Ce chapitre décrit la situation des marchés et les éléments marquants qui se dégagent de la dernière série de projections quantitatives à moyen terme sur les marchés mondiaux et nationaux des produits laitiers (projections à dix ans, de 2018 à 2027). La production mondiale de lait devrait progresser de 22 % sur la période de projection, cette hausse provenant en particulier du Pakistan et de l’Inde. À eux deux, ces pays devraient représenter 32 % de la production mondiale en 2027. L’essentiel de leur production supplémentaire sera consommée dans le pays même sous forme de produits laitiers frais. Sur la période de projection, la part de l’Union européenne dans les exportations mondiales de produits laitiers devrait passer de 27 % à 29 %. La bulle spéculative sur le beurre survenue en 2017 continuant de désenfler, les prix nominaux et réels de ce produit baisseront au cours de la période de projection. À l’exception du lait écrémé en poudre, le prix des produits laitiers devrait baisser en termes réels.
Perspectives agricoles de l'OCDE et de la FAO 2018-2027
Chapitre 7. Lait et produits laitiers
Abstract
Situation du marché
Les cours mondiaux du lait ont continué à augmenter en 2017, tirés par une baisse de la production au dernier trimestre 2016 et au premier trimestre 2017, et par une demande soutenue de matières grasses solides du lait. Le prix du beurre a fait un bond spectaculaire au premier semestre 2017, avant de redescendre vers la fin de l’année ; en moyenne, il a augmenté de 65 % par rapport à 2016. En 2017, les prix du lait entier en poudre, du fromage et du lait écrémé en poudre ont augmenté respectivement de 28 %, 25 % et 3 %.
Dans l’immédiat, le prix du beurre devrait continuer à baisser en 2018 tout en restant plus élevé que ces dernières années. De même, celui du fromage devrait reculer à mesure que l’offre de matières grasses solides s’étoffera par rapport à la demande et que leur prix diminuera. Le prix du lait en poudre devrait augmenter en 2018, mais la remontée sera sans doute plus lente pour le lait écrémé, en raison de stocks relativement importants, surtout dans l’Union européenne.
En 2017, la production mondiale de lait a modestement augmenté, de 0.5 %, soit une allure bien plus modeste que les 2.1 % constatés en moyenne ces dix dernières années. Les principaux exportateurs que sont l’Union européenne, la Nouvelle-Zélande, l’Australie et l’Argentine ont connu une baisse de leur production au premier semestre 2017, suivie d’un léger rebond au second semestre. Sur la même période, la production a reculé dans certains grands pays producteurs de l’Union, comme la France et l’Allemagne, en raison de mauvaises conditions météorologiques, d’une baisse du prix du lait et d’une contraction du cheptel. Aux États-Unis, la stagnation des effectifs du cheptel laitier et du rendement par vache a bridé l’offre. Malgré des prix bas pour l’alimentation du bétail, la marge laitière s’est contractée en raison de la baisse du prix du lait au départ de l’exploitation. En Argentine, la production a opéré un redressement après avoir cédé plus de 10 % en 2016. Le rebond attendu de la production de lait en Nouvelle-Zélande n’a pas eu lieu en raison d’un printemps (août-septembre) frais et humide. Enfin, en Australie, la hausse de la production s’est heurtée à la diminution du nombre d’élevages et du cheptel due à de mauvaises conditions météorologiques et au faible prix du lait au départ de l’exploitation.
Les échanges de produits laitiers profitent d’une croissance plus forte du PIB, mais ils ont ralenti ces dernières années. En 2017, la République populaire de Chine (ci-après « la Chine »), premier importateur de produits laitiers, a augmenté ses importations de lait en poudre de 6 % par rapport à 2016, sans pour autant revenir aux sommets atteints en 2013 et 2014. En revanche, les importations de fromage ont crû de 16 %, une tendance qui se poursuit depuis dix ans (la Chine est le cinquième importateur mondial de fromage). L’Océanie exporte moins de produits laitiers qu’en 2016, à l’exception du fromage néozélandais, dont les exportations ont augmenté pour la deuxième année d’affilée. La Nouvelle-Zélande a diminué sa production de lait entier en poudre mais accru celle de fromage pour répondre à une demande mondiale en hausse. Enfin, les exportations de lait liquide ont progressé rapidement ces dernières années, puisqu’elles ont crû de 4 % en 2017 après une hausse de 16 % en 2016.
Diverses mesures commerciales ont une incidence sur les échanges de produits laitiers : la prolongation de l’interdiction des importations en Inde (jusqu’au 23 juin 2018) et en Fédération de Russie (jusqu’à la fin de 2018) ; la décision du Mexique d’interdire les importations de produits laitiers en provenance de Colombie, en raison d’une épidémie de fièvre aphteuse ; des mesures non douanières (prises par l’Indonésie vis-à-vis des produits laitiers en provenance des États-Unis) ; l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada (AECG), entré en vigueur le 21 septembre 2017. En outre, les stratégies de stockage et de déstockage pourraient avoir des effets à court terme sur les marchés. Sur la période 2015-17, l’Union européenne a constitué un stock d’intervention de lait écrémé en poudre de 378 000 tonnes (ce qui représente environ 6.5 % de la production mondiale et environ 20 % des échanges mondiaux). Les stocks de lait écrémé en poudre ont également augmenté aux États-Unis et en Inde.
Principaux éléments des projections
Bien que la production mondiale de lait ait peu augmenté ces dernières années, elle devrait progresser de 22 % d’ici 2027 par rapport à la période de référence (2015-17). Les pays en développement représenteraient l’essentiel de cette hausse (80 %), en particulier le Pakistan et l’Inde, qui fourniraient ensemble 32 % de la production totale en 2027, contre 26 % durant la période de référence. Dans les pays en développement, la production devrait croître au rythme de 3.0 % par an, mais la hausse sera principalement absorbée localement, sous forme de produits laitiers frais1. Les pays développés devraient voir leur part dans la production tomber de 48 % en 2017 à 43 % en 2027. Depuis la parution de l’édition précédente des Perspectives, le recul des prix des produits laitiers a mis un frein à l’offre, en particulier dans les pays développés. Au niveau mondial, la production de beurre, de lait en poudre (entier et écrémé) et de fromage devrait progresser respectivement de 2.2 %, 1.6 %, 1.3 % et 1.3 % par an.
Depuis plusieurs années, la demande de produits laitiers des pays développés se réoriente vers le beurre et les matières grasses du lait, au détriment des produits de substitution à base d’huile végétale. Cette tendance s’explique par les évaluations plus favorables des effets des matières grasses laitières sur la santé et par l’évolution des goûts. Par ailleurs, avec l’accroissement des revenus et de la population ainsi que l’uniformisation des habitudes alimentaires dans le monde, les pays en développement devraient consommer davantage de produits laitiers. La consommation par habitant (en extrait sec) passerait ainsi de 22.2 kg en 2015-17 à 23.1 kg en 2027 dans les pays développés, et de 10.6 kg à 13.5 kg dans les pays en développement. On constate toutefois d’importantes disparités régionales entre les pays en développement, qui consomment surtout des produits laitiers frais, alors que dans les pays développés, les consommateurs préfèrent les produits transformés (graphique 7.1)
Alors que le prix du beurre restera probablement orienté à la baisse après la bulle du premier trimestre 2017, le fromage devrait s’apprécier d’environ 2.1 % par an sur la période examinée. On prévoit par ailleurs une forte augmentation du prix du lait en poudre (de 3.4 % par an pour le lait écrémé comme pour le lait entier). Toutefois, dans le cas du lait écrémé, le point de départ est relativement bas et la remontée devrait être lente à brève échéance, compte tenu des stocks importants qui pèsent sur le marché. Malgré la hausse relativement forte des prix du lait en poudre en valeur nominale, il ne faut pas attendre un retour aux sommets atteints en 2013-14. Par conséquent, les prix resteront stables en valeur réelle.
La dépréciation des monnaies argentine (104 %), brésilienne (14 %) et mexicaine (13 %) vis-à-vis du dollar des États-Unis entre 2015-17 et 2027 favorisera les exportations de ces pays, dont les produits deviendront plus compétitifs que ceux des États-Unis, mais aussi de l’Union européenne ou de l’Océanie. Sur le front des importations, les devises des principaux pays importateurs, à savoir la Chine, les Philippines et l’Indonésie, devraient rester stables ou s’apprécier légèrement, ce qui ne devrait pas avoir de retombées négatives sur la demande d’importations de produits laitiers des pays concernés. L’Égypte, dont la monnaie se dépréciera sans doute de façon importante, constitue une exception. Au Japon, le vieillissement de la population freine la demande d’importations, tandis qu’au Canada, ce sont les mesures de soutien à la filière laitière. Entre la période de référence et 2027, la part de l’Union européenne dans les exportations mondiales de produits laitiers passera de 24 % à 28 % du total. L’Inde, qui est le premier producteur mondial de lait, dispose d’un marché intérieur de grande taille et en expansion, mais ce pays ne devrait pas devenir un acteur important sur le marché international du lait et des produits laitiers.
Prix
Les prix mondiaux des produits laitiers, en particulier des matières grasses du lait, ont grimpé en flèche au second semestre 2016 après avoir accusé une forte baisse par rapport aux niveaux record atteints en 2013-14, sous l’effet d’une contraction de la demande et d’une offre excédentaire. Du côté de la demande, la Chine, premier pays importateur de lait entier et écrémé en poudre, a accru ses importations en 2017, tandis que la Fédération de Russie prolongeait son embargo sur les importations d’un certain nombre de produits provenant de plusieurs grands exportateurs comme l’Union européenne ou les États-Unis. En 2017, des conditions météorologiques défavorables ont mis un frein à la croissance de la production dans certains grands pays exportateurs, créant ainsi des tensions sur les prix. En 2016 comme en 2017, l’offre a crû moins vite que la demande.
Une demande vigoureuse, quoique ralentie, de lait et de produits laitiers soutiendra les prix internationaux, qui progresseront de 19 % (sur la base de l’extrait sec) entre la période de référence et 2027. Ces dix prochaines années, le prix du beurre va baisser en termes réels par rapport à son point haut de 2017. À brève échéance, alors que la bulle de 2017 se dissipera, le prix du beurre reculera par rapport à ceux d’autres produits laitiers, mais il devrait rester élevé en raison de l’évolution structurelle de la demande de matières grasses laitières. Le prix du lait écrémé en poudre, peu élevé durant la période de référence, ne devrait remonter que très lentement dans les années à venir, les stocks étant importants dans l’Union européenne (et, dans une moindre mesure, aux États-Unis) (graphique 7.2). Sur la période de projection, le lait écrémé en poudre est le seul produit qui voit son prix augmenter en termes réels. En valeur nominale, les prix augmentent pour tous les produits à l’exception du beurre, mais ils ne devraient pas renouer avec les sommets atteints précédemment (le fromage n’en sera pas loin). Par rapport à la précédente édition des Perspectives, les prix des produits laitiers sont bas, ce qui ralentit la hausse de la production dans les principaux pays exportateurs.
Production
La production mondiale de lait devrait s’accroître de 1.8 % par an en moyenne ces dix prochaines années, contre 2.1 % par an les dix années précédentes, soit une hausse globale de 22 % en 2027 par rapport à la période de référence. Les pays développés et en développement produiront respectivement 9 % et 33 % de lait en plus en 2027. Les prix des produits laitiers étant plus bas dans les présentes Perspectives que l’an passé, cela pèse sur la croissance de la production, en particulier dans les pays développés, dont la part dans la production chutera de 48 % à 43 % en 2027. Bien que l’on s’attende à une contraction du cheptel de vaches laitières de 0.2 % par an dans les pays développés, le rendement par vache progressera de 1.0 % par an à moyen terme. Dans les pays en développement, la hausse de la production s’explique par un accroissement annuel de 1.1 % du cheptel et de 1.6 % des rendements. Malgré les améliorations prévues, les gains de productivité seront modestes en valeur absolue, étant donné le modeste niveau de départ dans bien des cas. Dans la plupart des pays, la production de lait sera davantage tirée par l’amélioration des rendements que par l’accroissement des troupeaux (graphique 7.3)
Durant la période de référence, les cinq premiers producteurs de lait sont l’Union européenne(avec 20 % de la production mondiale), l’Inde (20 %), les États-Unis (12 %), le Pakistan (6 %) et la Chine (5 %). La hausse de la production mondiale se concentrera à hauteur d’environ 70 % en Asie, principalement en Inde et au Pakistan. L’Inde est ainsi en passe de connaître la plus forte croissance de sa production et pourrait même devenir le premier producteur mondial de lait, devant l’Union européenne, avec 25 % de la production en 2027, suivie du Pakistan, avec une progression moyenne de 2.5 % par an et 7 % de la production mondiale en 2027. Dans ces deux pays, la grande majorité de la production est consommée sur place, sous forme de produits frais. Les parts de l’Union européenne et des États-Unis dans la production mondiale de lait devraient diminuer, passant respectivement de 20 % à 18 % et de 12 % à 11 %. Ces deux pays resteront toutefois des acteurs incontournables à l’exportation pour les produits laitiers transformés.
Dans l’Union européenne, la production de lait devrait croître au rythme de 0.7 % par an ces dix prochaines années, contre 1.2 % par an les dix précédentes. La baisse des prix versés aux producteurs n’empêchera pas la production d’augmenter en 2018, principalement du fait du redressement observé dans les pays membres touchés par les mauvaises conditions météorologiques en 2017. À moyen terme, la croissance de la production dans l’Union européenne tient non seulement à l’augmentation de la demande intérieure (fromage, beurre, crème et autres produits), mais aussi à celle de la demande mondiale de produits laitiers. Elle s’appuie sur un accroissement des rendements qui progresseront au rythme de 1.2 % par an ces dix prochaines années, alors que le cheptel recommencera à diminuer (-0.5 % par an) après avoir augmenté suite à la suppression des quotas laitiers. La part de l’Union européenne dans la production mondiale de produits laitiers recule de 44 % à 43 % pour le fromage, de 21 % à 19 % pour le beurre, de 34 % à 33 % pour le lait écrémé en poudre, et de 14 % à 13 % pour le lait entier en poudre. La production de lait écrémé en poudre, de fromage et de beurre progressera moins vite que durant la décennie 2008-17, tandis que celle de lait entier en poudre passera d’une croissance annuelle nulle sur la période 2008-17 à une croissance de 1.7 % par an au cours des dix prochaines années.
La production laitière des États-Unis devrait augmenter de 0.7 % par an au cours de la décennie à venir, grâce à la hausse des rendements (0.8 % par an). La croissance de la production est moins rapide qu’au cours des dix années précédentes : 1.5 % par an pour le lait écrémé en poudre, 1.6 % par an pour le lait entier en poudre, 1.8 % par an pour le fromage et 1.7 % par an pour le beurre.
Si la Chine accroît sa production de 1.5 % par an, sa part dans la production mondiale reste inchangée (5 %) à l’horizon 2027. La production chinoise se compose pour l’essentiel de produits frais. Le pays reste un grand importateur de produits laitiers et devrait voir ses importations encore augmenter ces dix prochaines années, bien qu’à un rythme plus modéré.
Dans les pays d’Amérique latine et des Caraïbes, la production de lait augmentera de 18 % par rapport à la période de référence. Toutefois, la part de cette région dans la production mondiale se maintiendra à 9 %. L’Argentine – un des principaux pays producteurs – a connu une de ses crises les plus graves des 20 dernières années (mauvaises conditions météorologiques dues au phénomène El Niño en 2016 et crise économique en 2017), ce qui s’est traduit par une baisse de 10 % de la production de lait en 2016, suivie d’une modeste reprise en 2017 (+2 %) et en 2018 (+2 %). À moyen terme, la production devrait augmenter de 1.3 % par an, à mesure que la situation s’améliorera. Après la sécheresse de 2015-16, la production brésilienne est repartie en 2017 ; elle devrait progresser de 2.2 % par an sur la période examinée.
L’Océanie ne réalise que 3.8 % de la production mondiale durant la période de référence et sa part devrait reculer pour s’établir à 3.6 % en 2027. Néanmoins, cette région est le premier exportateur mondial de produits laitiers. En Nouvelle-Zélande, la production devrait se tasser, la croissance revenant de 3.3 % par an durant les dix années passées à 1.5 % par an sur la période de projection. Le manque de terres disponibles et les restrictions croissantes en matière d’environnement sont les deux principaux obstacles à la croissance. Ces dix dernières années, la production d’extrait sec par hectare a connu une progression régulière, de 2 % par an, mais ce rythme devrait retomber à 1.8 % par an au cours de la prochaine décennie. La Nouvelle-Zélande est l’un des principaux producteurs et exportateurs de lait entier en poudre, dont elle devrait assurer 24 % de la production mondiale et 55 % des exportations mondiales en 2027. Ces dix prochaines années, la croissance viendra pour l’essentiel d’une nouvelle expansion du cheptel laitier (0.2 % par an) et d’une hausse des rendements (1.3 % par an).
La part des pays en développement dans la production mondiale varie selon les produits : elle se chiffre à 19 % pour le fromage, 25 % pour le lait écrémé et le lait entier en poudre) et 38 % pour le beurre. À l’horizon 2027, cette part aura augmenté, ce qui signifie que la production tend à suivre la demande, encore que pour le lait écrémé comme pour le lait entier en poudre, des écarts importants subsisteront entre production et consommation.
Dans les pays développés, l’essentiel de la production de lait est transformé en beurre, fromage, lait écrémé et lait entier en poudre. Calculée en termes d’extrait sec, la production des pays développés augmentera de 9 %, dont 37 % pour le fromage, environ 23 % pour le lait écrémé en poudre, 20 % pour le beurre, 10.5 % pour le lait entier en poudre et 8.5 % pour les produits frais. Dans les pays en développement, la hausse atteindra 33 % en 2027, dont 85 % pour les produits frais, 7 % pour le beurre, 4 % pour le lait entier en poudre, 3 % pour le fromage et 0.6 % pour le lait écrémé en poudre.
Consommation
La consommation de produits laitiers frais et transformés devrait croître de 2.1 % et 1.7 % par an respectivement ces dix prochaines années. Le lait est majoritairement consommé sous forme de produits frais, lesquels représentent environ 50 % de la production mondiale totale. Ce pourcentage atteindra 52 % au cours des dix prochaines années, conséquence de la hausse de la consommation laitière dans les pays en développement. La dynamique de la consommation diffère considérablement entre pays développés et pays en développement, les premiers consommant en effet principalement des produits transformés. Dans les pays développés, la progression annuelle de la consommation par habitant sera de 0.7 % pour le fromage, de 0.7% pour le beurre et de 1.1 % pour le lait entier en poudre. La consommation par habitant de produits laitiers frais restera stable, tandis que celle de lait écrémé en poudre diminuera de 0.3 % par an (graphique 7.4).
Les pays en développement, asiatiques pour la plupart, consomment 68 % des produits laitiers frais. Cette proportion passera à 73 % sur la prochaine décennie. Dans les pays en développement, la consommation par habitant devrait augmenter chaque année en moyenne de 0.5 % pour le lait entier en poudre, de 1.1 % pour le lait écrémé en poudre, de 0.8 % pour le fromage, de 1.7 % pour le beurre et de 1.9 % pour les produits laitiers frais. À l’exception du beurre, cette croissance est nettement plus lente que celle enregistrée au cours de la dernière décennie, en partie à cause de niveaux de consommation plus élevés au départ.
Si les produits laitiers frais représentent encore plus de 75 % de la consommation par habitant (extrait sec) en 2027, la consommation de produits transformés varie selon les régions. Ainsi, le beurre et le fromage représentent respectivement 11 % et 18 % des produits laitiers consommés en Afrique du Nord, et 12 % et 13 % au Moyen-Orient. Le lait écrémé en poudre et le lait entier en poudre comptent pour respectivement 35 % et 13 % de la consommation de produits laitiers par habitant (extrait sec) en Asie du Sud-Est, tandis que le fromage et le lait entier en poudre en représentent respectivement 16 % et 18 % en Amérique du Sud. Si certains pays sont autosuffisants, comme l’Inde, dans d’autres régions du monde, comme l’Afrique, certains pays asiatiques et le Moyen-Orient, la consommation progresse plus vite que la production, ce qui favorise les importations.
Dans les pays développés, on prévoit aussi une hausse de la consommation de produits laitiers transformés – fromage et lait entier en poudre –, mais à un rythme moins soutenu que ces dix dernières années. Le niveau relativement élevé du prix du beurre, par rapport à celui des huiles végétales, pèse sans doute sur la demande de beurre et de matières grasses laitières. Quoi qu’il en soit, les habitants des pays développés consommeront 0.3 kg de beurre de plus en 2027 parce qu’ils privilégieront progressivement ce produit au détriment d’autres matières grasses. Les études récentes qui dressent un bilan plus positif des effets des matières grasses du lait sur la santé et les préférences des consommateurs pour des aliments plus goûteux et moins transformés encouragent l’utilisation du beurre dans la boulangerie et la cuisine. La consommation de produits laitiers frais par habitant diminue légèrement durant la période examinée. L’industrie absorbe l’essentiel de la hausse de la consommation de lait écrémé en poudre, notamment dans la confiserie, les laits infantiles et les produits de boulangerie.
Échanges
Environ 81 % des exportations mondiales de produits laitiers viennent de pays développés ; cette proportion devrait passer à 82 % en 2027. Ces dix prochaines années, les pays développés devraient accroître leurs exportations de 22 %, ce qui correspond à un rythme annuel de 1.8 %. C’est moins que lors de la décennie précédente, étant donné le ralentissement prévu de la consommation dans les pays en développement (+2.9 % au lieu de 3.4 % par an). Le rythme de croissance annuel des exportations varie toutefois selon le produit considéré : il est de 1.8 % pour le beurre, de 2.4 % pour le fromage, de 1.7 % pour le lait écrémé en poudre et de 1.3 % pour le lait entier en poudre. Les quatre principaux pays exportateurs de produits laitiers sur la période de référence sont les suivants : Nouvelle-Zélande (32 %), Union européenne (24 %), États-Unis (12 %) et Australie (6 %). À l’exception de l’Océanie (Nouvelle-Zélande, Australie), qui voit sa part des exportations tomber de 38 % durant la période de référence à 33 % environ en 2027, cette part augmente légèrement pour les États-Unis, l’Union européenne et l’Argentine. En 2027, les quatre pays développés réaliseront ensemble 69 % des exportations mondiales de fromage, 80 % de celles de lait entier en poudre, 79 % de celles de beurre et 81 % de celles de lait écrémé en poudre (graphique 7.5). L’Argentine est aussi l’un des principaux exportateurs de lait entier en poudre, avec 8 % des exportations mondiales en 2027. En ce qui concerne les produits laitiers frais, la demande est nettement supérieure à celle de produits transformés, mais les échanges sont limités du fait que les produits frais sont généralement plus coûteux à transporter et à stocker.
La Nouvelle-Zélande restera le premier fournisseur international de beurre et de lait entier en poudre, avec respectivement 53 % et 55 % environ du marché en 2027. Elle maintient sa part de marché sur le lait entier en poudre, tandis que ses exportations de beurre augmentent pour atteindre 56 % du total mondial en 2027. Étant donné que la Chine, qui est un grand importateur de lait entier en poudre, a réduit ses achats de façon spectaculaire, la Nouvelle-Zélande devrait voir sa production croître plus lentement, au rythme de 1.3 % par an ces dix prochaines années, contre 9.3 % les dix précédentes. Elle devrait également diversifier et étoffer légèrement sa production de fromage sur la période considérée.
L’Union européenne conserve sa place de premier exportateur de fromage, avec 37 % des exportations mondiales en 2027, devant les États-Unis et la Nouvelle-Zélande, qui en représentent respectivement 14 % et 13 % environ. Ces dix prochaines années, les exportations en provenance de ces deux pays et de cette région progresseront en moyenne de 2 % par an. L’Union européenne produira 43 % du fromage consommé dans le monde en 2027, cette performance étant soutenue par une hausse de ses exportations vers le Canada dans le cadre de l’accord AECG et la levée probable de l’embargo imposé par la Fédération de Russie en 2018. La Chine et l’Égypte devraient plus que doubler leurs importations de fromage d’ici à 2027. Cela dit, 10 % seulement de la production fromagère mondiale font l’objet d’échanges internationaux, dont 60 % devraient être importés par des pays développés en 2027. L’Union européenne exporte aussi beaucoup de produits laitiers frais, mais ses ventes, après une progression spectaculaire (+18.9 % par an sur la période 2008-17), se stabiliseront sur la période étudiée, avec des échanges nets s’établissant en moyenne à 1.3 million de tonnes.
La part de la production mondiale de lait entier en poudre qui est exportée devrait reculer, passant de 46 % à 42 % en 2027, tandis que la part des autres produits laitiers restera inchangée. En ce qui concerne le lait entier en poudre, la part de la Nouvelle-Zélande dans les échanges mondiaux devrait se stabiliser autour de 55 % en 2027. L’Union européenne est un gros exportateur de lait écrémé en poudre : sa part des exportations mondiales sera de 16 % en 2027, soit une hausse de 1 point de pourcentage. Les pays développés exporteront respectivement 90 % et 76 % du lait écrémé en poudre et du lait entier en poudre produit dans le monde, tandis que les pays en développement importeront environ 45 % de cette production en 2027.
Contrairement aux exportations, les importations de produits laitiers (au poids) concerneront des pays beaucoup plus nombreux, généralement situés dans le monde en développement. Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (MENA) devraient absorber 24 % des importations mondiales en 2027, l’Asie du Sud-Est 12 % et la Chine 13 %, contre 20 % pour les pays développés. Ces derniers importent des quantités considérables de fromage et de beurre, à savoir environ 42 % et 11 % respectivement des importations mondiales sur la période 2015-17. Ces chiffres ne devraient pas avoir changé en 2027. La Fédération de Russie, le Japon, la Chine, les États-Unis et le Mexique devraient être les cinq premiers importateurs de fromage en 2027. Les importations de fromage progresseront plus rapidement dans les pays en développement (2.4 % par an) que dans les pays développés (1.0 % par an). Les principaux pays importateurs de beurre sont la Fédération de Russie, l’Égypte, la Chine et l’Arabie saoudite, ce qui témoigne de l’accroissement de leur consommation intérieure (graphique 7.6).
Les pays en développement ont importé 96 % des livraisons mondiales de lait entier en poudre en 2015-17, une part qui devrait rester constante à moyen terme. L’Asie devrait accroître ses importations, celles-ci passant de 57 % à 59 % du total à l’horizon 2027. La Chine, principal importateur, absorbera 21 % des échanges mondiaux d’ici à 2027. Les importations chinoises de fromage et de beurre devraient progresser respectivement de 4.8 % et de 2.4 % par an. En 2027, elles représenteront 12 % des importations totales de beurre et 6 % de celles de fromage. La Chine se procure l’essentiel de ses produits laitiers auprès des pays d’Océanie. Ces dernières années, toutefois, elle a accru ses achats de beurre et de lait écrémé en poudre auprès de l’Union européenne.
Les pays en développement absorbent 88 % des importations mondiales de lait écrémé en poudre. Cette filière a été moins durement frappée par la baisse des importations chinoises car les importateurs y sont nombreux. La Chine, dont les importations progressent au rythme de 4.9 % par an, reste le premier importateur mondial de lait écrémé en poudre sur la période étudiée. Elle verra sa part des importations mondiales augmenter pour passer de 9 % durant la période de référence à 13 % en 2027. La Chine est également un grand importateur de produits laitiers frais : ses importations nettes sur la période de référence s’élèvent à 580 000 tonnes environ et elles devraient augmenter de 44 % sur la période de projection. Dans d’autres grands pays importateurs – Égypte, Mexique, Algérie, Indonésie, Malaisie, Philippines et Viet Nam –, les importations devraient progresser moins vite qu’au cours de la décennie précédente en raison d’un point de départ plus élevé, mais aussi d’une hausse limitée de la demande compte tenu de la préférence des consommateurs pour les produits laitiers frais.
Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord resteront des destinations essentielles, avec 35 % des importations mondiales de beurre et 19 % de celles de fromage en 2027. L’Union européenne, qui est depuis toujours un partenaire commercial important de cette région dans le secteur des produits laitiers, a récemment accru ses exportations, surtout de beurre et de fromage. L’Égypte conserve sa place de grand importateur de beurre, tout comme l’Arabie saoudite, qui importe aussi beaucoup de fromage (pour plus de détails, voir le chapitre 2 des Perspectives).
Principales questions et incertitudes
Le prix relativement élevé des matières grasses laitières pourrait favoriser leur remplacement par des matières grasses végétales (des poudres de lait réengraissées en matière végétale, par exemple) pour certaines utilisations et destinations, et la tendance pourrait ne pas s’inverser totalement lorsque le prix du beurre redescendra. À cette incertitude s’ajoute celle sur la valorisation relative de la matière grasse et de l’extrait sec du lait à longue échéance.
Le rôle de la Chine en tant que grand importateur de produits laitiers est une autre source majeure d’incertitude. De faibles variations de la production et de la consommation dans ce pays peuvent se répercuter de façon importante sur le marché mondial, comme cela a été le cas en 2011-15, lorsque les importations chinoises de lait entier en poudre ont connu une hausse importante, suivie d’une baisse rapide.
Dans la présente édition des Perspectives, la forte hausse de la production de lait et la demande croissante en Inde sont deux éléments majeurs des prévisions, mais cette évolution pourrait ne pas durer à moyen terme. L’Inde n’est pas présente actuellement sur les marchés internationaux, mais si elle devait y faire son entrée, cela aurait des conséquences importantes compte tenu de la taille de son marché.
Dans l’Union européenne, la suppression des quotas laitiers, en avril 2015, a relancé la spécialisation et la relocalisation de la production de lait.
Dans plusieurs pays – Pays-Bas, Allemagne, Danemark, France et Italie –, les préoccupations liées à l’environnement pourraient faire obstacle à de nouvelles hausses de la production de lait.
La demande de produits laitiers et les possibilités d’exportation pourraient aussi subir les effets des divers accords de libre-échange (ALE) et accords commerciaux régionaux (ACR) en cours de négociation. L’embargo imposé par la Fédération de Russie sur plusieurs produits laitiers en provenance de grands pays exportateurs devrait être levé en 2018, ce qui entraînera sans doute une légère remontée des importations, mais il est peu probable que celles-ci reviennent à leur niveau d’avant l’embargo.
La production mondiale pourrait aussi pâtir d’événements météorologiques imprévus. En effet, le changement climatique accroît le risque de sécheresse, d’inondation et de maladies qui peuvent nuire au secteur de l’élevage de différentes façons (volatilité des prix, rendement des vaches laitières et ajustement des cheptels).
Enfin, la législation sur la protection de l’environnement conditionne dans une large mesure l’évolution de la production laitière. Dans certains pays, les activités du secteur laitier produisent une part non négligeable des émissions de gaz à effet de serre. Toute réforme à cet égard pourrait avoir des répercussions sur la production de lait. L’accès à l’eau et la gestion des effluents d’élevage sont aussi des domaines dans lesquels des changements d’orientation pourraient avoir une incidence.
L’évolution des politiques nationales constitue un autre motif d’incertitude. Au Canada, les projections relatives aux exportations de lait écrémé en poudre au-delà de 2021 sont incertaines compte tenu des changements engagés dans la filière du lait en réaction à la Décision de Nairobi adoptée à l’Organisation Mondiale du Commerce. Dans l’Union européenne, la mise sur le marché d’importants stocks d’intervention de lait écrémé en poudre pourrait limiter la hausse des prix de ce produit.
Note
← 1. Les produits laitiers frais comprennent tous les produits laitiers ainsi que le lait qui ne sont pas inclus dans les produits transformés (beurre, lait écrémé en poudre, lait entier en poudre et, dans certains cas, caséine et lactosérum). Les quantités sont en équivalent lait de vache.