Ce chapitre décrit la situation des marchés et les éléments marquants qui se dégagent de la dernière série de projections quantitatives à moyen terme sur les marchés mondiaux et nationaux du sucre (projections à dix ans, de 2018 à 2027). La production de canne à sucre et de betterave sucrière devrait progresser moins rapidement qu’au cours de la décennie précédente. Selon les projections, le Brésil devrait rester en tête des pays producteurs et l’Inde, la Chine et la Thaïlande afficher de belles perspectives de croissance. La demande d’édulcorants caloriques (sucre et isoglucose) devrait augmenter à un rythme plus soutenu que celui de la plupart des produits. La consommation par habitant stagne dans les pays développés et dans certains pays en développement, où elle atteint des niveaux préoccupants du point de vue sanitaire. En Asie et en Afrique, la croissance démographique et l’urbanisation devraient entretenir la croissance de la consommation de sucre. Le Brésil continuera d’assurer quelque 45 % des exportations mondiales, ce qui l’inscrit au premier rang des pays exportateurs. Le prix du sucre devrait marquer une légère hausse en valeur nominale, mais enregistrer un recul en termes réels.
Perspectives agricoles de l'OCDE et de la FAO 2018-2027
Chapitre 5. Sucre
Abstract
Situation du marché
Après deux campagnes consécutives marquées par une offre déficitaire, la production de sucre a effectué un rebond durant la campagne 2017 (octobre 2017-septembre 2018), sa croissance approchant celle atteinte il y a cinq ans. Cette progression est due principalement aux bonnes conditions météorologiques en Inde et en Thaïlande, à une hausse de la production en République populaire de Chine (dénommée ci-après « la Chine ») et à la levée des quotas de production dans l’Union européenne. En revanche, le Brésil, premier producteur mondial, a vu baisser sa production sucrière, la transformation de la canne à sucre en éthanol étant devenue plus rentable que la production de sucre.
Au niveau mondial, les importations de sucre ont chuté de 10 % en 2016 et, malgré le recul des prix en 2017, elles ont continué de décroître, principalement sous l’effet du repli des importations de la Chine. Sur le front de la demande, la consommation par habitant n’a pas augmenté dans les pays grands consommateurs où les comportements envers le sucre ont changé à cause des préoccupations de santé associées à une consommation importante. Les prix ont augmenté au cours des premiers mois de la campagne 2016, avant de s’orienter à la baisse à partir du premier trimestre 2017. Par conséquent, durant la campagne 2017, les prix moyens devraient être plus bas qu’en 2016, mais se maintenir malgré tout légèrement au-dessus de la moyenne de ces 25 dernières années.
Principaux éléments des projections
Son niveau de départ étant relativement bas, le prix du sucre non raffiné libellé en USD devrait augmenter en valeur nominale et réelle pendant la prochaine campagne (2018). Les dernières années de la période de projection, il devrait s’orienter modérément à la hausse en valeur nominale, parallèlement au taux d’inflation de 2.3 % par an, mais à la baisse en termes réels. Le prix du sucre blanc devrait épouser la même tendance. La surcote du sucre blanc (différence de prix entre le sucre blanc et le sucre brut), relativement limitée (62 USD/t) en début de période, devrait ensuite s’accentuer légèrement pendant quelques années pour atteindre 81 USD/t. Elle devrait toutefois demeurer relativement faible par rapport à la moyenne des dix dernières années (93 USD/t).
Les cultures de la canne à sucre et de la betterave sucrière devraient continuer de se développer dans les pays producteurs, en raison de leur rentabilité plus élevée que celle d’autres cultures. La canne à sucre, qui est principalement cultivée dans des pays tropicaux et subtropicaux d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine et des Caraïbes, restera la principale culture sucrière, assurant environ 86 % de la production. Le restant proviendra de la betterave sucrière, qui est cultivée dans des zones plus tempérées, principalement en Europe. Cette culture devrait voir sa part dans la production demeurer relativement constante sur la période de projection, à environ 14 %.
Ces dix prochaines années, les pays en développement seront à l’origine de 83 % de la hausse de la production de sucre. En valeur absolue, cette hausse concernera surtout l’Inde (+20 %), suivie de la Chine (+11 %), du Brésil (+11 %), de la Thaïlande (+9 %) et de l’Union européenne (+5 %). Le Brésil devrait conserver sa place de premier producteur mondial, assurant plus d’un cinquième de la production totale, bien que sa filière sucre puisse pâtir de la concurrence accrue de la filière éthanol qui utilise la canne à sucre. La production devrait augmenter plus lentement que les dix années précédentes en Asie (Inde, Pakistan et Thaïlande) et en Europe, ce qui explique la croissance annuelle plus faible de la production mondiale de sucre durant la période de projection (+1.5 %) par rapport à la décennie précédente (+2.0 %).
La demande d’édulcorants caloriques – sucre et isoglucose – devrait augmenter de 33 Mt sur la période considérée, pour s’établir à 213 Mt en 2027 (graphique 5.1). La progression de 1.5 % par an sur la période de projection est légèrement plus faible que celle observée ces dix dernières années (1.6 % par an). Ce recul est dû au ralentissement de la croissance démographique et à la stagnation de la consommation par habitant dans les pays développés et dans certains pays en développement (Brésil, Égypte, Mexique, Paraguay, Afrique du Sud, Turquie), où la consommation par habitant atteint un niveau préoccupant du point de vue sanitaire (obésité, diabète et autres problèmes de santé). Dans les pays où les niveaux de consommation sont plus faibles, en particulier en Asie et en Afrique, la croissance démographique et l’urbanisation devraient entretenir la hausse de la consommation de sucre, notamment sous forme de boissons et de préparations alimentaires sucrées.
La structure des échanges internationaux devrait rester assez constante sur la période de projection, le Brésil gardant sa place de premier exportateur de sucre (45 % des échanges mondiaux). Les exportations de sucre blanc représentent pratiquement 34 % des échanges mondiaux sur la période considérée, contre 31 % pour la période de référence. Ces exportations devraient augmenter dans l’Union européenne à court terme après la levée des quotas de production, ainsi que dans les pays qui ont construit des raffineries (pays du Moyen-Orient et Algérie). Les importations resteront diversifiées et seront déterminées principalement par la demande d’Afrique et d’Asie.
Du côté de l’offre, les perspectives des marchés du sucre sont tributaires d’un certain nombre de facteurs : conditions météorologiques, prix des cultures ou produits concurrents, évolution du prix des intrants et des taux de change, mesures internes et droits de douane sur les importations (qui ont augmenté en Chine). Pour ce qui est de la demande, sa stabilité accrue ouvre des perspectives plus favorables dans les pays où la consommation est encore relativement faible, mais elle ne devrait connaître qu’une progression médiocre dans les pays où la consommation par habitant est déjà élevée. Nombre de pays développés et certains pays en développement, dont le Mexique, le Chili, la Thaïlande et l’Arabie saoudite, ont instauré une taxe sur les boissons sucrées non alcoolisées afin de réduire la surconsommation de sucre. Ces taxes ont également incité l’industrie agroalimentaire et les fabricants à s’adapter en reformulant les produits ou en utilisant d’autres édulcorants. Les projections ne tiennent pas compte des mesures qui n’ont pas été validées.
Tendances et perspectives des marchés
Prix
Alors que la campagne en cours devrait donner lieu à un excédent sucrier mondial, les prix mondiaux du sucre se situent à un niveau plutôt bas au début de la période de projection, inversant la tendance à la hausse observée ces deux dernières campagnes. À moyen terme, les prix devraient toutefois remonter en raison d’un accroissement de la demande dans les pays où la consommation par habitant est inférieure à la moyenne mondiale. Quoi qu’il en soit, les hausses de prix seront modestes, l’offre étant appelée à rester abondante du fait du niveau élevé des prix ces dernières années.
Le prix du sucre devrait être plus élevé que son niveau moyen des 25 dernières années en valeur nominale, mais plus bas en termes réels. À l’horizon 2027, le prix mondial en valeur nominale devrait s’établir à 392 USD/t (17.8 cts/lb) pour le sucre brut et à 472 USD/t (21.4 cts/lb) pour le sucre blanc (graphique 5.2). La surcote du sucre blanc est actuellement faible du fait de l’accroissement des livraisons de l’Union européenne et de l’augmentation des capacités de raffinage des pays du Moyen-Orient et de l’Algérie. La surcote devrait s’établir en moyenne à environ 79 USD/t sur la période de projection.
Les variations annuelles du prix du sucre devraient diminuer grâce à l’abandon progressif des mesures de soutien qui faussent les échanges sur plusieurs grands marchés. Du côté de l’offre, l’Union européenne a supprimé son système de quotas de sucre en octobre 2017, tandis que la Thaïlande a éliminé son contingent de production et ses mécanismes de soutien des prix à la fin de 2017. L’Inde avait déjà instauré en 2013 des mesures visant à contrecarrer les cycles récurrents, mesures dont les résultats restent à évaluer. Du côté de la demande, des réformes sont également attendues, dont la révision à la baisse des programmes de subventions à la consommation, suite à des tensions budgétaires (comme en Malaisie ou en Égypte). En outre, la demande de sucre devrait réagir aux taxes sur les boissons sucrées, qui sont déjà en vigueur dans plusieurs pays.
Production
Compte tenu de sa bonne rentabilité à l’hectare par rapport aux cultures concurrentes, la culture sucrière devrait se développer dans de nombreuses régions du monde. La production de canne à sucre, principale culture sucrière, devrait ainsi progresser de 1.1 % par an, contre 2.1 % par an ces dix dernières années. Cette augmentation s’explique par une hausse des rendements et une extension des surfaces. Les perspectives sont moins favorables pour la betterave sucrière, dont la production ne devrait pratiquement pas augmenter (0.1 % par an) par rapport aux dix dernières années (2.5 % par an) (graphique 5.3). L’Égypte, la Chine, l’Ukraine, l’Europe orientale et la Turquie devraient toutefois enregistrer une certaine progression. Dans l’Union européenne, la production de betterave sucrière a culminé en 2017 en raison de la levée des quotas de production, mais la part de cette région dans la production mondiale devrait décroître, passant de 45 % en 2017 à 40 % en 2027.
À l’échelle mondiale, la part des cultures sucrières affectées à la production de sucre devrait rester stationnaire sur la période de projection (81 % pour la canne à sucre et 95 % pour la betterave sucrière). En d’autres termes, la part des cultures sucrières mondiales servant à la production d’éthanol ne devrait pas beaucoup changer. Le Brésil conservera son titre de premier producteur de sucre et d’éthanol de canne à sucre. Il produira en effet 34 % de la canne à sucre cultivée dans le monde en 2027, laquelle assurera 20 % de la production mondiale de sucre et 88 % de la production mondiale d’éthanol de canne à sucre (contre respectivement 22 % et 90 %, durant la période de référence).
La production mondiale de sucre devrait marquer le pas, avec un taux de croissance annuel de 1.5 % sur la période de projection contre 2.0 % durant la décennie précédente. L’essentiel de la hausse devrait venir des pays en développement, qui assureront 77 % de la production mondiale en 2027 (contre 76 % dans la période de référence). Les principales régions productrices sont l’Asie, l’Amérique latine et les Caraïbes. La part de l’Asie dans la production mondiale devrait passer de 36 % dans la période de référence à 38 % en 2027. L’Amérique latine et les Caraïbes devraient contribuer de façon plus modeste, leur part passant de 35 % dans la période de référence à 33 % en 2027. Ce recul s’explique principalement par le ralentissement de la croissance au Brésil, ce pays étant le premier producteur de la région. Le Brésil demeurera le premier producteur et exportateur mondial pendant la période couverte par les Perspectives, mais, au niveau national, la production de sucre restera confrontée à la concurrence de la production d’éthanol (issu de la canne à sucre). La filière sucre brésilienne risque également de pâtir d’un renouvellement insuffisant des plantations pendant plusieurs années. À la fin de la période de projection, la production de sucre devrait atteindre 42 Mt au Brésil (soit une hausse de 4 Mt par rapport à la période de référence et environ 3 Mt de moins que l’augmentation prévue en Inde).
L’Inde est le deuxième plus grand producteur mondial de sucre. Dans ce pays, la production devrait croître plus régulièrement grâce à la réforme récente de la politique du sucre, qui stabilise les prix payés aux producteurs. Dopée par une demande intérieure soutenue, la production de sucre devrait augmenter de 7 Mt ces dix prochaines années, pour atteindre 31 Mt en 2027. La Thaïlande conserve sa place de quatrième producteur mondial (l’Union européenne occupant le troisième rang mondial), mais devrait connaître un ralentissement de sa croissance par rapport à ces dernières années par suite de l’abandon des mesures de soutien des prix à compter de janvier 2018 et du fait de l’extension des superficies cultivées en canne à sucre dans des régions moins propices. En 2027, la Thaïlande devrait produire 13.5 Mt de sucre, un volume proche de celui de la Chine. Ce dernier pays devrait voir la croissance de sa production de canne à sucre et de betterave sucrière s’accélérer les premières années de la période de projection, grâce à son plan national 2015-2020. En 2027, la production chinoise devrait atteindre 13.4 Mt, principalement grâce à un accroissement des rendements et des superficies. Les perspectives sont également solides au Pakistan où les pouvoirs publics continueront de soutenir la production de sucre par le biais de prix garantis aux producteurs et de subventions aux exportations.
En Afrique, une forte demande intérieure et de bons débouchés commerciaux seront à l’origine de l’augmentation de la production de sucre. Cette dernière devrait ainsi s’accroître de 36 % d’ici à la fin de 2027 par rapport à la période de référence (+4 Mt), sous l’effet de l’augmentation de la production dans les pays d’Afrique subsaharienne résultant des investissements dans les exploitations et les sucreries. Malgré cette croissance, le continent continuera de ne participer au marché mondial que dans une proportion modeste (7 % en 2027).
Les pays développés assurent moins d’un quart de la production mondiale de sucre (graphique 5.4). Sur la période de projection, la croissance de leur production sucrière sera nettement inférieure à celle des pays en développement (0.4 % par an contre 1.9 % par an). Par rapport à la période de référence, les principales augmentations en volume devraient intervenir dans l’Union européenne, troisième producteur mondial (+1.7 Mt), suivie par l’Australie et la Fédération de Russie (hausse de près de 1 Mt chacune) et les États-Unis (+0.9 Mt). Aux États-Unis, la filière reste fortement tributaire des politiques publiques, qui consistent en des mesures de soutien (programme de prêts aux producteurs de sucre, quotas de commercialisation du sucre, et programme de flexibilité de l’approvisionnement des producteurs de bioénergie en matières premières) et en des obstacles aux échanges (contingents tarifaires, accords régionaux, et limites aux exportations du Mexique). Dans l’Union européenne, une baisse est prévue (0.85 % par an), suite à la forte poussée de la production après la levée des quotas sur le sucre en octobre 2017.
Le niveau des stocks de sucre devrait baisser de façon modérée, notamment sous l’effet de l’écoulement par la Chine d’une partie de ses stocks. Le ratio mondial stocks/consommation devrait reculer pour s’établir à 43 % en 2027, contre 47 % dans la période de référence.
Consommation
La consommation mondiale de sucre devrait s’accroître d’environ 1.48 % par an, c’est-à-dire augmenter à un rythme légèrement plus lent que pendant la décennie précédente, pour atteindre 198 Mt en 2027. Cette évolution sera influencée par le léger ralentissement de la croissance démographique et l’atonie de la croissance économique mondiale. Ainsi, sur la période de projection, la consommation mondiale moyenne par habitant devrait progresser, passant de 22.4 kg/personne à 23.8 kg/personne, même si des variations considérables sont à attendre d’une région et d’un pays à l’autre (graphique 5.5).
Ces dix prochaines années, la consommation mondiale de sucre devrait être tirée surtout par les pays en développement, qui seront à l’origine de 94 % de la demande supplémentaire. Cette dernière sera principalement alimentée par l’Asie (60 %) et l’Afrique (25 %), deux régions déficitaires. En raison d’une demande accrue de produits transformés, de confiseries et de boissons sucrées, les perspectives de croissance sont prometteuses dans les zones urbaines des pays asiatiques et africains, où la consommation est faible par rapport à d’autres régions. À l’inverse, la croissance devrait rester modeste en Amérique latine et dans les Caraïbes, où la consommation est déjà élevée.
En Asie, l’Inde, et après elle la Chine, l’Indonésie et le Pakistan devraient connaître la plus forte hausse de la consommation. En Chine et dans les PMA d’Asie, si la consommation par habitant est très faible puisqu’elle n’atteint pas 12 kg par an sur la période de référence, sa progression en rythme annuel devrait toutefois rester à peu près identique à celle de ces dix dernières années. En Afrique, la consommation devrait afficher les plus fortes hausses en Égypte et dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne, mais elle se maintiendra toutefois à moins de 10 kg par an par habitant dans les PMA de l’Afrique subsaharienne.
En revanche, dans de nombreux pays développés, la consommation par habitant devrait s’orienter à la baisse, du fait d’un marché déjà mature ou saturé. Le ralentissement de la croissance démographique, l’évolution vers un régime alimentaire plus sain et les engagements nutritionnels pris par les multinationales continueront à produire leurs effets. C’est dans l’Union européenne que ce recul sera le plus marqué, les marchés y étant aussi confrontés à la concurrence croissante de l’isoglucose, suite à la levée des quotas sur le sucre en 2017. Par contre, l’inverse se produira aux États-Unis, où la part du sucre dans la consommation d’édulcorants devrait progresser au détriment de l’isoglucose, dans un contexte de consommation stable d’édulcorants. Une envolée de la demande est prévue dans la Fédération de Russie et en Ukraine où le sucre sera considéré comme un produit de première nécessité tant que la croissance économique piétinera.
Compte tenu de la compétitivité de l’isoglucose dans la fabrication de boissons sucrées, la consommation de ce produit devrait grimper de 16 %, soit de 2 Mt (en poids sec) d’ici à 2027. L’Union européenne sera à l’origine de l’essentiel de cette hausse, la levée du quota sur l’isoglucose en 2017 entraînant une augmentation massive de la disponibilité de ce produit dans les pays déficitaires de la région. La consommation devrait aussi progresser en Chine et au Mexique, quoique dans une moindre mesure. Dans ce dernier pays, la part de l’isoglucose dans la demande d’édulcorants devrait rester stable sur la période de projection, en raison des mesures prises par les États-Unis qui limitent les exportations de sucre mexicain vers leur territoire. Aux États-Unis, premier producteur d’isoglucose, la demande de ce produit, en pourcentage de la consommation totale d’édulcorants, devrait continuer de baisser, passant de 38 % durant la période de référence à 36 % en 2027. Cette évolution est directement attribuable à la diminution des débouchés pour les boissons gazeuses sucrées et à la volonté de certains consommateurs d’éviter cet édulcorant.
Échanges
Au cours de la prochaine décennie, les exportations de sucre (graphique 5.6) devraient rester fortement concentrées, le Brésil conservant son titre de premier exportateur mondial (avec 45 % des échanges mondiaux). La dépréciation du real vis-à-vis du dollar des États-Unis sur la période de projection aidera le secteur brésilien du sucre à conserver sa compétitivité, mais le pays sera néanmoins confronté à la concurrence d’un acteur asiatique bien établi, la Thaïlande. Le Brésil et la Thaïlande devraient chacun accroître leurs exportations de 2.5 Mt par rapport à la période de référence. La Thaïlande, deuxième exportateur mondial, bénéficiera d’une croissance soutenue de sa production et continuera donc d’élargir sa part de marché pour la porter à 16 % des exportations mondiales en 2027, contre 13 % durant la période de référence. En Australie, les investissements dans l’irrigation, l’extension des surfaces consacrées à la canne à sucre et une augmentation des capacités de transformation devraient doper la production et, par conséquent, les exportations à moyen terme.
Dans l’Union européenne, la levée des quotas sur le sucre et l’isoglucose favorisera la production de ces deux produits, ce qui se traduira par une progression de ses exportations de sucre blanc de qualité supérieure (+38 % en 2027 par rapport à la période de référence), même à un prix plus élevé. Ces exportations seront principalement à destination des pays déficitaires en sucre des régions MENA et Extrême-Orient, mais elles seront aussi concurrencées par les raffineries traditionnelles de sucre de canne de la région MENA.
Les importations mondiales sont plus dispersées que les exportations (graphique 5.7) Selon les projections, l’Asie et l’Afrique connaîtront la plus forte montée de la demande de sucre, ce qui se traduira par une hausse de leurs importations. Durant la période de référence 2015-2017, la Chine et l’Indonésie étaient les principaux importateurs, suivis des États-Unis et de l’Union européenne, mais sur la période de projection, la Chine devrait se hisser au premier rang des importateurs, suivie par l’Indonésie et les États-Unis (6.8 Mt, 5.9 Mt et 3.2 Mt respectivement). Les importations de l’Union européenne devraient chuter de 34 % ces dix prochaines années à cause de la levée des quotas. Les échanges d’isoglucose de l’UE demeureront plutôt stables puisque la hausse de la production prévue après 2017 permettra de répondre pour l’essentiel à la demande intérieure.
Aux États-Unis, pays traditionnellement déficitaire en sucre, les mesures qui visent à favoriser la production intérieure et à contrôler le niveau des importations continueront de déterminer la donne. Le prix modique du sucre durant la période de projection n’incite pas à accroître la production. Par conséquent, le pays maintiendra ses importations contingentées en franchise de droits dans le cadre des accords de l’OMC et des ALE. Le dispositif relatif aux limites aux exportations, mis en place par le ministère américain du Commerce, qui fixe les modalités de l’accès du Mexique au marché américain, sera lui aussi maintenu. Le prix du sucre étant relativement plus élevé aux États-Unis, le Mexique continuera d’exporter sa production principalement vers son voisin, mais la part des exportations dédiée aux autres pays devrait progresser, passant de 25 % durant la période de référence à 29 % en 2027. En contrepartie, le Mexique pourrait importer de l’isoglucose des États-Unis (+19 %, soit 176 000 t en 2027) pour satisfaire sa demande d’édulcorants.
Principales questions et incertitudes
Les projections exposées dans la présente édition des Perspectives supposent une situation macro-économique et des conditions météorologiques stables, et elles s’appuient sur certaines hypothèses concernant les cours du pétrole brut. Tout choc exercé sur l’une de ces variables serait source de variations importantes sur le marché, car les grands producteurs sont concentrés dans un nombre restreint de pays.
Les projections pour le Brésil sont incertaines en raison de l’assainissement en cours des finances publiques et de la reprise éventuelle de l’investissement dans le secteur. Ce pays est également confronté au problème de l’évolution des politiques relatives aux biocarburants et de leur prix, qui pourraient se répercuter indirectement sur les marchés du sucre. En outre, la plantation accrue de canne à sucre génétiquement modifiée, dont l’utilisation commerciale a été approuvée l’année dernière, pourrait aussi se répercuter sur les rendements dans quelques années et, par conséquent, sur le volume des sous-produits du sucre.
Les perspectives sont assez positives pour la Thaïlande, mais la compétitivité du secteur sucrier de ce pays dépendra de l’aptitude des producteurs à s’adapter au nouveau contexte de l’action publique qui a réduit son soutien. Cette nouvelle donne pourrait également susciter une instabilité sur les marchés mondiaux, compte tenu de la forte orientation exportatrice de la production thaïlandaise.
Les distorsions des échanges sur les marchés internationaux du sucre persisteront, créant ainsi une nouvelle source d’incertitudes. L’évolution des cours internationaux n’est pas toujours répercutée dans son intégralité sur les producteurs et les consommateurs, même si certains marchés mondiaux ont connu des réformes et des transformations structurelles comme la récente levée des quotas dans l’Union européenne et en Thaïlande, ou le paiement d’un prix équitable aux producteurs en Inde (depuis 2013). De nombreux pays recourent à des instruments de politique commerciale pour protéger leur marché intérieur : droits hors contingent élevés (Chine), ajustement aux contingents tarifaires de l’OMC et limite des exportations pour le Mexique (États-Unis), subventions aux exportations pour préserver le prix intérieur du sucre (Pakistan, Inde), droits de douane élevés sur les importations (Union européenne, Fédération de Russie, États-Unis) ou accords régionaux [ALENA, accords de partenariat économique (APE) avec l’Union européenne et initiative « Tout sauf les armes » (TSA) de l’UE].
L’évolution de la demande est elle aussi incertaine. Les données factuelles qui s’accumulent concernant les effets préjudiciables d’une consommation excessive de sucre sur la santé humaine pourraient en faire baisser la consommation à l’avenir. Cette évolution pourrait aussi être renforcée par des mesures publiques (fiscalité) et des mesures anticipatives prises par le secteur agroalimentaire, comme la reformulation de certains produits ou l’utilisation d’autres édulcorants.