L’analyse coût-avantages constitue depuis longtemps un instrument d’action publique central. Il est désormais largement admis qu’une étape essentielle du processus d’élaboration des politiques consiste à systématiquement calculer les coûts et avantages des actions possibles et des projets envisagés. En procédant de la sorte, les décideurs ont une idée précise des conséquences que la mise en œuvre des mesures envisageables pour atteindre un objectif particulier aura sur la société. Cela se vérifie tout particulièrement dans le cas de l’élaboration des politiques d’environnement : de nombreux pays font une place centrale à l’analyse coût-avantages aux stades de la conception et de l’exécution.
L’OCDE plaide depuis longtemps en faveur de l’analyse coût-avantages dans l’élaboration des politiques d’environnement. Les travaux menés à cet effet couvrent un large éventail de sujets, allant de l’évaluation financière des atteintes à l’environnement au rôle de l’actualisation dans les études de cas relatives à l’application de l’analyse coût-avantages. Voilà maintenant plus de dix ans que l’étude publiée par l’OCDE (Cost-Benefit Analysis and the Environment: Recent Developments), en 2006, fait autorité.
Ce nouveau rapport sur la question rend compte à propos de l’évolution récente de l’analyse coût-avantages sur les plans théorique et pratique. La théorie a connu d’importants changements ces dix dernières années, principalement du fait de l’économie de la lutte contre le changement climatique et du traitement de l’incertitude et de l’actualisation dans l’évaluation des politiques et des projets. Par exemple, une attention accrue est accordée au calcul du coût social du carbone. Il s’agit d’un exercice très complexe car il fait intervenir de nombreuses disciplines en raison de la variabilité spatio-temporelle des incidences globales des émissions de carbone et de l’hétérogénéité des secteurs concernés. Nous expliquons ici le fondement du coût social du carbone et passons en revue les différentes façons de le calculer ainsi que l’incertitude qui en découle, en réfléchissant à des questions déterminantes pour l’intérêt pratique de l’exercice : quelle trajectoire suivront les émissions ? quelle sera leur incidence sur les températures ? de quelle manière les changements de température seront-ils dommageables ?
Cette étude dresse également un état des lieux technique et pratique de l’actualisation, qui constitue un domaine fondamental. Si la théorie a clairement établi comment définir le taux social d’actualisation, de nombreuses questions se posent dans la pratique, en particulier lorsque l’on s’intéresse aux mesures dont les générations futures très lointaines subiront les conséquences : les politiques et les projets intergénérationnels. La recherche théorique et empirique pèse de plus en plus en faveur d’une diminution temporelle du taux d’actualisation. Mais cela a des répercussions importantes dans le débat sur l’action à mener à l’égard des grandes problématiques environnementales, telles que le changement climatique, la pollution atmosphérique et la gestion de l’eau.
Cet ouvrage contient des informations nouvelles sur la manière dont l’analyse coût‐avantages est utilisée – ou ne l’est pas – avant et après une intervention dans différents contextes. Dans celui de l’élaboration des politiques environnementales, l’usage qui est fait de l’analyse coût-avantages varie grandement d’un pays à l’autre. On observe également de grandes disparités dans la manière dont les effets sur l’environnement sont pris en compte selon le secteur économique et le contexte analytique considérés. Dans le secteur de l’énergie, par exemple, les projets d’investissement et d’intervention font généralement l’objet d’analyses coût-avantages poussées. En revanche, les effets environnementaux non liés au climat y occupent une place nettement moindre que dans les évaluations de projets d’investissement touchant d’autres secteurs, notamment celui des transports.
Le recours à l’analyse coût-avantages est également étudié sous l’angle de l’économie politique. Si l’analyse coût-avantages fournit des informations extrêmement précieuses aux décideurs, elle ne constitue nécessairement que l’une des multiples facettes à prendre en considération dans le traitement des enjeux environnementaux. Il est fondamental de comprendre les modalités pratiques d’utilisation de l’analyse coût-avantages ainsi que les contraintes et difficultés qui en découlent pour bien informer les décideurs de ses « us et abus ». Certes, il est essentiel que les décideurs disposent de la flexibilité requise pour « agir sur le plan politique » ou atteindre d’autres objectifs d’action, mais cela aura une incidence particulière sur la nature de l’analyse coût-avantages. Aussi cet exercice a-t-il pour rôle d’expliquer la forme requise des décisions en cas d’adoption d’une approche économique donnée.
Cet ouvrage est le résultat d’une collaboration étroite entre d’éminents professeurs d’université et les pays de l’OCDE, qui ont travaillé sous les auspices du Comité des politiques d’environnement. La Direction de l’environnement de l’OCDE se tient à la disposition des pays pour les aider à appliquer les pratiques et outils exposés dans l’étude. Il ne fait aucun doute que ces travaux vont fortement enrichir la compréhension de l’analyse coût-avantages et inciter les pays, qu’ils soient ou non membres de l’OCDE, à y recourir pour faire face aux nombreux enjeux environnementaux collectifs.
Anthony Cox
Directeur par intérim, Direction de l’environnement de l’OCDE