L’Afrique de l’Ouest offre un marché aussi vaste que diversifié de plus de 400 millions d’habitants, richement doté en ressources naturelles, qui pourtant ne tire pas pleinement avantage, à ce stade, de son potentiel en tant que destination de l’investissement international. Les afflux d’investissement direct étranger (IDE) ont stagné dans la région, malgré un léger sursaut en 2021. De plus, l’IDE entrant dans la région n’a pas toujours tenu ses promesses en termes de promotion du développement durable. Aucun facteur ne peut, à lui seul, expliquer cette tendance, mais de très nombreux éléments donnent à penser que la région n’offre pas aux entreprises multinationales (EMN) un environnement suffisamment propice à l’investissement durable. Au-delà de l’instabilité et des conflits politiques dans la région, les facteurs fréquemment évoqués sont notamment la fragmentation des cadres réglementaires, la petite taille des marchés et le manque d’infrastructures et de main-d'œuvre qualifiée.
Conscients du défi à relever pour attirer l’IDE afin de créer des emplois et de promouvoir le développement durable, les États membres de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) ont pris des mesures pour améliorer les politiques publiques et la gouvernance dans la région. Ils ont notamment adopté la politique d’investissement de la CEDEAO, s’inspirant en partie du Cadre d’action de l’OCDE pour l’investissement dont la vocation première était de mettre en place des politiques régionales harmonisées en matière d'investissement et de climat. Ce cadre est complété par l’Acte additionnel de la CEDEAO portant sur les investissements et le Code des investissements de la CEDEAO. Ces initiatives régionales ont vocation à donner un cap pour la mise en œuvre de réformes au niveau des pays.
Le présent rapport a pour objet de poser un diagnostic de départ pour pouvoir amorcer une exploration des moyens de redynamiser l’effort de réforme des conditions d’investissement dans les pays de la CEDEAO en mettant aussi davantage l’accent sur l’amélioration des résultats produits par l’investissement sur le plan du développement durable. Il porte principalement sur les actions que les pouvoirs publics des pays d’accueil peuvent entreprendre pour attirer des investissements durables et faire en sorte que les avantages procurés par ces investissements servent les objectifs sociaux et environnementaux, notamment pour faciliter et encourager la CRE. Il contient une analyse des moyens à mettre en œuvre pour faire des pays de la CEDEAO une destination de choix pour des investissements nationaux et étrangers stimulés par une gouvernance efficace favorisant un développement économique régional durable et inclusif. Il prend appui sur des outils élaborés par l’OCDE, notamment le Cadre d’action pour l’investissement et la Boîte à outils et les indicateurs sur les qualités de l’IDE. Les messages clés et les principales considérations qui émaillent le rapport sont les suivants :
Améliorer la cohérence entre les législations nationales et les traités de portée régionale et continentale Le renforcement de la cohérence entre les approches suivies à tous les niveaux dans les différentes régions d’Afrique et au sein de chaque région pourrait favoriser une meilleure lisibilité et une meilleure prévisibilité tant pour les pouvoirs publics que pour les investisseurs même s’il conviendrait de conserver, au niveau national, suffisamment de latitude pour poursuivre les expérimentations.
S'orienter vers une meilleure prise en compte des considérations relatives aux ODD dans les stratégies de promotion de l’investissement des États membres de la CEDEAO. Les API de la région devraient concentrer davantage leurs efforts sur la quête d’IDE concourant à la réalisation des ODD et donner la priorité à des investisseurs qui ont de bons antécédents sur le plan de la durabilité.
Continuer d’élargir les possibilités attrayantes d’investissement durable offertes par les API. Les API de la région devraient élargir leur offre de possibilités attrayantes d’investissement durable en communiquant aux investisseurs potentiels des informations détaillées et complètes sur le contexte juridique et les secteurs d’activité, et éventuellement aussi en leur proposant des projets qui peuvent attirer des financements et en affinant leur démarche commerciale auprès d’eux.
Mettre en place des indicateurs clés de performance adaptés permettant d’assurer une hiérarchisation efficace des priorités et un suivi et une évaluation rigoureux par les API. Il conviendrait que les API des pays de la CEDEAO veillent à ce que les indicateurs clés de performance utilisés pour sélectionner les investissements prioritaires et mesurer les résultats concordent avec les objectifs nationaux de développement et les priorités essentielles des agences en matière de promotion de l’investissement.
Utiliser les ODD pour orienter les services de facilitation de l’investissement et de suivi offerts par les API aux investisseurs déjà présents qui envisagent de se développer ou de réinvestir. Les API de la CEDEAO pourraient envisager de concentrer leurs actions de suivi sur les investisseurs dont les activités ont le plus d’impact sur le développement durable, d’encourager les investisseurs à se conformer aux législations relatives à la durabilité et d’adopter des pratiques responsables dans le cadre de leurs activités commerciales.
Évaluer si les incitations fiscales à l’investissement concordent avec les stratégies de promotion de l’investissement et les ODD et se demander si elles sont le meilleur levier d’action publique pour atteindre ces objectifs. Il est parfois préférable, pour atteindre des objectifs économiques, sociaux et environnementaux, de recourir à d’autres mesures, et il conviendrait d’utiliser les incitations fiscales en complément de stratégies de développement plus globales.
Veiller à ce que les incitations soient conçues de telle manière qu’elles suscitent des investissements qui ne ne concrétiseraient pas si elles n’existaient pas. Les pouvoirs publics pourraient envisager de supprimer progressivement les incitations coûteuses fondées sur les bénéfices et d’adopter des mesures incitatives plus ciblées. Opter pour des incitations mieux conçues, en cherchant à obtenir les résultats souhaités au moyen d’allègements fiscaux accordés au titre de dépenses satisfaisant à certains critères, peut contribuer à limiter les redondances et favoriser l’obtention de retombées positives.
Améliorer le suivi et l’évaluation des coûts, des avantages et de l’adoption des incitations fiscales. La Commission de la CEDEAO pourrait jouer un rôle important de plaidoyer pour une amélioration du suivi et de l’évaluation et pour la transparence et la bonne gestion des mesures incitatives.
Renforcer les objectifs de CDN et définir des stratégies à long terme de développement à faible émission. Les stratégies à long terme sont porteuses de bien d’autres bénéfices, notamment parce qu’elles conduisent les pays à faire l’économie d’investissements coûteux dans des technologies à fortes émissions, parce qu’elles favorisent des transitions justes et équitables et parce qu’elles contiennent, à l’intention des investisseurs, des signaux précoces annonciateurs des changements sociétaux qui se profilent à long terme.
Faire de la CEDEAO une plateforme au service de la promotion des évaluations environnementales stratégiques (EES) et des études d’impact sur l’environnement (EIE) transnationales. La reconnaissance des EES et des EIE transnationales au niveau de la CEDEAO pourrait encourager d’autres pays membres de la CEDEAO à adopter ces outils dans leurs systèmes nationaux d’EIE.
Envisager de revoir à la baisse ou de supprimer progressivement les incitations à l’investissement bénéficiant à des activités non vertes. Les pays de la CEDEAO auraient avantage à distinguer les activités vertes des activités non vertes dans des secteurs ciblés à l’aide des classifications nouvelles qui commencent à apparaître, et à revoir à la baisse ou à supprimer progressivement les exonérations d’impôt sur les sociétés de longue durée dont bénéficient des activités non vertes.
Envisager d’ élaborer des cadres pour la publication volontaire d’informations relatives aux impacts sur l’environnement et le climat. Les cadres régissant la publication volontaire d’informations à caractère climatique contribuent à la mise au jour de la manière dont les entreprises se préparent à la transition vers une économie sobre en carbone et ils sont utiles aux investisseurs pour mieux évaluer leur exposition financière aux risques climatiques.
Mieux faire connaître les éléments clés de la CRE et sensibiliser davantage à sa pertinence. La CEDEAO et ses États membres pourraient œuvrer stratégiquement à la sensibilisation et à une meilleure compréhension de la pertinence de la CRE dans les domaines des échanges et de l’investissement en mettant sur pied des activités d’apprentissage et des ateliers consacrés aux instruments internationaux existants dans le domaine de la CRE et à la diligence raisonnable fondée sur les risques
Instaurer un environnement propice à la mise en œuvre et à l’application de politiques de promotion de la CRE. Les gouvernements nationaux pourraient montrer la voie en élaborant et en appliquant des plans d’action nationaux sur la CRE et en engageant des réformes sectorielles ou thématiques.
Veiller à la cohérence des politiques et à l’harmonisation avec les normes internationales. La CEDEAO pourrait œuvrer à l’alignement et à la coordination des politiques de ses États membres en matière de CRE afin de faire prévaloir une approche commune et l’instauration de règles du jeu équitables au niveau régional.
Renforcer la capacité des entreprises d’exercer leur devoir de diligence. La CEDEAO et ses États membres pourraient promouvoir l’utilisation du cadre de l’OCDE sur le devoir de diligence par les entreprises exerçant des activités dans des pays membres de la CEDEAO et encourager activement l’adhésion au devoir de diligence des entreprises et des investisseurs et autres parties prenantes.