La transformation numérique transforme notre mode de vie, et est une source de débouchés comme de défis. Ce chapitre examine les évolutions sociales induites par l’omniprésence des smartphones et des connexions internet, les types de compétences dont les individus ont besoin pour tirer le meilleur parti de ces évolutions, et les meilleurs moyens, pour les politiques d’éducation et de formation, de favoriser le développement de ces compétences. La « fracture numérique », qui désignait initialement les disparités d’accès à internet, concerne de plus en plus les différents usages que les internautes sont en mesure de faire de internet, et les avantages qu’ils tirent de leurs activités en ligne. Les compétences semblent être un déterminant majeur de ces disparités. Un large éventail de mesures s’impose pour faire en sorte que l’utilisation des technologies n’exacerbe pas les inégalités entre les individus, ou ne nuise pas à leur bien-être. Les établissements scolaires jouent un rôle clé dans l’enseignement des valeurs et des compétences permettant de lutter contre le cyberharcèlement et une utilisation excessive des technologies, tandis que les collectivités locales peuvent aider les personnes âgées à acquérir les compétences numériques de base.
Perspectives de l'OCDE sur les compétences 2019
Chapitre 4. Compétences pour une société numérique
Abstract
La transformation numérique affecte de nombreux aspects de la vie quotidienne. Les technologies de l’information et de la communication (TIC) ne peuvent pas être réduites à une simple infrastructure facilitant l’accès à l’information et aux services privés et publics. Elles ont un impact sur la manière dont les individus interagissent, communiquent, apprennent, instaurent une relation de confiance avec autrui, participent au processus démocratique et passent le temps. Le commerce électronique façonne le comportement et l’emploi du temps des consommateurs, le secteur du commerce de détail et même l’aspect des villes. Le temps passé par les individus sur leurs smartphones, et les répercussions sur leur vie sociale et leur bien-être, sont aujourd’hui des questions cruciales.
En tant que parents, consommateurs et citoyens, les individus ont besoin de compétences pour accéder à l’information et effectuer des tâches en ligne, tout en préservant leur vie privée et leur sécurité. S’ils possèdent les compétences nécessaires, la transformation numérique offre un potentiel considérable, non seulement pour diffuser les connaissances, améliorer l’engagement politique et accroître l’efficacité des services publics, mais aussi pour permettre de nouvelles formes de loisirs.
Toutefois, si la place occupée par la technologie dans la vie quotidienne augmente plus vite que les compétences des utilisateurs ne s’améliorent, certaines personnes peuvent être laissées pour compte ou se sentir isolées. Les personnes âgées sont particulièrement vulnérables. Les disparités en termes de modalités d’usage des appareils numériques et de internet ont tendance à exacerber les inégalités existantes. Pour éviter l’apparition ou le creusement de fossés numériques, il est essentiel de mieux comprendre les compétences minimales dont les individus ont besoin.
La transformation numérique peut accroître le bien-être, mais elle engendre également de nouveaux risques, comme la surconsommation, une exposition involontaire des données personnelles, ou le cyberharcèlement. Une exposition à ces risques peut nuire aux résultats scolaires des enfants et au développement de leurs compétences. La transformation numérique croissante de nombreux services, qu’ils soient publics (administration électronique, santé en ligne) ou privés (banque en ligne), peut réduire les possibilités d’interaction avec autrui, et le sentiment de participation et d’appartenance à la collectivité et à la société. Comment la technologie modifie-t-elle les interactions sociales et influe-t‑elle sur le développement des compétences sociales et émotionnelles ? Ce sont là des questions incontournables dans une société de plus en plus numérisée.
Ce chapitre examine les types de compétences dont les individus ont besoin pour tirer le meilleur parti de la société numérique. Il examine comment l’action publique peut contribuer à ce que les individus bénéficient des nouvelles possibilités offertes par internet, tout en évitant les risques qui y sont liés. Il commence par décrire l’émergence d’une « société numérique » et la hausse rapide des types d’activités pouvant être réalisées en ligne. Il examine ensuite comment la fracture numérique en termes d’accès a été progressivement remplacée par une fracture en termes d’usages de internet et d’avantages tirés des activités en ligne.
Ce chapitre procède à nouvelles analyses empiriques afin de déterminer quelles compétences cognitives influent sur les fractures numériques en termes d’usages et de résultats. Il examine comment la participation à des activités en ligne peut exposer les internautes à des risques ou accroître leur bien-être, tout en étudiant le rôle spécifique des compétences dans ces relations. Enfin, il en tire des conséquences pour l’action publique.
On manque de données sur de nombreux aspects : comment les nouvelles technologies modifient-elles le mode de vie des individus ? Quels sont les avantages et les risques des sociétés numériques ? Comment adapter les politiques d’éducation et de formation pour faire face à ces changements ? Le présent chapitre examine ces questions, qui font l’objet de vifs débats, à la lumière des informations et des données disponibles. Toutefois, pour une analyse plus complète, des informations complémentaires sont nécessaires, notamment des données relatives à un plus large éventail de compétences, comme les compétences numériques avancées et les compétences sociales et émotionnelles. En outre, ce chapitre traite de plusieurs questions pour lesquelles on ne dispose pas encore de données probantes, comme les répercussions de la transformation numérique sur le bien-être, l’exposition des individus aux risques d’atteinte à la vie privée, le cyberharcèlement et la relation entre l’utilisation des technologies, la santé mentale et les liens sociaux. Bien que les compétences cognitives, sociales et émotionnelles soient susceptibles d’avoir un impact sur la façon dont la technologie affecte le bien-être des individus, d’autres recherches sont nécessaires pour évaluer l’impact de la technologie sur de nombreuses dimensions sociétales.
Les principaux résultats de ce chapitre sont les suivants :
Internet offre la possibilité de communiquer et d’accéder à l’information à des personnes qui autrement seraient isolées. Toutefois, à mesure que l’accès à internet à haut débit se développe, le manque de compétences fait de plus en plus souvent partie des raisons pour lesquelles certaines personnes n’ont pas de connexion internet à domicile.
À mesure que l’utilisation de internet évolue, les fossés entre les individus sont de plus en plus liés aux usages qu’ils font de internet, et aux avantages qu’ils en tirent. Un nombre croissant d’activités, dont certaines complexes, peuvent être réalisées en ligne, et les individus se connectent à un âge de plus en plus jeune.
Les modalités d’usage de internet reproduisent généralement les inégalités existantes. Les élèves peu performants sont moins susceptibles de chercher des informations en ligne ou de lire les nouvelles que les élèves ayant de meilleurs résultats, par exemple, tandis que les individus plus compétents sont plus susceptibles de suivre des formations en ligne.
Quatre profils d’internautes se dégagent de l’analyse présentée dans ce chapitre, sur la base des données de certains pays européens : i) utilisation diversifiée et complexe ; ii) utilisation diversifiée mais simple ; iii) utilisation à des fins pratiques ; et iv) utilisation à des fins d’information et de communication. Le manque de compétences de base à l’écrit et en mathématiques est un obstacle à la réalisation d’activités en ligne et à l’appartenance à l’un ou l’autre de ces profils. Le manque de compétences de base en résolution de problèmes dans des environnements à forte composante technologie est un obstacle à la réalisation d’activités diversifiées et complexes.
Des compétences cognitives supérieures – que ce soit à l’écrit, en mathématiques ou en résolution de problèmes dans des environnements à forte composante technologique, ou un mélange des trois – améliorent considérablement la probabilité que des individus qui utilisaient internet à des fins d’information et de communication principalement passent à une utilisation diversifiée et complexe, en tenant compte d’autres déterminants. Toutefois, les compétences ne semblent pas jouer un rôle significatif dans la transition entre une utilisation d’internet à des fins d’information et de communication et d’autres types d’utilisations relativement simples.
Un bon niveau de compétences cognitives augmente également la probabilité que les individus prennent des mesures pour protéger leur vie privée et leur sécurité en ligne. Les différents éventails de compétences cognitives n’ont pas le même impact sur le type de mesures que les individus prennent pour protéger leur sécurité et leur vie privée en ligne.
L’omniprésence des smartphones à un âge de plus en plus précoce peut engendrer de nouvelles possibilités de stimulation cognitive des enfants, mais également entraîner l’apparition de nouveaux risques, comme le cyberharcèlement ou une utilisation excessive, qui sont souvent difficiles à détecter. Les informations relatives à l’impact des smartphones et des tablettes sur la santé mentale à différents âges sont encore rares. Des parents plus compétents sont probablement mieux préparés à guider leurs enfants dans leur utilisation de la technologie, d’autant que certaines données indiquent que les enfants se tournent généralement vers leurs parents lorsqu’ils rencontrent des problèmes liés à leurs activités en ligne. Pour éviter que le développement et l’utilisation des technologies n’exacerbent les inégalités, les établissements scolaires et les enseignants ont un rôle important à jouer : ils peuvent à la fois aider à détecter ces problèmes, et enseigner des valeurs et des connaissances pour prévenir les comportements à risque. Les responsables de l’action publique pourraient également envisager une réponse réglementaire coordonnée et complète pour lutter contre les risques auxquels les enfants s’exposent en ligne.
On dispose de peu d’informations sur les effets des technologies sur la santé mentale, le développement des compétences et les interactions sociales avec les amis et des inconnus. De même, la capacité des individus à tirer le meilleur parti des technologies numériques dans leur vie quotidienne est vraisemblablement influencée par un éventail de compétences ne pouvant être mesurées par les méthodes existantes, comme la capacité à évoluer dans un environnement incertain, la compréhension conceptuelle, la capacité à percevoir une situation dans sa globalité et à saisir la signification profonde des informations, et les types de mesures qui peuvent être prises en ligne.
Les données disponibles sur les compétences cognitives donnent à penser qu’il existe d’importantes disparités entre les pays en termes de préparation des populations à la transformation numérique. Certains, comme la Corée, Israël, et la Slovénie, comptent une forte proportion de personnes âgées dépourvues de compétences de base à l’écrit, en mathématiques et en résolution de problèmes dans des environnements à forte composante technologique. Dans ces pays, les programmes doivent cibler les personnes âgées et veiller à ce que le développement des nouvelles technologies n’entraîne pas une aggravation de l’isolement social. Les collectivités et associations locales ont un rôle essentiel à jouer dans le développement des compétences numériques et de la résilience des individus.
Dans certains pays, comme les États-Unis et le Royaume-Uni, le pourcentage de jeunes dépourvus de compétences de base est relativement élevé. Dans ces pays, l’action publique doit faire en sorte que les systèmes d’éducation et de formation dotent tous les jeunes de solides compétences. Enfin, dans des pays comme le Chili et la Grèce, une grande partie de la population ne possède pas les compétences de base, ce qui nécessite une approche globale afin de renforcer ces compétences.
Participation aux activités en ligne
Dans tous les pays de l’OCDE, les individus se connectent à un âge de plus en plus jeune. En 2015, dans les pays de l’OCDE disposant de données PISA, 2 élèves de 15 ans sur 3 s’étaient connectés pour la première fois avant l’âge de 10 ans, et 1 sur 5 avant l’âge de 6 ans (OCDE, 2017[1]). Il est probable que ces chiffres aient encore augmenté. Le temps passé en ligne par les jeunes de 15 ans a augmenté entre 2012 et 2015 ; en 2015, dans les pays de l’OCDE, les élèves passaient en moyenne plus de 3 heures par jour sur internet au cours d’un week-end typique (OCDE, 2017[1]).
L’omniprésence de internet chez les jeunes de 15 ans est une conséquence directe du recours croissant à internet et aux outils numériques au sein de la société. En 2017, 76 % des personnes âgées de 16 à 74 ans dans les pays de l’OCDE se connectaient tous les jours, un taux proche de 100 % dans plusieurs pays de l’OCDE (Graphique 4.1). Des disparités subsistent au sein des pays de l’OCDE et entre eux, mais l’utilisation de internet ne cesse de gagner du terrain : en 2006, moins de 60 % des individus utilisaient internet (OCDE, 2017[2]), contre plus de 85 % en 2017.
Les TIC ont transformé la vie quotidienne des populations. On se connecte pour rechercher un emploi ou un logement, ou se former grâce à des tutoriels en ligne (Encadré 4.1). Ces dernières années, la part des individus qui utilisent internet pour s’informer, fréquenter les réseaux sociaux, faire des achats ou interagir avec les pouvoirs publics n’a cessé de croître (Graphique 4.2). La transformation numérique de la société étant rapide, il est probable que de nombreuses activités émergentes ne soient encore même pas prises en compte dans les données. L’amélioration de l’accès à internet et aux smartphones a permis à de nombreuses personnes, notamment celles vivant dans des régions isolées ou ayant un faible niveau socioéconomique, de participer à de nombreuses activités auxquelles elles n’auraient peut-être pas eu accès autrement.
Encadré 4.1. Émergence de nouvelles activités en ligne
Internet imprègne tous les aspects de l’économie et de la société : les individus se connectent non seulement entre eux, mais aussi avec les entreprises et les institutions publiques, au moyen de divers appareils. Alors que certaines activités, comme l’envoi de courriers électroniques ou l’utilisation des réseaux sociaux, sont aujourd’hui largement pratiquées au sein de de la population, d’autres types d’activités en ligne ont émergé récemment et ont gagné du terrain du fait de l’amélioration générale des compétences, des nouveaux besoins des utilisateurs et des nouveaux modèles commerciaux.
Santé en ligne
La santé en ligne fait référence à une utilisation rentable et sécurisée des TIC afin de soutenir le secteur de la santé et les secteurs connexes. En 2017, dans l’ensemble des pays de l’OCDE, la moitié des personnes âgées de 16 à 74 ans avaient accès à des informations de santé en ligne – 58 % des femmes et 46 % des hommes, contre 40 % et 32 % respectivement en 2010. Un nombre croissant de personnes ont également recours à des services de santé en ligne pour prendre rendez-vous avec un professionnel de la santé. En 2016, 13 % des Européens utilisaient internet à cette fin, soit environ un tiers de plus qu’en 2012 (OCDE, 2019[4]). Ces évolutions des comportements sont souvent liées non seulement à l’amélioration des compétences numériques, mais également au vieillissement démographique et à la diversification des prestations de services en ligne.
En outre, les individus utilisent de plus en plus les technologies mobiles sans fil à des fins de santé publique. On parle également de « santé mobile » (Organisation mondiale de la santé, 2017[5]). Par exemple, l’initiative conjointe UIT-OMS, « La mobilité c’est la santé », lancée en 2013, exploite le potentiel des téléphones mobiles afin d’apprendre aux individus à faire des choix de vie plus sains et prévenir ainsi les maladies non transmissibles (maladies cardiaques, accidents vasculaires cérébraux, cancer, diabète) en gérant les facteurs de risque.
Services par l’intermédiaire d’une plateforme
Les plateformes en ligne, comme Uber et Airbnb, facilitent les interactions et les transactions par un (second) intermédiaire, partiellement ou totalement en ligne, en mettant en rapport l’offre et la demande de biens, de services et d’informations (OCDE, 2016[6]). Les marchés de plateformes de services sont souvent caractérisés par des aspects susceptibles de les différencier des marchés traditionnels, comme leur potentiel à recourir à la « collaboration », au « partage » ou à la fourniture de services « à la demande ». Les travailleurs des plateformes en ligne utilisent une application ou un site Web pour permettre aux clients d’accéder à une gamme variée de services, comme des services de taxi, de codage et de rédaction de descriptions de produits.
En 2018, 23 % des personnes interrogées dans l’Union européenne ont eu recours à des services proposés via des plateformes collaboratives (Flash Eurobarometer 467, 2018[7]). Parmi ces personnes, plus de la moitié a eu accès à des services dans les secteurs de l’hébergement (57 %) et des transports (51 %), mais peu ont eu accès à des services professionnels (9 %) ou à la finance collaborative (8 %). En outre, seuls 6 % des Européens ont proposé des services via des plateformes collaboratives.
Sources : Campante, F., R. Durante et F. Sobbrio (2018[8]), « Politics 2.0: The Multifaceted Effect of Broadband internet on Political Participation », http://dx.doi.org/10.1093/jeea/jvx044 ; Falck, O., R. Gold et S. Heblich (2014[9]), « E-lections: Voting Behavior and the internet », American Economic Review, vol. 104/7, pp. 2238-2265, http://dx.doi.org/10.1257/aer.104.7.2238 ; Flash Eurobaromètre 467 (2018[7]), The use of the collaborative economy, http://dx.doi.org/10.2873/312120 ; OCDE (2019[10]), How's Life in the Digital Age?: Opportunities and Risks of the Digital Transformation for People's Well-being ; OCDE (2016[6]), New Forms of Work in the Digital Economy, https://www.oecd.org/officialdocuments/publicdisplaydocumentpdf/?cote=DSTI/ICCP/IIS(2015)13/FINAL&docLanguage=En (consulté le 16 janvier 2019) ; OCDE (2019[4]), Measuring the Digital Transformation, A Roadmap for the Future, https://doi.org/10.1787/9789264311992-en ; Organisation mondiale de la santé (2017[5]), Health: Use of appropriate digital technologies for public health, EB142/20, Genève, http://dx.doi.org/10.1371/journal.pmed.1001362.
Internet offre également une nouvelle arène dans laquelle les individus peuvent participer à des débats civiques et politiques, échanger des idées et exprimer leur frustration (OCDE, 2019[4]). En 2017, 11 % des citoyens de l’Union européenne ont exprimé leur opinion sur des questions civiques ou politiques sur des sites web (blogs et réseaux sociaux, par exemple). Dans les pays de l’OCDE, plusieurs gouvernements utilisent les TIC pour mobiliser les citoyens, non seulement pour les encourager à voter, mais également tout au long du processus réglementaire (OCDE, 2019[10]). Le plus souvent, l’objectif est de recueillir l’opinion du public sur les projets de réglementation et de modification des réglementations existantes. Parallèlement, internet, en tant que canal d’information pouvant se substituer aux médias traditionnels, a également un impact sur la participation civile et politique. Il influence l’exposition des électeurs à l’information et la participation électorale sous certaines conditions (Falck, Gold et Heblich, 2014[9] ; Campante, Durante et Sobbrio, 2018[8]).
De nombreuses activités effectuées auparavant en personne, comme le paiement des impôts ou la consultation d’un médecin, sont progressivement dématérialisées. La transformation numérique facilite l’accès aux services et aux biens, mais pose également des défis en termes d’inclusion : les individus n’ont pas tous les mêmes chances d’avoir recours à la plupart de ces nouvelles activités, d’autant que les niveaux de confiance vis-à-vis des environnements en ligne varient. Les jeunes participent davantage à la plupart de ces nouvelles activités en ligne, à l’instar des personnes ayant suivi des études supérieures (Graphique 4.3).
L’âge et l’éducation n’ont pas le même impact sur la participation en ligne. Les jeunes sont plus nombreux à utiliser les réseaux sociaux, à faire des achats en ligne et à créer du contenu, mais le recours aux services de banque en ligne ou d’administration électronique est davantage influencé par le niveau d’instruction. Quel que soit leur âge, les personnes diplômées du supérieur sont près deux fois plus susceptibles de recourir à des services de banque en ligne ou d’administration électronique que les personnes moins instruites. Plus les personnes possèdent de compétences numériques, plus leur satisfaction à l’égard de l’administration électronique et la qualité perçue de ces services sont élevées (Ebbers, Jansen et van Deursen, 2016[11]). Étant donné que la plupart des gouvernements dématérialisent de plus en plus leurs services administratifs, de nombreuses personnes ne seront pas en mesure d’y recourir si elles ne disposent pas des compétences nécessaires.
Ces premiers chiffres donnent à penser que la transformation numérique offre beaucoup de nouveaux débouchés dans la vie quotidienne, et en termes de participation à la société. Toutefois, tout le monde n’est pas en mesure d’en bénéficier.
D’une fracture en termes d’accès à une fracture en termes d’usages
La fracture numérique a évolué : alors qu’elle désignait auparavant les disparités en termes d’accès à internet, elle qualifie aujourd’hui les disparités en termes de modalités d’usage de internet, et d’avantages que les internautes tirent de leurs activités en ligne. Les compétences jouent un rôle clé dans l’apparition et l’évolution des fractures numériques.
Origines de la fracture numérique en termes d’accès
La fracture numérique en termes d’accès se réduit progressivement dans les pays de l’OCDE. L’accès à internet à haut débit n’a cessé de s’améliorer ces dernières années, offrant aux populations de meilleures expériences en ligne. En 2017, 85 % des ménages des pays de l’OCDE pour lesquels des données sont disponibles avaient accès à internet à haut débit, soit une hausse de 20 % par rapport à 2012 (Graphique 4.4). La fracture numérique persiste néanmoins entre les pays. Malgré un rattrapage important entre 2012 et 2017, le taux de raccordement à internet demeure problématique au Mexique, où seul un ménage sur deux a accès à internet à haut débit. Aux États-Unis, en France et en République slovaque, l’accès au haut débit a stagné ces dernières années, et demeure inférieur à la moyenne de l’OCDE.
Les fractures numériques en termes d’accès s’observent aussi bien au sein des pays qu’entre eux. Dans de nombreux pays de l’OCDE, les zones rurales accusent encore un retard par rapport aux zones urbaines en termes d’accès à internet à haut débit (Graphique 4.5). Au Chili, en Grèce, en Lituanie et au Portugal, l’écart entre les ménages des zones rurales et ceux des grandes zones urbaines en termes de taux de raccordement à internet est supérieur à 10 points. Des fractures similaires persistent entre les régions (chapitre 6). Ces formes d’exclusion numérique risquent d’exacerber d’autres inégalités sociales et économiques.
Toutefois, l’accès aux infrastructures numériques n’est pas seulement limité par des coûts excessifs ou des investissements insuffisants. Dans les pays de l’OCDE pour lesquels des données sont disponibles, 43 % des ménages attribuent principalement leur défaut d’accès à internet à un manque de compétences ou de connaissances, comme le fait de ne pas savoir utiliser un site Web ou de juger son utilisation trop complexe (Graphique 4.6). Dans des pays comme la Grèce ou le Portugal, où plus d’un ménage sur cinq n’est pas raccordé à internet, plus de 70 % des ménages font état d’un manque de compétences. Lorsque les compétences ne sont pas la raison la plus fréquemment invoquée pour expliquer un défaut d’accès à internet, la plupart des ménages déclarent ne pas en avoir besoin parce que le contenu est inutile ou inintéressant. Une telle justification traduit vraisemblablement une incapacité – en raison de compétences inadéquates – à tirer parti des possibilités offertes par internet.
Dans nombre de pays européens, le manque de compétences est devenu un déterminant majeur de la fracture numérique en termes d’accès (Graphique 4.7). Alors que les coûts de raccordement à internet à domicile ont baissé, un nombre croissant de ménages dans des pays comme la Grèce, la Lituanie et la Turquie invoquent leur manque de compétences pour expliquer leur défaut de connexion. Parmi toutes les autres raisons invoquées par les ménages pour expliquer leur non-raccordement (comme les coûts d’accès et d’équipement, des préoccupations relatives à la vie privée, la possibilité de se connecter ailleurs), c’est le manque de compétences qui a enregistré la hausse la plus importante en moyenne dans les pays européens depuis 2010 (Commission européenne, 2018[12]).
Fractures en termes d’usages et d’avantages de l’accès à internet
L’accès à internet et aux infrastructures numériques n’est que la première étape de l’inclusion numérique. Même lorsque les individus ont accès à internet, des différences peuvent persister en termes de modalités d’usage et d’avantages obtenus. Les disparités d’accès ont diminué avec le temps, mais les différences d’usage et de résultats sont de plus en plus importantes (van Deursen et van Dijk, 2014[14] ; van Deursen et Helsper, 2018[15] ; Hargittai et Hsieh, 2013[16]).
La plupart des facteurs qui déterminent les inégalités numériques en termes d’accès, comme le sexe, le milieu socioéconomique, la situation au regard de l’emploi, la géographie ou les compétences (Fairlie, 2004[17] ; Dewan et Riggins, 2005[18]), peuvent également avoir un impact sur les inégalités numériques en termes d’usage (Robinson, Dimaggio et Hargittai, 2003[19] ; Hargittai et Hsieh, 2013[16] ; Demoussis et Giannakopoulos, 2006[20]). La proportion de personnes peu instruites n’ayant pas accès à internet a diminué au cours de la dernière décennie, mais certaines études montrent que par rapport aux personnes très instruites, les personnes peu instruites utilisent davantage internet à des fins récréatives qu’éducatives (van Deursen et van Dijk, 2014[14]). Dans le même ordre d’idées, les élèves défavorisés jouent à des jeux en ligne, discutent ou fréquentent les réseaux sociaux autant que les élèves favorisés, mais ils sont moins susceptibles de lire les nouvelles ou de chercher des renseignements pratiques sur internet (Graphique 4.8). Dans l’ensemble, les données du PISA (2015) montrent que dans les pays de l’OCDE, les caractéristiques socioéconomiques et démographiques déterminent la façon dont les jeunes de 15 ans utilisent les TIC pendant leurs loisirs.
Les différences entre les individus en termes d’activités numériques n’ont pas forcément d’importance si elles n’ont pas d’impact sur d’autres résultats. Il existe toutefois des preuves significatives que la plupart des usages numériques perpétuent, voire amplifient les inégalités non numériques (van Deursen et al., 2017[21]). Si les personnes peu qualifiées utilisent davantage internet pour discuter et se divertir, alors que les personnes hautement qualifiées l’utilisent pour rechercher un emploi, suivre une formation ou prendre des rendez-vous médicaux en ligne, l’utilisation de internet associée à un manque de compétences risque d’amplifier les inégalités existantes. En raison de l’utilisation qu’elles font de internet, les personnes hautement qualifiées ont plus de chances d’accroître leurs connaissances, de trouver plus facilement des emplois de meilleure qualité, ou d’accéder plus rapidement aux soins de santé. Le fait de posséder les compétences et le niveau d’instruction nécessaires peut protéger contre le risque de fracture numérique, et éviter de creuser d’autres fossés.
Quelles compétences cognitives pour réduire la fracture numérique en termes d’usages ?
Les personnes possédant davantage de compétences peuvent faire un meilleur usage de internet et des activités en ligne. Pour concevoir des politiques qui réduisent la fracture numérique, il est nécessaire de comprendre quels types de compétences contribuent à tirer le meilleur parti de internet, et quelle est l’importance de ces compétences par rapport à d’autres déterminants.
Afin d’étudier la relation entre les compétences et la participation à des activités en ligne, et la façon dont les compétences peuvent aider à réduire la fracture numérique, les données de deux enquêtes ont été reliées par appariement statistique (Encadré 4.2). L’Enquête communautaire sur l’utilisation des TIC par les ménages et les particuliers (CSIS) est réalisée annuellement par Eurostat, l’Office statistique de l’Union européenne. Elle recueille des données détaillées sur un éventail d’activités en ligne, comme la lecture et l’envoi de courriers électroniques, la recherche d’informations, l’achat de biens et services, la participation aux réseaux sociaux et l’apprentissage en ligne. L’Enquête sur les compétences des adultes, fruit du Programme de l’OCDE pour l’évaluation internationale des compétences des adultes (PIAAC), comprend des informations sur les compétences cognitives (écrit, mathématiques, résolution de problèmes dans des environnements à forte composante technologique) mesurées par des tests d’évaluation.
La solidité des analyses effectuées à partir d’une base de données appariée dépend inévitablement de la qualité de l’appariement statistique entre les deux ensembles de données, qui à son tour est largement déterminée par les informations disponibles dans les deux ensembles de données, et la similarité de ces informations. Les deux ensembles de données utilisés pour cette analyse partagent un bon nombre de variables sur l’utilisation des TIC, mais un nombre limité de caractéristiques individuelles. Il est possible que les informations limitées sur le niveau d’instruction et la profession dans l’ensemble de données de l’enquête CSIS aient réduit la qualité de l’appariement. Pour ces raisons, l’analyse présentée dans cette section doit être considérée comme exploratoire, et les résultats doivent être interprétés avec prudence.
Identification des profils des internautes
Étant donné que la plupart des individus se livrent à plusieurs activités en ligne, l’analyse s’appuie sur une méthode de segmentation pour identifier les profils d’internautes (Encadré 4.3). Ces profils tiennent compte du nombre et de la répartition des activités réalisées. Quatre groupes ou profils d’internautes se dégagent.
Ces quatre profils d’internautes se distinguent d’abord par le nombre moyen d’activités réalisées (Graphique 4.9). Les personnes relevant du profil 1 réalisent la plupart des activités (8 activités en moyenne sur les 11 prises en compte dans l’analyse), alors que celles appartenant au profil 4 en réalisent un très petit nombre (un peu moins de deux en moyenne). Ainsi, le profil 1 correspond à une utilisation diversifiée de internet, tandis que le profil 4 correspond à une utilisation beaucoup plus limitée. Les profils 2 et 3 se situent entre les deux. Les personnes relevant du profil 2 se caractérisent également par une utilisation relativement diversifiée de internet, avec plus de quatre activités en moyenne, alors que celles relevant du profil 3 se caractérisent par une utilisation moins diversifiée. Certaines activités sont rarement effectuées et délimitent donc les profils. C’est le cas de l’apprentissage, de la finance électronique et, dans une moindre mesure, des activités créatives qui peuvent être considérées comme plus complexes.
Plus précisément, on identifie les profils d’internautes suivants :
Utilisation diversifiée et complexe, correspondant au profil 1. Les personnes relevant de ce profil réalisent en moyenne les activités les plus nombreuses et les plus variées. Ce sont elles qui accomplissent la majeure partie des tâches en ligne dans les domaines de la finance électronique, de la formation et de la créativité. Ces activités réalisées par une minorité d’individus peuvent également être considérées comme plus complexes.
Utilisation diversifiée et simple, correspondant au profil 2. Les personnes relevant de ce profil réalisent un éventail d’activités, à l’instar de celles relevant du profil 1, mais ces activités sont moins liées à la finance, à la créativité et à l’apprentissage. Leurs principales activités en ligne tournent autour de la communication, des réseaux sociaux, de l’accès à l’information et du divertissement.
Utilisation à des fins pratiques, correspondant au profil 3. Les personnes relevant de ce profil utilisent internet de diverses manières, mais moins que les personnes relevant des profils 1 et 2. Elles l’utilisent principalement à des fins de communication, de recherche d’informations, de santé et de banque en ligne.
Utilisation à des fins de communication et d’information, correspondant au profil 4. Les personnes relevant de ce profil sont celles qui utilisent internet de la manière la plus spécialisée. Elles utilisent principalement les outils de communication et se connectent pour obtenir des informations. Ces deux dernières activités combinées représentent 70 % de l’ensemble des activités en ligne des individus relevant de ce profil.
Les caractéristiques sociodémographiques semblent corrélées au type d’utilisation fait de internet (Graphique 4.10). Les personnes dont l’activité en ligne est « diversifiée et complexe » sont les plus instruites de l’échantillon, la majorité d’entre elles occupant un emploi et appartenant à des classes d’âge très actif. Parmi elles, 39 % ont fait des études supérieures, et 41 % possèdent un diplôme du deuxième cycle de l’enseignement secondaire. Les salariés sont surreprésentés dans ce profil – ils représentent 70 % de l’ensemble des personnes relevant du profil « utilisation diversifiée et complexe ». Trois personnes sur quatre relevant de ce profil sont âgées entre 25 et 55 ans, ce qui montre que les jeunes (16 à 24 ans) et les personnes âgées de 55 à 64 ans sont moins susceptibles de faire un usage diversifié et complexe de internet.
Encadré 4.2 Appariement statistique de l’enquête sur les compétences des adultes (PIAAC) et l’Enquête communautaire sur l’utilisation des TIC par les ménages et les particuliers (CSIS)
Aux fins du présent rapport, un appariement statistique a été réalisé afin de produire un ensemble de données unique comprenant à la fois des informations sur les compétences cognitives mesurées au moyen de tests d’évaluation (tirées de l’Enquête sur les compétences des adultes, PIAAC), et des indicateurs de l’utilisation des TIC par les particuliers (tirés de l’Enquête communautaire sur l’utilisation des TIC par les ménages et les particuliers).
L’appariement statistique intègre deux (ou plusieurs) ensembles de données provenant de la même population (D’Orazio, Di Zio et Scanu, 2006[23]) afin d’explorer la relation entre les variables pertinentes qui n’ont pu être observées conjointement. Si l’ensemble de données A contient Y et l’ensemble de données B contient Z, et que les deux ensembles de données contiennent un ensemble de variables communes X, l’appariement statistique permet de créer un ensemble de données unique qui contient X, Y et Z (Rubin, 1986[24]). Dans ce cas, Y et Z sont les variables pertinentes et X les variables de contrôle.
Les méthodes d’appariement reposant uniquement sur les variables X communes pour intégrer les deux ensembles de données (ou plus) reposent sur l’hypothèse selon laquelle seules les variables communes expliquent l’association entre Y et Z (D’Orazio, 2017[25]). Si cette hypothèse d’indépendance conditionnelle ne tient pas, l’ensemble de données conjoint donnera lieu à des déductions erronées. Il est possible d’utiliser des informations auxiliaires externes pour s’assurer que les résultats dérivés de l’appariement statistique sont fiables (D’Orazio, Di Zio et Scanu, 2006[23] ; Leulescu et Agafitei, 2013[26]).
La méthode de Rubin (1986[24]) assouplit l’hypothèse d’indépendance conditionnelle en tenant compte d’une corrélation partielle non nulle entre Y et Z compte tenu d’un ensemble de variables de contrôle X. L’appariement statistique entre le PIAAC et l’enquête CSIS a donc été effectué en trois phases :
1. La méthode de Rubin (1986[24]), telle que mise en œuvre par Alpman (2016[27]) a été appliquée pour imputer les variables sur l’utilisation des TIC pour lesquelles la valeur de la corrélation partielle avec les compétences peut être calculée à partir des informations auxiliaires disponibles dans l’Enquête sur les compétences des adultes (PIAAC).
2. Les valeurs manquantes des autres variables ont été imputées avec les valeurs d’une unité répondante « similaire » (c’est-à-dire une méthode d’imputation hot deck aléatoire), sur la base des variables communes PIAAC-CSIS et des variables appariées par la méthode Rubin (1986[24]).
3. Des contrôles de qualité sont effectués pour les deux appariements (méthode de Rubin (1986[24]) et hot deck aléatoire).
L’appariement a été effectué par pays, pour 7 pays (Espagne, Finlande, France, Irlande, Italie, Lituanie, et République tchèque) sur les 19 couverts par les bases de données du PIAAC et de l’enquête CSIS. Les données de l’Enquête sur les compétences des adultes (PIAAC) se rapportent à 2012 (Espagne, Finlande, France, Irlande, Italie et République tchèque) et à 2015 (Lituanie). Les données de l’enquête CSIS se rapportent à l’année 2016 afin de rendre compte de l’ensemble le plus récent et le plus diversifié d’usages liés aux TIC. Il est peu probable que l’éventail de compétences de la population ait sensiblement évolué entre 2012 et 2016, si bien que la différence de période de référence entre les deux enquêtes n’est pas jugée problématique pour l’analyse ultérieure.
Sources : Alpman, A. (2016[27]), « Implementing Rubin’s alternative multiple-imputation method for statistical matching in Stata », www.stata-journal.com/article.html?article=st0452 (consulté le 2 octobre 2018) ; D’Orazio, M., M. Di Zio et M. Scanu (2006[23]), Statistical matching: theory and practice, www.wiley.com/en-us/Statistical+Matching%3A+Theory+and+Practice-p-9780470023532 (consulté le 3 octobre 2018) ; D’Orazio, M. (2017[25]), « Statistical matching and imputation of survey data with StatMatch », www.essnet-portal.eu/di/data-integration (consulté le 4 octobre 2018) ; Leulescu, A. et M. Agafitei (2013[26]), Statistical Matching: a Model-based Approach for Data Integration, http://dx.doi.org/10.2785/44822 ; Rubin, D. (1986[24]), « Statistical matching using file concatenation with adjusted weights and multiple imputations », http://dx.doi.org/10.2307/1391390.
À l’opposé, on trouve le profil 4, « Utilisation à des fins d’informations et de communication », qui regroupe une majorité de personnes de plus de 45 ans, dont le niveau d’instruction ne dépasse pas le niveau primaire ou du premier cycle de l’enseignement secondaire, actives ou inactives. Les personnes relevant de ce profil réalisent peu d’activités en ligne, et peu de types d’activités. Les personnes âgées sont également fortement représentées dans le profil 3, « Utilisation à des fins pratiques ». Ce profil regroupe non seulement des usages simples, comme l’accès à l’information ou la communication, mais également des activités de santé ou d’achats en ligne, ce qui explique la répartition plus équilibrée du niveau d’instruction parmi les internautes relevant de ce profil. Enfin, les personnes qui utilisent internet de façon simple mais diversifiée (profil 2) sont plus susceptibles d’avoir fait des études primaires ou secondaires, et une sur quatre est inactive.
Ces premières statistiques descriptives donnent quelques indications sur l’origine des inégalités en termes d’utilisation de internet. L’âge, le niveau d’instruction et la situation au regard de l’emploi semblent influencer le nombre et le type d’activités réalisées en ligne.
Encadré 4.3 Identifier des profils d’activités réalisées en ligne au moyen d’une segmentation
L’enquête communautaire sur l’utilisation des TIC par les ménages et les particuliers (CSIS) fournit des informations sur les activités en ligne des particuliers, qui peuvent être regroupées en 11 activités principales : communication, réseaux sociaux, accès à l’information, divertissement, créativité, apprentissage, santé en ligne, services bancaires en ligne, finance, administration et commerce électroniques.
Chacune de ces 11 activités est définie comme une variable binaire qui prend la valeur de 1 si les individus effectuent au moins l’un des usages sous-jacents associés à cette activité (p. ex. écouter de la musique et regarder la télévision sur internet sont deux usages associés au divertissement en ligne). Les variables sous-jacentes liées à l’utilisation de internet sont regroupées en types d’activités sur la base d’une approche normative et de la structure du questionnaire de l’enquête CSIS (2016). Vingt-six variables sous-jacentes sont utilisées aux fins de cette analyse.
Les profils des internautes ont été identifiés à l’aide d’une méthode de segmentation : les individus ont été regroupés en fonction de la similitude de leurs activités en ligne.
Un algorithme de segmentation par k-moyennes (Hartigan, 1975[31]) a été appliqué au fichier d’appariement PIAAC-CSIS des sept pays pris en compte dans l’analyse (Espagne, Finlande, France, Irlande, Italie, Lituanie et République tchèque). Le nombre k initial de groupes a été déterminé par l’utilisateur. L’algorithme s’est écarté d’une répartition aléatoire de l’ensemble observations en k segments, puis a réassigné les individus en cherchant à minimiser la variance à l’intérieur de chaque groupe (OCDE/CCR-Commission européenne, 2008[32]).
Pour repérer la segmentation comptant le nombre optimal de segments, l’algorithme a été exécuté plusieurs fois avec différentes valeurs de k. Les différents résultats ont été comparés à l’aide d’un scree plot (Makles, 2012[33]), montrant l’évolution de la somme des carrés à l’intérieur des groupes à mesure que le nombre k de segments varie. Sur cette base, quatre profils différents d’internautes ont été retenus pour l’analyse.
Sur la base des 11 activités en ligne principales définies ci-dessus, l’algorithme a mesuré les similitudes entre les individus à l’aide des variables de segmentation suivantes :
Part de chaque activité dans le nombre total d’activités en ligne d’un internaute. Par exemple, si un internaute utilise des services bancaires, de communication, d’administration et de santé en ligne, la part de chaque activité sera égale à ¼.
Le nombre total d’activités effectuées par un internaute. Dans l’exemple ci-dessus, le nombre total est de 4.
Cette méthode permet de créer des profils d’internautes qui tiennent compte à la fois du nombre et du type d’activités réalisées.1
Sources : Hartigan, J. (1975[31]), Clustering Algorithms, https://people.inf.elte.hu/fekete/algoritmusok_msc/klaszterezes/John%20A.%20Hartigan‑Clustering%20Algorithms‑John%20Wiley%20&%20Sons%20(1975).pdf (consulté le 25 octobre 2018) ; Makles, A. (2012[33]), « Stata tip 110: How to get the optimal k-means cluster solution », www.stata-press.com/data/r12/physed (consulté le 25 octobre 2018) ; OCDE/CCR-Commission européenne (2008[32]), Handbook on Constructing Composite Indicators: Methodology and User Guide, www.oecd.org/fr/els/soc/handbookonconstructingcompositeindicatorsmethodologyanduserguide.htm (consulté le 25 octobre 2018).
Profils de compétences et profils internet
L’analyse a tenté de déterminer si l’appartenance à un profil internet donné est liée à une compétence en particulier, ou à un éventail de compétences. Dans un premier temps, comme pour les caractéristiques énumérées dans la section précédente, on fournit quelques statistiques descriptives sur les compétences des individus relevant de chaque profil.
Environ 40 % des personnes faisant une « utilisation diversifiée et complexe » de internet possèdent également un bagage équilibré de compétences à l’écrit et en mathématiques (Graphique 4.11). La proportion d’individus hautement qualifiés est nettement inférieure dans les autres profils. Parmi les personnes utilisant internet principalement à des fins d’information et de communication, moins de 10 % possèdent un bagage équilibré de compétences.
La part d’individus dépourvus de compétences de base est plus uniformément répartie entre les différents profils. Les internautes dépourvus à la fois de compétences de base à l’écrit et en mathématiques semblent rares. Toutefois, l’on obtient un tableau différent lorsque l’on examine chaque type de compétences individuellement, surtout lorsqu’il s’agit des compétences en mathématiques. Plus de 9 % des personnes relevant des profils 2, 3 et 4 ne possèdent pas de compétences de base en mathématiques, ce qui donne à penser que le manque de compétences de base en mathématiques ne constitue pas un obstacle à la participation à des activités en ligne, alors que le manque de compétences à l’écrit et en mathématiques semble en être un.
Lorsque l’on utilise un échantillon plus restreint d’individus pour lesquels on dispose de données relatives à la résolution de problèmes dans des environnements à forte composante technologique, on peut considérer que l’éventail de compétences des individus inclut des compétences à l’écrit, en mathématiques et en résolution de problèmes dans des environnements à forte composante technologique. Les personnes possédant un bagage équilibré de compétences sont surreprésentées dans le profil « utilisation diversifiée et complexe », bien qu’elles soient moins nombreuses à posséder les trois compétences (34 %) que des compétences à l’écrit et en mathématiques seulement (40 %). En général, les personnes ne possédant pas de compétences en résolution de problèmes dans des environnements à forte composante technologique semblent beaucoup plus nombreuses. Même parmi celles dont l’utilisation de internet est « diversifiée et complexe », près d’une sur cinq ne dispose pas des compétences de base pour résoudre des problèmes dans un environnement numérique.
Ces résultats donnent à penser que l’absence de compétences en résolution de problèmes dans des environnements à forte composante technologique ne fait pas forcément obstacle à la participation à des activités en ligne, alors que l’absence de plusieurs compétences peut constituer un obstacle important. Les compétences en résolution de problèmes évaluées dans l’Enquête de l’OCDE sur les compétences des adultes (PIAAC) ne sont pas des compétences numériques en soi, mais des compétences informatiques de base (c’est-à-dire la capacité à utiliser des outils et applications informatiques) (OCDE, 2016[34]). Par conséquent, l’évaluation ne permet pas de déterminer dans quelle mesure une personne est apte à faire face à des pourriels, par exemple, ou à des demandes illégales de données personnelles en ligne. D’autres données seraient nécessaires pour mettre en évidence les éventuels avantages conférés par des compétences numériques plus avancées par rapport aux autres types de compétences utilisées dans l’analyse.
Un bon niveau de compétences cognitives semble permettre des utilisations plus diversifiées et plus complexes de internet. Ces statistiques descriptives relatives aux niveaux de compétences des différents profils d’internautes sont confirmées par une analyse qui tient compte d’autres sources d’inégalités et de disparités d’usage de internet. Le Graphique 4.10 montre que l’âge, le niveau d’instruction et la situation au regard de l’emploi semblent déterminer le nombre et le type d’activités réalisées en ligne. Les résultats du Graphique 4.12 tiennent compte de ces caractéristiques sociodémographiques, ainsi que des effets liés au sexe et au pays. Les personnes ayant un bon niveau de compétences sont plus susceptibles d’utiliser internet de façon diversifiée et complexe, plutôt que de simplement aller en ligne pour s’informer et communiquer.
Si l’analyse montre qu’un bon niveau global de compétences est nécessaire pour passer à une utilisation plus complexe et diversifiée de internet, elle ne met en évidence aucun impact des compétences sur la probabilité d’appartenir aux autres profils d’internautes (« utilisation diversifiée et simple » ou « utilisation à des fins pratiques »). En effet, d’autres fractures numériques ont davantage d’influence sur la probabilité d’appartenir à l’un des deux autres profils d’internautes.
Les compétences sont une condition indispensable pour tirer pleinement parti de toutes les possibilités offertes par la société numérique. Les analyses fondées sur le PISA (2015) brossent un tableau similaire : les résultats des élèves aux tests sur papier et aux tests numériques sont fortement corrélés et, une fois prises en compte les disparités en termes d’accès, les différences entre les groupes socioéconomiques en termes d’utilisation des dispositifs numériques sont largement imputables aux différences de compétences cognitives (OCDE, 2015[35]).
Tout le monde n’a pas besoin d’effectuer des tâches complexes et diversifiées sur internet, mais les internautes qui le souhaitent devraient être en mesure de le faire. C’est pourquoi il est nécessaire de posséder de bonnes compétences cognitives. Tout comme l’utilisation du courrier électronique ou des réseaux sociaux semblait innovante et avant-gardiste il y a dix ans, la finance électronique ou la création de sites web vont vraisemblablement devenir des pratiques courantes dans quelques années – et de nombreux usages nouveaux de internet ou des technologies vont faire leur apparition. Il devrait être possible de déterminer plus précisément les éventails de compétences qui seront nécessaires pour tirer le meilleur parti de ces nouvelles activités à l’aide de données détaillées sur les compétences numériques, ainsi que sur les compétences sociales et émotionnelles.
Bien-être et risques dans une société numérique
Les personnes plus qualifiées sont susceptibles de tirer un meilleur parti des possibilités offertes par les nouvelles technologies et, par conséquent, d’éprouver une plus grande satisfaction à l’égard de la vie. Il est également essentiel de disposer d’un niveau de compétences approprié pour se protéger et protéger les autres – les enfants notamment – contre les risques engendrés par le fait d’évoluer dans une société numérique.
Sécurité et de protection de la vie privée
Plus les individus passent de temps en ligne, plus ils sont exposés à une variété de risques. La majorité des personnes interrogées dans les pays européens considèrent que internet n’est pas sûr, et plus des deux tiers ont déclaré avoir eu accès à du contenu illégal en ligne (Flash Eurobarometer 469, 2018[36]) Aux États-Unis, plus de 60 % des internautes ont déclaré avoir été victimes d’une violation de leurs données personnelles ou de leurs comptes en ligne sensibles (Olmstead et Smith, 2017[37]).
De nombreuses mesures peuvent être prises pour protéger sa sécurité en ligne, depuis la limitation du nombre de cookies enregistrés sur l’ordinateur, à la demande de suppression des données personnelles détenues par les sites web. De nombreux internautes ont connaissance des menaces auxquelles ils sont exposés lorsqu’ils naviguent sur internet, ce qui ne signifie pas pour autant qu’ils prennent tous des mesures pour se protéger. En 2016, dans les pays de l’OCDE pour lesquels des données sont disponibles, 32 % des personnes interrogées savaient que les cookies pouvaient servir à suivre leurs activités en ligne, mais n’avaient jamais modifié les paramètres de leur navigateur pour les bloquer ou les limiter (Eurostat, 2016[38]). Le pourcentage d’internautes prenant des mesures pour préserver leur sécurité et leur vie privée en ligne varie considérablement d’un pays à l’autre (Graphique 4.13). En Pologne, en Irlande et en Lituanie, plus d’un tiers des internautes ne prennent aucune mesure pour gérer leurs données personnelles en ligne, contrairement aux internautes du Luxembourg, de Finlande ou de Norvège. Dans le même temps, les pays où une large proportion d’internautes prennent des mesures pour gérer leurs informations en ligne n’enregistrent pas nécessairement un pourcentage aussi élevé d’internautes prenant des mesures pour éviter le suivi de leurs activités.
Ces chiffres donnent à penser que les internautes n’ont pas tous un accès égal à l’ensemble des mesures de protection de la vie privée et de la sécurité en ligne pouvant être prises. En confiant la responsabilité de la mise en œuvre de telles mesures de protection de la vie privée aux individus, on suppose implicitement qu’ils possèdent les compétences nécessaires pour le faire. Un simple clic sur un smartphone peut suffire à restreindre l’accès d’une application à la position géographique de l’utilisateur. Toutefois, des connaissances plus approfondies et une compréhension plus fine des menaces potentielles sont nécessaires pour vérifier si les sites web utilisés sont sécurisés, ou installer un anti-tracker. Les personnes très qualifiées sont beaucoup plus susceptibles d’avoir connaissance de ces menaces, et de prendre les mesures appropriées pour sécuriser leur navigation.
L’analyse fondée sur les données statistiquement appariées CSIS-PIAAC montre qu’un bon niveau de compétences augmente la probabilité que les individus prennent des mesures pour protéger leur vie privée et leur sécurité en ligne (Graphique 4.14). Les différents éventails de compétences n’ont pas le même impact sur le type de mesures que les internautes prennent pour garantir leur sécurité et leur vie privée en ligne. La gestion de l’accès aux données personnelles en ligne nécessite un bon niveau compétences à l’écrit, tandis que l’utilisation d’un anti-tracker est plus exigeante en termes de capacité de résolution des problèmes dans des environnements à forte composante technologique. Les personnes possédant de bonnes compétences à l’écrit, en mathématiques et en résolution de problèmes sont également plus susceptibles de modifier les paramètres de leur site Web pour limiter les cookies. Selon des estimations tenant compte de l’âge, du niveau d’instruction et du pays d’origine, les internautes dotés d’un bagage équilibré de compétences sont plus susceptibles de prendre des mesures de protection en ligne, et donc de réduire leur exposition à un éventail de risques numériques.
Les menaces qui pèsent sur les données personnelles ne sont pas les seuls risques auxquels les individus sont exposés en ligne, ou plus généralement par le biais des nouvelles technologies. La diffusion de « fausses nouvelles » – informations erronées ou désinformation en ligne – soulève la question de savoir dans quelle mesure les individus, enfants ou adultes, peuvent évaluer de manière critique le type d’informations qu’ils rencontrent en ligne. Selon un récent sondage Eurobaromètre (Flash Eurobarometer 464, 2018[39]), plus d’un tiers des personnes interrogées déclarent être confrontées quotidiennement à des « fausses nouvelles », et un autre tiers au moins une fois par semaine. Les nouvelles technologies facilitent la diffusion de ces informations intentionnellement trompeuses ou fallacieuses, ce qui représente une menace considérable non seulement pour la confiance, la participation politique et les institutions démocratiques, mais également pour la santé ou tout autre résultat pour lequel les individus prennent des décisions fondées sur des informations disponibles en ligne.
Cyberharcèlement et autres formes de harcèlement en ligne
De même, l’environnement numérique est souvent utilisé pour reproduire et amplifier des comportements nuisibles qui existent déjà en dehors de la sphère numérique. Le cyberharcèlement, le harcèlement en ligne et la cyberintimidation ne sont que quelques exemples de ces comportements. Internet garantit anonymat et facilité d’accès aux harceleurs, qui ont moins peur des sanctions et peuvent agresser leur victime à tout moment (Hooft Graafland, 2018[40]). Le cyberharcèlement se manifeste sous différentes formes, depuis la propagation de fausses rumeurs, les insultes et l’exclusion de groupes en ligne jusqu’aux assiduités en ligne, voire aux menaces physiques (Hooft Graafland, 2018[40] ; Pew Research Center, 2018[41])
À l’instar des informations relatives aux autres formes de harcèlement, les données relatives au cyberharcèlement sont délicates à recueillir. Selon l’enquête sur les comportements liés à la santé chez les enfants d’âge scolaire, 9 % des enfants de 15 ans en moyenne ont été victimes au moins une fois de cyberharcèlement dans des messages dans les pays de l’OCDE pour lesquels des données sont disponibles (OCDE, 2019[10]). Des données plus récentes d’une enquête menée auprès de 750 adolescents aux États-Unis montrent que 59 % d’entre eux ont été victimes de cyberharcèlement, et 63 % considèrent le harcèlement en ligne comme un problème majeur (Pew Research Center, 2018[41]). Ces chiffres contrastés donnent à penser que la fréquence du cyberharcèlement reste difficile à mesurer, même s’il a été démontré que le cyberharcèlement réduit la satisfaction des victimes à l’égard de la vie, et nuit à leur santé mentale (Ybarra et Mitchell, 2004[42] ; OCDE, 2017[1] ; Hooft Graafland, 2018[40]).
La lutte contre le cyberharcèlement nécessite souvent une réponse coordonnée de la part des parents, des établissements scolaires, des réseaux sociaux et des entreprises technologiques, ainsi que des législateurs. Les adolescents interrogés aux États-Unis semblent particulièrement apprécier les efforts déployés par les parents pour lutter contre le harcèlement en ligne (Pew Research Center, 2018[41]). Les enseignants, les réseaux sociaux et même les forces de l’ordre sont perçus beaucoup moins favorablement. Les parents semblent jouer un rôle crucial dans la lutte contre le cyberharcèlement. Étant donné que les enfants commencent à utiliser internet de plus en plus jeunes, les parents ont de plus en plus de latitude pour apprendre à leurs enfants à utiliser les technologies, et les aider à faire face aux risques (Hooft Graafland, 2018[40]).
Les compétences et la conscience numériques des parents ont également un impact sur les types d’opportunités et de menaces auxquels que leurs enfants sont exposés en ligne. Les parents ayant des compétences numériques sont plus susceptibles d’avoir une approche constructive de l’utilisation de internet, en encourageant leurs enfants à explorer et à apprendre en ligne, en faisant des activités avec eux, mais aussi en leur expliquant pourquoi certains sites web peuvent être inappropriés (Livingstone et al., 2017[43]). Bien qu’une telle stratégie puisse davantage exposer les enfants aux risques, elle leur permet également de renforcer leur résilience et d’être mieux préparés à faire face à de nouveaux risques lorsqu’ils y sont confrontés. Les politiques visant à minimiser les inégalités numériques ainsi que les risques encourus en ligne par les enfants et les adultes devraient également viser à renforcer les compétences numériques des parents et des enfants, et mettre en œuvre des outils de développement des compétences.
Santé mentale et relations sociales
L’utilisation croissante des nouveaux appareils et technologies fait craindre d’autres effets négatifs sur le bien-être, notamment sur la santé mentale et les relations sociales des utilisateurs. Un temps d’écran excessif peut réduire la qualité du sommeil et augmenter le risque de dépression et d’anxiété (Hooft Graafland, 2018[40]). Une connexion constante, surtout lorsqu’elle est liée au travail, peut augmenter le niveau de stress et d’épuisement émotionnel (Belkin, Becker et Conroy, 2016[44]). L’utilisation des nouvelles technologies est souvent associée au « multitâches », autrement dit la consultation de plusieurs flux d’informations ou contenus médiatiques en même temps. Les personnes qui utilisent des appareils numériques à des fins multitâches sont plus susceptibles d’être distraites facilement, d’être moins efficaces et d’être davantage sujettes à l’anxiété sociale (Ophir, Nass et Wagner, 2009[45] ; OCDE, 2012[46] ; Becker, Alzahabi et Hopwood, 2013[47]).
Il est néanmoins difficile d’apporter la preuve que internet et les technologies numériques nuisent à la santé mentale (encadré 4.4). Une utilisation modérée des technologies numériques semble avoir des effets bénéfiques sur le bien-être mental, les conséquences négatives d’une absence d’utilisation ou d’une utilisation excessive n’étant que très limitées. Dans les pays de l’OCDE participant au PISA, les « internautes extrêmes » – les élèves qui utilisent internet plus de six heures par jour – se caractérisent par une moindre satisfaction à l’égard de la vie, un risque de décrochage scolaire plus important, et des niveaux supérieurs de solitude perçue à l’école (OCDE, 2017[1]). Les internautes extrêmes ont également obtenu des résultats inférieurs dans toutes les matières du PISA, même après prise en compte des différences de milieu socioéconomique.
Les personnes hautement qualifiées sont susceptibles d’être mieux informées des risques associés à une utilisation extrême des technologies, et d’accorder plus d’attention au temps qu’elles passent devant leur ordinateur et à la façon dont elles utilisent les appareils. Selon les données du PISA, les élèves les plus performants sont moins susceptibles de se sentir mal sans connexion internet. En moyenne dans les pays de l’OCDE pour lesquels des données sont disponibles, 45 % des élèves obtenant les meilleurs résultats en lecture, en mathématiques et en sciences ont déclaré se sentir mal en l’absence de connexion internet, contre 62 % des élèves obtenant de mauvais résultats (Graphique 4.15).
Encadré 4.4. Technologies numériques et bien-être mental
En moyenne dans les pays de l’OCDE, 91 % des jeunes de 15 ans ont accès à un smartphone à domicile, et 55 % à une tablette (OCDE, 2017[1]). On craint de plus en plus que les technologies numériques n’aient un impact négatif sur les interactions sociales et le bien-être mental des individus, en particulier des jeunes enfants et des adolescents.
Selon les études les plus rigoureuses, la corrélation entre l’utilisation de internet/des réseaux sociaux et le bien-être mental décrit une courbe en forme de U pour les enfants et les adolescents, l’absence d’utilisation et l’utilisation excessive étant associées à des conséquences négatives négligeables (Kardefelt-Winther, 2017[48] ; Przybylski et Weinstein, 2017[49]). Les résultats positifs et négatifs dépendent largement des types d’activité et de contenu auxquels les enfants sont exposés. Une analyse plus poussée est nécessaire pour établir un lien de causalité, et mieux comprendre les effets des différents contenus et usages (Odgers, 2018[50]).
L’une des études les plus complètes à ce jour a été réalisée en 2017 en Angleterre et porte sur 120 000 jeunes de 15 ans (Przybylski et Weinstein, 2017[51]). Selon les résultats de cette étude, il n’existe aucune corrélation entre le bien-être mental et une utilisation modérée des ordinateurs et des smartphones, et une corrélation négative très légère chez les personnes dont le niveau d’utilisation était très faible ou très élevé (p. ex. utilisation du smartphone plus de deux heures par jour). Toutefois, ces effets négatifs sont négligeables par rapport à d’autres facteurs qui ont un impact sur le bien-être de l’enfant, comme le fait de prendre régulièrement un petit-déjeuner ou d’avoir un temps de sommeil régulier. Une autre étude portant sur 6 000 enfants âgés de 12 à 18 ans aux États-Unis a mis en évidence une faible corrélation entre le temps excessif passé à regarder la télévision et jouer à des jeux vidéo (plus de six heures par jour) et les sentiments de dépression (Ferguson, 2017[52]).
Au Royaume-Uni, une étude a tenté d’évaluer l’impact des réseaux sociaux sur le bien-être mental des jeunes de 10 à 15 ans en exploitant les variations de la vitesse de connexion haut débit et de la force du signal du réseau de téléphonie mobile (Mcdool et al., 2016[53]). Il a été observé qu’une augmentation du temps passé sur les réseaux sociaux diminue le sentiment de satisfaction des enfants à l’égard de tous les aspects de leur vie, à l’exception de leurs relations amicales. L’impact est plus marqué chez les filles que chez les garçons. Une autre étude expérimentale a montré qu’une utilisation passive de Facebook (p. ex. le fait de faire simplement défiler le fil d’actualités, de regarder les messages des autres sans interagir) induit des sentiments d’envie et diminue le bien-être affectif des participants (« Comment vous sentez-vous en ce moment ? ») (Verduyn et al., 2015[54]).
La communication numérique peut améliorer le bien-être et les interactions sociales des personnes âgées. La solitude des personnes âgées est une épidémie qui touche de nombreux pays. Selon des études qualitatives récentes, les technologies numériques, et en particulier les tablettes dotées d’applications de communication (p. ex. Skype, Facetime et Facebook), pourraient contribuer à améliorer le bien-être des aînés. Selon une étude consistant en des entretiens semi-structurés avec 21 personnes âgées au sein d’une communauté de vie autonome aux États-Unis, l’utilisation de tablettes leur permettait de se sentir davantage en contact avec leur famille, leurs amis et le monde en général (Tsai et al., 2015[55]). Dans une autre étude qualitative, 19 résidents d’une communauté de retraités ont reçu des tablettes et une formation bihebdomadaire (Delello et McWhorter, 2017[56]). Les participants ont déclaré que les tablettes leur permettaient de rester en contact avec leur famille ainsi qu’avec leurs amis à l’intérieur et à l’extérieur de la communauté, 22 % utilisant la vidéoconférence chaque semaine.
Sources : Delello, J. et R. McWhorter (2017[56]), « Reducing the Digital Divide: Connecting Older Adults to iPad Technology », http://dx.doi.org/10.1177/0733464815589985 ; Ferguson, C.J. (2017[52]), « Everything in moderation: Moderate use of screens unassociated with child behavior problems », http://dx.doi.org/10.1007/s11126-016-9486-3 ; Kardefelt-Winther, D. (2017[48]), « How does the time children spend using technology impact their mental well-being, social relationships and physical activity? », www.unicef-irc.org/publications/pdf/Children-digital-technology-wellbeing.pdf ; Mcdool, E. et al. (2016[53]), « Social Media Use and Children’s Wellbeing », http://ftp.iza.org/dp10412.pdf ; Przybylski, A. et N. Weinstein (2017[51]), « A large-scale test of the Goldilocks Hypothesis », http://dx.doi.org/10.1177/0956797616678438 ; OCDE (2017[1]), Résultats du PISA 2015 (Volume III) : Le bien-être des élèves, https://dx.doi.org/10.1787/9789264288850-fr ; Tsai, H. et al. (2015[55]), « Getting grandma online: Are tablets the answer for increasing digital inclusion for older adults in the U.S.? », http://dx.doi.org/10.1080/03601277.2015.1048165 ; Verduyn, P. et al., (2015[54]), « Passive Facebook usage undermines affective well-being: Experimental and longitudinal evidence », http://dx.doi.org/10.1037/xge0000057.
À mesure que les nouvelles technologies pénètrent tous les aspects de la société, elles modifient les types d’interactions que les utilisateurs ont avec leurs propres réseaux sociaux, mais également avec des inconnus.
La participation à des activités en ligne et à des réseaux sociaux peut compléter les interactions hors ligne existantes, et renforcer ainsi les relations sociales. Bien que les données relatives à l’effet causal de l’utilisation de la technologie sur les relations sociales personnelles ne soient pas encore forcément concluantes, de nombreuses études donnent à penser que l’utilisation des technologies numériques stimule très probablement les relations sociales existantes (Encadré 4.5). D’autre part, la transformation numérique croissante des sociétés peut réduire les interactions en chair et en os avec des inconnus, et le sentiment d’appartenance à la collectivité.
Encadré 4.5. Utilisation des technologies et relations sociales
Interactions avec les amis
Il existe quatre hypothèses principales quant à la manière dont l’utilisation des technologies numériques est susceptible d’affecter les interactions sociales hors ligne (Lee, 2009[57]). (i) L’hypothèse du déplacement postule que les liens sociaux en ligne remplacent les interactions hors ligne. (ii) L’hypothèse d’accroissement affirme que internet complète les relations en chair et en os. (iii) L’hypothèse des « riches toujours plus riches » établit que les personnes qui ont des réseaux sociaux hors ligne plus étendus et des compétences sociales plus solides tirent davantage parti des technologies numériques en termes de capital social. (iv) L’hypothèse de la compensation sociale veut que les personnes socialement anxieuses et isolées bénéficient davantage des technologies numériques, car elles peuvent communiquer plus facilement en ligne. Certaines études récentes, résumées ci-dessous, appuient l’hypothèse d’accroissement.
Dans l’ensemble, les données empiriques les plus récentes donnent à penser que les enfants et les adultes utilisent les technologies numériques pour développer et maintenir leurs interactions sociales (Kardefelt-Winther, 2017[48] ; Yau et Reich, 2018[58] ; Odgers, 2018[59]). Les technologies numériques actuelles facilitent le maintien des relations existantes grâce à des outils de communication (p. ex. WhatsApp, Messenger, WeChat) et des réseaux sociaux (p. ex. Facebook, Instagram, Snapchat). Toutefois, les données causales sont rares, et la plupart des études évaluent le temps d’utilisation des technologies numériques plutôt que les activités des enfants et le contenu avec lequel ils interagissent, qui sont susceptibles de jouer un rôle important.
Un essai comparatif randomisé mené récemment en Californie a mis gratuitement des ordinateurs à disposition d’élèves à faible revenu âgés de 11 à 16 ans n’ayant pas d’ordinateur à leur domicile (Fairlie et Kalil, 2017[60]). En comparant les résultats de ces enfants en termes de participation sociale avec ceux des enfants du groupe témoin, qui n’avaient pas non plus d’ordinateur avant l’expérience, ils ont constaté « un impact significatif et positif du traitement sur le nombre d’amis avec lesquels les enfants déclarent communiquer, et le temps passé avec leurs amis (en personne) ». En outre, les élèves qui n’avaient jamais participé à des réseaux sociaux ou envoyé de SMS ont enregistré des bénéfices plus importants en termes de liens sociaux.
Une autre étude a exploité une quasi-expérience menée en Allemagne de l’Est à la suite d’un choix technologique malavisé de l’opérateur public de télécommunications dans les années 1990, qui a empêché de nombreux ménages d’avoir accès à internet à haut débit (Bauernschuster, Falck et Woessmann, 2014[61]). En s’appuyant sur ce choix technologique erroné pour identifier l’effet de l’adoption de internet, ils n’ont mis en évidence aucune preuve qu’un accès internet à haut débit à domicile avait un impact négatif sur les connexions sociales hors ligne, comme aller au cinéma, au concert, rendre visite à ses voisins, ses amis et participer à des activités bénévoles. En ce qui concerne les enfants âgés de 7 à 16 ans, les résultats de cette étude ne montrent pas non plus que l’accès à internet à haut débit nuit aux activités sociales scolaires ou extrascolaires, mais indiquent plutôt qu’il peut favoriser la participation à des activités sociales collectives en dehors de l’école.
Interactions avec des inconnus
Les smartphones et les services en ligne peuvent éroder le sentiment de solidarité et d’appartenance à la communauté en éliminant les occasions d’interactions sociales brèves et occasionnelles avec des inconnus. Ces interactions sont importantes pour instaurer un lien de confiance et faciliter les interactions sociales. Par exemple, alors qu’on avait auparavant l’habitude de demander son chemin dans une ville inconnue, on se repère désormais à l’aide de son smartphone. Les trajets quotidiens ou les files d’attente donnaient lieu à de brèves rencontres. Aujourd’hui, dans ces situations, la plupart des personnes fixent leurs écrans pour consulter leurs réseaux sociaux ou regarder des émissions de télévision. Ces évolutions sont trop récentes pour permettre une évaluation définitive de leurs répercussions probables sur la société, mais elles doivent être surveillées attentivement.
S’appuyant sur les données de la World Values Survey relatives aux États-Unis, une étude récente a montré qu’une utilisation plus fréquente de son téléphone mobile pour obtenir des informations était associée à une moindre confiance envers les inconnus (Kushlev et Proulx, 2016[62]). Cette corrélation persiste après la prise en compte d’un certain nombre de caractéristiques individuelles (p. ex. le revenu, le niveau d’instruction, la situation au regard de l’emploi, l’âge). En outre, l’obtention d’informations par le biais d’autres sources médiatiques comme la télévision ou la radio, voire en ligne par le biais d’un ordinateur portable, n’est pas associée de la même façon à une moindre confiance envers les inconnus. Une autre étude a demandé de manière aléatoire à 92 jeunes adultes de rechercher un immeuble avec ou sans téléphone (Kushlev, Proulx et Dunn, 2017[63]). Il a été observé qu’un très petit nombre de membres du groupe utilisant un téléphone s’adressaient à des passants pour demander leur chemin et, qu’en moyenne, ils se sentaient moins connectés socialement.
Sources : Bauernschuster, S., O. Falck et L. Woessmann (2014[61]), « Surfing alone? The internet and social capital: Evidence from an unforeseeable technological mistake », http://dx.doi.org/10.1016/j.jpubeco.2014.05.007 ; Fairlie, R. et A. Kalil (2017[60]), « The effects of computers on children’s social development and school participation: Evidence from a randomized control experiment », http://dx.doi.org/10.1016/j.econedurev.2017.01.001 ; Kardefelt-Winther, D. (2017[48]), « How does the time children spend using technology impact their mental well-being, social relationships and physical activity? », www.unicef-irc.org/publications/pdf/Children-digital-technology-wellbeing.pdf ; Kushlev, K. et J. Proulx (2016[62]), « The social costs of ubiquitous information: Consuming information on mobile phones is associated with lower trust », http://dx.doi.org/10.1371/journal.pone.0162130 ; Kushlev; K., J. Proulx et E. Dunn (2017[63]), « Digitally connected, socially disconnected: The effects of relying on technology rather than other people », http://dx.doi.org/10.1016/J.CHB.2017.07.001 ; Lee (2009[57]), « Online communication and adolescent social ties: Who benefits more from Internet use? », http://dx.doi.org/10.1111/j.1083-6101.2009.01451.x ; Odgers, C. (2018[50]), « Smartphones are bad for some teens, not all », http://dx.doi.org/10.1038/d41586-018-02109-8 ; Yau, J. et S. Reich (2018[64]), « Are the qualities of adolescents’ offline friendships present in digital interactions? », http://dx.doi.org/10.1007/s40894-017-0059-y
Connexion et développement des compétences
La technologie en elle-même peut avoir un impact sur le développement des compétences. Les individus comptent de plus en plus sur internet, les smartphones ou les ordinateurs, même pour les tâches les plus simples. Pour beaucoup, la recherche d’itinéraire est une tâche qui requiert un smartphone plutôt que sa capacité de réflexion ou l’aide des personnes environnantes. Selon de nouvelles données, il apparaît que le recours à la technologie affecte la mémoire et le développement cognitif. Lorsque les individus sont confrontés à des questions difficiles, ils ont recours en premier lieu aux ordinateurs. Lorsqu’ils s’attendent à avoir accès à des informations en ligne, ils sont moins susceptibles de retenir ces informations (Sparrow, Liu et Wegner, 2011[65]). Les individus semblent externaliser non seulement leur mémoire ou le stockage de données vers les appareils numériques, mais également leur réflexion (Barr et al., 2015[66]).
La technologie peut également avoir un impact sur le développement des compétences sociales et émotionnelles, mais les données sont encore trop peu nombreuses pour tirer des conclusions sur ce lien (encadré 4.6). Les compétences sociales et émotionnelles sont de plus en plus valorisées dans un monde numérique, mais l’acquisition de ces compétences risque d’être entravée si les individus interagissent plus fréquemment avec les ordinateurs, et si la technologie diminue la qualité des interactions sociales.
Encadré 4.6. Technologies numériques et développement des compétences socioémotionnelles
Les relations amicales et les interactions en chair et en os avec ses pairs sont essentielles au développement des compétences sociales tout au long de la vie, de sorte que l’on craint que les compétences sociales des enfants ne soient altérées si ces interactions sont remplacées par l’utilisation des technologies numériques (George et Odgers, 2015[67]). Certaines données donnent à penser que ces technologies stimulent généralement les relations (Encadré 4.4), mais l’on ne sait pas vraiment dans quelle mesure l’utilisation des technologies par les enfants peut influencer le développement de leurs compétences sociales et affectives. Les rares études causales menées jusqu’à présent n’ont pas mis en évidence d’impact de l’utilisation d’un ordinateur à domicile sur les compétences socioémotionnelles des enfants.
Dans les économies avancées, de nombreux enfants utilisent un smartphone connecté à internet et sont actifs sur de nombreuses plateformes de réseaux sociaux (George et Odgers, 2015[67]). On a constaté que ces facteurs ont un impact sur la qualité des interactions en personne, ce qui peut avoir des répercussions sur le développement des compétences sociales et affectives, mais d’autres recherches sont nécessaires pour comprendre les liens. Dans une étude portant sur 100 couples d’individus, des conversations de 10 minutes étaient jugées significativement inférieures, avec des niveaux moindres d’empathie, lorsqu’un participant plaçait un appareil mobile sur la table ou le tenait dans sa main, par rapport aux conversations sans appareil mobile (Misra et al., 2016[68]).
Un nombre croissant de données psychologiques donnent à penser que l’utilisation d’appareils mobiles par les parents a des effets néfastes sur les interactions parents-enfants. Aux États-Unis, 51 % des adolescents (âgés de 13 à 17 ans) ont déclaré que leurs parents étaient « souvent » (14 %) ou « parfois » (34 %) distraits par leur téléphone mobile lorsqu’ils essayaient d’avoir une conversation en tête à tête (Pew Research Center, 2018[69]). Les parents qui utilisent leurs smartphones pendant les jeux avec leurs enfants sont généralement moins sensibles et attentifs à ces derniers, verbalement et non verbalement, et les enfants sont plus susceptibles d’adopter des comportements à risque (Kildare et Middlemiss, 2017[70]). D’autres études longitudinales sont nécessaires pour évaluer de manière plus approfondie comment cette évolution des interactions parents-enfants affecte le développement des compétences socioémotionnelles des enfants, et si le contexte dans lequel l’interaction a lieu (p. ex. pendant les repas, les jeux, les vacances) ou le type d’activité du parent sur son téléphone mobile fait une différence.
Un examen de 27 études relatives à l’utilisation d’appareils mobiles par les parents pendant leurs interactions avec leurs enfants a révélé que l’utilisation d’appareils peut compromettre le développement d’une relation d’attachement sécurisante, ainsi que le développement de l’enfant (Kildare et Middlemiss, 2017, p. 580[70]). Une étude portant sur 225 interactions entre des mères à faible revenu et leurs enfants (âgés d’environ 6 ans) au moment des repas a montré que l’utilisation d’un téléphone mobile par les mères était associée à une diminution de 20 % des interactions verbales, de 39 % des interactions non verbales et de 28 % des encouragements, par rapport aux mères n’utilisant aucun appareil mobile (Radesky et al., 2015[71]). Les caractéristiques des mères, comme l’âge, l’origine ethnique, l’éducation et les pratiques parentales n’étaient pas liées à l’utilisation de téléphones mobiles. Un manque répété d’engagement auprès des enfants peut nuire à leur développement non cognitif, car ils ont moins d’occasions de capter les signaux sociaux.
Sources : Fiorini, M. (2010[72]), « The effect of home computer use on children’s cognitive and non-cognitive skills », http://dx.doi.org/10.1016/J.ECONEDUREV.2009.06.006 ; George, M. et C. Odgers (2015[67]), « Seven fears and the science of how mobile technologies may be influencing adolescents in the digital age », http://dx.doi.org/10.1177/1745691615596788 ; Kildare, C. et W. Middlemiss (2017[70]), « Impact of parents mobile device use on parent-child interaction: A literature review », http://dx.doi.org/10.1016/J.CHB.2017.06.003 ; Malamud, O. et C. Pop-Eleches (2011[73]), « Home computer use and the development of human capital », http://dx.doi.org/10.1093/qje/qjr008 ; Misra, S. et al. (2016[68]), « The iPhone effect: The quality of in-person social interactions in the presence of mobile devices », http://dx.doi.org/10.1177/0013916514539755 ; Pew Research Center (2018[69]), How Teens and Parents Navigate Screen Time and Device Distractions, www.pewinternet.org/2018/08/22/how-teens-and-parents-navigate-screen-time-and-device-distractions/ ; Radesky et al. (2015[71]), « Maternal mobile device use during a structured parent-child interaction task. », http://dx.doi.org/10.1016/j.acap.2014.10.001.
Politiques en matière de compétences dans une société numérique
La transformation numérique des économies nécessite que les individus soient équilibrés, ou qu’ils aient une maîtrise relative de plusieurs compétences cognitives, sociales et émotionnelles, afin de pouvoir s’adapter à leur environnement en constante évolution. La capacité à faire de nouveaux apprentissages, qu’il s’agisse de tâches ou d’un savoir-faire, prend également de plus en plus d’importance dans un monde numérique. La transformation numérique accroît la diversité des tâches exécutées au travail ou des activités de la vie quotidienne, ainsi que la mise en œuvre des compétences cognitives. Dans les pays de l’OCDE pour lesquels des données sont disponibles, la proportion de personnes utilisant internet de manière complexe et diversifiée varie considérablement (Graphique 4.16). En Norvège, aux Pays‑Bas et en Suède, plus de 80 % des personnes âgées de 16 à 64 ans effectuent de nombreuses activités complexes en ligne, comme la finance électronique ou la création de sites web et de blogs. En revanche, ce pourcentage est inférieur à 50 % en Grèce, en Italie et en Pologne. Ces chiffres donnent à penser que même lorsque l’accès à internet est universel, il existe d’importantes disparités entre les pays en termes d’exploitation des possibilités offertes par la transformation numérique. Si le progrès technologique continue d’accroître le nombre et la complexité des activités que les individus doivent accomplir à l’aide d’outils numériques dans leur vie quotidienne, les populations de certains pays ont plus de risques d’être laissées pour compte.
Les pays se caractérisant par un pourcentage élevé d’individus équilibrés et une faible proportion d’adultes dépourvus de compétences de base sont vraisemblablement mieux préparés au progrès technologique que les pays dont une grande partie de la population ne possède pas les compétences de base.
L’Enquête sur les compétences des adultes (PIAAC) donne une idée de l’éventail de compétences cognitives des populations des différents pays, mais ne traite pas d’autres types de compétences importantes abordées dans ce chapitre, comme les compétences sociales et émotionnelles. La Finlande, la Norvège, les Pays‑Bas et la Suède, où une grande partie de la population utilise l’internet de manière complexe et diversifiée, figurent également parmi les pays de l’OCDE qui comptent le plus grand nombre de personnes possédant des compétences cognitives bien équilibrées (Graphique 4.17). L’éventail de compétences des populations des différents pays, qui englobe les compétences à l’écrit, en mathématiques et en résolution de problèmes dans des environnements à forte composante technologique, varie considérablement. Comme on peut s’y attendre, dans les pays qui enregistrent de bons résultats pour chaque type de compétence, comme la Finlande, le Japon, les Pays‑Bas et la Suède, le pourcentage de la population possédant une bonne maîtrise des trois compétences est également élevé. Ces personnes sont plus à même de s’adapter si la numérisation a une incidence sur le contenu de leur travail ou sur leurs activités quotidiennes, puisqu’elles possèdent déjà le bagage de compétences requis pour apprendre de nouvelles techniques, méthodes ou se familiariser avec de nouvelles technologies dans le cadre de leur travail.
De même, les pays dont la population est bien équilibrée comptent généralement une faible proportion d’adultes ne possédant pas l’éventail requis de compétences cognitives de base, comme les compétences en TIC, et qui, par conséquent, auront probablement du mal à s’adapter aux évolutions liées à la transformation numérique. À Singapour et en Israël, près d’un adulte sur cinq ne possède pas ces compétences de base. Au Chili et en Turquie, cette part est deux fois plus élevée.
Les personnes qui ne possèdent pas les compétences cognitives de base ont davantage de risques de ne pas être capables de s’adapter à un environnement numérique, et doivent donc faire l’objet d’une attention particulière de la part des responsables de l’action publique. La proportion globale d’adultes peu qualifiés cache d’importantes variations d’un sous-groupe à l’autre. Les jeunes (16-24 ans) sont moins susceptibles d’être dépourvus de compétences de base que les personnes d’âge très actif (25-54 ans) et les personnes âgées (55-65 ans), une minorité seulement des jeunes ne possédant pas ces compétences de base (Graphique 4.18). En particulier, en moyenne, seuls 7 % environ des jeunes sont peu compétents dans les trois domaines (écrit, mathématiques et résolution de problèmes à l’ordinateur), contre 23 % des personnes âgées. Le pourcentage d’adultes d’âge très actif ne possédant pas les compétences de base nécessaires se rapproche de celui des jeunes, à 12 % en moyenne.
Il existe d’importantes variations d’un pays à l’autre, certains disposant d’une main‑d’œuvre d’âge actif bien mieux préparée, comme la Finlande, le Japon et la République tchèque, alors que d’autres, comme le Chili et la Turquie, comptent des proportions importantes d’adultes non préparés, ce qui met en évidence des disparités entre les pays en termes de priorités de l’action publique. Dans les pays où une part importante de la population ne possède pas les compétences de base, et où les jeunes n’obtiennent pas des résultats véritablement supérieurs à ceux des personnes d’âge très actif (comme la Grèce et, dans une certaine mesure, le Royaume-Uni), l’accent doit être mis sur l’amélioration de la qualité et de l’inclusivité de la formation initiale. Dans les pays où l’on compte beaucoup plus de personnes âgées dépourvues de compétences de base que de jeunes (par exemple en Corée et en Slovénie), il faut donner la priorité aux politiques visant à garantir que les personnes âgées ne soient pas laissées pour compte par la transformation numérique.
La préparation des individus à la société numérique doit commencer tôt, dans les familles et les écoles où les parents et les enseignants dotent les enfants non seulement des compétences cognitives nécessaires, mais également d’une résilience numérique – la capacité à faire face aux risques et à tirer parti des possibilités offertes par internet (Hooft Graafland, 2018[40] ; Hatlevik et Hatlevik, 2018[74]). Les parents participent de plus en plus à l’éducation numérique de leurs enfants, car nombre d’enfants ont accès pour la première fois à des appareils numériques à leur domicile. Lorsque les parents ne possèdent pas les compétences nécessaires pour aider les enfants à gérer leurs activités en ligne, d’autres acteurs doivent intervenir afin de renforcer la résilience numérique des enfants et éviter d’exacerber davantage les inégalités numériques.
Les enseignants et les écoles sont des candidats naturels pour soutenir le développement des compétences numériques et de la résilience numérique. Pour que les systèmes éducatifs soient en mesure de s’adapter aux nouvelles exigences, les programmes de perfectionnement professionnel doivent préparer les enseignants et les écoles à sensibiliser les élèves à la sécurité et à la protection de la vie privée en ligne, à comprendre les conséquences de certains comportements en ligne, et à identifier les diverses formes de harcèlement en ligne qui existent dans les écoles. L’intégration des responsabilités en matière de sécurité en ligne ou de citoyenneté numérique au programme d’études peut également être envisagée, bien que d’autres évaluations soient nécessaires pour déterminer l’efficacité de ces interventions (Hooft Graafland, 2018[40]). Au-delà des systèmes éducatifs, les responsables de l’action publique pourraient également envisager une réponse réglementaire coordonnée à la protection de l’enfance, ainsi qu’une meilleure mesure et un meilleur suivi des politiques existantes (OCDE, 2018[75]).
Les collectivités et associations locales peuvent également aider les populations à développer leurs compétences et leur résilience numériques. Au Danemark, les bibliothèques locales proposent des formations à la transformation numérique (Commission européenne, 2018[76]). Au Royaume-Uni, le programme Future Digital Inclusion, financé par le gouvernement et géré par une organisation caritative, a soutenu et formé plus de 200 000 personnes aux compétences numériques de base (Department of Digital, Culture, Media and Sport, 2017[77]). Dans le même ordre d’idées, le Widening Digital Participation programme du NHS, mis en œuvre par une organisation caritative par le biais de réseaux de centres locaux d’accès à internet, forme des personnes à l’utilisation des ressources et des outils de santé numériques afin de lutter contre les inégalités en matière de santé et l’exclusion numérique (Tinder Foundation, 2016[78]). Ces initiatives soulignent également la nécessité de mettre en place des programmes et des outils d’accompagnement des personnes peu qualifiées ou âgées lorsque les services publics sont dématérialisés.
Pour tous les groupes d’âge, le développement de l’apprentissage tout au long de la vie doit être au cœur de la réponse des pouvoirs publics à la transformation numérique (chapitre 6). La transformation numérique en elle-même offre nombre de nouvelles possibilités d’apprentissage à l’école, au travail et dans la vie quotidienne.
Un système éducatif de qualité, de la petite enfance jusqu’à l’enseignement supérieur et à l’enseignement et la formation professionnels, peut aider les populations à acquérir l’éventail de compétences dont elles ont besoin pour travailler et vivre dans un monde numérique, comme les compétences cognitives et numériques, les compétences sociales et émotionnelles, et une solide volonté d’apprentissage. On s’accorde de plus en plus à reconnaître l’importance des compétences transversales, ou « compétences du 21e siècle », comme la pensée critique et créative, la résolution de problèmes, la prise de décisions éclairées à l’aide de la technologie et le comportement collaboratif, comme l’a montré l’analyse menée dans les chapitres précédents. Dans le même temps, le développement de ces compétences ne peut se faire au détriment de la connaissance des contenus, car le travail dans un environnement numérique nécessite de posséder de bonnes connaissances de fond.
Pour atteindre ces objectifs, les systèmes d’éducation et de formation doivent adopter une approche multidisciplinaire de la connaissance, permettant de transmettre un éventail de compétences et de valeurs, afin que les individus puissent exécuter des tâches complexes de réflexion et de résolution de problèmes.
Résumé
Ce chapitre vise à mieux comprendre les types de compétences dont les individus ont besoin pour tirer parti des nouvelles technologies dans leur vie quotidienne. À cette fin, il associe des informations relatives aux compétences cognitives, tirées de l’Enquête sur les compétences des adultes, et des informations relatives à la participation à des activités en ligne, tirées de l’Enquête communautaire sur l’utilisation des TIC par les ménages et les particuliers. Davantage de données seront toutefois nécessaires pour obtenir une vue d’ensemble de toute la palette de compétences susceptibles d’avoir un impact sur le comportement en ligne, comme les compétences numériques avancées et les compétences sociales et émotionnelles, ainsi que du rôle des politiques.
L’analyse proposée dans ce chapitre montre l’importance des compétences à l’écrit et en mathématiques ainsi qu’en résolution de problèmes dans des environnements à forte composante technologique pour effectuer des activités diversifiées et complexes en ligne. Bien que tout le monde n’ait pas besoin d’effectuer ces activités, les individus doivent disposer des compétences nécessaires pour être mesure de choisir la façon dont ils participent aux activités en ligne.
Il existe de fortes disparités entre les pays en termes d’adéquation des compétences des populations pour les préparer à la transformation numérique. Une question importante se pose dans le cadre de l’élaboration des politiques : peut-on parler ou non de creusement du fossé entre les générations lorsqu’on considère un éventail de compétences, notamment les compétences numériques ?
Les individus ne bénéficient pas tous de compétences égales pour tirer parti des possibilités offertes par internet. Une série de mesures doivent être prises pour faire en sorte que le développement des nouvelles technologies n’entraîne pas une inégalité des chances entre les enfants ou entre les travailleurs, ni un isolement social des personnes âgées. L’action publique doit tenir compte du rôle des écoles et des enseignants dans la lutte contre l’exposition aux risques, et de la nécessité d’une coopération entre l’administration et les collectivités locales pour permettre aux personnes dépourvues des compétences nécessaires pour effectuer des activités en ligne d’acquérir ces compétences. Les politiques ciblant le développement des compétences, des valeurs et des connaissances doivent s’accompagner de mesures aidant les internautes à garantir la sécurité de leurs activités en ligne.
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Note
← 1. L’algorithme de segmentation est également exécuté sur les variables originales des activités en ligne, définies comme des variables binaires égales à 1 si l’individu réalise une activité donnée. Cet algorithme donne des résultats similaires à ceux calculés à l’aide des pourcentages d’activité et du nombre total d’activités.