Ce chapitre décrit la situation des marchés et les éléments marquants qui se dégagent de la dernière série de projections quantitatives à moyen terme sur les marchés mondiaux et nationaux des produits halieutiques et aquacoles (projections à dix ans, de 2018 à 2027). La production mondiale continuera de progresser, mais à un rythme bien moins allègre qu’au cours de la décennie précédente. Le surplus de production est entièrement dû à la croissance de l’aquaculture, qui persiste tout en ralentissant, tandis que les prévisions sont en légère baisse pour la pêche. Les réformes conduites en Chine font présager un ralentissement potentiellement prononcé de la croissance de sa production aquacole et halieutique. Les pays asiatiques représenteront 71 % de la hausse de la consommation alimentaire de poisson, et la consommation de poisson par habitant augmentera sur tous les continents à l’exception de l’Afrique. Les échanges de produits halieutiques et aquacoles demeureront très animés ; les pays asiatiques resteront les principaux exportateurs de poisson destiné à la consommation humaine et les pays de l’OCDE les principaux importateurs. Tous les produits halieutiques et aquacoles verront leur prix augmenter en termes nominaux, mais rester globalement étale en termes réels.
Perspectives agricoles de l'OCDE et de la FAO 2018-2027
Chapitre 8. Produits halieutiques et aquacoles
Abstract
Situation du marché
Le secteur mondial de la pêche et de l’aquaculture a poursuivi sa croissance en 2017, en accélérant le rythme par rapport à 2016. Cet essor est essentiellement à mettre au crédit d’un redressement des captures d’anchois (utilisés en grande partie pour produire de la farine et de l’huile de poisson) en Amérique du Sud et à un nouvel accroissement de la production aquacole au rythme d’environ 4 % par an. Poursuivant la tendance observable ces dernières années, l’aquaculture est à l’origine de la croissance marquée de la production et de la consommation dans leur ensemble.
Malgré une production en hausse en 2017, les produits de la mer se sont renchéris sous l’effet d’une demande dopée par l’embellie économique dans le monde. L’indice des prix du poisson de la FAO fait ressortir une hausse des prix entre 2016 et 2017, en particulier sur les neuf premiers mois de l’année 2017, après lesquels on observe un léger fléchissement jusqu’à la fin de l’année. Alliée à des volumes d’échanges eux aussi en hausse, cette montée des prix a propulsé la valeur des échanges totaux de produits halieutiques et aquacoles au sommet en 2017. Malgré ce renchérissement, la consommation s’est montrée solide en raison d’une demande soutenue des consommateurs pour le poisson, nourrie par l’embellie économique observée aussi bien dans le monde développé que dans les régions en développement, sans oublier le redressement de certains poids lourds économiques émergents comme le Brésil et la Fédération de Russie.
Principaux éléments des projections
Cette édition des Perspectives tient compte d’importants changements par rapport aux dernières années sur le front de la production halieutique et aquacole en République populaire de Chine (ci-après, « Chine »). En premier lieu, le 13e plan quinquennal de la Chine (2016‑2020) fixe entre autres pour objectif de rendre le secteur plus efficient et plus durable, ce qui implique des baisses importantes de la croissance de la filière aquacole et des réductions des débarquements de pêche. Étant donné le poids de la Chine dans le secteur halieutique et aquacole mondial, même en ne tenant compte que des retombées les plus probables de ces objectifs pour établir le scénario de référence de cette année1, on aboutit à une production totale de la Chine bien inférieure dans cette édition, ce qui ne manque pas d’avoir des répercussions visibles sur les projections de production mondiale de poisson, et donc de prix, d’échanges et de consommation (graphique 8.1). Le second changement tient au fait que, à la lumière de nouvelles informations, les estimations de valeur de la production aquacole en Chine ont été nettement revues à la hausse depuis les dernières projections, un changement qui s’est aussi répercuté sur les prix moyens mondiaux des produits aquacoles.
Les prix des poissons augmenteront tous en valeur nominale sur la période de projection. Le prix nominal moyen du poisson échangé2 grimpera au total de 23.7 %, suivant une courbe de croissance relativement soutenue qui l’amènera de 2 828 USD/t au cours de la période de référence à 3 499 USD/t en 2027. Le prix moyen pondéré des espèces aquacoles a déjà atteint un niveau élevé, si bien qu’il devrait croître moins vite que lors de la décennie précédente (1.5 % contre 4.4 % par an), tout en conservant un rythme plus rapide que celui des espèces pêchées. D’après les projections actuelles, le prix des produits aquacoles devrait s’accroître au total de 19.5 % sur la période et ainsi passer de 2 878 USD/t à 3 439 USD/t. La croissance du prix nominal moyen des captures devrait rester stable, car l’activité de pêche n’a guère la faculté d’influer sur le volume des débarquements ou les espèces qui les composent à l’échelle mondiale. Cette augmentation devrait ainsi s’élever à 16.8 % sur la période de projection, de 1 557 USD/t à 1 819 USD/t.
La quantité de poisson produite dans le monde devrait elle aussi continuer de croître et s’inscrire en hausse chaque année considérée, à l’exception de 2026, durant laquelle devrait se produire le second épisode El Niño3 selon l’hypothèse retenue. L’augmentation devrait être relativement faible dans l’ensemble puisque la hausse de la production totale est attendue à 13.4 % entre la période de référence et 2027, soit à peu près moitié moins qu’au cours des dix années précédentes (27.1 %). Le taux de croissance annuel moyen témoigne de ce ralentissement puisqu’il dépasse tout juste 1 %. La croissance mondiale sera entièrement alimentée par l’augmentation continue, bien que moins rapide, de la production aquacole. La pêche devrait quant à elle légèrement diminuer sur la période et les captures devraient représenter 1.05 Mt de moins en 2027 que sur la période de référence (soit un taux de croissance de ‑0.01 % par an), en raison essentiellement de la baisse enregistrée en Chine. Ce déclin devrait être partiellement compensé par une croissance attendue dans d’autres secteurs ainsi que par des mesures plus strictes de gestion permettant une reprise de certains stocks.
La production de poisson servira davantage l’alimentation humaine en 2027 (91 %) qu’au cours de la période de référence (89 %). Pour autant, au même titre que la production de poisson devrait croître à un rythme moins soutenu, la consommation mondiale de poisson destiné à l’alimentation humaine ne devrait augmenter que de 1.2 % par an, soit bien moins que les 3.0 % annuels observés lors de la décennie précédente. Elle passera ainsi de 153 Mt en 2015‑17 à 177 Mt en 2027. Environ 72 % de ce volume sera consommé par des pays asiatiques, auxquels 73 % de l’augmentation totale de la consommation humaine de poisson est imputable. La consommation apparente de poisson par habitant devrait légèrement augmenter, de 20.3 kg au cours de la période de référence à 21.3 kg en 2027, avec un taux de croissance annuel en décélération de 1.8 % à 0.3 %. La consommation de poisson par habitant augmentera sur tous les continents, Amérique latine et Asie en tête, à l’exception de l’Afrique (‑4 %, car la croissance démographique est plus rapide que celle de l’offre).
Les échanges de produits halieutiques et aquacoles destinés à la consommation humaine et de produits non alimentaires demeureront florissants, et environ 38 % de la production halieutique et aquacole devrait être exportée en 2027 (31 % si l’on exclut les échanges intra-UE). Les échanges mondiaux de poisson destiné à la consommation humaine devraient afficher une progression de 18 % ou 7 Mt en équivalent poids vif (pv) à l’horizon 2027. Toutefois, le taux de croissance annuel des exportations de ces produits devrait passer de 1.9 % par an ces dix dernières années à 1.6 % par an au cours de la prochaine décennie, une décélération due en partie à l’augmentation des prix et au ralentissement de la production. Les pays asiatiques resteront les principaux exportateurs de poisson destiné à la consommation humaine et leur part dans les exportations mondiales passera de 49 % en 2015‑17 à 50 % en 2027.
En plus des retombées que pourraient avoir les réformes potentielles de la pêche et de l’aquaculture en Chine, un certain nombre d’incertitudes et de difficultés influent sur l’évolution et la dynamique de ce secteur à l’échelle mondiale. S’agissant de la production, les facteurs en jeu concernent entre autres la productivité naturelle des stocks et des écosystèmes, la dégradation de l’environnement et la destruction des habitats, la surpêche, la pêche illégale, non réglementée et non déclarée (INN), le changement climatique, les conditions météorologiques, les problèmes transfrontières associés à l’utilisation des ressources naturelles, les failles dans la gouvernance, l’invasion d’espèces allogènes, les maladies et échappements, l’accessibilité et la disponibilité des sites et des ressources en eau, ainsi que la technologie et les financements. En outre, les mesures commerciales, les accords commerciaux et l’accès au marché continuent de jouer un rôle considérable dans la dynamique des marchés du poisson. Du point de vue de l’accès au marché, les enjeux sont notamment liés à la sécurité alimentaire, à la traçabilité des aliments et au besoin de démontrer que les produits ne proviennent pas d’activités de pêche illégales et interdites.
Prix
Les prix des produits halieutiques et aquacoles restent relativement élevés. En termes nominaux, ils devraient suivre une tendance haussière sur la période de projection, caractérisés par une croissance annuelle moyenne de moins de 2 % sur 2018‑2027, qu’il s’agisse de l’aquaculture, de la pêche ou des échanges de poisson. En termes réels, les prix moyens de l’aquaculture et de la pêche devraient baisser ; de 0.7 % par an pour la première et d’un peu plus de 1 % par an pour la seconde. Les prix réels des produits halieutiques et aquacoles échangés se tendent dans un premier temps avant d’amorcer une descente après 2022, si bien que le taux de croissance annuel moyen décline de 0.6 % par an sur la période de projection (graphique 8.2).
Les prix mondiaux des produits halieutiques et aquacoles sont déterminés par des facteurs ayant trait à la demande et à l’offre ; les premiers englobent notamment la population mondiale, les revenus et le prix des produits de substitution comme la viande. Du côté de l’offre, les prix évoluent au gré des niveaux de production, lesquels dépendent du prix des intrants comme l’énergie ou les produits d’alimentation animale dans le cas de l’aquaculture, et des limites physiques que pose le stock de ressources naturelles. Ces limites brident avant tout la pêche, qui doit respecter des niveaux de production durables pour les stocks halieutiques. La croissance de certaines espèces aquacoles dépend en outre de leur capacité à être moins dépendantes des farines produites à partir de poissons issus de la pêche.
Les prix envisagés dans les présentes projections sont largement influencés par la perspective d’un net ralentissement de croissance de la production en Chine, lequel devrait hisser les prix mondiaux. Pour mettre ces éléments en perspective, il est à noter qu’en l’absence de toute réforme en Chine, le prix mondial réel des produits halieutiques et aquacoles échangés aurait suivi le même déclin que celui escompté pour la volaille. Dans les présentes projections, toutefois, la baisse ne s’amorce qu’en 2022. En Chine, les prix nominaux de détail du poisson devraient augmenter de près de 2 % par an sur la période de projection, un taux légèrement supérieur à la moyenne mondiale (1.65 % par an).
L’appréciation escomptée des produits échangés dans le monde reste alimentée avant tout par les prix des produits aquacoles, qui devraient s’accroître de tout juste plus de 1.5 % par an en moyenne en termes nominaux sur la période de projection. Ils enregistreraient ainsi une augmentation de 19.5 % en valeur absolue entre la période de référence et 2027. Dans les présentes Perspectives, les prix des produits aquacoles et les taux d’appréciation qui en découlent sont fortement influencés par le ralentissement de croissance de la production aquacole escompté à l’échelle mondiale en raison, essentiellement, de l’évolution prévue de la production chinoise, ainsi que par la révision à la hausse des données relatives à la valeur de la production aquacole chinoise. Le premier de ces facteurs d’influence tire les prix vers le haut à l’échelle mondiale tandis que le second augmente considérablement les prix de référence des produits aquacoles à partir desquels les projections sont calculées. Comme par le passé, la capacité qu’a le secteur aquacole d’influer sur les espèces qu’il vend l’aide aussi à atteindre des prix moyens supérieurs à ceux du secteur halieutique (3 439 USD/t contre 1 819 USD/t). Les prix des produits halieutiques devraient eux aussi augmenter en termes nominaux, en suivant toutefois une courbe plus horizontale, au rythme de 1.2 % par an en moyenne sur la même période. En termes réels, et hormis au cours des années où devrait se produire un épisode El Niño4, les prix devraient tous s’inscrire en baisse sur la période de projection.
L’engouement pour les acides gras oméga-3 dans l’alimentation humaine et les besoins nutritionnels particuliers des poissons d’élevage sont réputés avoir définitivement relevé le ratio entre le prix de l’huile de poisson et celui de l’huile végétale, une évolution qui ne devrait pas être contrecarrée à court ou moyen terme par les nouvelles techniques d’alimentation. La croissance plus lente, mais continue de la demande provenant de l’aquaculture et le niveau relativement stable de l’offre devraient entraîner un léger renchérissement de la farine de poisson par rapport aux tourteaux d’oléagineux. Aucune nouvelle hausse des prix n’est actuellement prévue sur le marché des huiles de poisson, dont les prix par rapport à l’huile végétale sont déjà élevés après les évolutions structurelles observées depuis début 2012. Les prix mondiaux de la farine et de l’huile de poisson devraient globalement évoluer en tandem avec ceux des produits oléagineux en raison des nombreuses possibilités de substitution qui s’ouvrent du côté de la demande. En baisse depuis le sommet atteint en 2013, ils devraient en effet amorcer un redressement en termes nominaux au cours de la période de projection, de 1.8 % par an pour la farine et de 1.6 % par an pour l’huile. Exprimés en termes réels, les prix continueront de fléchir, mais d’un peu moins de 0.5 % par an seulement pour la farine de poisson et 0.7 % par an pour l’huile de poisson.
Production
La production totale de poisson continuera de s’accroître dans le monde en s’étoffant d’un peu plus de 1 % par an sur la période de projection, pour atteindre 195 Mt en 2027, soit 22.9 Mt de plus que sur la période de référence (graphique 8.3). Ce taux de croissance et la quantité supplémentaire de poisson produite sont considérablement inférieurs à ceux observés au cours des dix années précédentes (2008‑2017), où ils atteignaient 2.4 % par an pour le premier, et 37.4 Mt supplémentaires pour la seconde (écart de production entre la période de référence 2005‑2007 et l’année 2017). La croissance de la production totale de poisson est par ailleurs entièrement à mettre au crédit de la filière aquacole, qui devrait voir sa production grimper de 30.1 % sur la période de projection (24.0 Mt) et dépasser la production halieutique totale en 2020.
La Chine représentait 38.8 % de la production mondiale de poisson au cours de la période de référence considérée (61.5 % de la production aquacole mondiale et 19.0 % des captures en 2015‑2017). Étant donné le poids du pays à l’échelle mondiale, il faut savoir que les différentes hypothèses retenues en rapport avec la mise en œuvre du 13e plan quinquennal chinois sont l’un des facteurs les plus déterminants des projections relatives au secteur halieutique et aquacole de ces Perspectives ; ce plan devrait réduire la production halieutique aussi bien que ralentir le rythme de progression de la production aquacole du pays. À titre d’exemple, la production totale de poisson prévue en Chine en 2027 ressort 4.3 Mt en deçà de la quantité qui pourrait être produite en l’absence de mise en œuvre du pan (scénario de statu quo) (encadré 8.1). Dans les projections mondiales, la baisse de production chinoise prise pour hypothèse entraîne un recul de 2.9 Mt de la production de poisson d’ici 2027, le repli étant limité par la croissance de la production dans d’autres pays. Malgré les évolutions escomptées sur le territoire chinois, l’Asie demeurera la première région productrice de poisson au monde, passant de 70.8 % de la production totale au cours de la période de référence à 71.8 % en 2027.
À l’échelle planétaire, la croissance de l’aquaculture devrait continuer de faire face à des difficultés liées notamment aux réglementations environnementales, aux maladies liées à la densité de peuplement, et à la raréfaction des sites de production optimaux. La production aquacole mondiale devrait augmenter de tout juste plus de 2.1 % par an sur la période de projection, soit un rythme bien plus lent que les 5.1 % annuels enregistrés au cours des dix années précédentes, mais cohérent avec la tendance au ralentissement des taux de croissance de l’aquaculture observable sur les cinquante dernières années. S’il est vrai que la quantité de poisson produite augmente moins en valeur absolue sur la période de projection considérée (24.0 Mt) qu’au cours de la décennie précédente (35.9 Mt), les taux de croissance sont affaiblis également par la base de calcul de plus en plus élevée en valeur absolue.
La production halieutique mondiale restera relativement inchangée sur la période de projection et cédera au total tout juste plus de 1 % entre la période de base et 2027 en passant de 92.0 Mt à 91.0 Mt. Au vu de la rapide contraction des captures projetée en Chine au début de la période considérée, il est aujourd’hui prévu que la production aquacole mondiale devance la production halieutique (destinée à l’alimentation ou non) en 2020, soit un an plus tôt que prévu dans l’édition précédente des Perspectives.
À l’échelle de la planète, l’effet du ralentissement de croissance de l’offre mondiale sur les prix et l’augmentation continue de la demande devraient encourager la production de poisson. L’augmentation de la production sera prédominante dans le secteur aquacole hors de Chine, en particulier sur le continent asiatique. En partant de l’hypothèse que les quotas de pêche qui ne sont pas pleinement utilisés sont quantité négligeable et que l’expansion du secteur halieutique est actuellement limitée par le stock de ressources. Sur les dix années passées, la Chine était à l’origine de 59 % de la croissance mondiale de la production aquacole, une proportion qui devrait fléchir à 53 % sur la période de projection. D’après les simulations réalisées avec le modèle en comparant le scénario du statu quo à celui d’une mise en œuvre complète des objectifs du 13e plan quinquennal, les autres pays peuvent être en mesure de compenser un peu plus de 50 % du déficit de production aquacole, mais seulement 14 % du déficit de captures (encadré 8.1). Cette évolution du secteur en Chine fera également évoluer la composition de la production aquacole mondiale en termes d’espèces. La part du saumon et de la truite, des crevettes, des silures (pangas compris) et des tilapias augmentera au détriment des carpes, des espèces marines et des mollusques. Toutes les espèces n’en affichent pas moins une production en hausse, malgré des rythmes de croissance inégaux (graphique 8.5). En tenant compte de l’hétérogénéité des rythmes de croissance d’une espèce à l’autre, la part de l’aquaculture terrestre devrait augmenter sur la période de projection, sans toutefois maintenir la cadence de la décennie précédente. Cette proportion est passée de 60 % en 2007 à 64 % en 2017 et devrait atteindre quelque 66 % en 2027.
La part des captures transformées en farine et en huile de poisson devrait continuer à diminuer au cours de la prochaine décennie suite au déclin de la production halieutique mondiale. Cependant, la demande grandissante de filets de poisson entraînant la production d’une quantité croissante de déchets, davantage de farine et d’huile seront produites à partir de déchets, si bien que la production mondiale de ces produits augmentera progressivement en termes absolus (hormis les années où se produira un épisode El Niño), pour atteindre respectivement 5.2 Mt et 1.0 Mt en 2027. Ces augmentations correspondent à des taux de croissance annuels de près de 0.9 % pour la farine et légèrement moins de 0.6 % pour l’huile de poisson. La part de la production de farine issue de la transformation de déchets passera de 29 % pendant la période de référence à 33 % en 2027. Le modèle ne rend pas compte des conséquences de cette évolution sur la composition et la qualité des farines (qui contiendront généralement plus de minéraux et moins de protéines).
La capacité de croissance relativement limitée de la production de farine de poisson et l’essor continu de l’aquaculture ont notamment pour conséquence de donner naissance à un marché de tourteaux d’oléagineux encore relativement modeste afin de répondre à la demande non satisfaite. Étant donné la différence de prix observée entre les huiles de poisson et végétales et l’écart croissant entre la farine de poisson et les tourteaux d’oléagineux, il y a fort à parier que le broyage du poisson demeurera rentable pour quiconque a accès à la ressource de base.
Encadré 8.1. Le 13e plan quinquennal de la Chine (2016‑2020) prévoit, pour le secteur de la pêche et de l’aquaculture, une croissance moins allègre et plus d’efficience
La République populaire de Chine (ci-après la « Chine ») encadre son développement économique et social au moyen de plans quinquennaux qui dressent les orientations stratégiques et fixent les principaux objectifs à poursuivre, travaux à accomplir et mesures à prendre dans ce domaine. Le 13e plan quinquennal (2016‑20) énonce des mesures destinées à « transformer et améliorer » le secteur de la pêche et de l’aquaculture. Entre autres objectifs, il vise à s’éloigner encore de la stratégie privilégiant l’augmentation de la production pour donner corps à un secteur plus durable et obéissant davantage à la logique du marché, où l’on cherche avant tout à améliorer la qualité des produits et à optimiser la structure du secteur. Cette ambition s’applique également au secteur de la transformation, dans lequel il est prévu de réduire la proportion de déchets et d’établir des pôles d’activité.
La Chine est le plus grand producteur et exportateur de produits halieutiques et aquacoles au monde. La production du secteur a connu une croissance rapide entre 1980 et 2016, de quelque 10 % par an en moyenne pour l’aquaculture et près de 5 % pour la pêche. Cet essor s’explique en grande partie par la politique en faveur de la production menée par le gouvernement, dont le but était d’accroître la production halieutique aussi bien qu’aquacole et de libéraliser la production et les échanges de poisson.
Le nouveau plan quinquennal s’efforce de relever les défis auxquels le secteur fait actuellement face, notamment l’espace d’exploitation limité, un paysage aquacole caractérisé par des petites fermes dispersées, les ressources halieutiques dégradées et les surcapacités dans le secteur de la pêche.
Les principaux objectifs de développement de la filière aquacole sont exposés ci-dessous.
Une production adaptée à la demande, qui produit des espèces pour lesquelles il existe un marché.
Une « aquaculture saine » répondant à des processus de production normés, durables et tenant mieux compte de l’environnement.
Une innovation technologique soucieuse des considérations écologiques afin de faciliter une intensification de la production conforme aux principes de durabilité.
S’agissant de la pêche, les principaux objectifs couvrent les aspects ci-après.
Protéger les écosystèmes marins et reconstituer les stocks au sein de la zone économique exclusive (ZEE) de la Chine.
Limiter la capacité de pêche et les débarquements en mettant en place des mécanismes d’autorisation et de maîtrise de la production – en imposant un total admissible de capture (TAC).
Réduire la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INN) et contrôler les engins et navires de pêche.
Moderniser les navires en vue d’améliorer leur efficience et réduire les subventions aux carburants à 40 % du niveau de 2014 d’ici 2019.
Développer la flotte de pêche en eau lointaine.
Reconstituer les stocks halieutiques du pays à l’aide de mesures de repeuplement, de récifs artificiels et de fermetures saisonnières.
La poursuite de ces objectifs a pour but d’améliorer l’efficience et la durabilité du secteur en Chine en coordonnant mieux les activités et en mettant en œuvre des mesures permettant de reconstituer les écosystèmes dont dépendent les activités de pêche et d’aquaculture du pays. S’il est intégralement mis en œuvre, le plan promet toutefois aussi une baisse potentiellement importante des débarquements en Chine et un ralentissement de croissance de la production aquacole.
Les mesures concrètes permettant de servir ces objectifs restent floues à l’heure actuelle, si bien que les projections reposent sur un scénario de référence prudent ne tenant compte que des changements les plus probables. Selon les hypothèses retenues, la production halieutique chinoise devrait se replier sur la période considérée, à l’inverse de la production aquacole, qui devrait voir ses volumes augmenter aussi bien que sa proportion dans la production totale de poisson (de 75 % sur la période de référence à 81 % en 2027), à un rythme toutefois moins élevé.
Pour évaluer les conséquences potentiellement vastes de ces éléments sur le secteur halieutique et aquacole chinois et mondial, deux scénarios de mise en œuvre particuliers ont été élaborés : l’un reposant sur le maintien du statu quo par rapport à la période antérieure au plan (aucune mise en œuvre) et l’autre sur la mise en œuvre de l’ensemble des objectifs du plan quinquennal (mise en œuvre complète). Les résultats des deux scénarios et ceux du scénario de référence, repris dans la section consacrée aux produits halieutiques et aquacoles au chapitre 3, sont présentés au tableau 8.1 à des fins de comparaison. Le scénario de mise en œuvre complète laisse apparaître une production halieutique et aquacole chinoise inférieure à celle du scénario de référence et du scénario de statu quo (‑5 Mt et ‑9 Mt respectivement en 2027), et une augmentation de seulement 4.5 Mt par rapport au niveau moyen de la période 2015‑17. La nouvelle politique prévoit toutefois aussi de réduire les déchets. Cette évolution, alliée au recul de l’excédent commercial chinois provoqué par la baisse des exportations et la hausse des importations, limitera dans une certaine mesure la baisse de consommation de poisson par habitant en Chine. Selon le scénario de mise en œuvre complète, la consommation par habitant serait de 46.8 kg en 2027, contre 49 kg en cas de statu quo ou 48.0 kg lorsque l’on retient le scénario de référence. En raison d’une offre globalement moins abondante, le prix du poisson augmentera de 32 % en Chine selon le scénario de mise en œuvre complète, contre 16 % selon le scénario de référence.
À l’échelle mondiale, le recul de la production en Chine et la baisse de ses exportations nettes auront une incidence sur les prix. Ceux affichés par les produits aquacoles devraient gagner 9 % entre le scénario de statu quo et celui retenu comme référence, puis tout juste plus de 8 % supplémentaires pour atteindre le niveau du scénario de mise en œuvre complète. Ces augmentations sont respectivement de 6 % et près de 6 % supplémentaires pour les produits halieutiques. L’impact sur la production mondiale sera dans une certaine mesure amorti par le fait que la hausse des prix favorisera une augmentation de la production aquacole dans d’autres pays asiatiques. Cependant, bridé par les contraintes pratiques imposées par le capital naturel et les dispositifs de gestion dans certaines régions, ce mécanisme ne pourra empêcher la consommation mondiale par habitant de passer de 21.6 kg en cas de statu quo à 21.3 kg dans le scénario de référence et 21.0 kg en cas de mise en œuvre complète du plan.
Tableau 8.1. Scénarios envisagés à l’échelle de la Chine et du monde
Modalités de mise en œuvre |
|||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|
PÉRIODE DE RÉFÉRENCE |
AUCUNE Statu quo |
PARTIELLE Scénario de référence |
COMPLÈTE Mise en œuvre totale |
AUCUNE Statu quo |
PARTIELLE Scénario de référence |
COMPLÈTE Mise en œuvre totale |
|
2015-2017 |
2027 |
2027 |
2027 |
(2018-27) % par an |
(2018-27) % par an |
(2018-27) % par an |
|
Chine |
|||||||
Aquaculture1 |
49.0 |
64.3 |
61.7 |
58.9 |
2.3 |
1.9 |
1.4 |
Pêche1 |
17.5 |
16.2 |
14.6 |
12.5 |
-0.1 |
-0.8 |
-2.1 |
Production totale1 |
66.6 |
80.6 |
76.3 |
71.4 |
1.7 |
1.3 |
0.7 |
Consommation alimentaire1 |
59.5 |
70.7 |
69.1 |
67.5 |
1.4 |
1.2 |
1.0 |
Exportations1 |
7.6 |
10.4 |
8.7 |
6.9 |
3.5 |
1.9 |
-0.4 |
Importations1 |
4.0 |
3.3 |
4.1 |
5.1 |
-2.5 |
-0.9 |
1.4 |
Par habitant (kg)2 |
42.4 |
49.0 |
48.0 |
46.8 |
1.2 |
1.0 |
0.8 |
Monde |
|||||||
Aquaculture1 |
79.7 |
105.2 |
103.7 |
102.6 |
2.2 |
2.1 |
2.0 |
Pêche1 |
92.0 |
92.4 |
91.0 |
89.2 |
0.1 |
0.0 |
-0.2 |
Production totale1 |
171.7 |
197.6 |
194.7 |
191.7 |
1.2 |
1.1 |
1.0 |
Consommation alimentaire1 |
153.2 |
185.9 |
183.6 |
180.7 |
1.3 |
1.2 |
1.1 |
Exportations/importations |
38.9 |
46.1 |
45.9 |
45.9 |
1.7 |
1.6 |
1.7 |
Par habitant2 |
20.5 |
21.6 |
21.3 |
21.0 |
0.3 |
0.2 |
0.1 |
Prix : |
2.2 |
||||||
Aquaculture3 |
2878 |
3165 |
3439 |
3716 |
0.9 |
1.5 |
1.6 |
Produits échangés3 |
2828 |
3203 |
3499 |
3815 |
1.1 |
1.7 |
1.8 |
Farine de poisson3 |
1475 |
1726 |
1720 |
1724 |
1.9 |
1.8 |
2.1 |
Huile de poisson3 |
1655 |
1879 |
1919 |
2018 |
1.4 |
1.6 |
1. En mt.
2. En kg.
3. En usd/t.
Source : calculs des auteurs d’après les données de OCDE/FAO (2018).
Consommation
La consommation mondiale de poisson destiné à l’alimentation humaine5 devrait s’élever à 177 Mt en 2027, en augmentation de 24 Mt au total par rapport à la période de référence. L’aquaculture devrait fournir une part croissante du poisson consommé et représenter 58 % du total de la consommation humaine en 2027. La consommation alimentaire de poisson sera stimulée par une conjonction de facteurs comme la hausse des revenus, la croissance démographique et l’urbanisation, ainsi que l’appréciation croissante des qualités du poisson en tant qu’aliment sain et nutritif. La demande sera également encouragée par les progrès réalisés dans le domaine de la transformation, du conditionnement et de la distribution alimentaires. L’augmentation se fera toutefois à un rythme plus lent qu’au cours des décennies antérieures. Ce ralentissement s’explique essentiellement par la croissance moins allègre de la production, qui entraîne une hausse des prix du poisson, et par la décélération de la croissance démographique. La consommation humaine apparente de poisson par habitant devrait atteindre 21.3 kg en 2027, contre une moyenne de 20.5 kg en 2015‑17.
Une forte progression de la demande est toujours attendue ces dix prochaines années dans les pays en développement, qui représenteront 94 % de l’augmentation et consommeront 81 % du poisson destiné à l’alimentation humaine en 2027. Malgré cette croissance supplémentaire, la consommation annuelle apparente de poisson par habitant dans les pays en développement demeurera inférieure à celle des régions plus développées (21.0 kg contre 22.9 kg en 2027). Les pays développés, dont la population est vieillissante et dont la consommation de poisson par habitant est déjà élevée, ne devraient connaître qu’une légère augmentation de cette consommation (de 22.7 kg à 22.9 kg).
La consommation totale de poisson destiné à l’alimentation humaine devrait augmenter sur tous les continents en 2027 par rapport à la période de référence, les taux de croissance les plus marqués étant attendus en Afrique (+26 %), en Océanie (+23 %), en Amérique (+16 %, avec un taux de +24 % en Amérique latine) et en Asie (+16 %). Malgré l’amélioration de l’offre sur la plupart des marchés, la consommation de poisson par habitant restera très disparate d’un pays à l’autre et au sein des pays et des régions, tant en termes de quantités et de variétés qu’au regard de la contribution aux apports nutritionnels. D’autres facteurs que l’offre et les revenus stimulent la consommation de poisson. Il est évident que des facteurs socioéconomiques et culturels influent considérablement sur les quantités et les espèces de poisson consommées, notamment les coutumes alimentaires, les goûts, les saisons et les prix. La pêche et l’aquaculture formant un secteur des plus mondialisé, les consommateurs seront également exposés et soumis aux effets des tendances mondiales et disposeront d’un plus vaste choix de produits et d’espèces disponibles.
La consommation de poisson par habitant affichera une hausse sur tous les continents à l’exception de l’Afrique (graphique 8.6.), où elle devrait fléchir de 9.9 kg en 2015‑17 à 9.6 kg en 2027, avec un déclin particulièrement prononcé en Afrique subsaharienne. Ainsi se poursuit une tendance amorcée en 2014 et qui est principalement imputable à la croissance démographique, plus rapide que le rythme auquel l’offre augmente. Entre la période 2015‑17 et 2027, la population du continent africain devrait croître de 2.4 % par an, contre seulement 2.1 % pour l’offre de poisson destiné à l’alimentation humaine. Pour satisfaire la demande accrue de poisson, l’Afrique devrait augmenter le recours aux importations de produits destinés à l’alimentation humaine (+26 % globalement, au rythme de 2.5 % par an), lesquelles couvriront 36 % du total de la consommation de poisson en Afrique, voire 43 % si l’on s’en tient à l’Afrique subsaharienne. La baisse de la consommation de poisson par habitant en Afrique, qui entraîne un moindre apport en protéines et oligoéléments issus du poisson, peut se répercuter sur la sécurité alimentaire et la capacité du continent à atteindre les objectifs de lutte contre la malnutrition (2.1 et 2.2) poursuivis par l’Objectif de développement durable (ODD) numéro 2 des Nations Unies (Éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir l’agriculture durable). Cette préoccupation est d’autant plus pertinente que c’est en Afrique que l’on observe la plus forte prévalence de sous-alimentation dans le monde et que la situation sur le plan de la sécurité alimentaire s’est récemment dégradée dans certaines régions d’Afrique subsaharienne6. Bien que l’Afrique affiche actuellement une consommation de poisson par habitant inférieure à la moyenne mondiale, la proportion de l’apport en protéines de poisson dans l’apport total en protéines animales y est plus élevée. En moyenne, le poisson représente environ 19 % de l’apport total en protéines animales sur le continent, une proportion qui peut même être supérieure à 50 % dans certains pays, notamment en Afrique occidentale.
Le poisson qui n’est pas consommé dans le cadre de l’alimentation humaine est broyé pour produire de la farine et de l’huile de poisson ou est destiné à des usages non alimentaires, comme la production de poissons d’ornement, de poissons d’élevage, de progénitures et alevins, d’appâts ou d’intrants destinés à l’industrie pharmaceutique, et peut servir directement d’aliment aux espèces aquacoles, au bétail et à d’autres animaux. La consommation de farine et d’huile de poisson devrait rester marquée par la concurrence traditionnelle que se livrent l’aquaculture et l’élevage de bétail pour la farine de poisson, et celle entre l’aquaculture et les suppléments alimentaires directement destinés à la consommation humaine pour l’huile de poisson, mais elle sera limitée par la stabilité relative de la production. La farine et l’huile de poisson, dont les prix sont élevés et qui demandent des efforts considérables en matière d’innovation, devraient rester moins utilisées en guise d’aliment dans la production aquacole et être plus fréquemment employées comme ingrédient stratégique afin de stimuler la croissance à des étapes données de la production. Avec le recul de l’utilisation des farines, le marché des tourteaux d’oléagineux continuera de gagner en importance dans l’aquaculture, qui devrait en employer environ 9.4 Mt en 2027. C’est la Chine qui consommera la plus grande quantité de farine de poisson destinée à l’alimentation animale, avec plus de 39 % du total en 2027. L’huile de poisson devrait continuer à être utilisée essentiellement dans le secteur aquacole, mais elle sera aussi transformée pour consommation humaine directe, car elle est riche en acides gras oméga-3, jugés bénéfiques pour de nombreuses fonctions biologiques.
Échanges
Les produits halieutiques et aquacoles figurent parmi les produits alimentaires les plus échangés dans le monde. Les échanges jouent un rôle de premier plan dans ce secteur en créant des emplois, en fournissant des produits alimentaires, en générant des revenus, en contribuant à la croissance et au développement économiques et en améliorant la sécurité alimentaire. Dans bien des pays et pour bon nombre de régions côtières, fluviales, insulaires et intérieures, les exportations de ces produits sont un élément essentiel de l’économie. Le secteur s’inscrit dans un cadre de plus en plus mondialisé ; le poisson peut être produit dans un premier pays, transformé dans un second et consommé dans un troisième. Un tiers environ de la production devrait être exportée sous différentes formes englobant diverses espèces en 2027. La demande soutenue, les politiques de libéralisation des échanges, la mondialisation des systèmes alimentaires, l’amélioration de la logistique et les innovations technologiques continueront de favoriser l’essor du commerce international dans ce secteur, quoiqu’à un rythme plus lent que lors de la décennie écoulée. Les exportations mondiales de poisson destiné à la consommation humaine devraient frôler 46 Mt pv, soit 7 Mt de plus que la moyenne observée sur la période 2015‑17. Le rythme de croissance annuel des exportations devrait toutefois ralentir, freiné par l’augmentation des prix, le coût élevé du transport, l’augmentation plus mesurée de la production de poisson et une demande intérieure plus dynamique dans certains pays clés comme la Chine.
En tête du classement des pays producteurs, les pays en développement devraient rester les principaux fournisseurs des marchés mondiaux, malgré une légère diminution de leur part dans les échanges totaux de poisson destiné à la consommation humaine (de 66 % pendant la période de référence à 64 % en 2027). La Chine, le Viet Nam et la Norvège resteront les plus grands exportateurs mondiaux de poisson. Il est intéressant de noter que le 13e plan quinquennal chinois peut avoir des répercussions relativement profondes non seulement sur la production, mais aussi sur les échanges. Le graphique 8.7 illustre ces potentielles répercussions, lesquelles pourraient considérablement modifier la balance commerciale de la Chine, ce qui ne serait pas sans conséquence sur le marché mondial ; il présente à cet effet différents scénarios de mise en œuvre du plan : absence de mise en œuvre, mise en œuvre partielle (scénario retenu dans les présentes projections) et mise en œuvre totale.
Le commerce international joue également un rôle de poids dans l’essor de la consommation de poisson en offrant un plus large choix aux consommateurs. Une part considérable et croissante des poissons consommés en Amérique du Nord, en Europe et en Afrique est issue des importations, en raison de la demande soutenue, y compris pour des espèces qui ne sont pas issues de productions locales, et du fait de la production nationale stagnante ou fléchissante. Les principaux importateurs resteront l’Union européenne, les États-Unis et le Japon. Les pays de l’OCDE consolideront leur position en tant que destination privilégiée des exportations de poisson destiné à la consommation humaine en important 54 % des produits échangés dans le monde en 2027. Dans leur ensemble, les pays développés continueront d’importer 53 % du poisson destiné à la consommation humaine échangé dans le monde en 2027. Les pays en développement, quant à eux, devraient accroître leurs importations de ces produits. Il s’agira notamment de matières premières pour transformation et réexportation et, de plus en plus, de produits destinés à répondre à l’essor de la consommation intérieure, en particulier d’espèces qui ne sont pas produites localement.
Les échanges de farine de poisson devraient augmenter de 8 %7 par rapport à la période de référence d’ici 2027. Le Pérou et le Chili devraient rester les deux principaux exportateurs de farine et les pays asiatiques, en particulier la Chine, demeurer les principaux importateurs en raison de l’ampleur de leur activité aquacole. Les pays européens resteront les principaux importateurs d’huile de poisson (principalement pour la salmoniculture, mais également pour l’industrie pharmaceutique), absorbant 52 % des importations mondiales.
Principales questions et incertitudes
Les projections présentées et examinées dans ce chapitre rendent compte de l’évolution du secteur de la pêche et de l’aquaculture escomptée au cours de la décennie à venir. Elles reposent sur une série d’hypothèses concernant divers aspects de la situation économique, environnementale et sur le front de l’action publique. Par conséquent, une évolution imprévue de ces aspects pourrait entraîner des résultats différents, si bien que ces projections revêtent une certaine part d’incertitude. Cette section présente et analyse certains de ces points d’incertitude et difficultés susceptibles de survenir au cours de la période de projection.
L’effet des épisodes El Niño est explicitement pris en compte dans la modélisation (en 2021 et 2026), mais la fréquence et l’impact global de ces phénomènes sur la production mondiale de poisson sont estimés en s’appuyant sur l’expérience des épisodes passés8. L’influence du changement climatique, la variabilité météorologique et l’évolution de la fréquence et de l’ampleur des phénomènes météorologiques extrêmes devraient perturber la production halieutique et aquacole actuelle et, dans certains cas, ajouter aux préoccupations que suscité déjà la durabilité. Sur le front de la pêche, l’évolution des comportements migratoires des poissons soulève désormais des questions de compétence à l’échelle internationale et pose des problèmes de gestion des pêches dans les cas où les stocks migrent vers d’autres régions dotées d’un système de gestion. Comme indiqué dans les dernières éditions des Perspectives, le changement climatique devrait avoir des répercussions non seulement sur la production de poisson, mais aussi sur l’ensemble de la chaîne de valeur, produisant des effets d’ampleur et de nature différentes. Une récente étude de la FAO9 analyse de manière exhaustive les principaux impacts du changement climatique sur le secteur de la pêche et de l’aquaculture. Elle passe en revue la manière dont les impacts du changement climatique, la vulnérabilité à ce changement et la production pourraient évoluer selon le secteur et la région et présente des méthodes et outils en faveur de l’adaptation des activités de pêche et d’aquaculture. De nombreuses autres études et analyses sont menées, mais les mécanismes précis permettant de prévoir comment, où et quand ces impacts se produiront sont trop complexes pour être directement pris en compte dans les Perspectives ; les projections reposent donc sur l’hypothèse d’un maintien des conditions météorologiques normales au-delà de 2018, ne faisant exception à cette règle que pour tenir compte des épisodes El Niño.
En plus du changement climatique, un large éventail d’autres facteurs liés à l’environnement et à l’action publique sont connus pour influencer l’évolution et la dynamique des secteurs de la pêche et de l’aquaculture. Bon nombre ont été examinés plus ou moins en détail dans des éditions précédentes des Perspectives (état des stocks, pollution, difficultés propres à chaque secteur, etc.) et restent d’actualité.
La production mondiale de poisson, aquaculture et pêche réunies, est fortement influencée par la politique de gestion et les mécanismes de contrôle. Compte tenu des politiques en place, la production halieutique devrait rester relativement stable à l’échelle mondiale ces dix prochaines années, tandis que la production aquacole poursuivra sa progression tout en ralentissant le rythme par rapport à la décennie passée. Les pouvoirs publics sont de plus en plus conscients de la nécessité d’améliorer les cadres de gestion des pêches et des solutions d’amélioration qui s’offrent à eux. Certaines régions du monde ayant adopté des pratiques de gestion des ressources plus adaptées et plus efficaces, certains stocks commencent à se reconstituer et certaines pêches montrent des signes de redressement, des tendances qui devraient se poursuivre au cours de la prochaine décennie. Elles permettront à la production halieutique globale de se maintenir, voire de progresser, grâce à une augmentation des captures dans certaines pêches et zones de pêche. L’ampleur du phénomène est encore relativement incertaine, mais cette perspective compte parmi les améliorations possibles. Malheureusement, les ambitions en matière de durabilité de la pêche peuvent être contrecarrées par des politiques qui ont pour effet d’encourager des méthodes de production et des volumes de capture non durables, comme c’est le cas des mesures visant à accroître les revenus ou la production. Mener la réforme à bien n’est pas chose aisée dans la pratique, car il faut composer avec une connaissance insuffisante des faits, le manque de ressources, le manque de cohérence des politiques, les groupes d’intérêts et la défiance 10. Il plane sur la production de poisson une autre incertitude considérable liée à l’impact que pourrait avoir le plan quinquennal chinois en vigueur (encadré 8.1). Certes, les changements qu’il induira sont en partie pris en compte dans le scénario de référence, mais il reste difficile à ce stade de déterminer avec certitude l’ampleur des effets qu’ils produiront effectivement sur la production halieutique et aquacole.
Les subventions à la pêche et la pêche INN sont au cœur des discussions actuellement menées à l’échelon international, en particulier dans le cadre des ODD des Nations Unies. Bien que les participants à la onzième conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce qui s’est tenue en décembre 2017 n’aient pas réussi à s’accorder sur un texte interdisant les subventions aux activités relevant de la pêche INN ou ciblant des stocks surexploités, des progrès ne sont pas exclus à relativement court terme. Les délégations présentes lors de la conférence ministérielle sont convenues de s’engager de manière constructive dans des négociations sur les subventions à la pêche, dans l’optique de parvenir à un accord en 2019. Si des avancées notables peuvent être réalisées dans ce domaine, elles pourraient avoir des répercussions sur la production halieutique de certaines régions en la réduisant à court ou moyen terme. Une grande incertitude règne toutefois sur la concrétisation et le calendrier d’un éventuel accord et, le cas échéant, sur l’ampleur de son effet sur la production.
Les incertitudes qui pèsent sur les prévisions concernant les échanges, quant à elles, relèvent d’accords commerciaux régionaux aussi bien que mondiaux. L’une d’entre elles découle de l’avertissement adressé en octobre 2017 par l’Union européenne au Viet Nam en vertu de la législation communautaire relative à la pêche INN, les efforts consentis par le Viet Nam pour combattre ces pratiques étant jugés insuffisants. Ce « carton jaune » n’implique en soi aucune limitation des échanges, mais en l’absence de mesures suffisantes pour remédier à la situation, il pourrait se transformer en carton rouge, ce qui provoquerait la fermeture totale du marché de l’Union européenne aux captures des navires vietnamiens. Une telle issue entraînerait a minima des redéploiements et remaniements dans certains flux et rapports commerciaux.
Notes
← 1. Ainsi, le scénario de cette année se trouve à mi-chemin entre les projections de l’an passé et le scénario tablant sur le plus fort ralentissement de croissance de l’aquaculture et le plus net recul de la production halieutique.
← 2. L’expression « produits halieutiques et aquacoles » englobe les poissons, les crustacés, les mollusques et autres invertébrés aquatiques, mais elle ne comprend pas les mammifères et plantes aquatiques. Les quantités sont exprimées en équivalent poids vif (pv), hormis celles concernant la farine et l’huile de poisson.
← 3. Un épisode El Niño de faible envergure est pris en compte dans le modèle en 2021, mais ses effets sont insuffisants pour réduire la production mondiale de poisson par rapport à 2020.
← 4. . À savoir 2021 et 2026 dans le modèle.
← 5. . Le poisson destiné à la consommation humaine correspond à la production de poisson, déduction faite de celle destinée à des usages non alimentaires (production de farine et d’huile de poisson, par exemple) et aux exportations, majorée des importations et à laquelle on ajoute ou retranche les stocks, selon le cas. Les données relatives à la consommation de produits halieutiques et aquacoles reprises dans cette section se rapportent à la consommation apparente, autrement dit à la quantité moyenne de produits alimentaires disponibles pour consommation, sachant que, pour un certain nombre de raisons (déchets alimentaires générés par les ménages, par exemple), cette mesure n’est pas égale à la consommation de produits comestibles.
← 6. FAO, FIDA, UNICEF, PAM et OMC. 2017. État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde, 2017. Renforcer la résilience pour favoriser la paix et la sécurité alimentaire. Rome, FAO.
← 7. Le volume modeste des échanges enregistré en 2016 à la suite d’un épisode El Niño particulièrement virulent influe sur ce pourcentage.
← 8. L’ampleur des épisodes El Niño escomptés dans les Perspectives est déterminée sur la base des épisodes précédents du phénomène au moyen des valeurs de l’indice océanique El Niño (ONI), qui mesure l’oscillation australe.
← 9. Barange, M., Bahri, T., Beveridge, M., Cochrane, K., Funge-Smith, S., Poulain, F. (dir. pub.) 2018. Impacts of Climate Change on fisheries and aquaculture: Synthesis of current knowledge, adaptation and mitigation options. FAO, Document technique sur les pêches, no 627 (en cours d’impression).
← 10. Le 2 mai 2018, l’OCDE a organisé une conférence intitulée « Réussir la réforme pour promouvoir une pêche et une aquaculture durables », qui a réuni des responsables publics et des spécialistes des milieux d’affaires et universitaires ainsi que de la société civile dans le but d’étudier les moyens concrets d’accélérer la réforme des politiques de la pêche.