Ce chapitre décrit la situation des marchés et les éléments marquants qui se dégagent de la dernière série de projections quantitatives à moyen terme sur les marchés mondiaux et nationaux des biocarburants (projections à dix ans, de 2018 à 2027). Compte tenu de l’évolution actuelle des politiques et des tendances observables sur le front de la demande de gazole et d’essence dans le monde, la production mondiale d’éthanol devrait se hisser de 120 milliards de litres en 2017 à 131 milliards de litres à l’horizon 2027, tandis que la production mondiale de biodiesel, qui était de 36 milliards de litres en 2017, devrait parvenir à 39 milliards de litres d’ici à 2027. Les biocarburants avancés à base de déchets ne devraient pas connaître d’essor au cours de la période de projection, faute d’investissements suffisants dans la recherche-développement. Les échanges de biocarburants devraient rester limités. Les prix mondiaux du biodiesel et de l’éthanol devraient se replier respectivement de 14 % et 8 % en valeur réelle sur les dix années à venir. L’évolution de ces deux marchés restera toutefois suspendue à l’action des pouvoirs publics et à la demande de carburant pour les transports, si bien qu’une incertitude considérable entoure ces projections.
Perspectives agricoles de l'OCDE et de la FAO 2018-2027
Chapitre 9. Biocarburants
Abstract
Situation du marché
Les prix du pétrole brut ont augmenté de 25 % en valeur nominale en 2017 mais sont restés bas, à 54.7 USD par baril en moyenne au cours de l’année. L’évolution des prix des biocarburants et des matières premières qui les composent a été contrastée. Les prix du maïs et de l’éthanol ont baissé de 5 % et 2.3 % respectivement, tandis que les prix de l’huile végétale et du biodiesel ont enregistré une hausse respective de 1.8 % et 8 %. Le rapport entre le prix des biocarburants et celui des produits qui les constituent a légèrement progressé mais est resté inférieur aux valeurs moyennes observées au cours de la décennie précédente.
En 2017, les pouvoirs publics ont pris des décisions globalement favorables pour les biocarburants, telles que l’augmentation des quantités prescrites ou l’adoption de systèmes d’imposition ou de subvention différentiels dans plusieurs pays. La demande de biocarburants a été alimentée par les obligations d’incorporation et par une forte demande de carburants pour les transports résultant de la faiblesse persistante des prix de l’énergie. Le rapport entre les prix des biocarburants et ceux des carburants conventionnels, défavorable aux premiers, a entraîné une demande limitée des biocarburants hors du cadre des obligations d’incorporation.
Principaux éléments des projections
Les prix mondiaux du pétrole brut devraient croître de 40 % en valeur nominale durant la période de référence. La conséquence devrait être une baisse de la demande d’essence et de gazole, en particulier dans les pays développés. Le prix des biocarburants – de même que celui des matières premières qui les composent – devrait légèrement monter, quoique plus lentement que les prix de l’énergie. Sous l’effet de l’évolution des marchés des huiles végétales, les prix nominaux du biodiesel devraient augmenter plus lentement que ceux de l’éthanol. Les prix mondiaux du biodiesel et de l’éthanol devraient reculer respectivement de 18 et 4 % en termes réels au cours de la prochaine décennie. L’évolution des marchés de l’éthanol et du biodiesel au cours de la période de projection devrait continuer d’être influencée par les politiques publiques. Les mesures visant les biocarburants sont placées sous le signe de l’incertitude. Les projections présentées dans la présente édition des Perspectives tablent sur la poursuite des politiques actuelles au cours des dix prochaines années, même si certains objectifs généraux ne seront pas atteints, faute des instruments nécessaires pour y parvenir.
Aux États-Unis, toutes les quantités prescrites devraient se maintenir au niveau annoncé pour 2018, hormis celles des biocarburants cellulosiques, qui devraient plus que doubler au cours de la période de projection, mais atteindre seulement 4.5 % du niveau indiqué dans la loi de 2007 sur l’indépendance et la sécurité énergétiques (Energy Independence and Security Act – EISA) d’ici à 2027. Concernant l’éthanol, le taux maximal d’incorporation1 devrait se hisser à 11.3 % d'ici à 2027. Les Perspectives envisagent donc une progression limitée des mélanges d’éthanol. En outre, la consommation de biodiesel devrait rester inférieure aux quantités prescrites pendant les premières années de la période de projection et réaliser une partie des obligations relatives aux biocarburants avancés2 (graphique 9.1)
Au sein de l’Union européenne (UE), la consommation de biocarburants devrait être régie par la directive sur les énergies renouvelables (DER) de 2009, la directive relative à la qualité de l’essence et la directive de 2015 relative au changement d’affectation des sols indirect (CASI), ainsi que les législations nationales. La part des biocarburants dans la consommation totale de carburants destinés aux transports devrait atteindre 5.9 % d’ici à 2020 – en tenant compte de la double comptabilisation des biocarburants issus de déchets et de résidus – puis reculer à 5.8 % à l’horizon 2027. Pour atteindre l’objectif de 10 % fixé par la DER, l’UE table sur le développement de moyens de transport fonctionnant avec d’autres sources d’énergie renouvelables. Les présentes Perspectives ne tiennent pas compte de la proposition du Parlement européen, adoptée le 17 janvier 2018, de porter à 12 % la part des énergies renouvelables dans le secteur des transports d’ici à 2030. Cette proposition s’accompagne de restrictions relatives à la consommation de biocarburants produits à partir de cultures destinées à l’alimentation humaine ou animale, présentées plus bas.
Au Brésil, on suppose que le régime fiscal restera plus favorable à l’éthanol hydraté qu’au bioéthanol3 (qui correspond à un mélange d’essence et de 27 % d’éthanol). La demande brésilienne d’éthanol devrait progresser de 5.4 milliards de litres au cours de la période étudiée, et l’obligation d’incorporation de biodiesel devrait atteindre 10 % à l’horizon 2020, ce qui conduira à une hausse de la production de biodiesel de plus de 40 % durant la prochaine décennie. Le programme RenovaBio, adopté en janvier 2018, devrait entrer en vigueur courant 2019. Ce programme vise à porter à 55 % la part de l’éthanol dans les carburants d’ici à 2030, alors que les Perspectives tablent sur 50 %. On estime qu’en Argentine, les obligations d’incorporation du biodiesel et de l’éthanol, fixées à 10 % et 12 % respectivement, seront atteintes à l’horizon 2020. Selon toute vraisemblance, le biodiesel argentin sera principalement échangé sur le marché intérieur, mais une partie de la production sera exportée au début de la période de projection, vers l’UE principalement, car des barrières commerciales limiteront la demande d’importations aux États-Unis.
En septembre 2017, le gouvernement chinois a annoncé de nouvelles prescriptions d’ampleur nationale concernant l’éthanol, qui généralisent l’obligation de recourir à l’E10, expérimentée dans 11 provinces, d’ici à 2020. Les mécanismes de mise en œuvre de cette mesure n’ayant pas encore été présentés, la présente édition des Perspectives ne tient pas compte de cette annonce. L’encadré 1.1 décrit les conséquences possibles d’un tel dispositif. La Thaïlande devrait quant à elle augmenter sa production d’éthanol de 1.2 milliard de litres d’ici à 2027, ce qui lui permettra de devenir un acteur majeur sur les marchés des biocarburants. Le projet du gouvernement thaïlandais d’accroître la consommation de biocarburants se traduit par la mise en place d’un régime fiscal variable et de subventions favorisant l’incorporation d’éthanol dans l’essence dans des proportions plus élevées.
En Inde, les pouvoirs publics devraient continuer à soutenir la production d’éthanol à partir de mélasse. On estime cependant que le taux d’incorporation d’éthanol dans l’essence demeurera inférieur à la prescription de 5 %, et que ce chiffre baissera durant la période de projection. L’Indonésie a opté pour un taux d’incorporation de 20 % visant le biodiesel. Toutefois, les présentes Perspectives estiment que cette obligation ne sera pas respectée, le développement du biodiesel étant subordonné à l’octroi possible de subventions aux producteurs qui dépendent des exportations d’huiles végétales.
Compte tenu de ces hypothèses et des prévisions de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) concernant la demande future de gazole et d’essence dans le monde, la production mondiale d’éthanol devrait passer de 120 milliards de litres en 2017 à 131 milliards de litres à l’horizon 2027, tandis que la production mondiale de biodiesel, qui était de 36 milliards de litres en 2017, devrait parvenir à 39 milliards de litres d’ici à 2027. En 2027, 55 % de la production mondiale d’éthanol devrait reposer sur le maïs et 26 % sur la canne à sucre. A la même date, quelque 20 % de la production mondiale de biodiesel devrait être tirée d’huiles végétales usagées. Les biocarburants avancés fabriqués avec des déchets ne devraient pas progresser au cours de la période de projection, faute d’investissements dans la recherche-développement (R-D).
Les différends commerciaux liés aux biocarburants ont lourdement influencé l’évolution récente des échanges dans ce domaine. En vertu d’une décision de l’OMC datée de 2018, l’Argentine et l’Indonésie peuvent à nouveau exporter du biodiesel vers l’UE moyennant des droits de douane moins élevés. Cependant, les États-Unis ont récemment instauré des droits antidumping à l’encontre du biodiesel produit dans ces pays, qui risquent à nouveau de saisir l’OMC. Les présentes Perspectives partent donc du principe que les échanges de biocarburants resteront limités. Les exportateurs d’éthanol potentiels seront les États-Unis, où le taux maximal d’incorporation empêche la demande intérieure d’augmenter, et le Brésil. Les exportations brésiliennes d’éthanol ne devraient cependant pas progresser, car les prix de l’éthanol américains devraient rester inférieurs tout au long de la période considérée. Du côté du biodiesel, l’Argentine occupera probablement le devant de la scène, mais avec une demande d’importations limitée.
Principales hypothèses
Depuis le début des années 2000, l’évolution des marchés mondiaux des biocarburants est dictée par des mesures de politique agricole encourageant leur production et leur utilisation. La mise en œuvre de ces politiques était initialement motivée par un ensemble de facteurs, notamment la perception que le recours aux biocarburants améliorerait la sécurité énergétique et réduirait les émissions de gaz à effet de serre (GES). Le soutien public apporté au secteur des biocarburants passe par des obligations d’incorporation, des exonérations des taxes qui s’appliquent aux autres carburants (à base de pétrole) et des aides à l’investissement. Les marchés des biocarburants sont également concernés par les politiques appliquant des critères de durabilité, des normes de qualité ainsi que des droits de douane sur les importations d’éthanol et de biodiesel. Les projections présentées dans la présente édition des Perspectives se fondent sur un ensemble d’hypothèses relatives à l’évolution à moyen terme des politiques appliquées dans le monde aux biocarburants.
Aux États-Unis, l’EISA a défini en 2007 la Norme sur les carburants renouvelables (Renewable Fuel Standard – RFS2)4. Dans ce cadre, elle prévoit quatre obligations d’incorporation annuelles chiffrées jusqu’en 2022 : l’obligation d’incorporation totale et l’obligation d’incorporation de biocarburants avancés, qui doivent se traduire par une réduction des émissions de GES respective d’au moins 20 % et 50 %, ainsi que les prescriptions liées au biodiesel et aux biocarburants cellulosiques, qui s’articulent avec l’obligation d’incorporation de biocarburants avancés. L’Agence pour la protection de l’environnement des États-Unis (Environmental Protection Agency – EPA) détermine les quantités minimales qui doivent être utilisées chaque année dans chacune des quatre catégories de biocarburants.
La version définitive de la réglementation de l’EPA pour 2018 ainsi que le volume requis de biodiesel pour 2019 ont été publiés en novembre 2018. Comme en 2017, une part importante des niveaux proposés initialement dans la loi EISA concernant l’obligation d’incorporation totale et l’obligation d’incorporation de biocarburants avancés et de biocarburants cellulosiques ont été abandonnés au motif que la capacité de production d’éthanol cellulosique était insuffisante ; l’écart à combler par des biocarburants conventionnels5, qui fait souvent implicitement référence aux quantités prescrites de céréales secondaires, a été maintenu à 56.8 milliards de litres. Le niveau des normes finales récemment annoncées reste élevé, ce qui implique qu’en prévision d’une stagnation ou d’une baisse de la demande d’essence et de gazole, la disponibilité de carburant plus concentré en éthanol à la pompe devra être développée d’une manière ou d’une autre à court et moyen terme. À l’heure actuelle, bien que le taux maximum de mélange d’éthanol dans l’essence soit fixé, aux États-Unis, à 15 % pour les véhicules construits en 2001 ou plus tard, l’E106 reste le bioéthanol le plus répandu dans le pays en raison des contraintes liées au taux maximal d’incorporation.
Selon les projections, les quantités requises pour toutes les catégories de biocarburants se maintiendront à leurs niveaux annoncés récemment – en volume – et ce malgré un recul des carburants de transport, à l’exception des biocarburants cellulosiques pour lesquels les quantités prescrites devraient plus que doubler au cours de la période étudiée, même si elles n’atteignent que 4.5 % du volume indiqué dans l’EISA d’ici à 2027. On estime que les quantités de biocarburants cellulosiques seront atteintes, en majeure partie grâce au gaz naturel comprimé et au gaz naturel liquéfié renouvelables. Le taux maximal d’incorporation d’éthanol devrait légèrement dépasser les 10 % et atteindre 11.3 % à l’horizon 2027.
Le graphique 9.2 représente l’évolution supposée des quantités prescrites pour les biocarburants aux États-Unis ainsi que le taux maximal d’incorporation d’éthanol, c’est-à-dire le volume d’éthanol pouvant être consommé dans ce pays en fonction des évolutions prévues de la consommation d’essence et du taux maximal d’incorporation. En 2018, l’écart à combler par les carburants conventionnels devrait être légèrement supérieur au volume d’éthanol pouvant être mélangé conformément à la problématique du taux maximal d’incorporation. La consommation de biodiesel devrait donc continuer d’avoisiner 9.5 milliards de litres dans les premières années de la période de projection – en dépassant les quantités prescrites pour le biodiesel et en atteignant en partie celles des biocarburants avancés – alors que les importations d’éthanol de canne à sucre devraient rester limitées. L’écart à combler par d’autres biocarburants avancés devrait se rétrécir au cours des dernières années de la période de projection. Le crédit d’impôt pour les mélanges de biodiesel ne devrait pas être rétabli au cours de la période considérée, et les droits antidumping frappant le biodiesel argentin et indonésien vont vraisemblablement limiter la demande d’importations de biodiesel aux États-Unis.
Le Cadre pour le climat et l’énergie à l’horizon 2030 pour l’UE7, qui vise à réduire les émissions de GES de 40 % par rapport à 1990 et ambitionne de porter la part des énergies renouvelables à 27 % d’ici à 2030, ne propose pas d’objectif concret dans le domaine des transports au-delà de 2020. À l’heure actuelle, le cadre d’action appliqué aux biocarburants est déterminé, d’une part, par la directive sur les énergies renouvelables (DER) de 20098, qui fixe à 10 % la part des énergies (liquides ou non) produites à partir de sources renouvelables dans la consommation d’énergie destinée aux transports d’ici à 2020 et, d’autre part, par la directive relative à la qualité de l’essence et des carburants gazole, qui exige que les producteurs de carburants réduisent l’intensité des émissions des carburants destinés aux transports d’ici à 2020. Ces deux directives ont été modifiées en septembre 2015 par une nouvelle directive relative au changement d’affectation des sols indirect (CASI)9, qui plafonne désormais à 7 % la part des énergies renouvelables provenant de cultures vivrières et fourragères et utilisées dans le secteur des transports.
Les présentes Perspectives supposent une poursuite des politiques actuelles au niveau de l’UE et de ses pays membres. Étant donné que chaque unité de biocarburants avancés (y compris ceux produits à partir d’huiles de fritures usagées et de suif) consommée compte double au titre de la DER, la proportion des biocarburants dans la part exprimée des énergies provenant de sources renouvelables atteindra 5.9 % d’ici à 2020 avant de reculer à 5.8 % à l’horizon 2027. Pour atteindre l’objectif de 10 % fixé par la DER, l’UE table sur le développement de moyens de transport fonctionnant avec d’autres sources d’énergie renouvelables. Dans l’UE, la part des énergies renouvelables utilisées dans le secteur des transports provenant de cultures vivrières et fourragères devrait se maintenir bien au-dessous du plafond actuel de 7 %, à 4 % en moyenne au cours de la période de projection.
Les politiques européennes relatives aux biocarburants sont susceptibles d’évoluer dans un avenir proche. Le 17 janvier 2018, le Parlement européen a en effet proposé de porter à 12 % la part des énergies renouvelables utilisées dans le secteur des transports d’ici à 2030. En vertu de cette proposition, la consommation de biocarburants produits à partir de cultures destinées à l’alimentation humaine et animale ne pourra pas excéder les niveaux de 201710, et les biocarburants fabriqués à partir de cultures destinées à l’alimentation humaine et animale seront plafonnés à 7 % au niveau des États membres. Le biodiesel à base d’huile de palme serait interdit à compter de 2021 et la part des biocarburants avancés, et notamment des biocarburants à base de déchets, devrait atteindre 1.5 % d’ici à 2021 et 10 % à l’horizon 2030. La présente édition des Perspectives ne tient pas compte de cette proposition.
Au Canada, l’essence et le gazole doivent renfermer respectivement 5 % et 2 % de contenu renouvelable aux termes du Règlement fédéral sur les carburants renouvelables, qui pourrait être remplacé courant 2019 par la Norme sur les combustibles propres (NCP), dont le cadre réglementaire a été présenté en décembre 2017. La NCP s’appliquerait aux combustibles liquides, gazeux et solides utilisés pour la production d’énergie et le transport. Elle suivra une approche fondée sur le cycle de vie pour fixer des exigences en termes d’intensité de carbone, l’objectif étant de parvenir à une baisse des émissions de GES de 30 millions de tonnes par an d’ici à 2030, ce qui participera aux efforts engagés par le Canada pour atteindre un objectif global de réduction des émissions de GES de 30 % en deçà des niveaux de 2005 à l’horizon 2030.
Au Brésil, les véhicules polycarburant fonctionnent grâce au bioéthanol ou à l’E100 (éthanol hydraté). Au cours de la période de projection, le taux d’éthanol anhydre à incorporer obligatoirement à l’essence devrait se maintenir à 27 % et le régime fiscal variable continuera d’être plus favorable à l’éthanol hydraté qu’au bioéthanol dans les principaux États brésiliens. Le taux de 10 % prescrit pour le biodiesel devrait être atteint d’ici à 2020. Dans le prolongement de son engagement pris dans le cadre de l’Accord de Paris en 2015, qui consistait à réduire les émissions de GES de 37 % en 2025 et de 43 % en 2030 par rapport à 2005, le Brésil a officiellement adopté le programme RenovaBio en janvier 2018, sans avoir encore défini de calendrier pour son application. Ce programme établit un objectif d’incorporation minimal pour l’éthanol anhydre qui devrait atteindre 30 % et 40 % en volume aux horizons 2022 et 2030. D’après le programme RenovaBio, la part de l’éthanol dans l’éventail de carburants disponibles devrait s’établir à 55 % d’ici à 2030, alors que le scénario de référence table sur 50 %. Ce dernier objectif ne figure pas dans la présente édition des Perspectives.
En Argentine, les quantités prescrites, à savoir 10 % pour le biodiesel et 12 % pour l’éthanol seront vraisemblablement atteintes à l’horizon 2020. Les exonérations fiscales devraient continuer à accélérer le développement du secteur argentin du biodiesel. Cependant, les barrières commerciales érigées par les États-Unis à l’encontre du biodiesel argentin vont probablement limiter la demande d’exportations. En Colombie, le taux d’incorporation de l’éthanol avoisinait 7.5 % en 2017. Malgré une hausse supposée de la demande totale d’éthanol, sa part en volume dans l’essence devrait atteindre 8 % en d’ici à 2020 et demeurer stable par la suite. Ce résultat est en partie lié à la disponibilité limitée des produits destinés à l’alimentation des animaux, et en particulier de la canne à sucre.
La Chine est à l’origine d’une autre part importante de l’incertitude qui entoure les marchés des biocarburants. En septembre 2017, son gouvernement a en effet annoncé la mise en place de nouvelles prescriptions relatives à l’E10 d’ici à 2020 dans l’ensemble du pays. Les mécanismes d’application et de contrôle n’ayant pas encore été présentés, cette annonce n’est pas prise en compte dans les présentes Perspectives. L’encadré 7.1 décrit les conséquences pouvant découler d’une telle mesure. Les Perspectives supposent que la consommation chinoise d’éthanol va progresser d’environ 1 milliard de litres. Dans ce pays, l’éthanol devrait être fabriqué à partir de maïs – ce qui permettra de réduire les stocks nationaux – et de manioc.
Dans les pays producteurs d’huile de palme, en particulier en Indonésie, la production de biodiesel dépend très largement de l’action publique. Après un recul de la production en 2016, le gouvernement indonésien a pris le ferme engagement d’atteindre un objectif de 10 % pour le biodiesel, alors que le taux actuel se situe aux alentours de 7 %. Les présentes Perspectives prévoient une expansion rapide de la demande de biodiesel, dont la part dans les combustibles de type gazole pourrait atteindre 8 % en volume d’ici à 2027, soit un niveau bien inférieur au nouvel objectif récemment annoncé de 20 % d’ici à 2030. Cette augmentation tient uniquement à la capacité des pouvoirs publics d’appliquer un niveau adéquat de taxes et de droits aux exportations d’huile de palme.
En Inde, le gouvernement ne devrait pas mettre en application le taux d’incorporation obligatoire de 10 % visant l’éthanol. La proportion d’éthanol dans l’essence est aujourd’hui d’environ 3 % et, dans la mesure où l’éthanol ne se développera sans doute pas autant que la demande d’essence – qui devrait augmenter fortement –, ce taux devrait diminuer jusqu’à 2.4 % au cours de la période de projection. En Thaïlande, le gouvernement a fixé des objectifs de consommation d’éthanol et de biodiesel à 4.1 milliards de litres et 5.1 milliards de litres d’ici à 2036. En raison du faible niveau des prix du pétrole et de la quantité possiblement limitée des cultures fourragères, ces objectifs pourraient être ramenés à seulement 2.6 milliards de litres pour l’éthanol et le biodiesel. Les objectifs anticipés par les présentes Perspectives sont de 3.1 milliards de litres pour l’éthanol et 1.8 milliards de litres pour le biodiesel à l’horizon 2027. L’évolution de la production d’éthanol devrait être dictée par les subventions et les différents niveaux de taxes qui abaissent les prix des carburants à forte teneur en éthanol.
Ailleurs dans le monde, le développement des marchés des biocarburants – dont l’ampleur est moins importante – sera influencé à la fois par l’évolution des prix et les mesures de soutien, qui ouvriront des perspectives variables selon les pays.
Encadré 9.1. Annonce de nouvelles mesures relatives aux biocarburants en Chine
Au cours de la décennie passée, l’évolution des marchés des biocarburants a été étroitement liée au contexte de l’action des pouvoirs publics. La présente édition des Perspectives souligne que les pays en développement vont probablement peser davantage sur les marchés des biocarburants dans les années à venir, pour plusieurs raisons. La demande de carburants pour les transports va vraisemblablement continuer de progresser dans ces pays tandis qu’elle devrait stagner, voire reculer dans les pays développés. Les biocarburants étant principalement incorporés dans les carburants destinés au transport, le simple fait de maintenir les quantités prescrites à un niveau stable se traduirait par un accroissement de la demande. Par ailleurs, les incertitudes relatives aux échanges s’amplifient sur les marchés des biocarburants. Parmi les pays en développement, les grands producteurs (Brésil, Argentine, Indonésie) ont développé leur secteur des biocarburants en tenant non seulement compte de leur consommation intérieure mais également des perspectives sur les marchés clés des pays développés (États-Unis et UE). L’UE et les États-Unis ont eu recours à des droits de douane pour empêcher les importations de biocarburants. Les pays en développement ont réagi en encourageant la consommation intérieure de biocarburants, en relevant notamment le niveau des obligations d’incorporation.
Fait important, en septembre 2017, le gouvernement chinois a présenté de nouvelles prescriptions nationales concernant l’éthanol, qui étend l’obligation de consommer du carburant E10 – initialement expérimentée dans onze provinces – à l’ensemble du pays d’ici à 2020. Les raisons de cette annonce n’ont pas été clairement affichées mais elles pourraient être liées à l’abondance des stocks de céréales et à des préoccupations d’ordre environnemental.
Les mécanismes d’application et de contrôle de cette mesure n’ont pour l’heure pas été présentés. Pleinement mise en œuvre, elle aurait de profondes répercussions pour les marchés des biocarburants et les marchés agricoles et donnerait davantage de poids aux pays en développement dans les projections à moyen terme.
Le tableau 7.1 donne un aperçu de l’ampleur des conséquences possibles, qui ont été calculées à partir du scénario de référence des Perspectives. Différentes hypothèses ont été étudiées dans le cas de la Chine : l’éthanol supplémentaire pourrait être essentiellement produit intérieurement à partir de céréales (le maïs et le manioc demeurant respectivement le premier et le deuxième produits utilisés) (H1), ou pourrait être majoritairement importé des États-Unis (H2) ou du Brésil (H3).
La généralisation de l’E10 en Chine au cours de la prochaine décennie résulterait d’une consommation supplémentaire d’éthanol (notée CSE dans le tableau ci-après) de 18 milliards de litres en 2027 par rapport au scénario de référence. En termes d’échelle, la consommation chinoise d’éthanol serait alors comparable à la consommation prévue dans le scénario de référence du Brésil en 2027. Toujours en 2027, la consommation chinoise d’éthanol serait multipliée par quatre et présenterait un niveau 165 % plus élevé que dans le scénario de référence.
Dans l’hypothèse H1, la CSE serait intégralement satisfaite au moyen de l’éthanol produit en Chine, avec des conséquences potentiellement importantes pour les marchés chinois du maïs, puisque 29 millions de tonnes de maïs supplémentaires devraient être utilisées pour atteindre les quantités d’E10 prescrites. Dans les calculs, H1 correspond à une baisse des stocks de maïs de 20 % et à une hausse de la production chinoise de maïs de 6 % par rapport au scénario de référence établi pour 2027.
Dans les présentes Perspectives, les stocks de maïs chinois devraient s’établir à 71 millions de tonnes d’ici à 2027. Dans l’hypothèse où l’E10 serait pleinement généralisé, le volume supplémentaire de maïs devant être consacré à la production d’éthanol (autour de 30 millions de tonnes par an, dans un contexte d’augmentation de la demande d’essence) impliquerait un épuisement rapide des stocks. En l’absence de stocks et si la CSE venait à être satisfaite par de l’éthanol chinois, la production chinoise de maïs devrait être 12 % supérieure au niveau indiqué dans le scénario de référence pour 2027.
Dans l’hypothèse H2, 90 % de la CSE est satisfaite par des importations d’éthanol américain. Cette hypothèse correspond à un recul de 2 % des stocks chinois de maïs en 2027 et à une progression de 41 millions de tonnes de la consommation de maïs pour la production d’éthanol aux États-Unis la même année. Si la totalité du maïs nécessaire provenait des États-Unis, la production américaine de maïs devrait être 11 % supérieure au volume figurant dans le scénario de référence pour 2027. Dans l’hypothèse H3, 90 % de l’éthanol supplémentaire est importé du Brésil. Cette hypothèse table sur une baisse de 2 % des stocks de maïs chinois et sur une hausse de 168 millions de tonnes de la consommation de canne à sucre pour la production d’éthanol au Brésil. Si la totalité de la canne à sucre nécessaire était cultivée au Brésil, la production intérieure de canne à sucre brésilienne devrait être 22 % supérieure au volume indiqué dans le scénario de référence pour 2027.
Tableau 9.1. Conséquences possibles de la généralisation de l’E10 en Chine
Comparaison de différentes hypothèses
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Scénario de référence |
H1 : 100 % de la CSE produite en Chine1 |
% de variation |
H2 : 90 % de la CSE importée des États-Unis1 |
% de variation |
H3 : 90 % de la CSE importée du Brésil1 |
% de variation |
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Marchés de l’éthanol en 2027 en Mdl |
|
|||||||
Chine |
Production d’éthanol |
11.1 |
29.1 |
163% |
12 |
8% |
12 |
8% |
Consommation d’éthanol |
4.4 |
22.4 |
414% |
22.4 |
414% |
22.4 |
414% |
|
Exportations nettes d’éthanol |
0.1 |
0.1 |
0% |
-17 |
-15585% |
-17 |
-15585% |
|
Part en volume de l’éthanol dans les carburants de type essence |
2% |
10% |
400% |
10% |
400% |
10% |
400% |
|
États-Unis |
Production d’éthanol2 |
60.3 |
77.5 |
28% |
||||
Exportations nettes d’éthanol |
2.7 |
19.9 |
626% |
|||||
Brésil |
Production d’éthanol1 |
32.8 |
48.2 |
47% |
||||
Exportations nettes d’éthanol |
1 |
16.4 |
1576% |
|||||
Marchés de l’éthanol en 2027 en Mt |
|
|||||||
Chine |
Production de maïs |
241.5 |
256.3 |
6% |
241.5 |
0% |
241.5 |
0% |
Stocks de maïs3 |
71.3 |
57.1 |
-20% |
69.9 |
-2% |
69.9 |
-2% |
|
Consommation d’éthanol de maïs |
17.9 |
46.9 |
163% |
19.3 |
8% |
19.3 |
8% |
|
États-Unis |
Production de maïs |
390.2 |
431.6 |
11% |
||||
Consommation d’éthanol de maïs |
145.3 |
186.7 |
29% |
|||||
Brésil |
Production de canne à sucre |
789.5 |
961.9 |
22% |
||||
Consommation d’éthanol de canne à sucre |
365.4 |
537.8 |
47% |
Note :Ce tableau ne correspond pas à un scénario mais à de simples calculs fondés sur les projections de référence.
1. CSE : Consommation supplémentaire d’éthanol en Chine du fait de la généralisation de l’E10.
2. La part des divers produits entrant dans la production d’éthanol est maintenue à un niveau constant dans les différentes hypothèses.
3. Les stocks de maïs chinois sont supposés être épuisés pour produire de l’éthanol. Dans l’hypothèse H1, 50 % de la CSE est satisfaite au moyen des stocks de maïs. Dans les hypothèses H2 et H3, 10 % de la CSE est couverte à l’aide des stocks de maïs.
Source : Secrétariats de l’OCDE et de la FAO.
Pour conclure, les trois scénarios présentés dans le tableau ci-dessus sont hypothétiques. Cependant, ils rendent bien compte de l’ampleur des conséquences que pourrait entraîner la généralisation de l’E10 à l’échelle du pays. La CSE serait probablement satisfaite par un mélange d’éthanol produit intérieurement et d’éthanol importé. De toute évidence, l’utilisation des stocks de maïs chinois pourrait couvrir la CSE en partie pendant quelques années mais certainement pas pour une durée prolongée.
1. Les calculs posent en principe que les produits servant actuellement à fabriquer de l’éthanol en Chine (maïs, manioc, blé et autres céréales secondaires) continueraient d’être utilisés dans les mêmes proportions.
Source : Calculs des auteurs d’après des données de l’OCDE et de la FAO (2018).
Prix
Les prix mondiaux du pétrole brut devraient augmenter de 40 % en valeur nominale au cours de la période de référence. La conséquence devrait être une baisse de la demande d’essence et de gazole dans les pays développés, et donc une hausse de la demande de biocarburants liée à l’obligation d’incorporation. La demande de biocarburants devrait se maintenir dans les principaux pays en développement du fait de l’élargissement attendu du parc de véhicules et des mesures en vigueur sur place. Le prix des biocarburants – de même que celui des matières premières qui les composent – devrait légèrement monter, quoique plus lentement que les prix de l’énergie.
Sous l’effet de l’évolution des marchés des huiles végétales, les prix nominaux du biodiesel devraient croître plus lentement (+ 3 %) que ceux de l’éthanol (+ 20 %). En valeur réelle, les prix du biodiesel devraient reculer de 18 % au cours de la période de projection, tandis que les prix de l’éthanol devraient fléchir de 4 %.
Éthanol
Production
Au cours de la période considérée, la production mondiale d’éthanol devrait augmenter de 14 %, passant d’environ 120 milliards de litres en 2017 à près de 131 milliards de litres à l’horizon 2027 (graphique 9.4). Le Brésil devrait être à l’origine de 50 % de cette hausse, qui visera à satisfaire la demande intérieure. Les autres grands contributeurs sont la Thaïlande, la Chine, l’Inde et les Philippines, à hauteur de 12 %, 10 %, 9 % et 5 %, respectivement. Les États-Unis devraient conserver la première place en matière de production d’éthanol ; ils seront suivis par le Brésil, la Chine et l’UE. La production d’éthanol évolue de manière contrastée ; elle progresse dans les pays en développement et stagne, voire recule dans les pays développés.
Les céréales secondaires et la canne à sucre resteront les principales matières premières de l’éthanol. En 2027, la production d’éthanol devrait utiliser respectivement 15 % et 18 % de la production mondiale de maïs et de canne à sucre. Les projections indiquent que d’ici à 2027, l’éthanol issu de la biomasse représentera environ 0.3 % de la production mondiale d’éthanol.
Aux États-Unis, la production d’éthanol issue principalement du maïs devrait demeurer autour de 61 milliards de litres dans les premières années de la période étudiée, en raison essentiellement de la demande intérieure liée à l’écart à combler par les carburants conventionnels, de la hausse du taux maximal d’incorporation et, dans une moindre mesure, de la demande mondiale provenant du Japon, du Canada et de l’UE. Dans les dernières années de la période de projection, la production d’éthanol aux États-Unis devrait retomber à 60.4 milliards de litres du fait de la baisse des besoins nationaux et internationaux liée au recul de la demande d’essence dans les pays développés.
Au Brésil, le marché de l’éthanol devrait évoluer conformément aux hypothèses relatives à l’obligation d’incorporation visant le bioéthanol, ainsi qu’au régime fiscal variable favorisant l’éthanol hydraté. Le pays devrait voir sa production d’éthanol passer de 27,2 milliards de litres en 2017 à 32,7 milliards de litres en 2027.
La Chine devrait consolider sa place de troisième producteur d’éthanol avec une production de 11 milliards de litres à l’horizon 2027. La hausse prévue au cours de la période de projection – à 1.1 milliards de litres – devrait servir à satisfaire la demande intérieure. L’éthanol chinois devrait être produit sur le territoire national, à partir de maïs tiré des stocks intérieurs et de manioc. Ces prévisions ne tiennent pas compte de l’annonce des autorités chinoises au sujet de l’E10 datée de septembre 2017.
Au sein de l’UE, la production d’éthanol à visée énergétique à partir de blé, de céréales secondaires et de betterave sucrière essentiellement devrait passer de 7.3 milliards de litres en 2020 à 7.1 milliards de litres en 2027 parallèlement à la baisse prévue de la consommation d’essence. La production d’éthanol à base de betterave sucrière devrait se stabiliser aux alentours de 1.4 milliards de litres. On suppose en effet qu’au sein de l’UE, le recours à ce produit sera plus coûteux, et donc moins rentable que la production faisant appel à d’autres produits céréaliers.
Les prévisions indiquent qu’en Thaïlande, la production d’éthanol va s’élever d’environ 6 % par an. Bien qu’historiquement, cette production repose essentiellement sur la mélasse et le manioc, la canne à sucre pourrait voir sa part progresser compte tenu de la disponibilité limitée des deux autres produits pour répondre à la croissance rapide de la demande intérieure. D’ici à 2027, la production d’éthanol devrait totaliser 3.2 milliards de litres dans le pays. En Inde, la production d’éthanol devrait augmenter de 0.8 milliard de litres pendant la période considérée, dont environ 95 % à base de mélasse.
Consommation
La consommation mondiale d’éthanol devrait s’accroître d’environ 12 milliards de litres au cours de la période de projection ; 80 % de cette augmentation aura lieu dans les pays en développement, principalement au Brésil, en Chine, en Inde et en Thaïlande. Le Brésil sera à l’origine de 42 % de la hausse globale, avec un surcroît de consommation intérieure de 5.4 milliards de litres. Le régime fiscal brésilien restera plus favorable à l’éthanol hydraté qu’au bioéthanol, qui correspond à un mélange d’essence et de 27 % d’éthanol. En Chine, la consommation d’éthanol devrait gonfler de 1 milliard de litres. Du fait des prescriptions en vigueur dans certaines provinces, la proportion d’éthanol dans l’essence devrait avoisiner les 2 % en volume sur la période de projection. L’encadré 9.1 donne un aperçu des répercussions que peut avoir la généralisation de l’E10 à l’échelle d’un pays.
Au cours de la précédente décennie, la Thaïlande a accru sa consommation d’éthanol carburant de 1 milliard de litres. Cette tendance devrait se poursuivre et l’on prévoit que d’ici à 2027, la demande de ce combustible s’élèvera à 2.8 milliards de litres. La part en volume de l’éthanol dans la consommation de carburants à base d’essence devrait passer de 14 % en 2017 à 16 % en 2027. La hausse de la demande d’éthanol carburant en Thaïlande est due aux subventions versées au bioéthanol comportant une teneur élevée en éthanol, ainsi qu’à l’obligation d’incorporation d’éthanol. Après avoir chuté en 2017, la demande indienne d’éthanol devrait repartir à la hausse et gagner 4.5 % par an au cours de la période de projection, soit un surplus de 0.7 milliard de litres d’ici à 2027 par rapport à la période de référence. La part de l’éthanol entrant dans la composition de l’essence avoisine toujours 2 % en volume au cours de la période de projection.
Aux États-Unis, la consommation d’éthanol est liée aux quantités prescrites en vigueur ; elle est en outre plafonnée par un taux maximal d’incorporation en faible augmentation, ainsi que par des perspectives de baisse de la consommation d’essence. La part de l’éthanol (exprimée en volume) dans les carburants de type essence devrait progresser à 11.3 % d’ici à 2027 (graphique 9.5), mais la consommation d’éthanol carburant devrait retomber à 56 milliards de litres, après avoir atteint un volume maximal de 56.5 milliards de litres en 2021.
Dans l’UE, la consommation d’éthanol carburant devrait augmenter dans la première partie de la période de projection et ensuite décroître pour s’établir à 5.1 milliards de litres d’ici à 2027. Cette évolution s’explique par la baisse de la consommation d’essence, en dépit de la stabilité de la part d’éthanol mélangée à l’essence jusqu’en 2020, à 4.8 %, qui chutera à 4.7 % à l’horizon 2027.
Échanges
Les échanges mondiaux d’éthanol devraient rester marginaux et baisser de 8 % de la production mondiale en 2017 à 7 % à l’horizon 2027, pour atteindre 9.4 milliards de litres. Les besoins d’importations nettes au sein de l’UE devraient reculer, passant de 0.6 milliard de litres en 2017 à 0.45 milliard de litres d’ici à 2027. D’autres pays, comme le Japon et le Canada, devraient voir leurs besoins d’importation diminuer en raison d’une baisse de leur consommation de carburants de transport.
Les États-Unis devraient conserver leur statut d’exportateur net d’éthanol de maïs et importer un peu d’éthanol de canne à sucre. Les besoins d’importation d’éthanol de canne à sucre sont liés à la norme sur la teneur des carburants en vigueur en Californie, ainsi qu’à l’évolution limitée de l’écart à combler par des biocarburants avancés. Les exportations d’éthanol par les États-Unis devraient évoluer à la baisse au cours de la période de projection du fait de la conjugaison d’une forte demande intérieure et d’une faible demande internationale. Les exportations brésiliennes d’éthanol ne devraient pas augmenter durant la période considérée car le secteur national de l’éthanol s’attachera surtout à répondre à une demande intérieure soutenue, et les prix intérieurs resteront légèrement supérieurs aux prix internationaux.
Biodiesel
Production
La production mondiale de biodiesel devrait atteindre 39.3 milliards de litres d’ici à 2027, soit une progression de 9 % par rapport à 2017 (graphique 9.6) Les modèles de production seront davantage influencés par l’intervention des pouvoirs publics que par les mécanismes du marché. L’UE devrait conserver sa substantielle avance en matière de production de biodiesel. Celle-ci devrait se monter à 12.9 milliards de litres en 2027, contre 13.5 milliards de litres en 2017 et 14 milliards de litres en 2020, date à laquelle l’objectif de la DER est supposé être atteint. Cette évolution dépend notamment des prévisions relatives à la baisse de la consommation de gazole.
Les huiles végétales continuent d’être des matières premières de choix pour la production de biodiesel. La production de biodiesel fondée sur les huiles usagées et le suif conservera une place importante dans l’UE et aux États-Unis.
Deuxième producteur mondial de biodiesel, les États-Unis devraient voir leur production, de 6.9 milliards de litres en 2017, atteindre un niveau record de 7.2 milliards de litres en 2019, puis fléchir à 6.7 milliards de litres à l’horizon 2027. Le pays atteindra régulièrement les quantités prescrites pour le biodiesel et comblera en partie l’écart relatif aux biocarburants avancés. Malgré les droits antidumping visant le biodiesel argentin et indonésien, les États-Unis devront probablement importer du biodiesel pour combler l’écart des biocarburants avancés, en particulier dans les premières années de la période de projection.
Le Brésil devrait consolider sa position de troisième producteur de biodiesel et être à l’origine de plus de 50 % de la hausse de la production mondiale de biodiesel, du fait notamment de son obligation d’incorporation de 10 %. D’ici à 2027, la production brésilienne de biodiesel devrait atteindre 5.6 milliards de litres. Même s’il est prévu que les quantités prescrites soient portées à 12 % en 2020, l’Argentine devrait voir sa production de biodiesel décroître dans les dix prochaines années pour passer de 3.7 milliards de litres en 2017 à 3.5 milliards de litres en 2027, sous l’effet d’une baisse de la demande d’importations. Les autres gros producteurs de biodiesel sont le Brésil, l’Indonésie et la Thaïlande.
Après une baisse en 2015 due à un changement de la politique publique, la production de biodiesel en Indonésie est repartie à la hausse en 2016, principalement sous l’effet de l’augmentation de la demande intérieure. Cependant, un recul des exportations en 2017 a entraîné un déclin de la production, qui devrait repartir à la hausse en 2018. Les présentes Perspectives entrevoient une légère augmentation des exportations au cours de la période de projection, néanmoins ces dernières ne devraient pas avoir autant d’impact sur la production indonésienne de biodiesel, qui devrait se monter à 4.2 milliards de litres d’ici à 2027. La principale incertitude entourant cette augmentation est la viabilité de la poursuite du prélèvement d’un droit sur les exportations d’huile de palme brute, qui sert à financer les subventions versées aux producteurs de biodiesel. La Malaisie et les Philippines continueront d’accroître leur production de biodiesel. En Malaisie, la demande intérieure devrait s’intensifier, ce qui fera baisser la part des exportations dans la production intérieure, qui passera de 32 % durant la période de référence, à 27.6 % en 2027. Aux Philippines, la production devrait continuer de cibler le marché intérieur.
Consommation
La consommation de biodiesel devrait diminuer dans les pays développés mais s’accroître de façon régulière dans les pays en développement (graphique 9.7). En Indonésie, elle devrait s’élever à 4.1 milliards de litres en 2027. Au Brésil et en Argentine, elle devrait atteindre 5.6 milliards de litres et 1.9 milliard de litres respectivement d’ici à 2027, compte tenu des augmentations des quantités prescrites dans ces pays. Du fait des obligations d’incorporation, la consommation de biodiesel va également progresser en Colombie, en Inde, en Malaisie, au Paraguay, en Thaïlande et aux Philippines. Dans la plupart des pays, le niveau de départ est très faible, et la part du biodiesel – en volume – dans les carburants à base de gazole continuera de se situer entre 1 % et 3 %, à l’exception de la Colombie où le taux de mélange devrait être maintenu autour de 6.5 %.
La consommation européenne de biodiesel devrait avoisiner 14 milliards de litres en moyenne d’ici à 2020, date à laquelle l’objectif de la DER sera atteint. À l’horizon 2027, elle devrait avoir fléchi pour s’établir à 12.8 milliards de litres, en raison d’une forte baisse attendue de la consommation de gazole. La part moyenne du biodiesel dans les carburants gazole devrait atteindre son niveau le plus élevé en 2020, à près de 6.3 %, puis descendre à 6.1 % en 2027.
Aux États-Unis, le niveau de 7.9 milliards de litres spécifié pour 2018 et 2019 dans la révision 2018 de la norme RFS devrait se maintenir au cours de la période de projection. La part du biodiesel en volume dans les carburants gazole devrait baisser, de 4.4 % en 2017 à 4.1 % d’ici à 2027. Dans les premières années de la période de projection, la consommation de biodiesel restera bien supérieure aux quantités prescrites (9.5 milliards de litres en moyenne au cours de la période 2017-20), car le biodiesel devrait couvrir une partie de la prescription relative aux biocarburants avancés lorsque la consommation supplémentaire d’éthanol sera limitée par le taux maximal d’incorporation. La consommation devrait ensuite diminuer d’environ 8 %, dans un contexte de recul de la consommation de gazole.
Échanges
Les échanges de biodiesel font l’objet d’incertitudes relatives à l’issue des différends commerciaux en cours. Les Perspectives prévoient un recul des échanges de biodiesel de 25 % – soit de 1 milliard de litres – au cours des dix années à venir, car la plupart des pays ayant fixé un objectif ou une quantité prescrite pour le biodiesel vont, pour les atteindre, utiliser leur production nationale ; la demande d’importations devrait donc baisser dans les pays développés, en particulier aux États-Unis et dans l’Union européenne.
L’Argentine devrait conserver sa position de premier pays exportateur de biodiesel, suivie par la Malaisie, l’Indonésie et le Canada. Ses exportations devraient cependant se contracter de 43 % durant la période de projection. Les exportations indonésiennes devraient quant à elles s’affaiblir davantage dans les trois années à venir, avant de repartir à la hausse ; à l’horizon 2027, elles devraient toutefois rester inférieures au niveau constaté en 2016. Enfin, la Malaisie devrait voir ses exportations croître d’environ 2.7 % par an, pour atteindre 0.225 milliard de litres d’ici à 2027, ce qui fera d’elle le cinquième pays exportateur de biodiesel.
Principales questions et incertitudes
L’évolution récente des marchés des biocarburants est étroitement liée aux séries de mesures prises concernant ces carburants, à l’environnement macroéconomique et au cours du pétrole brut. À moyen terme, le cadre d’action demeure incertain. D’après les présentes Perspectives, la plupart des biocarburants seront produits à partir de matières premières agricoles, ce qui aura probablement des conséquences directes et indirectes sur l’environnement, sur l’utilisation des terres et, dans une certaine mesure, sur les marchés agricoles à moyen terme.
Les mesures relatives aux biocarburants devraient à l’avenir subir des modifications. Les annonces récentes semblent favorables aux biocarburants, en mettant l’accent sur la possible contribution des carburants renouvelables à l’atténuation des émissions de GES dans le secteur des transports. Pour l’heure, rien n’indique cependant que ces annonces vont déboucher sur davantage d’investissements dans la R-D pour les biocarburants avancés issus de la biomasse lignocellulosique, des déchets ou de matières premières non alimentaires.
Notes
← 1. Le taux maximal d’incorporation est déterminé par les contraintes techniques qui empêchent d’accroître la part d’éthanol dans l’essence.
← 2. L’obligation d’incorporation de biocarburants avancés doit se traduire par une réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’au moins 50 %.
← 3. Le bioéthanol est un mélange d’essence et d’éthanol anhydre.
← 5. L’écart à combler par des biocarburants conventionnels correspond à la différence entre le total prescrit et le minimum à respecter pour les biocarburants avancés, aux termes de la Norme sur les carburants renouvelables (RFS2).
← 6. L’E10 désigne une catégorie de bioéthanol composée d’essence additionnée d’éthanol à raison de 10 %.
← 9. Directive (UE) 2015/1513.
← 10. À l’exception des pays dans lesquels la contribution des biocarburants renouvelables produits à partir de cultures destinées à l’alimentation humaine ou animale dans les carburants pour les transports est inférieure à 2 %.