Les restrictions à la mobilité, aux échanges et les activités mises en œuvre pour contenir la pandémie de COVID-19 ont déclenché la plus grave récession mondiale de l’après-guerre. L’ensemble des entreprises et des secteurs ont été directement ou indirectement touchés, mais les petites et moyennes entreprises (PME) l’ont été plus particulièrement. Surreprésentées dans les secteurs les plus exposés (par ex. les services de restauration et d’hébergement), elles ont souvent dû fermer leurs portes. Parmi celles qui ont pu poursuivre leurs activités, beaucoup ont vu leurs revenus chuter considérablement, et ont dû faire face à de graves problèmes de liquidités. D’après une enquête Facebook/OCDE/Banque mondiale sur l’avenir des entreprises, parmi les PME qui sont restées ouvertes de mai à décembre 2020, entre 55 et 70 % ont enregistré une baisse de leur chiffre d’affaires, dont deux tiers de plus de 40 %.
Les mesures mises en œuvre par les pouvoirs publics ont permis d’amortir le premier choc rapidement, de manière massive et efficace. Les mesures d’urgence ont atteint une ampleur sans précédent, mêlant le plus souvent subventions, reports de paiement, prêts et garanties de prêts pour aider les PME et les entrepreneurs à rester à flot. Dans la plupart des pays de l’OCDE, entre 20 et 40 % des PME ont reçu des aides publiques sous une forme ou une autre en 2020. Les entreprises des secteurs les plus touchés et celles dont le chiffre d’affaires a fortement baissé en ont le plus bénéficié, notamment en raison des modifications apportées aux procédures d’insolvabilité qui, associées à un soutien financier, ont permis, jusqu’à présent, d’éviter une vague de faillites.
Mais les PME se sont également débrouillées par elles-mêmes, en adaptant leurs modèles d’activité et intensifiant leur recours aux outils numériques. Face aux mesures d’endiguement, les PME présentes en ligne s’en sont mieux tirées que leurs homologues hors ligne, 50 % d’entre elles ayant intensifié leur recours au numérique pendant la pandémie, contribuant ainsi à accélérer la transition numérique.
Avec l’assouplissement des mesures d’endiguement dans de nombreux pays et la hausse des taux de vaccination, de nombreux PME et entrepreneurs ne se contentent plus de survivre, mais parviennent même à prospérer. Après un premier effondrement, les créations d’entreprises se sont redressées et, dans de nombreux pays, elles ont atteint ou dépassé leurs niveaux d’avant la crise, soutenues par un marché du capital-risque qui a atteint des sommets historiques. Les initiatives d’innovation sociale se sont également multipliées, non seulement pour faire face aux défis socio-économiques engendrés par la crise, mais aussi par l’intermédiaire d’entreprises sociales axées sur le marché, qui tirent parti de leurs avantages comparatifs de longue date pour s’inscrire dans les tendances sociétales en faveur de modèles d’entreprise et de consommation locaux, inclusifs et durables.
S’il est encore trop tôt pour dire si ces innovations et la dynamique des entreprises renforceront la productivité, la croissance des entreprises et la création d’emplois, une bonne part des changements opérés sont appelés à perdurer, compte tenu des investissements consentis. Parmi les PME qui ont eu davantage recours aux outils numériques pendant la pandémie, environ deux tiers des indépendants et des petites entreprises et plus de 75 % des entreprises de taille moyenne ont déclaré que les changements seraient permanents.
Toutefois, les risques préexistants et les vulnérabilités antérieures subsistent, et d’autres sont encore apparus. Malgré leur ampleur, les aides publiques ont été moins efficaces en termes d’impact auprès des indépendants, des entreprises les plus petites et les plus jeunes, des entrepreneurs femmes et/ou issus des minorités, ce qui a creusé les inégalités existantes. Il existe également d’importantes différences entre les pays en ce qui concerne la proportion de PME bénéficiant d’aides publiques, en fonction du cadre institutionnel, de l’efficacité des mécanismes de prestation et de la capacité budgétaire. À la fin de l’année 2020, la majorité des PME avaient encore besoin d’un soutien.
En cas de suppression rapide des aides, il conviendrait également de s’inquiéter de l’endettement des PME et de leur capacité à stimuler la reprise ; en effet, une éventuelle vague de faillites aurait des effets potentiellement durables sur l’économie. Les gouvernements devront garantir une restructuration en temps utile de la dette des entreprises viables, et mettre en œuvre des procédures de liquidation efficaces afin que les ressources ne soient pas affectées à tort à des entreprises structurellement non viables. Dans ce contexte, les pays ont de plus en plus recours à des mécanismes d’aides non liés à l’endettement pour alléger la dette des PME à long terme, ainsi qu’à des prêts garantis par l’État assortis de conditions de remboursement souples.
Le rythme de la reprise dépendra essentiellement de la capacité des PME à accéder à des sources de financement appropriées et diversifiées. Dans ce contexte, les tendances mondiales émergentes en matière de finance durable, qui visent à intégrer des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans les plans d’investissement, se généralisent rapidement. Cela ouvre de nouvelles perspectives aux PME qui sont en mesure de faire valoir leurs performances ESG, surtout auprès des investisseurs, mais c’est également une source de difficultés pour les entreprises qui n’en sont pas capables.
La pandémie, et dans son sillage une meilleure appréciation de la résilience, pourraient également entraîner une reconfiguration des chaînes d’approvisionnement et des investissements internationaux. Même si elles n’exportent pas directement, de nombreuses PME sont touchées par la transformation des chaînes de valeur mondiales, par l’intermédiaire de leurs réseaux d’acheteurs et de fournisseurs. En raison des confinements qui ont affecté l’offre ou la demande en amont ou en aval de leurs chaînes de valeur, de nombreuses petites entreprises ont souffert des pénuries de produits et de la volatilité des prix. L’onde de choc a été plus forte dans les chaînes de valeur où les intrants sont difficiles à substituer, la spécialisation (qui était auparavant un atout de nombreuses PME ayant réussi à intégrer les chaînes de valeur mondiales avant la crise) devenant ainsi une source de vulnérabilité. Le renforcement de la résilience nécessite une certaine diversification des sources d’approvisionnement et des sites de production, une stratégie plus difficile à adopter pour les petites entreprises. Cette diversification peut impliquer que des EMN se désengagent de certains de certains sites mais en agrandissent d’autres, ce qui représente à la fois une source de risques et d’opportunités pour les PME. Dans certains pays et régions, la crise a également relancé les débats sur la souveraineté industrielle, certains élaborant désormais des stratégies de relocalisation, articulées autour de la résilience des PME et secteurs stratégiques.
Si l’adoption accélérée des outils numériques par les PME est bienvenue et contribuera à combler des écarts de productivité existant de longue date, son rythme a également rendu de nombreuses petites entreprises vulnérables aux cyberattaques. En outre, nombre d’entre elles tardent à prendre le virage du numérique, surtout les indépendants et les micro-entreprises (environ 60 % d’entre eux citant le coût d’adaptation comme des obstacles). Par ailleurs, les écarts se sont encore creusés entre les PME des secteurs à forte intensité numérique et celles des secteurs à faible intensité numérique. Les solutions et mesures visant à combler les lacunes en matière d’investissement et à faire sauter les verrous technologiques, ainsi que les efforts d’amélioration des compétences numériques des PME, de la culture des données et de la sécurité numérique, sont tous essentiels pour exploiter pleinement le potentiel de transformation offert par les outils numériques à l’ensemble des entreprises.
Dans le cadre de leurs plans de relance, les pouvoirs publics mettent l’accent sur la transformation numérique, le recyclage professionnel et le verdissement des économies. Nombre d’entre eux jouent un rôle proactif en élargissant le périmètre du commerce électronique et des services administratifs en ligne, ou le soutien au télétravail et à la sécurité numérique dans les PME, et font office de facilitateurs en mettant les PME en relation avec les réseaux d’innovation et de connaissance et les fournisseurs de solutions numériques. En outre, dans de nombreux pays, les aides aux jeunes entreprises et aux entreprises en hypercroissance ont été renforcées, non seulement pour soutenir leur trésorerie, mais également pour leur permettre d’accéder au capital d’innovation et de croissance. Les gouvernements tirent également parti de la crise pour accélérer la transition vers une économie plus verte et circulaire, en déployant de vastes plans de verdissement des activités des PME, parfois couplés à la stratégie numérique.
Dans le cadre de ces stratégies, l’efficacité des mesures de relance des PME et de l’entrepreneuriat revêtant une dimension territoriale (infranationale) explicite est de plus en plus reconnue, non seulement parce qu’elles permettent de tenir compte de la nature et de l’influence locales des PME et des entrepreneurs, ou de concevoir et fournir des services publics en lien plus étroit avec leurs bases d’utilisateurs, mais aussi parce qu’il est tout à fait possible de tirer parti de politiques territorialisées en matière de PME&E assorties de mécanismes de gouvernance efficaces pour éviter des inefficiences de l’action publique.