La mise en application de la réglementation devrait être fondée sur les principes de « réglementation réactive », c'est-à-dire que les mesures d’inspection et de mise en application devraient être modulées en fonction du profil et du comportement de chaque entreprise.
Boîte à outils de l’OCDE sur le contrôle et la mise en œuvre de la réglementation
Critère 4. Réactivité de la réglementation
Principales questions :
Les textes applicables autorisent-ils une mise en application différenciée (réactive) et offrent-ils une marge d’appréciation adaptée (pouvoir discrétionnaire reconnu, mais dans certaines limites, et avec une redevabilité) ?
La gradation des sanctions pouvant être infligées est-elle suffisante pour assurer une dissuasion crédible grâce à une montée en puissance des sanctions (sanctions suffisamment « légères » pour être utilisées quand c’est nécessaire, suffisamment « lourdes » pour contrebalancer les avantages d’un non-respect des règles) ?
Existe-t-il une distinction claire, mais aussi une bonne articulation, entre les activités réglementaires visant à favoriser le respect des règles (y compris, quand c’est nécessaire, par l’exercice de pouvoirs de mise en application) et les activités répressives axées sur la lutte contre les infractions pénales (menées par la police, le Parquet, etc.) ?
En pratique, les autorités chargées de la mise en application apportent-elles des réponses différenciées en fonction des antécédents des entités contrôlées (avec un traitement spécifique pour les jeunes entreprises), en fonction de l’évaluation des risques et en fonction de l’efficacité des différentes options possibles ?
Sous-critère 4.1. Les textes applicables autorisent (ou, du moins, n’interdisent pas) une mise en application différenciée (réactive), et ils offrent une marge d’appréciation adaptée (pouvoir discrétionnaire reconnu, mais dans certaines limites, et avec une redevabilité).
L’expérience montre clairement qu’une réglementation réactive aboutit à de meilleures réalisations que la sanction uniforme de tous les manquements – pourtant, les textes et pratiques juridiques ne permettent pas toujours cette réactivité. Il est donc indispensable que les textes applicables prévoient explicitement une différenciation des actions de mise en application (du simple avertissement à la sanction effective, voire aux poursuites judiciaires) en fonction des circonstances (gravité du manquement en termes de risque, antécédents, situation globale de l’établissement, volonté de respecter les règles et de mieux faire, manquement délibéré ou non, dissimulation ou transparence, etc.).
Il convient d’autoriser clairement l’exercice d’une marge d’appréciation dans la mise en application (puisqu’une telle marge existe de toute façon en pratique), mais aussi d’encadrer cette marge d’appréciation par l’application d’un certain nombre de principes et de critères (en particulier la proportionnalité à l’égard des risques). Il convient aussi de faire en sorte que les structures chargées de la mise en application assument la responsabilité de leurs décisions (lignes directrices publiques à l’usage des inspecteurs sur la prise de décision, rapports annuels évoquant et justifiant les actions de mise en application).
Éléments probants : teneur des lois cadres et/ou sectorielles régissant le pouvoir discrétionnaire en matière de mise en application, textes réglementaires et/ou lignes directrices sur l’exercice de ce pouvoir.
Sous-critère 4.2. La gradation des sanctions pouvant être infligées est suffisante pour assurer une dissuasion crédible grâce à une montée en puissance des sanctions (sanctions suffisamment « légères » pour être utilisées quand c’est nécessaire, suffisamment « lourdes » pour contrebalancer les avantages d’un non-respect des règles).
Pour que l’action de mise en application soit crédible, et pour produire un effet dissuasif, les sanctions encourues doivent être suffisamment lourdes pour contrebalancer les avantages d’un non-respect des règles – mais elles doivent être assez souples pour qu’il existe un risque crédible que les inspecteurs et les autorités de mise en application les infligent. S’il n’existe que des sanctions très sévères (par ex. : fermeture d’un établissement), ces sanctions seront très rarement infligées (du moins sur la plupart des territoires), parce que les conséquences économiques et sociales, ainsi que les réactions politiques éventuelles, seraient considérables. Il convient donc de prévoir, dans les textes applicables, toute une gamme de réponses différenciées. Celles-ci pourront prendre des formes diverses : simple avertissement ; injonction de mise en conformité assortie d’une inscription sur une liste officielle ou d’un affichage des résultats de l’inspection (la publicité négative servant d’incitation au changement de comportement) ; amende administrative ; poursuites judiciaires ; fermeture ; dommages et intérêts potentiellement punitifs ou remboursement des profits injustifiés, si cette possibilité existe, etc. Dans le même temps, si les institutions chargées des inspections optent pour une réponse « douce », elles doivent ensuite réaliser un suivi (organisation d’une nouvelle inspection à la suite de la délivrance d’un avertissement).
Éléments probants : législation cadre et/ou sectorielle autorisant les responsables à infliger des sanctions, textes réglementaires et/ou lignes directrices précisant l’éventail des décisions possibles.
Sous-critère 4.3. Il existe une distinction claire, mais aussi une bonne articulation, entre les activités réglementaires visant à favoriser le respect des règles et les activités répressives axées sur la lutte contre les infractions pénales.
Pour mettre en place un système d’inspection et de mise en application efficace, efficient, fondé sur les risques et réactif, il est essentiel de bien distinguer ses activités et ses objectifs de ceux des activités des autorités chargées de lutter contre les infractions pénales1. Le système d’inspection et de mise en application vise à favoriser le respect des textes par la grande majorité des acteurs, acteurs qui ont spontanément tendance à les respecter ou qui ont de fortes chances de les respecter une fois les bonnes incitations mises en place (information, légitimité des règles et des institutions, normes sociales et dissuasion). De leur côté, les autorités répressives ciblent les acteurs qui commettent des infractions pénales et qui ne réagissent pas aux autres incitations, et elles doivent bénéficier des bons instruments d’action, qui sont différents de ceux des autorités chargées de la mise en application et des inspections. Il est important de bien exprimer cette distinction dans le cadre des textes, des institutions et des pratiques, si l’on veut que les autorités chargées de la mise en application et des inspections gagnent en légitimité aux yeux des acteurs encadrés, et bénéficient de leur coopération active. Mettre en place un véritable échange d’informations, avec une délimitation claire des responsabilités entre ces deux formes de mise en application, est également essentiel pour faire face au large éventail d’acteurs, de risques et de manquements en présence. Les activités d’inspection doivent être clairement distinguées des activités répressives, mais un lien doit exister entre ces diverses activités si l’on veut éviter que le système présente des failles2.
Différentes solutions peuvent être envisagées pour respecter ce critère, mais l’exigence fondamentale est que la mission des autorités chargées des inspections et de la mise en application soit vue comme l’accroissement des niveaux de conformité, et non comme la détection et la répression systématiques de tout manquement. Il faut donc que les textes applicables confèrent à ces autorités une marge d’appréciation suffisante pour gérer différemment des situations distinctes, y compris en choisissant de ne pas punir certains manquements, dès lors qu’elles considèrent que ces manquements présentent peu de risques et qu’ils peuvent être gérés sans opération officielle de mise en application.
Éléments probants : vision stratégique officielle, mandats des institutions chargées des inspections et de la mise en application (statuts, documents stratégiques, rapports annuels, etc.)
Sous-critère 4.4. En pratique, les autorités chargées de la mise en application apportent des réponses différenciées en fonction des antécédents des entités contrôlées (avec un traitement spécifique pour les jeunes entreprises), en fonction de l’évaluation des risques et en fonction de l’efficacité des différentes options possibles.
En pratique, une mise en application réactive implique d’apporter des réponses différenciées en fonction des antécédents de l’entité contrôlée, de l’évaluation des risques (préjudices que le manquement a déjà causés et/ou risque de causer, en tenant aussi compte du profil général de l’établissement contrôlé en matière de manquements) et de l’efficacité potentielle des différentes options. Pour évaluer cette efficacité, il faut examiner l’impact que la réponse apportée pourra avoir sur le respect futur des règles, que ce soit au sein de l’établissement (réaction probable du personnel et de la direction) ou en dehors (exemplarité). Étant donné qu’aucun inspecteur ne peut connaître tout l’éventail des expériences et des données probantes susceptibles d’éclairer son choix entre les différentes réponses possibles, il est indispensable de mettre en place des orientations suffisamment détaillées, étant entendu que l’inspecteur devra aussi présenter des aptitudes professionnelles suffisantes pour savoir évaluer la situation de terrain. Disposer d’orientations détaillées n’est, de toute façon, pas suffisant en soi : il faut aussi veiller à ce que les pratiques des inspecteurs et les décisions de leurs supérieurs hiérarchiques s’inscrivent dans une démarche réactive.
Éléments probants : documents stratégiques officiels, données et analyses des rapports annuels
Notes
← 1. Cela ne signifie nullement qu’il faille éviter de conférer certains pouvoirs aux organismes chargés des inspections et de la mise en application (y compris en termes de poursuites pénales, dans les pays où c’est possible et où les poursuites pénales constituent un outil important de mise en application). L’important est de bien distinguer les missions et les objectifs. Les poursuites pénales engagées dans le cadre de la mise en application constituent l’un des outils possibles d’un système de « réglementation réactive » dans le cadre duquel elles représenteront la sanction la plus lourde, infligée en réponse aux manquements les plus graves. Toutefois, l’objectif général reste d’assurer le respect de la réglementation. En revanche, les activités répressives menées par la police et par le Parquet visent avant tout à détecter et à sanctionner les infractions pénales – et non à mieux faire respecter le niveau moyen de respect des textes.
← 2. Comme évoqué ci-dessus, le lien peut être interne (pouvoir internes en matière pénale) ou externe (échange d’information avec les autorités répressives, ou possibilité de transmettre certains dossiers au parquet).