Le but d’un cadre d’évaluation des performances des systèmes de santé est de proposer une vision commune des principaux éléments des systèmes de santé qui nécessitent une attention ciblée des pouvoirs publics. En intégrant formellement des dimensions supplémentaires de la performance – telles que l’approche centrée sur la personne et la résilience – qui, ces dernières années, ont été au centre de l’attention des responsables publics et sont essentielles pour l’évolution de la politique de santé, le nouveau Cadre permet une évaluation plus complète des performances, et oriente ainsi les futurs travaux d’analyse et d’élaboration d’indicateurs de l’OCDE. Le présent chapitre décrit ce nouveau Cadre, ses composantes et les liens qui les unissent.
Repenser l'évaluation de la performance des systèmes de santé
2. Structure générale du nouveau Cadre d’évaluation des performances des systèmes de santé de l’OCDE
2.1. Structure générale du nouveau Cadre d’évaluation des performances des systèmes de santé
Le Graphique 2.1 présente le Cadre général. Le « trio classique » qui sous-tend la plupart des cadres d’évaluation des performances des systèmes de santé – intrants, processus et résultats – est visible dans le Cadre (Donabedian, 2005[10]). Le graphique montre que les ressources et les politiques alimentent les services et les interventions de santé, qui, à leur tour, produisent des effets sur les résultats.
2.2. Situation socioéconomique, démographique et environnementale
Le contexte socioéconomique, démographique et environnemental fait référence aux conditions générales qui influencent le système de santé et interagissent avec lui. Le Cadre d’évaluation des performances des systèmes de santé de l’OCDE se concentre sur le système de santé et ne sert pas de modèle conceptuel pour les déterminants de la santé. Toutefois, comme l’illustre efficacement le modèle de Dahlgren et Whitehead (voir l’Annexe A), cette catégorie comprend un large éventail de déterminants dont les effets combinés dépassent ceux du système de santé dans son ensemble (Dahlgren et Whitehead, 2021[11]).
Le contexte général joue un rôle important dans l’élaboration des fonctions de tous les systèmes de santé, que ce soit en favorisant ou en limitant leurs performances. Par exemple, les discussions sur l’accès ou le financement sont liées à la situation macroéconomique et à la marge de manœuvre budgétaire dans lesquelles elles s’inscrivent. De même, les politiques en matière de personnel de santé peuvent différer en fonction de la structure par âge d’un pays donné, les sociétés plus vieillissantes nécessitant une plus grande proportion de travailleurs sociaux/personnels de santé. En résumé, cette dimension vise à comprendre comment ces influences et facteurs externes impactant à la fois la santé des personnes et les performances des systèmes de santé, tout en reconnaissant que les actions des systèmes de santé (et, par conséquent, la santé des personnes) affectent de manière significative les contextes environnemental, économique, commercial et social. Le Cadre illustre le fait que cette relation est circulaire plutôt que linéaire.
2.3. Santé des individus et de la population
Les résultats des systèmes de santé représentent un élément essentiel des cadres d’évaluation des performances des systèmes de santé. Ces résultats se rapportent aux conséquences des activités, des politiques et des interventions d’un système de santé sur la santé et le bien-être de la population. Pratiquement tous les cadres existants identifient la santé, que ce soit la santé de la population, la santé individuelle ou l’amélioration de la santé, comme but essentiel des systèmes de santé (Papanicolas et al., 2022[12] ; Perić, Hofmarcher et Simon, 2018[13]) .
2.4. Placer les besoins et les préférences des individus au centre des ressources et des interventions des systèmes de santé
Le Cadre proposé place les besoins et les préférences des personnes en matière de santé au cœur du système de santé, reflétant ainsi les orientations issues de la Réunion des ministres de la Santé de l’OCDE de 2017, qui visait à mettre l’usager au premier plan des systèmes de santé (OCDE, 2017[14]). À ce titre, l’approche centrée sur la personne est considérée à la fois comme un objectif des systèmes de santé et comme un moyen d’atteindre d’autres objectifs stratégiques. En intégrant les éléments du Cadre pour des systèmes de santé centrés sur la personne, l’approche centrée sur la personne peut être exprimée à travers ses cinq sous-domaines : voix, choix, coproduction, respect et intégration.
La section sur les ressources et caractéristiques des systèmes de santé couvre les éléments « structurels » des systèmes de santé, c’est-à-dire les intrants nécessaires pour permettre au système de santé de fonctionner, et le contexte dans lequel il fonctionne. Ils comprennent les six piliers suivants :
Dépenses et financement
Ressources humaines
Données et numérique
Technologies et produits pharmaceutiques
Gouvernance
Connaissances et innovation.
Plutôt que d’introduire de nouveaux sujets, le nouveau Cadre présente ceux qui sont déjà largement couverts par les travaux en cours de l’OCDE, tels que les données rapportées dans le Panorama de la santé (OCDE, s.d.[15]) et les données collectées dans l’enquête sur les caractéristiques des systèmes de santé (OCDE, s.d.[16]) (voir chapitre suivant).
Services de santé et interventions de santé publique : cette partie comprend toutes les activités qui relèvent des soins, comme les soins curatifs, les soins de longue durée, les soins psychiatriques, les soins palliatifs, etc., mais aussi les actions de prévention et de promotion de la santé, comme le dépistage, la vaccination ou les campagnes de santé publique. En conservant l’essence du Cadre de 2015, « l’accès et la couverture » et « la qualité » sont des objectifs importants du système ainsi que des domaines d’indicateurs. Ensemble, ils déterminent l’efficacité et l’équité de l’offre de santé. « L’accès et la couverture » garantissent que les individus peuvent facilement obtenir les services de santé dont ils ont besoin, indépendamment de leur situation géographique, financière ou sociale/culturelle, ce qui favorise donc l’égalité des chances en matière de santé. La « qualité », quant à elle, se concentre sur les normes et l’efficacité des services de santé, en assurant la sécurité des patients et en garantissant que les soins sont fondés sur des données probantes et qu’ils répondent à des pratiques établies et validées. Le suivi et l’optimisation de ces dimensions sont essentiels pour lutter contre les disparités en matière de soins, et atteindre les objectifs des systèmes de santé.
2.5. Quatre dimensions transversales irriguent le Cadre
Le nouveau Cadre comprend désormais quatre dimensions « transversales » des performances des systèmes de santé, l’efficacité et l’équité d’une part, la durabilité et la résilience, d’autre part. La raison pour laquelle ces dimensions sont transversales est qu’elles n’appartiennent pas à un bloc particulier du Cadre, mais qu’elles les concernent tous.
Par exemple, l’équité fait référence aux manières dont les ressources sont réparties pour servir les différents groupes socioéconomiques de la population, dont la qualité des soins ou l’accès aux soins varie entre ces groupes et, enfin, dont la santé varie entre ces groupes. Un indicateur de la qualité des soins, tel que le taux d’admission à l’hôpital pour diabète, pourrait aussi constituer un indicateur d’équité lorsqu’il est ventilé par groupes socioéconomiques.
La mesure de l’efficacité des systèmes de santé consiste à comparer les intrants et les résultats du système de santé, afin d’évaluer la mesure dans laquelle les objectifs sont atteints tout en limitant au maximum l’utilisation des ressources. L’amélioration de l’efficacité des systèmes de santé est un objectif essentiel pour concilier les demandes croissantes de soins avec des budgets limités.
La résilience implique de s’assurer que les performances du système de santé se maintiennent dans des conditions extrêmes, et ce dans tous les domaines qui déterminent ces performances. Il s’agit de facteurs internes aux systèmes de santé (notamment la capacité, les ressources physiques, le personnel et les systèmes d’information) et externes (notamment une vision des déterminants socioéconomiques de la santé).
Enfin, le Cadre comprend également la dimension de la durabilité. La durabilité dans le contexte des performances des systèmes de santé fait le plus couramment référence à un aspect de viabilité budgétaire, c'est-à-dire à la capacité d'un gouvernement à maintenir les finances publiques dans une position crédible et viable à long terme (OCDE, 2015[17]). Cependant, la durabilité renvoie également à l’idée plus large d’un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins (Brundtland Commission, 1987[18]), un concept qui a étayé les discussions sur la durabilité environnementale et qui présente un grand intérêt pour la politique de santé, en particulier dans le contexte du changement climatique. Les deux interprétations sont des dimensions transversales pertinentes dans l’évaluation des performances des systèmes de santé.
2.6. Liens entre les dimensions
Les concepts utilisés dans le Cadre ne s’excluent pas nécessairement l’un l’autre, et peuvent donc se chevaucher. Certains liens entre les concepts sont pris en compte dans le Cadre. Par exemple, bien qu’une terminologie différente soit utilisée, le modèle de structure, de processus et de résultats de Donabedian (Donabedian, 2005[10]) reste visible dans le Cadre à travers les liens entre les ressources, les caractéristiques et la politique du système de santé (structure) ; les services de santé et les interventions de santé publique (processus) ; et la santé des individus et de la population (résultats).
Pourtant, le Cadre reste de haut niveau. Il présente les principaux éléments en relation les uns avec les autres à un niveau supérieur, et n’est pas destiné à détailler tous les liens conceptuels possibles. L’approche de haut niveau permet de l’appliquer à une série de pays dont la taille géographique, l’économie et le système de santé sont très différents. Les différents impacts du système de santé sont également interdépendants : la santé individuelle et publique peut affecter la richesse des individus et vice versa ; les inégalités en matière de santé peuvent favoriser d’autres inégalités socioéconomiques ; les systèmes de santé ont un impact sur l’environnement, par exemple par le biais des émissions et des déchets, tandis que l’environnement affecte également la santé des individus.
L’adoption d’un Cadre de haut niveau permet de « zoomer », de détailler et d’approfondir les dimensions du Cadre, par exemple par le biais de sous-dimensions, complétées par une série de mesures d’accompagnement et d’indicateurs liés au niveau opérationnel, qui peuvent être utilisés pour faciliter l’analyse et les comparaisons entre les pays. En bref, ce Cadre de haut niveau définira une vision ; des mesures, des indicateurs et des programmes de travail plus détaillés – actuels et futurs – permettront de concrétiser cette vision. Le chapitre 3 développera les différents concepts et composantes du Cadre, et les complètera avec des indicateurs, existants ou à envisager.