McDowell Regents’ David L.
La prochaine révolution de la production
Chapitre 6. Révolutionner la conception et le fonctionnement des produits grâce à l’innovation dans les matériaux
Abstract
Accélérer la découverte de matériaux nouveaux et le développement de matériaux afin d’améliorer la conception de produits et faciliter la personnalisation de masse à l’aide des technologies émergentes comme l’impression 3D. Cela est désormais possible grâce aux avancées réalisées sur plusieurs fronts, avec l’amélioration des instruments scientifiques, l’alliance de l’informatique à hautes performances avec des modèles prédictifs de la structure et des propriétés des matériaux, ou encore l’analyse de données. Jusqu’à présent, il fallait compter 15 à 20 ans entre la découverte d’un matériau en laboratoire et son utilisation dans la fabrication de produits. En cette nouvelle ère du numérique, les méthodes systématiques employées pour accélérer les processus de découverte et de développement des matériaux n’en sont qu’à leurs débuts. À terme, on devrait disposer de l’écosystème nécessaire pour croiser les nouveaux matériaux avec les technologies de fabrication numérique de façon à conférer de nouvelles fonctionnalités aux produits. Ce chapitre passe en revue un certain nombre d’initiatives engagées, de lacunes à combler et l’intervention des politiques publiques dans ce cadre.
Introduction
De tout temps, découvrir des matériaux et faire en sorte qu’ils répondent aux exigences du marché a été un exercice laborieux, itératif et intuitif, guidé par une certaine idée des nouveaux produits ou des améliorations dont les consommateurs auraient besoin. Par convention, cet exercice consiste à : i) définir un concept de matériau nouveau ou amélioré ; ii) obtenir le matériau voulu en laboratoire par expérimentation suivant la « méthode d’Edison » ; iii) mesurer les propriétés recherchées ; et iv) répéter, améliorer et affiner. Malheureusement, ainsi qu’il ressort de l’initiative pour le génome des matériaux (MGI, Materials Genome Initiative) menée aux États-Unis, cette façon de procéder signifie généralement qu’il faut attendre 15 à 20 ans avant d’obtenir des applications commercialement viables et au moins 20 ans de plus leur acceptabilité sociale (Kalil et Wadia, 2011 ; Holdren, 2014).
Au cours de la prochaine révolution de la production, les ingénieurs concevront conjointement les produits et leurs matériaux de fabrication (McDowell, 2007 ; Teresko, 2008). Le Graphique 6.1 montre les différents niveaux hiérarchiques de la structure des matériaux (de l’atome au composant) et les réponses qui y sont associées sont traités comme un sous-système. Pour ce qui est de l’organisation, ce même graphique distingue (en bas à droite), outre la séparation traditionnelle entre l’élaboration des matériaux et la certification de leurs propriétés au stade du développement, la sélection des matériaux qui intervient lors de la conception du produit, considéré ici comme un système. Dans le système traditionnel, les matériaux sont mis au point au niveau de la chaîne d’approvisionnement de manière à présenter les propriétés prescrites par les concepteurs des systèmes en collaboration avec les fabricants d’équipement d’origine (FEO) et ce sont généralement les concepteurs qui sélectionnent les matériaux les plus aptes à entrer dans la fabrication des produits. Dans le nouveau monde des matériaux sur mesure, le lien entre chaîne d’approvisionnement en matériaux et OEM/concepteurs va se resserrer jusqu’à ce que la structure hiérarchique des matériaux sera personnalisée aux produits à laquelle ils sont destinés (Graphique 6.1).
Selon toute vraisemblance, au XXIe siècle, le croisement des données massives, avec l’infrastructure et les technologies existantes transformera les moyens de communication, de transport et de commercer employés quotidiennement. Des produits, voire des branches d’activité, pourront voir le jour et se developper. Accélérer la découverte et le développement des matériaux n’implique pas seulement d’anticiper la demande des consommateurs, de la développer et de proposer des produits améliorés et compétitifs. Les nouveaux matériaux sont aussi porteurs de solutions pour de nombreux défis majeurs.
Les économies qui mènent des activités de développement et d’intégration technologiques en vue de relier la mise au point des matériaux à la fabrication des produits peuvent en tirer profit à condition d’instaurer durablement une culture propice à la répartition des processus de découverte, de conception et de développement des matériaux. Une telle culture est compatible avec un écosystème d’innovation dans les matériaux robuste au sein duquel les fournisseurs de matériaux, les FEO, les organismes gouvernementaux et les laboratoires évoluent aux côtés des prestataires de services et des universités, qui apportent le soutien technique nécessaire et forment les travailleurs de demain.
Ce chapitre traite en premier lieu des promesses offertes par les nouveaux matériaux à l’ère numérique, des tendances favorables à l’accélération de leur développement et de la nécessité de disposer d’un écosystème d’innovation idoine pour allier matériaux numériques et fabrication industrielle. Avant de conclure par l’examen de nouveaux défis pour les politiques publiques et la manière dont ils s’inscrivent dans les problématiques de longue date. Les mesures à prendre pour concrétiser les promesses offertes par l’accélération des découvertes, du développement et de l’élaboration des matériaux fondée sur le numérique seront discutées. Ces mesures sont les suivantes :
Construire une culture favorisant un écosystème d’innovation des matériaux.
Intégrer une chaîne d’approvisionnement numérique pour les matériaux.
Favoriser la cybercollaboration et les agents du web pour répartir les processus des matériaux et de fabrication.
Former la main-d’œuvre de demain.
Définir la marche à suivre et mettre en place le financement de l’infrastructure propre à l’innovation dans les matériaux.
Les promesses des matériaux nouveaux et améliorés
Le début de l’ère de l’information, l’efficience et la productivité sur le lieu de travail connaissent un formidable essor. Ces dernières décennies, l’automatisation a pris une importance considérable dans la production en masse, parallèlement au progrès de la conception numérique industrielle qui, en intégrant une réflexion sur les produits et procédés dès son premier stade, a connu une réduction des délais de mise sur le marché. Dans cette nouvelle ère de la fabrication numérique, il est possible d’étudier la géométrie dans l’espace et de les tolérances des pièces complexes et des assemblages avant la fabrication réellement physique, les informations sont transmises dans des fichiers de conception assistée par ordinateur (CAO) destinés à la production. Il ne faut toutefois pas perdre de vue que les produits sont fabriqués à partir de matière dont la forme, la structure et les propriétés constituent depuis longtemps une grande source d’incertitude qui limite l’horizon possible de la fabrication numérique. D’importantes questions persistent autour de la base sur laquelle repose la connaissance prédictive des propriétés et caractéristiques des matériaux existants, telles que l’usinabilité, le conditionnement de surface, l’interaction entre le processus de fabrication et la structure du matériau, la déformation et les tolérances, les contraintes résiduelles et la qualité de l’assemblage des matériaux constitutifs. Les nouvellestechnologies de fabrication, comme la fabrication additive et l’impression 3D, ont accru l’importance de ces questions et la nécessité de solidariser le développement des matériaux et la fabrication. À cela s’ajoute que les progrès de la fabrication numérique ne sont pas tributaires des catalogues et inventaires des matériaux standard et immédiatement disponibles. En effet, tout donne à penser qu’il sera possible de développer et de mettre en œuvre rapidement des matériaux nouveaux ou améliorés susceptibles d’être incorporés dans les flux de fabrication numérique et de conférer aux produits une fonctionnalité inédite et supérieure.
Si la découverte et le développement des matériaux s’accélèrent, c’est grâce aux progrès réalisés sur plusieurs fronts. Les avancées obtenues dans l’instrumentation scientifique – comme la sonde atomique tomographique, la microscopie électronique de transmission à très haute résolution (HRTEM) et le synchrotron à rayons x – permettent aux scientifiques et ingénieurs d’étudier les matériaux à une échelle plus fine et à un niveau de détail jamais atteint auparavant. L’évolution des méthodes et outils de simulation informatique est elle aussi déterminante. Encore faut-il intégrer ces avancées. Ces dix dernières années, la science des données et les grandes capacités de calculs ont servi à étudier des corrélations complexes de données et à évaluer rapidement les matériaux candidats. Cette pratique est en plein essor. La convergence des expériences très précises sur de gros volumes, de la simulation informatique, de la science des données et de l’informatique est en train de révolutionner les méthodes de fabrication qui peuvent tirer parti de la possibilité d’adapter les matériaux aux besoins du client. L’une des percées ainsi réalisées est l’impression 3D.
Cependant, les méthodes systématiques de découverte et de développement des matériaux commencent seulement à « prendre la vague » de la nouvelle ère numérique. Jusqu’à présent, il fallait compter 15 à 20 ans entre la découverte d’un matériau en laboratoire et sa mise en œuvre dans des produits. Cela tient notamment à l’importance de l’empirisme dans le développement des matériaux, qui s’inscrit largement dans une démarche déconnectée de la conception systémique et de la fabrication. Par ailleurs, l’usage veut que les mécanismes d’incitation en faveur de la productivité de la recherche universitaire privilégient les avancées en cascade de la recherche fondamentale plutôt que la transposition des découvertes en applications. Le développement et la certification des matériaux constituent des étapes essentielles de la « vallée de la mort » que les nouveaux matériaux doivent traverser pour sortir du laboratoire de recherche et entrer dans la composition de produits (Apelian, 2004). La progression récente de l’aptitude à créer et à manipuler les matériaux augmentera considérablement les possibilités de produire des biens et des services à la demande. La moindre modification de la composition ou de la structure d’un matériau peut considérablement modifier ses réactions ou lui conférer des fonctions entièrement nouvelles. On voit déjà apparaître des matériauxaux propriétés inédites, comme le métal étirable ou les matériaux ultralégers d’une densité comparable à celle de l’air. Les alliages exotiques, les matériaux composites ultralégers et ultrarésistants, les matériaux à mémoire de forme, capables de se régénérer tout seuls, de changer de forme ou de s’auto-assembler de manière organisée et les matériaux qui réagissent à la lumière et au bruit font désormais partie du paysage (The Economist, 2015). La manipulation des microstructures rend possible la mise au point de matériaux dont les propriétés varient au gré des besoins selon l’endroit où ils se trouvent dans la pièce ou le composant considéré.
L’ère des tâtonnements dans la découverte et le développement des matériaux touche à sa fin
Comme le montre le découpage de l’histoire en « âge de la pierre », « âge du bronze » et « âge du fer », les progrès de la civilisation ont toujours été étroitement liés à ses avancées dans les matériaux. À l’époque moderne, les « âges » se chevauchent et s’entremêlent. La révolution industrielle (l’« âge des machines »), marquée par l’apparition d’un large éventail de nouveaux matériaux au service de la productivité et de l’utilité, a rapidement laissé la place à l’« âge du silicium », qui a ouvert la voie à l’informatique omniprésente. Plus de la moitié des grandes percées technologiques du XXe siècle1 découlent d’une façon ou d’une autre des progrès réalisés sur les matériaux. C’est le cas de l’automobile, du fuselage et turbines à gaz des aéronefs, de la microélectronique, de l’aérospatiale, de l’imagerie et autres technologies médicales, des appareils électroménagers, des laser et de fibres optiques, de l’énergie nucléaire et des matériaux légers à hautes performances. Parallèlement à son intégration dansdes biens de consommation comme les téléphones mobiles, les ordinateurs, les appareils, les équipements sportifs et les voitures, chaque génération de nouvelle technologie de matériaux se banalise avec la baisse des coûts de développement et l’intensification de la concurrence entre fournisseurs. En revanche, les technologies de rupture se font plus rares et rythment l’équilibre des marchés en offrant des opportunités d’un changement rapide des préférences des consommateurs, ainsi qu’une concurrence pour la viabilité économique, voire de diversification de la production nécessaire à la survie des marchés qui seraient immobiles autrement. Les matériaux nouveaux et améliorés stimulent les marchés en remettant en question la position concurrentielle des produits existants.
Le XXe siècle aura été l’âge d’or de l’invention et des nouvelles technologies. Le XXIe siècle verra le progrès technologique poursuivre sur sa lancée. Alors que les scientifiques débattent de la question de savoir combien de temps encore la loi de Moore2 s’appliquera à la puissance de calcul fondée sur le silicium3, l’ère numérique a déjà bien avancé. Elle se caractérise par la connectivité mondiale, par la possibilité d’accéder sur demande à une vaste panoplie d’informations et de ressources numériques et par la capacité de stocker des flux numériques qui suivent toutes les étapes de la conception technique et du développement, de la fabrication et de la commercialisation. Paradoxalement, de par la nature de la connectivité mondiale, ces tendances sont plus subtiles, omniprésentes et se répandent plus rapidement qu’il y a 20 ans. Selon toute vraisemblance, au XXIe siècle, le croisement des données massives, de l’infrastructure et des technologies existantes transformera les moyens de communication, de transport et de commercer employés quotidiennement. Des produits, voire des branches d’activité, pourront voir le jour et s’étendre. Accélérer la découverte et le développement des matériaux n’impliquepas seulement d’anticiper la demande des consommateurs, de la développer et de proposer des produits améliorés et compétitifs. Les nouveaux matériaux sont aussi porteurs de solutions face aux nombreux défis majeurs que la National Academy of Engineering des États-Unis a mis en avant dans une étude de 20094 et dont le règlement se trouve fondamentalement limité par des considérations liées aux matériaux, tel que l’obtention de l’énergie de fusion, la production de l’énergie solaire économique, la séquestration du dioxyde de carbone, gérer le cycle de l’azote, accéder à de l’eau propre, réhabiliter l’infrastructure urbaine et concevoir les outils de découverte scientifique. L’inventaire envisageable des nouveaux modes de transport et de communication interpersonnelle est infini. Par exemple, les matériaux adaptatifs peuvent s’adapter à l’environnement et faire preuve de flexibilité à la demande en changeant de forme et de fonction. Les solutions mobiles et individuelles de conversion et de stockage de l’énergie permettent de travailler partout. Il est possible qu’à terme, les matériaux nouveaux et améliorés permettront de remplacer des organes malades ou endommagés, d’obtenir des sources durables d’alimentation et d’eau, de produire des biens de consommation non toxiques et recyclables, de développer l’informatique moléculaire, etc. Les synergies entre ces technologies se développeront de manière plus subtile et moins intrusive à mesure queles interfaces homme-machine deviendront plus intuitives.
Dans les années 80, le groupe de recherche sur l’acier (SRG, Steel Research Group) de l’Université Northwestern fut l’un des premiers, à concevoir et développer un matériau doté de propriétés ciblées (Olson, 1997 ; Apelian, 2004). Il s’est inspiré des modèles quantitatifs de relations structure-propriétés de la métallurgie physique pour passer de la découverte empirique de nouveaux types d’acier ou d’aciers améliorés à la conception intentionnelle. Grâce à l’évolution de la puissance de calcul, au cours des décennies suivantes, , ainsi que des méthodes et outils employés en science des matériaux, en physique et en chimie, il est désormais possible de modéliser et de simuler non seulement la structure, mais aussi les propriétés d’un matériau pour décider de la manière éventuelle de l’incorporer dans des produits. Des propriétés comme la conductivité thermique, la résistance, la rigidité, la ténacité et la résistance à la corrosion peuvent être intégrées de manière intentionnelle dans de nouveaux matériaux et ce, rapidement, avec le concours de la théorie des matériaux et du calcul informatique. Depuis une dizaine d’années, l’intégration de la modélisation et de la simulation par ordinateur dans la conception et le développement des matériaux fait l’objet d’une attention considérable et occupe une place centrale dansl’initiative engagée aux États‐Unis en faveur de l’ingénierie des matériaux par modélisation intégrée, sous l’appellation ICME (Integrated Computational Materials Engineering) (Pollock et Allison, 2008). L’objectif de cette approche est d’accélérer le développement des matériaux innovants ou améliorés ainsi que la mise en œuvre des matériaux connus dans des produits nouveaux, de mettre au point des technologies fondées sur les nouveaux matériaux et de trouver des moyens de perfectionner les produits et procédés existants. Par exemple, l’étude ICME de 2008 revient sur le projet de bloc-moteur en fonte d’aluminium de Ford Motor Company (Pollock et Allison, 2008). Particulièrement appréciée par les industriels, l’ingénierie des matériaux par modélisation intégrée ancre plus profondément la modélisation prédictive de la science et l’ingénierie des matériaux dans les processus de conception et de développement.
L’une des prémisses de l’initiative pour le génome des matériaux (MGI) susmentionnée est qu’il est possible d’accélérer la mise en œuvre des matériaux nouveaux et améliorés en favorisant l’exécution simultanée des phases du développement et du déploiement des matériaux indiquées dans le Graphique 6.2 (adapté de Holdren [2014]), lesquelles sont traditionnellement séquentielles et progressives. En d’autres termes, en anticipant, dès le stade du développement et de l’optimisation des propriétés en laboratoire, les exigences de certification et de fabrication auxquelles les matériaux devront satisfaire en aval, peuvent peut-être ramener le délai de mise en œuvre des matériaux nouveaux et améliorés à 7 ou 10 ans, voire moins , contre 15 à 20 ans auparavant. Il est également possible de réduire les itérations coûteuses et chronophages des étapes 2 à 6 du Graphique 6.2. À l’étape 4, il conviendrait de réfléchir aux filières de fabrication à emprunter et à la forme que revêtiront les produits dans la phase de déploiement.
L’Initiative pour le génome des matériaux part du principe qu’il est nécessaire de resserrer les liens entre l’expérimentation, le calcul, l’exploitation des données numériques et la science des données tant pour découvrir de nouveaux matériaux à un rythme accéléré que pour renforcer la simultanéité des étapes de l’aval. Traditionnellement accidentelle, la découverte de matériaux est de plus en plus orientée par la sélection combinatoire et peut prendre en considération l’intégration et la certification en aval. La MGI s’intéresse à la découverte de nouveaux matériaux et au développement à un stage précoce tandis que l’ICME s’intéresse directement à l’accélération des liens entre le développement des matériaux par une certification des propriétés et un déploiement produit. De plus en plus, de nouveaux matériaux sont spécialement mis au point pour des applications et produits précis5, alors que la pratique antérieure consistait à créer une gamme de matériaux disponibles, répertoriés dans un catalogue. Tout cela concourt à la fusion du développement des matériaux avec la fabrication et requiert des données numériques à toutes les phases.
D’importantes tendances qui caractérisent actuellement la recherche et développement (R-D) en matériaux contribuent à accélérer l’exécution coordonnée des processus de développement des matériaux et de fabrication dans l’ère numérique :
La démocratisation de la mécanique quantique : la mécanique quantique n’est plus le pré carré des physiciens et des chimistes comme il y a 30 ans : les ingénieurs s’en sont emparés à leur tour, dans leur formation et sur le terrain, pour y puiser une panoplie d’outils d’aide à la conception et au développement de matériaux dans des disciplines aussi diverses que la mécanique, l’aéronautique, le génie civil ou les sciences industrielles. La rencontre de l’informatique appliquée à la science des matériaux, de la micromécanique multi-échelles des matériaux et de l’informatique omniprésente montre combien l’informatique est utile à la découverte et au développement des matériaux.
La reconnaissance qu’il existe une hiérarchie dans la structure des matériaux, qui va de l’atome (sous-nanomètre) aux molécules en passant par les interfaces séparant les différents états de la matière, et que cette hiérarchie joue un rôle de premier plan dans la définition sur mesure des propriétés requises pour obtenir le comportement souhaité.
La faculté de jouer au jeu « et si » afin d’étudier le comportement potentiel des matériaux nouveaux et améliorés à l’aide de la modélisation et simulation prédictives.
Les progrès réalisés dans la caractérisation à haute résolution des matériaux et dans la mesure in situ, conjointement avec la représentation numérique des niveaux hiérarchiques de la structure des matériaux, qui fait partie des renseignements à relier à la fabrication numérique, au même titre que les informations classiques de géométrie dans l’espace et les tolérances.
L’intérêt de l’industrie pour la science des matériaux, la chimie et la physique, ce qui permet de prendre en compte les effets complexes de l’environnement, des procédés de fabrication et des conditions de fonctionnement.
La consignation numérique des flux qui permet de retracer la manière dont les matériaux sont synthétisés ou traités, les méthodes employées pour mesurer leur structure et leurs propriétés ainsi que l’utilisation qui en est faite dans des produits manufacturés précis, autrement dit la généalogie du matériau, sa signature traçable. Tout cela se combine avec une architecture de l’information (théorie de l’information, bases et référentiels de données, interfaces numériques et cybercollaboration répartie).
L’apparition d’une théorie et de méthodes formelles d’aide à la décision dans le développement des matériaux (considérant l’utilité ou la valeur de l’information pour l’aide à la décision en matière de conception, la programmation des objectifs, l’économie de l’information et les méthodes de gestion de l’incertitude) allié aux flux numériques.
C’est probablement au point de rencontre des données massives et des matériaux que réside le plus fort potentiel de transformations propices à la poursuite de plusieurs des autres grandes tendances. Par exemple, la révolution des données massives a gagné la prévision météorologique, les projections du changement climatique et la cybersécurité (Chapitre 2). L’industrie des matériaux numériques n’y a pas échappé, quoique son impact soit souvent minimisé, en particulier en ce qui concerne la diversité et le volume des données sur les matériaux (Mellody, 2014). Modéliser par ordinateur les dynamiques du comportement de tous les atomes présents dans un cube de métal cristallin de 1 mm d’arête (ce qui représente environ 15 fois l’épaisseur d’un cheveu humain) présente une difficulté comparable à d’autres applications des données massives. En général, la structure d’un matériau transformé ou en service subit dans le temps des modifications plutôt non linéaires et dynamiques. Pour mieux comprendre et prévoir ses applications, il est indispensable d’utiliser des modèles et représentations à l’échelle « gros grain ». Cette particularité des données massives est peut-être restée dans l’ombre du fait que les spécialistes des matériaux ont toujours privilégié les élémentsde description plus restrictifs, comme les « propriétés » mesurées, alors qu’il est désormais courant d’obtenir des téraoctets d’information en réalisant des expériences in situ à haute résolution temporelle et spatiale. Quand bien même les inventaires de propriétés feraient encore l’affaire pour les matériaux depuis longtemps en circulation, ce n’est pas le cas pour les matériaux qui attendent d’être développés. La représentation numérique ascendante (à partir de l’échelle atomique) de la structure des matériaux fournit une pléthore d’informations utiles pour les phases ultérieures de fabrication et de déploiement. Et il ne s’agit là que de la partie immergée de l’iceberg. Voilà pourquoi il est nécessaire de considérer le développement des matériaux sous un angle beaucoup plus large. Tel est précisément l’objet de la section suivante.
L’écosystème de l’innovation dans les matériaux
Il ne fait aucun doute qu’au XXIe siècle, nous irons plus avant dans l’ère numérique en franchissant le seuil de l’internet des objets pour entrer dans l’âge de l’informatique omniprésente, des capteurs et des réseaux grâce aux données massives. La convergence des progrès réalisés dans plusieurs disciplines – science des données et informatique, science des matériaux, modélisation multi-échelles et multiphysique, représentation numérique de la structure des matériaux et des métadonnées associées, mesure in situ, diagnostic industriel et de procédés en ligne, automatisation et commande, mesure et gestion de l’incertitude, ou encore conception intégrée des systèmes – offre la perspective de « boucler la boucle » entre la mise au point des matériaux, la fabrication et le développement de produits nouveaux et améliorés (McDowell, 2007). La notion d’écosystèmes de fabrication6 a pris une ampleur considérable7, de même que la réflexion sur les écosystèmes industriels8. Pourtant, le rôle central et moteur de la découverte et du développement des matériaux se trouve largement exclu de leur champ. Voilà pourquoi l’innovation des matériaux a besoin d’un écosystème d’unnouveau genre, qui modifie la place des FEO dans la chaîne d’approvisionnement en matériaux ainsi que le caractère de la recherche universitaire moderne et sa relation avec l’industrie et les pouvoirs publics. Cet écosystème devrait resserrer le lien entre la découverte des matériaux, leur développement et la fabrication des produits. Pour en libérer le potentiel, il est indispensable de pouvoir représenter la structure hiérarchique des matériaux (y compris leur composition chimique) à plusieurs niveaux sous une forme numérique, conjointement avec les données tirées des résultats de simulations, d’expériences et d’autres sources d’information et métadonnées connexes (importants renseignements complémentaires sur les données), de manière à disposer d’une base objective de communication. Ce sont ces données qui circulent dans l’écosystème. L’Institute for Materials9 de Georgia Tech (Georgia Institute of Technology) prône une vision de l’écosystème d’innovation des matériaux fondée sur la notion de « banc d’essai », telle qu’illustrée par le Graphique 6.3 (McDowell et Kalidindi, 2016). Le diagramme de Venn intérieur correspond au croisement des expériences, de l’informatique et des données numériques, selon le plan stratégique de la MGI (Holdren, 2014). Il constitue le cœur d’un réseau multidisciplinaire, réparti et collaboratif,alliant développement des matériaux et fabrication. L’accélération du développement des matériaux passe par l’application de méthodes à haut rendement, ce qui suppose l’existence d’une infrastructure de l’information numérique assurant la connectivité. Il s’agit là du point central à partir duquel on commence à s’écarter de la conception classique du développement des matériaux. En puisant dans les solides fondations de la découverte, de la synthèse et du traitement des matériaux, de leur caractérisation et de la représentation de leur microstructure, cet écosystème rassemble des éléments des domaines suivants : science des données sur les matériaux et informatique ; optimisation de la conception de systèmes pluridisciplinaires ; matériaux cognitifs ; données et métadonnées sur les matériaux numériques ; modélisation multi-échelles ; capteurs et automatisation ; modèles de procédés unitaires pour la fabrication ; mesures in situ et changement d’échelle industrielle ; et principes de la mesure de l’incertitude, de la vérification et de la validation. Les entrepreneurs se réunissent en réseaux pour concevoir et exploiter des flux types permettant aux matériaux de passer de l’étape de l’invention à celle de l’application. Enfin, une plateforme de cybercollaboration est essentielle pour coordonner les activités des différentsexperts et acteurs de cette infrastructure numérique, comme indiqué sur le Graphique 6.3. La recherche fondamentale universitaire peut adopter le paradigme de « l’utilisation comme source d’inspiration » (Stokes, 1997), qui vise à relier les progrès des matériaux obtenus en aval aux grandes technologies de transition et aux nouvelles technologies de matériaux de rupture, comme les batteries nanostructurées de stockage d’énergie, les matériaux ultrarésistants et les matériaux de séparation (Pearce, 2013).
Les nouveaux matériaux renferment un potentiel de rupture
On s’expose généralement à un plus grand potentiel de rupture en développant de nouveaux matériaux qu’en améliorant ceux existants. Les nouveaux matériaux sont porteurs d’innovation. Ainsi, il y a plusieurs dizaines d’années, l’arthroplastie de la hanche a été révolutionnée par la technique de fixation fondée sur la croissance osseuse dans des structures en matériaux poreux, en remplacement du ciment10. La Commission européenne rapporte que11, « d’après les estimations, 70 % des innovations de produit font intervenir des matériaux dotés de propriétés nouvelles ou améliorées ».
L’histoire a retenu l’exemple du caoutchouc vulcanisé12. Le procédé inventé au XIXe siècle consiste à améliorer la durabilité du caoutchouc naturel ou synthétique par addition de soufre ou d’autres produits modifiant la réticulation des chaînes de polymères. Une kyrielle de produits de transformation des polymères a ensuite été mise au point, entraînant des avancées considérables dans les pneus automobiles, le matériel orthopédique, les matériaux composites et bien d’autres applications. Dans le contexte de la prochaine révolution de la production, l’un des buts de la découverte et du développement de matériaux est de remplacer l’approche empirique par une stratégie plus systématique, assistée par ordinateur. Comme on le voit sur le Graphique 6.2, la découverte précède le développement.
Voici deux exemples de méthodes scientifiques plus systématiques appliquées à la découverte des matériaux. Le Materials Project13 a pour mission « d’accélérer la découverte de nouveaux matériaux technologiques à l’aide d’outils avancés de conception innovante et d’informatique scientifique ». Parmi ces outils figurent les stratégies logicielles et computationnelles novatrices, ainsi que les méthodes de sélection de nouveaux matériaux destinés à des applications précises. En combinant science des matériaux évolutifs et grappes de calcul intensif, le Materials Project avait prédit l’utilisation de plusieurs matériaux dans la fabrication de batteries, lesquels matériaux ont été élaborés et testés en laboratoire. De la même façon, il avait également mis en évidence les nouveaux oxydes transparents et conducteurs ainsi que les matériaux thermoélectriques. De son côté, en alliant les méthodes d’ingénierie des matériaux par modélisation intégrée (ICME) à sa technologie Materials by Design, la société QuesTek Innovations LLC14 est parvenue, en peu de temps, à mettre au point de nouveaux alliages, revêtements et autres matériaux à hautes performances. Il s’agissait en l’occurrence de couplerdes connaissances et des outils de conception physique et numérique avec les techniques de caractérisation avancée afin de réduire au minimum le coût et la durée des expériences et obtenir rapidement un petit nombre de prototypes itératifs correspondant à différentes échelles. Parmi les matériaux conçus de la sorte, on peut citer les aciers Ferrium, qui sont commercialisés, ainsi que les alliages à base d’aluminium, de titane, de nickel, de molybdène, de tungstène, de niobium, de cuivre, de cobalt et autres matériaux en cours de développement. Ces aciers à base de fer sont actuellement évalués et employés dans un large éventail d’applications contraignantes et primordiales pour la sécurité, notamment dans les secteurs de l’aérospatiale et des hydrocarbures.
De l’importance des matériaux améliorés
En utilisant la simulation pour mettre au point des matériaux, les entreprises peuvent économiser du temps et de l’argent puisque les itérations moins nombreuses éliminent les tâches répétitives. Les stratégies d’ICME fondées sur la simulation pour éclairer la prise de décisions liées au développement des matériaux permettent d’obtenir de meilleurs produits, par exemple des structures hiérarchiques plus résistantes et nettement plus complexes. En intégrant efficacement la modélisation et la science des données dans l’aide à la décision liée au développement de produits, on pourrait aussi réduire le temps écoulé entre la découverte d’un matériau et son utilisation à des fins commerciales. Dans le passé, ce délai pouvait atteindre, voire dépasser 20 ans (Holdren, 2014). Aux États-Unis, le programme AIM (Accelerated Insertion of Materials), conduit par la DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency) de 2000 à 2003 (McDowell et Olson, 2008 ; McDowell et Backman, 2010), a eu un impact considérable. Il s’agissait de mettre au point et d’intégrer une suite de procédés et de modèles des-microstructure-propriétés dans l’analyse de l’incertitude appliquée aux disques de turbine à gaz et optimisés grâce à un superalliage de nickel. Le programme AIM a démontré la possibilité de réaliser d’immenses gains de temps. Dans le cas d’un moteur aérospatial,l’optimisation simultanée des processus de conception et de fabrication a permis d’aboutir à un disque de rotor plus léger de 21 % et plus résistant de 19 % par rapport à d’autres modèles, tout en réduisant de moitié la durée habituelle du cycle de développement (Holdren, 2014). La chaîne d’approvisionnement en matériaux pourrait s’en trouver transformée. Les grandes entreprises vont de plus en plus rivaliser dans la mise au point de nouveaux matériaux. En effet, l’application d’un procédé de fabrication breveté à des matériaux également brevetés offre la garantie de se démarquer durablement de la concurrence (The Economist, 2015). En d’autres termes, innover dans les matériaux au niveau des FEO et des chaînes d’approvisionnement permet de garder une longueur d’avance dans la course au développement de nouveaux produits. Les systèmes de gestion des connaissances qui en résultent sont algorithmiques par nature, mais aussi fortement imprégnés d’une culture, ce qui les rend difficiles à reproduire. Par ailleurs, les entreprises peuvent reconnaître les technologies de rupture à venir tout en améliorant les matériaux existants à l’intérieur de leur écosystème d’innovation.
Matériaux et fabrication numériques
On entend par « fabrication numérique » l’utilisation d’un système informatisé intégré qui regroupe la visualisation tridimensionnelle (3D), la simulation, l’analytique et divers outils de collaboration pour définir simultanément les produits et le procédé de fabrication15. D’après un article de McKinsey and Company paru en août 201516, « les chefs de file de l’industrie et du monde universitaire s’accordent à dire que les technologies de fabrication numérique vont transformer chacun des maillons de la chaîne de valeur industrielle de la R-D au SAV en passant par l’approvisionnement, les opérations d’usine, le marketing et la vente ». On y apprend plus loin que le secteur manufacturier génère plus de données que n’importe quel autre secteur industriel mais qu’une grande partie reste inexploitée, que « la transformation numérique du secteur manufacturier mondial, qui pèse plus de 10 000 milliards USD, durera au moins dix ans » et que « Boeing a conçu ses deux derniers modèles de fuselage, destinés aux 777 et 787, sur la base du tout virtuel, réduisant ainsi de plus de la moitié le délai de mise sur le marché ». Airbus s’emploie activement à développer des matériaux composites et autres matériaux avancés pour les utiliser dans la conception et la construction d’aéronefsainsi qu’à mettre au point des technologies de nature à accroître la part des matériaux composites dans ses appareils17. Ces efforts sont menés parallèlement au développement des matériaux, généralement considéré comme faisant partie intégrante de la chaîne d’approvisionnement industrielle, quelque peu à l’écart des ensembles de données exploités dans la fabrication numérique. Le concept de « jumeau numérique »18 a été imaginé pour désigner une représentation numérique virtuelle d’un système physique – àl’instar du modèle tridimensionnel d’un objet ou de la réunion des composants de sous-ensembles ou d’ensembles – et susceptible de faire figurer la forme et la fonction d’objets physiques dans des calculs numériques. Le jumeau numérique permet notamment d’utiliser le retour des capteurs du système réel pour observer et contrôler la réponse de la représentation virtuelle. L’idée est que, comme dans le cas des jeux vidéo en réalité augmentée, le jumeau numérique incarne fidèlement tous les éléments physiques voulus de la réponse du système, des interactions complexes et même la détérioration ou les dysfonctionnements. En d’autres termes, le jumeau numérique peut servir à créer, construire et tester des équipementsou des pièces manufacturées dans un milieu virtuel19.
D’après Glaessgen et Stargel (2012), les moyens habituels ne permettront pas de faire face au déluge d’informations que fourniront les capteurs installés sur les futurs véhicules de la NASA et de l’US Air Force. Les approche de gestion de la flotte traditionnelle sont trop limitées et engendrent une incertitude trop grande, compte tenu des décalages temporels et du contenu limité de l’information qu’impliquent les schémas classiques d’inspection matérielle. Le concept de jumeau numérique qui lie le système embarqué de gestion de l’état du véhicule, son registre d’entretien et les données disponibles sur la flotte (données historiques incluses) simulera l’espérance de vie restante du vrai « jumeau ». Il a même été proposé d’y recourir pour surveiller l’état d’une flotte d’aéronefs militaires et assurer sa maintenance20.
Pour que le jumeau numérique soit le plus réaliste possible, il doit tenir compte de la structure et du comportement des matériaux, sans oublier naturellement l’incertitude des modèles de comportement et de dégradation en service. Une simulation ou les corrélations de données doit être incorporé au jumeau numérique. Par anticipation de la certification en aval des applications (Graphique 6.2), on peut concevoir, voire modifier les matériaux en se fondant sur la réaction du jumeau numérique ainsi qu’en comparant son comportement avec celui des systèmes sur le terrain. La perspective s’ouvre ainsi d’améliorer en permanence la qualité de la flotte, par exemple en couplant la mise au point de matériaux nouveaux et améliorés avec des composantes essentielles. L’ICME (Pollock et Allison, 2008) fait appel aux méthodes computationnelles et à la science des données pour étayer le développement de matériaux destinés à des applications produits. La représentation numérique des microstructures aléatoires et le calcul prédictif des relations structure-propriétés d’un éventail de microstructures réalistes sont les principales composantes technologiques de cette approche. Elle suppose d’intégrer avec les processus de fabrication, les fichiers numériques de CAO contenant les informations de nature géométrique et autres sur les matériaux utilisés dans les composants manufacturés, ainsi que des renseignements utiles concernant l’inspection,le contrôle de procédé et le contrôle-qualité.
Le concept de jumeau numérique se prête particulièrement bien à la fabrication additive de pièces d’usinage, de réparation et de remplacement, ainsi qu’au prototypage. La fabrication additive permet de créer de nouvelles formes physiques et, par conséquent, des produits nouveaux ou améliorés. Elle permet aussi de faire varier dans l’espace les propriétés de la matière constitutive d’une pièce de manière à en optimiser le comportement compte tenu de l’ensemble d’exigences spécifié pour le système (Chapitre 5).
Défis à relever pour que, demain, l’innovation s’accélère dans les matériaux
Comme indiqué en introduction au présent chapitre, de nombreux défis doivent être relevés pour que soit possible le développement et la fabrication de matériaux numériques. Tel est l’objet de la suite du chapitre, qui se conclura par une liste de défis majeurs pour les politiques publiques.
Construire une culture de l’innovation des matériaux et son écosystème
Les économies qui sauront le mieux tirer parti de cette nouvelle conception intégrée des processus de développement de matériaux et de fabrication de produits fondés sur le numérique sont celles qui sont le plus à même de développer et d’enrichir la culture de l’innovation. Les conditions indispensables à réunir à cet égard sont : disposer d’une robuste chaîne d’approvisionnement en matériaux, une bonne répartition des prestataires de services et pouvoir suivre les données numériques et les flux de travail. Cette évolution culturelle émanera probablement des universités, qui formeront les nouveaux travailleurs, et des FEO, qui concrétiseront l’innovation en matériau, mettront à profit l’investissement public et pèseront sur l’élaboration des politiques.
L’écosystème d’innovation des matériaux représenté sur le Graphique 6.3 est centré sur l’humain ainsi que sur l’infrastructure cyberphysique d’aide à la décision en matière de découverte et de développement des matériaux. Loin de les remplacer, il enracine les meilleures pratiques. Pour que cet écosystème atteigne sa plénitude, les parties prenantes et les experts doivent être répartis et collaborer à toutes les phases périphériques indiquées sur le Graphique 6.3. Il est trop vaste pour s’articuler autour d’un seul domaine, comme les matériaux ou la fabrication. Son étendue mettra à rude épreuve les universités, puisqu’il déborde du périmètre des facultés, voire des établissements d’enseignement post-secondaire (colleges). Les petites et moyennes entreprises peuvent s’interroger sur la manière de classer leurs investissements par ordre de priorité, compte tenu des moyens limités, ou de consacrer leurs propres ressources à la collaboration avec autrui. De leur côté, les grandes entreprises et les secteurs industriels pourraient souhaiter se doter de leur écosystème maison, proche de celui présenté sur le Graphique 6.3 en taille et en portée.
Les « données numériques » sont fondamentales pour représenter la structure des matériaux, pour insérer leur développement dans la fabrication, mais aussi pour suivre l’évolution des collaborations et les communications relatives à la découverte et à la mise au point d’un matériau donné, en d’autres termes les flux types de l’information numérique et des décisions. Le processus dans son intégralité se prête plutôt bien à la discipline moderne qu’est la science des données. La mise en place d’un écosystème de l’innovation dans les matériaux ouvrira un nouveau champ des possibles pour les prestataires capables d’assurer des services spécialisés à la demande (fourniture de données, analyses scientifiques des données, synthèse et traitement des matériaux, tests de propriétés et de caractérisation, mesure de l’incertitude, modélisation et simulation et autres outils de soutien), ce qui pourrait déboucher sur une redéfinition du rôle des chaînes d’approvisionnement en matériaux et des chaînes logistiques manufacturières. Cet écosystème doit se développer de manière systémique et organique, à la faveur de l’enseignement, de la formation et de la définition des meilleures pratiques. Le futur écosystème de l’innovation dans les matériaux reposera sur une infrastructure de l’information numérique. Sa mise en place ne pourra donc pas sefaire sans le concours des communautés qui ont commencé à se former dans l’industrie et la science des données et c’est pourquoi les emplois du type « spécialiste des données sur les matériaux » sont appelées à devenir monnaie courante. Outre les méthodes à haut rendement, il faudrait insister autant sur l’importance de la connectivité des experts disséminés au sein de l’écosystème que sur des technologies précises. Enfin, dans cet écosystème, il est indispensable de mesurer et de gérer l’incertitude liée aux données et aux modèles pour étayer la prise de décisions concernant le développement des matériaux et les investissements à réaliser afin que la fabrication change d’échelle.
S’il importe d’intégrer plus efficacement les matériaux nouveaux et améliorés dans le développement et la fabrication des produits, il faudrait aussi mener à bien les tâches ci‐après, dont la liste n’est pas exhaustive.
Privilégier les initiatives de R-D dans les organismes gouvernementaux.
Favoriser les mélanges d’expérience et modèles informatisés pour contribuer aux décisions concernant le développement de matériaux nouveaux et améliorés, en tenant compte du retour sur investissement. Les méthodes empiriques de développement des matériaux, fondées sur des protocoles expérimentaux chronophages, ont un coût élevé. La question est de savoir comment raccourcir au maximum ces protocoles en étayant de manière fiable la prise de décisions liées au développement des matériaux à l’aide des informations obtenues par modélisation et simulation, et par des corrélations complexes de données.
Accorder la priorité aux mécanismes et aux phénomènes de la science des matériaux pour modéliser toute conception et de développement de matériau.
Réaliser des études de faisabilité pour établir le retour sur investissement probable des nouveaux systèmes matériels considérés.
Intégrer une chaîne d’approvisionnement numérique pour les matériaux
Le Graphique 6.4 montre comment, la représentation numérique de la structure des matériaux utilisée pour la conception et du développement des produits, fera évoluer le rôle de la chaîne d’approvisionnement en matériaux par rapport à la pratique établie (partie inférieure droite du Graphique 6.1). Dès lors que l’on privilégie la représentation numérique de la structure hiérarchique des matériaux (ligne pleine inclinée, à gauche sur le Graphique 6.4), plutôt que les propriétés traditionnelles (line en pointillé inclinée, à droite), les fournisseurs de matériaux sont tenus de conserver et de transmettre des informations numériques sur la structure. La relation traditionnelle chaîne d’approvisionnement-FEO-production est perturbée et transformée, mais satisfait aux mesures de la structure et aux exigences de propriétés spécifiées par les FEO. Plus précisément, l’information numérique relative à la structure des matériaux, mais aussi les renseignements connexes sur les relations structure-propriétés seront transmis aux outils de conception et de fabrication virtuelles employés par l’FEO et d’autres clients. Cela comprend les métadonnées relatives aux mesures des propriétés, les modèles de simulation et/ou d’analytique et tout l'historique dela transformation du matériau, à savoir comment le matériau est fabriqué. Par ailleurs, une grande partie des tâches d’ingénierie des matériaux par modélisation sera transférée dans la chaîne d’approvisionnement, où les prestataires de services liés aux matériaux numériques devront satisfaire de nouvelles exigences. A l’intérieur d’un tel écosystème, l’adaptation des matériaux en fonction des exigences de performance des produits peut être traitée sur une base contractuelle (ce qui est difficile à l’heure actuelle), les nouvelles PME spécialisées vont se multiplier à la jonction entre l’approvisionnement en matériaux et les FEO. La société QuesTek LLC, évoquée plus haut, en est un bon exemple. Les entreprises spécialisées dans la science des données peuvent fournir des services et analyses utiles pour mettre en évidence les nouveaux matériaux ou les améliorations potentiellement réalisables grâce au rapprochement des matériaux et de la fabrication. Il sera nécessaire de forger des consortiums public-privé et d’investir dans la valorisation de la main-d’œuvre de demain pour développer la culture associée à ce nouveau paradigme.
Cybercollaboration et approche des agents du web au service des processus des matériaux et de fabrication
Couplé à l’écosystème de fabrication d’un secteur industriel donné, l’écosystème d’innovation des matériaux représenté sur le Graphique 6.3 est par essence réparti. La concurrence qui s’exerce à l’intérieur de la chaîne d’approvisionnement de l’écosystème, tant pour les matériaux que pour les services (par exemple, données, analyse des données, expériences et calculs), peut concourir à accélérer les processus tout en réduisant les coûts.
L’information numérique jouant un rôle central dans l’innovation des matériaux, le partage des données numériques est une question fondamentale. Des incitations sont indispensables pour encourager les échanges d’information mutuellement bénéfiques (McDowell, 2013). Dans l’ère des matériaux numériques, les revues spécialisées dans l’innovation à l’interface de ces matériaux et de la fabrication, comme Integrating Materials and Manufacturing Innovation21, continueront de proliférer, alors que les titres plus anciens chercheront un créneau à occuper. Aux États-Unis, l’Institut national des normes et de la technologie (NIST)22 est pionnier dans la tenue d’un registre de matériaux et des données ouvertes dans le cadre de la MGI. Les activités connexes d’archivage des données sont réparties entre les différents organismes gouvernementaux qui siègent au sous-comité de la MGI (SMGI)23.
De toute évidence, il est difficile d’imaginer qu’une entreprise puisse à elle seule ériger un édifice si étendu, qui combinerait les informations de la recherche pré-concurrentielle et les capacités des meilleurs prestataires de services avec des bases de données et d’applications protégés par la propriété intellectuelle. Dans un avenir lointain, les acteurs des matériaux et de la fabrication participeront depuis les quatre coins du globe à l’infrastructure cyberphysique de l’innovation des matériaux. Encore au stade embryonnaire, cette infrastructure se compose actuellement de technologies sous-développées : i) synthèse/traitement, caractérisation et mesure des propriétés des matériaux à haut rendement ; et ii) infrastructure de l’information (McDowell et al., 2014). Les plateformes et prestataires de services répartis peuvent concourir à la réalisation d’un grand nombre des objectifs susmentionnés en participant à l’infrastructure de l’information sur les matériaux à travers différents services (par exemple, modélisation des matériaux basée sur la mécanique quantique, méthode des éléments finis, méthodes de découverte et de développement à haut rendement et applications modernes de la science des données). Entre autres exemples de plateformes et de prestataires de services, on peut citer : le Materials Project, déjà évoqué, du Laboratoire national LawrenceBerkeley (LBNL) ; la base de connaissance ouverte sur les modèles d’interaction interatomique OpenKIM (Open Knowledgebase of Interatomic Models) de l’Université du Minnesota24, plus précisément dédiée aux potentiels interatomiques ; le Centre de conception hiérarchique des matériaux (Center for Hierarchical Materials Design, CHiMaD)25, chapeauté par le NIST en collaboration avec l’Université Northwestern, le Laboratoire national d’Argonne et l’Université de Chicago ; et le Centre PRISMS du Département de la défense des États-Unis (US DOE), hébergé par l’Université du Michigan26. Les registres de matériaux et référentiels de modèles recensés aux États-Unis sont notamment ceux du NIST27, Citrine Informatics28, NanoHuB29 et Materials Data Facility du National Data Service30. Il en existe aussi en Europe (par exemple, le référentiel NoMaD [Novel Materials Discovery]31) et en Asie (notamment au Japon, à l’Institut national pour la science des matériaux [NIMS]32). Dans l’ensemble, ces plateformes ne pratiquent pas la cybercollaborationrépartie.
Telle qu’elle est envisagée, l’infrastructure de l’information sur les matériaux comportera des éléments d’un genre inédit qui n’existaient pas auparavant et qui créeront des marchés de niche susceptibles pour la plupart de s’intégrer dans l’architecture cybercollaborative :
registres et référentiels numériques de données sur les matériaux
services et applications de données web et en nuage, qui ajoutent de la valeur ajoutée en aidant à interpréter les données utiles à la découverte et au développement de matériaux
agents du web et vendeurs de services d’appui à la modélisation et à la simulation
attribution et certification des « niveaux de maturité » des données ainsi que des outils de modélisation et de simulation
vendeurs de services combinant matériaux et procédés industriels unitaires (par exemple, utilisation de modèles informatiques ou de corrélations avancées dans l’usinage ou la transformation d’articles métalliques).
Cette infrastructure de l’information pourra être répartie et exploitée de manière très large, moyennant des attributs « prêts à l’emploi » généralisés.
Former la main-d’œuvre de demain
L’innovation des matériaux est déjà enseignée à l’université, par exemple dans le cadre du master en science et simulation des matériaux de l’Université de la Ruhr à Bochum33 ; des formations en ICME de l’Université d’État du Mississippi34, du diplôme de master mention Conception de l’Université Northwestern35 et du programme FLAMEL (From Learning, Analytics, and Materials to Entrepreneurship and Leadership) de la Georgia Tech (NSF IGERT)36. Elle fait également l’objet de programmes dispensés dans des « écoles d’été », notamment à l’université A&M du Texas (IIMEC Summer School on Computational Materials Science Across Scales)37, à l’Université du Michigan (Summer School on Integrated Computational Materials Education)38, au Laboratoire national Lawrence Livermore (LLNL) (Computational Chemistry and Materials Science Summer Institute)39 et à l’Université de Floride, dont le Cyber-infrastructure for the Atomistic Materials Science Center organise un atelier d’été40.
Il conviendrait d’élaborer et de proposer des programmes d’enseignement transversaux ainsi que des formations courtes en ingénierie et en sciences abordant les sujets suivants : informatique appliquée à la science des matériaux, méthodes expérimentales à haut rendement, caractérisation et mesure des propriétés des matériaux avancés, méthodes inverses et métamodélisation, mesure de l’incertitude, vérification et validation, science des données et fabrication systémique. Outre des impératifs économiques, quantifier l’incertitude dans les relations procédés-structure et structure-propriétés des matériaux implique une grande profondeur scientifique. En abordant la mesure et la gestion de l’incertitude conjointement avec l’ingénierie systémique, il est possible de donner un formidable coup d’accélérateur aux activités d’innovation des matériaux, ainsi que la Société des minerais, des métaux et des matériaux (TMS) l’a récemment souligné dans une étude41. Pour contribuer à former la main-d’œuvre de demain, l’Institute for Materials de Georgia Tech propose sur Coursera42 deux cours en ligne gratuits qui expriment un point de vue favorable à l’égard de la MGI : le premier s’intitule « Sciences des données sur les matériaux et Informatique »43 et le second « Introduction au développement des matériaux à haut rendement »44.
Encadré 6.1. Conditions à remplir pour la main d’œuvre de demain
Le nouvel écosystème de l’innovation des matériaux aura besoin d’une main d’œuvre spécialisée dotée d’une palette de compétences nouvelle et élargie. D’où la nécessité de repenser et d’étoffer les programmes universitaires et les outils pédagogiques afin d’y intégrer les différents éléments de l’infrastructure d’innovation des matériaux présentés dans le Graphique 6.3. Cette refonte doit aller au-delà de l’enseignement classique pour jeter des passerelles entre les disciplines universitaires de l’ingénierie et de la science qui soutiennent intrinsèquement l’ensemble. Par exemple, les programmes universitaires sont très lacunaires en ce qui concerne la mesure de l’incertitude et les protocoles d’aide à la décision dans le développement des matériaux. Cela tient au fait que, pour découvrir et mettre au point des matériaux, les spécialistes privilégient la méthode scientifique ascendante, qui est loin des considérations de la conception technique des produits-systèmes. Le traitement de l’incertitude relève généralement de la conception systémique, de la science des données et de l’optimisation en présence d’incertitude.
Les défis des données incitent à élaborer des mécanismes afin de rassembler tous les éléments nécessaires de l’analyses de données, d’expériences et de calculs ainsi qu’à attirer l’attention des travailleurs de demain sur l’accélération de la découverte et du développement des matériaux. Le Challenge sur les données de la science et de l’ingénierie des matériaux, que le laboratoire de recherche de l’US Air Force a parrainé de 2015 à 2016 en partenariat avec le NIST et la Fondation nationale pour la science des États-Unis45 est un bon exemple.
Définir la marche à suivre et le financement de l’infrastructure propice à l’innovation dans les matériaux
Il ressort de la MGI des États-Unis que l’infrastructure de l’innovation dans les matériaux a pour clé de voûte la superposition de l’expérimentation, de la modélisation et simulation informatiques et des données (référencées, archivées, analysées). Elle correspond au centre de l’écosystème d’innovation des matériaux illustré sur le Graphique 6.3. Toutefois, dans la plupart des pays développés, les investissements destinés à l’infrastructure de recherche en matériaux ont essentiellement concerné jusqu’ici les installations pour la synthèse et la caractérisation des matériaux haut de gamme, et moins les méthodes à haut rendement et le traitement des matériaux. La science des données et l’informatique appliquées aux matériaux n’en sont qu’à leurs débuts. Que ce soit en Amérique du Nord, en Europe ou en Asie, peu d’universités proposent dans ce domaine des programmes d’enseignement aboutis. Au-delà de l’information numérique, l’infrastructure de l’innovation dans les matériaux doit, sur le plan matériel, permettre : i) de synthétiser et de transformer les matériaux avec un haut rendement, ii) de définir leurs caractéristiques, iii) de mesurer leurs propriétés ; ainsi que iv) d’effectuer des calculs à hautes performances et de stocker des données.
Des entreprises appartenant au classement « Fortune 500 », comme IBM46, mais aussi des PME comme Wildcat Discovery Technologies, Inc.47 ont commencé à investir dans la mise en place d’une infrastructure intégrée de l’innovation des matériaux alliant l’expérimentation et le calcul à la science des données au service de la découverte de matériaux. L’investissement est lent en matière de l’infrastructure nécessaire pour produire des biens manufacturés dans divers secteurs, comme les transports, l’énergie et la sûreté. Ce constat vaut tout particulièrement pour les installations partagées. En effet, il se pose la question de savoir comment investir dans ces nouveaux types d’infrastructure transversale, nécessaires pour accélérer la découverte et le développement des matériaux, tels que les instruments à haut rendement de caractérisation des matériaux, de mesure des propriétés et de synthèse ou traitement des matériaux. À l’instar de l’infrastructure scientifique haut de gamme de la recherche en matériaux, à laquelle appartiennent le synchrotron à rayons x et la diffraction neutronique, ces capacités devraient être dispersées à l’échelle régionale, nationale, voire internationale. Les entreprises ont généralement tendance à investir dans un secteur, voire un matériau précis. Il est possible que l’investissementprivé ne facilite pas l’expansion d’une infrastructure de l’innovation qui réponde aux besoins communs de sélection pré-concurrentielle et d’évaluation augmentée des solutions matériaux.
L’écosystème d’innovation des matériaux qui sous-tend les ambitions de la MGI et de l’ICME a plus d’un point en commun avec l’Initiative nationale en faveur des nanotechnologies (NNI)48. Ainsi, la NNI a été engagée à la fin des années 1990 pour développer la recherche en nanotechnologie aux quatre coins des États-Unis, tout comme la MGI a été conçue de façon que l’infrastructure propice à l’innovation dans les matériaux se retrouve dispersée, l’objectif étant d’accélérer le rythme des découvertes, du développement et de la mise en œuvre des matériaux nouveaux et améliorés et, partant, de diminuer les délais et les coûts. Les deux initiatives diffèrent en revanche du fait que la NNI met l’accent sur les outils et les stratégies à haut rendement. La MGI vise à « boucler la boucle » entre expériences, modélisation et simulation informatiques, science des données et informatique et, ce faisant, à faciliter la prise en compte des impératifs de la certification, de la manufacturabilité et de l’exploitation à long terme des systèmes de matériaux. Aux États-Unis, une grande partie de cette infrastructure existe déjà ou est en cours de mise en place, mais faute d’accessibilité, les classes de matériau n’y sont pas reliées de manière organisée. De même, il n’existe pas de mécanisme biendéfini pour mettre en évidence les lacunes et les priorités du financement interinstitutions à l’échelle de tout l’écosystème d’innovation des matériaux. Les efforts déployés jusqu’ici ont le plus souvent été localisés, dans certains établissements universitaires, laboratoires de recherche publics ou des branches d’activité. Dans l’ensemble, les parties prenantes concernées de près ou de loin sont peu au fait de l’existence de ces capacités réparties ou de la manière dont elles s’articulent avec les différents éléments de l’infrastructure d’innovation des matériaux.
On trouve des enseignements et points de vue très importants dans le compte rendu de l’atelier Building an Integrated MGI Accelerator Network, organisé à Georgia Tech les 5 et 6 juin 2014 (McDowell et al., 2014). S’y étaient rassemblés 150 maîtres à penser et parties prenantes du monde universitaire, de l’industrie et des administrations des États-Unis pour étudier les moyens d’étendre l’infrastructure expérimentale, computationnelle et informationnelle sur les matériaux et d’y faciliter l’établissement de réseaux de collaboration en vue de concrétiser au mieux les buts de la MGI. Co-organisé par Georgia Tech, l’Université de Wisconsin-Madison et l’Université du Michigan sous les auspices du Materials Accelerator Network49, cet événement a enclenché un dialogue national sur les priorités des acteurs de la MGI et sur la voie à suivre. En plénière d’ouverture, plusieurs interventions ont décrit la stratégie des autorités à l’égard de la MGI et les points de vue de l’industrie et du monde universitaire sur l’accélération des phases de découverte, de développement et de déploiement des matériaux. Les débats se sont poursuivis dans le cadre de séances en sous-groupes de manière à couvrir un large éventail de questions : les matériaux employés en électronique organique et inorganique,les matériaux structurels, les matériaux destinés au stockage et à la conversion d’énergie, les biomatériaux et les matériaux biofonctionnels ainsi que les interfaces de catalyse et de séparation. Trois thèmes en particulier ont été abordés : les questions fondamentales à régler et les déficits technologiques à combler ; l’infrastructure requise pour l’intégration de la MGI ; et la stratégie à adopter pour tisser un réseau propice à l’accélération de l’innovation dans les matériaux.
Encadré 6.2. Questions fondamentales à régler et déficits technologiques à combler pour accélérer la découverte et le développement de matériaux
Le compte rendu de l’atelier Building an Integrated MGI Accelerator Network (McDowell et al., 2014) permet de dresser la liste ci-après des questions fondamentales à résoudre et des déficits technologiques à combler pour atteindre les objectifs de la MGI dans tous les domaines d’application considérés :
Bâtir une infrastructure de l’information sur les matériaux, en particulier mettre l’environnement web au service de la cybercollaboration et de la science des données.
Poursuivre des stratégies à haut rendement de sélection et de développement qui tiennent compte des capacités et contraintes associées aux différents types de procédé de synthèse et de traitement disponibles, notamment des outils de modélisation rapide servant à calculer la probabilité de satisfaction aux exigences.
Former la main-d’œuvre de demain, dans l’optique de regrouper l’expérimentation, le calcul et les sciences des données.
Acquérir une compréhension approfondie des relations entre la structure des matériaux et leurs propriétés/performance à différentes échelles.
Se doter de méthodes de diagnostic avancé, en particulier in situ/en exploitation.
Prendre en considération, dès les premiers stades de la découverte et du développement, la stabilité des matériaux à long terme en conditions de fonctionnement, de stabilité environnementale, de dégradation et tout au long de la durée de performance.
Exécuter des simulations prédictives des états métastables et des trajectoires hors équilibre dans les conditions dans lesquelles il est prévu de les utiliser afin de conduire une évaluation paramétrique des matériaux candidats. Un matériau est dit métastable quand on peut l’employer utilement à un état d’énergie supérieur à son état fondamental. Nombre de matériaux employés en génie des matériaux sont métastables.
Développer la science de la mesure ainsi que la modélisation et la simulation des procédés de synthèse et de traitement.
Définir les principes du contrôle cinétique et thermodynamique dans les relations procédé-structure. Il s’agit de savoir comment contrôler de manière fiable la structure aux différentes échelles (de nano à macro) tout au long du processus, y compris aux échelles supérieures.
Pour combler les lacunes indiquées dans l’Encadré 6.2, outre celles liées à l’éducation et à la formation, il est nécessaire de disposer de nouveaux types de stratégies en science des données ainsi que d’une infrastructure répartie. Les recommandations prioritaires recensées à l’occasion de cet atelier (McDowell et al., 2014) sont les suivantes :
Mettre l’accent sur l’éducation et la formation des futurs travailleurs de la MGI.
Compiler une base de connaissance sur les efforts déployés aux États-Unis dans le cadre de la MGI.
Relier les infrastructures physique et numérique pour l’ensemble des classes de matériau et des domaines d’application.
Constituer des groupes de travail et des réseaux à l’intérieur et entre les domaines de matériaux.
Définir les problèmes communs d’ingénierie fondamentale concernant chaque domaine d’application des matériaux afin d’obtenir la collaboration et la mise en réseau des parties prenantes de la MGI.
Mettre en place une infrastructure plus robuste pour l’innovation des matériaux.
Conclusions
À la confluence des progrès de la modélisation prédictive, de la science des données et des méthodes de sélection à haut rendement, il se crée des possibilités non négligeables de réduire sensiblement les délais nécessaires pour transposer les matériaux nouveaux et améliorés dans la génération suivante de produits. Les technologies émergentes comme l’impression 3D à la demande présagent l’essor de la personnalisation/individualisation de masse et du déploiement rapide des nouveaux matériaux. Un autre moyen d’accélérer le rythme des découvertes et du développement des matériaux pour accroître la compétitivité des produits en aval consiste à fusionner les stratégies traditionnellement empiriques et fondées sur l’expérimentation avec celles de la simulation informatique et de la science des données. Il est par ailleurs essentiel de disposer de nouveaux types d’installations partagées à haut rendement pour, dans un délai très court, élaborer des matériaux, mesurer leur structure et propriétés et sélectionner ceux à mettre en œuvre à l’échelle industrielle. Le développement accéléré des matériaux, conjugué aux avancées sans précédent des méthodes de recherche combinatoire, peut donc révolutionner les caractéristiques et le fonctionnement des nouveaux produits.
L’analyse des incitations en faveur du développement de matériaux destinés à répondre aux nombreux défis du XXIe siècle s’articule en grande partie autour de la viabilité économique, de la durabilité et de l’existence établie des retombées sociétales. Il importe que les pouvoirs publics élaborent les stratégies et politiques nécessaires pour concevoir ces incitations. En outre, la « démocratisation » des produits personnalisés, promise par les technologies omniprésentes, comme l’impression 3D ou encore l’incorporation de capteurs et autres moyens de communication dans les matériaux au service de l’internet des objets (Burrus, 2014), a un retentissement planétaire comparable à la profonde influence des smartphones et des médias sociaux.
Compte tenu de l’avantage concurrentiel élevé que chaque matériau nouveau ou amélioré peut conférer à un produit pour une durée limitée, il va sans dire que les problèmes de données et de propriété intellectuelle (PI) revêtent une importance fondamentale. Lorsqu’il s’agit de réaliser une grande innovation de produit à l’aide de matériaux nouveaux et améliorés, le laps de temps disponible pour gagner des parts de marché est très court après la sortie du produit et ne cesse de raccourcir à mesure que diminue le délai imparti pour mettre en œuvre des matériaux nouveaux hautement concurrentiels. Plusieurs questions liées à la propriété intellectuelle se posent. Par exemple, qui est propriétaire des données ? de l’infrastructure ? des informations ou capacités de valeur ajoutée ? Comment différentier le développement sous licence libre du développement propriétaire dans les contrats ? Sachant que les matériaux constituent souvent l’élément central des capacités nouvelles et améliorées des produits, le système international de brevets est-il suffisant, sous sa forme actuelle, pour protéger l’avantage concurrentiel ? Théoriquement, dans un écosystème optimal, les fournisseurs auront une plus grande mainmise sur la propriété intellectuelle car ils seront chargés de conserver la trace des flux numériques du développement des matériaux. Quel est le régimeapplicable en matière de propriété intellectuelle et comment est-il défini ? Quel degré de collaboration pré-concurrentielle est souhaitable pour rivaliser sur le marché des nouveaux produits ? Est-il possible de partager les coûts de développement ? Quels sont les modèles de meilleures pratiques en matière de développement pré-concurrentiel de technologies partagées et d’infrastructure cyberphysique ? Comment les entreprises peuvent-elles distinguer développement en aval et applications ? Aussi difficile soit-il de répondre à ces questions, sur un marché concurrentiel, l’infrastructure d’innovation des matériaux s’insérera inexorablement dans le monde numérique de plus en plus interconnecté. De toute évidence, aucune entreprise ou organisation ne peut « détenir » l’intégralité de la palette des technologies associées à un tel écosystème collaboratif. Ce ne serait d’ailleurs pas souhaitable vu le bénéfice que l’économie mondiale de plus en plus interdépendante peut en tirer en apportant des biens et services à cet écosystème. Les FEO peuvent s’employer à maximiser leur profit dans le développement de produits et à réduire les délais de mise sur le marché. Cependant, le risque existe qu’à terme, l’avantage concurrentiel dépende essentiellement de la cadence de commercialisation et non plus seulement de la valeur intrinsèques des produits, en l’absence d’avancéesradicales dans la fonctionnalité et/ou la création de marchés. D’où la nécessité de recourir à un modèle d’investissement public-privé, en particulier pour mettre en place l’infrastructure cyberphysique et former la main-d’œuvre de demain.
Des mesures réglementaires éclairées permettraient sans doute d’enrichir cet écosystème, en mettant l’accent sur la nécessité de faire en sorte que le plus grand nombre ait librement accès à l’infrastructure cyberphysique tout en maintenant les dispositifs appropriés pour protéger l’information et les flux spécifiques aux produits. Les organisations professionnelles déploient actuellement d’importants efforts pour mettre en place une infrastructure d’information précoce sur les matériaux et les normes connexes en matière de données 50, 51 (Robinson et McMahon, 2016). Une coordination est nécessaire à l’échelle de l’ensemble de l’infrastructure d’innovation dans les matériaux, que ce soit au niveau national ou international. Compte tenu de la nécessité de mobiliser des investissements et des capacités d’Europe, d’Amérique du Nord et d’Asie pour fédérer les infrastructures cyberphysiques, la coordination internationale est de rigueur, car il serait trop coûteux et inutile de reproduire des ressources accessibles par des services web assortis d’une aide aux utilisateurs. Enfin, il faut des politiques avisées en raison de la nécessité de faire évoluer la culture du partage des données et, en particulier, de faciliter une culture de la cybercollaboration, en amont de la phase concurrentielle. Il s’agit là d’un bon exemple de situation dans laquelle les structures et réglementations en placepeuvent se révéler insuffisantes du fait qu’elles ont été conçues pour les besoins d’une autre époque.
La conception et le développement des matériaux fondés sur le numérique soulèvent également des questions totalement nouvelles pour les pouvoirs publics. Certaines sont d’ordre stratégique et peuvent même rejaillir sur la sûreté et la stabilité. Par exemple, le remplacement des terres rares dans les aimants et les matériels électroniques est décidé au regard du niveau de stabilité de l’approvisionnement en matériaux et du contexte géopolitique connexe. L’évolution de la situation dans ces domaines pourra motiver la quête de nouveaux matériaux. En outre, l’émergence de risques de cybersécurité inédits n’est pas à exclure puisqu’il est concevable qu’à moyen terme, une source de données de CAO de matériaux par simulation informatique soit la cible d’un piratage informatique ou d’une autre forme de manipulation. Ainsi, des politiques judicieusement conçues sont nécessaires pour faciliter l’ouverture des données et la science ouverte (notamment afin de partager les résultats de simulations de structures de matériaux ou bien des données d’expérience en contrepartie de l’accès à des outils de modélisation) (McDowell, 2013). Il devient urgent de définir, à court et moyen termes, les principes sur la base desquels les différentes parties prenantes devraient négocier les droits de propriété intellectuelle au sein du nouvel écosystème de l’innovation dans les matériaux. En effet, il faudra très probablementinventer de nouveaux types de contrats applicables selon que le code source est libre et les données partagées ou que la conception et le développement ont un caractère fermé et exclusif. Obtenir des avancées dans le domaine des nouveaux matériaux suppose en outre une collaboration étroite entre l’industrie, le monde universitaire, les organismes de financement de la recherche et les laboratoires publics. Il importe également de favoriser l’interdisciplinarité dans la recherche et l’enseignement, compte tenu de la nature pluridisciplinaire de la recherche en matériaux (indépendamment de la science et de l’ingénierie des matériaux, qui sont concernées de plein droit, y participent aussi la physique, la chimie, le génie chimique, le génie biologique, les mathématiques appliquées, l’informatique et le génie mécanique, entre autres disciplines).
Outre l’évolution des programmes universitaires, la remise à plat des relations entre fournisseurs de matériaux et FEO dans l’industrie, les questions liées à l’information protégée et aux autorisations d’exploitation, etc., un certain nombre de facteurs technologiques sont susceptibles d’entraver l’amélioration et l’utilisation des méthodes fondées sur le numérique. Quand ils existent, les modèles sont bien souvent trop rudimentaires pour aider à sélectionner les caractéristiques et filières de développement appropriées, et ce qu’ils étudient les relations entre les procédés et la structure ou bien les microrelations structure-propriétés. Il convient en particulier de coordonner les référentiels de modèles afin que leur mise à disposition rapide contribue à optimiser la conception. Un facteur de complication rarement abordé est la mesure de l’incertitude liée aux paramètres et à la structure des modèles employés pour consolider la conception de matériaux (McDowell et al., 2010). Il est plus efficace que ce soient les auteurs des modèles, et non leurs utilisateurs en aval, qui en mesurent l’incertitude pendant la phase de construction et d’étalonnage ou encore au moment de la définition des paramètres. Mesurer l’incertitude liée aux modèles et aux données doit être une obligation imposée par les organismes de financement et dans les procédures d’examen des projets de R-D. Les spécialistes des matériaux devronts’intéresser de plus près à cette question, ce qui suppose d’y consacrer de nouveaux cursus et d’y accorder une plus grande place dans les programmes universitaires. Il est urgent d’établir les méthodes et politiques régissant la diffusion des modèles auprès des prestataires de services, ou « agents du web » (McDowell et al., 2010), mais aussi de définir les « niveaux de maturité » de ces services en ce qui concerne la provenance, le degré de validation ainsi que le soutien à l’utilisation et au maintien en puissance, en procédant de la même façon que dans le cas bien connu de l’échelle de maturité technologique du Département de la Défense des États-Unis (US DoD)52.
La réflexion engagée entre les organismes de recherche, les entreprises, les laboratoires publics de recherche, les organismes de normalisation et les organisations professionnelles œuvrant à la mise au point de matériaux nouveaux et améliorés a principalement porté sur la compatibilité des formats de données. Il convient à présent de recentrer le débat sur la manière d’exploiter ces données dans l’aide à la décision sur la découverte et la mise au point des matériaux, et de traiter en parallèle nombre des questions susmentionnées. Il existe une très grande diversité de formats de données et de protocoles, sans compter que les plateformes numériques et la structure des données évoluent très rapidement. Il est à cet égard important de pouvoir accéder aux ressources informatiques et infonuagiques à hautes performances, ce que les partenariats public-privé pré-concurrentiels et les politiques publiques peuvent faciliter. Ces questions font l’objet de différents travaux, notamment aux États-Unis, à travers l’ICME, ou en Europe, par l’intermédiaire du groupe d’experts d’ingénierie des matériaux par modélisation (ICMEg)53. Par ailleurs, l’infrastructure cyberphysique associée aux méthodes à haut rendement qui permettent d’élaborer rapidement de nouveaux matériaux et d’en mesurer la stabilité, le comportement et l’adéquation avec des produits est très précieusepour une diversité d’acteurs, qui devraient donc pouvoir y accéder.
Comme examiné dans le présent chapitre, des initiatives de grande envergure ont été engagées en Amérique du Nord (MGI, ICME), en Europe (ICMEg, Horizon 2020)54 et en Asie en vue d’édifier de manière systématique la base scientifique et l’infrastructure requises pour innover plus rapidement dans les matériaux et jeter des passerelles avec la fabrication (méthodes et outils, données sur les matériaux, installations partagées et formation de la main-d’œuvre de demain). Bien qu’inexorables, les progrès sont actuellement freinés par le manque de coordination au niveau de la planification et de l’investissement. Les politiques et règlements doivent être mis en adéquation avec la nouvelle donne du développement des matériaux, qui fait désormais la part belle aux données numériques ainsi qu’à la coordination et à la collaboration dans l’aide à la décision en matière de conception et de développement de matériaux. Les décisions prises à l’échelle nationale et internationale peuvent fortement peser sur l’évolution de l’écosystème de l’innovation dans les matériaux, élargir les réserves potentielles de collaborateurs et encourager l’adoption de stratégies d’investissement plus efficaces. Les principales mesures à prendre peuvent être résumées comme suit :
Consacrer l’investissement de R-D aux registres de matériaux pré-concurrentiels, au calcul intensif et à l’infrastructure expérimentale à haut rendement. Cela est nécessaire pour développer et cultiver l’écosystème de l’innovation dans les matériaux.
Donner des moyens d’action à la chaîne d’approvisionnement en prenant les dispositions requises pour que la représentation numérique de la structure des matériaux fasse partie des spécifications à prendre en considération au même titre que les ensembles de propriétés.
Favoriser et récompenser la cybercollaboration entre les différents acteurs du développement de matériaux, issus de l’industrie, des administrations et du monde universitaire.
Promouvoir l’accessibilité des données numériques en tant que produit de la recherche financée par des fonds publics.
Mettre en place les dispositifs voulus pour inciter les exécutants de la R-D à partager les données sur les matériaux et à leur conférer une valeur ajoutée à travers des activités de conservation, d’analyse et de gestion, et ce notamment en donnant accès aux corrélations avancées et aux méthodes de mesure de l’incertitude les plus en pointe.
Traiter les questions de propriété intellectuelle qui font obstacle au partage et à l’analytique des données et sont susceptibles de peser sur le développement ou l’avantage concurrentiel des produits. Il convient à cette fin de favoriser la mise en place d’une vaste infrastructure collective pré-concurrentielle capable d’accélérer la mise en œuvre des matériaux.
Mettre en place des dispositifs de nature à inciter les universités à adopter des programmes et autres plateformes d’enseignement ou de formation pluridisciplinaires (ingénierie, sciences, informatique et gestion) qui soutiennent et enrichissent l’écosystème de l’innovation dans les matériaux.
Définir la marche à suivre pour développer l’infrastructure permettant d’innover dans les matériaux et pour fixer les priorités en matière d’investissement à l’échelle régionale, nationale et internationale.
Favoriser la création et le développement de PME spécialisées dans différents domaines (services liés aux données sur les matériaux, sélection à haut rendement, informatique et conception de matériaux, fourniture de matériaux à la demande) pour accompagner l’accélération de la découverte et du développement des matériaux destinés au secteur manufacturier.
Élaborer les réglementations et protocoles de certification régissant le rôle des prestataires de services informatiques ou infonuagiques dans la découverte et le développement des matériaux ainsi que dans le changement d’échelle de fabrication.
Insister sur la nécessité d’élaborer des matériaux et produits durables.
Références
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Notes
← 2. www.dailygalaxy.com/my_weblog/2012/05/is-the-age-of-silicon-coming-to-an-end-physicist-michio-kaku-says-yes.html.
← 6. http://dupress.com/articles/industry-4-0-manufacturing-ecosystems-exploring-world-connected-enterprises/.
← 8. www.industryweek.com/growth-strategies/manufacturers-agenda-building-robust-industrial-ecosystem.
← 10. www.healio.com/orthopedics/hip/news/print/orthopedics-today/%7Bdc797a56-ce34-4c75-9172-ef38ad3c1c1f%7D/porous-ingrowth-fixation-revolutionized-hip-replacement .
← 16. www.mckinsey.com/business-functions/operations/our-insights/digital-manufacturing-the-revolution-will-be-virtualized.
← 20. www.wpafb.af.mil/News/Article-Display/Article/819170/sustainment-plan-for-aging-fleet-critical.
← 37. http://engineering.tamu.edu/news/2015/08/03/texas-am-hosts-fourth-iimec-summer-school-on-computational-materials-science-across-scales.