Cette section contient des informations sur les modalités d’établissement des projections qui sont utilisées aux fins des présentes Perspectives agricoles. La description générale des projections de référence et des Perspectives est suivie d’un examen détaillé de la batterie d’hypothèses sur laquelle les projections macroéconomiques reposent et qui sont regroupées ici de manière cohérente. Après l’avoir présenté, on expliquera ensuite comment le modèle Aglink-Cosimo sert à réaliser une analyse stochastique partielle.
Perspectives agricoles de l'OCDE et de la FAO 2018-2027
Méthodologie
Établissement des Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO
Les projections présentées dans ces Perspectives agricoles sont le fruit d’un exercice pour lequel un très grand nombre de sources d’information ont été mobilisées. Ces projections reposent sur les données fournies par les pays et les experts ainsi que sur les résultats du modèle Aglink-Cosimo établi par l’OCDE et la FAO pour analyser les marchés agricoles mondiaux. Ce modèle économique sert également à vérifier la cohérence des projections de référence. Les experts n’en sont pas moins largement consultés à différents stades du processus. Les Perspectives agricoles présentent une vision commune jugée plausible par les secrétariats de l’OCDE et de la FAO, compte tenu des hypothèses retenues et des informations disponibles au moment de la rédaction.
Point de départ : établissement des valeurs de référence initiales
Les séries de données qui fournissent les valeurs observées sont extraites des bases de données de l’OCDE et de la FAO. Pour l’essentiel, les informations contenues dans ces bases proviennent de sources statistiques nationales. Les valeurs de départ utilisées pour définir l’évolution future probable des marchés agricoles sont établies par l’OCDE, pour ce qui est de ses États membres et certains non membres, et par la FAO, pour tous les autres pays.
Du côté de l’OCDE, un questionnaire annuel est diffusé à l’automne auprès des administrations nationales. Le Secrétariat de l’OCDE recueille ainsi des informations sur l’évolution escomptée des marchés des produits étudiés dans les Perspectives et des politiques agricoles nationales.
Du côté de la FAO, les projections de départ destinées aux modules par pays sont établies à l’aide des modèles et des avis des spécialistes de produits de la FAO.
Il est également fait appel à des sources extérieures comme le FMI, la Banque mondiale ou l’ONU, de manière à dégager une vision globale des principaux facteurs économiques qui déterminent l’évolution des marchés.
L’objet de cette étape est d’obtenir un premier aperçu de l’évolution possible des marchés et de construire les principales hypothèses sous-jacentes aux Perspectives. Celles qui concernent l’activité économique et l’action publique sont décrites dans le chapitre « Vue d’ensemble » ainsi que dans les tableaux par produits. Les sources et hypothèses dont elles découlent sont analysées plus en détail ci-après.
Ensuite, il est recouru au cadre de modélisation Aglink-Cosimo de l’OCDE et de la FAO pour intégrer les données initiales de manière cohérente et en tirer des valeurs de référence initiales sur la base desquelles les projections de l’évolution des marchés mondiaux sont établies. Ce cadre de modélisation garantit qu’à l’échelle mondiale, les projections de la consommation cadrent avec celles de la production des différents produits. Il est examiné plus en détail dans la section 3.
Outre les quantités produites, consommées et échangées, ce scénario de référence porte sur les prix nominaux (exprimés en unités monétaires locales) des produits considérés1.
Les valeurs de référence initiales sont ensuite corrigées :
Pour les pays qui relèvent du Secrétariat de l’OCDE, elles sont comparées avec les réponses indiquées dans le questionnaire. Les problèmes, quels qu’ils soient, sont examinés dans le cadre d’échanges bilatéraux avec les experts des pays concernés.
S’agissant des modules nationaux et régionaux mis au point par le Secrétariat de la FAO, les valeurs de référence initiales sont examinées par un cercle plus large d’experts internes et internationaux.
Valeurs de référence définitives
À ce stade, un tableau général des projections apparaît. Des ajustements sont effectués suivant les compromis convenus entre les deux secrétariats et les conseillers externes. À partir du résultat de ces échanges et des informations actualisées, un deuxième ensemble de valeurs de référence est élaboré. Les informations ainsi obtenues servent à analyser les marchés des biocarburants, des céréales, des oléagineux, du sucre, de la viande, des produits de la pêche et de l’aquaculture, des produits laitiers et du coton sur la période couverte par les Perspectives.
Ces résultats sont ensuite examinés lors des réunions annuelles du Groupe sur les marchés de produits du Comité de l’agriculture de l’OCDE, qui réunit les experts des administrations nationales des États membres de l’OCDE et des organisations spécialisées. La version définitive des projections de référence est établie à partir des observations formulées par ce groupe et des données révisées.
Les modalités d’élaboration des Perspectives impliquent que les projections de référence présentées dans ce rapport ne reposent pas seulement sur des projections pures, mais tiennent également compte des connaissances des experts. L’utilisation d’un cadre de modélisation formel permet de résoudre les incohérences relevées entre les projections des différents pays et de parvenir à un équilibre général pour tous les marchés de produits. La procédure d’examen permet de prendre en compte l’avis des experts nationaux dans les projections et les analyses connexes. Ce sont néanmoins les secrétariats de l’OCDE et de la FAO qui, en dernier ressort, sont responsables des projections et de leur interprétation.
Avant d’être publié, le texte des Perspectives agricoles a été rédigé sur la base de ces projections révisées, puis examiné, en mai par le Comité de direction du Département du développement économique et social de la FAO, ainsi que par le Groupe de travail des politiques et des marchés agricoles du Comité de l’agriculture de l’OCDE. Par ailleurs, les Perspectives serviront de point de départ à l’analyse présentée au Comité des produits de la FAO, ainsi qu’à ses divers groupes intergouvernementaux sur les produits.
Sources et hypothèses utilisées pour les projections macroéconomiques
Les données démographiques utilisées pour l’ensemble des pays et blocs régionaux considérés dans les présentes Perspectives sont des estimations tirées de la version 2017 de la base de données des perspectives démographiques des Nations Unies (United Nations Population Prospects). Sur les quatre variantes de projection envisagées (fécondité basse, moyenne, haute et constante), c’est la variante moyenne qui a été retenue pour la période de projection. La décision d’utiliser la base de données des Nations Unies sur les perspectives démographiques tient au fait qu’il s’agit d’une source très complète d’estimations fiables et qu’elle renseigne également sur des pays en développement non membres de l’OCDE. Dans un souci de cohérence, elle constitue également la source des estimations démographiques historiques et des données de projection.
Les autres séries macroéconomiques utilisées dans le modèle AGLINK-COSIMO sont celles du PIB réel, de l’indice implicite des prix du PIB, du déflateur des dépenses de consommation des ménages, du prix du pétrole brut Brent (en USD par baril) et des taux de change exprimés en unités de monnaie locale pour un dollar des États-Unis. Les données historiques utilisées pour les séries concernant les pays de l’OCDE ainsi que le Brésil, l’Argentine, la Chine et la Fédération de Russie concordent avec celles publiées dans le n°102 des Perspectives économiques de l’OCDE, en novembre 2017. Pour les autres économies, les données macroéconomiques historiques proviennent des Perspectives économiques mondiales du FMI publiées en octobre 2017. Les hypothèses retenues pour 2018-27 reposent sur les projections macroéconomiques à moyen terme récemment établies par le Département des affaires économiques de l’OCDE, sur les projections décrites dans le n°102 des Perspectives économiques de l’OCDE et sur les projections du FMI.
Dans le modèle, les indices du PIB réel, des prix à la consommation (déflateur des dépenses de consommation des ménages) et des prix à la production (indice implicite des prix du PIB) prennent la valeur 1 pour 2010, qui sert d’année de référence. L’hypothèse de taux de change constant en termes réels implique qu’un pays dont le taux d’inflation est supérieur (inférieur) à celui des États-Unis (mesuré par l’indice implicite des prix du PIB des États-Unis) verra sa monnaie se déprécier (s’apprécier) et, en conséquence, son taux de change augmenter (diminuer) au cours de la période considérée dans la mesure où le taux de change est exprimé en nombre d’unités de monnaie locale correspondant à 1 USD. Le taux de change nominal est calculé à partir de la croissance en pourcentage du ratio « déflateur du PIB du pays considéré / déflateur du PIB des États-Unis »”.
Jusqu'à 2016, le cours du pétrole utilisé est tiré de la version actualisée des Perspectives économiques de l’OCDE n°102 (novembre 2017). Pour 2017, c’est le prix spot moyen annuel qui est utilisé, et pour 2018, le prix spot quotidien moyen de décembre 2017. Pour 2019 et les années suivantes, les projections des prix du pétrole brut Brent reprennent les prix des produits de base anticipés par la Banque mondiale (octobre 2017).
Le modèle Aglink-Cosimo
Aglink-Cosimo est un modèle économique qui analyse l’offre et la demande agricoles mondiales. Administré par les secrétariats de l’OCDE et de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), il sert à l’élaboration des Perspectives agricoles de l'OCDE et de la FAO et à l’analyse des scénarios d’action publique.
Aglink-Cosimo est un modèle d’équilibre partiel dynamique et récursif, employé pour simuler l’évolution d’une année sur l’autre de l’équilibre des marchés et des prix des principaux produits agricoles de base qui sont produits, consommés et négociés dans le monde. Des modules nationaux et régionaux englobant le monde entier et les projections sont élaborés et tenus à jour par les secrétariats de l’OCDE et de la FAO, en collaboration avec des experts et les administrations nationaux. Plusieurs grandes caractéristiques sont à signaler :
Aglink-Cosimo est un modèle d’équilibre partiel sur les principaux produits agricoles de base. Les marchés non agricoles ne sont pas modélisés et sont traités de façon exogène ; de ce fait, les hypothèses concernant la trajectoire des variables macroéconomiques clés sont prédéterminées et l’incidence des évolutions des marchés agricoles sur l’économie en général n’est pas envisagée.
Les marchés mondiaux des produits agricoles de base sont censés être concurrentiels, ce qui signifie que les acheteurs et vendeurs acceptent les prix. Les prix du marché sont déterminés par l’équilibre mondial ou régional de l’offre et de la demande.
La production d’un pays et les produits qu’il échange sont considérés comme homogènes et donc comme parfaitement substituables par les acheteurs et les vendeurs. En particulier, les importateurs ne distinguent pas les produits en fonction de leur pays d’origine, étant donné qu’Aglink-Cosimo n’est pas un modèle spatial. Les importations et les exportations sont néanmoins déterminées séparément. Cette hypothèse a une incidence sur les résultats des analyses dans lesquelles les échanges sont un facteur important.
Aglink-Cosimo est un modèle dynamique et récursif, en conséquence de quoi les résultats obtenus pour une année déterminent ceux des années consécutives (par exemple, à travers les effectifs des cheptels). Les projections obtenues avec Aglink-Cosimo portent sur les dix années à venir.
Aglink-Cosimo est décrit en détail en anglais dans un document paru en 2015, qui peut être consulté à cette adresse : www.agri-outlook.org.
Le modèle employé pour établir les projections relatives aux produits de la pêche et de l’aquaculture est un satellite d’Aglink-Cosimo. Sont partagées les hypothèses exogènes sont mises en commun et les variables interactives, comme les prix qui se répercutent les uns sur les autres. Le modèle dédié à la pêche et à l’aquaculture a été remanié en profondeur en 2016. Les 32 éléments représentés dans les fonctions de l’offre totale de l’aquaculture ont été remplacés par des fonctions de l’offre de 117 espèces, chacune étant caractérisée par une élasticité, une ration alimentaire et un temps de réaction qui lui sont propres. Les principales espèces prises en compte sont le saumon, la truite, la crevette, le tilapia, la carpe, le silure (dont le Pangasius), les sparidés, le bar et les mollusques. À cela s’ajoutent quelques productions mineures, comme les chanidés. Le modèle a été construit de façon à assurer une cohérence entre les rations alimentaires et les marchés de la farine et de l’huile de poisson. Selon les espèces, les rations alimentaires peuvent contenir au maximum cinq types d’aliments : farine de poisson, huile de poisson, tourteaux d’oléagineux (ou substituts), huile végétale et aliments à faible teneur en protéines comme les céréales et le son.
Simulation stochastique à l’aide d’Aglink-Cosimo
L’analyse stochastique partielle montre en quoi les scénarios divergent de celui de référence en appliquant un traitement stochastique à un certain nombre de variables. Celles-ci sont sélectionnées de manière à permettre d’identifier les principales sources d’incertitude sur les marchés agricoles européens. Ainsi, dans ce cadre partiellement stochastique, 42 variables macro-économiques spécifiques aux pays, le prix du pétrole brut et 85 rendements spécifiques à des pays et à des produits sont considérés comme incertains. Outre le prix international du pétrole, quatre variables macro-économiques sont prises en compte pour les grands pays : l’indice des prix à la consommation (IPC) l’indice du produit intérieur brut, le déflateur du produit intérieur brut et le taux de change2. Les variables de rendement retenues sont les rendements du lait et des cultures principales sur les grands marchés mondiaux. Les cultures principales considérées sont le blé, l’orge, le maïs, l’avoine, le seigle, le riz, le soja, le colza, le tournesol, l’huile de palme ainsi que la betterave sucrière et la canne à sucre3.
La méthodologie étant exposée en détail dans Araujo-Enciso, Pieralli et Pérez-Domínguez (2017)4, on se contentera ici d’en décrire les grandes étapes, qui sont au nombre de trois :
(i) Quantification de la variabilité passée autour de la tendance calculée pour chaque variable macro-économique et chaque variable de rendement
Pour les variables macro-économiques, on considère les estimations économétriques réalisées par un modèle vectoriel autorégressif pour la période 2000-16, ainsi que la partie non expliquée de leur incertitude pour chaque année. Dans le cas des rendements, l’incertitude repose sur l’écart séparant les valeurs observées de la tendance temporelle polynomiale de degré 3 pour la période 2000-16. La corrélation entre les distributions empiriques des erreurs de prévision du rendement d’un produit donné est calculée pour chaque bloc régional, mais est supposée nulle entre les blocs. Tant dans le cas des variables macro-économiques que dans celui des rendements, les distributions empiriques des erreurs sont intégrées, à l’étape (ii), dans les copules archimédiennes hiérarchiques sans hypothèse supplémentaire quant à la forme des distributions marginales de l’incertitude.
(ii) Génération de 1 000 combinaisons possibles de valeurs des variables stochastiques
La deuxième étape consiste à obtenir 1 000 combinaisons possibles de valeurs des variables stochastiques, de manière à reproduire la variabilité définie à l’étape précédente (i) pour chaque année de la période de projection 2018-27. On intègre séparément les erreurs des variables macro-économiques et des variables de rendement dans une copule archimédienne hiérarchique afin de pouvoir simuler de manière flexible la corrélation entre ces variables à l’intérieur des pays et des blocs régionaux respectivement.
(iii) Application du modèle Aglink-Cosimo pour chacune des 1 000 combinaisons possibles de valeurs (scénarios d’incertitude)
La troisième étape consiste à faire tourner le modèle Aglink-Cosimo pour chacun des 1 000 scénarios d'incertitude générés à l’étape (ii). L’intégration combinée de l’incertitude d’ordre macro-économique et des rendements aboutit à 994 simulations réussies, le modèle ne donnant aucun résultat pour les six combinaisons restantes. Cela est dû à la complexité du modèle qui, mêlant équations et politiques, peut déboucher sur l’impossibilité d’obtenir un résultat en cas de choc extrême sur une ou plusieurs variables stochastiques.
Notes
← 1. Pour les régions, comme l’Union européenne et les groupes de pays en développement, les données relatives aux échanges concernent uniquement les échanges avec l’extérieur (et n’incluent donc pas les échanges réalisés à l’intérieur de la région). On obtient par conséquent des valeurs des échanges mondiaux plus faibles qu’en cumulant les statistiques nationales. Les demandes d’information concernant des séries particulières doivent être adressées aux secrétariats de l’OCDE et de la FAO.
← 2. Australie, Brésil, Canada, Chine, États-Unis, Europe (UE15 et les nouveaux États Membres avec un taux de change unique), Inde, Japon, Nouvelle-Zélande et la Fédération de Russie
← 3. Les principaux marchés retenus sont l’Europe (UE15 et les nouveaux États Membres), le Kazakhstan, l’Ukraine, la Fédération de Russie, l’Argentine, le Brésil, le Paraguay, l’Uruguay, le Canada, le Mexique, les États-Unis, l’Indonésie, la Malaisie, la Thaïlande, le Vietnam, l’Australie, la Chine, l’Inde et la Nouvelle-Zélande
← 4. Araujo-Enciso, S., Pieralli, S. et I. Pérez-Domínguez (2017), « Partial Stochastic Analysis with the Aglink-Cosimo Model: A Methodological Overview », EUR 28863 EN, Office des publications de l'Union européenne, Luxembourg, 2017, doi:10.2760/680976, JRC108837.