi des émigrés du Sénégal a augmenté de 23 points de pourcentage entre 2010 et 2015. Cette augmentation significative des actifs occupés s’observe pour l’ensemble des immigrés en Espagne, le taux d’emploi des immigrés au départ des pays de l’UEMOA a aussi augmenté de 23 points de pourcentage entre 2010 (34 %) et 2015 (57 %) et de 10 points de pourcentage pour les immigrés en général (58 % en 2015). La croissance du taux d’emploi est plus faible pour les natifs passant de 57 % à 60 % de la population en âge de travailler. Cet écart entre la croissance de l’emploi des immigrés et des natifs s’explique en partie par le fait que l’essentiel de la croissance de la population active en Espagne est du à l’accroissement de la population née à l’étranger résidant en Espagne, intervenant parallèlement au vieillissement de la population native (Defensor del Pueblo, 2020[2]). Cependant, les immigrés en Espagne semblent plus vulnérables que les autochtones car s’ils sont davantage occupés, ils ont aussi significativement plus de risque d’être au chômage que les natifs : le taux de chômage des immigrés oscille entre 25 et 35 % selon leur pays origine contre 18 % pour les natifs.
L’Italie, encore très touchée par la politique budgétaire restrictive et l’augmentation des taux d’intérêt, a vu le taux d’emploi des immigrés d’origine sénégalaise diminuer de près de 5 points de pourcentage, une dynamique négative observée dans des proportions similaires pour les émigrés des pays de l’UEMOA (‑3.9 points de pourcentage) et dans une moindre mesure pour les immigrés et pour les natifs (‑0.8 et ‑1.5 points de pourcentage respectivement). Plus récemment, pour la période 2017/2020, le taux d’emploi croît de nouveau et ce quel que soit le pays de naissance de la population. Effectivement, comme le montrent les données issues de l’enquête emploi, le taux d’emploi des natifs atteint 58 % et retrouve ainsi les niveaux observés en 2010/2011. Cette augmentation est légèrement plus forte pour les émigrés de l’UEMOA (+3 points de pourcentage) dont le niveau d’emploi rejoint celui des natifs en 2017/2020. Pour les émigrés sénégalais, l’augmentation du niveau d’emploi de 2.5 points de pourcentage pour atteindre 62.7 % ne permet pas de retrouver les niveaux d’emploi observés en 2010/2011 mais restent supérieurs aux moyennes observées pour les immigrés résidant en Italie.
En France, si entre 2010/2011 et 2015/2016, le taux d’emploi des émigrés sénégalais est resté constant, il cache en réalité une détérioration de l’activité sur le marché du travail entre 2010 et 2013/2014 avant la reprise économique débutée au milieu des années 2010 et qui se poursuit jusqu’en 2019/2020 comme le montre le Graphique 3.6. Entre 2015/2016 et 2019/2020, le taux d’emploi a augmenté de 4 points pourcentage pour les immigrés en général. Ainsi, 66 % des émigrés sénégalais sont en emploi en 2019/2020. Ce taux reste significativement supérieur à celui observé pour les immigrés (+7 points de pourcentage) mais relativement similaire aux taux d’emploi des émigrés de l’UEMOA et des natifs.
Cette augmentation se traduit par une diminution du taux de chômage qui concerne 14 % de la population émigrée sénégalaise active en 2017/2020 soit autant que pour les immigrés résidant en France. Ils restent toutefois plus vulnérables sur le marché du travail étant près deux fois plus fréquemment exposés au chômage que les natifs (8 %). Un quart des émigrés sénégalais sont par ailleurs inactifs. Parmi eux, deux-tiers ne sont ni en études ni en formation.
Des disparités dans l’accès à l’emploi des émigrés sénégalais selon leur genre subsistent
Les femmes immigrées doivent faire face à un défi double pour s’insérer sur marché du travail, du fait d’une part des inégalités de genre (OCDE, 2020[3]) et d’autre part de leur origine étrangère. Il existe de fait des différences souvent importantes de taux d’emploi entre hommes et femmes parmi les immigrés vivant dans les pays de l’OCDE : en moyenne, en 2015/16, le taux d’emploi des femmes est inférieur d’au moins 14 points de pourcentage à celui des hommes (voir Graphique 3.7). Parmi les émigrés sénégalais, seule la moitié des femmes ont un emploi contre deux tiers (66.7 %) des hommes. Dans l’ensemble, cela ne semble pas s’expliquer par des différences entre les caractéristiques individuelles des hommes et des femmes. D’une part, les émigrées sénégalaises en âge de travailler ont atteint en moyenne des niveaux d’étude plus élevés que les hommes. Par ailleurs, elles sont généralement arrivées en même temps que les hommes.
Les émigrées sénégalaises ont tendance à être inactives deux fois plus fréquemment que les hommes (33 % contre 17 % pour les hommes). Elles sont aussi plus souvent au chômage (25 %) que les hommes (20 %) mais aussi que les femmes natives (10 %).
Ces écarts de participation selon le genre persistent à des degrés différents dans les principaux pays de destination de l’OCDE quel que soit le pays de naissance comme le montre le Graphique 3.8. Si les différences d’accès à l’emploi sont généralement plus faibles pour les natifs des pays de l’OCDE que pour les immigrés, les femmes autochtones souffrent aussi d’un accès inégal au marché du travail.
L’écart est le plus important en Italie où seules 30 % des femmes émigrées sénégalaises sont en emploi contre 70 % pour les hommes, soit un écart de 40 points de pourcentage. Ce constat se maintient voire s’aggrave sur la période plus récente entre 2017 et 2020 lors de laquelle près de trois quart des hommes émigrés sénégalais sont en emploi alors que le taux d’emploi des femmes est resté relativement constant. Si elle est plus élevée que dans chacun des cinq autres pays étudiés, la différence de taux d’emploi entre hommes et femmes nés en Italie est substantiellement inférieure à celle observée pour les émigrés sénégalais (‑17 points de pourcentage). Les femmes nées en Italie sont ainsi pour moitié en emploi. Cet écart est aussi significativement plus élevé que celui observé pour les émigrés de l’UEMOA et les immigrés en général; 74 % des hommes immigrés contre 49 % des femmes immigrées sont emploi (72 contre 33 % pour les émigrés de l’UEMOA). Les émigrées sénégalaises sont ainsi plus souvent au chômage que leur contrepartie masculine et que les femmes natives. Un tiers d’entre elles sont au chômage soit plus de 20 points de pourcentage que les hommes nés au Sénégal et que les natifs. Surtout plus de la moitié d’entre elles sont inactives (57 %).
Cette faible participation des femmes au marché du travail en Italie et cette différence dans l’accès à l’emploi des émigrés sénégalais selon leur genre s’explique pour partie par l’arrivée plus récente des femmes sur le territoire italien. Effectivement, sur la période 2017/2020, elles y résident en moyenne depuis 10 ans et 50 % d’entre elles sont en Italie depuis moins de 9 ans alors que le temps moyen et médian passé en Italie par les hommes est 14 ans. Toujours est-il qu’à durée de séjour donné, la participation des femmes au marché du travail reste plus faible. Quand leur est posée la question sur la raison principale de leur inactivité, les raisons familiales sont les premières invoquées, par 55 % des femmes émigrées sénégalaises inactives contre 27 % des femmes nées en Italie. 14 % des femmes inactives nées au Sénégal déclarent être en études ou en formation (34 % des hommes).
Cette différence de taux d’emploi entre les hommes et les femmes se situe entre 12 et 13 points de pourcentage pour la France, l’Espagne et le Canada. En Espagne, bien que le taux d’emploi des femmes émigrées sénégalaises soit plus faible que celui de leur contrepartie née dans le pays (45 % contre 55 %), la différence avec le niveau d’emploi des hommes est relativement similaire. En revanche, au Canada comme en France, l’écart double voire triple par rapport aux natifs. Au Canada, le taux d’emploi des femmes se situe au niveau de la moyenne observée des immigrées (63 %) et est inférieur de 7 points de pourcentage par rapport aux natives.
En France, les émigrées sénégalaises s’en sortent mieux que l’ensemble des femmes immigrées, leur taux d’emploi atteignant 58 % en 2017/2020 soit 8 points de pourcentage de plus que ces dernières. Il est inférieur de 6 points de pourcentage au taux d’emploi des natives (64 %) et de près de 14 points de pourcentage au taux d’emploi des hommes nés au Sénégal. Cependant, cet écart ne se matérialise pas par un écart tout aussi important du taux de chômage selon le genre. Effectivement, les taux de chômage des hommes et des femmes sont très proches concernant 13 % des actifs contre 15 % des actives. C’est dans le taux d’inactivité que se retrouve ce déséquilibre : les femmes émigrées sénégalaises sont 32 % à être inactives (30 % des natives) contre seulement 18 % des hommes (mais 25 % des natifs). Comme présenté dans le Chapitre 1, l’essentiel des premiers titres de séjour octroyés aux femmes nées au Sénégal le sont pour des raisons familiales (52 % des premiers permis obtenus entre 2012 et 2019 contre 34 % des permis pour les hommes). Par ailleurs, moins d’un premier permis obtenu sur 20 (3 %) par les émigrées sénégalaises le sont pour exercer un travail (contre 16 % des hommes)1.
Aux États-Unis, la particularité de l’insertion sur le marché du travail des femmes nées au Sénégal lors de la période la plus récente (mesurée par les données de l’enquête sur la communauté américaine du Census Bureau entre 2017 et 2019) vient du fait que leur niveau d’emploi est similaire à celui des femmes nées dans le pays (65 % contre 68 %). Toutefois, l’écart avec le taux d’emploi des hommes reste conséquent, étant supérieur de 16 points de pourcentage. Les causes de cet écart sont à trouver dans ce cas-ci dans des différences notables entre les caractéristiques individuelles des hommes et des femmes. Ces dernières sont arrivées plus récemment sur le territoire américain ce qui affecte significativement l’insertion sur le marché du travail comme présenté dans le Graphique 3.6. Elles ont surtout atteint un niveau d’éducation inférieur à celui des hommes affectant leur participation au marché du travail comme décrit dans la sous-section suivante.
L’accès à l’emploi des émigrés sénégalais s’améliore avec leur niveau d’éducation
Comme attendu, pour les émigrés sénégalais comme pour l’ensemble de la population, l’employabilité des individus s’améliore avec leur niveau d’étude. Ainsi, comme l’indique le Graphique 3.9, 73 % des émigrés sénégalais avec un niveau d’éducation élevé, c’est-à-dire qui ont atteint un enseignement supérieur, ont un emploi. Ce taux diminue de 11 points de pourcentage pour ceux ayant atteint un niveau intermédiaire (deuxième cycle de l’enseignement secondaire) et de 7 points de pourcentage supplémentaires pour ceux avec un niveau faible (premier cycle de l’enseignement secondaire ou moins).
L’accès à l’emploi des émigrés sénégalais selon le niveau d’éducation, s’il s’inscrit dans la moyenne des émigrés de l’UEMOA, diffère substantiellement des niveaux moyens observés pour les immigrés et les natifs. Tout d’abord, les immigrés s’étant arrêté au collège ou avant s’insèrent mieux que les natifs à niveau d’étude égal. En 2015/16, 55.3 % des émigrés sénégalais, 54.6 % des émigrés de l’UEMOA et 54.4 % de l’ensemble des immigrés dans les pays de l’OCDE avec un niveau d’éducation faible sont des actifs occupés contre 45 % des natifs. Ce dernier résultat doit être nuancé dans la mesure où le niveau d’étude minimum généralement atteint dans les pays de l’OCDE dépasse le premier cycle du secondaire. Ainsi, la grande majorité des individus sans emploi nés dans le pays et avec un niveau d’éducation faible sont inactifs plutôt qu’à la recherche d’un emploi.
Les écarts avec le taux d’emploi des immigrés et des natifs se creusent à mesure que le niveau d’étude augmente. Ainsi, les émigrés sénégalais (et plus généralement les émigrés de l’UEMOA) ayant atteint un niveau équivalent au lycée sont moins fréquemment en emploi (‑6 points de pourcentage en 2015/16) que les immigrés et les natifs des pays de l’OCDE dont le taux d’emploi est de 68 %. Cet écart se réduit entre les émigrés sénégalais et les immigrés ayant suivi un niveau d’éducation supérieur mais se creuse davantage avec les natifs dont le taux d’emploi atteint 83 % (+9 points de pourcentage).
Ce constat se vérifie, en général, dans l’ensemble des principaux pays de destination notamment sur la période la plus récente aux États-Unis, en France et en Italie comme le met en évidence le Graphique 3.10. Dans ce premier pays, entre 2017 et 2019, il est important de noter que, hormis à niveau d’éducation faible, le taux d’emploi des émigrés sénégalais est supérieur à celui des immigrés. Effectivement, avec un niveau d’éducation faible, moins de la moitié des émigrés sénégalais (46 %) est en activité contre 63 % des immigrés. Ce taux est toutefois supérieur à celui des natifs. Avec un niveau intermédiaire, les émigrés sénégalais sont 77 % à occuper un emploi, soit 4, 5 et 8 points de pourcentage de plus que les émigrés de l’UEMOA, les immigrés et les natifs respectivement. Avec un niveau d’éducation élevé, 84.6 % des émigrés sénégalais occupent un emploi contre 80 % des immigrés. Ce taux est égal à celui des natifs ayant suivi un enseignement supérieur. Toutefois, comme nous l’analysons plus bas, ce taux élevé d’emploi des émigrés sénégalais ayant suivi un enseignement supérieur cache une inadéquation importante entre le poste occupé et leurs qualifications.
En Italie, en 2017/2020, trois émigrés sénégalais avec un niveau d’éducation faible sur cinq occupent un emploi. Ce taux n’augmente que de 7 et de 10 points de pourcentage pour les individus ayant suivi un enseignement secondaire et supérieur respectivement. Cela s’explique notamment par le fait que les femmes émigrées sénégalaises résidant en Italie sont surreprésentées parmi les émigrés avec un niveau d’éducation moyen et supérieur. Comme analysé précédemment, les femmes en Italie accèdent plus difficilement au marché du travail que les hommes et ce quel que soit leur niveau d’éducation.
En France, en 2017/2020, les émigrés sénégalais avec un faible niveau d’éducation s’en sortent généralement mieux que les immigrés à niveau d’éducation égal. Le taux d’emploi de ces derniers est inférieur de 9 points de pourcentage (47 % de la population immigrée en âge de travailler est en emploi). Cet écart se réduit de 4 points de pourcentage pour ceux avec un niveau d’éducation intermédiaire : le taux d’emploi des émigrés sénégalais atteint 64.5 % contre 59 % des immigrés. L’écart entre le taux d’emploi des émigrés sénégalais et celui moyen des immigrés reste constant quand ils ont suivi un enseignement supérieur. Cependant, il est significativement inférieur au taux d’emploi des natifs avec un niveau d’éducation supérieur. Ces derniers sont 84.5 % à être en emploi contre 76 % des émigrés sénégalais. En revanche, cette meilleure insertion sur le marché du travail se matérialise par une diminution du taux d’inactivité parmi les émigrés sénégalais plutôt que par une diminution équivalente du taux de chômage. Ce dernier passe de 15.3 % des actifs émigrés sénégalais avec un niveau d’éducation faible à 11.6 % pour un niveau élevé.
Le taux d’emploi des émigrés sénégalais les plus éduqués cache une inadéquation entre leur qualification et les emplois occupés
Si les émigrés sénégalais diplômés du supérieur ont une probabilité plus élevée d’être en emploi que les autres émigrés sénégalais, plus de deux adultes sur cinq ont un emploi ne nécessitant pas un tel niveau d’éducation, comme le montre le Graphique 3.11. Dans les pays de l’OCDE, en 2015/16, 42 % des émigrés sénégalais diplômés du supérieur occupent un emploi en inadéquation avec leurs qualifications, un taux légèrement inférieur à celui observé pour l’ensemble des émigrés des pays de l’UEMOA (44 %) mais substantiellement supérieur de plus de 7 et 13 points de pourcentage à celui prévalant respectivement pour les immigrés (35 %) et les natifs (28 %) des pays de l’OCDE.
Le déclassement des travailleurs nés au Sénégal est très hétérogène selon les pays de destination. La langue officielle dans ces pays pourrait être un catalyseur du déclassement des individus nés au Sénégal où le français fait partie des langues officielles. Par exemple, si les taux de déclassement sont élevés, ils sont significativement inférieurs à la moyenne de l’OCDE au Canada, en Belgique, partiellement francophones, et en France affectant respectivement 38 %, 33 % et 32 % des émigrés sénégalais avec un diplôme du supérieur et en emploi. Dans ces derniers pays, il s’écarte moins des taux de déclassement des immigrés les plus éduqués situés entre 30 % et 36 % dans ces trois pays. Le déclassement touche plus de la moitié des émigrés sénégalais avec un diplôme du supérieur en Italie, en Espagne et aux États-Unis.
Encadré 3.1. Déclassement : définition et mesure
Indicateur : On parle de déclassement lorsque le niveau d’éducation formel de l’individu est plus élevé que celui que requiert l’emploi qu’il occupe. Le taux de déclassement estimé ici est la part des personnes ayant un diplôme de l’enseignement supérieur et occupant un emploi peu ou moyennement qualifié. Le niveau d’étude est mesuré à partir de la Classification internationale type de l’éducation (CITE), les diplômés du supérieur étant classés dans les niveaux 5 et 6. Le niveau de qualification des emplois est mesuré à partir de la Classification internationale type des professions (CITP), une profession très qualifiée comprenant les CITP 1, 2 et 3.
Chez les immigrés, le déclassement est supposé rendre compte du degré de transférabilité du capital humain d’un pays à l’autre. En effet, les diplômes et les compétences linguistiques acquises dans le pays d’origine ne sont pas toujours immédiatement transférables dans le pays d’accueil.
Champ : Population en emploi de 15 à 64 ans ayant un haut niveau d’éducation (CITE 5‑6), non compris les forces armées (CITP 0), dont le niveau de qualification de l’emploi n’est pas référencé.
Les données disponibles sur la période 2017/2020 montrent que le fait d’avoir étudié en France ou à l’étranger est un facteur d’accès aux postes en adéquation avec le niveau d’étude atteint pour les immigrés en France. Les émigrés sénégalais ayant suivi leurs études supérieures en France (arrivés avant leur 18 ans) sont 26 % à occuper un poste en inadéquation avec leurs qualifications. Ce taux de déclassement est légèrement supérieur à celui observé pour les natifs (21 %) mais inférieur à la moyenne des immigrés ayant suivi leurs études supérieures en France (28 %). 38 % des émigrés sénégalais arrivés en France après leurs études supérieures (arrivés après 25 ans) occupent des fonctions qui demandent moins de qualifications qu’ils n’en ont. Ce sont avant tout les émigrés sénégalais spécialisés dans les services qui sont les plus exposés à ce déclassement (42 %). Ceux avec une formation générale ou technique sont respectivement 20 et 24 % à occuper un poste en inadéquation avec leurs qualifications. L’acquisition de la nationalité est aussi un vecteur pour avoir un emploi en adéquation avec les qualifications : les émigrés sénégalais naturalisés sont près d’un tiers (31 %) à occuper un emploi demandant des qualifications inférieures à celles détenues contre près 44 % pour ceux sans la nationalité.
L’acquisition de la nationalité joue aussi un rôle déterminant de l’adéquation emploi-qualifications pour les émigrés sénégalais résidant aux États-Unis dont le déclassement touche 53 % des émigrés sénégalais les plus éduqués en emploi, en 2017/2019, un taux similaire à celui de l’ensemble des émigrés de l’UEMOA (50 %). Ce taux descend à 43 % pour ceux ayant la nationalité américaine contre 65 % pour ceux ne l’ayant pas. Ce résultat se vérifie en contrôlant pour la durée de séjour. Le taux de déclassement est aussi d’autant plus élevé que le temps écoulé depuis l’arrivée sur le territoire américain est faible : deux tiers des émigrés sénégalais ayant suivi un enseignement supérieur occupent un emploi en inadéquation avec leurs qualifications quand cela fait moins de dix ans qu’ils y résident contre moins de la moitié (48 %) quand ils y résident depuis plus de dix ans.
Les émigrés sénégalais sont surreprésentés dans les professions faiblement qualifiées
Cette inadéquation entre l’emploi et les qualifications des émigrés, particulièrement des émigrés sénégalais dans les pays de l’OCDE, se matérialise par une surreprésentation des travailleurs immigrés dans les professions les moins qualifiées. Comme le montre le Graphique 3.12, un tiers des actifs occupés nés au Sénégal occupent une profession élémentaire contre un natif sur dix en emploi. Parmi eux, et de façon relativement différente par rapport aux émigrés de l’UEMOA, 29 % des émigrés sénégalais sont des vendeurs ambulants (contre 18.6 % des émigrés de l’UEMOA) et 23 % à être aides ménagers (contre respectivement 18.6 % et 40 % des émigrés de l’UEMOA). Ce sont essentiellement les hommes qui travaillent comme vendeurs ambulants ou assimilés (39 % contre 3 % des femmes émigrées sénégalaises). Les femmes sont en majorité aide ménagers (59 % des femmes avec une profession élémentaire). Au total, 10 % des émigrés sénégalais sont vendeurs ambulants correspondant à la première profession occupée par la diaspora sénégalaise dans les pays de l’OCDE contre seulement 1.8 % des natifs.
Environ 18 % des émigrés sénégalais travaillent comme personnels des services directs aux particuliers ou comme commerçants dans les pays de l’OCDE, comme 16 % des natifs. Dans ce type de postes, ils sont essentiellement dédiés aux services de protection (31 %), aux services à la personne (26 %) à la vente (22 %) et aux soins personnels (16 %). Cette distribution parmi les travailleurs émigrés sénégalais est très hétérogène selon le genre. Tout d’abord, ce sont essentiellement des femmes qui occupent ces professions de services aux particuliers puisqu’elles sont 26 % à occuper un tel poste contre 14 % des hommes. De plus, parmi ce type de professions, les femmes se dédient essentiellement aux soins aux particuliers (32 % contre 4 % des hommes) quand les hommes travaillent en majorité dans des services de protection (49 % contre 5 % des femmes). Les postes occupés sont ainsi relativement segmentés selon le genre.
Viennent ensuite les opérateurs d’usine et assembleurs de machines et les métiers qualifiés de l’industrie et de l’artisanat concernant chacun près d’un émigré sénégalais en emploi sur dix. Les hommes sont significativement mieux représentés dans ces types de professions que les femmes.
Suivent les professions intermédiaires et les professions intellectuelles demandant, toutes deux, un niveau de qualification élevé et qui occupent respectivement 9.2 et 8.7 % des émigrés sénégalais soit 9 et 6 points de pourcentage de moins que les natifs. La distribution homme‑femme est plus équilibrée pour ce type de professions où on retrouve relativement plus fréquemment les femmes nées au Sénégal que leur contrepartie masculine. 3.5 % des émigrés ivoiriens sont directeurs, cadres ou gérants. 21 % des émigrés ivoiriens occupent ainsi un poste hautement qualifié auxquels les femmes ont relativement plus accès (27 % contre 19 % des hommes).
Les professions des travailleurs émigrés sénégalais diffèrent selon le pays de destination
Cette distribution est davantage contrastée selon les pays de destination, comme présenté dans le Graphique 3.13. C’est en Espagne et en Italie que les émigrés sénégalais occupent le plus des professions qui demandent peu de qualifications correspondant aussi aux pays où les taux de déclassement sont les plus élevés. En Espagne, plus de la moitié d’entre eux ont une profession élémentaire (54 %) et plus d’un autre quart est personnel des services aux particuliers ou commerçants (29 %).
En Italie, les émigrés sénégalais sont 55 % à occuper un poste de services aux particuliers ou une profession élémentaire, un constat qui se maintient sur la période la plus récente entre 2017 et 2020. S’ils occupent des professions élémentaires dans les mêmes proportions selon le genre, les femmes émigrées sénégalaises travaillent substantiellement plus comme personnels des services aux particuliers que leur contrepartie masculine (43 % contre 9 %). Très peu accèdent à des professions hautement qualifiés (2.5 % en 2017/20) même ceux avec un niveau d’étude supérieur : moins de 10 % d’entre eux y accèdent. Ces derniers sont surreprésentés parmi les métiers de services aux particuliers (29 %). Ils sont aussi 15 % à avoir une profession élémentaire contre 0.5 % des natifs en emploi à un niveau d’étude équivalent mais surtout trois fois plus fréquemment que les natifs en emploi avec un niveau d’étude intermédiaire (5.6 %).
Au Canada, en revanche, un cinquième des émigrés sénégalais occupent un poste de services aux particuliers ou une profession élémentaire. 40 % des émigrés sénégalais occupent des postes hautement qualifiés, notamment, 21 % ont une profession intellectuelle et scientifique. Ces derniers résultats s’expliquent en partie par les besoins de main d’œuvre et donc des politiques mises en place pour la migration de travail. Effectivement, le Canada est le pays de l’OCDE qui accueille le plus grand nombre d’immigrés qualifiés disposant d’un système d’immigration le plus élaboré pour ce faire (OCDE, 2019[4]).
En France, d’après les données les plus récemment disponibles, moins de deux émigrés sénégalais sur cinq (38 %) occupe une profession élémentaire ou de services aux particuliers. Ils sont presque tout autant à occuper un poste hautement qualifié (37 %) soit 10 points de pourcentage de plus que les émigrés de l’UEMOA en emploi (27 %). Plus précisément, ils sont 16 % à avoir une profession intellectuelle ou scientifique, 14 % une profession intermédiaire et 5 % un poste de direction. Cette distribution cache une hétérogénéité forte selon le genre des émigrés sénégalais comme le montre le Graphique 3.14. Les femmes sont deux fois plus fréquemment dans les postes moins qualifiés : 38 % d’entre elles ont une profession élémentaire (et 23 % une profession de services auprès des particuliers) contre 17 % des hommes (19 % dans des professions de services aux particuliers). Ces derniers sont 40 % à occuper des postes hautement qualifiés contre 27.5 % des femmes.
Comme attendu, malgré des niveaux non négligeables de déclassement des émigrés sénégalais avec un niveau d’étude supérieur, ces derniers occupent majoritairement des postes hautement qualifiés (66 %). Plus d’un tiers des émigrés sénégalais les plus éduqués en emploi (37 %) a ainsi une profession intellectuelle ou scientifique. En revanche, plus de la moitié des émigrés faiblement instruits occupe une profession élémentaire (56 %).
L’acquisition de la nationalité française semble aussi jouer un rôle important dans l’obtention de postes hautement qualifiés pour les émigrés sénégalais. Les individus avec la nationalité française de naissance sont 54 % à occuper ce type de poste. Ce taux diminue à 37 % pour ceux naturalisés et à 24 % pour ceux qui n’ont pas la nationalité française. Près de trois émigrés sénégalais sur cinq de nationalité étrangère (58 %) ont une profession élémentaire ou dans les services aux particuliers contre deux sur cinq émigrés sénégalais naturalisés (41 %) et un tiers de ceux français de naissance (36 %).
L’emploi de la majorité des émigrés sénégalais en France se fait sous la forme de contrat à durée indéterminée (CDI) comme c’est le cas pour les natifs. Ce taux reste relativement stable (72 %) quel que soit le niveau d’étude ou le genre. Cependant, ils restent davantage vulnérables que ces derniers dans la mesure où ils sont plus régulièrement en contrat à durée déterminée (17 %, soit 8 points de pourcentage de plus que les natifs) et surtout plus souvent intérimaires (4 % contre 2 % des natifs). Les hommes sont davantage exposés à de tels statuts : ils sont 5 % à être intérimaires et 8 % indépendants (2 et 4 % pour les femmes).
Aux États-Unis, les émigrés sénégalais sont surreprésentés dans des types de professions relativement différents comme présenté dans le Graphique 3.15. Ils sont par exemple plus nombreux dans les professions de transport et de la manutention où on retrouve 14 % des émigrés sénégalais en emploi soit le double de la proportion des natifs américains en emploi. Similairement au reste des pays de l’OCDE, les émigrés sénégalais sont aussi surreprésentés dans les professions de services et de soins aux particuliers : 11 % d’entre eux occupent ce type de poste contre 3 % des natifs. Ils sont aussi deux fois plus fréquemment dans les postes de préparation alimentaire (10 % contre 5 % des natifs). En revanche, ils sont relativement faiblement représentés dans les activités hautement qualifiées comme les activités scientifiques (moins de 1 %) ou de gestion (6.5 % contre 11 % des natifs).
Les hommes sont largement plus représentés que les femmes dans les professions de transport et de manutention (21 % contre 2 % des femmes). L’essentiel des femmes occupent des postes en lien avec les soins de santé : 20 % des émigrées sénégalaises ont une profession des services et des soins aux particuliers, 12 % sont des soutiens au personnel soignant et 5 % travaillent comme personnel soignant. Elles sont aussi plus d’une sur dix à travailler comme préparatrice alimentaire (11 %). Les émigrés sénégalais avec un niveau d’éducation faible ou secondaire occupent significativement plus fréquemment les postes de préparateurs alimentaires (17 % de ceux avec un niveau d’éducation faible contre 3.5 % de ceux avec un niveau d’éducation supérieur) ou des services et de soins aux particuliers (24 % contre 5 %). Les émigrés avec un niveau d’éducation supérieur arrivent à s’insérer sur des postes plus qualifiés comme ceux de la gestion (11 %) ou de l’information et des mathématiques (12.5 %). Un émigré sénégalais avec un diplôme du supérieur et en emploi sur dix est aussi commercial aux États-Unis.
L’emploi des émigrés sénégalais largement orienté vers les services en France et aux États-Unis
En France et aux États-Unis, sur la période 2017/2020 et 2017/2019, l’activité des émigrés sénégalais est largement tournée vers les services comme le montre le Graphique 3.16. Aux États-Unis et en France, la part des émigrés en emploi dans le secteur primaire et secondaire ne dépasse pas 15 % et ils sont essentiellement concentrés dans le secteur de la construction ou dans l’industrie manufacturière et les industries extractives. Aux États-Unis, 33 % des émigrés sénégalais sont dans l’administration publique, l’enseignement, la santé ou l’action sociale.
En France, les actifs occupés se partagent entre l’administration publique, l’enseignement, la santé et l’action sociale (31.1 %), le commerce, les transports, la restauration et l’hébergement (22.6 %) et les activités spécialisées, scientifiques et techniques et activités de services administratifs (19.5 %). Les femmes sont significativement plus fréquemment dans cette première branche (46 % contre 18 % des hommes) que dans les dernières (respectivement 20 et 16 % des femmes sénégalaises en emploi). 73 % des émigrés sénégalais en France travaillent dans le privé, 24 % dans le public et 3 % auprès de particuliers contre 69.5, 28 et 2.5 % respectivement pour les natifs.
En Italie, le constat est très différent dans la mesure où seul 1 % des emplois se trouvent dans l’administration publique (‑20 points de pourcentage relativement aux natifs). Le premier secteur d’activité des émigrés sénégalais est l’industrie manufacturière et extractive. 41 % d’entre eux travaillent dans cette branche d’activité. Ils sont 20 points de pourcentage plus souvent dans ce secteur que les natifs. 10 % des émigrés sénégalais travaillent aussi dans le secteur agricole. Toutefois, 48 % des émigrés sénégalais sont dans le secteur des services notamment dans le commerce, les transports, l’hébergement et la restauration où 31 % d’entre eux occupent un emploi.
Les descendants d’émigrés sénégalais ne sont pas particulièrement pénalisés sur le marché du travail
Les descendants d’au moins un parent émigré du Sénégal en France sont encore relativement jeunes ; il est donc difficile de comparer leur intégration économique à celle des descendants de natifs. En 2017/2020, parmi l’ensemble des personnes d’âge actif ayant au moins un parent né au Sénégal, seuls 46 % sont en emploi (voir Tableau 3.1) et autant sont inactifs. Cependant, en restreignant les descendants d’émigrés sénégalais aux 25‑64 ans, 78 % d’entre eux sont en emploi soit un taux supérieur aux taux observés pour les émigrés sénégalais et surtout à celui de l’ensemble des descendants d’immigrés (71 %) et de natifs (76.2 %). L’écart entre hommes et femmes est aussi plus faible: 77 % des femmes et 79 % des hommes sont en emploi contre 75 et 68 % et 73 et 79 % des descendantes et descendants d’immigrés et de natifs respectivement.
Tableau 3.1. Taux d’emploi selon le pays de naissance des parents selon le genre et le niveau d’éducation et taux de déclassement en France, 2017/20
% de la population entre 25 et 64 ans (et avec un niveau d’étude élevé pour le taux de déclassement)
Taux d’emploi des 25‑64 ans |
Taux de déclassement |
||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|
Genre |
Niveau d’étude |
||||||
Ensemble |
Hommes |
Femmes |
Faible |
Moyen |
Élevé |
||
Au moins un parent né au Sénégal |
78.1 |
78.8 |
77.3 |
55.4 |
80.9 |
79.6 |
26.8 |
Au moins un parent né à l’étranger |
71.0 |
74.6 |
67.7 |
53.7 |
69.6 |
82.6 |
22.1 |
Parents nés dans le pays |
76.2 |
79.0 |
73.4 |
53.8 |
74.9 |
87.4 |
19.0 |
Source : Enquête emploi en continu de l’Insee (EEC) 2017/20.
Ce taux s’améliore avec leur niveau d’étude passant de 55 % avec un niveau d’éducation faible à 80 % avec un niveau d’éducation intermédiaire ou supérieur. Ces derniers occupent davantage des postes en adéquation avec leur niveau d’étude. Ils ne sont plus que 27 % à avoir un emploi en inadéquation avec leurs qualifications quand les émigrés sénégalais sont 42 %. Ce niveau de déclassement des descendants d’émigrés sénégalais est toutefois supérieur à celui des descendants d’immigrés ou des personnes sans ascendance migratoire (22 et 19 % respectivement).
Parmi les individus en emploi, ils sont similairement représentés dans les postes hautement qualifiés que les descendants de natifs comme le montre le Graphique 3.17. Effectivement, la moitié de ceux ayant au moins un parent émigré sénégalais occupent un poste de directeur, cadre et gérant, une profession intellectuelle ou une profession intermédiaire. Plus d’un descendant d’émigré sénégalais sur cinq en emploi a une profession intellectuelle. Ils sont dans les mêmes proportions à occuper une profession intermédiaire ou une profession de services aux particuliers. Ils ne sont plus que 11 % à occuper une profession élémentaire. Les femmes et les hommes occupent ces postes dans des proportions similaires. De façon générale, ils sont 20 % à travailler dans le secteur public.
Toujours est-il que leur statut dans l’emploi reste relativement vulnérable. Effectivement, ils sont 12 % en CDD, 11 % à être indépendants et 6 % à être inscrits comme intérimaires. Plus de deux tiers d’entre eux (70 %) sont en CDI.
Conclusion
L’intégration sur le marché du travail de la diaspora sénégalaise est délicate dans les pays de l’OCDE. Les taux d’activité relativement élevés des émigrés sénégalais dans ces pays cachent en réalité un taux de chômage plus élevé que celui observé pour l’ensemble des immigrés. Le niveau d’éducation, le lieu des études supérieures, la durée de séjour et l’acquisition de la nationalité sont autant de facteurs déterminants dans l’accès à l’emploi dans ces pays. Cette insertion est d’autant plus difficile pour les femmes nées au Sénégal qui doivent ainsi faire face à un double défi celui d’être une femme sur le marché du travail, d’une part, et celui d’être né à l’étranger, d’autre part. L’essentiel des travailleurs émigrés sénégalais occupent des postes faiblement qualifiés déclassant une partie non négligeable de la main d’œuvre avec un niveau d’étude élevé. Ils se concentrent essentiellement dans le secteur des services. Leurs descendants nés dans le pays de destination semblent s’insérer de façon similaire que les descendants de parents nés dans le pays, comme c’est notamment le cas en France. Leur accès à l’emploi est ainsi le même que ces derniers mais sont toujours plus vulnérables car ils sont plus souvent indépendants ou intérimaires.
Références
[2] Defensor del Pueblo (2020), Informe anual 2019. Volumen II. La La contribución de la inmigración a la economia española.
[3] OCDE (2020), Perspectives des migrations internationales 2020, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/6b4c9dfc-fr.
[4] OCDE (2019), Recruiting Immigrant Workers: Canada 2019, Recruiting Immigrant Workers, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/4abab00d-en.
[1] Ruggles, S. et al. (2021), IPUMS USA: Version 11.0, https://doi.org/10.18128/D010.V11.0.
Note
← 1. Ces résultats statistiques issus des données compilées par Eurostat ne tiennent pas en compte de l’âge des demandeurs de permis de séjour.