Ce chapitre décrit la situation des marchés et les éléments marquants qui se dégagent de la dernière série de projections quantitatives à moyen terme sur les marchés mondiaux et nationaux des oléagineux (projections à dix ans, de 2018 à 2027). La production mondiale d’oléagineux devrait progresser au rythme annuel d’environ 1.5 %, soit bien moins vite que pendant la décennie écoulée. Le Brésil et les États-Unis seront les principaux producteurs de soja, avec des volumes comparables. L’utilisation de tourteaux protéiques augmentera à un rythme moins soutenu, car la croissance de la production animale ralentit et la proportion de tourteaux intégrée à la ration alimentaire des animaux en Chine a atteint un palier. Dans la sphère des huiles végétales, la demande devrait progresser à moindre allure, bridée par une consommation alimentaire par habitant qui augmente moins rapidement dans les pays en développement et par la stagnation de la demande d’huile végétale destinée à la fabrication de biodiesel. Les exportations d’huile végétale continueront de provenir essentiellement d’Indonésie et de Malaisie, tandis que celles de soja, d’autres oléagineux et de tourteaux protéiques auront principalement pour origine les Amériques. Sur la période de projection, les prix devraient légèrement augmenter en valeur nominale, mais enregistrer un modeste recul en valeur réelle
Perspectives agricoles de l'OCDE et de la FAO 2018-2027
Chapitre 4. Oléagineux et produits oléagineux
Abstract
Situation du marché
La production mondiale de soja a légèrement reculé durant la campagne 2017 (octobre 2017‑septembre 2018), la récolte sud-américaine (effectuée durant les premiers mois de 2018) ayant été moins abondante que l’année précédente. Celle de la République populaire de Chine (ci-après la « Chine »), mais aussi la production canadienne, ont considérablement augmenté, le soja présentant un attrait grandissant par rapport à d’autres cultures. L’Inde a pour sa part enregistré une production en baisse. La production mondiale d’autres oléagineux (colza, tournesol et arachide) n’a quant à elle pratiquement pas changé en 2017.
La production mondiale d’oléagineux doit son essor avant tout à la demande croissante de tourteaux protéiques, notamment en Chine. Les importations de soja par ce pays n’ont toutefois progressé qu’à un rythme modéré durant la campagne 2017, freinées en partie par le déstockage du maïs.
La production d’huiles végétales a continué à augmenter en 2017 par rapport à 2016, tout en ralentissant la cadence par rapport aux années précédentes, bridée par le redressement peu dynamique de la production d’huile de palme après le passage d’El Niño en 2015. Par ailleurs, l’accélération de la demande d’importations est devenue manifeste dans plusieurs régions du monde et a entraîné un mouvement de reconstitution des stocks, y compris dans les pays importateurs. La consommation humaine d’huile végétale par habitant a aussi continué à augmenter, aussi bien dans les pays développés que dans les pays en développement, mais à un rythme bien plus rapide pour ces derniers.
Dans l’ensemble, le marché des oléagineux et produits oléagineux est resté stable durant les campagnes de 2016 et 2017, sans connaître de bouleversements importants.
Principaux éléments des projections
En valeur nominale, les prix de tous les oléagineux et produits oléagineux devraient augmenter légèrement durant la période de projection. En raison de la saturation de la demande alimentaire par habitant, de la stagnation dans le secteur du biodiesel et de l’intensification de l’élevage dans de nombreux pays émergents, le prix réel des huiles végétales baissera plus rapidement que celui des tourteaux protéiques au cours de la période. Les prix réels du soja et des autres oléagineux devraient diminuer eux aussi, dans un mouvement qui s’annonce toutefois volatil en raison des incertitudes qui planent sur les marchés.
La production mondiale de soja devrait continuer à progresser au cours de la période de projection, mais à un rythme annuel de 1.5 %, soit beaucoup moins vite que pendant la décennie antérieure (4.8 %). Ce ralentissement est dû, en grande partie, à une moindre augmentation des superficies cultivées. Le Brésil et les États-Unis seront au coude à coude pour le titre de premier producteur mondial sur la période examinée, avec une production atteignant 129 Mt et 131 Mt respectivement en 2027. La production des autres oléagineux augmentera de 1.6 % par an ces dix prochaines années, soit à un rythme plus modéré que les 3.1 % par an observés sur la décennie précédente. Le soja et les autres oléagineux restent pour l’essentiel triturés pour produire des tourteaux et de l’huile ; ces utilisations croissent plus vite que les autres, notamment que la consommation alimentaire directe de soja, d’arachide ou de tournesol, ou que l’utilisation directe du soja dans l’alimentation animale. Dans l’ensemble, la trituration devrait absorber 90 % de la production mondiale de soja et 86 % de la production mondiale d’autres oléagineux en 2027.
L’huile végétale comprend l’huile obtenue par trituration de graines de soja et d’autres oléagineux (55 % de la production mondiale environ), l’huile de palme (35 %), et l’huile de palmiste, de coco et de coton. Bien que les superficies en palmiers à huile matures s’étendent plus lentement, la production va progresser sensiblement en Indonésie (au rythme de 1.8 % par an, contre 6.9 % les dix années précédentes) et en Malaisie (1.4 % par an, contre 1.3 % précédemment). L’essor de la demande d’huile végétale devrait s’estomper au cours de la décennie à venir en raison : i) du ralentissement de croissance de la consommation alimentaire humaine par habitant dans les pays en développement, qui sera de 1.2 % par an contre 3.2 % au cours des dix années précédentes du fait que l’on s’approche du seuil de saturation ; et, ii) de la stabilisation de la demande d’huile végétale destinée à la production de biodiesel.
Les tourteaux de soja représentent la majeure partie de la production et de la consommation de tourteaux protéiques. Cette consommation devrait moins accélérer sur la période de projection qu’au cours des dix années précédentes (1.6 % par an, contre 4.2 %), limitée par la croissance moins allègre de la production animale mondiale et par la stabilisation de la proportion de tourteau protéique intégrée aux rations alimentaires animales en Chine. En effet, la consommation chinoise de ces tourteaux devrait progresser de 1.7 % par an, contre 7.2 % par an pendant la décennie précédente, affichant une croissance qui reste malgré tout supérieure à celle de la production animale.
Au classement des produits agricoles les plus échangés sur les marchés internationaux en proportion de leur production, les huiles végétales figurent dans le peloton de tête (41 %). Cette proportion devrait rester stable tout au long de la période de projection et les exportations mondiales d’huiles végétales s’établir à 96 Mt en 2027. La Malaisie et l’Indonésie, deux pays à forte vocation exportatrice, continueront de réaliser l’essentiel des exportations (graphique 4.1). En effet, l’Indonésie exporte à peu près 70 % de l’huile végétale qu’elle produit et la Malaisie, 80 %. Dans ces deux pays, la part des exportations devrait légèrement reculer, car davantage d’huile végétale sera utilisée pour produire des biocarburants et pour la consommation humaine. Les exportations indonésiennes progresseront de 1.6 % par an, contre 5.8 % au cours de la décennie précédente.
Les Amériques réalisent l’essentiel des exportations de soja, d’autres oléagineux et de tourteaux protéiques. L’accroissement des échanges mondiaux de soja devrait sensiblement ralentir par rapport à la décennie écoulée. Cette évolution est directement liée au rythme d’augmentation des tonnages transformés en Chine, qui devrait faiblir selon les prévisions. Parallèlement, le Brésil va ravir à l’Amérique du Nord la place de premier exportateur de soja à l’horizon 2027, sa part dans les exportations mondiales atteignant 41.8 %, alors que le Canada et les États-Unis n’en réaliseront plus que 40.6 % en 2027.
Le maintien de la croissance de la production passera nécessairement par une amélioration de la productivité. La marge de progression de la production de soja et d’huile de palme tiendra essentiellement aux activités de replantation et à la disponibilité de terres supplémentaires. La replantation de palmiers à huile manque de dynamisme, compte tenu de la faible rentabilité du secteur, surtout en Malaisie, où le coût de la main-d’œuvre augmente. Sur la période de projection, ces retards dans le renouvellement des plants se traduiront par une croissance atone de la production d’huile végétale. L’augmentation des surfaces pourrait quant à elle être limitée par de nouvelles lois sur la protection de l’environnement. De nouveaux dispositifs de certification des plantations durables d’huile de palme, proposés par les pays importateurs, pourraient supplanter les systèmes de certification en vigueur, qui ont été mis en place par les principaux exportateurs. Les politiques relatives aux biocarburants aux États-Unis, dans l’Union européenne et en Indonésie suscitent également de sérieuses incertitudes, car elles déterminent en très grande partie la demande d’huile végétale dans ces pays et régions. En outre, les problèmes et incertitudes communs à la plupart des produits de base (conjoncture macroéconomique, cours du pétrole brut et conditions météorologiques) ont des répercussions importantes sur le secteur des oléagineux.
Prix
À moyen terme, les prix des oléagineux et des produits oléagineux devraient repartir à la hausse en valeur nominale, sous l’effet de la demande croissante d’huile végétale et de tourteaux protéiques, sans toutefois atteindre les niveaux record enregistrés par le passé. La consommation d’huile végétale dépend principalement de la demande alimentaire humaine dans les pays en développement, qui découle de la croissance démographique et des revenus. Par ailleurs, étant donné que les prix du pétrole brut sont supposés rester faibles et que les aides publiques n’augmenteront guère, la consommation d’huile végétale destinée à la production de biodiesel ne devrait que très peu progresser. La demande de tourteaux protéiques tient essentiellement à la croissance de la production de non-ruminants et de lait, et au taux d’incorporation de protéines dans les rations alimentaires des animaux dans les pays émergents.
Un léger déclin des prix réels des oléagineux et produits oléagineux est prévu sur la période considérée (graphique 4.2), dans un mouvement qui s’annonce toutefois volatil en raison des incertitudes qui planent sur les marchés.
Production d’oléagineux
La production de soja devrait augmenter de 1.5 % par an, contre 4.8 % par an au cours de la dernière décennie. La production d’autres graines oléagineuses (colza, tournesol et arachide) progressera légèrement plus vite que celle de soja, au rythme de 1.6 % par an, contre 3.1 % par an ces dix dernières années. Elle devra son augmentation avant tout à l’amélioration des rendements, qui explique environ 60 % de la production supplémentaire, contre 55 % dans le cas du soja.
Le Brésil et les États-Unis devraient produire à peu près la même quantité de soja ces dix prochaines années, à savoir quelque 130 Mt chacun en 2027. Le taux de croissance annuel sera de 1.2 % pour les États-Unis et de 1.3 % pour le Brésil. Dans l’ensemble, la production de soja devrait continuer de croître fortement en Amérique latine, l’Argentine et le Paraguay produisant 66 Mt et 12 Mt en 2027 (graphique 4.3). Après avoir diminué ces dix dernières années, la production chinoise devrait repartir à la hausse, en raison notamment d’une baisse du soutien des pouvoirs publics à la culture de céréales. Enfin, la production devrait également s’accroître en Fédération de Russie, en Ukraine et dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne.
Les plus grands producteurs d’autres oléagineux sont la Chine (colza et arachide surtout) et l’Union européenne (colza et tournesol surtout), dont la production devrait ressortir à 32 Mt et 30 Mt respectivement en 2027. Ces deux pôles de production devraient toutefois connaître une croissance limitée atteignant le maigre taux de 1.0 % en Chine et seulement 0.3 % dans l’Union européenne. Autre grand producteur de colza, le Canada devrait voir sa production augmenter de 0.7 % par an. En revanche, la production d’autres graines oléagineuses devrait augmenter plus vite en Ukraine, en Fédération de Russie et en Inde. Les deux premiers pays, leaders mondiaux de la production de graines de tournesol, devraient continuer à voir leur production d’autres oléagineux augmenter plus vite que la moyenne mondiale, à 4.3 % et 2.2 % par an, respectivement. L’Inde augmentera également sa production d’oléagineux au rythme de 2.6 % par an, grâce à la l’amélioration continue des rendements, à une nouvelle augmentation des surfaces consacrées au soja et au retour à la hausse des surfaces cultivées d’autres graines oléagineuses. Cette expansion devrait permettre au pays de répondre à la demande intérieure croissante d’huile végétale.
Les stocks de soja ne devraient pratiquement pas changer, entraînant un recul du ratio stocks/consommation à l’échelle mondiale, de 11.6 % en 2015‑17 à 10.6 % environ en 2027. Compte tenu de la tendance générale à la concentration progressive de la production dans quelques grands pays, la baisse de ce ratio pourrait favoriser la volatilité des prix.
Trituration d’oléagineux et production d’huiles végétales et de tourteaux protéiques
À l’échelle mondiale, le soja et les autres oléagineux restent pour l’essentiel triturés pour produire des tourteaux et de l’huile. La demande de graines destinées à la trituration augmentera plus vite que la demande destinée à satisfaire d’autres usages, à savoir la consommation directe de soja, d’arachides et de graines de tournesol, ainsi que l’utilisation directe du soja dans l’alimentation animale. Dans l’ensemble, la trituration absorbera 90 % de la production mondiale de soja et 86 % de la production mondiale d’autres oléagineux en 2027. La situation géographique des activités de trituration dépend de nombreux facteurs : frais de transport, politiques commerciales, tolérance vis-à-vis des cultures transgéniques, coûts de transformation (main-d’œuvre, énergie, etc.) et infrastructures (ports, routes, etc.).
Avec une production mondiale en timide hausse selon les prévisions, le soja devrait voir ses volumes de trituration croître en moyenne de 1.5 % par an dans le monde, contre 5.0 % au cours de la décennie précédente. En valeur absolue, cette croissance correspond à une hausse de 70 Mt pendant la période considérée, soit bien moins que les 109 Mt enregistrés les dix années précédentes. La Chine, qui devrait produire 26 Mt supplémentaires de soja trituré, comptera pour 37 % de la hausse du volume de trituration dans le monde, en recourant essentiellement à du soja importé. Le volume de trituration des autres oléagineux devrait progresser moins vite que ces dix dernières années, avec une hausse de 1.6 % par an, ce qui revient à une augmentation de 24 Mt d’ici à 2027, par rapport à 2015-17. Cette tendance sera principalement alimentée par une intensification des activités de trituration en Ukraine (6.9 Mt), en Chine (6.8 Mt) et en Inde (3.3 Mt).
Forte d’une nette hausse de ses importations et de sa production d’oléagineux, la Chine continuera à accroître ses activités de trituration. Le pays finira par produire 28.8 % du volume mondial d’oléagineux triturés en 2027 (graphique 4.4). Les États-Unis devraient voir leur part reculer très faiblement, à 12.6 % d’ici 2027. Le poids de l’Argentine et du Brésil dans les activités de trituration à l’échelle mondiale reste stable, à 10.8 % et 9.8 % respectivement en 2027. La part de l’Union européenne devrait quant à elle décliner, car la demande de tourteaux protéiques et d’huiles végétales y augmente moins vite que dans le reste du monde. Sur les dix années à venir, la trituration connaîtra un rythme de croissance plus allègre dans les autres pays en développement que dans les grands acteurs du marché représentés ici, une progression qui se fera en partie au moyen d’oléagineux importés.
La production mondiale d’huile végétale est tributaire d’une part de la trituration d’oléagineux et d’autre part de la production de plantes oléagineuses tropicales pérennes, notamment de palmiers à huile. À l’échelle mondiale, la production d’huile de palme a connu une croissance plus vive que celle des autres huiles végétales au cours de la décennie écoulée ; toutefois, sa position s’affaiblit légèrement sur la période de projection. Elle se concentre en Indonésie et en Malaisie, qui représentent à elles seules plus d’un tiers de la production d’huiles végétales dans le monde.
La production d’huile de palme indonésienne devrait croître de 1.8 % par an durant la période de projection, contre 6.9 % par an au cours de la décennie passée. Le durcissement des politiques environnementales adoptées par les grands pays importateurs d’huile de palme et la généralisation des normes de production agricole durable à l’échelle mondiale, engendrés par le Programme de développement durable à l’horizon 2030, devraient ralentir l’expansion des surfaces plantées en palmiers à huile en Malaisie et en Indonésie. Parallèlement, le retard accumulé dans le renouvellement des plants en raison d’un manque de main-d’œuvre en Malaisie devrait peser sur la production au cours de la période de projection, à telle enseigne que celle-ci devra sa hausse à des gains de productivité. La production d’huile de palme croît plus vite dans d’autres pays, où elle part il est vrai d’un niveau fort bas et alimente essentiellement les marchés intérieurs ou régionaux. Il s’agit notamment de la Thaïlande, qui produira 2.9 Mt en 2027, de la Colombie, avec 2.0 Mt, et du Nigéria, avec 1.2 Mt. Au niveau mondial, l’offre d’huile de palme s’accroîtra de 1.8 % par an.
En plus de l’huile de palme et de celle extraite de la trituration d’oléagineux analysées ci-dessus, l’huile végétale comprend aussi l’huile de palmiste, de noix de coco et de coton. L’huile de palmiste est produite parallèlement à l’huile de palme et épouse donc la tendance de cette dernière. L’huile de coco est produite principalement aux Philippines, en Indonésie et dans les îles océaniennes. En Indonésie, la production augmentera de 2.2 % par an sur la période de projection, contre 1.8 % et 1.7 % respectivement pour les Philippines et les îles océaniennes. L’huile de coton est un sous-produit du coton, dont la production est essentiellement concentrée en Inde, aux États-Unis, au Pakistan et en Chine. La production indienne et pakistanaise devrait augmenter au rythme de 2.4 % et 1.4 % par an respectivement ces dix prochaines années. En revanche, la croissance devrait être plus modeste aux États-Unis (0.8 % par an) et en Chine (0.6 % par an). Globalement, la production d’huile végétale devrait croître de 1.7 % par an dans le monde.
La production mondiale de tourteaux protéiques devrait augmenter de 1.6 % par an pour atteindre 400 Mt à l’horizon 2027. Le tourteau de soja se taille la part du lion dans ce domaine puisqu’il représente plus des deux tiers de la production mondiale de tourteaux protéiques. Cette dernière se concentre dans un nombre restreint de pays. Selon les projections, l’Argentine, le Brésil, la Chine, l’Union européenne, l’Inde et les États-Unis réaliseront 75 % de la production mondiale en 2027. En Chine, la production de tourteaux, effectuée principalement à partir des graines de soja importées du Brésil et des États-Unis, devrait croître de 23.8 Mt sur la période de projection.
Consommation d’huile végétale
Avec des revenus par habitant en hausse, la consommation d’huile végétale alimentaire par habitant devrait s’accroître de 1.0 % par an dans les pays en développement, soit bien moins que les 2.7 % annuels observés en 2008‑17. Ce ralentissement traduit la saturation de la consommation par habitant dans de nombreux pays émergents. Ainsi, en Chine, elle atteindra 28 kg par habitant en 2027, avec une progression de 0.8 % par an. Elle restera inchangée au Brésil, à 23 kg. Enfin, elle atteindra 25 kg par habitant, pour une croissance de 0.6 % par an, en Afrique du Sud.
Dans la plupart des pays émergents, la quantité d’huile végétale alimentaire disponible par habitant devrait être comparable à celle enregistrée dans les pays développés, où la consommation atteindra un palier à 27.7 kg par habitant, en progression de 0.4 % par an.
L’Inde, second consommateur d’huiles végétales dans le monde, juste derrière la Chine, et premier importateur mondial de ce produit, devrait enregistrer une hausse annuelle de 3.1 % de la consommation par habitant, pour atteindre 24 kg par habitant en 2027. La consommation du sous-continent devrait s’élever à 37 Mt en 2027, contre 24 Mt en 2015‑17. Cette forte augmentation de la demande sera satisfaite à la fois par une production intérieure plus abondante due à l’intensification des cultures d’oléagineux, et par une nouvelle hausse des importations, principalement d’huile de palme d’origine indonésienne et malaisienne. Dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord et les PMA, l’apport d’huile végétale par habitant augmentera de façon considérable, atteignant 22 kg et 12 kg respectivement en 2027.
Le volume d’huile végétale destiné à la production de biodiesel ne variera guère ces dix prochaines années (progression de 0.3 % par an), alors qu’une augmentation de 8.5 % par an avait été enregistrée au cours de la décennie précédente, avec l’entrée en vigueur des politiques de soutien aux biocarburants. De manière générale, les objectifs de taux d’incorporation de biodiesel imposés par les pays devraient moins augmenter que par le passé, tandis que la production libre de biodiesel sera probablement limitée par la faiblesse des cours du pétrole. Par ailleurs, la part des résidus d’huile, du suif et d’autres matières premières utilisés dans la fabrication de biodiesel augmente, surtout en raison de certaines politiques. L’Union européenne diversifie les produits de base servant à la production de biodiesel pour y intégrer les résidus d’huile et le suif, si bien que le volume d’huile végétale destiné à la production de biodiesel devrait représenter 39 % de la consommation intérieure à l’horizon 2027, contre 41 % environ aujourd’hui. La baisse ainsi attendue dans l’Union européenne, mais aussi aux États-Unis, sera compensée par une consommation plus importante dans les pays émergents. En Argentine, la filière du biodiesel devrait rester tournée vers les exportations (plus de 40 % de la production est exportée). Le volume d’huile végétale destiné à l’industrie argentine des biocarburants devrait s’élever à 2.9 Mt en 2027, ce qui correspond à 75 % de la consommation intérieure du produit (graphique 4.6). La production de biodiesel a grimpé en flèche en Indonésie, au Brésil et en Thaïlande ces dix dernières années, mais le mouvement devrait s’essouffler dans la décennie à venir. En Indonésie et au Brésil, il devrait toutefois être plus rapide que la demande globale d’huile végétale alimentaire.
Consommation de tourteaux protéiques
La consommation de tourteaux protéiques devrait garder de l’élan en progressant de 1.6 % par an, soit à une allure bien plus modeste que le rythme annuel de 4.2 % des dix années précédentes. La croissance de la production de tourteaux protéiques est étroitement liée à celle de la demande d’aliments pour animaux, car la production est exclusivement utilisée à cette fin. Le lien entre production animale et consommation de tourteaux protéiques varie selon le degré de développement économique de chaque pays (graphique 4.7). Les pays en développement se tournant vers des modes de production qui font davantage appel aux aliments pour animaux, la croissance de la consommation de tourteaux tend à dépasser celle de la production animale. Dans les PMA, où les tourteaux protéiques sont encore très peu utilisés, l’intensification de l’élevage devrait se poursuivre, caractérisée par une utilisation plus courante des aliments industriels pour animaux. La quantité de tourteaux protéiques utilisée par unité de production animale devrait augmenter de façon considérable, entraînant une croissance rapide de la demande totale de ces pays. Dans les pays développés, où l’essentiel de la production animale s’appuie sur les aliments composés, la consommation de tourteaux protéiques progresse à un rythme semblable à celui de la production animale.
Parmi les pays émergents, le Viet Nam, l’Indonésie et l’Inde devraient voir leur consommation de tourteaux protéiques croître sur la période de projection, de 3.8 % par an pour le Viet Nam, 2.8 % pour l’Indonésie et 2.6 % pour l’Inde. Seul le Viet Nam verra ses importations de tourteaux progresser dans des proportions comparables à cette hausse de la consommation.
En Chine, la croissance de la consommation de tourteaux protéiques devrait passer de 7.2 % par an au cours de la décennie écoulée à 1.7 % par an, soit une progression annuelle de quelque 2.2 Mt. La hausse de la demande d’aliments composés pour animaux devrait se tasser dans le pays, en raison du ralentissement de croissance de la production animale, et du fait qu’une grande partie de la production recourt d’ores et déjà aux aliments composés. En outre, la part des tourteaux protéiques dans la consommation totale d’aliments pour animaux a bondi en Chine au cours de la décennie écoulée et dépasse désormais nettement celle observée aux États-Unis et dans l’Union européenne.
Échanges
Plus de 40 % de la production mondiale de soja fait l’objet d’échanges internationaux. Par rapport à la décennie précédente, l’essor des échanges mondiaux de ce produit devrait considérablement ralentir le rythme durant la période examinée. Cette évolution est directement liée au fléchissement anticipé du volume de trituration de soja en Chine. Les importations chinoises de soja ne devraient augmenter que de 1.5 % par an pour atteindre environ 113 Mt en 2027 et représenter les deux tiers environ des importations mondiales. Les exportations de soja proviennent pour l’essentiel des Amériques : à eux trois, les États-Unis, le Brésil et l’Argentine fourniront 87 % des volumes exportés en 2027. Les États-Unis viennent de se faire ravir le titre de premier exportateur mondial de soja, qu’ils détenaient de longue date, par le Brésil, qui voit ses capacités d’exportation croître de façon soutenue. En 2027, ce pays réalisera 42 % des exportations mondiales de soja.
La part de la production qui fait l’objet d’échanges internationaux est bien plus modeste pour les autres oléagineux que pour le soja, puisqu’elle représente quelque 14 % de la production mondiale. Les grands pays exportateurs sont le Canada, l’Australie et l’Ukraine, qui réaliseront plus de 75 % des exportations mondiales à l’horizon 2027. Au Canada et en Australie, plus de la moitié des autres oléagineux (colza) produits sont exportés (graphique 4.8).
Les exportations d’huile végétale, qui représentent 41 % de la production mondiale, restent dominées par quelques pays. L’Indonésie et la Malaisie continueront d’assurer près des deux tiers des exportations totales au cours des dix prochaines années. L’Argentine figure à la troisième place avec une part d’environ 7.9 % des exportations mondiales d’huile végétale en 2027. Dans ces trois pays, les exportations absorbent plus des deux tiers de la production intérieure d’huile végétale. Toutefois, cette part devrait diminuer légèrement en Indonésie et en Malaisie, la consommation destinée à l’alimentation, aux biocarburants et à l’oléochimie étant appelée à croître plus vite que les exportations. L’Inde devrait voir ses importations continuer de progresser au rythme soutenu de 4.7 % par an pour atteindre 26 Mt en 2027, soit environ 27 % des importations mondiales d’huile végétale.
Étant donné que la croissance mondiale de la production de viande devrait se concentrer dans les principaux pays transformateurs d’oléagineux, la consommation intérieure de tourteaux protéiques augmentera et les échanges ne progresseront que légèrement au cours de la décennie à venir, entraînant le recul de la proportion de la production mondiale faisant l’objet d’échanges internationaux. Les échanges mondiaux devraient s’accroître d’environ 1.5 % par an au cours de la période étudiée, contre 3.6 % par an durant la dernière décennie. L’Argentine demeurera de loin le premier exportateur de tourteaux, car elle est le seul grand producteur à privilégier sans équivoque les exportations. Toutefois, les exportations argentines devraient croître au rythme de 1.9 % par an durant la période de projection, contre 4.3 % par an auparavant. Au Brésil et aux États-Unis, la croissance des exportations devrait elle aussi marquer le pas. Le plus grand importateur de tourteaux est l’Union européenne, avec un volume quasi stationnaire de 25.9 Mt en 2027. L’Asie importera la moitié des 17 Mt supplémentaires de tourteaux échangés, le Viet Nam, le Pakistan et la Thaïlande augmentant leurs importations de 3.4 Mt, 1.8 Mt et 1.1 Mt respectivement entre 2015‑17 et 2027.
Principales questions et incertitudes
Les incertitudes communes à la plupart des produits de base (conjoncture macroéconomique, cours du pétrole brut, conditions météorologiques, etc.) s’appliquent aussi aux oléagineux. La production étant concentrée dans quelques régions du monde, les variations météorologiques ont un impact plus important sur la filière des oléagineux et de l’huile de palme que sur d’autres grandes cultures.
L’intensification de la production d’oléagineux en Inde, qui vise à répondre aux besoins d’une population grandissante, s’appuiera sur une vaste expansion des surfaces cultivées et d’importants gains de productivité dans le secteur. Ces deux conditions seront subordonnées à l’évolution du prix des oléagineux et à l’adoption de nouvelles mesures d’incitation durable à la production agricole intérieure.
La réduction progressive des taxes à l’exportation en Argentine ouvre de nouvelles perspectives au soja et au tournesol produits dans ce pays, bien qu’une certaine réaffectation des terres puisse favoriser les cultures céréalières, en particulier le maïs, qui leur font concurrence et qui bénéficient elles aussi de la libéralisation des exportations.
Les inquiétudes des consommateurs concernant la production du soja et de l’huile de palme sont liées au fait qu’une grande partie du soja produit est obtenu avec des semences transgéniques et que l’extension des plantations de palmiers à huile s’opère au détriment des forêts pluviales. Les dispositifs de certification, l’étiquetage des produits et la législation environnementale pourraient freiner l’extension des superficies consacrées au palmier à huile dans les grands pays producteurs et porter un coup aux achats opérés par les principaux importateurs, ce qui finirait par peser sur l’offre. Ces préoccupations font obstacle à la poursuite de l’extension des plantations de palmiers à huile et aux exportations d’huile de palme par la Malaisie et l’Indonésie.
La demande d’huile végétale en tant que matière première entrant dans la fabrication de biodiesel se stabilise, après une croissance rapide depuis l’année 2000 qui s’explique par les politiques menées par un certain nombre de pays. De fait, les politiques sur les biocarburants mises en œuvre par les États-Unis, l’Union européenne et l’Indonésie, ainsi que l’évolution des prix du pétrole brut, demeurent responsables des principales incertitudes qui pèsent sur le secteur des huiles végétales, étant donné qu’environ 12 % de l’huile végétale est destinée à la production de biodiesel. Le lien entre les cours de l’huile végétale et ceux du pétrole brut découle du rôle important joué par l’huile végétale dans la fabrication de biodiesel et peut constituer une source de volatilité pour les prix.
La demande de tourteaux protéiques a connu une progression remarquable à cause de l’intensification de la production animale dans les pays émergents. Cette tendance à l’intensification s’essouffle toutefois actuellement (en Chine en particulier), ce qui pèse sur le dynamisme des tourteaux protéiques et des oléagineux au cours de la décennie à venir.
Les tourteaux protéiques rivalisent en partie avec d’autres produits dans la production d’aliments composés et sont, à ce titre, sensibles à toute variation des prix des céréales. En outre, de nouvelles habitudes d’alimentation des animaux — en particulier des bovins — peuvent modifier la demande de tourteaux. En Chine, les ajustements apportés actuellement aux prix intérieurs des céréales, par exemple, auront des retentissements sur la composition des aliments composés produits par le pays, qui contiennent pour l’heure davantage de tourteaux protéiques que dans les pays développés et dans les autres grandes économies émergentes.