Ce chapitre donne un aperçu de la dernière série de projections quantitatives à moyen terme relatives aux marchés agricoles mondiaux et nationaux. Ces projections englobent la production, la consommation, les stocks, les échanges et les prix de 25 produits agricoles pour la période allant de 2018 à 2027. Le ralentissement de la progression de la demande devrait persister pendant la décennie à venir. Bien que la croissance de la population semble appelée à fléchir, la démographie sera le principal moteur de la hausse de la consommation de la plupart des produits. À l’échelle mondiale, la consommation par habitant de beaucoup de produits devrait stagner. Par conséquent, le ralentissement de l’augmentation de la demande de bon nombre de produits agricoles de base devrait être compensé par des gains d’efficience dans la production, les prix réels demeurant ainsi relativement stationnaires. Outre les risques qui planent habituellement sur les marchés agricoles, les incertitudes se multiplient en ce qui concerne les politiques relatives au commerce agricole, de même que les craintes qu’inspire une éventuelle recrudescence du protectionnisme dans le monde.
Perspectives agricoles de l'OCDE et de la FAO 2018-2027
Chapitre 1. Vue d’ensemble
Abstract
Introduction
Les Perspectives agricoles présentent un scénario de référence pour l’évolution des marchés des produits agricoles et du poisson aux niveaux national, régional et mondial au cours des dix prochaines années (2018-2027). Les projections ont été établies avec l’aide d’experts des pays et des produits, sur la base du modèle Aglink-Cosimo des marchés agricoles mondiaux mis au point par l’OCDE et la FAO. Ce modèle économique sert aussi à assurer la cohérence des projections de référence.
Les projections reflètent à la fois la situation actuelle des marchés et une série d’hypothèses concernant l’environnement macroéconomique, les tendances démographiques et les politiques publiques. Ces hypothèses sont détaillées à la fin du présent chapitre, dans l’encadré 1.6, ainsi que dans les chapitres consacrés aux produits. La sensibilité des projections à ces hypothèses est analysée plus loin dans le présent chapitre.
Dans les dix ans à venir, la croissance économique devrait atteindre 1.8 % par an dans les pays de l’OCDE, soit à peu près le même rythme qu’au cours des dix années écoulées (1.7 % par an). Les prévisions laissent entrevoir un ralentissement de l’activité en République populaire de Chine (ci-après la “Chine”) mais une accélération en Inde par rapport à la décennie passée. Après une forte hausse en 2017, on prévoit que le prix du pétrole augmentera en moyenne de 1.8 % par an en termes nominaux sur la période de projection, passant de 43.7 USD le baril en 2016 à 76.1 USD le baril en 2027.
Les Perspectives supposent le maintien des politiques actuelles dans l’avenir. Elles ne tiennent toutefois pas compte de la décision du Royaume-Uni de sortir de l’Union européenne, car les modalités de cette sortie ne sont pas encore arrêtées. Les projections relatives au Royaume-Uni font donc toujours partie de l’agrégat représentatif de l’Union européenne.
Le graphique 1.1 présente succinctement la situation actuelle des marchés en montrant l’évolution de la production et des prix des produits examinés dans les Perspectives au cours de la période de référence (2015-17) par rapport à leurs niveaux moyens des dix années précédentes. Pour la plupart des céréales, des viandes et des produits laitiers, et pour le poisson en général, la production en 2017 a dépassé les niveaux déjà élevés atteints l’an dernier.
Malgré le redressement de l’économie mondiale et un pétrole plus cher, les prix de la plupart des produits agricoles n’ont guère varié entre 2016 et 2017, à l’exception de ceux des produits laitiers et du sucre. Dans le premier cas, les prix ont fluctué : faibles en 2016, ils se sont redressés en 2017, faisant même un bond de 65 % sur le marché du beurre au premier semestre, avant de refluer à la fin de l’année. Dans le second, le redémarrage de la production après deux années de pénurie a contribué au recul des prix.
C’est dans ce contexte général que s’inscrivent les projections à dix ans présentées dans les sections suivantes en matière de consommation, de production, d’échanges et de prix.
Consommation
Les produits agricoles sont principalement destinés à l’alimentation humaine et animale ou à des applications industrielles, dont la production de carburants. La demande de produits destinés à l’alimentation humaine dépend de la croissance de la population et des revenus, et de plus en plus aussi de l’évolution des habitudes alimentaires et des préférences de consommation. La demande d’aliments pour animaux, elle, est étroitement liée à la consommation humaine de produits de l’élevage, tels que viande, œufs et lait, mais aussi à l’évolution des techniques de production animale. Quant à l’utilisation industrielle des produits agricoles (essentiellement comme matières premières pour la production de biocarburants et pour la chimie), elle est influencée par la conjoncture économique générale, par les politiques réglementaires et par les avancées de la technologie. De plus, l’importance relative de chaque filière varie selon le produit, la région et le niveau de développement économique.
Au cours des dix dernières années, les marchés agricoles ont connu une forte augmentation de la demande de nombreux produits, en grande partie attribuable à des usages autres que l’alimentation humaine, en premier lieu la fabrication de biocarburants et l’alimentation des animaux. Tandis que la demande de produits alimentaires stagnait dans les pays développés, les prescriptions d’utilisation des biocarburants ont fait monter la demande de maïs, de canne à sucre et d’huiles végétales utilisées comme matières premières. Parallèlement, en Chine et dans d’autres économies émergentes, la hausse du niveau de vie a entraîné une consommation accrue de viande qui s’est traduite à son tour par une intensification de l’élevage et, de ce fait, par une augmentation de la demande d’aliments pour animaux sur les marchés mondiaux. Ensemble, ces facteurs de croissance de la demande ont contribué à maintenir les prix réels des produits agricoles au-dessus de leurs niveaux du début des années 2000, faisant ainsi grimper la production dans le monde entier.
Les biocarburants et la demande chinoise continueront de jouer un rôle sur les marchés agricoles mondiaux, mais ils ont déjà perdu de leur importance et aucune nouvelle source de croissance, que ce soit l’alimentation humaine ou animale, ou encore les usages énergétiques, ne semble vraiment à même de prendre le relais.
En ce qui concerne la demande de produits alimentaires, la consommation par habitant devrait rester inchangée à l’échelle mondiale pour de nombreux produits. Cela concerne non seulement des aliments de base comme les céréales et les racines et tubercules, dont les niveaux de consommation sont proches de la saturation dans de nombreux pays, mais également la viande. Dans certaines régions à faible revenu où l’on consomme peu de viande par habitant, comme l’Afrique subsaharienne, la croissance des revenus ne sera pas suffisante pour faire décoller la demande. Plusieurs économies émergentes, en particulier la Chine, ont déjà atteint des niveaux de consommation de viande par habitant relativement élevés. En Inde, où la croissance des revenus est plus forte, le surcroît de pouvoir d’achat se traduit plutôt, du fait des préférences alimentaires, par une demande accrue de produits laitiers, plus prisés que la viande comme source de protéines animales.
Avec une consommation par habitant relativement stable, l’augmentation de la population mondiale sera le principal facteur de croissance de la demande alimentaire, même si elle connaît elle-même un ralentissement dans les dix années à venir, comme l’indiquent les projections. Pour l’essentiel, le surcroît de consommation attendu viendra en effet de pays et de régions à forte croissance démographique comme l’Afrique subsaharienne et l’Inde, ainsi que le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (auxquels le chapitre 2 est consacré), où l’évolution de la demande est appelée à avoir de plus en plus d’influence sur les marchés agricoles internationaux.
Entretemps, la demande d’aliments pour animaux continuera de progresser plus vite que la demande liée à l’alimentation humaine du fait de l’intensification de l’élevage. Comme ces dix dernières années, la Chine sera à l’origine d’une large part de cette croissance qui aura par ailleurs tendance à diminuer.
Enfin, l’évolution récente des politiques bioénergétiques et l’hypothèse d’une hausse relativement modeste du prix du pétrole brut laissent entrevoir une croissance plus modérée de la consommation de produits agricoles pour la production de biocarburants.
Compte tenu de ces évolutions de la consommation globale, alimentaire et non alimentaire, la demande mondiale de produits agricoles devrait croître plus lentement dans les dix années à venir (graphique 1.2).
En ce qui concerne les céréales, la viande, le poisson et l’huile végétale, les taux de croissance diminuent de moitié environ par rapport aux dix dernières années. Le ralentissement est particulièrement marqué pour l’huile végétale, produit qui avait connu la croissance la plus rapide au cours de la dernière décennie, soutenue à la fois par les politiques bioénergétiques, les usages industriels (peintures, lubrifiants, détergents, etc.) et une forte progression de la demande alimentaire. De tous les produits examinés dans les Perspectives, l’huile végétale demeure malgré tout l’un de ceux qui enregistrent la plus forte croissance, avec les produits laitiers et le sucre.
Alimentation humaine : la croissance de la population et des revenus stimule la demande dans les pays en développement
La consommation de la plupart des produits alimentaires va continuer à augmenter sous l’effet de la croissance démographique et de l’élévation du revenu par habitant au cours des dix prochaines années, surtout dans les pays en développement (graphique 1.3). L’Afrique subsaharienne et l’Inde compteront pour une large part de la demande supplémentaire de céréales. La consommation indienne soutiendra la demande de produits laitiers et d’huile végétale, tandis que la Chine continuera de représenter une part importante de l’accroissement de la demande de viande et de poisson.
La contribution importante de l’Afrique subsaharienne et de l’Inde reflète dans une large mesure la forte croissance démographique que l’on continue d’observer dans ce pays et cette région (graphique 1.4). Au niveau mondial, le taux de croissance de la population devrait tomber de 1.1 % à l’heure actuelle à 0.9 % par an en 2027. Depuis 2013 environ, cette croissance fléchit aussi en chiffres absolus, même si elle représente encore quelque 74 millions de personnes de plus par an à l’horizon 2027. L’Afrique subsaharienne, l’Inde, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord concentrent l’essentiel de l’expansion démographique. En Afrique subsaharienne, la croissance s’accélère en valeur absolue : la population s’est accrue de 27 millions de personnes en 2017 et elle augmentera au rythme de 32 millions de personnes par an en 2027.
Outre la croissance démographique, la demande alimentaire est influencée par la hausse du revenu par habitant. Les hypothèses macroéconomiques qui sous-tendent les présentes Perspectives tablent sur une forte augmentation du PIB par habitant en Inde (6.3 % par an) et en Chine (5.9 % par an). Pour l’Afrique subsaharienne, la prévision est une augmentation de 2.9 % par an au cours des dix années à venir, mais avec des variations entre les pays de la région. De plus, comme la hausse des revenus moyens ne se traduit pas nécessairement par une amélioration du pouvoir d’achat des ménages pauvres, on peut penser que la demande alimentaire par habitant restera assez faible en Afrique subsaharienne.
Enfin, l’évolution de la demande tient aussi aux préférences alimentaires. Si la hausse des revenus observée en Chine ces dix dernières années a entraîné une demande accrue de viande et de poisson, en Inde, l’amélioration du niveau de vie devrait surtout faire progresser la consommation de produits laitiers, source de protéines animales préférée de la population. Par leur interaction, les différences régionales en matière de croissance démographique, de hausse des revenus et de préférences alimentaires ont donc des effets qui varient selon les produits.
Céréales : la croissance de la consommation alimentaire dépend surtout de la croissance démographique
Le graphique 1.5 montre le niveau et la composition de la consommation de céréales par habitant dans les grandes régions et au niveau mondial. On y voit des niveaux de consommation par habitant élevés partout dans le monde, en particulier au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, ainsi que la prédominance du blé et du riz dans toutes les régions, sauf en Afrique subsaharienne, où le maïs blanc occupe une place très importante dans la consommation de céréales et l’apport calorique, comme indiqué dans l’encadré 1.1.
Globalement, la consommation de céréales par habitant progresse de moins de 2 % dans les dix années à venir. Cette faible croissance s’explique en grande partie par la quasi-saturation de la consommation dans de nombreuses régions du monde. La consommation de céréales par habitant n’augmente que dans les régions à faible revenu comme l’Afrique subsaharienne, où elle enregistre une hausse de 6.2 % au cours de la prochaine décennie. Dans ces régions, les céréales représentent environ les deux tiers de l’apport énergétique alimentaire, contre environ un tiers dans les pays développés.
Avec une consommation par habitant relativement stable, la croissance démographique sera le principal déterminant de la demande dans les dix années qui viennent, et les régions où elle est la plus forte (Afrique subsaharienne, Inde, Moyen-Orient et Afrique du Nord) compteront aussi pour la majeure partie de la consommation supplémentaire de céréales.
Encadré 1.1. Maïs blanc et sécurité alimentaire en Afrique subsaharienne
Le maïs est une source majeure de calories en Afrique subsaharienne1, où il contribue pour environ 19 % à l’apport énergétique par habitant en moyenne (tableau 1.1). Le produit préféré des consommateurs est le maïs blanc non génétiquement modifié, généralement produit localement ou importé d’autres pays de la région. La production provient essentiellement de petites exploitations qui utilisent peu d’intrants et cultivent le maïs en conditions pluviales, avec des rendements très variables localement. Les déficits sont le plus souvent compensés par des achats à l’intérieur des pays ou au niveau régional ; lorsque cela n’est pas possible, les fluctuations de la production constituent une menace pour la sécurité alimentaire des populations locales.
Le commerce intrarégional représente environ 5 % de la consommation alimentaire de l’Afrique subsaharienne, mais cette proportion varie considérablement selon les pays. L’Afrique du Sud, la Zambie, l’Ouganda et l’Éthiopie sont des producteurs constamment excédentaires, tandis que le Malawi, le Mozambique et la Tanzanie sont tantôt exportateurs, tantôt importateurs, selon les conditions météorologiques. D’autres pays, comme le Kenya et le Zimbabwe, achètent des quantités de plus en plus importantes à l’étranger depuis quelques années ; en 2015-17, leurs importations ont couvert jusqu’à 27 % de leurs besoins.
La majeure partie des échanges s’effectue à l’intérieur de la région. Les politiques commerciales ont généralement pour priorité de stabiliser l’approvisionnement des marchés nationaux, en imposant le cas échéant des contrôles à l’exportation lorsque la production semble déficitaire. Souvent, ces restrictions limitent l’accès aux disponibilités locales et régionales, amplifient les fluctuations des prix et augmentent le coût des importations dans la mesure où les pays concernés doivent s’approvisionner sur les marchés internationaux.
Dans les dix années à venir, le maïs blanc continuera de jouer un rôle essentiel pour la sécurité alimentaire de la région (tableau 1.1). Les Perspectives envisagent de nouvelles hausses de la demande alimentaire en raison à la fois de l’accroissement de la consommation par habitant et d’une forte poussée démographique. Au total, cela devrait se traduire par la consommation d’un volume supplémentaire de 18.4 millions de tonnes de maïs au cours des dix prochaines années, soit environ la moitié de la croissance mondiale de la consommation de maïs.
Tableau 1.1. Apport calorique du maïs et d’autres produits, par habitant
|
2015-17 |
2027 |
||
---|---|---|---|---|
Calories par habitant |
Part dans le total |
Calories par habitant |
Part dans le total |
|
Maïs |
491 |
19% |
515 |
19% |
Autres céréales |
784 |
30% |
827 |
31% |
Autres végétaux |
530 |
20% |
536 |
20% |
Produits animaux |
188 |
7% |
194 |
7% |
Sucre |
130 |
5% |
137 |
5% |
Huile végétale |
217 |
8% |
235 |
9% |
Autre |
255 |
9% |
268 |
10% |
Total |
2 596 |
100% |
2 711 |
100% |
Note : les données se rapportent à la valeur moyenne pour les pays d’Afrique subsaharienne.
Source : OCDE/FAO (2018), “Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO”, Statistiques agricoles de l’OCDE (base de données), http://dx.doi.org/10.1787/agr-outl-data-fr.
Parmi les producteurs régionaux, l’amélioration de la productivité est indispensable pour pouvoir relever, à terme, le « Défi faim zéro ». Il faut aussi des relations commerciales ouvertes et fiables pour garantir la sécurité alimentaire. L’Afrique subsaharienne va de plus en plus dépendre des importations en provenance d’autres régions, car la hausse de la demande ne pourra pas être satisfaite en totalité par la production locale.
1. Cet encadré présente un résumé d’une analyse détaillée du marché du maïs blanc en Afrique subsaharienne, disponible en ligne à l’adresse : www.agri-outlook.org.
Viande et poisson : la convergence des modes de consommation reste limitée au niveau mondial
Contrairement aux céréales, qui sont une composante importante de l’alimentation partout dans le monde, la consommation de viande et de poisson varie sensiblement d’une région à l’autre suivant les régimes alimentaires et les niveaux de revenu (graphique 1.6). La disponibilité de viande et de poisson est particulièrement faible en Afrique subsaharienne, où le bas niveau des revenus limite la consommation, ainsi qu’en Inde, où les produits laitiers représentent une part importante de l’apport protéique (voir plus loin). Elle est en revanche élevée dans les économies avancées et en Amérique latine (non représentée sur le graphique), mais aussi en Chine, où le poisson et la viande porcine représentent plus de la moitié du total.
Au niveau mondial, la consommation totale de viande et de poisson devrait augmenter de 15 % au cours des dix prochaines années, tandis que la consommation par habitant ne progresserait que de 3 %, avec des différences très marquées entre les régions (graphique 1.6). C’est en Afrique subsaharienne que la consommation totale devrait connaître la plus forte croissance (+28 %), mais ce résultat serait dû uniquement à la croissance de la population, car on prévoit que la consommation par habitant reculera de 3 %. En revanche, la consommation par habitant devrait sensiblement progresser en Inde (+12 %, mais à partir d’un niveau bas) et en Chine (+13 %).
Pour la viande, la consommation par habitant enregistrera sa plus forte croissance en valeur absolue dans le monde développé (+2.9 kg par habitant au cours des dix prochaines années), à la faveur de prix en baisse. Il existe donc un fossé croissant avec les pays en développement, où la consommation s’accroîtra de façon plus modeste, de 1.4 kg par habitant, en partie du fait de la limitation des revenus, des faiblesses de la chaîne d’approvisionnement dans certains domaines (absence d’infrastructure pour la chaîne du froid, par exemple) et, dans certaines régions, de la préférence pour des sources de protéines autres que la viande. Dans le monde en développement, les pays les moins avancés (PMA) ne consommeront que 0.3 kg de viande en plus par habitant, en raison de la faible croissance du revenu disponible. D’après les projections, les pays asiatiques de ce groupe consommeraient davantage de viande, mais ceux d’Afrique subsaharienne enregistreraient un recul de leur consommation par habitant pour la viande comme pour le poisson.
La consommation mondiale de volaille par habitant a considérablement augmenté durant la dernière décennie (+16 %), tandis que celle de viande bovine a décru de près de 5 % entre 2008 et 2017. Pour les dix années à venir, on prévoit un accroissement de 5.5 % de la consommation par habitant pour la volaille (généralement la viande la moins coûteuse) et un redressement de la consommation de viande bovine, surtout en Chine, avec une hausse de 3.5 %. La consommation de viande porcine par habitant restera stable au niveau mondial, mais elle devrait fortement augmenter dans les régions et les pays où le porc est très apprécié, comme l’Amérique latine et les Philippines, la Thaïlande et le Viet Nam. La Chine contribuera probablement moins qu’auparavant à la croissance de la consommation totale de viande porcine étant donné le niveau déjà élevé de sa consommation par habitant : de 65 % au cours des dix dernières années, sa contribution à l’expansion de la demande ne serait plus que de 45 % sur les dix prochaines. La viande ovine restera un marché de niche dans la plupart des pays, malgré une croissance de la consommation par habitant de +8 % sur la période de projection, principalement en Chine et dans d’autres pays asiatiques où les habitudes alimentaires se diversifient.
Produits laitiers : la consommation de produits frais s’accroit dans les économies émergentes
Les produits laitiers peuvent se consommer sous plusieurs formes : produits frais, beurre, fromage ou poudres de lait (utilisées par l’industrie agroalimentaire). Les produits frais représentent l’essentiel de la consommation dans les régions en développement et au niveau mondial, tandis que les produits transformés comme le beurre et le fromage occupent une place prépondérante dans le monde développé (graphique 1.7, partie a).
La prédominance des produits laitiers frais devrait encore s’accentuer dans les dix prochaines années, avec une progression de 2.2 % par an de la consommation, soit le taux de croissance le plus élevé de tous les produits considérés. Cette évolution est largement attribuable à l’Inde, où les produits laitiers sont une composante essentielle de l’alimentation. La consommation par habitant devrait également connaître une croissance rapide, à partir de niveaux déjà élevés, en Ukraine et au Kazakhstan.
Si la consommation de produits laitiers frais augmente dans les pays en développement, où l’on prévoit qu’elle s’accroîtra de 8.4 kg par habitant d’ici 2027, elle devrait en revanche diminuer de 1.7 kg par habitant sur la même période dans les pays développés, à mesure que la demande continuera de se reporter sur les produits transformés comme le lait en poudre, le fromage et le beurre d’origine laitière.
Dans les pays à haut revenu, le nouveau regard porté sur les effets sanitaires de la consommation de matières grasses laitières est en partie à l’origine d’une préférence de plus en plus marquée pour le beurre. Malgré des fluctuations de prix très importantes l’an dernier, la demande mondiale de beurre devrait croître de près de 2.2 % par an, soutenue par le niveau élevé et en hausse de la consommation indienne.
Sucre et huile végétale : la consommation augmente en dépit des préoccupations d’ordre sanitaire
À côté des produits laitiers frais, on prévoit aussi des taux de croissance assez élevés pour le sucre et l’huile végétale, dans la mesure où l’urbanisation des pays en développement devrait se traduire par une demande accrue d’aliments prêts à consommer, généralement riches en sucre et en huile.
La demande supplémentaire de sucre émanera pour l’essentiel du monde en développement (94 %), en particulier de l’Asie (60 %) et de l’Afrique (25 %), deux régions importatrices de sucre. D’après les projections, la consommation par habitant augmentera de 2.4 kg par habitant en Inde, de 2.5 kg par habitant en Chine et de 2.9 kg par habitant au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, tandis qu’elle restera stationnaire dans les pays développés (graphique 1.8). En Afrique subsaharienne, la consommation de sucre par habitant devrait s’accroître de 7 %, soit 0.8 kg par habitant, au cours de la prochaine décennie, tandis que la consommation totale, portée par une forte croissance démographique, progresserait de 42 %. Bien que relativement modeste, la hausse de la consommation de sucre par habitant dans la région contraste avec la baisse prévue pour la viande, le poisson et les produits laitiers.
Comme celle des autres produits, la consommation de sucre est influencée par des facteurs locaux ainsi que par le niveau des revenus et les préférences. Par exemple, la consommation par habitant atteint des niveaux élevés au Brésil (premier producteur mondial de sucre) et dans d’autres pays d’Amérique latine, et elle devrait encore augmenter. Elle est également importante dans les pays de l’OCDE, mais les prévisions laissent entrevoir une stagnation en partie due à la constatation qu’une forte consommation de sucre favorise la progression de l’obésité et d’autres maladies non transmissibles. En revanche, même si les niveaux de consommation observés au Moyen-Orient et en Afrique du Nord sont comparables à ceux de l’OCDE, ces facteurs ne devraient pas limiter la consommation de sucre dans la région, ni même l’empêcher de continuer à augmenter au cours des dix prochaines années.
Par rapport à d’autres produits, les prévisions tablent sur une forte croissance de la demande alimentaire d’huile végétale, de 2.0 % par an, même si cela marque un net ralentissement par rapport aux 3.9 % d’augmentation annuelle de la dernière décennie.
Au niveau mondial, il est prévu que la consommation alimentaire d’huile végétale passera de 21 à 23 kg par habitant (graphique 1.9). Dans plusieurs pays en développement, la consommation par habitant se rapproche des niveaux du monde développé, particulièrement en Chine, mais aussi en Inde ainsi qu’au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. En Afrique subsaharienne, par contre, elle se maintient à des niveaux nettement inférieurs à ceux du reste du monde, malgré une prévision de croissance de 6 % (0.6 kg par habitant) sur la période de projection.
Comme on vient de le voir, la forte croissance de la demande alimentaire dans le monde en développement ne correspond pas toujours à une augmentation de la consommation par habitant. En Afrique subsaharienne, par exemple, la demande totale de poisson et de viande progresse vigoureusement, mais cela résulte uniquement de la croissance démographique, car on prévoit par ailleurs une contraction de la consommation par habitant. Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, la disponibilité de viande et de poisson par habitant augmente, mais d’assez peu. Ces deux régions devraient connaître, en revanche, un accroissement de leur consommation de sucre et d’huile végétale par habitant. De manière générale, la disponibilité de calories augmentera moins vite que ces dix dernières années dans les pays les moins avancés, et son accroissement proviendra essentiellement de la consommation de sucre et d’huile végétale, car l’apport de protéines animales par habitant devrait rester faible. La malnutrition restera donc un problème important dans les PMA, comme il est expliqué dans l’encadré 1.2.
Encadré 1.2. Perspectives de la consommation alimentaire et de la nutrition dans les pays les moins avancés
Selon l’Organisation des Nations unies, les pays les moins avancés (PMA) souffrent de graves handicaps et nécessitent à ce titre un appui particulier de la part de la communauté internationale. À l’heure actuelle, les pays qui ont un revenu annuel moyen par habitant inférieur à 1 025 USD, un faible niveau de capital humain et un indice de vulnérabilité structurelle élevé en cas de chocs économiques et environnementaux appartiennent à la catégorie des PMA. On en compte 33 en Afrique, 13 en Asie et dans le Pacifique, et 1 en Amérique latine. Ils représentent 12 % de la population mondiale mais moins de 2 % du PIB de la planète et seulement 1 % du commerce international de marchandises.
La situation économique de plusieurs PMA s’est améliorée au cours des dix dernières années. Globalement, le revenu par habitant des PMA a crû de plus de 3 % par an et la prévalence de la sous-alimentation est tombée de 32.8 % en 2000-02 à 23.8 % en 2010-12. Les estimations pour 2014-16 laissent toutefois entrevoir une remontée de ce taux à 24.4 %, soit l’équivalent de 232 millions de personnes sous-alimentées.
Les conflits et les chocs climatiques subis par la production sont les principaux facteurs qui expliquent la recrudescence récente de la sous-alimentation, en particulier au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Les guerres et les troubles civils ont perturbé les activités économiques, réduit les recettes en devises et désorganisé la production vivrière locale. La dépendance à l’égard des importations alimentaires, en particulier des importations de céréales, demeure élevée dans plusieurs des PMA les plus touchés par l’insécurité alimentaire. Dans les pays où ils se combinent, les conflits et les chocs climatiques ont des conséquences extrêmement préjudiciables pour la sécurité alimentaire des populations. En 2016, ils ont gravement compromis la sécurité alimentaire de 45 millions de personnes dans huit PMA (Afghanistan, Burundi, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Somalie, Soudan du Sud et Yémen).
Les perspectives macroéconomiques laissent entrevoir une croissance annuelle du revenu par habitant de 3 % dans les PMA au cours des dix prochaines années. Cela devrait permettre une nouvelle augmentation de la disponibilité de calories, avec un apport supplémentaire toutefois moindre que dans le passé. Durant la dernière décennie, la disponibilité de calories est passée de 115 kcal à 2 415 kcal par jour dans les PMA. Elle devrait s’accroître de 85 kcal pour atteindre de 2 505 kcal par jour en 2027, soit 30 % de moins que le niveau prévu dans les pays développés, à savoir 3 482 kcal par jour en 2027.
Cette progression limitée de l’apport calorique dans les PMA masque en outre des disparités qui semblent devoir perdurer entre les pays et les régions. Dans les PMA d’Asie, l’apport calorique devrait atteindre près de 2 700 kcal par jour en 2027, alors que dans ceux d’Afrique, il atteindrait seulement 2 450 kcal par jour, malgré un taux de croissance plus rapide. La quantité de calories disponible par jour et par personne dans les PMA a diminué ces dernières années au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, où elle est actuellement de 2 270 kcal en moyenne, mais on prévoit qu’elle remontera pour s’établir à 2 420 kcal en 2027.
Les aliments de base (céréales, légumineuses, racines et tubercules) resteront très probablement la première source de calories dans les PMA, même si leur part diminue peu à peu, passant de 75 % en 2005-07 à 73 % en 2027. L’apport énergétique supplémentaire devrait venir du sucre et des matières grasses, dont la part passerait de 12 % en 2015-2017 à 13 % en 2027.
En ce qui concerne l’apport de protéines, les progrès attendus sont encore plus limités. L’apport protéique moyen restera de 64 grammes par jour environ en 2027 et proviendra surtout des céréales, la disponibilité de protéines animales de qualité ne représentant pas plus de 12 grammes par jour environ. Faute de pouvoir accéder à une alimentation variée, les consommateurs des PMA continueront de manquer de macronutriments et de micronutriments essentiels, et leur régime alimentaire contribuera à aggraver encore des déficits caloriques persistants.
La faible croissance des apports énergétiques et l’absence d’amélioration prévue en matière de nutrition donnent aussi à penser que de nombreux PMA ne seront pas en mesure d’atteindre l’objectif de développement durable fixé par l’ONU qui prévoit l’éradication de la malnutrition sous toutes ses formes d’ici 2030. Pour cela, il faudrait redoubler d’efforts pour apaiser les conflits tout en aidant les petits exploitants à accroître la production locale et à améliorer leur résilience face au changement climatique et aux chocs météorologiques.
Les usages autres que l’alimentation humaine influent sur la demande de plusieurs produits agricoles
Dans la plupart des cas, les produits agricoles examinés ici sont essentiellement destinés à l’alimentation humaine. Toutefois, la demande totale se compose aussi d’autres usages, en particulier l’alimentation animale et la production de biocarburants, qui jouent un rôle important pour plusieurs produits et affichent souvent une croissance plus rapide que la consommation humaine. Tel sera le cas de l’alimentation animale dans les dix prochaines années. En ce qui concerne les biocarburants, en revanche, qui ont largement contribué à la demande de produits agricoles ces dix dernières années, on prévoit un ralentissement au cours de la prochaine décennie.
Alimentation animale : la part de la production végétale mondiale destinée à l'utilisation fourragère augmente
La demande mondiale d’aliments pour animaux s’est établie à 1.6 Gt en 2015-17, et elle devrait encore augmenter pour atteindre 1.9 Gt en 2027, soit une croissance de l’ordre de 1.7 % par an. La demande d’aliments pour animaux progressera donc plus vite que la demande de plusieurs des produits représentés sur le graphique 1.2, et en tout cas nettement plus vite que la demande de céréales destinées à l’alimentation humaine, pour laquelle on prévoit une croissance de 1.1 % par an. Au total, la demande supplémentaire d’aliments pour animaux se chiffrera à quelque 260 Mt en 2027, un peu en deçà de l’accroissement de plus de 300 Mt enregistré au cours de la dernière décennie. La demande d’aliments pour animaux croîtra également plus vite que la demande de viande, signe d’une intensification de la production.
Les principaux produits utilisés en alimentation animale sont le maïs, les tourteaux protéiques, d’autres céréales secondaires (en particulier l’orge et le sorgho), le blé et les sous-produits de la transformation des céréales comme le son. Comme le montre le graphique 1.11, le maïs et les tourteaux protéiques resteront les principales matières premières consommées dans le secteur de l’élevage, comptant pour plus de 60 % de la demande totale d’aliments pour animaux en 2027 (contre 58 % pendant la période de référence). La demande de maïs pour l’alimentation animale devrait croître de 21 % sur les dix prochaines années, et la demande de tourteaux protéiques, de 23 %, beaucoup plus vite que celle des autres aliments pour animaux.
S’agissant des tourteaux protéiques, coproduits de l’extraction d’huile, la demande sera influencée par l’évolution des systèmes d’alimentation animale et par les politiques agricoles menées dans le monde. Ainsi, dans les pays les moins avancés, on prévoit une augmentation de la demande totale de l’ordre de 45 % entre 2015-17 et 2027, en raison de l’intensification de la production animale et du passage aux aliments composés. Pourtant, au niveau mondial, la croissance de la demande de tourteaux protéiques devrait tomber au-dessous de son rythme annuel moyen des dix dernières années (1.7 % contre 4.2 %). La forte expansion de la demande observée récemment, en grande partie attribuable à la Chine, s’explique par le fait que l’intensification de la production de viande dans ce pays a coïncidé avec la fixation de prix de soutien élevés pour les céréales, ce qui a découragé l’utilisation du maïs pour l’alimentation animale. Ces prix ayant baissé depuis 2016, le maïs devrait normalement jouer un rôle plus important dans les systèmes d’alimentation animale chinois au cours des dix prochaines années.
Globalement, la croissance de la demande d’aliments pour animaux masque des différences entre les régions. Ainsi, la Chine contribuera pour environ 30 % à l’accroissement de la demande dans les dix prochaines années, avec une hausse de 25 % de sa propre consommation. Une forte croissance de la demande est également prévue dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (+29 %, soit environ 10 % de la demande supplémentaire au niveau mondial), ainsi qu’au Brésil (+25 %) et en Inde (+31 %). Dans l’Union européenne et aux États-Unis, en revanche, les prévisions tablent sur des taux beaucoup plus bas, respectivement 0.4 % et 11 % sur les dix années à venir, avec, dans le cas européen, un recul attendu de la consommation de viande.
Biocarburants : croissance au Brésil et chez les producteurs émergents
Outre leurs usages alimentaires, les produits agricoles sont utilisés comme matières premières pour la production de biocarburants, parmi lesquels en particulier : l’éthanol, fabriqué essentiellement à partir de maïs et de canne à sucre, et le biodiesel, produit surtout à partir d’huile végétale. La production de biocarburants est très sensible à l’évolution des politiques énergétiques ainsi qu’à la demande totale de carburant, laquelle dépend à son tour du prix du pétrole brut. Dans nombre de pays, les obligations d’incorporation imposent un taux minimum de bioéthanol et de biodiesel dans les carburants. Le lien entre les prix du pétrole et ceux des biocarburants est donc complexe, comme il est expliqué plus en détail dans l’encadré 1.3. Les projections de référence des Perspectives ont été établies sur la base des politiques en vigueur dans les principales régions. Elles sont donc très sensibles à l’évolution de ce cadre d’action.
Dans la seconde moitié des années 2000, diverses politiques ont commencé à encourager la production de biocarburants et ont conduit à une forte augmentation de la production mondiale d’éthanol et de biodiesel. Logiquement, on a donc utilisé de plus en plus de maïs et de canne à sucre, au niveau mondial, pour produire de l’éthanol, et de plus en plus d’huile végétale pour produire du biodiesel (graphique 1.12). Encouragé par les pouvoirs publics, cet essor des biocarburants a été un facteur de croissance majeur de la demande de maïs, de canne à sucre et d’huile végétale au cours de la dernière décennie.
Pour les dix prochaines années, on prévoit une stabilisation de la demande de ces matières premières agricoles pour la fabrication de biocarburants, dans la mesure où les objectifs d’incorporation obligatoire ne devraient pas augmenter aussi rapidement que durant les dix dernières années, ce qui laisse entrevoir un ralentissement de la production de biocarburants sur la période considérée. Pour l’éthanol, la croissance de la production mondiale ne serait plus que de 0.7 % par an, soit 12 milliards de litres supplémentaires au cours des dix prochaines années, contre 3.9 % par an et 64 milliards de litres supplémentaires durant les dix années précédentes. Pour le biodiesel, la production n’augmenterait que de 5 milliards de litres (0.4 % par an) sur la période de projection, contre 29 milliards de litres (9.5 % par an) au cours de la décennie précédente.
Par ailleurs, on assiste à une modification dans la composition de la demande de biocarburants, avec un déplacement vers les pays en développement, où les pouvoirs publics favorisent de plus en plus le marché national. Pour l’éthanol, les principaux marchés sont les États-Unis, le Brésil, la Chine et l’Union européenne. Aux États-Unis et dans l’Union européenne, la baisse de la demande de carburant pèsera très probablement sur la consommation d’éthanol, tandis qu’au Brésil, en Chine et en Thaïlande, celle-ci devrait augmenter à la faveur de mesures incitatives. En Chine, la demande pourrait encore s’accroître avec la mise en place des nouvelles prescriptions proposées pour l’éthanol (voir la section consacrée aux biocarburants). Au total, les pays en développement contribueraient ainsi pour 84 % à la demande supplémentaire d’éthanol au cours des dix prochaines années.
Pour le biodiesel, les principaux marchés sont l’Union européenne, les États-Unis, le Brésil, l’Argentine et l’Indonésie. Comme dans le cas de l’éthanol, on prévoit une baisse de la demande qui se répercutera sur la consommation d’huile végétale dans l’Union européenne et aux États-Unis. La demande devrait en revanche augmenter au Brésil, en Argentine, en Indonésie et dans d’autres pays en développement, principalement grâce aux mesures de soutien prises par les pouvoirs publics.
Consommation humaine, aliments pour animaux et combustibles : des sources concurrentes pour la demande de céréales
En plus d’être une source importante et relativement peu coûteuse de calories, les céréales sont largement utilisées comme matières premières pour l’alimentation animale et la production de carburants, ne serait-ce qu’en raison de la facilité avec laquelle elles se prêtent à la transformation. Cette plasticité a pour conséquence que les usages alimentaires des céréales peuvent entrer en concurrence avec leurs usages non alimentaires, surtout lorsque ceux-ci se développent rapidement.
Comme le montre le graphique 1.13, entre 2005-7 et 2017, la demande mondiale de céréales s’est accrue de quelque 520 Mt pour passer à 2.6 milliards de tonnes. Elle devrait encore augmenter de 360 Mt au cours des dix années à venir, mais sa composition va changer. Alors que les carburants ont contribué pour une large part à la croissance de la demande ces dix dernières années (plus de 120 Mt), cela ne devrait plus être le cas au cours des dix prochaines, la croissance étant dorénavant tirée par l’alimentation humaine et l’alimentation animale, deux autres composantes qui représentent ensemble la quasi-totalité de la demande supplémentaire attendue.
En ce qui concerne la demande de céréales par type de culture (partie b), au cours des dix dernières années, le maïs a contribué à hauteur de près de 330 Mt à la demande supplémentaire de céréales (520 Mt), soit plus de 60 %. Dans les dix années à venir, la consommation de maïs devrait s’accroître de 164 Mt et ne plus représenter que 46 % de la croissance de la demande. Ce ralentissement correspond à l’évolution prévue dans le secteur des biocarburants. Pour le riz comme pour le blé, la croissance sera vraisemblablement plus vigoureuse, avec une demande supplémentaire de 97 Mt de blé et de 66 Mt de riz, majoritairement liée aux usages alimentaires. Après dix ans de demande stagnante, les autres céréales secondaires devraient connaître un regain d’intérêt se traduisant par une croissance de plus de 32 Mt au cours de la prochaine décennie. L’évolution prévue de la demande de céréales, telle qu’elle ressort des projections, reflète donc celle de trois composantes : l’alimentation humaine, l’alimentation animale et la production de biocarburants.
Production
Si les dix années passées ont été caractérisées par une demande solide et des prix agricoles élevés, qui ont entraîné une forte augmentation de la production pour l’ensemble des produits, la décennie à venir sera marquée par une croissance plus lente de la production agricole totale. À en croire la série d’hypothèses actuellement posées, les secteurs de l’agriculture et de la pêche devraient voir leur production s’amplifier de 1.5 % par an au cours de la prochaine décennie, soit une croissance totale de 16 % au cours de la période considérée. Cette croissance s’expliquera principalement par une hausse de la productivité, sans progression notable de l’utilisation des terres agricoles au niveau mondial, bien que ce constat varie selon les produits et les régions. Les tendances observées dans les principales régions productrices sont étudiées plus en détail ci-après.
La production progressera sans modification majeure de l’utilisation des terres agricoles à l’échelle mondiale
Les terres constituent un intrant essentiel de la production agricole, aussi bien pour les cultures que pour le pâturage. En agriculture, la croissance de la production peut résulter de l’agrandissement de la superficie exploitée, ou de l’augmentation de la production par unité de terre. L’utilisation des terres étant en grande partie déterminée par des caractéristiques agro-écologiques, la superficie agricole disponible et la part des terres cultivées par rapport aux pâturages varient considérablement selon les régions (graphique 1.14). On estime que depuis 1960, la superficie agricole totale a progressé d’environ 10 %, avec une augmentation principalement observée avant 1990, et une stabilité relative depuis cette date, qui devrait se maintenir au niveau mondial au cours des dix prochaines années.
Les prairies, utilisées pour le pâturage des ruminants tels que les bovins, les ovins et les caprins, se concentrent principalement dans trois régions : les Amériques, qui détiennent à elles seules plus d’un quart des prairies mondiales ; l’Afrique subsaharienne, qui en possède 21 % ; et l’Asie de l’Est et du Sud, avec 17 %. Si les Amériques et l’Asie de l’Est et du Sud arrivent également en tête de la production mondiale de viande de ruminants, avec une production commune équivalant à plus de 60 % de l’offre mondiale en 2015-17, l’Afrique subsaharienne n’y contribue qu’à hauteur de 8 % environ (graphique 1.15). Ce chiffre met en évidence la faible ampleur et le caractère traditionnel de ce secteur. À l’opposé, l’Europe occidentale possède la plus petite part des prairies mondiales (2 %), mais contribue pourtant à 11 % de la production mondiale de viande de ruminants en 2015-17, ce qui traduit le caractère industriel de la production de viande dans les économies avancées de cette région.
L’évolution de la production de viande de ruminants ne s’accompagnera pas des modifications correspondantes au niveau de la superficie totale des pâturages au cours de la période de projection. Bien que la production mondiale devrait augmenter de 16 % pour la viande bovine et de 21 % pour la viande ovine, sous l’effet d’une hausse de la production dans les Amériques, en Asie de l’Est et du Sud et en Afrique subsaharienne, les superficies consacrées aux pâturages demeurent en grande partie identiques. En outre, le secteur de la viande de non-ruminants, qui ne nécessite pas de pâturages, devrait également croître au cours de la décennie à venir, avec une production totale de volaille et de viande porcine en hausse de 18 % et 11 %, respectivement.
Environ la moitié des surfaces cultivées dans le monde sont consacrées aux céréales et aux oléagineux. Compte tenu de la pénurie observée, la superficie totale des terres arables exploitées ne devrait pas connaître de variation notable au cours de la prochaine décennie, et le maintien de la croissance de la production passera nécessairement par le renforcement de la productivité. Néanmoins, les modifications au niveau de l’affectation des terres et des rendements varieront selon les cultures et les régions. S’agissant du maïs et des autres céréales, la hausse de la production résultera principalement de meilleurs rendements, et non d’une plus grande utilisation des terres (à l’exception du maïs cultivé en Amérique latine). Pour les autres cultures, notamment le soja, l’utilisation des terres jouera un rôle plus important, puisque l’on s’attend à une expansion des surfaces cultivées et à une intensification des cultures en Amérique latine (Brésil, Argentine) (graphique 1.16).
Les rendements devraient augmenter plus rapidement en Afrique subsaharienne, malgré un niveau de départ bas, avec des taux de croissance élevés pour presque toutes les cultures. Cette tendance fait apparaître le potentiel productif de cette région, mais également les rendements relativement faibles observés à l’heure actuelle pour la plupart des principaux produits. En comparaison, l’Europe occidentale et les Amériques verront leurs rendements croître plus modérément, la productivité étant déjà élevée pour la plupart des cultures. Le graphique 1.16 montre que les rendements du maïs atteindront 8.0 t/ha en Europe occidentale à l’horizon 2027, et 8.6 t/ha dans les Amériques, contre seulement 2.5 t/ha en Afrique subsaharienne.
Les régions en développement développent et intensifient la production agricole
Au cours de la décennie à venir, l’expansion de la production agricole se concentrera de manière disproportionnée dans les pays en développement (graphique 1.17). La hausse la plus rapide devrait être observée en Afrique subsaharienne ainsi qu’en Asie de l’Est et du Sud, qui devrait également enregistrer le taux de croissance le plus élevé en valeur absolue. De manière générale, la production progressera moins dans les pays développés, notamment en Europe occidentale, où la production agricole et halieutique devrait augmenter d’environ 3 % seulement durant la période considérée.
La production bénéficiera d’une plus grande disponibilité de semences de haute qualité, d’engrais et d’autres technologies, mais pourrait aussi être entravée par des préoccupations liées à la durabilité. Les politiques agricoles mises en œuvre dans le monde pèseront également sur les décisions relatives à la production. Par exemple, la politique agricole de l’Inde vise à stimuler la croissance agricole de manière à atteindre des objectifs internes de sécurité alimentaire, tandis que d’autres pays comme la Chine ou l’Argentine tendent à s’aligner davantage sur les marchés mondiaux. Puisque ces tendances ont des répercussions différentes selon les régions et les produits, leurs facteurs sous-jacents sont examinés plus en détail ci-dessous.
Afrique subsaharienne : des gains de productivité dans les aliments de base
Bien que regroupant plus de 13 % de la population et presque 20 % des terres agricoles mondiales, l’Afrique subsaharienne ne contribue qu’à une part relativement faible de la production agricole mondiale. Sa production est en effet freinée par des conditions agro-écologiques difficiles, un accès et un recours limités aux technologies ainsi qu’une croissance économique souvent à peine plus rapide que l’expansion démographique. Parmi les produits analysés dans les présentes Perspectives, la région se distingue dans la catégorie des « autres céréales secondaires » (notamment le millet, le sorgho et le teff), dont elle représente aujourd’hui 14 % de la production mondiale.
On attend cependant une forte croissance de la production agricole pour la prochaine décennie. La production végétale devrait augmenter de 30 %, tandis que la production de viande, de produits laitiers et de poisson devait gagner 25 %, 25 % et 12 % respectivement. Cette progression s’accompagnera d’une expansion des superficies cultivées pour le maïs, le soja et la canne à sucre, ainsi que d’une hausse générale de la productivité. Les engrais, les pesticides, les semences améliorées et d’autres technologies telles que la mécanisation et l’irrigation – généralement peu répandus dans les petites exploitations qui caractérisent la région – pourraient entraîner des gains de productivité notables.
Malgré la forte croissance prévue, la sécurité alimentaire de la région demeurera tributaire des marchés mondiaux car la capacité de production intérieure ne permettra toujours pas de répondre à des besoins de consommation grandissants. Parallèlement, les pays africains sont devenus des fournisseurs régionaux de certains produits. Ainsi, la Zambie présente régulièrement un excédent de production de maïs qu’elle peut exporter. L’huile végétale est elle aussi disponible en quantité, car les pays d’Afrique occidentale cherchent à promouvoir l’huile de palme, dont la production se développe rapidement, en particulier au Nigéria. L’amélioration des rendements devrait participer à la hausse de 22 % de la production d’huile de palme en Afrique subsaharienne durant la période étudiée. De même, les meilleurs rendements observés au niveau de la production de teff permettront à l’Éthiopie de contribuer à près d’un cinquième de la croissance de la production mondiale d’autres céréales secondaires.
Une croissance vigoureuse est également attendue pour le coton (+ 33 % au cours de la période de projection), la canne à sucre (+ 18 %) et le sucre (+ 34 %). Le renforcement des rendements contribuera au développement de la production de coton, en particulier au Burkina Faso. Bien que la région affiche une croissance parmi les plus rapides s’agissant de la production de sucre et de canne à sucre, l’Afrique subsaharienne contribuera toujours à moins de 5 % de la production mondiale de ces deux produits à l’horizon 2027.
La production agricole est confrontée à de nouvelles difficultés, qui pourraient mettre à mal ces prévisions. Des colonies de chenilles légionnaires d’automne ont récemment fait leur apparition dans 28 pays de la région avec des répercussions potentiellement graves pour le développement de la production de maïs, de riz, de sorgho, de canne à sucre et de soja, et par extension, pour la sécurité alimentaire (voir encadré 1.4).
Asie de l’Est et du Sud : la croissance de la production reste forte en dépit des défis de développement durable
L’Asie de l’Est et du Sud (qui englobe la Corée, la Chine, l’Inde, le Japon et les pays d’Asie du Sud-Est) est le premier producteur mondial de tout un éventail de produits agricoles. Malgré des obstacles importants en termes de terres, d’eau et de pénurie de main d’œuvre, la région est à l’origine de près de 40 % de la production mondiale de céréales (dont près de 90 % de la production mondiale de riz) ; de près de 40 % de la production mondiale de viande ; de plus de la moitié de la production d’huiles végétales ; et de près de 70 % de la production aquacole et halieutique mondiale.
De nouveaux défis vont probablement apparaître au cours de la décennie à venir, comme la nécessité de concilier des niveaux élevés de production avec des normes de plus en plus strictes en faveur d’une production durable. La région devrait néanmoins voir sa production agricole et halieutique progresser de 17 % au cours de la période étudiée.
Au cours de la période étudiée, l’augmentation de la production végétale reposera pour une large part sur l’amélioration des rendements, qui progresseront de 10 % pour le blé, de 12 % pour le maïs et le riz, de 15 % pour le coton et de 20 % pour le soja. Bien que ces chiffres coïncident avec les tendances mondiales, les rendements des oléagineux devraient monter en flèche en Inde, sous l’effet d’investissements dans les technologies de la production et de l’information telles qu’eNAM, plateforme d’échanges de produits agricoles en ligne. D’après les prévisions, la production et la trituration d’oléagineux vont aussi se renforcer étant donné que l’Inde cherche à répondre à une demande croissante d’huile végétale.
L’Indonésie et la Malaisie demeureront les principaux fournisseurs mondiaux d’huile de palme. Les présentes Perspectives entrevoient une intensification de la production au sein des plantations existantes, car les possibilités d’expansion des superficies exploitées sont limitées, et ce d’autant plus que la communauté internationale milite en faveur d’une plus grande durabilité de la production dans ce secteur.
L’Asie de l’Est et du Sud restera l’un des principaux fournisseurs mondiaux de viande et de produits laitiers, avec respectivement 39 % et 44 % de la production mondiale à l’horizon 2027. La production laitière devrait croître de 41 % au cours de la période étudiée, avec des hausses relevées de 44 % pour le beurre et 40 % pour le lait. La production de viande progressera quant à elle de 18 %. L’augmentation de la production de volaille et de viande ovine se fera sous l’impulsion de la Chine, de l’Inde et de la Thaïlande, tandis que la filière viande porcine connaîtra une croissance plus lente du fait d’un ralentissement de la production chinoise.
La production aquacole et halieutique gagnera 15 % en Asie de l’Est et du Sud, même si la Chine prévoit de réduire sa production de poisson au cours de la décennie à venir et de pousser son secteur à adopter des pratiques plus durables. Si la Chine met pleinement en œuvre son 13e plan quinquennal, le secteur de la pêche devrait reculer d’environ 29 % à l’horizon 2027 et celui de l’aquaculture progresser de 20 %, contre 31 % en l’absence de plan. Compte tenu de possibilités limitées à l’échelle mondiale pour combler cet écart de production, les prix mondiaux du poisson seront tirés vers le haut (une analyse plus détaillée figure dans le chapitre consacré aux produits halieutiques et aquacoles).
Dans la région, la production de biocarburants augmentera également sous l’impulsion de la Chine, qui devrait devenir le troisième producteur mondial d’éthanol, avec 11 milliards de litres d’ici à 2027. Près de la moitié de cette production servira à produire des biocarburants ; le reste sera réservé à des utilisations industrielles. Cette prévision ne tient pas compte de l’impact possible d’une proposition de nouvelles prescriptions nationales visant l’E10 qui, si elle était adoptée, pourrait faire grimper la production chinoise d’éthanol à 29 milliards de litres à l’horizon 2027, ce qui équivaut au niveau de production prévu au Brésil (les conséquences possibles de ces nouvelles prescriptions sont analysées plus précisément dans le chapitre consacré aux biocarburants). La Thaïlande devrait également jouer un rôle de premier plan sur les marchés régionaux et mondiaux de l’éthanol, avec une production de 3.2 milliards de litres d’ici à 2027. L’Indonésie restera quant à elle le premier producteur de biodiesel de la région (4.3 milliards de litres en 2027).
En Inde, les décideurs cherchent à favoriser la croissance de la production agricole en vue d’atteindre des objectifs nationaux de sécurité alimentaire ; les politiques mises en œuvre viseront probablement à encourager l’investissement dans le secteur agricole intérieur en le protégeant de la concurrence des produits importés via des droits de douane et des mesures de soutien aux producteurs. Si les mesures prises par l’Inde devraient se répercuter sur la production intérieure et épargner les marchés mondiaux, les mesures adoptées par la Chine, à l’égard des céréales notamment, vont probablement ébranler les marchés mondiaux en entraînant des fluctuations des prix, des déstockages et la réglementation des importations. Enclenchée en 2016, la baisse des prix garantis visant le maïs aura des répercussions sur la production intérieure et mondiale de maïs, de soja et d’autres céréales secondaires au cours des dix prochaines années.
Moyen-Orient et Afrique du Nord : une meilleure croissance économique devrait stimuler la production agricole
Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, le secteur agricole a toujours souffert de l’instabilité politique et de conditions agro-écologiques défavorables à la production végétale. Au cours de la décennie à venir, la région devrait cependant entrer dans une période de croissance économique plus soutenue, qui se traduira par une progression de 16 % de la production agricole et halieutique. La hausse de la production agricole sera tributaire de l’innovation, qui renforcera la productivité dans un contexte de rareté de l’eau et des terres arables dans l’ensemble de la région.
L’élevage constitue la première source de valeur ajoutée agricole dans la région, avec une production de viande et de produits laitiers essentiellement concentrée en Iran et en Égypte. La volaille représente l’essentiel de la viande produite dans ces pays, qui seront tous deux marqués par une croissance vigoureuse et des améliorations de la productivité au cours de la prochaine décennie. La production de lait, de maïs et d’oléagineux se développera par ailleurs plus rapidement que durant la décennie précédente. La région n’en demeurera pas moins un importateur net de ces produits ainsi que de l’ensemble des autres produits de base, compte tenu des divers obstacles auxquels elle est confrontée.
De plus amples informations sur les tendances relatives à la production de la région figurent au chapitre 2, qui propose une analyse détaillée du secteur agricole accompagnée de prévisions ventilées pour la plupart des pays concernés.
Amériques: les secteurs agricoles axés sur l'exportation répondent à la demande mondiale
Au même titre que l’Asie de l’Est et du Sud, les Amériques figurent parmi les grands producteurs de la plupart des produits étudiés dans les présentes Perspectives. La région est à l’origine de près de 90 % de la production mondiale de soja et contribue en grande partie à la production mondiale de céréales (28 %) et en particulier de maïs (52 %). Elle tient par ailleurs une position importante au niveau des produits à forte valeur ajoutée, comme les tourteaux protéiques, le sucre et le biodiesel, dont elle assure respectivement 41 %, 39 % et 42 % de la production mondiale. L’expansion des superficies exploitées et l’intensification des cultures prévues au cours des dix prochaines années laissent entrevoir un accroissement de la production végétale de 14 % dans la région.
Au Brésil, l’expansion des surfaces cultivées entraînera une hausse de la production de sucre – dont le pays est le premier producteur mondial – de 1.9 % par an, et contribuera à hauteur de 1.8 % à la croissance annuelle du secteur de l’ensemble de la région. Cette hausse intervient en dépit des baisses de replantation et de la concurrence entre la production de sucre et celle d’éthanol de canne à sucre, le Brésil étant également l’un des chefs de fil mondiaux de la production de biocarburants. La production brésilienne d’éthanol devrait croître de 1.5 % par an au cours de la période étudiée. La part du Brésil dans la production mondiale devrait cependant être ramenée de 90 % à 88 % en raison d’un développement rapide de la production en Asie.
La production mondiale de soja restera dominée par les États-Unis et le Brésil. Ce dernier maintiendra son positionnement en intensifiant sa culture, qu’il pratique en seconde récolte sur des parcelles dédiées au maïs. Cette hausse offrira une source d’intrants supplémentaires pour le secteur laitier de la région ainsi que pour la production mondiale de tourteaux protéiques et d’huiles végétales. Dans ce contexte, la Colombie devrait devenir un exportateur net d’huile végétale au cours de la période étudiée, en élargissant la superficie consacrée aux plantations de palmiers à huile, tandis que le Paraguay suivra la tendance observée au Brésil, en agrandissant les superficies dédiées à la culture du soja et en développant ses activités de trituration des oléagineux.
La production de tourteaux protéiques devra s’intensifier pour répondre aux besoins d’alimentation du secteur de l’élevage, en plein essor dans la région. Les États-Unis et le Brésil demeureront les principaux producteurs mondiaux de viande, moyennant une expansion de leurs cheptels. La hausse de production anticipée est de 17 % pour le bœuf et le porc, de 16 % pour la volaille et de 9 % pour le mouton. Les produits animaux, tels que le lait et les œufs, connaîtront une croissance semblable. La production de poisson devrait quant à elle grimper de 10 % au cours de la période considérée, avec une hausse majeure dans le secteur de l’aquaculture (+ 43 %), au Brésil et au Chili notamment.
Europe orientale et Asie centrale : une place de plus en plus importante sur le marché mondial des céréales
En Europe orientale et en Asie centrale (région dans laquelle la Fédération de Russie, l’Ukraine, le Kazakhstan et la Turquie se positionnent en tant que principaux producteurs agricoles), la production agricole a progressé rapidement au cours de la décennie passée dans un contexte de reprise économique générale et d’investissements massifs dans la modernisation de l’agriculture. Les dix prochaines années devraient être marquées par une hausse de la production agricole et halieutique de 14 %.
S’agissant des cultures arables, la région conservera sa position de deuxième producteur de blé, en relevant sa part dans la production mondiale à près de 22 % à l’horizon 2027. La production de maïs progressera également de 17 % au cours de la période de projection, même si la part mondiale de la région demeurera relativement basse, à moins de 6 % d’ici à 2027. Concernant la production mondiale de tournesol et de colza, la région verra sa part passer de 21.5 % en 2015-17 à 25 % à l’horizon 2027, sous l’effet d’une expansion de la superficie exploitée, qui sera compensée par une réduction de la superficie consacrée aux racines et tubercules.
Ces évolutions de la production végétale sont largement imputables à la situation en Fédération de Russie, où l’expansion des superficies cultivées s’est traduite par un accroissement de la production de soja, d’autres oléagineux, de céréales et de betterave sucrière. Dans le reste de la région, l’augmentation des rendements a eu des effets contrastés sur la croissance de la production.
Le secteur de l’élevage va croître, aussi bien du point de vue de la production de viande que de cette de produits laitiers, accompagné d’une augmentation de la superficie de pâturage de 2 % au cours de la période étudiée. La filière viande enregistrera une croissance de 16 % dans la région, malgré une hausse de la production bien plus lente en Fédération de Russie. La production russe de produits laitiers sera stable au cours des dix prochaines années (après un recul de 0.7 % par an au cours de la décennie passée). Dans l’ensemble de la région, la production de lait progressera de 1.1 % par an, et le secteur de la transformation laitière devrait privilégier la production de fromage, qui devrait entraîner une croissance annuelle de 1.7 %.
Contrairement aux tendances observées en Fédération de Russie, la Turquie devrait voir sa production de viande augmenter. L’agrandissement des cheptels et l’amélioration des rendements seront de mise pour la production de bœuf, de mouton et de volaille, qui sera en partie dictée par une politique d’autosuffisance visant la viande rouge au cours de la période de projection. Parallèlement, le secteur turc du coton, qui présente l’un des rendements les plus élevés de la planète, verra également sa production progresser. Cette dernière reposant sur l’utilisation de semences non génétiquement modifiées, la hausse des rendements proviendra de la mécanisation, de l’irrigation et du recours à des semences améliorées.
Océanie : les réglementations environnementales limitent la croissance du secteur de l'élevage
L’Océanie est un producteur agricole important et un exportateur net de viande, de produits laitiers et de céréales. Comme dans la plupart des autres régions, les pays vont voir leur production de principaux produits de base croître plus lentement que durant la décennie passée.
Bien que les prévisions tendent en faveur d’un renforcement de la productivité au cours de la décennie à venir, la part mondiale de viande ovine en provenance d’Australie et de Nouvelle-Zélande va décroître à mesure que la production des pays en développement va augmenter. Ce déclin relatif s’observera parallèlement à un ralentissement de la production de lait lié à des obstacles fonciers et à des restrictions environnementales. Par conséquent en Nouvelle-Zélande, la production de lait va gagner 1.5 % par an, contre 3.3 % par an au cours de la décennie précédente. La région se caractérise en outre par une production importante de lait écrémé ou entier en poudre, dont elle sera à l’origine de 17 % et 27 % de l’offre mondiale respective à l’horizon 2027.
Au cours de la prochaine décennie, l’huile de coprah va s’imposer en tant que produit de niche dans les pays de la région, conduisant à une croissance annuelle de la production d’huile végétale de 2.2 %. S’agissant du coton, l’agrandissement de 16 % de la superficie exploitée au cours de la période étudiée entraînera une hausse de la production. Cette dernière devrait s’élever de 23 % en Australie, en raison notamment de l’adoption de variétés génétiquement modifiées.
La production totale de poisson augmentera de 19 % et continuera de jouer un rôle majeur pour la sécurité alimentaire de nombreux petits États insulaires en développement de la région.
Europe occidentale : Productivité élevée maintenue dans un cadre réglementaire et de ressources stricts
Les pays d’Europe occidentale (qui regroupe l’UE, la Suisse et la Norvège) détiennent des parts importantes dans la production mondiale d’autres céréales secondaires (orge, avoine, seigle ; 31 % de la production mondiale) ; d’autres oléagineux (colza, tournesol ; 20 %) ; de blé (20 %) ; de lait (21 %) ; et de viande (15 %). Durant la décennie qui s’ouvre, ces parts devraient chuter à mesure que les autres pays et régions vont voir leur croissance s’accélérer.
Ce déclin sera plus particulièrement marqué pour le biodiesel, avec une part régionale passant de 40 % à 34 %, conséquence d’une chute de la production avoisinant 4 % au cours de la période de projection, à la suite d’une baisse de la demande de diesel. Malgré tout, l’Europe occidentale restera le deuxième producteur de biodiesel à l’échelle de la planète. Une inconnue majeure repose sur la possible révision à la baisse du taux d’incorporation obligatoire, qui pourrait engendrer une baisse radicale de la production.
La production agricole et halieutique totale de la région va progresser d’environ 3 % d’ici à 2027, ce qui correspond au taux de croissance le plus faible pour la période de projection. Malgré cela, et en dépit des possibilités limitées d’expansion de la superficie exploitée, la région se distingue par une productivité et des rendements élevés, qui lui permettent de rester l’un des principaux fournisseurs mondiaux de nombreux produits agricoles.
Étant donné que la superficie exploitée pour diverses cultures telles que les autres oléagineux, les betteraves sucrières, les racines et les tubercules devrait diminuer au cours de la période étudiée, la croissance de la production végétale proviendra pour l’essentiel de l’amélioration des rendements, ce qui mérite d’être souligné dans cette région qui présente déjà quelques-uns des rendements les plus élevés au monde pour l’ensemble des produits agricoles. La production de poisson va elle aussi connaître une progression limitée, du fait principalement de mesures de gestion et de protection de l’environnement strictes.
Le système européen de quotas sucriers a été supprimé en 2017. Il permettait par le passé de maintenir les prix européens du sucre à un niveau plus élevé que les marchés mondiaux tout en limitant la capacité de réaction des producteurs. La suppression annoncée de ce système a entraîné, en 2017, un agrandissement de 14 % de la superficie agricole consacrée à la culture de la betterave sucrière par rapport à l’année précédente, mais puisqu’au cours de la décennie à venir les prix européens vont baisser pour s’aligner sur les marchés mondiaux, les superficies cultivées devraient être réduites et ramenées au niveau observé avant 2017. Parallèlement, les rendements de la betterave sucrière continueront de s’amplifier. Il en résultera une progression de 2.5 % de la production européenne entre la période de référence (2015-17) et 2027.
Des pratiques de gestion et une politique de l’environnement strictes vont faire obstacle au développement des secteurs de la pêche, de l’élevage et des produits laitiers. Durant la période étudiée, des mesures telles que la directive européenne sur les nitrates –qui limite les rejets de nitrates issus de l’activité agricole afin de préserver la qualité de l’eau – devraient entraver la croissance de la production de lait et, partant, celle de la production de viande bovine. Malgré le ralentissement de la production de lait frais, qui s’élèvera de 8 % au cours de la prochaine décennie (contre 10 % durant les dix années passées), la production régionale de lait écrémé et de lait entier en poudre progressera de 10 % et 18 % respectivement d’ici à 2027. S’agissant du lait entier en poudre, cette croissance est nettement supérieure au niveau de la décennie passée.
Échanges
La spécialisation des régions s’intensifie
Les disparités climatiques et géographiques, notamment la disponibilité en terres agricoles de bonne qualité, déterminent la structure de l’avantage comparatif dans la production des différents produits agricoles., Avec les disparités de densité et de croissance démographiques et les facteurs liés à l’action publique, cela détermine les flux d’échanges entre régions. Les pays qui ont une croissance et une densité démographiques faibles et qui sont richement dotés en ressources naturelles deviennent en général exportateurs de produits agricoles, tandis que ceux affichant une croissance démographique rapide, une densité de population élevée et une dotation en ressources naturelles peu favorable deviennent généralement importateurs.
Le graphique 1.18 montre l’évolution passée et projetée des balances commerciales agricoles par région. Ces balances reflètent dans l’ensemble les lignes de force présentées ci-dessus qui, d’après les projections, devraient s’accentuer avec le temps dans la plupart des régions.
Exportateurs nets : les exportateurs traditionnels augmentent leurs parts de marché pour la plupart des produits
Les Amériques et l’Océanie sont depuis longtemps des exportateurs nets de produits agricoles. Dans les Amériques, l’excédent global se répartit à peu près également entre l’Amérique du Nord (États-Unis et Canada) et l’Amérique latine et les Caraïbes (principalement Brésil et Argentine). En Océanie, l’Australie représente environ 60 % de l’excédent global, la Nouvelle-Zélande contribuant au reste.
Alors que l’excédent des échanges agricoles de l’Océanie est resté stable dans le temps, celui des Amériques affiche une forte hausse. Les exportations nettes ont augmenté au fil des années, les producteurs s’employant à répondre à la demande internationale croissante de maïs, de soja et de viande, entre autres. Cet excédent commercial des Amériques devrait encore s’accentuer au cours de la période de projection.
Ces dernières années, la région Europe orientale et Asie centrale est devenue un important exportateur agricole. Cette mutation s’explique par l’amélioration des résultats à l’exportation de la Fédération de Russie et de l’Ukraine. La Fédération de Russie est passée du statut d’importateur net à exportateur net vers 2013. En Ukraine, les échanges agricoles étaient globalement équilibrés jusqu’en 2007, où les exportations nettes ont commencé à fortement augmenter. Cette progression marquée des exportations russes et ukrainiennes se reflète dans les parts que ces pays détiennent dans les exportations mondiales de maïs et de blé (graphique 1.19). Avant 2008, l’Ukraine assurait moins de 5 % des exportations mondiales de maïs. En 2011, sa part était passée à 15 %. La part détenue par la Russie dans les exportations mondiales de maïs reste plus modeste, mais elle est néanmoins passée de pratiquement 0 % en 2010 à 4 % du total mondial. S’agissant du blé, les positions respectives sont inversées. L’Ukraine comme la Fédération de Russie exportent depuis longtemps leurs excédents de blé dans le monde, même si avant 2012 leurs parts des exportations étaient généralement très variables. Depuis lors, celles-ci se sont accrues tout en devenant moins fluctuantes. Désormais 9 % des exportations mondiales de blé sont réalisées par l’Ukraine, tandis que 19 à 20 % le sont par la Fédération de Russie, ce qui en fait le plus gros exportateur.
Importateurs nets : Accroissement des déficits commerciaux dans les pays à croissance démographique rapide
La région Asie de l’Est et du Sud fait partie des principaux importateurs nets, même si les chiffres agrégés masquent une très forte hétérogénéité entre les pays. L’Indonésie et la Malaisie sont des exportateurs nets bien établis (en grande partie du fait de l’huile de palme), tandis que le Japon est un importateur net depuis longtemps, même si son déficit commercial agricole est resté généralement constant dans le temps. À l’inverse, depuis 2000, le déficit commercial agricole de la Chine s’est fortement accentué, contribuant pour un montant de 40 milliards USD en 2017 au déficit de 70 milliards USD de la région (en dollars constants de 2004-06). Les importations nettes de la Chine (et par conséquent de l’ensemble de l’Asie de l’Est et du Sud) devraient progresser dans la décennie à venir, mais à un rythme plus lent.
Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, d’une part, et l’Afrique subsaharienne, d’autre part, sont deux régions qui ont elles aussi connu un accroissement de leur déficit commercial agricole. Toutefois, les importations occupent une place très différente dans la satisfaction des besoins de consommation de ces deux régions. Si elles représentent à peine 20 % de la consommation des produits alimentaires de base en Afrique subsaharienne, elles couvrent en revanche environ 57 % de cette consommation dans la région Moyen‑Orient et Afrique du Nord. L’évolution de la dépendance de cette région à l’égard des importations est examinée plus en détail au chapitre 2.
Le déficit commercial agricole de l’Europe occidentale (imputable essentiellement à l’Union européenne) a culminé en 2007. Depuis lors, il a reculé de près de moitié pour s’établir à environ 10 milliards USD (aux prix de 2004-06), et il devrait encore régresser de moitié environ au cours de la période étudiée.
Commerce des produits halieutiques et aquacoles
Les évolutions régionales de la balance globale des échanges agricoles peuvent masquer des différences dans la structure des importateurs et exportateurs nets de certains produits, notamment des produits halieutiques et aquacoles qui, parmi les produits couverts dans ces Perspectives, font l’objet du commerce le plus intense. Si les États-Unis sont un gros exportateur net de produits agricoles et la Chine en est un gros importateur net, la situation est inverse pour les produits halieutiques et aquacoles. Au fil du temps, ces disparités régionales se sont accentuées : depuis le début des années 1990, les importations nettes ont augmenté dans l’UE, aux États-Unis et en Afrique subsaharienne (entre autres), alors que les exportations nettes ont progressé en Norvège, au Viet Nam et en Chine. Pour ce qui est des exportations nettes, elles devraient continuer de croître au Viet Nam et en Norvège, mais leur déclin est prévu en Chine sous l’effet d’une réduction de la production halieutique et aquacole, conjuguée à une croissance de la demande intérieure.
La croissance des échanges agricoles se ralentit
Pour tous les produits agricoles étudiés dans les Perspectives, la croissance du volume des échanges devrait ralentir sensiblement, comme il ressort du graphique 1.20. Pour certains produits comme le lait écrémé en poudre, le soja, et les céréales, le volume des échanges a fortement augmenté cette dernière décennie, son taux de croissance passant de 4 % à 8 % par an. Durant la prochaine décennie, compte tenu du ralentissement de la demande, le volume des échanges augmentera à un rythme beaucoup plus lent. Le plus fort taux de croissance attendu (qui concerne le riz) n’est que de 2.2 % par an, alors que pratiquement aucune progression des échanges de certains produits (les biocarburants, par exemple) ne devrait être enregistrée.
L’importance des échanges varie selon les produits, comme il ressort du graphique 1.21. Pour un grand nombre de produits agricoles, la part de la production exportée est faible. Moins de 7 % de la production mondiale de viande porcine et environ 8 % de la production mondiale de beurre font l’objet d’échanges internationaux : cette part est de 9 % pour le riz et de 10 % pour le biodiesel. Ce n’est que pour quelques produits que les échanges absorbent au moins un tiers de la production mondiale : il s’agit notamment du coton, du sucre et du soja, ainsi que des huiles végétales et des poudres de lait, qui font l’objet d’un niveau de transformation plus poussé.
Les poudres de lait pouvant être transportées à un coût moindre que les autres produits laitiers, elles représentent une part particulièrement élevée des exportations. Comme indiqué précédemment, la plupart des produits laitiers sont consommés sous forme de produits frais (graphique 1.7) et donc généralement dans le pays qui les produit.
Le fait de n’assurer qu’une part restreinte des exportations mondiales ne signifie pas que les échanges commerciaux ne sont pas importants. Les importations de produits agricoles sont indispensables à la sécurité alimentaire d’un grand nombre de pays en développement. La dépendance à l’égard des importations est particulièrement élevée dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord, comme il ressort de l’analyse menée au chapitre 2.
Les exportations agricoles restent concentrées dans un petit groupe de pays
Un petit nombre de pays dotés d’un avantage comparatif en matière de production réalisent souvent la majeure partie des exportations mondiales de produits agricoles : cette situation devrait perdurer durant les dix prochaines années (graphique 1.22). Même pour des produits dont les exportations sont relativement moins concentrées, comme la viande bovine ou le blé, les cinq premiers pays exportateurs assurent plus des deux tiers du total mondial. Pour ce qui est du soja et de la viande porcine, cette part dépasse même 90 %.
De plus, même pour certains produits dont les cinq premiers exportateurs détiennent une part plus modeste, un seul pays domine souvent. C’est ainsi le cas du sucre (dont le Brésil assure à lui seul 45 % des exportations mondiales), des autres oléagineux (dont le Canada dont les exportations représentent 54 % des exportations mondiales), des racines et tubercules (dont la Thaïlande assure 56 % des exportations mondiales), et de plusieurs produits laitiers. Pour ce qui est du fromage, l’Union européenne exporte près d’un tiers du total mondial, part qui devrait encore augmenter. S’agissant du beurre et du lait entier en poudre, la Nouvelle-Zélande réalise plus de la moitié des exportations mondiales.
En revanche, les exportations de lait écrémé en poudre sont plus également réparties entre les principaux exportateurs. En 2015-17, les parts des exportations de l’UE, des États-Unis et de la Nouvelle-Zélande s’établissaient respectivement à 30 %, 25 % et 19 % ; dans les dix années à venir, les États-Unis devraient accroître leur part des exportations mondiales mais sans modifier ce classement. Les exportations sont aussi moins concentrées pour le poisson destiné à la consommation humaine, dont moins de la moitié du volume des exportations mondiales devrait être réalisée par les cinq premiers exportateurs en 2027.
Le graphique 1.22 indique pour chaque produit la valeur de l’indice Hirschman-Herfindahl (IHH), indicateur couramment utilisé pour mesurer la concentration du marché. Un indice IHH élevé témoigne d’une forte concentration des exportateurs, tandis qu’une valeur basse de cet indice est le signe d’une plus grande « égalité », les parts de marché étant réparties de manière plus équilibrée entre les participants. Cette mesure, qui exprime la domination relative des exportateurs, vient compléter l’information fournie par la somme des parts de marché des cinq premiers exportateurs. L’indice Hirschman-Herfindahl reflètera une concentration relativement plus élevée si un seul grand exportateur domine le marché, comme c’est le cas pour le sucre, les autres oléagineux et le lait entier en poudre.
Dans l’ensemble, les taux de concentration sont généralement stables, ce qui ne devrait guère changer durant la décennie à venir. Cette concentration élevée des exportations agricoles porte en elle un risque de perturbation grave du marché mondial en cas d’interruption des exportations résultant soit de chocs sur la production (mauvaises récoltes, par exemple), soit de changements d’orientation des politiques chez les principaux exportateurs. De telles interruptions pourraient avoir une incidence sur les prix et sur l’offre locale, ainsi que des répercussions sur la sécurité alimentaire.
Par rapport aux exportations, les importations agricoles sont en règle générale plus dispersées – autrement dit, les flux de produits agricoles s’écoulent d’un petit nombre d’exportateurs vers un grand nombre d’importateurs (graphique 1.23). Pour le riz et le blé, par exemple, les cinq premiers importateurs absorbent conjointement moins de 30 % des exportations mondiales ; pour la plupart des produits examinés dans les Perspectives, la part des cinq premiers importateurs est inférieure à 60 %. De même l’indice Hirschman-Herfindahl est généralement plus bas pour les importations que pour les exportations.
Les oléagineux (soja et autres oléagineux), les racines et tubercules, et les autres céréales secondaires constituent des exceptions notables, du fait de la prépondérance de la demande chinoise. Actuellement, la Chine absorbe 63 % du total des exportations mondiales de soja, part qui devrait s’accroître quelque peu durant la décennie à venir. Pour les racines et tubercules, la Chine devrait porter sa part des importations mondiales de 53 % à 58 %. Le soja et les racines et tubercules enregistrent aussi un taux élevé de concentration des exportateurs. Les échanges mondiaux de soja sont donc dominés par les exportations des États-Unis et du Brésil vers la Chine, tandis que ceux de racines et tubercules (manioc) le sont par les exportations de la Thaïlande et du Viet Nam vers la Chine.
Comme dans le cas des exportations, le taux de concentration des importations par produit va évoluer dans les dix prochaines années, mais sans afficher de tendance marquée à la hausse ou à la baisse. La concentration des importations de lait écrémé en poudre, de coton et de racines et tubercules, entre autres, devrait augmenter, tandis que la dispersion de celles de viandes de volaille, de bœuf et surtout de porc devrait s’accroître. Pour la viande porcine, les échanges mondiaux devraient continuer de se développer, mais les volumes importés par les deux principaux importateurs (Chine et Japon) devraient reculer au cours de la période considérée. La Chine devrait régresser derrière le Japon désormais au premier rang des importateurs de viande porcine ; à eux deux, ces pays devraient absorber 29 % des exportations mondiales en 2027, contre 34 % durant la période de référence.
Prix
Les prix réels de la plupart des produits agricoles devraient baisser
Les Perspectives recourent à des prix internationaux de référence qui sont ceux constatés sur les principaux marchés (par exemple, ports des États-Unis, Bangkok) pour chaque produit agricole et elles établissent des projections concernant ces prix. Sur le court terme, les projections relatives aux prix restent influencées par les événements récents (sécheresses, changements de politique, par exemple). En revanche, plus on s’approche de la fin de la période de projection et plus elles sont déterminées par les conditions fondamentales de l’offre et de la demande.
Les prix des différentes catégories de produits comme les céréales, les oléagineux, les produits laitiers et la viande sont étroitement corrélés. Au cours des dix années à venir, ces prix devraient baisser en valeur réelle (graphique 1.24). Les prix réels devraient donc être inférieurs aux sommets atteints durant la période 2006-8 pour les céréales et les oléagineux, et durant la période 2013-14 pour la viande et les produits laitiers, mais ils devraient être supérieurs aux niveaux du début des années 2000.
De plus amples détails sont fournis pour chaque produit agricole par le graphique 1.25 qui montre la variation annuelle moyenne des prix en valeur réelle durant la période de projection. Dans un contexte de baisse générale des prix réels, l’évolution prévue pour les produits laitiers se distingue nettement. Après la « bulle du beurre » de 2017, les prix réels du beurre devraient enregistrer un recul annuel moyen de 2 %, les prix fléchissant davantage au début de la période de projection, mais les prix du lait écrémé en poudre devraient augmenter de 1 % par an. Ce dernier est, avec le lait entier en poudre, l’un des seuls produits couverts par les Perspectives dont, d’après les projections, les prix ne devraient pas baisser en valeur réelle.
L’évolution des prix réels des produits agricoles reflète l’équilibre entre les facteurs susceptibles de faire monter les prix (tels qu’un accroissement de la demande suscité par la croissance démographique et la hausse des revenus) et les facteurs susceptibles de les faire baisser (tels que les gains de productivité qui augmentent la production sans utilisation d’intrants supplémentaires). L’évolution des prix réels, telle qu’elle ressort du graphique 1.25, indique que, selon les hypothèses retenues dans les Perspectives, les facteurs qui réduisent les prix, principalement la croissance de la productivité, devraient prédominer dans les dix années à venir.
Malgré une tendance à la baisse, le risque de flambée des prix subsiste
Les prix des produits agricoles sont en général volatils dans la mesure où l’offre comme la demande sont relativement insensibles aux variations de prix à court terme. Des chocs temporaires ou des incertitudes dans les projections ont donc un impact relativement plus fort sur les prix que sur les niveaux de consommation ou de production. L’évolution des prix présentée ici fait la synthèse des interactions entre les déterminants de l’offre et de la demande, mais la volatilité à court terme peut être à l’origine d’écarts considérables par rapport à cette évolution générale.
Pour évaluer les incertitudes entourant les prix, on a réalisé une analyse stochastique partielle des projections retenues dans les Perspectives. Cette analyse stochastique simule la variabilité des marchés agricoles en réalisant 1 000 simulations différentes pour des variables entre autres macroéconomiques, telles que le prix du pétrole, la croissance économique, les taux de change et les chocs de rendement. Pour chaque simulation, le modèle Aglink-Cosimo sur lequel reposent les Perspectives est appliqué pour établir différentes projections relatives aux prix. Celles-ci peuvent donner une indication sur la sensibilité des estimations.
Le degré de variation pris en compte dans l’analyse stochastique repose sur la variabilité passée, ce qui signifie que des chocs plus extrêmes que ceux observés par le passé ne sont pas pris en compte dans cette analyse. De surcroît, l’analyse n’est que partielle car elle ne rend pas compte de toutes les sources de variabilité susceptibles d’avoir une incidence sur les marchés agricoles. Par exemple, elle ne reflète pas les incertitudes liées aux maladies des animaux car ce facteur est difficile à quantifier. Les principales sources d’incertitudes pesant sur les marchés agricoles prises en compte dans l’analyse stochastique sont (Araujo-Enciso et al., 2017) :
les déterminants macroéconomiques mondiaux – Un caractère d’incertitude est attribué aux valeurs de 32 variables : produit intérieur brut (PIB) réel, indice des prix à la consommation (IPC), et déflateur du PIB des États-Unis, de l’Union européenne, de la Chine, du Japon, du Brésil, de l’Inde, de la Fédération de Russie et du Canada ; taux de change du dollar des États-Unis par rapport aux monnaies nationales de ces sept derniers pays ou région ; et prix mondial du pétrole.
les rendements agricoles – L’incertitude présentée par les rendements de 17 cultures dans 20 grands pays producteurs est également analysée ; l’analyse donne un total de 78 rendements incertains selon le pays et le produit.
Le graphique 1.26 montre l’évolution attendue des prix réels de certains produits selon le scénario de référence des Perspectives sous forme d’une ligne en trait plein. Il indique la sensibilité des projections de prix à l’aide d’un intervalle de confiance à 90 % autour de la projection ; 90 % des prix simulés dans l’analyse stochastique se situent dans l’intervalle grisé. Selon les hypothèses retenues dans cette analyse stochastique, la probabilité que les prix restent dans l’intervalle grisé est chaque année de 90 %. Par conséquent, la probabilité que les prix restent dans cet intervalle durant toute la décennie est beaucoup plus faible, puisqu’elle est égale à (0.90)10 soit environ 35 %. La probabilité que les prix se trouvent en dehors de cet intervalle (soit au-dessus, soit en dessous) à un moment donné de la prochaine décennie est donc de 65 %.
Il importe de noter que cet intervalle grisé ne rend pas compte de toutes les incertitudes entourant les prix projetés, mais seulement des incertitudes liées aux variables prises en compte dans l’analyse stochastique. Par conséquent, l’intervalle est en général plus large autour des produits végétaux que des produits animaux, étant donné la sensibilité des rendements aux conditions météorologiques. Parmi les produits végétaux, le prix du riz est celui qui varie le moins dans l’ensemble des différentes simulations de l’analyse stochastique, en partie parce que les rendements du riz paddy sont moins sensibles aux conditions météorologiques une fois le repiquage décidé. (En revanche, les chocs météorologiques ont une incidence sur les superficies rizicoles car l’inondation des champs de paddy est une condition préalable à leur mise en culture, mais les variations de superficie ne sont pas prises en compte actuellement dans l’analyse stochastique). En revanche, la plus forte variation de prix concerne les biocarburants (éthanol et biodiesel), qui combinent les incertitudes relatives à la production physique avec de plus fortes incertitudes pesant sur la demande. De manière générale, l’incertitude est asymétrique car il existe plus de possibilités de flambée des prix que de baisse des prix.
Projections relatives à l’évolution de l’indice FAO des prix des produits alimentaires
Une autre manière d’évaluer l’évolution des prix consiste à étudier la trajectoire attendue de l’indice FAO des prix des produits alimentaires. Introduit en 1996, cet indice prend en compte l’évolution des prix nominaux d’un panier de produits agricoles appartenant à cinq catégories de produits, pondérés en fonction de la part moyenne à l’exportation de chacune des catégories pour la période 2002-2004. Comme l’indice de la FAO couvre les mêmes produits que ceux étudiés dans les Perspectives, l’évolution de cet indice peut être considérée comme constituant un indicateur synthétique de l’évolution des prix nominaux des produits agricoles (graphique 1.27).
Compte tenu des conditions de l’offre et de la demande postulée dans les Perspectives, les prix nominaux des produits alimentaires tels que synthétisés par l’indice FAO des prix des produits alimentaires ne devraient augmenter que de 0.8 % par an au cours des dix prochaines années. En termes réels, l’indice FAO des prix des produits alimentaires devrait accuser une baisse durant la prochaine décennie. Les prix tant nominaux que réels devraient rester inférieurs aux sommets atteints entre 2008 et 2014, mais supérieurs aux niveaux enregistrés au début des années 2000.
Risques et incertitudes
Les Perspectives associent des projections établies à l’aide du modèle Aglink-Cosimo et des contributions d’experts sur l’évolution probable des déterminants des marchés agricoles. Les projections présentées dans les Perspectives sont donc sensibles aux hypothèses sous-jacentes telles que celles relatives aux conditions macroéconomiques et aux politiques correspondantes examinées dans l’encadré 1.6. Bien que reposant sur les meilleures informations disponibles au moment de leur élaboration, ces hypothèses sont intrinsèquement incertaines. De plus, un certain nombre de facteurs non expressément pris en compte pourraient avoir une incidence sur les marchés agricoles mondiaux dans les dix années à venir. Dans ces domaines, les incertitudes tendent à s’accumuler au fil du temps. Sur l’horizon à dix ans qui est celui des Perspectives, des écarts temporaires par rapport à la tendance risquent de masquer les évolutions effectives, même si les projections sont saines.
Certaines de ces incertitudes peuvent être quantifiées. Par exemple, l’impact d’un scénario alternatif en matière de prix du pétrole est examiné dans l’encadré 1.3. L’analyse stochastique partielle introduite dans la section précédente peut aussi fournir des informations utiles sur la sensibilité des projections des Perspectives aux changements intervenant dans les conditions macroéconomiques et les rendements agricoles. Plusieurs autres facteurs sont plus difficiles à quantifier ; leur impact potentiel est examiné ci-après.
Encadré 1.3. Impact d’un scénario alternatif en matière de prix du pétrole
L’hypothèse relative aux prix du pétrole brut durant la période de projection repose sur le prix moyen du baril selon les prévisions de la Banque mondiale relatives au prix des matières premières (World Bank Commodities Price Forecast) annoncées en octobre 2017. D’après ces prévisions, les prix nominaux devraient progresser à un taux annuel moyen de 1.8 % au cours de la période couverte par les Perspectives, passant de 54.7 USD le baril en 2017 à 76.1 USD le baril en 2027.
Pour tester la sensibilité des projections des Perspectives à cette hypothèse, une analyse de scénario a été menée à partir d’un autre prix du pétrole tiré du scénario « Nouvelles politiques » élaboré par l’Agence internationale de l’énergie (AIE) dans l’édition 2017 de son rapport World Energy Outlook (Perspectives énergétiques mondiales). Dans ce scénario alternatif, les prix nominaux du pétrole augmentent pour s’établir à 122.2 USD en 2027, soit un niveau supérieur de 61 % à celui du scénario de référence.
Une forte variation du prix du pétrole aurait aussi une incidence sur les hypothèses relatives au PIB qui sous-tendent les Perspectives, en particulier pour les économies exportatrices de pétrole. Pour intégrer ces effets, l’analyse de scénario a pris en compte la réaction du PIB au prix du baril mis en évidence par une récente étude du Centre commun de recherche de la Commission européenne (CCR) (Kitous et al., 2016).
Une hausse du prix du pétrole accroît les coûts de production du secteur agricole en entraînant une augmentation du prix des carburants et des engrais, ainsi qu’un renchérissement général des coûts lié à la montée de l’inflation. Une hausse du prix des carburants peut aussi avoir un impact, qui s’exerce dans deux sens opposés, sur la demande de produits agricoles destinés aux marchés des biocarburants. D’un côté, une hausse des prix fait baisser la demande de carburants pour les transports, ce qui réduit à son tour la demande de biocarburants liée à l’obligation d’incorporation. De l’autre, une hausse du prix du pétrole brut favorise son remplacement par des biocarburants. Cet effet est plus marqué pour le biodiesel que pour l’éthanol, dont la part dans l’essence est déjà proche de son maximum technique sur plusieurs grands marchés.
Ce scénario semble indiquer que la hausse du prix du pétrole aurait un impact négatif mais faible sur la production de la plupart des produits agricoles. Pour ce qui est du maïs, par exemple, la production mondiale serait inférieure de 0.7 % à celle que prévoient les projections de référence. Les effets seraient plus marqués s’agissant des biocarburants : une hausse du prix du pétrole ferait progresser la production mondiale de biodiesel de 2.5 % par rapport au niveau de référence, tandis qu’elle ferait baisser celle d’éthanol de 1.5 %.
Une hausse du prix du pétrole aurait aussi une incidence sur les prix agricoles. Les prix nominaux du maïs, du blé, du soja et des huiles végétales seraient tous supérieurs de 10 à 11 % à ceux prévus par les projections de référence, tandis que les prix nominaux des produits animaux et laitiers seraient supérieurs de 6 à 8 %. Une plus forte hausse est attendue pour le biodiesel, pour lequel l’augmentation de la demande, des coûts de production et de l’inflation se traduirait par des prix nominaux supérieurs de 27 % à ceux figurant dans les projections de référence.
Plusieurs facteurs influent sur le degré de répercussion du prix du pétrole sur celui des produits agricoles. Le scénario suppose que la hausse du prix du baril tient à des facteurs liés à l’offre, de sorte que cette hausse réduit la demande de carburants pour les transports, ce qui à son tour restreint la demande de biocarburants liée à l’obligation d’incorporation. Si la hausse du prix du pétrole tenait à un accroissement de la demande de carburants pour les transports, elle s’accompagnerait d’une plus forte croissance de la demande de biocarburants et, par conséquent, d’une plus forte hausse des prix agricoles.
Un autre facteur est l’impact d’une hausse du prix du pétrole sur le prix des engrais. Auparavant, un prix élevé du pétrole allait de pair avec un prix élevé du gaz naturel, principale matière première des engrais azotés. Le prix du gaz naturel était souvent indexé sur celui du pétrole, ce qui établissait un lien direct entre les deux. Ces dernières années, les prix pétroliers et gaziers semblent se « découpler », ce qui est de nature à affaiblir le lien entre le prix du pétrole et celui des engrais. Par contre, il semble probable qu’une augmentation forte et soutenue des prix du pétrole tout au long de la décennie, comme l’envisage le scénario, s’accompagnerait d’une hausse du prix du gaz naturel – qu’elle soit due aux modalités de fixation des prix du gaz ou à des effets de substitution. Le scénario suppose donc que le prix du pétrole brut aura effectivement un impact sur le prix des engrais.
Sources : Kitous, A., Saveyn, B., Keramidas, K., Vandyck, T., Rey Los Santos, L., Wojtowicz, K. (2016), « Impact of low oil prices on oil exporting countries », JRC Science for Policy Report, EUR 27909 EN (doi :10.2791/718384).
Analyse stochastique partielle
Dans la section précédente, on a eu recours à une analyse stochastique partielle pour obtenir une indication sur la plage d’incertitude entourant les prix réels projetés pour divers produits agricoles. Cette analyse stochastique apporte aussi des éclairages sur certains aspects des Perspectives. Un moyen de représenter et de comparer l’impact de l’incertitude sur les résultats prévus est le coefficient de variation pour la dernière année de projection, 2027. Le coefficient de variation (CV) est défini comme l’écart-type divisé par la moyenne et peut donc s’interpréter comme un écart en pourcentage par rapport à la projection « centrale » des Perspectives.
Le graphique 1.28 compare les coefficients de variation de la consommation, de la production, des échanges, des prix (nominaux) et des stocks de maïs, au niveau mondial. Alors que le coefficient de variation de la consommation avoisine 1 %, la variabilité de la production est plus forte, puisqu’elle atteint près de 3 %. Pour les échanges, le coefficient de variation se situe autour de 5 %. La variabilité des prix, de l’ordre de 14 %, est nettement supérieure, la plus forte variabilité étant celle des stocks, qui s’établit à 16 %.
Ce résultat reflète deux caractéristiques essentielles des marchés agricoles mondiaux. D’une part, la demande et l’offre de nombreux produits agricoles étant relativement moins sensibles aux prix, les chocs dont elles font l’objet donnent lieu à des ajustements relativement importants des prix. D’autre part, les échanges et les stocks servent de mécanismes régulateurs et sont donc plus variables. Les stocks peuvent servir à lisser la consommation en cas de fluctuations de la production. De même, les échanges permettent aux pays d’accroître leurs importations pour assurer la stabilité de la consommation en cas de faiblesse de la production.
Autres incertitudes pesant sur les Perspectives
Si l’analyse stochastique partielle rend compte de l’incertitude entourant un ensemble de facteurs qui pèsent sur l’évolution des marchés agricoles, beaucoup d’autres incertitudes sont toutefois plus difficiles à quantifier, quoique tout aussi importantes, en particulier celles associées aux politiques publiques.
Demande
Du côté de la demande, une source importante d’incertitudes réside dans les politiques de biocarburants sur les grands marchés, notamment en Chine. Le gouvernement chinois a récemment proposé de généraliser à l’ensemble du territoire national, d’ici à 2020, l’obligation d’incorporation d’éthanol, déjà en vigueur dans 11 provinces tests. Les conséquences possibles sont examinées plus en détail dans le chapitre sur les biocarburants, mais des estimations préliminaires indiquent que cette mesure fera passer la consommation chinoise d’éthanol de 18 milliards de litres à 29 milliards de litres. Cette augmentation s’inscrira dans le cadre d’une production mondiale d’éthanol qui, d’après les projections, devrait atteindre 131 milliards de litres en 2027. Si, pour faire face à cette demande supplémentaire, la Chine fait appel à ses ressources nationales, ses réserves de maïs pourraient être en grande partie consommées ; si elle recourt par contre aux importations, l’effet sur les marchés agricoles pourrait être considérable.
L’évolution des préférences des consommateurs pourrait aussi avoir une incidence sur les marchés. Des projections relatives à certaines évolutions de la demande des consommateurs peuvent être établies à partir de tendances actuelles, telles que la diminution de la place des céréales et l’augmentation de la demande de protéines liées à la hausse des revenus moyens. Des mutations, telles que le développement du végétarisme et du véganisme, ou la préférence grandissante pour les produits locaux ou biologiques, sont plus difficiles à évaluer, mais il s’agit là généralement d’évolutions plus lentes et d’une importance souvent limitée pour les marchés mondiaux. En revanche, les inquiétudes sanitaires autour de l’alimentation peuvent susciter une baisse de la demande à court terme, tout en ayant parfois des conséquences durables.
L’obésité et le surpoids sont de plus en plus souvent considérés comme des problèmes de santé publique dans un grand nombre de pays. Diverses mesures ont été mises en place pour enrayer le développement de l’obésité, qui vont de l’information et l’éducation aux obligations d’étiquetage et d’indication de la composition des produits, en passant par les subventions et les taxes (principalement sur le sucre et les boissons sucrées). D’autres mesures pourraient être instaurées durant la période de projection, en vue d’agir sur le niveau de consommation calorique ainsi que sur la composition des régimes alimentaires.
Offre
La production agricole est une activité atypique de par sa vulnérabilité aux aléas naturels, notamment aux intempéries et aux maladies susceptibles de porter atteinte aux productions végétale et animale. Par le passé, les maladies ont souvent été à l’origine d’importantes perturbations sur les marchés agricoles ; il est possible que des perturbations analogues se produisent durant la période couverte par les Perspectives (voir encadré 1.4 pour un examen de la menace que fait peser, par exemple, la chenille légionnaire d’automne). Comme indiqué précédemment, les exportations agricoles sont généralement concentrées dans un petit nombre de pays ; toutes choses étant égales par ailleurs, le risque existe qu’un choc se produisant dans un seul pays ait des répercussions sur l’ensemble des marchés mondiaux.
Encadré 1.4. La lutte contre la chenille légionnaire d’automne en Afrique subsaharienne
La chenille légionnaire d’automne (Spodoptera frugiperda) est un insecte originaire des Amériques qui a été détecté pour la première fois en Afrique centrale et occidentale début 2016. Depuis lors, elle s’est propagée dans la plupart des pays de l’Afrique subsaharienne et risque d’atteindre l’Afrique du Nord (FAO, 2017). Les experts craignent qu’à moyen terme, elle n’atteigne l’Europe du Sud et l’Asie, voire, en période d’été, l’Europe du Nord. Aux Amériques, agriculteurs, chercheurs et pouvoirs publics, qui luttent contre la chenille légionnaire d’automne depuis plusieurs décennies, ont limité les pertes au minimum. Mais en Afrique subsaharienne, la majorité des producteurs de maïs ont de petites exploitations et n’ont pas accès aux connaissances ou aux intrants nécessaires pour lutter contre ce nouveau ravageur. Alors que certaines études reposant sur les perceptions des producteurs affirment qu’en l’absence de toute méthode de lutte contre la chenille légionnaire d’automne, les pertes pourraient atteindre 53 % de la production (Day et al., 2017), la majorité des essais au champ donnent des pertes de rendement inférieures à 20 %.
L’invasion de ce ravageur en Afrique subsaharienne ne semble pas avoir empêché la redressement de la production de maïs après deux années consécutives de sécheresse prononcée en Afrique australe. En 2017, la production céréalière a augmenté d’environ 16 Mt par rapport à 2016, portant la production globale à 80 Mt, soit un niveau supérieur à la moyenne. Les Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO prévoient le maintien de cette tendance positive, la production de maïs de la région devant atteindre environ 93 Mt en 2027. Ces projections supposent que les méthodes de lutte contre la chenille légionnaire d’automne deviennent suffisamment efficaces pour permettre des gains soutenus de production.
Néanmoins, ces méthodes ne sont pas faciles à mettre en œuvre et la chenille légionnaire d’automne pourrait devenir une menace pour la sécurité alimentaire de la région. Elle pourrait mettre en péril la production de céréales et d’autres cultures car, à la différence des Amériques, la majeure partie de la production céréalière de l’Afrique subsaharienne est assurée par de petits exploitants, dont les cultures sont généralement plus vulnérables aux ravageurs et aux maladies et dont la capacité de lutte contre leurs attaques est limitée.
Les projections figurant dans les Perspectives prennent en compte la chenille légionnaire d’automne en tant que source importante d’incertitude. En même temps, de graves pertes de production devraient être évitées par les initiatives déjà lancées, notamment le Programme d’action quinquennal de la FAO à l’appui de la gestion durable de la chenille légionnaire d’automne en Afrique. Ce programme prévoit la participation de chercheurs, de pouvoirs publics et de petits producteurs d’Amérique latine qui possèdent une grande expérience de la lutte contre ce ravageur. Les méthodes et les outils mis en œuvre dans cette région devraient permettre d’en juguler efficacement les infestations en Afrique subsaharienne.
Il est possible que la chenille légionnaire d’automne atteigne progressivement l’Afrique du Nord et qu’à partir de là, elle se propage en Europe et en Asie. À la différence de l’Afrique subsaharienne qui est plutôt un marché régional, la propagation de la chenille légionnaire d’automne en Afrique du Nord, en Europe et en Asie pourrait poser des problèmes au marché mondial du maïs, car ces régions comportent de grands importateurs et exportateurs de maïs. S’il est encore trop tôt pour évaluer les conséquences d’un tel phénomène, des efforts sont cependant déjà déployés pour assurer un suivi efficace et une détection précoce du ravageur. Ces efforts devraient à terme permettre aux agriculteurs et aux pouvoirs publics de mener en temps utile les actions qui s’imposent pour enrayer la propagation de la chenille légionnaire d’automne et en atténuer les effets.
Sources :
FAO (2017), Gestion durable de la chenille légionnaire d’automne en Afrique. Programme d’action de la FAO, 6 octobre 2017. http://www.fao.org/3/a-bt417f.pdf
Day, R et al. (2017), « Fall Armyworm: Impacts and Implications for Africa », Outlooks on Pest Management, vol. 28, no 5, pp. 196-201.
Des changements réglementaires peuvent avoir une incidence sur la production agricole : ce peut être le cas, par exemple, de l’introduction de mesures qui interdisent certaines pratiques de production (telles que l’utilisation des pesticides néonicotinoïdes) ou qui en accroissent le coût. De même, les mesures d’atténuation du changement climatique peuvent avoir des conséquences préjudiciables pour la production animale, en particulier l’élevage de ruminants, qui contribue aux émissions de méthane. En revanche, les progrès de nouvelles technologies, telles que l’agriculture numérique ou l’agriculture de précision, ou les nouvelles techniques de sélection végétale pourraient améliorer la productivité agricole au-delà de ce que prévoient actuellement les Perspectives.
Le secteur de l’agrofourniture affiche actuellement une tendance à la consolidation et à la concentration de ses marchés. Cette évolution, qui est perceptible sur les marchés, entre autres, des produits phytopharmaceutiques, des semences et biotechnologies associées, et des engrais, fait craindre qu’un recul de la concurrence ne réduise les dépenses privées de recherche et développement (R-D).
S’agissant des secteurs halieutique et aquacole, le changement de politique en Chine constitue une source importante d’incertitude car il peut avoir un impact sur l’offre, la demande et les prix mondiaux en raison du rôle clé que joue le pays dans ce secteur. Les conséquences potentielles sont examinées plus en détail dans le chapitre sur les produits halieutiques et aquacoles.
Échanges
Depuis quelques années, le climat des échanges internationaux est entaché d’incertitudes grandissantes qui sont susceptibles d’avoir une incidence sur les flux d’échanges agricoles.
Un certain nombre de problèmes commerciaux actuels relatifs à des produits agricoles (tels que l’interdiction des importations en Fédération de Russie, le différend relatif aux exportations de biodiesel par l’Argentine et par l’Indonésie vers les États-Unis, et l’enquête antidumping de la Chine visant les importations de sorgho en provenance des États-Unis) pourraient avoir des effets bilatéraux importants pour certains produits, mais ne devraient pas avoir de grandes répercussions au niveau mondial ni sur l’ensemble des produits (encadré 1.5). Toutefois, même si ces problèmes finissent par être résolus, les flux d’échanges entre les pays peuvent s’en trouver modifiés de manière permanente, les exportateurs trouvant de nouveaux marchés et les importateurs trouvant de nouvelles sources d’approvisionnement.
Encadré 1.5. Impacts possibles d’une application par la Chine de droits de douane supplémentaires sur les importations de produits agricoles en provenance des États-Unis
La Chine est le plus gros partenaire commercial des États-Unis. Le total de ses exportations de marchandises vers les États-Unis est passé de 84 milliards USD en 2000 à 506 milliards USD en 2017. En termes de solde extérieur, les États-Unis accusent un déficit annuel d’environ 375 milliards USD par rapport au total du commerce de marchandises, alors qu’ils affichent un excédent d’environ 20 milliards USD sur les produits agricoles, dont 13 milliards USD proviennent de leurs exportations de soja.
En mars 2018, les États-Unis ont instauré des droits de douane supplémentaires sur les importations d’acier et de produits d’aluminium, et ils ont annoncé des actions possibles concernant l’allégation de traitement inéquitable formulée par des entreprises américaines désireuses d’exercer leurs activités en Chine, pour atteinte aux droits de la propriété intellectuelle. En retour, les autorités chinoises ont suspendu l’application des concessions tarifaires visant de multiples produits américains – dont les fruits, les noix et amandes et la viande porcine – et annoncé l’application éventuelle de droits supplémentaires sur d’autres produits agricoles. Des droits ad valorem supplémentaires de 25 % ont été instaurés sur les importations de viande porcine et annoncés pour le soja et le sorgho.
Environ 60 % des exportations de soja des États-Unis sont destinées à la Chine, qui est très dépendante des importations pour couvrir ses besoins intérieurs. En 2017, la Chine a importé, d’après les estimations, 96 millions de tonnes, absorbant ainsi 64 % des exportations mondiales de soja, alors qu’elle en a produit environ 13 millions de tonnes. Des droits supplémentaires sur le soja feraient baisser les importations en provenance des États-Unis, mais seraient susceptibles d’être compensés par des achats plus importants auprès d’autres fournisseurs, notamment le Brésil et l’Argentine. Cette nouvelle donne pourrait ensuite se traduire par un redéploiement de plus grande ampleur des échanges, les États-Unis réorientant leurs exportations vers d’autres marchés, notamment l’Europe et l’Amérique latine, lorsque l'écart de prix entre le soja des États-Unis et du Brésil s'est considérablement élargi. De tels signes ont déjà été observés.
La Chine a pris des mesures supplémentaires pour limiter les importations de sorgho en provenance des États-Unis. En 2017, 80 % des exportations américaines de sorgho étaient destinées à la Chine, et représentaient un montant d’environ 957 millions USD. En février 2018, la Chine a ouvert une enquête sur les droits antidumping et compensatoire sur les importations de sorgho aux États-Unis – et donc, en principe, en dehors des mesures de rétorsion annoncées par Beijing –, depuis début avril, la Chine exige désormais le versement d’une caution provisoire sur les importations de sorgho en provenance des États-Unis, équivalant à un droit ad valorem de 178.6 %. Cette mesure, appliquée à toutes les entreprises américaines, a conduit à un arrêt des exportations des États-Unis et donné lieu à un changement de destination de navires déjà en route vers la Chine. Un renforcement des obstacles aux importations de sorgho par la Chine pourrait déclencher des effets secondaires, et conduire à une réduction des stocks élevés de maïs de la Chine ou stimuler les importations d’autres céréales fourragères, notamment d’orge, ce qui ouvrirait des débouchés à d’autres fournisseurs.
La Chine est le plus gros producteur et importateur mondial de viande porcine. En 2017, elle en a produit plus de 53 millions de tonnes, soit environ 45 % de la production mondiale, et importé 1.6 million de tonnes d’après les estimations. Le secteur est fortement tributaire des tourteaux de soja pour l’alimentation des porcs. À moyen terme, une hausse des droits de douane et par conséquent du coût du soja et des céréales fourragères alourdirait les coûts de production de la filière. Conjuguée à une augmentation des droits de douane et donc à des prix plus élevés du porc importé, cette situation pourrait se solder par des hausses notables des prix intérieurs du. La Chine pourrait choisir de pourvoir à ses besoins auprès d’autres fournisseurs comme l’UE, le Canada et le Brésil.
Pour ces grandes catégories de produits, une hausse des droits de douane sur les importations impliquerait des pertes immédiates pour les fournisseurs américains et pour les consommateurs chinois. Par-delà des perturbations immédiates, les effets globaux sur le marché devraient être limités car il s’agit de produits qui font l’objet d’échanges importants et la Chine peut s’approvisionner auprès d’autres pays, tandis que les États-Unis peuvent approvisionner d’autres marchés. Néanmoins, le détournement des échanges a un coût, en particulier en raison de l’importance de la relation relative au soja entre les États-Unis et la Chine et du manque de partenaires alternatifs. Les impacts seraient plus forts si la Chine cherchait à combler la demande par sa production intérieure.
Le Brexit – la sortie de l’Union européenne annoncée par le Royaume-Uni – est encore en cours de négociation ; on sait peu de choses sur les dispositions exactes qui régiront la politique agricole du Royaume-Uni et ses relations commerciales avec l’UE et les autres pays. Alors que le Brexit va sans doute avoir un grand impact sur certains flux d’échanges agricoles bilatéraux (notamment la viande de bœuf, les produits laitiers et la viande d’agneau), ses répercussions sur les échanges agricoles mondiaux devraient être faibles.
En mars 2018, onze pays (Australie, Brunei, Canada, Chili, Japon, Malaisie, Mexique, Nouvelle-Zélande, Pérou, Singapour et Viet Nam) ont signé l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste. Les parties à cet accord réduisent actuellement leurs droits de douane sur les importations agricoles, ce qui devrait intensifier les relations commerciales entre les pays participants. Cet accord devrait aussi avoir un effet négatif sur les exportations par des pays qui n’en sont pas signataires vers les pays qui le sont. Cette fois encore, ce changement aura davantage de répercussions sur certains pays et sur des flux commerciaux bilatéraux que sur les marchés agricoles mondiaux.
La renégociation de l’ALENA, actuellement en cours, pourrait avoir une incidence sur l’agriculture de l’Amérique du Nord. Les échanges agricoles se sont fortement développés grâce à l’ALENA, ce qui a donné naissance à une région fortement intégrée. À l’heure actuelle, plus de 25 % des exportations de maïs des États-Unis vont au Mexique, et un tiers des exportations de viande bovine américaine vont au Canada et au Mexique ; des perturbations de ces flux d’échanges pourraient avoir des répercussions sur les marchés non seulement nord-américains mais aussi mondiaux.
Principaux éléments des projections par produit
Céréales
La production mondiale de céréales devrait progresser de 13 % d’ici 2027, tirée avant tout par l’amélioration des rendements. Sur les marchés du maïs et du blé, la Fédération de Russie rejoint le devant de la scène internationale et s’est inscrite au premier rang des exportateurs de blé devant l’Union européenne en 2016. La part représentée par le Brésil, l’Argentine et la Fédération de Russie sur le marché du maïs devrait augmenter et celle des États-Unis diminuer. La Thaïlande, l’Inde et le Viet Nam devraient rester les principaux fournisseurs de riz sur les marchés internationaux, mais le poids du Cambodge et du Myanmar dans les exportations mondiales devrait croître. Sur la période de projection, les prix devraient légèrement augmenter en valeur nominale, mais enregistrer un modeste recul en valeur réelle.
Oléagineux
La production mondiale d’oléagineux devrait progresser au rythme annuel d’environ 1.5 %, soit bien moins vite que pendant la décennie passée. Le Brésil et les États-Unis seront les principaux producteurs de soja, avec des volumes comparables. L’utilisation de tourteaux protéiques augmentera à un rythme moins soutenu, car la croissance de la production animale ralentit et la proportion de tourteaux intégrée à la ration alimentaire des animaux en Chine a atteint un palier. Dans la sphère des huiles végétales, la demande devrait progresser à moindre allure, bridée par une consommation alimentaire par habitant qui augmente moins rapidement dans les pays en développement et par la stagnation de la demande d’huile végétale destinée à la fabrication de biodiesel. Les exportations d’huile végétale continueront de provenir essentiellement d’Indonésie et de Malaisie. Les exportations de soja, d’autres oléagineux et de tourteaux protéiques sont quant à elles principalement issues des Amériques. Sur la période de projection, les prix devraient légèrement augmenter en valeur nominale, mais enregistrer un modeste recul en valeur réelle.
Sucre
La production de canne à sucre et de betterave sucrière devrait progresser moins rapidement qu’au cours de la décennie précédente. Selon les projections, le Brésil devrait rester en tête des pays producteurs et l’Inde, la Chine et la Thaïlande afficher de belles perspectives de croissance. La demande d’édulcorants caloriques (sucre et isoglucose) devrait augmenter à un rythme plus soutenu que celui de la plupart des produits. La consommation par habitant stagne dans les pays développés et dans certains pays en développement, où elle atteint des niveaux préoccupants du point de vue sanitaire. En Asie et en Afrique, la croissance démographique et l’urbanisation devraient entretenir la croissance de la consommation de sucre. Le Brésil continuera d’assurer quelque 45 % des exportations mondiales, ce qui l’inscrit au premier rang des pays exportateurs. Le prix du sucre devrait marquer une légère hausse en valeur nominale, mais enregistrer un recul en termes réels.
Viande
En 2027, la production mondiale de viande devrait avoir augmenté de 15 % par rapport à la période de référence. Cette production supplémentaire devrait provenir à 76 % de pays en développement et la progression devrait être particulièrement marquée sur le segment de la volaille. Cependant, les consommateurs des pays en développement devraient accroître et diversifier leur consommation de viande en se tournant vers des produits plus coûteux, comme la viande bovine et ovine. La demande d’importations restera soutenue en Asie, en particulier aux Philippines et au Viet Nam. Parmi les grands importateurs, on trouve également la Chine, la Corée et l’Arabie saoudite. Les principaux pays exportateurs de viande, à savoir le Brésil et les États-Unis, devraient peser encore plus lourd et représenter quelque 45 % des exportations à eux deux. D’ici 2027, le prix de la viande devrait progressivement augmenter en termes nominaux, mais fléchir en termes réels.
Produits laitiers
La production mondiale de lait devrait progresser de 22 % sur la période de projection, cette hausse provenant en particulier du Pakistan et de l’Inde. À eux deux, ces pays devraient en effet représenter 32 % de la production mondiale de lait en 2027. L’essentiel de leur production supplémentaire sera consommée dans le pays même sous forme de produits laitiers frais. Sur la période de projection, la part de l’Union européenne dans les exportations mondiales de produits laitiers devrait passer de 27 % à 29 %. La bulle spéculative sur le beurre survenue en 2017 continuant de désenfler, les prix nominaux et réels du produit baisseront au cours de la période de projection. À l’exception des poudres de lait, le prix des produits laitiers devrait baisser en termes réels.
Poisson
La production mondiale de poisson continuera de progresser, mais à un rythme bien moins allègre qu’au cours de la décennie précédente. Le surplus de production est entièrement dû à la croissance de l’aquaculture, qui persiste tout en ralentissant, tandis que les prévisions sont en légère baisse pour la pêche. Dans sa nouvelle politique, la Chine prévoit un ralentissement potentiellement net de la croissance de sa production aquacole et halieutique. Les pays asiatiques représenteront 71 % de la hausse de la consommation alimentaire de poisson, et la consommation de poisson par habitant augmentera sur tous les continents à l’exception de l’Afrique. Les échanges de produits halieutiques et aquacoles demeureront très animés ; les pays asiatiques resteront les principaux exportateurs de poisson destiné à la consommation humaine et les pays de l’OCDE les principaux importateurs. Tous les produits halieutiques et aquacoles verront leur prix augmenter en termes nominaux, mais rester globalement étale en termes réels.
Biocarburants
Compte tenu de l’évolution actuelle des politiques et des tendances observables sur le front de la demande de gazole et d’essence dans le monde, la production mondiale d’éthanol devrait passer de 120 milliards de litres en 2017 à 131 milliards de litres à l’horizon 2027, tandis que la production mondiale de biodiesel, qui était de 36 milliards de litres en 2017, devrait parvenir à 39 milliards de litres d’ici à 2027. Les biocarburants avancés à base de déchets ne devraient pas connaître d’essor au cours de la période de projection, faute d’investissements suffisants en recherche-développement. Les échanges de biocarburants devraient rester limités. Les prix mondiaux du biodiesel et de l’éthanol devraient se replier respectivement de 14 % et 8 % en valeur réelle sur les dix années à venir. L’évolution de ces deux marchés restera toutefois suspendue à l’action des pouvoirs publics et à la demande de carburant pour les transports, si bien qu’une incertitude considérable entoure ces projections.
Coton
La production mondiale de coton devrait croître moins rapidement que la consommation durant les premières années de la période de projection, réfrénée par la baisse des prix et la mise sur le marché des stocks mondiaux accumulés entre 2010 et 2014. L’Inde demeurera le premier producteur de coton. Parallèlement, les superficies cotonnières dans le monde devraient légèrement se redresser malgré un recul de 3 % en Chine. La tendance baissière à long terme de la transformation du coton brut devrait se poursuivre en Chine et c’est en Inde que la consommation des filatures deviendra la plus importante. En 2027, les États-Unis restent le premier exportateur mondial, comptant pour 36 % des exportations de la planète. Le prix du coton devrait fléchir par rapport à la période de référence (2015‑17), tant en termes réels que nominaux. Il ne cesse en effet de subir le contrecoup du niveau élevé des stocks et de la concurrence des fibres synthétiques.
Encadré 1.6. Hypothèses concernant la situation macroéconomique et les politiques publiques
Principales hypothèses sur lesquelles repose le scénario de référence
Les Perspectives présentent un scénario considéré comme plausible au vu des hypothèses relatives à l’environnement macroéconomique, aux politiques publiques et à la situation démographique, qui sert de soubassement aux prévisions d'évolution de l'offre et de la demande sur le marché des produits de l'agriculture et de la pêche. Les hypothèses macroéconomiques retenues dans les Perspectives agricoles sont fondées sur les Perspectives économiques de l'OCDE (novembre 2017) et sur les Perspectives de l'économie mondiale du FMI (octobre 2017). Ces hypothèses et d’autres sont détaillées dans le présent encadré.
Croissance mondiale
Après une période de croissance particulièrement faible en 2016, la reprise de l’activité mondiale s’est amplifiée en 2017 pour porter la croissance à 3.6 %. Des taux du même ordre sont attendus en 2018 et 2019. S’agissant des économies avancées, la croissance s’accélère en Europe, au Canada, au Japon et aux États-Unis, avec une inflation qui reste modérée, mais de tels taux de croissance pourraient ne pas être soutenables à moyen terme. La croissance mondiale est tirée en grande partie par les économies de marché émergentes et les économies en développement, mais elle demeure inégale, en particulier dans le cas de certains exportateurs de produits de base.
Aux États-Unis, la croissance devrait s’accélérer pour atteindre 2.2 % en 2017 et 2.5 % en 2018, sous l’effet de la relance budgétaire, des conditions financières favorables et de la confiance accrue des consommateurs et investisseurs. Au cours des dix prochaines années, on s’attend à un taux de croissance moyen modéré de 1.7 % par an.
Dans la zone euro, la reprise devrait s’amplifier cette année, avec une croissance qui atteindra 2.1 % avant de reculer légèrement à 1.9 % en 2019, mais qui devrait rester modérée dans les dix prochaines années en raison de la faiblesse de la croissance de la productivité et de l’accroissement démographique. En ce qui concerne le groupe des pays de l’UE 15, une croissance annuelle moyenne de 1.6 % est attendue au cours de la période de projection.
Au Japon, après un rebond à 1.5 % en 2017, la croissance devrait redescendre à 1.2 % en 2018 puis 1.0 % en 2019. La croissance du PIB devrait continuer de faiblir pour s’établir à 0.6 % par an en moyenne sur la période de projection du fait de la diminution de la population active.
Parmi les pays de l’OCDE, c’est la Turquie qui devrait connaître avec 3.6 % par an le plus fort taux de croissance moyen au cours des dix prochaines années, devant le Chili (3.2 %), Israël (3.0 %), la Corée (2.9 %), l’Australie et le Mexique (2.7 %). Au Canada, après un rebond marqué à 3.0 % en 2017, le taux de croissance devrait redescendre à 2.1 % en 2018 et ne pas dépasser 1.8 % en moyenne au cours de la prochaine décennie.
La croissance devrait continuer à ralentir en Chine pour revenir à un taux annuel moyen de 5.8 % ces dix prochaines années, contre 8.0 % durant la décennie écoulée, tandis qu’elle devrait rester vigoureuse en Inde, à 8.1 % par an en moyenne.
Après les récessions de 2016, le Brésil, l’Argentine et la Fédération de Russie ont renoué avec la croissance en 2017 et devraient enregistrer des taux annuels moyens de 2.0 %, 3.2 % et 1.5 %, respectivement, au cours de la période de projection. En Afrique du Sud, la croissance annuelle devrait atteindre 2.2 % durant la décennie.
Dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord, l’activité reprend après la récession provoquée par l’atonie des marchés du pétrole brut. À moyen terme, on table sur une croissance un peu plus vigoureuse de 3 % par an en moyenne pour l’ensemble de la région au cours de la période de projection, mais cette croissance sera inégalement répartie entre les pays, principalement en raison de facteurs géopolitiques. Avec une hausse anticipée du PIB de 5.9 % par an, c’est l’Égypte qui devrait connaître la plus forte croissance. Les autres pays devraient enregistrer des taux annuels compris entre 2 % et 5 %, mais certains pourraient malgré tout ne pas regagner le terrain perdu durant la décennie précédente.
Dans les pays en développement émergents d’Asie du Sud-Est, les projections à moyen terme tablent sur la poursuite d’une croissance vigoureuse, au moins égale à celle de la décennie précédente. Le taux de croissance annuel devrait se situer entre 5 % et 7 % au Viet Nam, en Indonésie et aux Philippines, et autour de 3.1 %, en Thaïlande.
En Amérique latine et dans les Caraïbes, la croissance économique sera très différente selon les pays. Elle pourrait être relativement faible au Brésil et en Argentine durant la prochaine décennie, mais atteindre entre 3 % et 4 % par an dans d’autres pays comme la Colombie et le Chili.
Dans les pays en développement et les pays les moins avancés d’Afrique, la croissance devrait s’accélérer dans les dix prochaines années, avec cependant de fortes disparités, et pourrait s’établir, par habitant, à 3 % par an en moyenne. Dans la plupart des pays d’Afrique, la poursuite de la croissance sera tributaire de la vigueur des marchés des produits de base et de réformes des politiques intérieures.
Croissance démographique
La croissance de la population mondiale devrait être moins rapide au cours des dix prochaines années (1 % par an) que durant les dix précédentes (1.3 % par an). Elle continue d'être alimentée par les pays en développement, en particulier ceux d'Afrique, qui connaîtront la hausse la plus rapide, à 2.4 % par an. La région Asie et Pacifique abritera pratiquement la moitié de la population mondiale, tandis que l'Inde, qui comptera 138 millions d'habitants de plus en 2027, devrait passer devant la Chine pour devenir pays le plus peuplé de la planète.
La population du Japon devrait diminuer de plus de 4 millions de personnes ces dix prochaines années, et celle de la Fédération de Russie, de 2.1 millions. La population de l'Union européenne restera stable. L'Australie affichera le taux de croissance démographique le plus élevé (1.1 % par an), suivi de très près par le Mexique (1.1 % par an également).
Inflation
D’après les projections, les taux d’inflation augmenteront dans les prochaines années aussi bien dans les économies de marché avancées et émergentes que dans celles en développement, en raison du rebond de la demande et de la hausse des prix des produits de base, énergie comprise. L’inflation s’est amplifiée en 2017 dans les pays de l’OCDE pour s’établir autour de 2 % en moyenne, mais elle est restée faible en Australie et au Canada, à 1 % environ, et a été quasi nulle au Japon.
Aux États-Unis, l’inflation devrait augmenter progressivement et s’élever en moyenne à 2.3 % par an au cours des dix prochaines années. Dans les pays de l'UE15 pris globalement, ce taux annuel moyen devrait être de 1.8 % sur la même période. Au Japon, on anticipe une légère hausse de l’inflation à 1.6 % par an en moyenne. En ce qui concerne les grandes économies de marché émergentes, la Chine devrait connaître une inflation stable d’environ 2.6 % par an au cours de la période de projection, le Brésil devrait voir la sienne redescendre lentement à 4.1 % par an et la Fédération de Russie devrait enregistrer une baisse du taux annuel moyen à 4.0 %.
Taux de change
Sur la période 2018-27, on suppose que les taux de change nominaux évoluent surtout en fonction du différentiel d'inflation par rapport aux États-Unis (avec quelques variations mineures dans certains cas en termes réels).
L’euro s'est légèrement apprécié en valeur nominale vis-à-vis du dollar des États-Unis en 2017 et devrait encore reprendre de la valeur en 2018, avant une nouvelle dépréciation sur les dix prochaines années. Les monnaies de la Chine et du Japon devraient s’apprécier en termes nominaux par rapport au dollar des États-Unis durant la décennie à venir. En revanche, on anticipe une forte dépréciation des monnaies de l’Argentine, du Brésil, de l’Inde, de l’Afrique du Sud, de la Turquie, du Paraguay et du Nigeria, et une perte de valeur moins marquée de celles de la Corée, de l’Australie, du Mexique, de la Fédération de Russie et du Canada.
Prix de l'énergie
Les données concernant les cours mondiaux du pétrole jusqu'en 2016 correspondent au prix du pétrole brut Brent et sont tirées de la mise à jour à court terme des Perspectives économiques de l'OCDE, n° 102 (novembre 2017). La moyenne annuelle des prix mensuels au comptant a été utilisée pour 2017, et le prix au comptant quotidien moyen pour décembre a été utilisé pour 2018. Pour la période de projection, les prix du pétrole suivent la trajectoire du prix moyen que prévoit la Banque mondiale dans ses perspectives des prix des marchés de matières premières d'octobre 2017.
En 2017, les prix du pétrole brut ont amorcé une remontée après la prolongation de l’accord relatif à la production de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP). Malgré le niveau élevé de la production d’hydrocarbures de schiste aux États-Unis, ils devraient continuer de croître à un rythme modéré dans les toutes prochaines années. Les projections du scénario de référence prévoient que le prix du pétrole augmentera en moyenne de 1.8 % par an en termes nominaux sur la période de projection, passant de 54.7 USD le baril en 2017 à 76.1 USD le baril en 2027 (Les implications d’un scénario alternatif du prix du pétrole sont analysées dans l’encadré 1.3).
Politiques publiques
Les politiques publiques et leurs réformes ont des conséquences importantes sur les marchés des produits agricoles, des biocarburants et de la pêche, souvent même en termes structurels. Les hypothèses retenues dans la présente édition des Perspectives tablent sur le maintien des politiques en vigueur pendant toute la période de projection. La décision du Royaume-Uni de sortir de l'Union européenne n'est pas prise en compte dans les projections, car les modalités de cette sortie n'ont pas encore été arrêtées. Dans la présente édition des Perspectives, les projections relatives au Royaume-Uni font donc encore partie de l'agrégat Union européenne. Les accords commerciaux bilatéraux ne sont pris en compte que s'ils ont été ratifiés ou mis en œuvre. Par conséquent, l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) ne donne lieu à aucun changement pendant la période de projection, tandis que l'Accord économique et commercial global (AECG), qui est partiellement mis en œuvre mais n'a pas encore été ratifié, est pris en compte dans les projections. L’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP), qui a été signé en mars 2018 et remplace le Partenariat transpacifique (PTP) à la suite du retrait des États-Unis, n’a pas été ratifié et n’est pas pris en compte. L'embargo imposé par la Fédération de Russie sur les importations en provenance de certains pays ayant été annoncé comme une mesure temporaire, l'hypothèse retenue ici est qu'il sera révoqué à la fin de 2018. Les hypothèses relatives aux politiques énergétiques sont décrites dans le chapitre consacré aux biocarburants.
Référence
Araujo-Enciso S.R., S. Pieralli, I. Pérez Domínguez (2017), “Partial Stochastic Analysis with the Aglink-Cosimo Model: A Methodological Overview”, JRC Technical Report, EUR 28863 EN, doi:10.2760/680976.