Les migrations ont atteint des niveaux records ces dernières années. Pourtant, les nouveaux immigrés qui s’installent dans l’UE et l’OCDE chaque année représentent moins de 0.5 % de la population des pays d’accueil, et l’importance donnée actuellement aux nouveaux arrivants ne devrait pas occulter la présence ancienne des immigrés installés et de leurs enfants.
Les immigrés apportent avec eux des compétences, mais aussi une grande détermination à réaliser leur ambition d’un avenir meilleur. Ces capacités et cette volonté offrent des possibilités immenses aux pays d’accueil. Toutefois, pour que ces aspirations deviennent réalité, il est primordial de favoriser une intégration rapide et efficace des immigrés et de leurs enfants. D’après le récent Eurobaromètre sur l’intégration dans l’UE, de nombreux citoyens de l’UE sont préoccupés par l’intégration économique et sociale des immigrés. Il est donc indispensable de communiquer des informations fiables si l’on veut éclairer le débat public et élaborer des politiques plus ciblées.
Dans ce contexte, nous sommes heureux de présenter la deuxième édition de la publication conjointe de l’OCDE et de l’UE Trouver ses marques, qui recense à la fois les succès en matière d’intégration et les domaines à améliorer. Cette publication, qui exploite et développe les « indicateurs de Saragosse » présentés lors d’une conférence ministérielle organisée sous la présidence espagnole de l’UE en 2010, offre la comparaison internationale la plus complète des résultats des immigrés et de leurs enfants en termes d’intégration. Elle analyse des résultats économiques et sociaux, sur la base de mesures de l’intégration à la fois quantitatives et qualitatives.
La bonne nouvelle est que nombreux sont les pays à avoir progressé en matière d’intégration des immigrés et de leurs enfants sur le marché du travail et en matière de vie en société. Néanmoins, de nombreux défis doivent encore être relevés, et une partie significative des compétences que les immigrés apportent avec eux reste pour beaucoup inexploitée, entravant à la fois la croissance économique et l’inclusion sociale. Dans de nombreux pays, certaines populations immigrées vulnérables, comme les réfugiés, peuvent mettre en moyenne 15 ans, voire davantage, pour atteindre des taux d’emploi analogues à ceux des personnes nées dans le pays et des travailleurs migrants. L’intégration des migrants familiaux, qui constituent une part importante de l’immigration et comptent beaucoup de femmes, est aussi une source de préoccupation. En outre, dans de nombreux pays, les résultats défavorables des parents immigrés influencent aussi ceux de leurs enfants nés dans le pays, ces derniers accusant souvent un retard par rapport aux jeunes dont les parents sont nés dans le pays.
Aux niveaux national et européen, l’afflux récent de réfugiés a entraîné l’adoption de nouvelles stratégies et de mesures très novatrices quant à l’intégration dans les systèmes éducatifs, sur les marchés du travail et dans la société dans son ensemble. L’intégration est une priorité dans de nombreux pays de l’OCDE et de l’UE, ce processus s’appuyant au niveau de l’UE sur différentes mesures concrètes prévues dans le Plan d’action de la Commission européenne pour l’intégration des ressortissants de pays tiers, comprenant l’outil européen de profilage des compétences, le Réseau européen de l’intégration, mais aussi des fonds en augmentation maintenant et dans les prochaines années.
Il est important de suivre l’évolution des résultats d’intégration pour évaluer la réussite des politiques d’intégration. Pour ce faire, les comparaisons internationales sont utiles, non seulement pour fournir des points de référence et dégager les enjeux communs des pays, mais aussi pour stimuler l’apprentissage mutuel des pratiques efficaces et de celles qui ne le sont pas. La comparaison entre les pays de l’UE, d’une part, et les pays d’installation d’immigrés de l’OCDE, d’autre part, est particulièrement prometteuse à cet égard.
Si les politiques des pays d’accueil jouent un rôle clé dans l’intégration des immigrés, la coopération internationale peut et devrait favoriser ce processus. Cette publication montre une nouvelle fois qu’un manque d’intégration peut entraîner d’importants coûts économiques en termes de baisse de productivité et de croissance. Elle implique aussi des coûts et une instabilité politiques et, de façon plus générale, elle porte préjudice à la cohésion sociale. En outre, la mauvaise intégration des immigrés dans un pays d’accueil peut avoir des effets négatifs sur les perspectives d’intégration dans d’autres pays, ces difficultés d’intégration pouvant en effet influencer négativement la perception générale des immigrés. Les résultats médiocres des immigrés constituent aussi une contrainte pour la sphère politique dans la gestion à venir des migrations, que ces migrations aient lieu pour des motifs de travail, familiaux, ou humanitaires.
L’intégration est donc un enjeu majeur de l’élaboration des politiques à la fois nationales et internationales, et la présente publication intervient à un moment charnière pour ces dernières : l’adoption par les Nations Unies des pactes mondiaux sur les migrations et les réfugiés. Les deux pactes soulignent la nécessité d’améliorer la qualité des données et du suivi, qui sont essentiels à la prise de décisions éclairées. Cette deuxième édition du suivi conjoint UE-OCDE des résultats en matière d’intégration est une contribution importante à la réalisation de cet objectif. Nous espérons que ces travaux permettront de mieux prendre la mesure des succès déjà accomplis et des défis qui restent à relever, aussi bien au niveau national qu’international, et encourageront à agir.
Angel Gurría
Secrétaire général de l’OCDE
Dimitris Avramopoulos
Commissaire européen chargé de la migration, des affaires intérieures et de la citoyenneté