Le présent chapitre évalue l’effort de formation nécessaire pour permettre à des travailleurs de changer facilement de profession et estime combien cela coûtera aux pays d’aider les travailleurs à quitter une profession fortement exposée au risque d’automatisation. Afin d’étudier la faisabilité et le coût de la mobilité professionnelle, ce chapitre présente un nouvel ensemble d’estimations empiriques réalisées à partir de l’Enquête sur les compétences des adultes (PIAAC). L’analyse suggère qu’après environ une année de formation, le travailleur moyen qui exerce un métier parmi la plupart des professions fortement menacées par l’automatisation est capable de s’orienter vers une profession exposée à un risque faible ou modéré d’automatisation. Le coût total que représente l’aide apportée aux travailleurs pour leur permettre de quitter une profession exposée à un risque élevé d’automatisation diffère largement selon les pays. Ces estimations vont de moins de 0,5 % à plus de 2 % du PIB annuel dans la fourchette basse, et de 1 % à 10 % du PIB annuel dans la fourchette haute. Mais ces dépenses ne doivent pas nécessairement avoir lieu toutes en même temps ou en l’espace d’une année. Il s’agit d’estimations expérimentales réalisées à partir des données disponibles. L’objectif n’est pas de prendre en compte l’ensemble des formations nécessaires pour aider tous les travailleurs à faire face aux changements dans leur métier mais uniquement les formations nécessaires pour aider les travailleurs qui risquent le plus de perdre leur emploi. Les actions des pouvoirs publics qui favorisent la conciliation entre emploi et formation, grâce à des programmes d’enseignement et de formation flexibles et à l’enseignement informel, sont essentielles pour diminuer les coûts.
Perspectives de l'OCDE sur les compétences 2019
Chapitre 3. Monde du travail numérique : s’adapter aux changements avec la mobilité professionnelle
Abstract
L’essor des nouvelles technologies, les nouveaux modèles économiques, la dispersion des processus de production dans les chaînes de valeur mondiales, le vieillissement de la population et d’autres grandes tendances transforment les marchés du travail. Pour certaines professions, la demande progresse. De nouveaux métiers apparaissent, comme celui de spécialiste en intelligence artificielle, d’influenceur ou de gestionnaire de chaîne de valeur. En revanche, d’autres déclinent, menacés notamment par les technologies numériques et l’automatisation. Des travailleurs toujours plus nombreux devront quitter des emplois en déclin, au profit d’autres en plein essor. Le recours à l’apprentissage automatique et à l’intelligence artificielle se développe dans de nombreux secteurs, si bien que les travailleurs vont devoir s’éloigner des professions qui impliquent une part importante de tâches routinières, faciles à automatiser.
Le présent chapitre examine comment les politiques d’enseignement et de formation peuvent aider les travailleurs à changer de métier. Après avoir expliqué le rôle de la mobilité professionnelle dans la restructuration du marché du travail, ce chapitre s’attache à :
1. évaluer les écarts entre les professions en termes de besoins de compétences ;
2. identifier les transitions entre deux métiers, quels qu’ils soient, qui nécessitent le moins d’amélioration des compétences ou d’effort de formation ou de reconversion possible, tout en maintenant les travailleurs dans des emplois de qualité qui exploitent au mieux l’ensemble de leurs compétences ;
3. mesurer l’ampleur et la forme des efforts de formation, de reconversion ou d’amélioration du niveau de compétences nécessaires pour permettre aux travailleurs de s’éloigner des professions fortement exposées au risque d’automatisation ; et
4. estimer le coût financier que représentent l’enseignement et la formation nécessaires pour se prémunir contre le risque d’automatisation.
Enfin, ce chapitre étudie les implications de ces observations sur les actions des pouvoirs publics.
Comme la transformation numérique touche les régions de manière inégale, la mobilité géographique a également son importance. Ces points sont abordés au chapitre 6.
Ce chapitre s’appuie sur plusieurs concepts pour analyser la mobilité entre les professions :
L’effort de formation et de reconversion : l’analyse considère le besoin de formation selon trois scénarios : faible (jusqu’à six mois de formation), modéré (jusqu’à un an) et élevé (jusqu’à trois ans).
Les transitions possibles et acceptables : les transitions possibles sont celles qui peuvent s’opérer moyennant un effort de formation ou de reconversion. Les transitions acceptables sont celles qui impliquent, en plus de cela, une baisse modérée de salaire et un excès de compétences limité.
Le risque d’automatisation : le degré d’impact des technologies disponibles et des progrès techniques potentiels sur l’automatisation des tâches et des emplois.
Une profession refuge : une professionà laquelle un travailleur peut accéder après une amélioration du niveau de ses compétences et des efforts de formation et de reconversion limités, avec une baisse de salaire modérée, un excès de compétences limité et un risque d’automatisation modéré ou faible. Les autres aspects de ce métier, comme le risque qu’il devienne moins utile à l’avenir pour d’autres raisons que l’automatisation ou les conditions de travail, ne sont pas pris en compte.
Les groupes de pays : l’analyse complète ne peut être réalisée à l’échelle des pays du fait des contraintes posées par les données, les pays sont donc réunis par groupes.
L’analyse réalisée dans ce chapitre s’appuie sur plusieurs hypothèses qui peuvent avoir des répercussions sur les effets présentés ici. Les résultats ne doivent donc pas être considérés comme des données précises mais comme des estimations expérimentales dont l’objectif est de susciter la réflexion tout en dégageant des orientations pour les politiques publiques.
Les principaux résultats de ce chapitre sont les suivants :
La plupart des professions sont relativement proches d’autres professions en termes de besoins de compétences cognitives, de contenu des tâches et de connaissances, donc des transitions possibles vers d’autres métiers s’offrent à la plupart des travailleurs. Toutefois, les travailleurs peuvent refuser de changer de métier si cela implique une baisse importante de salaire et une réduction significative de certaines compétences, voire la fin de leur utilisation. Des transitions acceptables, impliquant une diminution modérée du salaire et un abandon de compétences limité, apparaissent pour seulement un peu plus de la moitié des professions qui nécessitent un effort de formation limité.
Les pays doivent investir dans l’éducation et la formation afin de s’assurer que les travailleurs menacés de perdre leur emploi du fait de l’automatisation ne sont pas laissés pour compte et réussissent à trouver un nouvel emploi. De nombreuses transitions acceptables vers un emploi exposé à un risque faible ou modéré d’automatisation supposent une amélioration du niveau des compétences ou un effort de formation ou de reconversion modéré ou important.
Pour certains travailleurs dans des professions fortement exposées au risque d’automatisation, un petit effort de formation peut suffire à rendre acceptable la transition vers une professionmoins menacée par les progrès technologiques. Selon le groupe de pays, 20 % à 50 % des professions fortement menacés par l’automatisation semblent permettre au moins une transition acceptable vers une professionmoins menacée par ce facteur après six mois maximum de formation ou de reconversion. Avec un effort de formation ou de reconversion modéré (jusqu’à un an), ces pourcentages augmentent jusqu’à atteindre entre 65 % et 80 %. Dans les pays où les compétences des travailleurs sont dispersées, les professions ont tendance à être plus distantes les uns des autres en termes de compétences requises et l’effort de formation nécessaire pour changer de métier augmente. Dans ces pays, il est essentiel de concevoir des possibilités d’apprentissage en cours d’emploi efficaces.
Près de dix domaines professionnels (variables selon les spécificités des pays) se trouvent dans une situation particulièrement critique. En effet, ces métiers sont fortement exposés au risque d’automatisation et les travailleurs qui les exercent auraient besoin de fournir un effort de formation important (supérieur à un an) pour se réorienter vers des métiers exposés à un risque d’automatisation faible ou modéré. Ces professions regroupent en moyenne entre 2 % et 6 % des emplois, selon les pays. En considérant que seule une fraction de ces professionnels occupe un emploi fortement menacé d’automatisation, ces chiffres tombent à 0,3 % et 1,5 %.
Le coût de la formation comprend des coûts directs et indirects. Le coût direct correspond au coût financier d’un programme d’enseignement et de formation d’une durée donnée. Le coût indirect ou coût d’opportunité, correspond aux salaires des travailleurs auxquels il faut renoncer pendant la formation ou la reconversion. Le coût indirect représente 70 % du coût total de la formation par personne. Ce résultat souligne à quel point il est important de permettre aux individus de travailler et de se former en même temps, diminuant ainsi le coût indirect d’un changement d’emploi.
Les estimations du coût minimum (direct et indirect) que représente pour un pays l’aide apportée aux travailleurs qui occupent un emploi fortement menacé par l’automatisation pour leur permettre d’accéder à une professionrefuge varient d’un pays à l’autre et dépendent du nombre de travailleurs susceptibles d’avoir besoin de changer d’emploi retenu pour l’estimation :
En considérant que seuls les travailleurs qui exercent aujourd’hui une profession fortement menacée par l’automatisation et qui réalisent des tâches qui peuvent être automatisées ont besoin de changer d’emploi, les estimations financières vont de moins de 0,5 % du PIB annuel en Norvège à plus de 2 % du PIB annuel au Chili (fourchette basse de l’estimation).
En considérant que tous les travailleurs dont le métier est fortement menacé par l’automatisation ont besoin d’en changer, parce que ces professions sont susceptibles de disparaître, les estimations financières vont de 1 % à 10 % du PIB annuel selon les pays (fourchette haute de l’estimation).
Les différences entre les pays traduisent des différences entre plusieurs facteurs, y compris des différences relatives à la part de la main d’œuvre qui occupe des emplois fortement menacés par l’automatisation, aux coûts des politiques d’éducation et de formation, au coût indirect de la formation, et à la répartition des professions et des compétences au sein de la population.
Le coût direct minimum pour un pays que représente l’aide apportée aux travailleurs pour qu’ils quittent une professionfortement menacée par l’automatisation et accèdent à un métier refuge est estimé entre environ 3 % de la dépense annuelle consacrée à l’enseignement secondaire et supérieur en Belgique et 23 % en République slovaque (fourchette basse de l’estimation).
Ces ratios de coûts peuvent paraître élevés parce qu’ils mettent en rapport des coûts de formation qui couvrent vraisemblablement plusieurs années et le PIB ou les dépenses annuelles au titre de l’enseignement. Les travailleurs et les employeurs peuvent décider d’étaler la formation sur plusieurs années calendaires afin de concilier emploi (à temps partiel) et formation. De plus, les mesures publiques ne devraient pas cibler en même temps et sur une seule année tous les travailleurs qui occupent un emploi fortement menacé par l’automatisation étant donné que les avancées technologiques se développent et sont adoptées à des rythmes différents selon les pays, les secteurs et les entreprises. Enfin, le coût peut être partagé entre le secteur public et privé.
Mais ces estimations peuvent également sembler basses comparées à d’autres dépenses publiques. En effet, celles-ci n’englobent que le coût des politiques d’éducation et de formation nécessaires aux travailleurs les plus exposés au risque de perdre leur emploi. Cependant, toutes les professions peuvent être amenées à évoluer avec la transformation numérique (chapitre 2), rendant l’effort d’éducation et de formation nécessaire pour relever ce défi de taille d’autant plus important.
Afin d’aider les travailleurs qui occupent des emplois dans des professions fortement menacées par l’automatisation à se diriger vers des professions où ce risque est plus faible, il est nécessaire de mettre en œuvre des types de formation, de reconversion et de perfectionnement spécifiques. Outre la formation dans le domaine des compétences cognitives, comme la lecture et le calcul, ces programmes comprennent des formations à des compétences non cognitives comme la gestion, la communication et l’auto-organisation. Ils incluent également une formation en informatique. En effet, les métiers fortement menacés par l’automatisation impliquent essentiellement des tâches routinières alors que la gestion, la communication et l’auto-organisation sont plus difficiles à automatiser.
Les actions des pouvoirs publics qui incitent à travailler tout en suivant un apprentissage, grâce à des programmes flexibles d’enseignement et de formation et à l’apprentissage informel, sont fondamentales pour alléger les coûts de formation et permettre aux pays de les supporter. De plus, les systèmes d’éducation ont besoin de mieux préparer la prochaine génération de travailleurs aux changements de carrière. En plus de limiter le nombre d’élèves qui abandonnent leurs études, l’action publique peut également faire en sorte que les programmes d’éducation et de formation professionnels apportent non seulement des compétences spécifiques à un emploi mais aussi des compétences cognitives solides.
Ce chapitre indique que si les travailleurs dont la profession est fortement menacée par l’automatisation ont particulièrement besoin d’améliorer leurs compétences, de se former ou de se reconvertir, ils semblent pourtant moins susceptibles de suivre une formation en cours d’emploi. Les mesures des pouvoirs publics doivent faire en sorte de lever les obstacles qui empêchent certains groupes de travailleurs de participer à des activités de formation et d’apprentissage délivrées autant que possible en cours d’emploi.
Afin de doter les travailleurs de l’éventail de compétences dont ils ont généralement besoin pour changer plus facilement de métier, les prestataires de formation, les employeurs et les syndicats peuvent mieux coordonner leurs actions pour proposer la formation nécessaire. Actuellement, dans la plupart des pays, les employeurs proposent essentiellement de former à des compétences spécifiques à un emploi et peu de travailleurs reprennent un enseignement formel.
Afin de s’assurer que les inégalités ne progressent pas, tous les acteurs qui participent à la restructuration du marché du travail vont devoir penser à la manière de mettre en œuvre un ensemble de mesures qui permettent le partage des coûts non seulement de la formation mais aussi de la protection sociale. Une approche aussi complète (voir chapitre 6) nécessitera également de revoir certaines questions spécifiques telles que les métiers qui nécessitent une licence plutôt qu’un certificat de compétences.
Les incertitudes autour des estimations proposées dans ce chapitre proviennent principalement du manque de données sur les programmes d’éducation et de formation des adultes, ce qui complique l’évaluation du coût de ces programmes et de leur rendement en matière de compétences. Avec davantage de données sur l’éducation et la formation des adultes, ces programmes seraient mieux conçus pour répondre aux besoins et aux difficultés auxquels les adultes se trouvent confrontés lorsqu’ils continuent d’acquérir des compétences.
Le rôle de la mobilité de la main-d’œuvre
Tous les travailleurs doivent s’adapter face à une demande de compétences en constante évolution, au fur et à mesure que les technologies numériques se développent et sont adoptées dans différents secteurs (chapitre 2). Mais ceux qui occupent des postes fortement menacés par l’automatisation se trouvent toutefois confrontés à de plus grosses difficultés et doivent gagner en mobilité.
Sans une mobilité professionnelle suffisante lorsque les marchés du travail sont en pleine restructuration, des travailleurs peuvent se retrouver pris au piège dans des professions en déclin, risquer de se retrouver au chômage ou ne pas parvenir à enrichir leurs compétences afin de répondre aux nouveaux besoins dans ce domaine. Mais changer d’emploi ou de profession comporte certains coûts.
Compte tenu de la nature de la transformation numérique, changer d’emploi pour aller travailler dans une autre entreprise ou un autre secteur mais pour y exercer le même métier ne permet pas à un travailleur d’échapper à la restructuration du marché du travail. Conserver un métier exposé à un risque élevé d’automatisation ne fait que repousser le problème au lieu de le résoudre et implique de devoir changer à nouveau de travail à brève échéance.
Une hausse de la mobilité professionnelle indiquerait que les marchés du travail sont effectivement en cours de restructuration, mais des données récentes n’indiquent pas une telle augmentation (encadré 3.1). Les études ont mis en évidence une tendance à la baisse aux États-Unis entre 1995 et 2015 (Lalé, 2017[1]) et aucune tendance marquée n’apparaît au Royaume-Uni (Carrillo-Tudela et al., 2016[2]). Toutefois, il est difficile de mesurer la mobilité professionnelle en l’absence de données suffisantes comparables et fiables sur les changements professionnels.
De plus, les études disponibles n’indiquent pas clairement si les travailleurs qui changent d’emploi fuient le risque d’automatisation. Aux États-Unis, la diminution de la part des emplois routiniers s’explique par une baisse du flux des entrées dans ce type d’emploi par sortie du chômage et non par une hausse des flux de sortie de ce type d’emploi (Lalé, 2017[1]). En revanche, au Royaume-Uni, les changements de carrière ont tendance à correspondre à une sortie des emplois routiniers pour accéder à des emplois non routiniers, quoique ces mouvements n’aient pas accéléré au cours de la Grande Récession de la fin des années 2000 et du début des années 2010 (Carrillo-Tudela et al., 2016[2]).
Désormais, le défi que les gouvernements doivent relever consiste à aider les travailleurs à surmonter les obstacles à la mobilité et à faciliter les transitions au sein du marché du travail, tout en permettant un meilleur redéploiement de la main d’œuvre et des compétences dans les professions, les entreprises et les secteurs. Parmi les nombreux outils généralement utilisés par les pouvoirs publics pour faciliter la mobilité (l’aide à la recherche d’emploi grâce à un conseil intensif, des indemnités de réaffectation ou des subventions pour la délocalisation géographique, par ex.), les politiques relatives aux compétences jouent un rôle particulièrement important à l’ère du numérique. Les politiques d’éducation et de formation peuvent aider les travailleurs à acquérir les compétences dont ils ont besoin pour s’adapter à des tâches professionnelles en constante évolution et pour changer de travail si nécessaire ou s’ils le souhaitent.
Les répercussions des avancées technologiques sur les marchés du travail restent encore difficiles à évaluer. Dans le même temps, de nombreux facteurs façonnent les opportunités qui se présentent aux travailleurs et leur désir de changement professionnel. Les mesures prises ne doivent donc pas être trop spécifiques ou chercher à redistribuer les travailleurs selon les emplois à grande échelle. Ainsi, ce chapitre ne se veut pas prescriptif mais cherche à : 1) informer les pays sur les manières de mieux concevoir leurs mesures relatives à l’éducation et à la formation afin d’aider les travailleurs à changer de profession ; et 2) fournir des informations sur les différentes possibilités de mobilité professionnelle et sur la forme et l’ampleur de l’investissement nécessaire pour la formation qui en découle.
Encadré 3.1. Mobilité professionnelle : ce que les études empiriques montrent
La mondialisation et la transformation numérique devraient avoir au moins deux effets sur la mobilité professionnelle. Premièrement, elles entraînent une restructuration du marché du travail. Certaines professions deviennent plus nécessaires tandis que d’autres le sont moins, subissent des mutations ou disparaissent. La mobilité liée à une évolution structurelle du marché du travail est généralement identifiée par la mobilité nette, c’est-à-dire les changements dans les parts de l’emploi par profession. Deuxièmement, les nouveaux modèles économiques et les progrès technologiques, y compris les offres d’emploi de plateforme et en ligne, peuvent faciliter la mise en adéquation des travailleurs et des emplois, permettant ainsi de réduire les redistributions excessives ou les redistributions de travailleurs entre des professions qui s’annulent et ne modifient pas les parts de l’emploi par profession. De manière générale, l’essor du numérique pourrait entraîner une hausse de la mobilité nette et une baisse des redistributions excédentaires.1
Combien de travailleurs changent de profession ?
La mobilité d’un emploi à un autre est difficile à estimer pour plusieurs raisons. Elle varie selon les pays car elle subit l’influence de plusieurs mesures et dispositifs en lien avec le travail, le logement, les infrastructures et le domaine social. Les études sur la mobilité dans l’emploi sont difficilement comparables à cause des données. Enfin, la mobilité estimée dépend du niveau d’agrégation retenu pour les professions. La mobilité est plus faible lorsque le niveau d’agrégation est élevé (par ex. code de profession à un chiffre selon la classification professionnelle) que lorsque les critères de regroupement sont détaillés (codes de professions à trois ou quatre chiffres selon la classification, incluant les changements d’emploi dans une même catégorie). Toutefois, un consensus semble se dégager sur le fait que les changements d’emploi se font pour moitié au sein de la même profession.
Les estimations disponibles présentent les résultats suivants pour la mobilité nette et la mobilité brute, qui équivaut à la somme de la mobilité nette et des redistributions excédentaires :
Aux États-Unis, les redistributions nettes pour le niveau de classification des professions à trois chiffres selon la classification de 1990 (387 catégories), soit à un niveau détaillé, s’élèvent à 4,4 % de l’emploi entre 1976 et 2015 (Lalé, 2017[1]). Avec les redistributions excédentaires, c’est-à-dire celles qui s’annulent et s’élèvent à 14,6 % sur cette période, les redistributions brutes atteignent 19 % de l’emploi.
Entre 2011 et 2014, 3 % des travailleurs européens ont changé de métier (traduisant la mobilité brute) par an, au niveau du regroupement des professions à 2 chiffres selon la Classification internationale type des professions (CITP-08) (43 catégories) (Bachmann, Bechara et Vonnahme, 2017[3]). Mais la mobilité professionnelle varie néanmoins selon les pays, avec un résultat de 7,4 % de l’emploi en Suède, 5,2 % au Royaume-Uni et moins de 2 % en France. La mobilité professionnelle nette tourne en moyenne autour de 2 %. Certains pays affichent un ratio très élevé de la mobilité professionnelle brute sur la mobilité nette (notamment en République slovaque, en Hongrie et en Pologne), indiquant un mouvement excessif, tandis que ce ratio est faible pour d’autres pays comme la Grèce et le Portugal, ce qui témoigne de changements structurels dans ces pays.
Au Royaume-Uni, un des pays de l’OCDE où la rotation sur le marché du travail est la plus forte, près de 50 % des travailleurs qui ont changé d’emploi entre 1993 et 2012 se sont orientés vers un nouveau groupe de professions parmi le niveau à 1 chiffre selon la classification type des professions 1990/2000 (9 catégories) (Carrillo-Tudela et al., 2016[2]). En d’autres termes, de nombreux travailleurs se sont tournés vers des professions très différentes. De même, près de 50 % des travailleurs qui ont changé de profession ont choisi un emploi dans un secteur différent. Les travailleurs tentaient de changer de métier et de secteur par la même occasion.
Les tendances de la mobilité professionnelle
La mobilité professionnelle ne présente aucune tendance particulière. Aux États-Unis, la redistribution nette des travailleurs des catégories professionnelles à un ou deux chiffres, selon la classification de 1990 (respectivement 7 et 80 catégories), était stable entre 1980 et 2015 (Lalé, 2017[1]). Au niveau des catégories professionnelles à trois chiffres, selon la classification de 1990 (387 catégories), la tendance à la hausse des années 80 et du début des années 90 s’est inversée entre 1995 et 2015. Les redistributions excédentaires ont augmenté depuis 1995. Au Royaume-Uni, la mobilité a eu tendance à suivre les cycles économiques (Carrillo-Tudela et al., 2016[2]). Deux groupes de travailleurs dont la probabilité de changer de carrière est forte entraînent la dynamique du changement professionnel : ceux qui passent volontairement d’un emploi à un autre, pour faire évoluer leur carrière professionnelle, et ceux qui trouvent un emploi après une période de chômage.
Une étude a constaté que la différence, ou la distance, entre les professions en termes de types de tâches, constitue un facteur important du coût que représente le changement d’emploi (Bachmann, Bechara et Vonnahme, 2017[3]). Ceci souligne l’importance du rôle des formations spécifiques à une tâche. Sur l’ensemble des professions, toutefois, seulement 15 % du coût total de la transition est attribuable à la distance entre les tâches. Ce pourcentage était stable entre 1994 et 2013.
La mobilité professionnelle et les salaires
La mobilité est souvent associée à un changement de salaire. Au Royaume-Uni, entre 1993 et 2012, les travailleurs situés dans la section inférieure de la répartition des salaires ayant changé d’emploi ont connu une baisse de leur salaire réel de 15 % tandis que la perte de salaire par rapport à l’emploi précédent s’élevait à plus de 20 % pour les actifs qui venaient de traverser une période de chômage (Carrillo-Tudela et al., 2016[2]). Les changements de profession assortis d’une diminution du niveau de compétence apparaissaient plus fréquemment après une période de chômage. À l’inverse, les travailleurs qui figuraient dans la section supérieure de la répartition des salaires ayant changé d’emploi ont connu une hausse importante de salaire. Ces augmentations étaient plus importantes pour ceux qui avaient changé de profession que pour ceux qui avaient changé d’emploi sans changer de profession.
En Europe, seulement 36 % des travailleurs qui ont changé de profession ont conservé le même niveau de rémunération, ce qui est bien inférieur au pourcentage pour l’ensemble des travailleurs ayant changé d’emploi (53 % ont conservé leur rémunération) (Bachmann, Bechara et Vonnahme, 2017[3]). On observe des transitions à la baisse pour 37 % des individus qui ont changé de profession, et des transitions à la hausse pour 28 % des travailleurs qui ont changé d’emploi. Le mobile du changement de profession détermine largement l’évolution salariale. Les travailleurs qui changent volontairement de profession ont beaucoup plus de chance de voir leur salaire augmenter que ceux qui sont contraints de le faire.
Source : Lalé, E. (2017[1]), “Worker reallocation across occupations: Confronting data with theory”, http://dx.doi.org/10.1016/J.LABECO.2016.12.001; Bachmann, R., P. Bechara et C. Vonnahme (2017[3]), « Occupational mobility in Europe: Extent, determinants and consequences », http://dx.doi.org/10.4419/86788852; Carrillo-Tudela, C. et al. (2016[2]), « The extent and cyclicality of career changes: Evidence for the U.K. », http://dx.doi.org/10.1016/J.EUROECOREV.2015.09.008.
L’écart entre les professions en termes de compétences nécessaires
Les politiques d’éducation et de formation peuvent permettre aux travailleurs de changer de profession plus facilement en les aidant à acquérir les compétences nécessaires. La plupart des pays rencontrent des difficultés budgétaires, il est donc essentiel que ces mesures présentent un bon rapport coût-efficacité. En particulier, les mesures qui aident les travailleurs à s’orienter vers des professions dont les compétences nécessaires sont les mêmes que dans leur emploi précédent permettraient de limiter l’effort d’enseignement et de formation nécessaire. Il est donc important de déterminer « l’écart » entre les professions. Une publication à ce sujet explique la méthodologie utilisée pour mesurer cet écart (Bechichi et al., 2018[4]).
Méthodologie : évaluer l’écart entre les professions au regard des compétences requises
L’Enquête sur les compétences des adultes (PIAAC) peut servir à évaluer l’écart entre les professions en termes de compétences cognitives et de tâches :
1. La lecture et le calcul servent à évaluer dans quelle mesure les professions diffèrent au regard des compétences cognitives des travailleurs.2
2. Afin d’évaluer l’écart entre les professions au regard des tâches qu’elles impliquent, l’analyse s’appuie sur cinq « compétences liées aux tâches » qui indiquent à quelle fréquence les travailleurs réalisent des tâches mobilisant des compétences en technologies de l’information et de la communication (TIC), en gestion et en communication, en comptabilité et en vente, en calcul avancé et en auto-organisation (Grundke et al., 2017[5]). La construction de ces indicateurs est expliquée au chapitre 2 (encadré 2.3 et tableau 2.1).
L’écart entre les professions en termes de compétences cognitives est plus à même d’être comblé par l’enseignement formel alors que l’écart en termes de compétences spécifiques aux tâches demandées sera plus naturellement comblé par l’apprentissage sur le lieu de travail, la formation en cours d’emploi et la formation professionnelle.
Dans un premier temps, le niveau moyen requis de compétences cognitives et de compétences liées aux tâches a été calculé en moyenne pour les 127 métiers du groupe de professions à 3 chiffres de la CITP-08 qui figurent dans le PIAAC. Dans un deuxième temps, les écarts de compétences dans plusieurs domaines entre deux professions lambda, par exemple entre les professions A et B, ont été calculés à partir des mesures du déficit et de l’excès de compétences. En supposant un éventuel passage de la profession A à la profession B :
Le déficit de compétences a été calculé pour toutes les compétences dont le niveau requis pour la profession B est supérieur à celui de la profession A. Ceci indique le type et le nombre de compétences dont les travailleurs auraient besoin pour passer de la profession A à la profession B. La mesure du déficit de compétence a été calculée sous la forme de la somme pondérée de la différence entre les compétences, les pondérations représentant l’importance relative des compétences dans la profession visée, la profession B.
L’excès de compétences a été calculé pour toutes les compétences dont le niveau requis pour la profession B est inférieur à celui de la profession A. Ainsi, la mesure de l’excès indique le volume de compétences moins nécessaires dans la profession B que dans la profession A.
Les mesures du déficit et de l’excès sont symétriques : les mesures du déficit pour un passage de la profession A à la profession B sont égales aux mesures de l’excès pour un passage de la profession B à la profession A. L’Encadré 3.2 explique en détail la méthodologie utilisée.
Les écarts entre les professions ont été calculés pour les 31 pays qui figurent dans le PIAAC. Étant donnée l’étendue de l’échantillon du PIAAC (près de 3 500 travailleurs en moyenne par pays), les écarts ne peuvent être calculés par pays au niveau détaillé des professions choisi pour l’analyse. Néanmoins, il reste possible de regrouper les pays en fonction de leurs points communs en termes de distribution des tâches réalisées par les travailleurs au sein de chaque groupe de professions (Bechichi et al., 2018[4]), et de réaliser une analyse par groupe (Tableau 3.1). Si, pour toutes les professions, les travailleurs qui exercent le même métier dans un groupe donné réalisent les mêmes types de tâches, aux mêmes fréquences, il semble probable que les écarts entre les professions de ces pays soient similaires.
Tableau 3.1. Regroupement des pays conformément à l’analyse par groupe
Pays |
Caractéristiques de la répartition des compétences |
|
---|---|---|
Groupe 1 |
Chili, Fédération de Russie, Grèce, Italie, Lituanie, République slovaque, Turquie |
Niveau moyen de compétences faible ; dispersion faible |
Groupe 2 |
Australie, Canada, États-Unis, Irlande, Nouvelle‑Zélande, Royaume-Uni |
Niveau moyen de compétences moyen ; dispersion forte |
Groupe 3 |
Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Finlande, Japon, Norvège, Pays-Bas, République tchèque, Suède |
Niveau moyen de compétences élevé ; dispersion faible |
Groupe 4 |
Corée, Espagne, Estonie, France, Israël, Pologne, Singapour, Slovénie |
Niveau moyen de compétences moyen ; dispersion moyenne |
Source : Bechichi, N. et al. (2018[4]), « Moving between jobs: An analysis of occupation distances and skill needs », https://doi.org/10.1787/d35017ee-en.
Les groupes de pays se distinguent en fonction des caractéristiques de leur distribution des compétences (Graphique 3.1). Le groupe 1 rassemble des pays caractérisés par un niveau de compétences faible et une dispersion faible. Le groupe 2, qui réunit des pays anglo-saxons, se caractérise par une dispersion forte et un niveau de compétences moyen. Le groupe 3 se caractérise par le niveau de compétences le plus élevé et une faible dispersion. Le groupe 4 est semblable à ce qui est observé en moyenne dans l’ensemble des pays considérés.
Encadré 3.2. Mesurer l’écart entre les professions
Les écarts entre les professions en termes de compétences cognitives et de compétences liées aux tâches, tels qu’identifiés dans la publication de Bechichi et al. (2018[4]), ont été calculés au niveau des catégories de professions à trois chiffres selon la classification CITP-08, à partir des données de 31 pays participant à l’Enquête sur les compétences des adultes (PIAAC). Les mesures relatives aux compétences cognitives s’appuient sur les résultats obtenus à des tests administrés en externe pour le PIAAC sur deux compétences, la lecture et le calcul, tandis que les compétences liées aux tâches ont été mesurées à partir de la fréquence avec laquelle certaines tâches sont accomplies par les travailleurs, d’après Grundke et al. (2017[5]).
Déficit et excès des compétences cognitives
Le déficit et l’excès des compétences cognitives lors du passage de la profession A à la profession B sont mesurés à partir des sommes pondérées de la différence entre les compétences moyennes en lecture et en calcul des professions A et B dans les différents pays.
Le déficit se calcule selon la formule suivante :
,
selon laquelle, correspond à l’importance relative de la compétence cognitive dans la profession B (par ex. , et correspondent aux compétences moyennes en lecture et en calcul dans les professions A et B, et est un indicateur marqué 1 si la condition entre parenthèses est vraie et 0 si ce n’est pas le cas. Ainsi, un déficit de compétences cognitives apparaît lorsque les compétences requises dans la profession d’origine sont insuffisantes par rapport à celles requises dans la profession ciblée, que ce soit dans une des deux compétences ou les deux.
De même, l’excès de compétences cognitives se définit de la façon suivante :
.
Les excès de compétences cognitives apparaissent lorsque la profession d’origine demande davantage de compétences que la profession d’arrivée dans une des compétences retenues ou les deux. Dans l’ensemble, près de 47 % des reconversions possibles n’impliquent aucun déficit de compétences.
Déficit et excès des compétences liées aux tâches
Le déficit et l’excès des compétences liées aux tâches lors du passage de la profession A à la profession B se définissent à partir des sommes pondérées de la différence entre les intensités moyennes de cinq compétences liées aux tâches des métiers A et B : TIC, gestion et communication, comptabilité et vente, calcul avancé et auto-organisation. Elles ont été calculées conformément à Grundke et al. (2017[5]). Le déficit des compétences liées aux tâches correspond à la formule :
,
selon laquelle, correspond à une des cinq compétences liées aux tâches, correspond à l’importance relative de la compétence liée aux tâches notée dans le portefeuille de tâches de la profession B, et correspond à l’intensité moyenne de la compétence liée aux tâches notée pour la profession A ou B.
De même, l’excès des compétences liées aux tâches se définit de la façon suivante :
.
Comme pour les compétences cognitives, les transitions d’un métier à l’autre pourront s’accompagner de déficits et d’excès dans différentes compétences à moins qu’une des deux professions exige des compétences nettement plus poussées que l’autre profession dans chaque compétence liée aux tâches. Dans l’ensemble, autour de 23 % des reconversions n’impliquent aucun déficit de compétences liées aux tâches.
Source : Bechichi, N. et al. (2018[4]), “Moving between jobs: An analysis of occupation distances and skill needs”, https://doi.org/10.1787/d35017ee-en ; Grundke, R. et al. (2017[5]), “Skills and global value chains: A characterisation”, http://dx.doi.org/10.1787/cdb5de9b-en.
Résultats : quels sont les écarts entre les professions
Les écarts entre les professions comportent à la fois des déficits et des excès de compétences, aussi bien de compétences cognitives (lecture et calcul) que de compétences liées aux tâches (TIC, auto-organisation, calcul avancé, comptabilité et vente et gestion et communication) (Graphique 3.2). Le passage d’un emploi hautement qualifié, comme les emplois de direction et des professions intellectuelles et scientifiques, à un autre devrait engendrer, pour la moyenne, des déficits limités et des excès importants en matière de compétences cognitives et liées aux tâches. À l’inverse, le passage d’un emploi peu qualifié vers un autre emploi génère pour la moyenne des déficits importants et des excès limités, que ce soit en compétences cognitives ou liées aux tâches. Changer d’emploi, pour les travailleurs qui occupent des postes moyennement qualifiés, implique généralement à la fois des déficits et des excès de compétences substantiels.
Les statistiques sur les écarts entre les professions, quelles qu’elles soient, offrent un éclairage sur les efforts qu’il faudrait éventuellement fournir pour changer d’emploi. Les travailleurs sont toutefois plus susceptibles de s’orienter vers des emplois qui se rapprochent de leur métier d’origine en termes de compétences requises. Notamment, les reconversions au sein d’un même regroupement de professions (code des professions à un chiffre selon la CITP-08) (par ex. les fonctions de direction ou les professions élémentaires) peuvent être considérées comme des transitions entre professions « proches » ou similaires.
Une corrélation légèrement positive apparaît entre l’écart moyen lors d’une transition vers une profession différente, quelle qu’elle soit, et l’écart moyen lors d’une transition entre des professions d’une même catégorie professionnelle, en termes de compétences cognitives (partie supérieure du Graphique 3.3). Ceci indique que les passages vers des professions proches entraîneraient des déficits de compétences cognitives bien plus importants dans le cas de professions élémentaires que dans celui de fonctions de direction. En revanche, les écarts en termes de compétences liées aux tâches entre des professions d’un même groupe sont plus importants en ce qui concerne les groupes de professions hautement qualifiées, comme les professions intellectuelles ou intermédiaires, que pour les professions peu qualifiées, comme les conducteurs d’installations et de machines et les professions élémentaires (partie inférieure du Graphique 3.3).
Les écarts entre les professions varient selon les groupes de pays. Le groupe 2, composé de pays anglo-saxons, se distingue par des écarts plus importants entre professions comparativement aux autres groupes de pays, dans presque toutes les catégories professionnelles, indiquant une dispersion des compétences plus étendue (Graphique 3.4). Le groupe 1, composé de pays caractérisés par des niveaux de compétences inférieurs, présente peu d’écarts entre les professions pour les métiers peu qualifiés. Dans le groupe 3, caractérisé par un niveau de compétences élevé et une dispersion des compétences limitée, les écarts entre les professions sont réduits dans toutes les catégories professionnelles.
Lorsque les travailleurs changent de profession : les transitions possibles et acceptables
Une fois l’écart entre les professions évalué, il reste à déterminer si le passage d’une profession à une autre est réalisable moyennant un effort défini d’approfondissement des compétences ou de reconversion, et s’il est acceptable pour les travailleurs, les économies et les sociétés. Ces changements professionnels doivent maintenir les travailleurs dans des emplois de qualité qui tirent le meilleur parti de leurs éventails de compétences. Une publication en rapport avec cette question explique de manière plus détaillée la typologie des transitions possibles et acceptables et les répercussions sur les besoins de compétences (Bechichi et al., 2019[8]).
Méthodologie : définir le cadre des transitions possibles et acceptables
Pour chaque profession, l’analyse identifie les transitions vers un nouvel emploi impliquant des besoins de formation/reconversion ou d’amélioration du niveau des compétences qui pourraient être comblés par des efforts de formation prédéterminés. Pour ce faire, trois scénarios de formation sont pris en compte :
Dans le scénario 1, les besoins de formation sont limités, c’est-à-dire que les besoins de formation/reconversion ou d’amélioration des niveaux de compétences peuvent être satisfaits en un maximum de six mois environ ;
Dans le scénario 2, les besoins de formation sont modérés, comblés en une année de formation environ ;
Dans le scénario 3, les besoins de formation sont importants, comblés en trois années de formation environ.
Pour chacun de ces trois scénarios, deux types de transitions sont identifiés : les transitions possibles et acceptables. Les transitions possibles peuvent être réalisées dans la limite des efforts de formation du scénario envisagé. Elles comprennent les passages d’un emploi hautement qualifié vers un autre nettement moins qualifié. Les transitions acceptables constituent un sous-ensemble des transitions possibles que les travailleurs, et la société en général, peuvent être prêts à accepter dans la mesure où elles impliquent une perte de capital humain et de salaire limitée. Une analyse similaire, fondée sur une méthodologie et des données différentes issues des États-Unis, est proposée par le Forum économique mondial (2018[9]).
Plus précisément :
Les transitions possibles correspondent à celles pour lesquelles un effort d’amélioration du niveau des compétences ou de formation/reconversion permettrait de réduire l’écart de compétences qui existe entre deux professions. L’écart entre les compétences revêt deux dimensions, comme indiqué dans la partie précédente : les compétences cognitives et les compétences liées aux tâches. En outre, il est peu probable que les travailleurs s’orientent vers des métiers qui touchent à des secteurs très différents, ainsi les domaines de connaissances de leur emploi d’origine et de l’emploi ciblé devraient être proches.
Les transitions acceptables correspondent à des transitions qui impliquent dans le pire des cas une baisse de salaire modeste et un excès de compétences cognitives limité.
Les Graphique 3.5 et Graphique 3.6 expliquent les concepts utilisés dans les parties suivantes.
Les politiques publiques peuvent cibler les transitions acceptables des travailleurs qui quittent des professions hautement menacées par l’automatisation pour s’orienter vers des professions peu ou moyennement menacées par ce risque. Ainsi, le risque d’automatisation peut être ajouté à l’analyse comme critère supplémentaire afin d’identifier les transitions acceptables (exposé dans les dernières parties de ce chapitre). Le risque d’automatisation des professions est évalué d’après la publication de Frey et Osborne (2017[10]). Ces risques ont été calculés à partir d’une évaluation réalisée par des spécialistes en apprentissage automatique sur les tâches qui pourraient techniquement être automatisées et appliqués aux données du système américain d’information sur les professions (O*NET). Ces estimations évaluent le risque intrinsèque d’automatisation et sont donc utilisées dans cette analyse pour identifier les professions menacées d’automatisation.
Identifier les transitions possibles, nécessitant un effort de formation/reconversion ou d’amélioration du niveau des compétences donné, et acceptables n’est pas un exercice facile mais qui se trouve au cœur de l’analyse. Il s’agit d’évaluer dans quelle mesure les déficits en compétences cognitives, en compétences liées aux tâches et les écarts en termes de domaines de connaissances peuvent être corrigés au moyen d’un effort de formation donné ou suivant un scénario. Il s’agit également de fixer la limite au-delà de laquelle une baisse de salaire ou un excès de compétences ne serait pas acceptable, d’un point de vue individuel et économique. Ces hypothèses sont détaillées dans le Tableau 3.2 et analysées dans une étude apparentée (Bechichi et al., 2019[8]).
Tableau 3.2. Résumé des conditions des transitions possibles et acceptables pour chaque scénario
Scénario 1 Besoins de formation limités (jusqu’à 6 mois de formation) |
Scénario 2 Besoins de formation modérés (jusqu’à 1 an de formation) |
Scénario 3 Besoins de formation importants (jusqu’à 3 ans de formation) |
Explications |
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Transitions possibles |
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Amélioration du niveau des compétences cognitives |
Jusqu’à 3,5 points PIAAC en lecture et calcul |
Jusqu’à 7 points PIAAC en lecture et en calcul |
Jusqu’à 21 points PIAAC en lecture et en calcul |
L’équivalence entre les années d’études et les compétences cognitives est obtenue par régression des résultats du PIAAC en compétences cognitives par rapport aux années d’études après contrôle de plusieurs facteurs. |
Formation aux tâches ou approfondissement |
Au mieux, quartile inférieur |
Au mieux, quartile médian |
Au mieux, quartile supérieur |
Ces valeurs correspondent respectivement aux quartiles inférieur, médian et supérieur de la répartition des déficits de compétences liées aux tâches (à l’exception des données nulles). |
Proximité du domaine de connaissances |
Si la profession ciblée est spécialisée : un des domaines d’étude les plus présents dans la profession d’origine doit figurer parmi les domaines d’étude les plus présents dans la profession spécialisée visée. Sinon : pas de restriction |
Application d’aucun critère |
L’ensemble des domaines d’étude les plus fréquemment abordés dans une profession rassemble les domaines d’étude qui concernent au moins 50 % des travailleurs qui exercent cette profession. Une profession est considérée comme spécialisée si les travailleurs qui l’exercent s’intéressent uniquement à quelques domaines d’étude. |
|
Transitions acceptables |
||||
Baisses de salaire modérées |
Au maximum 10 % |
Cette donnée correspond approximativement à la perte annuelle moyenne de revenu un an après un changement d’emploi dans cinq pays de l’OCDE, (OCDE, 2013[11]). |
||
Excès de compétences cognitives limités |
3.5 points PIAAC |
7 points PIAAC |
7 points PIAAC |
Pour le scénario 1 et le scénario 2, cette condition reflète les besoins d’amélioration du niveau de compétences cognitives maximums tolérés. Pour le scénario 3, les mêmes conditions que pour le scénario 2 sont retenues afin d’éviter une perte importante en capital humain. |
Source : Bechichi, N. et al. (2019[8]), “Occupational mobility, skills and training needs”, OCDE, Paris.
L’approche repose notamment sur les déficits de compétences cognitives estimés qui peuvent être comblés en une année de formation. En raison du caractère limité des données, il n’est pas possible d’estimer le lien de causalité entre les retombées des compétences et l’enseignement au moyen des données du PIAAC. Il convient de se fier uniquement aux corrélations entre les compétences cognitives et le niveau d’instruction, qui tiennent compte de plusieurs facteurs (Bechichi et al., 2019[8]). Cette approche considère qu’une année d’étude correspond à environ 7 points PIAAC en lecture et 7 points PIAAC en calcul.
Le choix des équivalences entre années d’étude et compétences cognitives représente un paramètre fondamental de l’analyse qui suscite plusieurs réserves :
Le rendement de l’enseignement en matière de compétences varie d’un pays à l’autre parce que certains possèdent de meilleurs systèmes d’éducation que d’autres ou que les contextes diffèrent. L’estimation de l’équivalence considère l’ensemble des pays, elle représente donc une moyenne de tous les pays inclus dans l’analyse et évolue, par exemple, selon l’inclusion et l’exclusion de certains pays. La principale conséquence de ce choix est que, pour un effort de formation donné, les transitions possibles pourraient être sous-estimées pour les pays où les systèmes d’éducation et de formation offrent de bons résultats, et surestimées pour ceux où les systèmes sont moins performants ou constitués d’établissements d’enseignement très hétérogènes.
L’analyse part également du principe que chaque individu apprend au même rythme dès lors qu’il suit une formation. Pourtant, il est probable que les travailleurs soient dotés de capacités d’apprentissage différentes liées à des facteurs tels que le type d’enseignement qu’ils ont suivi en tant qu’élève, leur attitude face à l’apprentissage, leurs compétences et leurs connaissances, ou encore leur âge. L’analyse considère également que les individus vont au bout de leur programme d’apprentissage et de formation et que ce programme parvient à améliorer leur niveau de compétences.
Le fait d’exprimer un effort de formation en durée est discutable en soi puisque plusieurs facteurs autres que la durée ont des répercussions sur ce que les participants apprennent réellement, notamment la richesse des ressources, la conception des programmes et les approches pédagogiques. Toutefois, l’utilisation d’une équivalence entre le déficit des compétences cognitives et le nombre d’années d’étude permet de mesurer les efforts de formation nécessaires et d’estimer le coût de cette formation pour les gouvernements et les pays.
Alors que ces estimations portent sur l’effort de formation nécessaire pour répondre aux besoins de compétences cognitives, elles ne couvrent que partiellement les compétences liées aux tâches. L’équivalence entre déficit de compétences cognitives et années d’enseignement ne peut être transposée aux compétences pratiques. Les compétences liées aux tâches s’acquièrent plus généralement une fois au travail et aucune donnée n’indique combien une heure de formation (professionnelle, par exemple) produit en termes de gain de compétences liées aux tâches. Toutefois, certaines compétences liées aux tâches prises en compte dans cette étude sont également partiellement cognitives, comme les TIC, le calcul avancé et les compétences en gestion et en communication. Ainsi, améliorer les compétences cognitives des travailleurs améliorera probablement aussi une partie de leurs compétences liées aux tâches mais cette méthodologie ne permet pas de dire à quel degré. Pour ces raisons, l’effort de formation nécessaire pour changer de profession pourrait être sous-estimé.
Étant donné le manque de données sur la formation non formelle, les estimations s’appuient sur le rendement de l’éducation formelle en termes de compétences. L’analyse part du principe que la formation donnée aux travailleurs, souvent non formelle, donne lieu à une amélioration des compétences cognitives similaire à l’éducation formelle. Cette hypothèse ne sous-entend pas que les besoins de formation doivent être pris en charge par le secteur de l’éducation formelle. Les données sur les années d’enseignement servent de référence, en l’absence d’informations plus complètes sur la durée et les résultats des formations (et sur le coût pour les parties suivantes).
Pour toutes ces raisons, les références aux scénarios de durée de formation doivent être considérées comme des informations données à titre indicatif sur l’ampleur des besoins de compétences, qu’ils soient faibles, modérés ou importants.
L’analyse recense les professions voisines qui peuvent être ciblées pour une profession d’origine donnée, moyennant une certaine amélioration des compétences. Bien que les politiques d’enseignement et de formation peuvent permettre d’améliorer les compétences, les travailleurs peuvent également apprendre par eux-mêmes, avec leurs collègues et par la pratique. L'Encadré 3.3 examine d’autres réserves émises sur l’analyse présentée dans ce chapitre.
Encadré 3.3. Mises en garde méthodologiques
Le présent chapitre propose d’estimer les besoins de formation et le coût des mesures des pouvoirs publics relatives à l’enseignement et à la formation qui favorisent la mobilité professionnelle. Afin d’élaborer une typologie des transitions professionnelles et de proposer des estimations de coût pour un grand nombre de pays, compte tenu des limites des données, plusieurs hypothèses simplificatrices ont été adoptées et influent inévitablement sur les résultats. Ces points font l’objet d’études approfondies (Andrieu et al., 2019[12] ; Bechichi et al., 2019[8]) et sont résumés ci-dessous. Les répercussions sur les estimations sont détaillées au Tableau d’annexe 3.A.1.
Le choix des paramètres permettant d’identifier les transitions possibles et acceptables
La définition des transitions possibles et acceptables dépend d’un nombre limité de paramètres que les travailleurs sont susceptibles de prendre en compte lorsqu’ils changent d’emploi. Généralement, il s’agit des excès et des déficits de compétences cognitives et liées aux tâches, et des différences en termes de salaires et de domaines de spécialisation entre l’ancien emploi et le nouveau. Cependant, le niveau maximum de perte salariale ou de capital humain que chacun est prêt à accepter pour retrouver un emploi dépend des individus, des pays et du type de transition, s’il est volontaire ou imposé. De plus, les préférences liées à l’emplacement géographique, au type de contrat ou à l’adéquation entre un travailleur et un emploi (Groes, Kircher et Manovskii, 2015[13]), pour ne citer que quelques facteurs importants, ne sont pas prises en compte. De ce fait, cette analyse identifie des circonstances favorables à une mobilité professionnelle réalisable mais ne peut pas la prévoir.
Un manque d’hétérogénéité des travailleurs
L’analyse part du principe que les travailleurs apprennent tous au même rythme et peuvent acquérir jusqu’à 7 points PIAAC en lecture et en calcul en l’espace d’une année de formation. Toutefois, les travailleurs ne possèdent probablement pas tous les mêmes capacités d’apprentissage. Par ailleurs, la qualité de la formation et l’efficacité du secteur éducatif peuvent varier largement selon les emplacements et les pays, donnant lieu à des durées de formation différentes selon les individus. Un assouplissement de ces hypothèses nécessiterait toutefois un niveau élevé de ventilation des données du PIAAC et une grande quantité de données récentes sur les systèmes d’enseignement à travers les pays, ce qui n’est pas réalisable dans le cadre de cette étude. De plus, la « capacité d’apprentissage individuelle » et « l’efficacité » d’un système d’enseignement ou de formation sont des paramètres difficiles à mesurer, surtout de manière uniforme dans l’ensemble des pays.
Des transitions au sein de la même profession pas suffisamment prises en compte
L’analyse considère uniquement le coût du passage d’une profession à une autre et s’intéresse particulièrement à l’abandon des emplois fortement exposés au risque d’automatisation. En réalité, les transitions au sein d’une même profession existent et peuvent nécessiter un effort de formation cognitive, parce que les compétences recherchées par les employeurs varient, l’éventail de compétences d’un travailleur peut perdre de sa valeur ou les compétences nécessaires pour un poste changent. Ces changements professionnels peuvent être moins coûteux que ceux présentés dans l’analyse si l’écart entre les compétences des emplois qui relèvent de la même profession est moins important que l’écart de compétences entre des professions différentes. Toutefois, les changements de poste au sein d’une même profession peuvent ne pas aider les travailleurs à s’affranchir du risque d’automatisation de manière aussi claire qu’avec les changements professionnels pris en compte dans l’analyse.
Une incertitude autour des estimations sur l’automatisation
L’analyse distingue les professions exposées au risque d’automatisation à un niveau élevé de celles exposées à ce risque à un niveau modéré ou faible, dans la mesure où le risque d’automatisation est considéré comme un facteur continu qui touche toutes les professions. De plus, les travailleurs ne sont pas tous exposés au même risque de perdre leur emploi du fait de l’automatisation, même au sein d’une profession similaire, selon le type de technologie déployée, l’organisation des tâches du poste occupé, le secteur d’appartenance ou d’autres caractéristiques institutionnelles. L’analyse ne peut pas tenir compte des variations dans le temps relatives aux compétences requises dans les professions puisqu’elles dépendent de données transversales qui varient selon les professions et les pays mais pas avec le temps. Ceci peut entraîner une surestimation des coûts présentés si des professions fortement menacées d’automatisation évoluent vers une baisse de cette menace, ou une sous-estimation si les professions peu menacées par l’automatisation y deviennent rapidement sujettes.
L’exclusion de la dimension sectorielle
L’analyse proposée ne cherche pas à savoir si les transitions impliquent un changement de secteur professionnel. Ceci est essentiellement dû aux contraintes des données. Bien qu’une large partie de la littérature économique sur la mobilité professionnelle confirme cette hypothèse (Kambourov et Manovskii, 2009[14]), d’autres ouvrages s’y opposent et apportent la preuve que des coûts liés au changement sectoriel et professionnel coexistent (Sullivan, 2010[15]) ou simplement qu’il existe des coûts propres au secteur (Dix‐Carneiro, 2014[16]).
Des transitions directes vers un nouvelle professionsans passer par une période de chômage
L’analyse considère que les travailleurs qui changent de profession quittent leur ancien emploi et passent par une période de formation ou de reconversion avant d’intégrer directement leur nouvel emploi sans période de rupture ou de chômage. Il est probable que ces transitions fluides soient irréalistes pour la plupart des travailleurs, en particulier pour les travailleurs licenciés qui ne quittent pas leur emploi volontairement. Les périodes de chômage peuvent déprécier les compétences des travailleurs et creuser l’écart des compétences que les travailleurs doivent combler pour réintégrer l’emploi. Les périodes d’inactivité pendant une transition augmentent le coût d’opportunité d’être sans emploi tandis que l’allongement des périodes de formation gonfle le coût direct des transitions.
Un manque d’éléments relatifs à l’équilibre général ou aux dynamiques
Enfin, cette analyse ne contient aucun élément d’équilibre général ou de dynamique. En d’autres termes, aucun sujet ne porte sur l’adéquation entre le nombre de travailleurs qui ont besoin de formation (offre de travail) et le nombre d’emplois créés dans les secteurs « refuges » (demande de travail), ce qui se répercute sur les salaires relatifs des emplois. De plus, l’analyse n’inclut pas dans le coût indirect le fait que certains travailleurs peuvent intégrer des professions plus rémunératrices, ce qui a une influence sur leur futur profil salarial, pour séparer clairement les éléments qui font partie des coûts et ceux qui font partie des gains.
Source : Andrieu, E. et al. (2019[12]), “Occupational transitions: The cost of moving to a "safe haven"”, https://doi.org/10.1787/6d3f9bff-en ; Bechichi, N. et al. (2019[8]), “Occupational mobility, skills and training needs”; Groes, F., P. Kircher et I. Manovskii (2015[13]), “The U-Shapes of occupational mobility”, http://dx.doi.org/10.1093/restud/rdu037 ; Kambourov, G. et I. Manovskii (2009[14]), “Occupational mobility and wage inequality”, http://dx.doi.org/10.1111/j.1467‑937X.2009.00535.x ; Sullivan, P. (2010[15]), “Empirical evidence on occupation and industry specific human capital”, http://dx.doi.org/10.1016/J.LABECO.2009.11.003 ; Dix‐Carneiro, R. (2014[16]), “Trade liberalization and labor market dynamics”, http://dx.doi.org/10.3982/ECTA10457.
Résultats : quelles transitions pour quels travailleurs ?
Dans un premier temps, toutes les professions et toutes les transitions sont prises en compte, sans préoccupation du risque d’automatisation associé aux professions.
La plupart des professions semblent relativement proches d’autres professions en termes de compétences cognitives requises, de tâches demandées et de domaines de connaissances. En effet, pour presque toutes les professions, il est possible d’identifier des transitions possibles avec le scénario 1, nécessitant des besoins de reconversion limités (Graphique 3.7). En moyenne, les travailleurs qui occupent les emplois les plus qualifiés font face à plusieurs transitions possibles dans tous les scénarios puisqu’un large choix de changements possibles s’offre à eux, y compris pour aller vers des emplois moins qualifiés. Ceci se vérifie pour les trois scénarios. Par exemple, après six mois de formation/reconversion, les directeurs pourraient prétendre à près de 60 % des professions, alors que les travailleurs des professions élémentaires pourraient se diriger uniquement vers 5 % de tous les emplois possibles, étant donné les compétences dont ils disposent et celles dont ils ont besoin. Les employés de type administratif peuvent également prétendre à de nombreux emplois grâce à l’étendue de leurs compétences cognitives et à la variété et à la fréquence des tâches qu’ils réalisent dans le cadre de leur travail (compétences liées aux tâches).
Si les transitions supposent des excès de compétences cognitives et une baisse de salaire limités, de nombreuses transitions possibles ne peuvent plus être considérées comme acceptables, en particulier pour les professions hautement qualifiées (Graphique 3.8). Par exemple, avec six mois de formation/reconversion, moins de 1 % des transitions des directeurs qui se dirigent vers d’autres professions pourraient être considérées comme acceptables.
Plus les efforts d’amélioration du niveau de compétences ou de formation/reconversion sont conséquents, plus le pourcentage de transitions acceptables identifiées augmente : la part des transitions acceptables augmente du scénario 1 au scénario 3. En effet, consacrer plus de temps à la formation/reconversion augmente le pourcentage de transitions possibles. De plus, partant du principe que les travailleurs qui suivent des périodes de formation plus longues peuvent accéder à des professions un peu moins exigeantes au niveau cognitif mais qui demandent peut-être des compétences liées aux tâches différentes, le nombre de transitions acceptables augmente avec l’effort de reconversion. Moyennant un effort de formation important allant jusqu’à trois ans, certains travailleurs peuvent prétendre à n’importe quelle autre profession, et atteindre 100 % de transitions acceptables. Ceci tient au fait que l’ensemble des transitions possibles s’enrichit et que la condition relative au domaine de connaissances disparaît dans le scénario 3.
La relation entre le nombre de transitions acceptables rendues possibles par les efforts d’amélioration du niveau de compétences ou de formation/reconversion et le niveau de compétence des professions suit une courbe en forme de cloche. Ce constat reste valable lorsque les catégories professionnelles sont considérées comme un indice du niveau de compétences (Graphique 3.8) ou si la moyenne des compétences en lecture des travailleurs des professions à trois chiffres de la CITP-08 (Graphique 3.9) est directement prise en compte. Peu de transitions apparaissent comme acceptables d’une profession peu qualifiée à une autre profession parce que ces dernières supposent des compétences plus exigeantes. De même, peu de transitions apparaissent acceptables d’un métier hautement qualifié à un autre métier parce que plusieurs de ces transitions impliqueraient des baisses de salaire ou des excès de compétences trop importants.
Spécificités nationales des transitions professionnelles
Les occasions qui s’offrent aux travailleurs de changer de profession dépendent de plusieurs facteurs propres aux pays tels que la situation géographique de l’activité économique, la structure et le dynamisme des entreprises, les freins institutionnels (comme les autorisations professionnelles), la flexibilité des mécanismes du marché du travail et la distribution des compétences. Dans les pays où les compétences des travailleurs sont très inégalement réparties, les emplois ont tendance à se situer loin les uns des autres et la mobilité professionnelle est plus difficile que dans les pays où cette répartition est plus concentrée.
Les écarts entre les professions diffèrent selon les pays et ont une incidence sur le nombre de transitions possibles et acceptables (Graphique 3.10). Dans les pays où les professions sont plus distantes (groupes 1 et 2), les transitions possibles sont moins nombreuses et, par conséquent, il en va de même pour les transitions acceptables. Dans ces pays, certaines transitions possibles impliqueraient des excès de compétences importants et, comme la répartition des salaires est plus inégale, une plus grande part des transitions possibles s’accompagne de baisses de salaires. À l’inverse, pour les groupes de pays 3 et 4, une part plus importante de transitions possibles et acceptables est identifiable. Le nombre de professions pour lesquelles il n’existe aucune transition acceptable après un certain effort de formation varie également selon les groupes. Cela concerne plus fréquemment les groupes 1 et 2 que les groupes 3 et 4.
Quelles transitions permettent d’échapper au risque d’automatisation
Alors que le nombre de professions menacées par une automatisation complète reste limité, du moins à court terme, les politiques d’éducation et de formation peuvent tenter de faciliter le passage d’un emploi fortement exposé au risque d’automatisation à un autre moins exposé.
Dans cette partie, l’analyse prend en compte le risque d’automatisation comme critère supplémentaire dans l’identification des transitions acceptables (Encadré 3.4). L’analyse s’appuie sur les estimations disponibles mais de grandes incertitudes demeurent quant au nombre de professions qui seront moins demandées à l’avenir et à la part des travailleurs qui pourraient avoir besoin de changer de métier (Encadré 3.3).
L’analyse identifie des professions « refuges », des professions visées pour lesquelles la transition nécessite peu d’efforts d’amélioration du niveau des compétences ou de formation/reconversion, et implique des excès de compétences limités et un risque d’automatisation faible ou modéré.
L’effort de formation minimum qu’un travailleur doit fournir pour aller vers une profession refuge alors qu’il provient d’une professionfortement exposée au risque d’automatisation est considéré comme la durée de formation moyenne dans : le scénario 1 si des efforts de formation limités permettent d’accéder à une profession refuge, le scénario 2, si pour accéder à une profession refuge il convient de fournir des efforts de formation non pas limités mais modérés, et le scénario 3 si des efforts de formation importants sont nécessaires pour atteindre une profession refuge (Graphique 3.11).
Encadré 3.4. Estimer le risque d’automatisation des professions
La méthodologie de Frey et Osborne
Frey et Osborne (2017[10]) ont évalué dans quelle mesure les éventuels progrès technologiques pouvaient affecter l’avenir de l’emploi aux États-Unis, dans le but de quantifier l’exposition des emplois au risque d’informatisation. Ils se sont intéressés à la possibilité théorique d’automatiser une tâche ou un emploi plutôt qu’à leur réelle automatisation et ont procédé de la façon suivante :
1. Au cours d’un atelier à l’université d’Oxford, ils ont demandé à un groupe de chercheurs sur l’apprentissage automatique d’évaluer le potentiel d’automatisation de 70 professions à partir de la description des tâches qu’elles comportent selon le système américain O*NET. La question exacte était « Les tâches de cet emploi peuvent-elles être suffisamment définies, sous réserve de la disponibilité des mégadonnées, pour être réalisées par du matériel de pointe contrôlé par ordinateur ? » Les emplois pour lesquels toutes les tâches étaient considérées comme étant automatisables ont été notés 1 alors que ceux pour lesquels aucune des tâches n’était considérée avec certitude comme automatisable ont été notés 0.
2. À partir des réponses données lors de l’atelier pour les 70 emplois, ils ont utilisé un algorithme de l’apprentissage automatique pour mieux comprendre le lien entre leur faculté à être automatisables et trois facteurs qui constituent un obstacle à l’informatisation (la perception et la manipulation ; l’intelligence créative ; et l’intelligence sociale). Les résultats de l’algorithme leur ont permis d’estimer la probabilité d’informatisation de 702 emplois détaillés dont les données sur l’emploi et les salaires ont été rapportées par le Bureau des statistiques du travail (BLS).
Catégories du risque d’automatisation
Frey et Osborne (2017[10]) ont classé les professions en trois grandes catégories reprises dans le présent document :
Risque d’automatisation faible : probabilité d’informatisation de 30 % ou moins ;
Risque d’automatisation modéré : probabilité d’informatisation entre 30 % et 70 % ;
Risque d’automatisation élevé : probabilité d’informatisation supérieure à 70 %.
Part des emplois fortement menacés d’automatisation dans les professions exposées à un risque élevé d’automatisation
Afin de déduire la part des emplois fortement menacés par le risque d’automatisation, il convient de savoir si tous les travailleurs de la même profession sont exposés au même risque. Les travailleurs d’une même profession peuvent réaliser des tâches différentes selon l’organisation de l’entreprise, par exemple, et le secteur dans lequel ils travaillent, et peuvent ainsi être menacés à différents degrés par l’automatisation dans leur emploi (Arntz, Gregory et Zierahn, 2016[17] ; Nedelkoska et Quintini, 2018[18]). Ainsi, dans les parties suivantes, deux cas sont pris en compte :
1. Seule une part des travailleurs dans une profession donnée exposée à un risque élevé d’automatisation occupe des emplois fortement menacés par l’automatisation. Dans les parties suivantes, ce postulat place les estimations dans la fourchette basse, allant de 4 % à 10 % de l’emploi selon les pays. Les pourcentages de travailleurs qui occupent des emplois fortement menacés d’automatisation pour toutes les professions exposées à un risque élevé d’automatisation proviennent de Nedelkoska et Quintini (2018[18]).
2. Tous les travailleurs actuellement employés dans une profession fortement exposée au risque d’automatisation occupent des emplois menacés par ce même risque. Ce constat conduit aux estimations de la fourchette haute dans les parties suivantes, allant de 19 % à 48 % de l’emploi selon les pays.
Source : Frey, C. et M. Osborne (2017[10]), “The future of employment: How susceptible are jobs to computerisation?”, http://dx.doi.org/10.1016/J.TECHFORE.2016.08.019 ; Arntz, M., T. Gregory et U. Zierahn (2016[17]), “The Risk of Automation for Jobs in OECD Countries: A Comparative Analysis”, http://dx.doi.org/10.1787/5jlz9h56dvq7-en ; Nedelkoska, L. et G. Quintini (2018[18]), “Automation, skills use and training”, https://dx.doi.org/10.1787/2e2f4eea-en.
Professions fortement exposées au risque d’automatisation nécessitant d’investir largement dans la formation
Les professions exposées à un risqué élevé d’automatisation présentent, en moyenne, des pourcentages de transitions possibles et acceptables similaires à ceux des professions exposées à un risque faible d’automatisation, c’est-à-dire que les travailleurs dans les deux groupes de professions d’origine ont les mêmes capacités de mobilité (Bechichi et al., 2019[8]). Lorsque l’ensemble des professions acceptables visées se limite aux professions faiblement ou modérément exposées au risque d’automatisation (moins de 70 %), appelées professions refuges, le nombre de transitions acceptables diminue.
Les efforts d’amélioration du niveau de compétences ou de formation/reconversion nécessaires pour espérer réaliser une transition acceptable en passant d’une professionfortement exposée au risque d’automatisation à une profession exposée à un risque faible ou modéré varient en fonction du groupe de pays (Graphique 3.12). Lorsque tous les pays sont pris en compte, avec moins de six mois de formation/reconversion (scénario 1), environ la moitié des travailleurs des professions exposées à un risque élevé d’automatisation ne peuvent pas réaliser une transition acceptable vers un emploi exposé à un risque faible ou modéré. Cette part monte à près de 80 % pour les groupes 1 et 2, et dépasse les 65 % pour le groupe 3. Les résultats du groupe 4 sont similaires à ceux obtenus pour l’ensemble des pays. Ces pourcentages sont divisés par deux ou plus lorsqu’on allonge la durée de la formation/reconversion jusqu’à un an (scénario 2). Avec un effort de formation important (scénario 3), les transitions sont acceptables pour les travailleurs qui visent une profession exposée à un risque faible d’automatisation quelle que soit leur profession de départ dans les groupes 2 et 4, et pour la plupart d’entre eux dans les groupes 1 et 3.
Les différences entre les groupes de pays correspondent en partie à celles constatées pour les transitions acceptables de manière générale. Pour les pays où la répartition des compétences cognitives est largement étendue (groupes 1 et 2), il est difficile de trouver des transitions pour lesquelles les efforts de formation/reconversion sont limités, et cela se vérifie d’autant plus lorsque les transitions sont limitées aux professions exposées à un risque d’automatisation faible ou modéré.
Ces résultats soulignent le rôle joué par la répartition des compétences dans la mobilité professionnelle et les répercussions pour les politiques d’éducation et de formation. Lorsque les compétences des travailleurs sont dispersées, les professions ont tendance à être plus éloignées les unes des autres en termes de compétences requises et l’effort de formation nécessaire pour changer de profession augmente. Dans ces pays, il est essentiel de favoriser efficacement l’apprentissage en cours d’emploi. Dans les pays où la dispersion des compétences est limitée mais où le niveau de compétences est bas, les travailleurs trouveront peut-être à court terme des occasions de changer de profession à l’issue d’un effort de formation limité mais, à long terme, l’essor et l’adoption de nouvelles technologies nécessaires au maintien ou au développement de la compétitivité et de la croissance nécessiteront des investissements conséquents dans l’enseignement et la formation.
Cette analyse permet de repérer les professions à risque que les politiques d’enseignement et de formation pourraient devoir cibler : celles exposées à un risque élevé d’automatisation qui demandent un effort de formation de plus d’un an aux travailleurs qui voudraient accéder à une autre profession exposée à un risque faible ou modéré (Tableau 3.3). Les professions exposées à un risque élevé d’automatisation peuvent être considérées comme étant moins menacées s’il est possible d’identifier des transitions acceptables pour les travailleurs qui souhaitent se diriger vers des professions moins exposées au risque d’automatisation qui nécessitent un effort de formation limité ou modéré (de six mois à un an).
La part des professions fortement menacées d’automatisation qui demandent un effort de formation important de la part des travailleurs qui souhaitent changer et se diriger vers des emplois faiblement ou modérément menacés d’automatisation varie selon les pays. Cette part évolue également selon que tous les travailleurs de ces professions sont considérés comme étant fortement exposés au risque (limite supérieure) ou seulement une partie (limite inférieure) (Arntz, Gregory et Zierahn, 2016[17] ; Nedelkoska et Quintini, 2018[18]).
Globalement, la part de l’emploi qui pourrait intéresser spécifiquement l’action publique se situe entre 0,4 % et 1,5 % pour la limite inférieure et entre 2 % et 6 % pour la limite supérieure (Graphique 3.13).
Tableau 3.3. Professions susceptibles d’être ciblées par les programmes de formation
Professions exposées à un risque élevé d’automatisation pour lesquelles il n’est identifié aucune transition acceptable vers une autre profession exposée à un risque faible ou modéré malgré une formation allant jusqu’à un an
Professions |
Risque d’automatisation |
---|---|
Forgerons, outilleurs et assimilés |
84.8 |
Conducteurs d’installations et de machines pour la fabrication des produits chimiques et photographiques |
85.0 |
Opérateurs sur clavier |
96.6 |
Techniciens de la médecine et de la pharmacie |
78.8 |
Conducteurs d’installations de transformation et de traitement superficiel des métaux |
88.0 |
Manœuvres des mines, du bâtiment et des travaux publics |
80.0 |
Conducteurs d’installations d’exploitation minière et d’extraction des minéraux |
80.4 |
Conducteurs de machines pour la fabrication de produits en caoutchouc, en matières plastiques et en papèterie |
86.7 |
Vendeurs ambulants (à l’exception de l’alimentation) |
94.0 |
Éleveurs de bétail, subsistance |
87.0 |
Conducteurs d’installations pour la fabrication du papier et pour le travail du bois |
82.1 |
Note : ces métiers sont des métiers fortement exposés au risque d’automatisation et pour lesquels aucune transition acceptable n’a été identifiée permettant au travailleur d’accéder à un métier exposé à un risque d’automatisation faible ou modéré, après une période de formation allant jusqu’à un an (scénario 2). Le risque d’automatisation du métier de départ est calculé à partir des estimations de Frey et Osborne (2017[10]) et décrit dans l’Encadré 3.4. Les professions exposées à un risque faible d’automatisation correspondent aux métiers dont la probabilité d’automatisation est inférieure à 30 % ; pour le risque modéré, elle se situe entre 30 et 70 % ; pour le risque élevé, elle dépasse les 70 %. Les transitions acceptables sont définies au Tableau 3.2. Les calculs reposent sur les résultats obtenus pour l’ensemble des pays.
Source : calculs de l’OCDE à partir de OCDE (2012[6]) et OCDE (2015[7]), Enquête sur les compétences des adultes (PIAAC), www.oecd.org/skills/piaac/publicdataandanalysis.
Évaluer les coûts de l’éducation et de la formation nécessaires pour se prémunir du risque d’automatisation
Le dernier point consiste à évaluer le coût de l’effort de formation nécessaire, pour chacun des 31 pays de l’OCDE pris en compte dans l’analyse, pour aider les travailleurs qui exercent une profession exposée à un risque élevé d’automatisation à en changer pour s’orienter vers une profession refuge. Un document en lien avec ce sujet explique comment évaluer le coût des programmes d’enseignement et de formation nécessaires pour permettre aux travailleurs de changer de profession (Andrieu et al., 2019[12]).
Méthodologie : définir l’ensemble des coûts de formation, directs et indirects
Pour chaque profession exposée à un risque élevé d’automatisation, dans chaque pays, l’analyse calcule le coût financier des transitions, pour un travailleur moyen qui exerce une de ces professions et se dirige vers une professionrefuge moyen.
Le coût minimum correspond au coût de l’effort ou du besoin de formation minimum.
Le coût total de la formation par travailleur pour atteindre une profession dans un pays équivaut à la somme de deux types de coûts :
Le coût direct : le coût réel de la prestation de formation que doit suivre un travailleur pour accéder à une profession refuge, pendant toute la durée de la période de formation nécessaire. Le coût direct d’une profession correspond à la durée de la formation nécessaire pour accéder à un emploi refuge multipliée par le coût annuel du programme d’enseignement ou de formation (estimé selon les dépenses annuelles d’enseignement par élève du pays), exprimé en moyenne sur tous les emplois refuges d’une profession qui nécessitent un certain effort de formation.
Le coût indirect : le coût d’opportunité de la formation, soit le salaire auquel un travailleur renonce pendant sa période de formation, en supposant que les travailleurs ne travaillent pas pendant leur formation. Le coût indirect d’une profession correspond à la durée de formation nécessaire pour accéder à une occupationrefuge multipliée par le salaire annuel médian de la profession, exprimé en moyenne sur toutes les professions refuges de la profession qui nécessitent un certain effort de formation.
Une fois que le coût direct et indirect de chaque profession dans chaque pays a été calculé, les coûts directs et indirects des pays s’obtiennent en additionnant les coûts directs et indirects de toutes les professions, et en multipliant par le nombre de travailleurs de chaque profession dans le pays. Cette méthodologie est expliquée à l’Encadré 3.4.
Afin de calculer ces estimations, plusieurs hypothèses de simplification ont été émises. Il a tout d’abord été supposé que le coût de la formation était le même pour tous les travailleurs qui exercent la même profession dans le même pays. En d’autres termes, aucune hypothèse ne tient compte de l’impact que les caractéristiques des travailleurs, comme le niveau de compétences ou d’études, l’âge, l’emplacement géographique ou l’expérience professionnelle, peuvent avoir sur le coût de la formation.
Ensuite, du fait du manque de données fiables sur les dépenses des pays consacrées à la formation, les dépenses des pays en faveur de l’enseignement servent de valeur de substitution. Ceci revient à considérer que les travailleurs se forment par le biais de programmes de formation et d’enseignement formels ou non formels mais pas en apprenant sur le tas ou à domicile avec des ressources éducatives en libre accès, ou grâce à l’apprentissage informel (par ex. l’apprentissage grâce à ses collègues). De plus, cela suppose que le coût de la formation non formelle (par ex. une formation en cours d’emploi) équivaut à celui de la formation formelle dans un établissement d’enseignement (par ex. un programme d’enseignement ou de formation professionnel validé par un diplôme). D’autres avertissements relatifs à la méthodologie font l’objet de l’Encadré 3.3.
En résumé, le coût total par profession et par pays varie selon : (1) la durée de la période de formation envisagée ; (2) les professions qui composent le groupe ; (3) le coût direct de la formation, propre à chaque pays ; et (4) les salaires qui influent sur les coûts indirects, propres aux groupes de pays.
Encadré 3.5. Calculer les coûts de la mobilité professionnelle des pays
Décomposition du coût total
Le coût total de la reconversion d’un travailleur moyen qui quitte une profession notée dans un pays noté pour aller vers une autre profession se décompose en deux parties, le coût direct et le coût indirect :
où correspond au coût total de la formation à la profession dans le pays , correspond au coût direct de la profession dans le pays , et correspond au coût indirect de la formation pour accéder à la profession dans le groupe du pays .
Étape 1 : Calcul du coût direct et indirect pour une profession dans un pays
Afin de calculer les coûts de formation au niveau national, il est d’abord nécessaire de calculer les coûts directs et indirects pour toutes les professions, dans tous les pays.
Coût direct
Le coût direct d’une transition acceptable entre une profession dans un pays et une profession correspond au temps de formation nécessaire pour accéder à la profession multiplié par le coût annuel de l’enseignement et de la formation :
où correspond au temps de formation nécessaire en nombre d’années pour accéder à une transition acceptable entre une profession dans le groupe du pays et une profession après un certain effort de formation, et où correspond au coût annuel par élève de l’enseignement primaire à l’enseignement secondaire ou supérieur en USD du pays (exprimé en parités de pouvoir d’achat, ou PPA) en 2014, conformément à l’ensemble des données de Regards sur l’éducation (2017[19]).
Les dépenses d’enseignement couvrent les services de base, à savoir les dépenses totales nettes dédiées à l’enseignement, déduction faite des dépenses au titre de la recherche et développement (R&D) et des services subsidiaires, pour les établissements de l’enseignement privé et public.3 Il ne s’agit pas uniquement des droits de scolarité payés par les élèves. Si les professions d’origine et de destination sont toutes deux constituées de travailleurs diplômés de l’enseignement supérieur, le calcul se fait à partir du coût de l’enseignement supérieur. Dans le cas contraire, le coût de l’enseignement primaire à secondaire est utilisé. Ceci part du principe qu’un travailleur qui a atteint un niveau d’étude supérieur ne se formera pas au niveau du secondaire tandis que l’inverse est possible. L’analyse ne considère pas que les pays où les dépenses d’enseignement par élève sont élevées pourraient obtenir de meilleurs résultats grâce à leur système d’enseignement et de formation.
Le coût direct engendré par le fait de quitter la profession dans le pays s’obtient en calculant la moyenne des coûts directs de toutes les transitions acceptables auxquelles les travailleurs qui exerçaient la profession pourraient prétendre après un certain effort de formation.
Coût indirect
Le coût indirect d’une transition acceptable entre une profession dans le groupe du pays , et une profession correspond au temps de formation requis pour accéder à la profession multiplié par le salaire annuel médian de la profession :
où se définit de la même manière que ci-dessus, et correspond au salaire annuel médian en PPA, en USD, de la profession dans le groupe du pays .
À nouveau, le coût indirect lié au fait de quitter la profession dans le groupe du pays s’obtient en calculant la moyenne des coûts indirects de toutes les transitions acceptables auxquelles les travailleurs de la profession pourraient prétendre après un certain effort de formation. Alors que le coût direct pour une profession donnée varie selon les pays, le coût indirect pour une profession donnée varie selon les groupes mais pas entre les pays d’un même groupe.
Étape 2 : Agrégation des coûts directs et indirects au niveau national
Une fois que les coûts (moyens) directs et indirects sont calculés par profession et par pays, ils peuvent être agrégés au niveau national. Ainsi, le coût direct et indirect pour un pays correspond à la somme pondérée des coûts directs et indirects des professions :
où correspond au nombre total de professions dans le groupe du pays et correspond au nombre de travailleurs employés dans la profession dans le pays calculé à partir du Programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes (PIAAC).
Enfin, le coût total de la formation pour le pays et pour un certain effort de formation est :
Le coût de la reconversion vers une professionrefuge
Le coût minimum par travailleur de la formation requise (associé au besoin minimum de formation, Graphique 3.11) pour quitter une profession exposée à un risque élevé d’automatisation est plus important si les professions ciblées doivent être exposées à un risque faible ou modéré que si toutes les transitions acceptables vers tous les emplois sont prises en compte (Tableau 3.4). Ceci s’explique par le fait que les professions acceptables faiblement menacées par l’automatisation requièrent, pour la moyenne, des compétences cognitives plus élevées.
Le coût minimum de la formation pour un travailleur qui souhaite se prémunir du risque d’automatisation varie selon les groupes de pays. Il est plus élevé pour les pays du groupe 2 (pays anglophones) parce que l’ensemble des dépenses d’éducation par élève est généralement plus élevé dans ces pays, ce qui fait monter le coût direct, tout comme les salaires, ce qui augmente le coût indirect.
Tableau 3.4. Coûts minimums moyens de formation pour un travailleur qui exerce une profession exposée à un risque élevé d’automatisation
En milliers de USD (PPA), par type d’emploi visé
|
Tous types de professions |
Uniquement les professions exposées à un risque faible ou modéré d’automatisation |
||||
---|---|---|---|---|---|---|
Indirect |
Direct |
Total |
Indirect |
Direct |
Total |
|
Groupe 1 |
8.0 |
2.8 |
10.8 |
12.5 |
4.5 |
17.0 |
(0.7) |
(0.2) |
(0.9) |
(0.9) |
(0.3) |
(1.1) |
|
Groupe 2 |
15.8 |
5.4 |
21.2 |
21.1 |
7.4 |
28.6 |
(1.8) |
(0.5) |
(2.3) |
(2.0) |
(0.6) |
(2.5) |
|
Groupe 3 |
5.9 |
2.4 |
8.3 |
10.2 |
3.8 |
14.0 |
(0.3) |
(0.1) |
(0.4) |
(0.7) |
(0.2) |
(0.9) |
|
Groupe 4 |
3.4 |
1.4 |
4.7 |
9.2 |
3.4 |
12.6 |
(0.2) |
(0.1) |
(0.3) |
(0.8) |
(0.3) |
(1.1) |
Note : le tableau présente le coût minimum moyen de formation d’un travailleur qui exerce une profession fortement exposée au risque d’automatisation, par groupe de pays et selon le degré de risque d’automatisation auquel est exposée la profession visé. Par exemple, le coût minimum total moyen de la formation d’un travailleur qui occupe une professionfortement menacée par l’automatisation dans le groupe 1 est de 10 800 USD (PPA) si toutes les professions visées (« tous types de professions ») sont pris en compte, et de 17 000 USD (PPA) si seules les professions visées sont celles exposées à un risque faible ou modéré d’automatisation (« Uniquement les professions exposés à un risque faible ou modéré d’automatisation »).
Les coûts s’entendent par travailleur : le coût « direct » correspond au coût de la formation des travailleurs qui se reconvertissent ; le coût « indirect » fait référence aux salaires non perçus pendant la période de formation ; et le coût « total » correspond à la somme des coûts directs et indirects. Les erreurs types sont données entre parenthèses. La composition des groupes de pays se trouve au Tableau 3.1.
Source : calculs de l’OCDE à partir de OCDE (2012[6]) et OCDE (2015[7]), Enquête sur les compétences des adultes (PIAAC), www.oecd.org/skills/piaac/publicdataandanalysis et des données tirées de OCDE (2017[19]), Regards sur l’éducation 2017 : Les indicateurs de l’OCDE, https://doi.org/10.1787/eag-2017-en (consulté le 06 novembre 2017).
Le coût agrégé de la formation s’obtient en multipliant le nombre de travailleurs actuellement employés dans une profession fortement exposée au risque d’automatisation et qui accomplissent des tâches facilement automatisables (Nedelkoska et Quintini, 2018[18]) par le coût, par travailleur, propre à chaque profession, que représente le passage vers une professionrefuge, et en additionnant le résultat de toutes les professions fortement exposées au risque d’automatisation.
Le coût agrégé peut être exprimé en pourcentages du PIB annuel du pays ou de l’ensemble des dépenses annuelles consacrées actuellement à l’enseignement secondaire et supérieur (Graphique 3.14).4 Il convient de souligner que ces proportions comparent des coûts de formations qui dureront probablement plusieurs années (au numérateur), avec une somme agrégée annuelle (au dénominateur). Les reconversions peuvent nécessiter des périodes de formation de plus d’un an si aucune transition acceptable ne se présente permettant d’accéder à un poste exposé à un risque faible ou modéré d’automatisation après un effort de formation limité ou modéré. De plus, les travailleurs et employeurs peuvent décider d’étendre la période de formation sur plusieurs années, afin de concilier travail (à temps partiel) et formation. Enfin, les mesures des pouvoirs publics ne devraient pas viser tous les travailleurs fortement exposés au risque d’automatisation en même temps et sur une durée d’un an puisque la technologie se répand et s’exploite à des rythmes différents selon les pays, les secteurs et les entreprises.
Le coût agrégé du déplacement vers une professionrefuge varie selon les pays de 0,5 % du PIB annuel à plus de 2 %, avec un coût direct qui représente près de 30 % et un coût indirect 70 %. Les coûts directs varient de 3 % à plus de 20 % des dépenses d’éducation, selon les pays.
La composante indirecte du coût de la formation issue des salaires auxquels les travailleurs ont renoncé représente environ 70 % du coût total par personne, ce qui dépasse le coût direct que représente le suivi de la formation dans le système d’enseignement. Ce résultat souligne qu’il est essentiel de permettre aux individus de se former et d’apprendre tout en continuant à travailler afin d’alléger le coût indirect du changement d’emploi et le coût global des politiques d’enseignement et de formation qui peuvent aider les travailleurs à changer de métier lorsqu’ils occupent un poste fortement exposé au risque d’automatisation.
Les estimations sont hétérogènes d’un pays à l’autre, quel que soit le dénominateur choisi pour les comparer. Les différences entre les pays s’expliquent pour la plupart par des différences au niveau (i) du salaire médian entre les groupes, ce qui a un impact sur les coûts indirects ; (ii) des dépenses d’éducation par élève spécifiques aux pays ; (iii) des écarts de compétences moyens entre les professions fortement menacées d’automatisation et l’ensemble des professions acceptables qui peuvent être envisagées, ce qui dépend du groupe auquel appartient le pays ; et (iv) de la proportion de travailleurs dans le pays qui exercent une profession fortement exposée au risque d’automatisation.
La part de l’emploi parmi les professions exposées à un risqué élevé d’automatisation influence fortement les coûts agrégés (Tableau 3.5). Les pays dont l’emploi est très important dans ces professions (Chili, Corée, Grèce, Italie, Slovénie et Turquie) présentent les coûts agrégés les plus élevés. Les différences entre les coûts directs et indirects entre les pays expliquent les différences de coûts dans une moindre mesure. De plus, comme le coût direct de l’enseignement et de la formation s’appuie sur les dépenses d’éducation par élève et que l’analyse se fonde sur un rendement moyen de l’éducation en termes de compétences, pour les pays dont les dépenses d’éducation par élève sont élevées, le coût direct de la formation estimé est aussi plus important.
Tableau 3.5. Facteurs qui influencent le coût agrégé du changement professionnel pour se diriger vers une professionrefuge, par pays
Premier quartile (résultat élevé) |
Deuxième quartile |
Troisième quartile |
Quatrième quartile (résultat faible) |
|
Proportion des emplois actuellement exposés à un risque élevé d’automatisation |
Coût indirect (salaires en pourcentage du PIB) |
Coût direct (coût de la formation en pourcentage du PIB) |
Durée de la formation |
Coût total en pourcentage du PIB |
---|---|---|---|---|---|
Australie |
|||||
Autriche |
|||||
Belgique |
|||||
Canada |
|||||
Chili |
|||||
République tchèque |
|||||
Danemark |
|||||
Estonie |
|||||
Finlande |
|||||
France |
|||||
Allemagne |
|||||
Grèce |
|||||
Irlande |
|||||
Israël |
|||||
Italie |
|||||
Japon |
|||||
Corée |
|||||
Lituanie |
|||||
Pays-Bas |
|||||
Nouvelle-Zélande |
|||||
Norvège |
|||||
Pologne |
|||||
Fédération de Russie |
|||||
Singapour |
|||||
République slovaque |
|||||
Slovénie |
|||||
Espagne |
|||||
Suède |
|||||
Turquie |
|||||
Royaume-Uni |
|||||
États-Unis |
Note : par exemple, le coût total est faible pour l’Australie (dans le premier quartile de la distribution des coûts). En Australie, la part des emplois dans des professions fortement menaceés d’automatisation est faible et les coûts directs et indirects liés à la formation sont bas alors qu’elle fait partie d’un groupe de pays où les professions sont très éloignées les unes des autres.
Le coût indirect correspond à la moyenne des salaires sacrifiés, en pourcentage du PIB, et le coût direct correspond au coût moyen de l’enseignement et de la formation, en pourcentage du PIB. Le calcul de la part des emplois actuellement exposés à un risque élevé d’automatisation est expliqué à l’Encadré 3.4. La « durée de la formation » correspond à la durée moyenne de formation nécessaire pour accéder à une professionrefuge avec le scénario où le besoin de formation est le plus court.
Source : calculs de l’OCDE à partir de OCDE (2012[6]) et OCDE (2015[7]), Enquête sur les compétences des adultes (PIAAC), www.oecd.org/skills/piaac/publicdataandanalysis, OCDE (2018[20]), OCDE, Base de données pour l’analyse structurelle (STAN), http://oe.cd/stan et des données tirées de OCDE (2017[19]), Regards sur l’éducation 2017 : Les indicateurs de l’OCDE, https://doi.org/10.1787/eag-2017-en.
Le coût dépend fortement du nombre de travailleurs susceptibles d’avoir besoin de participer à un programme d’enseignement ou de formation. Les estimations du Graphique 3.14 partent du principe que seule une proportion des travailleurs employés dans des métiers fortement exposés au risque d’automatisation sont actuellement menacés et auraient besoin de formation, ce qui donne lieu à des estimations à tendance basse. En supposant que tous ces travailleurs sont menacés, l’estimation du coût de l’enseignement et de la formation augmente (Graphique 3.15). Ceci pourrait correspondre à une situation sur le plus long terme dans laquelle ces professions deviendront entièrement automatisées et tendront à disparaître. Dans une telle situation, le coût de la formation que représenterait la mobilité professionnelle vers un emploi refuge serait multiplié par cinq, avec un coût global moyen allant de 1 % à 10 % du PIB selon les pays.
De nombreuses incertitudes entourent ces estimations. Comme cela a été évoqué dans les parties de ce chapitre sur la méthodologie ainsi qu’à l’Encadré 3.3, la méthodologie choisie repose sur plusieurs hypothèses qui ont des répercussions sur l’ampleur des effets estimés. Notamment, de grosses incertitudes résident quant au nombre de professions qui seront moins demandées à l’avenir et au pourcentage de travailleurs qui auront besoin de changer de professions, deux facteurs essentiels de ces estimations. Certains travailleurs qui exercent des professions fortement exposées au risque d’automatisation ne quitteront peut-être jamais leur emploi pour cette raison, parce que la nature de leur travail évolue ou parce que l’automatisation gagne les économies de manière inattendue. En fonction de ces paramètres, les estimations basses et hautes pourraient différer de celles de la présente analyse.
Cette approche considère également que les travailleurs vont au bout de leur programme d’enseignement ou de formation et que ces programmes parviennent à développer leurs compétences. Il n’existe pas de données sur le taux d’achèvement des programmes des travailleurs et des adultes. Toutefois, les données sur les élèves (et sur les jeunes) indiquent des taux d’achèvement de 75 % pour l’enseignement secondaire du deuxième cycle et de 72 % pour l’enseignement supérieur. En supposant que les programmes d’enseignement et de formation sont parfaitement efficaces et tous menés à leur terme, l’analyse tend à sous-estimer leur coût.
Les estimations proposées jusque là s’intéressent essentiellement au coût que représente la formation des individus destinée à les doter des compétences cognitives dont ils ont besoin pour accéder à l’emploi visé. Selon les professions, en revanche, les travailleurs n’ont pas besoin d’acquérir les mêmes compétences pratiques, comme les compétences en gestion et communication ou les compétences informatiques. Les écarts entre les professions, en matière de compétences liées aux tâches, sont pris en compte dans l’analyse puisqu’elle considère, dans chacun des scénarios envisagés, que les travailleurs ne peuvent accéder qu’à des emplois dont les compétences en question sont suffisamment proches (Tableau 3.2). Toutefois, les estimations financières tiennent uniquement compte des frais engagés pour pallier le manque de compétences cognitives.
Les informations de l’enquête Eurostat sur la formation professionnelle continue (CVTS) peuvent servir à évaluer, à titre indicatif, les ressources supplémentaires nécessaires pour permettre aux travailleurs d’acquérir une partie des compétences pratiques dont ils ont besoin pour accéder à un autre emploi. Cette enquête recueille des données sur la formation en entreprise des travailleurs.5 Les formations portent généralement sur les compétences générales et professionnelles en technologies de l’information, gestion, travail en équipe, gestion du client, résolution de problème, gestion administrative, langues étrangères, lecture, calcul, communication et sur les compétences techniques spécifiques à un emploi. En revanche, seuls quelques employeurs proposent des formations en lecture et en calcul. En moyenne, sur l’ensemble des pays de l’enquête, les participants ont reçu 26 heures de formation en 2015.
Cette enquête ne détaille pas les données financières par type de compétence. Par ailleurs, ces données ne sont pas à l’échelle des professions. Enfin, ces données ne peuvent pas être utilisées pour évaluer les écarts de compétences qui peuvent être comblés grâce à ces possibilités de formations. Par conséquent, les mêmes besoins financiers sont avancés pour chaque travailleur, quel que soit l’écart de compétences à combler et les professions de départ et celles visées. Ces estimations ne tiennent pas compte du coût indirect supporté par les employeurs alors que les travailleurs continuent généralement de percevoir leur salaire pendant qu’ils sont en formation en entreprise.
Le coût supplémentaire calculé à partir des données de l’enquête CVTS peut être ajouté au coût national de la formation des travailleurs qui quittent une professionfortement menacée d’automatisation pour exercer une profession exposée à un risque faible ou modéré d’automatisation. Ce coût supplémentaire est calculé en prenant le coût de la formation par participant spécifique au pays, comme indiqué dans l’enquête CVTS, multiplié par le nombre d’individus du pays qui occupent un poste fortement menacé par l’automatisation. Ce coût supplémentaire représente entre 0,06 % et 0,3 % du PIB en moyenne sur l’ensemble des pays concernés (Andrieu et al., 2019[12]). Ce coût est faible, d’après l’étude, en raison de la courte durée de la formation.
Quel type de formation permet de s’affranchir du risque de l’automatisation ?
Outre le besoin d’améliorer leur niveau dans les compétences cognitives générales (lecture et calcul), les travailleurs qui exercent des professions fortement menacées par l’automatisation doivent avant tout se doter de compétences non cognitives telles que la gestion et la communication ou encore l’auto-organisation. Ils ont également besoin de formation en TIC (Tableau 3.6). Ceci est principalement lié au fait que les professions qui risquent d’être automatisées impliquent essentiellement des tâches routinières alors que la gestion, la communication et l’auto-organisation sont plus difficiles à automatiser.
Tableau 3.6. Compétences liées aux tâches pour lesquelles il est nécessaire de se former pour accéder par une transition acceptable à des professions exposées à un risque faible ou modéré d’automatisation
Pour les professions fortement exposées au risque d’automatisation, avec le scénario où le besoin de formation qui permet d’accéder à une transition acceptable est le plus faible
|
TIC |
Calculs avancés |
Comptabilité et vente |
Gestion et communication |
Auto-organisation |
---|---|---|---|---|---|
Groupe 1 |
16 |
12 |
14 |
29 |
29 |
Groupe 2 |
23 |
13 |
12 |
33 |
19 |
Groupe 3 |
20 |
7 |
11 |
38 |
24 |
Groupe 4 |
22 |
9 |
15 |
31 |
23 |
Tous les pays |
22 |
10 |
16 |
33 |
20 |
Note : ce tableau présente le besoin de formation minimum relatif en matière de compétences liées aux tâches nécessaires pour permettre aux travailleurs qui exercent une profession fortement exposée au risque d’automatisation de trouver au moins une professionacceptable qui ne soit pas fortement exposée au risque d’automatisation. Par exemple, lorsque tous les pays sont pris en compte, pour que les travailleurs qui occupent une profession fortement menacée d’automatisation changent et se dirigent vers une profession plus faiblement ou modérément menacée, le besoin de formation minimum porte essentiellement sur l’amélioration des compétences en gestion et communication (33 %), en informatique (22 %) et en auto-organisation (20 %), et, dans une moindre mesure, sur les compétences en comptabilité et vente (16 %) et en calculs avancés (10 %).
Les compétences spécifiques aux tâches sont expliquées dans l’Encadré 2.3 du chapitre 2. Le risque d’automatisation de la profession d’origine est calculé à partir des estimations de Frey et Osborne (2017[10]) et décrit à l’Encadré 3.3. Les professions exposées à un risque faible d’automatisation correspondent aux professions dont la probabilité d’automatisation est inférieure à 30 %, celles exposées à un risque modéré affichent une probabilité entre 30 % et 70 %, et celles exposées à un risque élevé présentent une probabilité d’automatisation qui dépasse les 70 %. Les transitions acceptables sont définies au Tableau 3.2. La composition des groupes de pays se trouve au Tableau 3.1.
Source : calculs de l’OCDE à partir de OCDE (2012[6]) et OCDE (2015[7]), Enquête sur les compétences des adultes (PIAAC), www.oecd.org/skills/piaac/publicdataandanalysis,
Implications pour les politiques publiques
Alléger et supporter le coût
L’analyse proposée dans ce chapitre donne une indication du coût de l’enseignement et de la formation nécessaires pour aider les travailleurs à échapper au risque d’automatisation. Ces coûts peuvent être conséquents, bien qu’ils ne doivent pas nécessairement être tous supportés à court terme ou pour tous les travailleurs en même temps.
Les principales répercussions de l’analyse sur les politiques publiques consistent à réaffirmer l’importance des points suivants :
Les mesures qui favorisent la formation pendant le travail grâce à des programmes d’enseignement et de formation flexibles et à l’apprentissage informel. Deux tiers du coût estimé de la formation provient du coût indirect des salaires sacrifiés, donc des économies importantes pourraient être réalisées s’il était possible d’associer formation et emploi. Tout d’abord, des possibilités de formation flexibles pourraient être associées au travail, par exemple si les entreprises avaient plus largement recours à l’éducation ouverte et aux cours en ligne ouverts à tous (MOOC) (chapitre 5). Ensuite, les environnements professionnels et les pratiques qui facilitent l’apprentissage par l’action, l’apprentissage par les pairs et d’autres formes d’apprentissage informel peuvent aider les travailleurs à acquérir les compétences dont ils ont besoin au fur et à mesure que les emplois évoluent, tout en limitant les coûts indirects et directs. De la même manière, diriger massivement des travailleurs vers l’enseignement formel serait irréaliste et occasionnerait des coûts importants.
Une formation initiale de qualité pour tous afin de doter les futurs travailleurs d’un ensemble de compétences solides, y compris d’une ferme volonté d’apprendre. Les jeunes qui quittent l’enseignement avec un niveau de compétences de base faible risquent de se voir cantonnés aux professions peu qualifiées, fortement exposées au risque d’automatisation, et engendrant des frais importants pour accéder à une autre profession s’ils perdent la leur. En plus de limiter le nombre d’élèves qui abandonnent leurs études, les pouvoirs publics peuvent veiller à ce que les programmes d’enseignement et de formation professionnels comprennent une part importante de développement des compétences cognitives en plus de celles spécifiques à un emploi. Une amélioration de l’efficacité des établissements d’enseignement et de la qualité des services d’enseignement et de formation permettrait de réduire le coût direct de ces mesures.
Afin de permettre aux travailleurs de changer plus facilement d’emploi, les pouvoirs publics ont besoin de mettre en œuvre un ensemble de mesures qui nécessitent toutes des ressources monétaires importantes de la part des responsables de l’action gouvernementale. Il s’agit notamment de mesures qui façonnent la formation initiale, le développement des compétences, l’apprentissage tout au long de la vie, le soutient au redéploiement de la main d’œuvre et à l’amélioration de la protection sociale. Les ressources consacrées aux mesures qui portent sur les entreprises et les régions devraient être prises en compte, elles aussi, puisque la concentration de la mobilité professionnelle et l’adoption des nouvelles technologies varient selon les entreprises et les régions. Toutefois, la plupart des gouvernements consacrent déjà une part significative de leur budget à ces questions. Les efforts doivent porter sur le développement d’une approche mieux coordonnée et plus complète afin de favoriser l’apprentissage tout au long de la vie et la mobilité professionnelle et géographique (chapitre 6).
Améliorer la conception et le ciblage des programmes de formation en cours d’emploi
De manière générale, l’analyse du présent chapitre souligne qu’il est important de s’assurer que les travailleurs qui exercent des professions fortement menacées d’automatisation, en particulier ceux dans des professions peu qualifiées, participent aux programmes d’enseignement et de formation afin qu’ils soient en mesure de changer de profession et de trouver une profession refuge. Pourtant, ces travailleurs sont moins susceptibles de participer aux formations que les travailleurs qui occupent des postes exposés à un risque moindre d’automatisation (Nedelkoska et Quintini, 2018[18]). Plus généralement, les travailleurs moins compétents participent moins aux formations en cours d’emploi que les travailleurs plus qualifiés (Graphique 3.16).
La présente analyse indique également qu’il est nécessaire de proposer des formations qui permettent aux travailleurs d’acquérir un ensemble de compétences, y compris des compétences cognitives, en informatique, et des compétences sociales et émotionnelles, afin de les aider à changer de profession. Les mesures qui cherchent à développer des compétences liées aux tâches par l’apprentissage ou la formation en cours d’emploi ne suffisent pas toujours à aider les travailleurs à changer de profession. Ces mesures doivent être complétées par des actions qui favorisent l’acquisition de compétences cognitives générales, grâce à des programmes spécifiques ou en permettant aux travailleurs de reprendre un enseignement formel. Les employeurs proposent essentiellement des formations dans le domaine des compétences spécifiques à l’emploi (Graphique 3.17), et peu de travailleurs retournent à l’enseignement formel dans la plupart des pays parce que les possibilités de concilier travail et études sont rares.
Surmonter les obstacles à la participation des adultes à la formation
De nombreux obstacles freinent la participation des adultes à la formation, notamment des contraintes financières, des contraintes de temps et un manque de motivation et de volonté d’apprendre (chapitre 6).
L’analyse présentée dans ce chapitre met en lumière les éventuelles incitations financières liées à la mobilité professionnelle en comparant les salaires des emplois quittés avec ceux des nouveaux postes. Un travailleur moyen, dans une nette majorité des professions fortement exposées au risque d’automatisation, bénéficierait, en moyenne, d’une hausse du salaire horaire médian en accédant aux professions refuges les plus proches (Graphique 3.18). En réalité, il existe un lien légèrement dégressif entre le salaire initial et le nouveau salaire moyen, ce qui indique que les travailleurs dont les salaires sont les plus bas pourraient avoir le plus d’intérêt financier à se reconvertir. Ainsi, pour la plupart des travailleurs qui exercent ces professions, la charge financière de la formation serait au moins en partie compensée par une hausse des salaires dans le futur emploi.
Cependant, ce gain de salaire est une valeur moyenne et provient d’une comparaison entre des salaires horaires et non annuels. La réelle évolution de salaire dépendra de plusieurs autres facteurs tels que le nombre d’heures travaillées, l’emplacement géographique, et les préférences du travailleur. De plus, l’analyse n’intègre pas le fait que si un nombre croissant de travailleurs tentent d’accéder au même groupe de professions, la hausse de l’offre de main d’œuvre dans ces emplois pourrait entraîner une baisse des salaires. Les travailleurs qui excercent des professions qui ne permettent pas d’obtenir une évolution salariale positive auront beaucoup plus de difficulté à financer une formation et à y trouver une motivation. Dans de tels cas, les travailleurs pourraient être prêts à supporter une petite baisse de salaire si le fait de quitter une profession fortement automatisable pour accéder à une profession moins exposée à ce risque leur permet d’acquérir une meilleure stabilité professionnelle.
Augmenter le niveau de formation ?
La plupart des professions fortement menacées d’automatisation sont majoritairement exercées par des travailleurs diplômés, au mieux, de l’enseignement post-secondaire non supérieur (Graphique 3.19). Seuls quelques professions sont majoritairement exercées par des travailleurs diplômés de l’enseignement supérieur. C’est le cas pour tous les groupes de pays, dans des proportions légèrement variables selon les groupes.
Toutefois, augmenter le niveau de formation et accueillir davantage d’étudiants dans l’enseignement supérieur peut s’avérer coûteux et n’est pas nécessairement une bonne solution puisque l’obtention d’un diplôme de l’enseignement supérieur ne garantit pas d’avoir les compétences requises (chapitre 6). De plus, l’analyse de ce chapitre met en lumière le fait que d’accéder à une professionrefuge après avoir quitté une profession exposée à un risque d’automatisation élevé principalement exercée par une main d’œuvre diplômée de l’enseignement supérieur n’implique pas une période moyenne de formation particulièrement plus courte que lorsque l’employé exerçait d’autres professions (Graphique 3.20). La plupart de ces professions requièrent une période de formation courte, tout comme les professions principalement exercées par des travailleurs qui ne sont pas diplômés de l’enseignement supérieur.
Les jeunes travailleurs et les plus âgés
Les travailleurs plus âgés éprouvent plus de difficulté à changer d’emploi que les jeunes, en moyenne. Ils affichent des niveaux de chômage longue durée plus élevés et des taux d’embauche plus faibles, mettent plus de temps à retrouver un emploi après une période de chômage et subissent des pertes de revenu plus importantes lorsqu’ils sont licenciés (OCDE, 2013[11]). Face au vieillissement continu de la population de l’OCDE, la mobilité professionnelle représentera certainement un enjeu encore plus important pour les travailleurs âgés et constitue, par conséquent, un sujet de préoccupation majeur pour les décideurs politiques.
Les travailleurs âgés tendent également à être surreprésentés dans les professions pour lesquelles le coût de l’enseignement et de la formation pour leur permettre de changer d’emploi est plus élevé (Andrieu et al., 2019[12]). Cette observation n’est pas liée à une hausse des coûts indirects imputable aux salaires parfois plus élevés des travailleurs plus âgés.
Les professions réglementées
Les licences professionnelles, qui doivent être légalement obtenues pour exercer certaines professions, ont pour objectif de protéger les consommateurs grâce à des impératifs de qualité et de compétences. Toutefois, elles peuvent également constituer un frein à la mobilité professionnelle et à l’évolution de carrière. Les travailleurs qui souhaitent accéder à une profession soumise à autorisation peuvent trouver les critères requis trop fastidieux à obtenir ou financièrement trop lourds. À l’inverse, les travailleurs qui exercent ce type de profession peuvent trouver trop onéreux de quitter leur emploi puisqu’ils perdraient alors le bénéfice de la licence obtenue. Les professions soumises à l’octroi d’une autorisation tendent à présenter une croissance de l’emploi moins importante, ce qui se répercute sur la répartition des travailleurs (Kleiner, 2017[23]). Ceci a son importance puisque près de 25 % des travailleurs américains et 22 % des travailleurs européens détiennent une licence (Graphique 3.21). Les autorités légales pourraient convenir des professions qui doivent légitimement être soumises à l’octroi d’une licence (restriction légale) ou à l’obtention d’un certificat (pas de restriction légale), chaque cas pouvant tout aussi bien traduire un gage de compétence et de qualité.
Partager le coût de la formation entre les parties prenantes
Comme ce chapitre et d’autres dans cette publication l’ont évoqué, améliorer la conception et l’efficacité d’un ensemble de mesures de l’action publique peut faire baisser le coût global à supporter si une part importante des travailleurs a besoin de se reconvertir pour accéder à d’autres professions et échapper au risque de se retrouver au chômage.
De plus, les pays devront probablement augmenter leurs investissements consacrés à l’enseignement et à la formation afin de pouvoir répondre aux nouvelles compétences requises et à la hausse de la demande de travailleurs dotés d’un ensemble de compétences bien étoffé. La question se pose alors de partager ce coût financier entre les gouvernements, les entreprises et les travailleurs. Cette question a plusieurs réponses puisque cela dépend de la culture du pays, de sa situation financière, de ses institutions et des dispositifs en place, mais cette question doit être débattue. Actuellement, la répartition des dépenses d’éducation entre le secteur public et privé varie largement selon les pays (Graphique 3.22).
Résumé
Ce chapitre cherche à comprendre comment les politiques d’éducation et de formation peuvent aider les travailleurs à changer de profession tout en conservant un emploi de qualité dans lequel ils peuvent mettre à profit leurs différentes compétences. De plus, il met en lumière la durée et le type de formation dont les travailleurs ont besoin pour parvenir à quitter une professionfortement menacée d’automatisation et s’intéresse aux coûts associés à ces changements.
Toutes les professions menacées par les progrès technologiques ne nécessitent pas les mêmes efforts. Certaines de ces professions sont proches les unes des autres en termes de compétences requises mais sont moins exposées au risque d’automatisation. Un simple renseignement sur les transitions possibles ou un petit effort de reconversion peuvent suffire à permettre aux travailleurs qui exercent ces emplois menacés de trouver une professionrefuge. L’effort des pouvoirs publics doit principalement cibler les travailleurs qui exercent une profession exposée à un risque élevé d’automatisation éloignée d’autres professions en termes de compétences requises et de tâches demandées. Ainsi, ce chapitre formule des suggestions afin que l’effort politique cible davantage les travailleurs qui en ont le plus besoin.
Ce chapitre estime également les éventuels coûts que représentent les mesures relatives à l’enseignement et à la formation qui aident les travailleurs à quitter une professionexposée à un risque élevé d’automatisation pour accéder à une profession refuge. Les coûts sont conséquents pour plusieurs pays mais ne doivent pas nécessairement être tous supportés immédiatement puisque les travailleurs ne chercheront pas tous en même temps à quitter leur profession menacée par les progrès technologiques pour accéder à une professionrefuge.
Il existe plusieurs manières de réduire ces coûts. D’importantes économies pourraient être réalisées en permettant de concilier apprentissage et travail, en améliorant l’efficacité des établissements d’enseignement et la qualité des services d’éducation et de formation de manière générale. La conciliation entre apprentissage et travail peut être encouragée par des mesures qui favorisent les programmes flexibles d’enseignement et de formation, l’utilisation de l’éducation ouverte et des cours en ligne ouverts à tous (MOOC) par les entreprises, et l’adoption d’une organisation professionnelle qui favorise la coopération, l’apprentissage par les pairs, et d’autres formes d’apprentissage informel. Des efforts de formation particuliers peuvent s’avérer nécessaires pour les travailleurs peu qualifiés qui ont tendance à moins bénéficier des évolutions techniques et à s’adapter moins vite que les travailleurs hautement qualifiés. Les programmes d’études peuvent avoir besoin d’être plus fréquemment adaptés et d’adopter une approche globale des compétences afin de former les travailleurs aux nombreuses compétences qui leur sont demandées. Plus généralement, des efforts supplémentaires pourraient s’avérer nécessaires pour combler les lacunes en matière d’information afin que les employeurs, les travailleurs et les établissements d’enseignement soient renseignés presque en temps réel sur les combinaisons de compétences vertueuses, recherchées sur le marché du travail.
Les travailleurs, les employeurs, les établissements d’enseignement et les gouvernements ont tous un rôle à jouer pour relever le défi de l’amélioration des compétences et de la reconversion, y compris sur le plan financier. Toutefois, il reste à savoir comment ces acteurs feront face à la demande de ressources. Le partage des coûts de la reconversion pourrait refléter le partage des coûts et des bénéfices apportés par la mobilité, que ce soit sous forme d’une évolution au niveau du salaire, de la productivité professionnelle ou des recettes fiscales. Les employeurs, par exemple, pourraient être encouragés à investir dans des compétences transférables (plutôt que celles uniquement spécifiques à une entreprise), à instaurer des partenariats pour la formation en cours d’emploi avec le secteur éducatif, ou à créer des programmes de formation mieux adaptés à chaque travailleur.
Références
[12] Andrieu, E. et al. (2019), « Occupational transitions: The cost of moving to a « safe haven » », OECD Science, Technology and Industry Policy Papers, n° 61, OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/6d3f9bff-en.
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[22] Eurostat (2015), Enquête sur la formation professionnelle continue (CVTS), https://ec.europa.eu/eurostat/fr/web/microdata/continuing-vocational-training-survey.
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[23] Kleiner, M. (2017), « The influence of occupational licensing and regulation », IZA World of Labor, vol. 392, http://dx.doi.org/10.15185/izawol.392.
[24] Koumenta, M. et M. Pagliero (2017), « Occupational licensing in the European Union: Coverage and wage effects », http://sites.carloalberto.org/pagliero/Pagliero_Koumenta_wages.pdf (consulté le 8 juin 2018).
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[18] Nedelkoska, L. et G. Quintini (2018), « Automation, skills use and training », Documents de travail de l’OCDE sur les affaires sociales, l’emploi et les migrations, n° 202, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/2e2f4eea-en.
[20] OCDE (2018), Base de données STAN pour l’analyse structurelle, http://oe.cd/stan-fr.
[26] OCDE (2018), Regards sur l’éducation 2018 :Les indicateurs de l’OCDE, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/eag-2018-fr.
[30] OCDE (2018), Résultats du PISA 2015 (Volume III) : Le bien-être des élèves, PISA, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264288850-fr.
[29] OCDE (2018), Science, technologie et industrie : Tableau de bord de l’OCDE 2017 : La transformation numérique, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/sti_scoreboard-2017-fr.
[19] OCDE (2017), Regards sur l’éducation 2017: Les indicateurs de l’OCDE, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/eag-2017-fr.
[32] OCDE (2016), L’importance des compétences : Nouveaux résultats de l’évaluation des compétences des adultes, Études de l’OCDE sur les compétences, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264259492-fr.
[7] OCDE (2015), Enquête de l’OCDE sur les compétences des adultes (PIAAC), PIAAC, OCDE, Paris, http://www.oecd.org/skills/piaac/publicdataandanalysis.
[11] OCDE (2013), Perspectives de l’emploi de l’OCDE 2013, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/empl_outlook-2013-fr.
[6] OCDE (2012), Enquête de l’OCDE sur les compétences des adultes (PIAAC), PIAAC, OCDE, Paris, http://www.oecd.org/skills/piaac/publicdataandanalysis.
[33] OECD (2019), How’s Life in the Digital Age? : Opportunities and Risks of the Digital Transformation for People’s Well-being, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264311800-en.
[31] OECD (2019), Measuring the Digital Transformation : A Roadmap for the Future, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264311992-en.
[28] OECD (2015), Students, Computers and Learning : Making the Connection, PISA, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264239555-en.
[34] OECD (2012), Connected Minds : Technology and Today’s Learners, Educational Research and Innovation, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264111011-en.
[15] Sullivan, P. (2010), « Empirical evidence on occupation and industry specific human capital », Labour Economics, vol. 17/3, pp. 567-580, http://dx.doi.org/10.1016/J.LABECO.2009.11.003.
Annexe 3.A. Hypothèses méthodologiques
Tableau d’annexe 3.A.1. Les principales hypothèses et leurs répercussions sur les estimations
|
Hypothèses |
Motivation |
Répercussions sur les estimations |
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1 |
Les coûts relatifs à la formation prennent uniquement en compte les lacunes en matière de compétences cognitives qu’il faut combler et uniquement une partie du déficit de compétences liées aux tâches. |
Il manque les données permettant d’évaluer le volume de compétences acquises parmi toutes les compétences liées aux tâches rencontrées dans l’analyse, en l’espace d’une heure d’enseignement/de formation. |
Cette hypothèse sous-estime le coût de formation car les transitions professionnelles peuvent entraîner un déficit de compétences cognitives et liées aux tâches. Toutefois, certaines compétences liées aux tâches s’amélioreront probablement en même temps que les compétences cognitives s’améliorent (par ex., la corrélation entre le calcul et l’informatique et le calcul avancé est forte). |
2 |
Le coût de la formation est obtenu à partir des informations sur les dépenses d’éducation plutôt que sur les coûts réels de la formation. Les données utilisées proviennent notamment de Regards sur l’éducation de l’OCDE sur les dépenses unitaires au titre de l’enseignement secondaire et supérieur. De plus, en l’absence de données fiables sur les capacités d’apprentissage des adultes, l’analyse considère que le coût de l’enseignement et de la formation est le même pour tous les individus, quel que soit leur âge. |
Cette hypothèse ne considère pas que la formation doit être fournie par le secteur de l’enseignement formel. Les données sur les dépenses d’éducation servent de référence pour le calcul des coûts en l’absence d’informations plus complètes sur les coûts de la formation. Il n’existe pas de données internationales comparables sur la formation des adultes. Pour les pays européens, l’enquête Eurostat sur la formation professionnelle continue (CVTS) renseigne sur le coût horaire mais ne donne aucune information sur les retombées de la formation. Ces données indiquent un coût de formation horaire supérieur à celui des données sur l’éducation de la publication de l’OCDE Regards sur l’éducation mais le coût horaire est probablement supérieur parce que la formation prise en compte est de courte durée (36 heures par an en moyenne). |
Cette hypothèse peut surestimer les coûts de formation si :
Cette hypothèse peut sous-estimer les coûts de formation si :
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3 |
La possibilité d’allier travail et formation est écartée : lorsqu’un individu suit un apprentissage, on suppose qu’il ne travaille pas. |
L’apprentissage s’entend ici comme un apprentissage structuré destiné à améliorer les compétences cognitives. Afin d’améliorer cette hypothèse il faudrait disposer d’informations sur le temps que les individus qui travaillent peuvent consacrer à cet apprentissage structuré. |
Cette hypothèse surestime les coûts de formation car allier apprentissage et travail permettrait de faire baisser le coût indirect de la formation qui représente une part importante du coût total. |
4 |
La formation est efficace car tous les individus acquièrent les compétences nécessaires au cours de la période de formation estimée. |
L’hypothèse selon laquelle tous les individus peuvent apprendre et acquérir des compétences est indispensable pour pouvoir estimer le temps de formation nécessaire pour combler les écarts de compétences entre deux emplois. Les données manquent sur les types de formation ou d’apprentissage des adultes, leur durée et les taux de réussite. |
Cette hypothèse peut sous-estimer les coûts de formation si la formation n’est que partiellement efficace, à savoir si seulement une partie des adultes de la population est capable d’apprendre ou si les adultes apprennent à des degrés différents. |
5 |
Tous les individus parviennent à combler les mêmes déficits de compétences cognitives en l’espace d’une période de formation donnée. |
L’approche adoptée fondée sur une régression (qui tient compte de plusieurs variables qui influencent l’apprentissage) permet de traduire les déficits de compétences en durée de formation. Considérer toutes les spécificités de l’apprentissage de tous les individus serait impossible mais l’accès à des données pertinentes pourrait aider à améliorer la précision des estimations actuelles. |
Cette hypothèse peut surestimer les coûts de formation si les adultes apprennent plus rapidement que ce que prévoit l’estimation et sous-estimer les coûts de formation si les adultes apprennent plus lentement que ce que prévoit l’estimation. |
6 |
Les systèmes d’éducation de tous les pays ont tous la même efficacité. |
Il manque des données actualisées et comparables sur l’efficacité des systèmes d’éducation. |
Cette hypothèse peut surestimer les coûts de formation des pays dont les systèmes d’éducation et de formation sont relativement plus efficaces et sous-estimer les coûts de formation de ceux qui disposent de systèmes relativement inefficaces. |
7 |
Les travailleurs changent de profession sans passer par une période de chômage. |
Les travaux présentés dans ce chapitre traitent du changement de profession et estiment le coût que cela représente lorsque des travailleurs quittent une professionexposée à un risque élevé d’automatisation. L’analyse ne s’intéresse pas aux travailleurs déjà au chômage. Si des données étaient disponibles au sujet des professions précédentes, sur les caractéristiques de la période de chômage et la dépréciation des compétences au fil du temps, entre autres, l’analyse proposée pourrait également éclairer le débat sur l’aide à apporter aux individus pour les sortir du chômage. |
Cette hypothèse peut surestimer les coûts de formation pour :
Cette hypothèse peut sous-estimer les coûts de formation si :
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8 |
Le coût d’opportunité est représenté par les salaires sacrifiés. |
Compte tenu des hypothèses 3 et 7, l’analyse part du principe que les travailleurs accèdent à la profession la plus proche après avoir suivi une formation tout en étant formellement employés dans leur profession de départ. Ceci suppose qu’ils perçoivent leur salaire pendant la formation. |
Cette hypothèse peut surestimer les coûts de formation si les travailleurs peuvent apprendre ou se former tout en continuant de travailler ou de percevoir un salaire inférieur. |
9 |
L’analyse fait référence à des transitions « acceptables », identifiées à partir des déficits et des excès de compétences ainsi que des conditions salariales. |
Les estimations reposent sur les données disponibles. Des informations manquent sur un certain nombre d’aspects qui ont un effet notoire sur les transitions professionnelles (par ex. l’emplacement, la structure de l’entreprise, le cadre familial, les préférences des travailleurs, le type de contrat, etc.) et ne peuvent donc pas être pris en compte. |
Cette hypothèse peut surestimer les coûts de formation si :
Cette hypothèse peut sous-estimer les coûts de formation si :
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10 |
Les baisses de salaire de plus de 10 % sont considérées comme inacceptables. |
Ce chiffre correspond approximativement à la moyenne de la perte de revenu annuelle des travailleurs un an après leur perte d’emploi dans 5 pays de l’OCDE. Les travailleurs exposés à un risque élevé de perte d’emploi peuvent accepter des baisses salariales plus importantes. |
Cette hypothèse peut surestimer les coûts de formation si :
Cette hypothèse peut sous-estimer les coûts de formation si :
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11 |
Le marché du travail sera capable d’absorber les travailleurs dans une ou plusieurs professions visées et considérées comme permettant une transition acceptable. |
Par souci de simplicité, l’analyse ne tient pas compte des effets d’équilibre général. En effet, alors que les travailleurs quittent progressivement certaines professionspour se diriger vers d’autres, la demande et le retour de la main d’œuvre dans les professions ciblées s’ajusteront aux arrivées et aux départs des travailleurs. |
L’impact de ces effets sur la hausse ou la baisse du coût global de la reconversion dépendra des spécificités du modèle d’équilibre général. |
Notes
← 1. Si l’on considère qu’un gain d’emploi de 10 pour une profession s’obtient par 15 embauches de travailleurs qui occupaient un autre emploi et 5 départs vers d’autres professions, alors la mobilité professionnelle nette est de 10, la mobilité brut est de 20 et la redistribution excédentaire est de 10.
← 2. La troisième compétence cognitive mesurée par le PIAAC, la résolution de problème dans des environnements à forte composante technologique, ne figure pas dans l’analyse parce qu’un grand nombre de ceux dont les compétences en lecture et en calcul sont généralement faibles n’ont pas répondu au test sur la résolution de problème. Exclure ces personnes de l’analyse entraînerait un biais de sélection important. De plus, la France, l’Italie et l’Espagne n’ont pas répondu aux tests sur la résolution de problème et seraient exclues de l’analyse si la résolution de problème était utilisée comme troisième compétence cognitive.
← 3. Les données datent de 2015 ou de 2014 en l’absence de données de 2015. Lorsque les dépenses au titre des services de base sont indisponibles, elles sont remplacées : pour les dépenses de l’enseignement primaire au secondaire, par le total des dépenses moins la moyenne des services auxiliaires de l’OCDE (Canada, Danemark, Grèce, Irlande, Japon, Nouvelle-Zélande) ; pour les dépenses de l’enseignement supérieur, par le total des dépenses moins les dépenses des pays au titre des activités de R&D le cas échéant (Finlande, Grèce, Nouvelle‑Zélande) ou, à défaut, moins la moyenne de l’OCDE (hors cas particuliers) des dépenses au titre des activités de R&D (Danemark, Japon). Pour le Canada qui ne dispose pas des données relatives aux dépenses par élève dans l’enseignement supérieur, la moyenne des dépenses des autres pays du même groupe est appliquée.
← 4. Les dépenses d’éducation selon les niveaux de la CITE 2011, par établissement privé et public, proviennent de la base de données de Regards sur l’éducation (2017) et correspondent à 2015 ou 2014. Les données sur le PIB proviennent de la base de données pour l’analyse structurelle (STAN) de l’OCDE et correspondent à 2014.
← 5. L’enquête CVTS recueille des données sur la formation professionnelle au sein des entreprises de l’UE qui comptent au moins 10 employés et appartiennent à un certain secteur d’activité économique.