De nombreux types d’impacts environnementaux sont de nature multidimensionnelle. En effet, le changement subi par une ressource environnementale à la suite de la mise en œuvre d’un projet ou d’une politique se traduit souvent par des modifications de ses divers attributs, dont chacun devra être évalué séparément. Il existe un outil capable de faire ressortir la valeur attribuée à chacune de ces dimensions par les personnes interrogées et de tenir compte des arbitrages entre ces dimensions, il s’agit de la méthode des choix discrets (MCD), qui partage avec l’évaluation contingente certains points forts et certains points faibles mais qui présente aussi des caractéristiques propres qui peuvent lui conférer un profil de performance et de précision différent. À première vue, certaines tendances semblent aller à l’encontre les unes des autres. Le choix du plan d’expérience, c’est-à-dire la construction des paires d’attributs et de niveaux qui seront proposées aux personnes interrogées dans les ensembles de choix qui leur seront présentés, est une étape fondamentale et la tendance est à retenir des plans d’une complexité croissante dans un souci d’efficacité des réponses. Cette complexification entraîne toutefois pour les personnes interrogées d’inévitables difficultés cognitives puisqu’elles doivent opérer de nombreux choix délicats entre des options comportant un certain nombre d’attributs et de niveaux. Il existe une limite à la quantité d’informationsque les personnes interrogées peuvent traiter de façon pertinente lors d’une prise de décision, ce qui peut entraîner dans leurs réponses des erreurs et des imprécisions selon qu’un phénomène de fatigue ou d’apprentissage prévaut. Là encore, les liens avec la recherche comportementale sont très pertinents, notamment concernant les règles d’heuristique et de filtrage, qui amènent à choisir les options jugées suffisamment bonnes plutôt que celles maximisant l’utilité. Autre caractéristique notable de ces travaux, la modélisation statistique des réponses s’est perfectionnée et permet de rendre bien mieux compte d’aspects comme l’hétérogénéité des préférences. Bien qu’elle demeure réservée à des spécialistes, cette modélisation devient progressivement accessible à un plus grand nombre d’analystes grâce à la multiplication des formations et des logiciels de statistique gratuits.
Analyse coûts-avantages et environnement
Chapitre 5. Méthode des choix discrets
Abstract
5.1. Introduction
La méthode des choix discrets (MCD) est une méthode de préférences exprimées à attributs multiples initialement élaborée par Louviere et Hensher (1982) et Louviere et Woodworth (1983) dans le contexte des travaux de recherche sur les transports et les études de marché (par exemple Green et Srinivasan, 1978 ; Henscher, 1994). Depuis, la MCD connaît un succès croissant dans le domaine de l’évaluation environnementale (Adamowicz et al., 1998 ; Louviere, Hensher et Swait, 2000 ; Hanley, Mourato et Wright, 2001 ; Bennett et Blamey, 2001 ; Hensher, Rose et Greene, 2015 ; Adamowicz, 2004 ; Kanninen, 2007 ; Hoyos, 2010). Elle fait partie des méthodes de modélisation des choix (ou de l’analyse conjointe), à l’instar du classement contingent, de l’évaluation contingente et des comparaisons par paires (Bateman et al., 2002 ; Hanley, Mourato et Wright, 2001). La MCD est cependant la seule méthode de modélisation des choix qui satisfasse véritablement aux exigences de la théorie du bien-être (Bateman et al., 2002). Une étude récente montre que depuis une dizaine d’années, la MCD est de plus en plus souvent préférée à la méthode de l’évaluation contingente (Chapitre 4), comme en témoigne la comparaison aussi bien du nombre de publications que du nombre de citations (Mahieu et al., 2014).
La MCD est dérivée de la théorie de Lancaster (1966) sur les caractéristiques de la valeur, selon laquelle tout bien peut être décrit par un ensemble d’attributs et les modalités (ou niveaux) qu’ils sont susceptibles d’afficher. En s’appuyant sur le concept d’utilité aléatoire, elle utilise la théorie des plans d’expérience pour élaborer des fiches de choix décrivant différents scénarios envisageables qui s’excluent mutuellement (généralement 2 ou 3), parmi lesquelles les personnes interrogées sont invitées à choisir celle qu’elles préfèrent, les options en question présentant des attributs et niveaux différents. En variant les niveaux des attributs d’une option à une autre et en incluant un attribut monétaire, il est possible d’estimer la valeur totale d’un changement affectant un bien ou un service ainsi que la valeur des attributs qui le caractérisent. Ces valeurs ne sont pas données directement mais elles sont déduites indirectement des choix faits par les individus. Par ailleurs, il est possible aussi d’évaluer les arbitrages non monétaires entre les attributs. Pour rendre le choix économique plus réaliste, il est nécessaire d’inclure une option de base ou de statu quo, ce qui permet d’éviter le problème qui se présente quand les personnes interrogées sont obligées de choisir des options qui ne correspondent pas nécessairement à leurs préférences. Comme l’évaluation contingente, la modélisationdes choix permet aussi de mesurer toutes les formes de valeur, y compris les valeurs de non-usage.
Si certains des arguments pour affirmer que les méthodes de modélisation des choix permettent de surmonter les problèmes rencontrés avec l’approche dominante de l’évaluation contingente relèvent encore, pour le moment, du domaine de la spéculation (Hanley, Mourato et Wright, 2001), les éléments les plus convaincants à l’appui des premières concernent sans doute les situations dans lesquelles les changements à évaluer sont multidimensionnels, autrement dit, celles dans lesquelles ces changements affectent un certain nombre des attributs en question et dans lesquelles les arbitrages entre les attributs sont importants. On fera généralement appel à l’évaluation contingente pour déterminer la valeur du changement global d’un bien multidimensionnel. Le recours à certaines variantes de la modélisation des choix pourra néanmoins être envisagé si les décideurs ont besoin de mesurer les modifications de chacune des dimensions ou caractéristiques du bien en question.
Ce chapitre s’articule en plusieurs parties. La section 5.2 étudie les fondements conceptuels de l’expérience de choix. Dans la section 5.3, les étapes de la MCD sont présentées et illustrées par des exemples. La section 5.4 traite des avantages et des inconvénients de la MCD par rapport à l’évaluation contingente. Un certain nombre d’évolutions récentes sont présentées dans la section 5.5. La section 5.6 reprend les conclusions.
5.2. Fondements conceptuels
La MCD a initialement été décrite par Louviere et Hensher (1982), puis par Louviere et Woodworth (1983). Elle s’appuie sur un cadre théorique identique à celui de la méthode d’évaluation contingente fondée sur les choix dichotomiques sur laquelle repose le modèle d’utilité aléatoire (Luce, 1959 ; McFadden, 1973), ainsi que sur le même type d’analyse empirique que l’étude économétrique de variables dépendantes limitées (Greene, 2008). Il s’ensuit que la fonction d’utilité indirecte (U) pour chaque personne interrogée i peut être décomposée en deux éléments : une composante déterministe (V) qui prend généralement la forme d’un indice linéaire des attributs (X) des différentes options j incluses dans l’ensemble de choix, et un élément stochastique (e) qui représente les influences inobservables sur les choix individuels. C’est ce que montre l’équation [5.1].
[5.1]
Comme le montre l’équation [5.2], la probabilité qu’une personne interrogée donnée préfère l’option g à toute autre option h proposée dans le même ensemble de choix est égale à la probabilité que l’utilité procurée par l’option g soit supérieure à celle offerte par toute autre option :
[5.2]
Pour déterminer de façon explicite cette probabilité, il faut connaître la distribution des résidus (eij). On suppose fréquemment qu’ils sont distribués de façon indépendante et identique selon la distribution des valeurs extrêmes (également appelée « distribution de Weibull ») :
[5.3]
La distribution des résidus indiquée ci-dessus implique que la probabilité qu’une option g donnée soit préférée à toutes les autres doit pouvoir prendre la forme de la distribution logistique (McFadden, 1973), qui est présentée à l’équation [5.4]. Celle-ci est connue sous le nom de modèle logit conditionnel :
[5.4]
où μ est un paramètre d’échelle inversement proportionnel à l’écart type de la distribution des résidus. Ce paramètre ne peut être calculé séparément et il est donc en règle générale supposé égal à un. Cette formule a une importante conséquence : les choix effectués doivent respecter le critère d’indépendance à l’égard des options non pertinentes (ou axiome du choix de Luce ; Luce, 1959), qui veut que les probabilités relatives que deux options soient retenues ne soient pas affectées par l’introduction ou le retrait d’autres options. Ce critère découle de l’indépendance de la distribution des résidus correspondant aux différentes options proposées dans l’ensemble de choix (conformément à la loi de Weibull).
Ce modèle peut être estimé par la méthode classique du maximum de vraisemblance, au moyen de la fonction de log-vraisemblance (log L) correspondante décrite à l’équation [5.5] ci-dessous, où yij est une variable indicatrice dont la valeur est égale à un si la personne interrogée j choisit l’option i et à zéro dans tous les autres cas.
[5.5]
Outre les caractéristiques propres à l’ensemble de choix, des variables socioéconomiques peuvent être incluses dans les termes X de l’équation [5.1], mais compte tenu qu’elles demeurent constantes pour un même individu quels que soient les ensemble de choix considérés (son revenu ne varie pas entre le premier choix et le second), elles ne peuvent apparaître dans l’équation que sous la forme de termes d’interaction, c’est-à-dire mises en interaction avec les caractéristiques propres aux choix.
Cependant, la pratique habituelle qui consiste à soumettre aux personnes interrogées une série de questionnaires de choix n’est pas sans poser des problèmes. Les analystes considèrent en règle générale que les réponses à chaque ensemble de choix constituent des sources d’information bien distinctes. En d’autres termes, les réponses à chacun des ensembles de choix proposés à une personne interrogée sont présumées totalement indépendantes les unes des autres. Tel n’est très probablement pas le cas, car il existe vraisemblablement une certaine corrélation entre les résidus de chaque groupe d’ensembles envisagées par une même personne. Les données se présentent donc dans les faits comme un tableau comportant n « périodes de temps » correspondant aux n ensembles de choix présentés à chaque individu. De ce fait, les modèles standard surestiment la quantité d’information contenue dans le jeu de données. Un certain nombre de méthodes permettent de remédier à ce problème. Dans certains cas, une correction peut être apportée ex post en multipliant l’écart type des coefficients correspondant à chaque caractéristique par la racine carrée du nombre de questions posées à chacune des personnes interrogées. D’autres types de modèles utilisés pour estimer les données au moyen de la MCD – tels que le modèle logit à paramètresaléatoires – corrigent automatiquement cette distorsion dans le cadre de la procédure d’estimation.
Après estimation des paramètres, une mesure monétaire du surplus compensatoire du bien-être conforme à la théorie de la demande peut être calculée pour chacune des caractéristiques à l’aide de l’équation [5.6] (Hanemann, 1984 ; Parsons et Kealy, 1992) où V0 représente l’utilité de l’état initial et V1 l’utilité de l’autre état proposé. Le coefficient bc indique l’utilité marginale du revenu et s’applique à l’attribut coût.
[5.6]
Il est aisé de montrer que, pour l’indice linéaire d’utilité précisé dans l’équation [5.1], la formule ci-dessus peut être simplifiée et réduite au ratio de coefficients indiqué à l’équation [5.7] où bx est le coefficient de l’attribut considéré (non monétaire) et bc correspond au coefficient de l’attribut coût. Les ratios de ce type sont souvent appelés « prix implicites ».
Valeur monétaire = [5.7]
L’expérience de choix est par conséquent compatible avec la maximisation de l’utilité et la théorie de la demande, du moins lorsqu’une option correspondant au statu quo est incluse dans l’ensemble de choix.
Il convient toutefois de noter que le calcul des écarts types s’avère plus complexe dans le cas des ratios correspondant aux prix implicites. Bien que la distribution asymptotique de l’estimateur du maximum de vraisemblance soit connue pour les paramètres bx, elle ne l’est pas pour la mesure du bien-être, puisqu’elle constitue une fonction non linéaire du vecteur de paramètres. Les intervalles de confiance de cette mesure peuvent être obtenus au moyen de la procédure mise au point par Krinsky et Robb (1986). Cette technique simule la distribution asymptotique des coefficients au moyen de tirages aléatoires répétés dans une distribution normale à plusieurs variables définie par les estimations des coefficients et la matrice de covariance qui leur est associée. Celles-ci permettent de générer une distribution empirique pour la mesure du bien-être, et les intervalles de confiance correspondants peuvent alors être calculés.
Enfin, les données de la MCD peuvent être utilisées pour estimer les valeurs de bien-être associées aux différentes combinaisons d’attributs et de niveaux (Bennett et Blamey, 2001). Le recours aux prix implicites estimés pour les divers attributs permet au chercheur de calculer la valeur économique de telle ou telle option particulière (chaque option étant définie par un ensemble particulier d’attributs et de niveaux) par rapport au statu quo. Un certain nombre d’estimations du surplus compensatoire peuvent être calculées selon les niveaux des attributs sélectionnés.
Si l’on constate que l’hypothèse de l’indépendance à l’égard des options non pertinentes n’est pas respectée, il est nécessaire de recourir à des modèles statistiques plus complexes qui assouplissent certaines des hypothèses formulées. Il s’agit notamment des modèles probit multinomial (Hausman et Wise, 1978), logit emboîté (McFadden, 1981), logit mixte ou logit à paramètres aléatoires (Train, 1998), et du modèle à structure latente (Boxall et Adamowicz, 2002). L’indépendance à l’égard des options non pertinentes peut être testée à l’aide d’une procédure suggérée par Hausman et McFadden (1984). Celle-ci consiste essentiellement à élaborer un test de ratio de vraisemblance à partir de différentes versions du modèle excluant toute possibilité de choix. Si l’hypothèse relative à l’indépendance à l’égard des options non pertinentes est vérifiée, le modèle estimé en tenant compte de toutes les options devrait être identique à celui estimé pour un sous-ensemble d’entre elles (on en trouvera un exemple chez Foster et Mourato, 2002).
5.3. Les étapes d’une méthode des choix discrets
Comme indiqué à la section 5.2, le cadre conceptuel de la MCD suppose que les utilités des consommateurs ou des personnes interrogées pour un certain bien puissent être décomposées en utilité ou bien-être découlant des attributs de ce bien et en un élément stochastique. On présente aux personnes interrogées une série d’options qui diffèrent par leurs attributs comme par les niveaux qu’ils affichent, avant de les inviter à choisir celle qu’elles préfèrent. Une option de base correspondant au statu quo ou à la situation où « rien n’est fait » figure d’ordinaire parmi les choix proposés. L’inclusion d’une option de base ou d’une option « statu quo » est un élément important de la MCD : les personnes interrogées ne sont pas obligées de faire un choix entre des options qu’elles considèrent comme moins désirables que ce dont elles disposent déjà, et c’est ce qui permet aux analystes d’interpréter les résultats en termes économiques standard (en termes de bien-être).
Une application type de la MCD se caractérise par un certain nombre d’étapes fondamentales (Hanley, Mourato et Wright, 2001 ; Bennett et Blamey, 2001 ; Bateman et al., 2002 ; Hoyos, 2010), qui sont présentées dans le Tableau 5.1.
Tableau 5.1. Étapes d'une application de la méthode des choix discrets
Étape |
Description |
---|---|
Sélection du bien/du service/de la mesure à évaluer |
On choisit une mesure, un bien ou un service multi-attributs à évaluer. |
Sélection des attributs |
Identification des attributs pertinents du bien/ du service/ de la mesure. La sélection des attributs auxquels les individus attachent de l’importance est assurée en s’appuyant sur les travaux publiés et sur des groupes témoins, alors que des experts devront être consultés pour déterminer ceux sur lesquels la politique considérée aura un impact. Afin de permettre l’estimation du CAP ou du CAA, le coût monétaire figure généralement parmi les caractéristiques retenues. |
Association de niveaux aux attributs |
Les niveaux des attributs doivent être réalistes, ne pas être linéairement espacés et couvrir tout l’éventail des préférences que pourraient avoir les personnes interrogées. Les groupes témoins, les enquêtes pilotes, l’examen des travaux publiés et la consultation d’experts sont des moyens essentiels pour choisir les niveaux appropriés. Un niveau de référence correspondant au « statu quo » est généralement inclus. |
Choix du plan d’expérience |
La théorie des plans d’expérience permet de regrouper les niveaux des attributs en un certain nombre de scénarios ou profils qui seront proposés aux personnes interrogées. Les plans factoriels complets sont constitués de toutes les combinaisons possibles d’attributs et de niveaux et permettent d’estimer la totalité des effets que les attributs exercent sur les choix, c’est-à-dire de déterminer l’impact de chacun de ces attribut considéré individuellement (principaux effets) et jusqu’à quel point les comportements varient selon leur combinaison (interactions). Ces plans sont souvent à l’origine un nombre de combinaisons trop élevé pour en permettre l’évaluation : 27 options seraient ainsi générées par un plan factoriel complet à 3 attributs ayant chacun 3 niveaux. Les plans factoriels fractionnaires, avec lesquels seul un sous-ensemble de combinaisons est sélectionné, permettent de réduire le nombre de combinaisons présentées mais entraînent une diminution concomitante de la capacité d’estimation (ce qui signifie que certaines des interactions ou la totalité d’entre elles ne seront pas détectées). Le nombre d’options peut ainsi être ramené de 27 à 9 en ayant recours à un plan factoriel fractionnaire. Des logiciels spécialisés permettent l’élaboration de ces plans. |
Élaboration des ensembles de choix |
Les profils identifiés au stade de la conception de l’expérience sont ensuite groupés en vue de constituer des ensembles de choix qui seront proposés aux personnes interrogées. Les profils peuvent être présentés par paires ou par groupes plus importants, généralement par triplets. Les 9 options identifiées au moyen du plan factoriel fractionnaire peuvent ainsi être groupées en trois ensembles de choix entre 4 possibilités. |
Mesure des préférences |
Les préférences individuelles peuvent être déterminées en demandant aux personnes interrogées de choisir l’option qu’elles préfèrent parmi les ensembles d’options qui leur sont proposés. |
Estimation de valeurs |
L’analyse économétrique (par exemple avec les modèles logit conditionnel, logit imbriqué, logit à paramètres aléatoires ou à structure latente) permet d’estimer les prix implicites pour chaque attribut ainsi que les valeurs de bien-être des combinaisons d’attributs. |
5.3.1. Exemple : mesure des préférences pour des scénarios d’énergie nucléaire en Italie
Nous illustrerons le fonctionnement de la MCD à travers l’exemple d’une étude récente des préférences relatives à l’énergie nucléaire en Italie (pour plus de détails, voir Contu, Strazzera et Mourato, 2016). La réintroduction prévue de l’énergie nucléaire en Italie a été abandonnée au lendemain de l’accident nucléaire de Fukushima, suite à un référendum ayant mis en évidence une opposition massive de l’opinion publique. Cependant, une nouvelle technologie « révolutionnaire » en matière d’énergie nucléaire, la technologie de quatrième génération, actuellement en phase de recherche et développement, devrait résoudre un certain nombre des problèmes que posent les technologies actuelles, notamment en minimisant le risque d’accidents catastrophiques ainsi que la quantité de déchets nucléaires produits. Sachant que l’énergie nucléaire demeure une technologie essentielle pour permettre à un pays d’atteindre ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), il est important d’obtenir l’acceptation sociale d’une nouvelle technologie nucléaire plus sûre.
Pour l’évaluation des préférences en matière d’énergie nucléaire, c’est la MCD qui a été choisie plutôt que l’évaluation contingente. Comme noté précédemment, la MCD est particulièrement bien adaptée lorsque les variations de valeur sont multidimensionnelles (les scénarios sont alors présentés sous la forme d’ensembles d’attributs) et lorsque l’on s’intéresse aux arbitrages entre les différentes dimensions. Les scénarios en matière d’énergie nucléaire revêtent de multiples aspects qui sont importants pour le public, certains négatifs, comme le risque supposé d’accident, et d’autres positifs, comme les avantages pour l’environnement. En second lieu, les valeurs se déduisent implicitement des choix exprimés, si bien qu’il n’est pas nécessaire que les personnes interrogées attribuent directement une valeur monétaire aux changements de scénario. Cette dernière propriété a conduit à suggérer que les formats de la MCD pouvaient être moins sujets à des réponses de protestation que l’évaluation contingente, l’attention ne se portant pas seulement sur l’attribut financier mais sur tous les attributs du scénario (Hanley et al., 2001). Ceci vaut surtout pour les scénarios relatifs à l’énergie nucléaire, qui sont plus particulièrement susceptibles d’inspirer des votes de protestation compte tenu des positions notoirement très tranchées dans unegrande partie du public vis-à-vis de l’énergie nucléaire.
Dans le scénario d’expérience de choix, il a été demandé aux personnes interrogées d’imaginer qu’elles avaient la possibilité de choisir entre une série d’options concernant la construction de centrales nucléaires de 4e génération en Italie. Les attributs sélectionnés étaient les suivants : réduction des émissions de GES (par rapport aux niveaux actuels des émissions, en l’absence de technologie nucléaire) ; réduction des déchets nucléaires (un avantage apporté par la technologie nucléaire de 4e génération par rapport à la technologie actuelle) ; distance entre la ville de résidence et la centrale nucléaire (pour des raisons de sécurité, habiter loin d’une centrale nucléaire est considéré comme un avantage) ; investissements publics (l’implantation d’une centrale nucléaire s’accompagne souvent d’investissements dans la région concernée, par exemple de nouveaux hôpitaux et des mesures de réaménagement du territoire) ; réduction de la facture d’électricité, par foyer et par an. L’attribut financier (réduction du montant des factures) est donc exprimé sous forme de compensation financière. Le Tableau 5.2 présente les attributs et leurs niveaux.
Tableau 5.2. Attributs et niveaux de l'expérience de choix
Attributs |
Niveaux |
---|---|
Distance de la centrale nucléaire |
20, 50, 100, 200 km de la ville de résidence |
Réduction des déchets nucléaires |
30 %, 20 %, 10 %, pas de réduction |
Réduction de la pollution atmosphérique |
20 %, 10 %, pas de réduction |
Réduction de la facture d’électricité |
30 %, 20 %, 10 %, pas de réduction |
Investissements publics |
Construction d’hôpitaux, mesures de réaménagement du territoire, pas d’investissements |
Il a été présenté aux personnes interrogées une série d’ensembles de choix et il leur a été demandé de choisir dans chaque cas le scénario qu’elles préféraient. Chaque ensemble était formé d’une paire de scénarios avec énergie nucléaire comportant les cinq attributs et les niveaux détaillés dans le Tableau 5.2 ainsi qu’une option « statu quo », de telle sorte que les répondants puissent ne choisir aucune des deux options nucléaires. Compte tenu des cinq attributs et des niveaux associés, avec deux options pour chaque ensemble de choix, le nombre total de scénarios possibles était de 576 (4 niveaux de distance * 4 niveaux de réduction des déchets * 3 niveaux de réduction des émissions * 4 niveaux de réduction du montant des factures * 3 niveaux d’investissement public). Afin de réduire le nombre de choix demandés aux personnes interrogées, on a utilisé un plan orthogonal d’effets principaux, ce qui donnait un total de 64 paires de choix structurées en 8 blocs comportant chacun 8 ensembles de choix. Par souci de clarté, après la phase pilote, l’attribut investissements publics a été présenté sous forme de deux attributs distincts : construction de nouveaux hôpitaux (oui ou non) et mesures de réaménagement du territoire (oui ou non). Le Graphique 5.1 présente l’exempled’un ensemble de choix utilisé dans l’étude.
La méthode des choix discrets est compatible avec la maximisation de l’utilité et avec la théorie de la demande, du moins lorsqu’une option correspondant au statu quo est proposée dans l’ensemble de choix, comme c’est le cas ici. Si, par contre, tel n’est pas le cas, les personnes interrogées sont en fait « contraintes » de choisir l’une ou l’autre des options qui leur sont soumises, ce qu’elles pourraient ne pas du tout souhaiter. À supposer que certaines d’entre elles préfèrent l’option correspondant à la situation de départ (dans le cas présent, l’absence d’énergie nucléaire), aucun des modèles l’omettant parmi les choix proposés ne pourrait fournir d’estimations exactes du bien-être des consommateurs.
L’étude a été programmée dans Qualtrics et lancée en ligne en 2014 auprès d’un panel de 1 200 répondants italiens représentatif en termes de sexe, d’âge et de région. Comme on pouvait s’y attendre, les personnes interrogées étaient divisées vis-à-vis des scénarios d’énergie nucléaire : environ 23 % n’ont choisi aucun des deux scénarios d’énergie nucléaire dans chaque ensemble de choix, et une proportion similaire a toujours choisi un des deux scénarios d’énergie nucléaire dans chaque ensemble de choix.
Les données de l’expérience de choix ont été analysées en utilisant un modèle logit conditionnel, un modèle à paramètres aléatoires et à erreurs composées et un modèle à structure latente (voir section 5.2). Nous présentons ici les résultats du modèle logit conditionnel. Dans l’analyse, on suppose que la composante déterministe de la fonction d’utilité ou de bien-être Vij (de la ie personne interrogée pour les j options différentes proposées dans l’ensemble de choix) est simplement fonction (linéaire) des attributs des choix présentés :
[5.8]
où les βi sont les coefficients du modèle, et où les autres variables sont les attributs de l’expériencementation des choix présentés dans le Tableau 5.2. L’ASC est une constante spécifique à l’alternative reflétant la variation des choix qui n’est pas expliquée par les attributs. Elle représente ici l’option « statu quo » dans chaque ensemble de choix. Un coefficient b1 positif indique que les individus sont plus susceptibles de ne choisir aucun des scénarios d’énergie nucléaire, et il constitue donc une mesure de l’opposition globale à l’énergie nucléaire. En raison d’aspects non linéaires, certains des attributs sont codés sous forme de variables muettes : Distancex (distance entre la ville de résidence et la centrale nucléaire, variables muettes pour 50, 100 et 200 km, base de référence 20 km), Déchetsx (réduction des déchets nucléaires, variables muettes pour une réduction de 10, 20 et 30 %, base de référence « pas de réduction ») et les investissements publics Hôpitaux et Territoire (construction d’hôpitaux et mesures de réaménagement du territoire, respectivement, base de référence « pas d’investissement » dans chaque cas). Les deux derniers attributs sont les Émissions (représentant les réductions des émissionsatmosphériques, par intervalles de 10 %) et la Facture (représentant les réductions du montant de la facture d’électricité par foyer, par an, en EUR, obtenues en appliquant les pourcentages de réduction de la facture à la moyenne des montants annuels des factures d’électricité des personnes interrogées).
En utilisant le modèle logit conditionnel pour estimer l’équation [5.8], on a déterminé les coefficients suivants : b1 = 1.60 ; b2 = 0.72 ; b3 = 0.579 ; b4 = 0.431 ; b5 = 0.726 ; b6 = 0.606 ; b7 = 0.367 ; b8 = 0.274 ; b9 = 0.326 ; b10 = 0.516 ; b11 = 0.00213. Les coefficients relatifs à ces attributs sont tous positifs, sachant qu’il s’agit d’éléments qui augmentent l’utilité ou le bien-être : habiter loin d’une centrale nucléaire, réduire les déchets nucléaires, réduire les émissions, investir dans de nouveaux hôpitaux et dans des mesures de réaménagement du territoire, et réduire les factures d’électricité. Par ailleurs, l’effet de la distance du site nucléaireest non linéaire : la magnitude des coefficients augmente avec la distance.
À partir de ces résultats, l’analyste peut obtenir des estimations de valeur monétaire en divisant le coefficient de chaque attribut non monétaire (par exemple b2, le coefficient de Distance 200 km) par le coefficient de l’attribut monétaire (b11), conformément aux équations [5.6] et [5.7] ci-dessus. Ces valeurs représentent la propension à accepter des compensations, en termes de réductions des factures d’électricité, pour un niveau d’un attribut donné correspondant à une diminution de l’utilité (par exemple, une centrale nucléaire située plus près du domicile), ou sinon, le consentement à payer (en termes de renoncement à une compensation) pour un niveau d’un attribut qui représente une augmentation de l’utilité (par exemple, une centrale nucléaire située à plus grande distance du domicile, ou une réduction des émissions). Dans ce cas, sachant que tous les attributs sont formulés en termes d’avantages, les évaluations peuvent être interprétées comme des estimations du consentement à payer (c’est-à-dire à renoncer aux compensations). Les prix implicites des attributs sont donc les suivants :
En moyenne, les résultats montrent que les ménages italiens sont prêts à renoncer à une compensation annuelle de 338 EUR pour une centrale nucléaire située à 200 km (par rapport à une base de référence de 20 km), ce montant se réduisant à 202 EUR pour une distance de seulement 50 km. Par ailleurs, la réduction des déchets nucléaires est évaluée à 341 EUR (pour une réduction de 30 %), soit davantage que les mesures de réaménagement du territoire (242 EUR) et les hôpitaux (153 EUR). Enfin, les réductions des émissions sont fortement valorisées, à 129 EUR pour une réduction de 10 %. Il convient de remarquer que l’ASC représentant le statu quo, en l’occurrence l’absence d’énergie nucléaire, est positive et très fortement évaluée (751 EUR), ce qui indique une nette préférence pour les scénarios sans énergie nucléaire.
En 2004, Adamowicz (2004) prédisait que l’attention pourrait bientôt se porter moins sur les valeurs des biens environnementaux et davantage sur les choix. Il semble que cette prédiction se soit avérée : aujourd’hui, la MCD est plus prisée que l’évaluation contingente (Mahieu et al., 2014). Les applications abondent dans les transports, la santé, le marketing, l’agriculture mais aussi l’environnement, dans les pays développés comme dans les pays en développement. Un exemple d’application dans les pays en développement est présenté dans l’Encadré 5.1.
Encadré 5.1. Les préférences des pêcheurs pour les mécanismes de PSE marins en Tanzanie
Depuis trente ans, la pêche tanzanienne est confrontée à un déclin significatif de la biodiversité et de la productivité. La population et le nombre de pêcheurs continuent à croître, et les ressources côtières sont soumises à une pression croissante. La gestion de l’espace maritime privilégie en général des solutions d’ordre réglementaire comme la création d’aires marines protégées (AMP), avec des interdictions totales de pêcher. Or, les AMP peuvent être inefficientes et inefficaces et faire peser une charge irréaliste sur les communautés locales de pêcheurs à faibles revenus. Les paiements pour services écosystémiques (PSE) peuvent compléter les instruments de gestion de l’espace maritime existants en incitant à court terme à accepter les restrictions de pêche – que celles-ci s’appliquent à des zones ou à des engins – grâce à une compensation pour la diminution des captures.
Barr et Mourato (2014) ont recouru à la MCD pour étudier la façon dont les compensations proposées aux pêcheurs en Tanzanie pour qu’ils adhèrent à des restrictions de pêche dans un parc marin local – zones fermées à la pêche et modification des engins de pêche – les conduisent à participer à un mécanisme de PSE marin. Le tableau 3 présente les attributs et les niveaux de l’expérience de choix discrets : superficie de la zone de pêche interdite dans le parc marin (par rapport à une base de référence sans restrictions spatiales), taille du maillage autorisé (un taille de 3 pouces étant le minimum légal : plus le maillage est large et plus les poissons peuvent s’échapper), et compensation financière. Les étapes d’expérimentation pilote font apparaître une forte variation des préférences en matière d’attributs de gestion. Certains niveaux des attributs (comme un maillage plus serré) étaient considérés comme très avantageux par certains pêcheurs, si bien qu’ils étaient disposés à payer pour cela. L’attribut monétaire final inclut donc une compensation négative, équivalente au consentement à payer.
Tableau 5.3. Attributs et niveaux des attributs dans l'expérience de choix type
Attribut du mécanisme de PSE |
Description |
Niveau de l’attribut |
---|---|---|
Superficie de la zone de pêche interdite |
Superficies en % de la zone de pêche actuelle dans laquelle la pêche ne sera plus autorisée et AMP déclarée. |
0, 10, 25, 50 |
Taille du maillage autorisé |
Taille des mailles en pouces que les pêcheurs sont autorisés à utiliser sur les lieux de pêche. Le maillage se mesure quand la maille est étirée dans chaque coin. |
1, 3, 6 |
Paiement |
Paiement hebdomadaire en shillings tanzaniens (TZS) dans le cadre du mécanisme de PSE. |
-1 000, 5 000, 10 000, 20 000 |
Sachant que près de 30 % des pêcheurs n’avaient pas reçu d’éducation formelle et que la plupart des autres n’avaient bénéficié que d’un enseignement primaire, les attributs et les niveaux de l’expérience de choix ont été présentés visuellement, à l’aide de schémas simples en noir et blanc (Graphique 5.2). Dix-huit scénarios de gestion expérimentaux ont été définis et présentés sous forme de choix. Les deux premières fiches de scénario ont été tirées au hasard par l’agent recenseur, sans remise, dans un sac contenant les 18 scénarios. Le scénario de référence du statu quo a été ajouté, ce qui a donné un triplet de possibilités. Il a été présenté à chaque personne interrogée six de ces triplets générés de façon aléatoire (Graphique 5.2).
Des entretiens en face-à-face ont été organisés en 2010 avec 317 pêcheurs provenant de six villages côtiers du sud de la Tanzanie. Les données des choix ont été analysées en utilisant un modèle logit imbriqué. Les résultats montrent que l’abandon du statu quo était considéré comme une perte significative, les pêcheurs exigeant une compensation de 12.7 USD par semaine en moyenne (le revenu moyen de la pêche dans ces villages étant compris entre 4.8 USD et 1.3 USD par jour). Il n’y avait pas de quoi être surpris sachant que le statu quo apparaissait comme le choix préféré dans un peu plus de la moitié des choix présentés, 30 % des pêcheurs (96) ayant choisi le statu quo lors des six choix, ce qui révèle une aversion pour le changement.
Les autres résultats ont montré que des restrictions supplémentaires concernant le maillage représentaient un coût d’utilité élevé pour les pêcheurs : une compensation hebdomadaire de près de 10 USD par pêcheur était exigée pour faire passer de 3 à 6 pouces la taille minimum, tandis que pour la fermeture de 10 % supplémentaires du paysage marin aux activités de pêche, la compensation hebdomadaire exigée n’était que de 1.60 USD. Pour les pêcheurs, il apparaît qu’une fermeture de 20 % des zones de pêche représente la même perte d’utilité qu’une augmentation de 1 pouce du maillage autorisé. En agrégeant les combinaisons correspondantes de prix implicites, on détermine la valeur économique associée aux différents scénarios de gestion de l’espace maritime au moyen de PSE, par rapport à la situation actuelle (Tableau 5.4).
Tableau 5.4. Valeur économique du bien-être dans différents scénarios de gestion
en USD par semaine
Maillage en pouces |
Superficie fermée à la pêche (% de fermeture des zones de pêche actuelles) |
|||
---|---|---|---|---|
0 |
10 |
25 |
50 |
|
1 |
-11.499 |
-13.082 |
-15.457 |
-19.414 |
3 |
- |
-14.304 |
-16.678 |
-20.635 |
6 |
-22.072 |
-23.655 |
-26.029 |
-29.987 |
À chacun des programmes de PSE, les pêcheurs ont associé une perte d’utilité élevée, ce qui reflète leur aversion pour le changement. Le scénario comportant le moins de restrictions (la fermeture de 10 % seulement des zones de pêche et le maintien de la taille courante des mailles, de 3 pouces) réduit l’utilité de 14.3 USD par semaine (soit 12.7 USD pour renoncer au statu quo plus 1.60 USD pour endurer la réduction des zones de pêche). Comme prévu, la plus grande perte d’utilité a été associée aux scénarios de gestion comportant les plus grandes restrictions.
Globalement, les résultats de Barr et Mourato (2014) mettent en évidence une aversion pour le changement et des prévisions de taux d’adoption des PSE relativement faibles. Environ la moitié seulement des pêcheurs consentiraient à s’engager dans un mécanisme de PSE comportant la plus faible restriction, soit la fermeture de 10 % des zones de pêche et aucun changement concernant le maillage. Cela indique que les coûts associés à un mécanisme de PSE marin pourraient être élevés : créer un environnement favorable, dans lequel les changements ne susciteraient pas d’appréhension ni d’hostilité, peut être tout aussi important qu’investir dans des mécanismes de compensation conditionnelle en nature.
5.4. Forces et faiblesses relatives de la méthode des choix discrets
La MCD étant une méthode des préférences déclarées et, dans les faits, une généralisation de l’évaluation contingente fondée sur des choix discrets, elle comporte pour partie les mêmes avantages et inconvénients. De façon similaire à l’évaluation contingente, la MCD se fonde sur des scénarios hypothétiques et sur des choix sans conséquence pour le répondant, avec les réserves que cela peut impliquer (voir Chapitre 4). Par ailleurs, comme l’évaluation contingente, la MCD est très flexible et permet de mesurer les changements futurs ainsi que les valeurs de non-usage. Cependant, la MCD présente des caractéristiques distinctives qui peuvent affecter de différentes manières sa performance et sa précision. Cette section étudie certains des principaux avantages et inconvénients de la MCD par rapport à l’évaluation contingente.
5.4.1. Forces
La MCD présente un certain nombre d’avantages par rapport à la technique standard d’évaluation contingente (Hanley, Mourato et Wright, 2001 ; Mahieu et al., 2014). Les principaux atouts de la MCD sont les suivants :
La MCD est particulièrement adaptée à l’analyse des changements multidimensionnels et lorsque les arbitrages entre les dimensions présentent un grand intérêt, du fait d’une capacité naturelle à identifier séparément la valeur des différents attributs d’un bien ou d’un programme, lesquels sont généralement indissociables les uns des autres. Il est vrai que l’évaluation contingente pourrait en principe être également utilisée pour estimer la valeur des attributs d’un programme, en incluant par exemple différents scénarios dans un questionnaire d’évaluation contingente, ou encore en procédant à une série d’études d’évaluation contingente. Cette solution est toutefois plus coûteuse et plus contraignante. C’est pourquoi la MCD convient mieux que l’évaluation contingente pour mesurer la valeur marginale des changements affectant diverses caractéristiques des programmes environnementaux par exemple, de même qu’elle apporte une meilleure compréhension des arbitrages entre eux. Du point de vue de la gestion et de la politique, il s’agit souvent d’une approche plus utile que celle consistant à porter l’attention sur le gain ou la perte globale associé(e) au bien, ou sur un seul changement discret affectant ses attributs. Ainsi, par exemple, une compagnie de distribution d’eau désireuse d’identifier les domaines possibles d’investissement devra sans doute déterminer, parmi les différents services qu’elle fournit, lesquels ont le plus d’importanceaux yeux de sa clientèle et comparer les valeurs relatives (c’est-à-dire les avantages) de ces services avec les coûts des prestations. Or, les services fournis ont des dimensions multiples : la qualité de l’eau potable (par exemple le goût et l’odeur de l’eau, sa dureté, sa couleur, et l’éventuel besoin de la faire bouillir), la fiabilité de l’approvisionnement (par exemple la pression de l’eau, les interruptions de l’approvisionnement, les fuites d’eau et les inondations) et les impacts environnementaux (qualité des eaux fluviales, débit et niveau des rivières, interdiction éventuelle d’arroser les jardins). La MCD constitue donc le cadre idéal pour mesurer ces valeurs.
L’accent mis sur les attributs est susceptible d’augmenter les possibilités de généralisation des résultats, ce qui fait que la MCD est plus appropriée du point de vue du transfert de valeurs (Rolfe, 2006 ; Rolfe et Windle, 2008). Morrison et al. (1998) ont fourni des premières données encourageantes sur l’utilisation de la MCD pour le transfert de valeurs et ont mis en évidence des avantages comme la prise en compte des différences en termes d’améliorations environnementales entre les sites ainsi que des différences en termes de caractéristiques socio-économiques entre les populations auxquelles appartiennent les personnes interrogées. Plus récemment, Rolf, Windle et Bennett (2015) ont étudié plusieurs raisons pour lesquelles la MCD pourrait se prêter plus facilement au transfert de valeurs. Ces raisons ont trait principalement à la richesse et au détail de l’estimation de valeur obtenue par la MCD, en termes d’attributs et de niveaux multiples. Cette richesse des données est particulièrement importante lorsqu’il s’agit d’effectuer des transferts de bénéfices en utilisant une fonction de transfert de valeurs (pour une étude sur les méthodes de transfert de valeurs, voir le Chapitre 6). Les valeurs de bien-être estimées dans les études de MCD sont fonction des caractéristiques du site et des caractéristiques des personnes interrogées sur le site de l’étude initiale. Cette même fonction peut alors être utilisée pour un transfert de valeurs versun site d’accueil différent, en utilisant les niveaux associés aux caractéristiques du nouveau site et de la population, dans la mesure où ces niveaux sont dans les limites utilisées dans l’étude initiale (Rolf, Windle et Bennett, 2015).
L’insensibilité à l’étendue du changement est un des grands problèmes avec la méthode de l’évaluation contingente (voir Chapitre 4). Au contraire, la présentation simultanée de l’ensemble et des parties dans la MCD impose une certaine cohérence interne dans les choix des personnes interrogées. La MCD fournit donc naturellement un test interne d’étendue (au niveau des sujets), sachant que plusieurs réponses sont demandées à chaque individu. Ce test interne est cependant moins puissant qu’un test externe (entre les sujets) par prélèvement fractionné puisque les réponses données par un même individu ne sont pas indépendantes les unes des autres et qu’il en résulte inévitablement une certaine sensibilité aux variations. Dans le cadre d’un des rares tests formels de sensibilité à l’étendue qui existent, dans l’évaluation contingente et la MCD, Foster et Mourato (2003) ont mené des études d’évaluation contingente séparées concernant deux biens publics imbriqués, l’un et l’autre explicitement intégrés dans une étude parallèle utilisant la MCD. Les auteurs ont constaté que si l’évaluation contingente et la MCD donnaient visiblement des résultats faisant apparaître une sensibilité à l’étendue, les éléments produits par la MCD étaient bien plus probants que ceux produits par l’évaluation contingente.Ce constat concorde avec les attentes antérieures, le test d’étendue utilisé pour la méthode de l’évaluation contingente étant un test externe, par conséquent plus rigoureux que le test interne fourni par la MCD.
Les méthodes basées sur la modélisation des choix discrets fournissent davantage d’informations que les études d’évaluation contingente fondées sur des choix discrets, sachant que les personnes interrogées ont de multiples possibilités d’exprimer leur préférence pour un bien considéré par rapport à un éventail de paiements de différents montants : par exemple, si l’on présente aux personnes interrogées 8 paires d’options et un scénario de base où « rien n’est fait », elles peuvent répondre en choisissant parmi 17 montants proposés, dont un montant nul. En fait, certains considèrent que la MCD constitue une généralisation de l’évaluation contingente fondée sur des choix discrets dans laquelle une série de questions impliquant des choix discrets visent à évaluer au moins deux biens (Hanley, Mourato et Wright, 2001). Le recours à la MCD peut réduire les coûts d’évaluation de programmes multi-attributs, puisque cette méthode permet, par sa nature même, d’estimer la valeur des attributs du programme au moyen d’un seul questionnaire et de recueillir ce faisant davantage d’informations que les enquêtes d’évaluation contingente fondées sur des choix discrets.
Dans l’expérience de choix, on évite en règle générale de poser aux personnes interrogées une question explicite sur leur consentement à payer (ou sur leur consentement à accepter) et l’on préfère leur présenter une série d’options différentes et leur demander de les classer ou de faire un choix parmi elles, pour déduire ensuite indirectement leur CAP à partir de leurs réponses. De ce fait, la MCD atténue probablement certaines difficultés posées par les réponses dans la méthode de l’évaluation contingente, comme les biais de protestation, stratégiques ou de complaisance (Hanley, Mourato et Wright, 2001). Cette hypothèse, si elle est intuitive, reste cependant spéculative et reste à démontrer. Dans un examen récent des études de MCD, Rakotonarivo et al. (2016) ont observé des fréquences de protestation comprises entre 2 % et 58 % dans les pays développés, mais en l’absence d’études comparatives réalisées en utilisant l’évaluation contingente il n’est pas possible de dire si celle-ci aurait donné de plus mauvais résultats.
5.4.2. Faiblesses
L’expérience de la MCD dans des contextes environnementaux et plus généralement dans les domaines des transports, du marketing et de la santé met aussi en évidence un certain nombre de problèmes potentiels :
Le principal inconvénient des approches par la MCD tient sans doute à l’effort intellectuel qu’imposent la complexité et la multiplicité des choix parmi des options comportant une grande quantité d’attributs qui présentent eux-mêmes bon nombre de niveaux. Si la recherche de l’efficacité statistique a plus de chances d’aboutir quand on pose un grand nombre de questions sur des arbitrages difficiles, les personnes interrogées s’en sortent mieux (en termes de réponses probantes) quand elles sont confrontées à un plus petit nombre d’arbitrages plus faciles (Johnson et al., 2013). Tant les économistes que les psychologues expérimentaux ont largement constaté qu’il existait une limite à la quantité d’informations que les personnes interrogées peuvent traiter de façon pertinente lors d’une prise de décision. On observe couramment que la complexité du choix peut être à l’origine d’un plus grand nombre d’erreurs aléatoires ou du moins, d’une plus grande imprécision des réponses (voir l’Encadré 5.2). De façon plus générale, puisque dans la plupart des cas un grand nombre d’ensembles de choix sont proposés aux personnes interrogées, on peut se trouver confronté à des effets d’apprentissage mais aussi de fatigue et l’une des grandes questions qui se pose est de savoir lequel des deux l’emporte le plus souvent sur l’autre, et dans quelles circonstances. Le traitement des réponses répétées fourniespar une même personne interrogée pose également des problèmes statistiques et la corrélation entre ces réponses doit alors être prise en compte et modélisée comme il convient (Adamowicz, Louviere et Swait, 1998).
Il en résulte que si le chercheur souhaite inclure de nombreux attributs et de nombreux niveaux, les personnes interrogées seront confrontées à une tâche d’une ampleur décourageante, à moins que de très vastes échantillons ne soient constitués. Aussi, devant des choix complexes, les personnes interrogées sont susceptibles de recourir à des règles heuristiques ou empiriques pour simplifier la prise de décision. Ces critères de sélection les amènent à choisir les options jugées suffisamment bonnes même si ce ne sont pas nécessairement les meilleures, évitant ainsi d’avoir à résoudre le problème sous-jacent de maximisation de l’utilité (en se contentant d’une approche satisfaisante plutôt qu’optimale). Parmi les outils heuristiques fréquemment utilisés pour faire face aux choix difficiles figurent les stratégies maximin et maximax et les classements lexicographiques (Tversky, 1972 ; Foster et Mourato, 2002). Il importe donc que la MCD inclue des tests de cohérence afin de détecter l’ensemble des problèmes précédemment mentionnés (voir par exemple l’Encadré 5.2). La section 5 ci-après présente certains développements récents dans ce domaine.
La MCD a plus de difficultés que l’évaluation contingente à estimer la valeur d’une suite d’éléments mis en œuvre dans le cadre d’une politique ou d’un projet. Aussi est-il sans doute préférable de recourir à l’évaluation contingente pour estimer la valeur des biens successivement fournis dans le cadre de programmes multidimensionnels (Hanley, Mourato et Wright, 2001).
Pour estimer à l’aide d’une approche fondée sur la MCD la valeur totale d’un programme ou d’un bien public et non plus une variation d’un seul de leurs attributs, il faut supposer que la valeur du tout est égale à celle de la somme des parties (voir l’Encadré 5.1). Il en résulte deux problèmes potentiels. Tout d’abord, le bien en question peut posséder d’autres attributs dont il n’est pas tenu compte dans l’étude mais qui n’en génèrent pas moins de l’utilité (dans la pratique, ces effets peuvent être mesurés par d’autres moyens). Par ailleurs, la valeur du « tout » risque de ne pouvoir être obtenue par une simple addition de ce type. Dans d’autres secteurs des sciences économiques, des objections ont été soulevées concernant l’hypothèse selon laquelle la valeur du tout serait en fait égale à la somme des parties. C’est ce que l’on a parfois appelé les « package effects » dans la littérature grise (par exemple eftec et ICS Consulting, 2013). Avec la MCD, les « package effects » risquent davantage de poser un réel problème lorsque les valeurs marginales du CAP pour les changements dans les attributs sont appliquées à des mesures mettant en jeu des changements importants et multiples de façon simultanée au niveau des attributs, c’est-à-dire là où l’on peut s’attendre à des effets de substitution.
Pour vérifier s’il s’agit là d’une objection valable dans le cas de la MCD, les estimations de la valeur totale d’un programme ou d’un bien obtenues grâce à la MCD pourraient être comparées à celles établies pour le même actif et dans des circonstances similaires au moyen d’une autre méthode telle que l’évaluation contingente. Dans le domaine des transports, des études réalisées pour le métro et pour le réseau de bus de Londres ont clairement démontré que la valeur globale des améliorations est inférieure à la somme des valeurs de chacune d’elles, toutes étant mesurées à l’aide de la MCD (SDG, 1999, 2000). Comme noté précédemment, Foster et Mourato (2003) ont constaté que les estimations de la valeur totale des services de bienfaisance au Royaume-Uni calculée à l’aide de l’expérience de choix étaient sensiblement plus élevées que celles obtenues grâce à une enquête d’évaluation contingente menée parallèlement. Ils en concluent qu’en retenant la somme des composantes individuelles du choix, on risque de surestimer grandement la valeur de l’ensemble.
Avec la MCD, on trouve fréquemment un nombre disproportionné de personnes interrogées choisissant le statu quo, la base de référence ou la solution de refus (par exemple Ben Akiva et al., 1991 ; Meyerhoff et Liebe, 2009). Cela pourrait refléter un biais de statu quo, c’est-à-dire un biais en faveur de la situation courante ou de référence (Samuelson et Zeckhauser, 1988) qui pourrait survenir pour un certain nombre de raisons : inertie, perceptions biaisées, capacité cognitive limitée, incertitude, défiance vis-à-vis des institutions, doutes sur l’efficacité du programme proposé, ou complexité de la tâche (Meyerhoff et Liebe, 2009). Un petit nombre d’auteurs ont expérimenté différentes présentations de l’option du statu quo dans la MCD pour en étudier les effets sur les choix (Banzhaf, Johnson et Mathews, 2001 ; Kontoleon et Yabe, 2004).
Comme c’est le cas pour toutes les techniques des préférences déclarées, les estimations du bien-être obtenues au moyen de la MCD sont sensibles à la façon dont est conçue l’étude. Le choix des attributs et de leurs niveaux, tout comme la façon dont ils sont présentés aux personnes interrogées (par exemple au moyen de photos ou au contraire de textes descriptifs, et selon qu’il s’agit de procéder à des choix ou à des classements) ne sont pas sans conséquence et peuvent avoir une incidence sur la valeur des estimations de la rente des consommateurs et de leur utilité marginale.
Encadré 5.2. Tester la charge cognitive
Le classement contingent est une variante de la modélisation des choix dans laquelle les personnes interrogées doivent ordonner une série d’alternatives (Hanley, Mourato et Wright, 2001 ; Bateman et al., 2002), plutôt que simplement choisir l’option qu’elles préfèrent comme c’est le cas avec la MCD. De la même façon qu’avec la MCD, chaque alternative se caractérise par un certain nombre d’attributs, proposés à des niveaux différents, et une option de statu quo est normalement incluse dans les possibilités de choix afin d’obtenir des résultats cohérents du point de vue du bien-être. Cependant, la tâche du classement impose une charge cognitive significative aux personnes interrogées, une charge qui s’intensifie avec le nombre d’attributs utilisés et avec le nombre d’alternatives proposées à chaque individu. On peut dès lors se demander si les personnes interrogées sont véritablement capables d’apporter des réponses significatives à ces questions. Dans une étude, Foster et Mourato (2002) examinent trois aspects différents de la cohérence logique dans le contexte d’une expérience de classement contingent : dominance, cohérence du classement, et transitivité de l’ordre du classement. Chacun de ces concepts est défini ci-dessous avant que soient exposées les conclusions de cette étude :
Dominance : on dit qu’une alternative en domine une autre quand elle est au moins aussi bonne du point de vue de chaque attribut. Si l’option A domine l’option B, alors il serait clairement incohérent, de la part d’une personne interrogée, d’attribuer à l’option B un meilleur rang qu’à l’option A. Les paires présentant une dominance sont parfois exclues des exercices de modélisation des choix au motif qu’elles n’apportent aucune information supplémentaire sur les préférences. Néanmoins, leur inclusion délibérée peut servir à tester la cohérence des réponses données par les personnes interrogées.
Cohérence du classement : lorsque les personnes interrogées doivent procéder à une série de classements, il devient aussi possible de tester la cohérence du classement à travers les questions. Cela peut se faire en concevant l’expérience de telle sorte que des paires d’options courantes apparaissent dans des propositions de classement successives. Ainsi, par exemple, on pourra demander à la personne interrogée de classer les options A, B, C, D dans la première question et les options A, B, E, F dans la deuxième question. La cohérence du classement veut qu’un individu qui préfère l’option B à l’option A dans la première question continue à exprimer la même préférence dans la deuxième question.
Transitivité : la transitivité de l’ordre du classement signifie qu’une personne interrogée qui a exprimé sa préférence pour l’option A par rapport à B dans la première question et pour l’option B par rapport à C dans une autre question n’exprime pas, dans la suite du questionnaire, une préférence pour l’option C par rapport à l’option A. L’analogie avec l’axiome de transitivité sur lequel repose la théorie néoclassique du consommateur est évidente.
Le jeu de données qui sert de base aux tests présentés par Foster et Mourato (2002) est une étude de classement contingent portant sur les coûts sociaux de l’utilisation de pesticides dans la production de pain au Royaume-Uni. Trois attributs de produit ont été retenus dans l’enquête, chacun présenté avec trois niveaux différents : le prix du pain, avec des mesures relatives à la santé humaine – nombre de cas de maladie par an résultant de l’exposition aux pesticides – et les impacts environnementaux des pesticides – nombre d’espèces d’oiseaux des champs en situation de déclin à long terme en raison de l’utilisation de pesticides. Le Tableau 5.5 illustre un exemple de fiche de choix pour cette étude.
Tableau 5.5. Exemple de question de classement contingent dans une enquête sur les pesticides
Processus A |
Processus B |
Processus C |
Processus D |
|
---|---|---|---|---|
Prix du pain |
0.60 GBP la miche |
0.85 GBP la miche |
0.85 GBP la miche |
1.15 GBP la miche |
Conséquences sanitaires |
100 cas de maladie par an |
40 cas de maladie par an |
40 cas de maladie par an |
60 cas de maladie par an |
Effets sur les oiseaux des champs |
9 espèces en déclin |
2 espèces en déclin |
5 espèces en déclin |
2 espèces en déclin |
Classement |
Notes : Processus A : technologie actuelle de culture du blé ; Processus B à D : alternatives écologiques pour la culture du blé.
Les résultats de base des tests de cohérence logique élaborés par les auteurs sont présentés dans le Tableau 5.6. Chaque personne interrogée a été classée dans une des trois catégories suivantes : i) « pas d’échec » signifie que ces individus ont toujours réussi un test particulier ; ii) « échecs occasionnels » fait référence aux individus qui l’ont parfois réussi, mais pas toujours ; iii) « échec systématique » fait référence aux individus qui ont échoué à tous les tests qui leur ont été présentés.
Tableau 5.6. Comparaison des échecs aux tests
Pas d’échec |
Échecs occasionnels |
Échec systématique |
|
---|---|---|---|
Dominance |
83 % |
13 % |
4 % |
Cohérence du classement |
67 % |
32 % |
1 % |
Transitivité |
87 % |
13 % |
0 % |
ENSEMBLE |
54 % |
41 % |
5 % |
Note : Le pourcentage global d’échecs occasionnels présenté dans la dernière ligne du tableau est calculé déduction faite de tous les individus qui ont échoué systématiquement à un des tests.
Les résultats montrent qu’en considérant les tests un par un, une vaste majorité des personnes interrogées ont passé ces tests avec succès. Plus de 80 % ont toujours réussi les tests de dominance et de transitivité, tandis que les deux tiers ont réussi le test de cohérence du classement. Parmi ceux qui ont échoué à des tests, une vaste majorité n’a échoué que de façon occasionnelle. Le taux d’échec le plus élevé concerne le test de cohérence du classement, auquel ont échoué 32 % des individus de l’échantillon, tandis que seulement 13 % des personnes interrogées ont échoué aux deux autres tests. Les échecs systématiques sont comparativement rares, et aucun échec n’a été observé au test de transitivité.
Quand les résultats des tests sont regroupés, le Tableau 5 indique que seulement 5 % des membres de l’échantillon ont échoué de façon systématique. Le sous-ensemble global « pas d’échec » représente 54 % du total. Le fait que ce chiffre soit substantiellement plus petit que le pourcentage associé à « pas d’échec » pour chacun des tests indique que différentes personnes interrogées échouent à des tests différents, et non pas qu’un petit groupe de personnes interrogées échouerait à tous les tests. Cependant, ce résultat indique aussi un taux relativement élevé d’échecs occasionnels parmi les personnes interrogées, près de la moitié de l’échantillon ayant échoué à au moins un des tests une partie du temps.
De tels résultats peuvent avoir d’importantes implications pour la méthode du classement contingent, et plus généralement, pour la modélisation des choix. Le fait qu’à l’évidence une proportion substantielle des personnes interrogées éprouvent des difficultés à donner des réponses cohérentes à des problèmes de classement contingent soulève quelques préoccupations concernant la méthodologie, quand le but ultime de la recherche est d’estimer les coefficients avec lesquels calculer des montants du CAP qui soient valides et fiables. D’un autre côté, il semble que les erreurs soient le plus souvent occasionnelles, et leur fréquence devrait diminuer dans le contexte plus simple de la MCD dans lequel il s’agit seulement d’identifier l’option préférée (plutôt que de tout classer).
5.5. Évolutions récentes et problèmes de frontières
Les techniques des préférences déclarées atteignant leur maturité, des percées décisives ont moins de chances de se produire. Les méthodes de modélisation des choix ne font pas exception. Au cours de la dernière décennie, il y a eu essentiellement de petites améliorations de la conception statistique, de l’analyse économétrique et des méthodes de mise en œuvre d’enquêtes (avec l’apparition des sondages en ligne dont il est question au Chapitre 4). Cependant, il y a eu également des progrès dans notre compréhension de la façon dont les choix individuels sont formulés dans les contextes de choix séquentiels, ainsi que le développement de nouvelles variantes des modèles de choix. Cette section présente un bref aperçu de certaines évolutions essentielles de la compréhension du comportement des personnes interrogées dans le contexte de l’expérience de choix.
5.5.1. Des méthodes de plan d’expérience
La sélection du plan expérimental, c’est-à-dire de la combinaison d’attributs et de niveaux à présenter aux personnes interrogées dans les questionnaires de choix, est une étape clé dans l’élaboration de la MCD lorsqu’on utilise des conceptions factorielles partielles (section 2). Ces dernières années, de nombreuses innovations ont eu lieu dans les méthodes de conception expérimentales (De Bekker-Grob et al., 2012 ; Johnson et al., 2013). Les configurations orthogonales (dans lesquelles les attributs sont statistiquement indépendants les uns des autres et les niveaux apparaissent le même nombre de fois) sont largement utilisées et disponibles dans des catalogues de plans de sondages, des tableaux de matrices orthogonales en ligne, ou plus communément dans des programmes statistiques comme SPSS (SPSS, 2008), SPEED (Bradley, 1991), ou SAS (Kuhfeld, 2010).
Plus récemment, des plans de sondage plus efficients (conçus pour minimiser les erreurs type des estimations de paramètres pour une taille d’échantillon donnée) ont été mis au point, et ils sont de plus en plus utilisés. Parmi ceux-ci, les plans qui utilisent le critère d’efficience D (disponibles dans le logiciel SAS). De nouveaux logiciels de conception avancés, conçus spécifiquement pour la MCD, ont aussi été développés ces dernières années. De façon plus spécifique, Ngene (Choice Metrics, 2014), de plus en plus populaire, permet de créer des plans pour un vaste ensemble de modèles de MCD, d’utiliser des distributions bayésiennes et d’adapter les spécifications aux contraintes et aux effets d’interaction. Enfin, comme pour l’évaluation contingente (Chapitre 4), les enquêtes en ligne sont devenues le moyen le plus apprécié d’appliquer la MCD (Mahieu et al., 2014) et cette évolution, elle-même, a facilité la mise en œuvre de plans expérimentaux avancés.
5.5.2. Apprécier l’efficience des réponses
La précision globale des estimations de paramètres dans les modèles de MCD dépend non seulement de l’efficacité statistique du plan d’expérience évoqué en 5.1., mais aussi de l’efficience des réponses ou, en d’autres termes, de l’erreur de mesure qui résulte des erreurs et des choix non optimaux des personnes interrogées (Johnson et al., 2013).
Comme noté précédemment, on sait que dans une expérience de choix, les personnes interrogées peuvent adopter différentes stratégies ou heuristiques pour se simplifier la tâche (Heiner et al., 1983; Payne et al., 1993). Ce genre d’aide psychologique à la décision face à une expérience de choix peut procéder d’un jugement conscient de la part de la personne interrogée. Ainsi, par exemple, la personne peut décider de façon rationnelle de faire des choix en ne tenant compte que d’une partie des informations fournies (De Palma et al., 1994). Elle peut aussi recourir à une heuristique (peut-être inconsciemment) en raison de capacités cognitives limitées ou d’une surcharge d’informations (Simon, 1955 ; Miller, 1955 ; Lowenstein et Lerner, 2003).
Parallèlement, de plus en plus d’observations associent divers niveaux de complexité dans les choix à des variations de la variance des erreurs (Mazzotta et Opaluch, 1995 ; Dellaert et al., 1999 ; Swait et Adamowicz, 2001 ; DeShazo et Fermo, 2002; Arentze et al., 2003 ; Cassuade et al., 2005 ; Islam et al., 2007 ; Bech et al., 2011 ; Carlsson et al., 2012 ; Czajkowski et al., 2014 ; Mayerhoff et al., 2014), ce qui indique l’importance qu’il y a à prendre en compte à la fois l’efficacité statistique et l’efficience des personnes interrogées. En d’autres termes, les personnes interrogées peuvent éprouver une certaine fatigue quand l’expérience de choix est complexe ou quand il leur est difficile de décider ; de même, il se peut que les personnes interrogées se servent des premiers choix pour apprendre à faire les choix et se mettre à utiliser une ou plusieurs règles de décision.
Le niveau de complexité d’une expérience de choix est défini au stade du modèle expérimental, quand les combinaisons qui seront présentées aux personnes interrogées sont déterminées. Dans cette optique, Louviere et al. (2008) apportent la preuve d’un lien négatif entre le nombre d’attributs et de niveaux et la cohérence des choix. Les préoccupations relatives à l’efficience des personnes interrogées ont conduit à la pratique courante consistant à diviser le nombre total de jeux de choix en ensembles plus petits de manière à réduire le nombre de choix que devra faire chaque personne interrogée (ainsi qu’à des plans plus économiques pour déterminer le nombre de ces jeux de choix, comme les plans factoriels fractionnaires). La procédure de blocage peut être appliquée à un plan factoriel complet ou à un plan factoriel fractionnaire. L’attention croissante portée à une conception plus flexible et efficiente de la MCD pourrait aussi aider à réduire la charge cognitive pour les personnes interrogées (voir par exemple Severin, 2001 ; Sándor et Franses, 2009 ; Danthurebandara et al., 2011).
5.5.3. Choix non entièrement compensatoires
Il est largement admis que les individus peuvent présenter une structure de préférence moins sage que ce qu’imposeraient les modèles standard de choix discrets. L’interprétation standard de la manière dont les personnes interrogées choisissent quelles options elles préfèrent dans la MCD est qu’elles prennent en compte (et arbitrent entre) tous les attributs concernés par le choix en question. Or, un certain nombre d’études montrent que les personnes interrogées peuvent déroger à ce comportement pleinement compensatoire et plutôt que de procéder à de tels compromis, prendre des décisions non compensatoires en retenant des attributs relativement moins préférés qui ne pourront jamais compenser un attribut davantage favorisé. Ou bien, il se peut que les personnes interrogées ne procèdent que partiellement à ces compromis et prennent des décisions qui sont semi-compensatoires, c’est-à-dire à la suite desquelles seule une quantité vraiment importante d’un attribut moins recherché pourrait permettre de compenser les pertes d’un attribut auquel les personnes interrogées tiennent davantage. De ce fait, un vaste ensemble de stratégies de décision non compensatoires et semi-compensatoires sont mentionnées dans la littérature, en vue de faciliter l’analyse des choix formulés par les personnes interrogées. Ceci a des conséquences sur les modèles économétriques utilisés lors de la phase d’estimation ainsi que lors de la phase de conception expérimentale.
Depuis l’étude de Hensher et al. (2005), de nombreux travaux ont porté sur la modélisation de l’absence de prise en compte de certains attributs. Le terme Attribute non-attendance (ANA) fait référence à une situation dans laquelle les personnes interrogées ne prennent en compte qu’une partie des attributs présentés pour chaque choix à exprimer (elles n’arbitrent pas entièrement entre tous les attributs qui leur sont présentés). Il a été montré que la prise en compte de l’ANA pouvait conduire à des évaluations monétaires ou à des estimations de paramètres significativement différentes (Hensher, 2006 ; Hensher et Rose, 2009 ; Hess et Hensher, 2010 ; Hole, 2011 ; Scarpa et al., 2009 ; Scarpa et al., 2010 ; Campbell et al., 2011 ; Puckett et Hensher, 2008 ; Puckett et Hensher, 2009 ; Lagarde, 2013).
La « non-attendance » est généralement identifiée soit en demandant directement aux répondants de préciser s’ils n’ont pas tenu compte de certains attributs, et lesquels, soit en déduisant cette information au moyen d’un modèle économétrique approprié. L’ANA déclarée a été définie pour la première fois par Hensher et al. (2005) ; cependant, elle est controversée dans la mesure où les informations obtenues suscitent des préoccupations quant à leur fiabilité (Campbell et Lorimer, 2009 ; Carlsson et al., 2010 ; Hess et Hensher, 2010 ; Hess et al., 2012 ; Hess et al., 2013 ; Kaye-Blake et al., 2009 ; Kragt, 2013), certains auteurs avançant l’argument contraire (Hole et al., 2013). Comme il semble insatisfaisant d’opérer sommairement une discrimination entre les personnes interrogées qui prennent en compte tous les attributs et les autres, les auteurs proposent de recueillir des informations plus poussées et plus nuancées sur la prise en compte des attributs (Alemu et al., 2013 ; Colombo et al., 2013 ; Scarpa et al., 2013). Quant aux auteurs des études sur l’ANA déduite, ils considèrent qu’il est sans doute plus approprié de réduire l’étendue d’un paramètre lorsqu’il existe des signes de non-participation de l’attribut correspondant, plutôt que de fixer tout bonnement sa magnitude à zéro (Balcombeet al., 2011 ; Cameron et DeShazo, 2010 ; Kehlbecher et al., 2013).
En dehors du débat concernant l’opposition entre ANA déclarée et ANA déduite, d’autres courants de recherche ont étudié des voies alternatives. Un exemple est le concept d’importance déclarée de l’attribut, les personnes interrogées devant classer les attributs des choix expérimentaux par ordre d’importance pour leurs choix (voir par exemple Balcombe et al., 2014). Certaines de ces études ont aussi porté sur la façon dont la science du comportement pourrait éclairer la compréhension des choix effectués par les personnes interrogées. Ainsi, par exemple, il est généralement supposé que la personne interrogée traite les situations de choix selon un modèle d’utilité aléatoire, c’est-à-dire en choisissant des combinaisons d’attributs, parmi ce qui lui est proposé, selon l’option qui lui procure la plus grande utilité. Or, le choix exprimé par la personne interrogée pourrait plausiblement refléter d’autres procédures de décision, notamment un modèle de regret aléatoire, la personne interrogée choisissant l’option avec laquelle elle minimise ses chances de regretter son choix (Boeri et al., 2012 ; Chorus et al., 2008, 2014).
Il existe encore d’autres possibilités. Certaines personnes interrogées peuvent montrer des préférences lexicographiques, c’est-à-dire effectuer des choix selon un ordre strict en fonction de l’option comportant la plus forte valeur d’un attribut recherché tout en ignorant d’autres attributs (Sælensminde, 2001 ; Scott, 2002 ; Rosenberger et al., 2003 ; Gelso et Peterson, 2005 ; Campbell et al., 2006 ; Lancsar et Louviere, 2006 ; Hess et al., 2010) ; d’autres peuvent aussi utiliser des critères comme l’élimination selon l’aspect (Cantillo et Ortúzar, 2005 ; Swait, 2001) ou des points de référence (Hess et al., 2012). Enfin, une même personne peut parfois se comporter selon un modèle entièrement compensatoire, et à d’autres occasions adopter une stratégie de simplification (Araña et al., 2008 ; Leong et Hensher, 2012).
Le fait que les personnes interrogées adoptent une règle de décision unique ou se réfèrent à un ensemble de règles dépend de l’étude de cas concernée. Ce qui importe pour le professionnel, c’est de détecter une éventuelle hétérogénéité dans les règles de décision utilisées par les personnes interrogées et d’en tenir compte en analysant les choix dans le cadre d’un modèle statistique, faute de quoi les estimations des coefficients risqueraient d’être biaisées, de même que les évaluations monétaires, lesquelles sont cruciales dans la perspective de l’action publique. Des recherches sont nécessaires pour identifier un ensemble de règles de décision qui refléterait au mieux l’hétérogénéité des processus de décision tout en tenant compte de l’hétérogénéité des préférences (Hess et al. 2012 ; Araña et al., 2008 ; Boeri et al. 2012). Enfin, il reste à mener des recherches pour examiner la manière dont il conviendrait d’interpréter ou d’estimer les évaluations monétaires des personnes interrogées présentant cette diversité décisionnelle.
5.5.4. Modélisation économétrique
Bien que le modèle logit conditionnel de base continue d’être utilisé dans un nombre appréciable d’études (Louviere et Lancsar, 2009), des examens récents de la littérature relative à la MCD indiquent une évolution vers des modèles économétriques plus flexibles, dans lesquels on s’écarte de certaines hypothèses du modèle standard (voir section 2). Comme cela a été indiqué précédemment, les chercheurs adoptent de plus en plus des modèles comme le logit imbriqué, le logit mixte ou le modèle de structure latente, qui prennent du recul par rapport à l’hypothèse IIA, et surtout, qui tiennent davantage compte de l’hétérogénéité des préférences. Dans leur étude sur les applications de la MCD dans le domaine de la santé, De Bekker-Grobb et al. (2012) observent une légère progression de l’application de ces modèles sur la période 2001-2008, par rapport à la décennie précédente. Selon Mahieu et al. (2014), l’utilisation de modèles économétriques plus flexibles est plus répandue dans la recherche environnementale que dans la recherche sur l’agriculture ou la santé.
L’utilisation de modèles économétriques avancés devrait continuer à s’intensifier, du fait d’un certain nombre de facteurs : la disponibilité accrue de manuels spécialisés dans le domaine de la MCD (par exemple Hensher, Rose et Greene, 2015 ; Train, 2009) ; la prolifération des formations sur la MCD (par exemple l’Advanced Choice Modelling Course, dispensé par le Centre for Choice Modelling de l’université de Leeds ; le cours d’analyse des choix discrets organisé conjointement par le MIT et l’École polytechnique fédérale de Lausanne ; le cours Stated Preference Methods: State of the Art Modelling à l’Université suédoise des Sciences agricoles) ; des conférences spécialisées (par exemple la série de conférences International Choice Modelling Conference, www.icmconference.org.uk/); et enfin, et c’est important, des logiciels statistiques gratuits comme R (qui comporte un module mlogit pour l’estimation des choix discrets ; Viton, 2015) et Biogeme (développé spécifiquement pour l’estimation des modèles de MCD ; Bierlaire, 2003), ainsi que des logiciels commerciaux spécialisés de pointe dans le domaine de la MCD comme NLogit (Greene, 2016) et des commandes de modèle de choix discrets disponibles chez STATA (www.stata.com).
5.5.5. Les modèles « Best-worst »
L’utilisation des modèles Best-Worst Scaling (BWS), une méthode de choix alternatifs imposant une charge cognitive moins lourde que la MCD, suscite depuis peu un certain intérêt. La technique BWS a été initialement élaborée par Finn et Louviere (1992), après quoi Marley et Louviere (2005) ont apporté la preuve formelle des propriétés de ses mesures. La méthode BWS consiste à présenter aux personnes interrogées une série de trois éléments ou davantage et à leur demander de choisir les deux éléments extrêmes sur une échelle latente d’intérêt : le meilleur/le pire ou le plus important/le moins important, ou autres extrêmes pertinents pour l’étude. On présente successivement aux personnes interrogées plusieurs exemples, et à chaque fois elles doivent choisir les deux éléments extrêmes (par exemple le meilleur et le pire) parmi les éléments présentés. La série d’exemples est définie par un plan expérimental.
Dans l’application de la méthode BWS, contrairement à la MCD, on présente aux personnes interrogées une situation unique à la fois et on leur demande d’indiquer le meilleur et le plus mauvais attribut de ladite situation. L’objectif est de déterminer le poids relatif ou l’importance relative que les personnes interrogées assignent aux différents éléments d’un jeu (par exemple les attributs d’une politique). La méthode BWS met donc l’accent sur les préférences pour différents attributs et non sur les scénarios, qui représentent parfois une question utile au plan politique. Cependant, la méthode BWS, à moins de la combiner avec la MCD (par exemple Scarpa et al., 2011), ne permet pas de calculer des valeurs monétaires. Elle est aussi sujette à un certain nombre de biais, comme le biais de position (Campbell et Erden, 2015).
Potoglu et al. (2011) ont effectué une comparaison formelle entre la BWS et la MCD pour le même bien : la qualité de vie liée à la protection sociale. Le Graphique 5.3 montre un exemple de jeu de choix dans la méthode BWS, et le Graphique 5.4 montre l’exemple de deux jeux de choix utilisés dans la MCD parallèle. Les auteurs concluent que les deux techniques font apparaître un schéma de préférences similaire.
Le nombre d’applications de BSW est en augmentation depuis quelques années, en particulier dans le domaine de la santé (par exemple Flynn et al., 2007). On observe aussi des exemples dans des études relatives au secteur alimentaire, à l’agriculture et à l’environnement (pour un aperçu, voir Campbell et Erdem, 2015).
5.6. Conclusions
De nombreux types d’impacts environnementaux sont de nature multidimensionnelle. En effet, le changement subi par un actif environnemental à la suite de la mise en œuvre d’un projet ou d’une politique se traduit souvent par des modifications de ses divers attributs, dont chacun devra être évalué séparément. On est proche du postulat théorique de la méthode hédoniste, l’une des méthodes des préférences révélées examinées au Chapitre 3, dans laquelle la valeur de certains actifs tels que les biens immobiliers peut être considérée comme une résultante de la valeur estimée attachée par les consommateurs à un ensemble de caractéristiques qu’une analyse statistique appropriée permet de distinguer les unes des autres. En revanche, les méthodes des préférences déclarées connues sous l’appellation d’expériences de choix discrets et qui sont examinées dans ce chapitre doivent estimer la valeur attachée par les personnes interrogées aux multiples dimensions d’un bien environnemental, alors que la valeur totale de celui-ci ne peut elle-même être observée du fait qu’il ne s’échange sur aucun marché. Les informations ainsi obtenues sur la valeur (marginale) de chaque dimension sont en effet ensuite utilisées pour estimer la valeur totale des variations de l’offre du bien environnemental considéré.
Le terme générique de modélisation des choix recouvre certes un certain nombre d’approches différentes, mais l’expérience de choix en constitue probablement la variante la plus utilisée dans le cas des biens environnementaux. Dans une expérience de choix, les personnes interrogées sont invitées à dire quelle serait, parmi une série de choix constituée d’au moins deux options dont une correspond au statu quo ou à la situation existante, celle qui aurait leur préférence. Les résultats fournis par cette méthode peuvent être interprétés selon les critères de l’économie du bien-être classique, ce qui constitue un atout évident lorsqu’il est souhaitable de garantir la cohérence avec la théorie de l’analyse coûts-avantages.
La MCD, en qualité de méthode des préférences déclarées, comporte pour partie les mêmes avantages et inconvénients que la méthode de l’évaluation contingente. Une bonne partie du Chapitre 4, concernant par exemple les questions de validité et de fiabilité dans le contexte des études d’évaluation contingente, s’applique sans doute aussi dans le contexte de la MCD. De façon similaire à l’évaluation contingente, la MCD se fonde sur des scénarios hypothétiques. De même, la MCD est très flexible et permet de mesurer les changements futurs ainsi que les valeurs de non-usage. Cependant, comme on peut le constater dans ce chapitre, la MCD présente des caractéristiques distinctives qui peuvent affecter de différentes manières sa performance et sa précision.
Le recours à la MCD pour évaluer les problèmes environnementaux unidimensionnels s’est constamment développé ces dernières années. La MCD est aujourd’hui systématiquement décrite parallèlement à l’évaluation contingente, sans doute plus connue, dans les manuels les plus récents portant sur la construction, l’analyse et l’utilisation d’études fondées sur les méthodes des préférences déclarées. Depuis quelques années, la MCD est davantage utilisée et citée que l’évaluation contingente (Mahieu et al., 2014) dans les domaines de l’environnement, de l’agriculture et de la santé. Plusieurs facteurs étudiés dans ce chapitre expliquent son succès. L’efficacité de la MCD tient au fait qu’elle permet d’obtenir des informations détaillées de la part des personnes interrogées dans les enquêtes. Sa construction statistique, sa mise en œuvre et son analyse économétrique ont été facilitées par la mise au point de logiciels statistiques spécialisés et d’une technologie pour les enquêtes en ligne, ce qui permet une présentation simple pour l’utilisateur des ensembles de choix et accélère considérablement la mise en œuvre et l’analyse. De nouveaux manuels spécialisés, des cours, des conférences et même une revue (le Journal of Choice Modelling) ont permis de faire connaître cette méthode dans plusieurs disciplines.
Globalement, les éléments étudiés ici semblent indiquer la supériorité de la MCD lorsqu’il s’agit d’évaluer des changements multidimensionnels complexes. Plus précisément, s’il s’agit d’évaluer les différentes composantes d’une stratégie et si les arbitrages à faire entre ces composantes sont importants, alors la MCD est probablement la méthode à retenir. Par ailleurs, la MCD présente aussi un avantage lorsque l’obtention directe de valeurs peut être problématique. En revanche, si l’on cherche à estimer la valeur totale d’une stratégie, alors l’évaluation contingente est sans doute la méthode à privilégier. En fin de compte, le choix de la méthode doit se faire au cas par cas : il convient d’utiliser la MCD lorsque les circonstances l’exigent. De ce fait, il est critiquable de considérer les deux méthodes comme étant toujours en concurrence, l’une étant nécessairement supérieure à l’autre. Chacune de ces deux approches aura probablement un rôle à jouer dans l’analyse coûts-avantages et il serait utile que les recherches à venir aident à comprendre dans quels cas il convient d’avoir recours à l’une plutôt qu’à l’autre. À l’instar de l’évaluation contingente, la MCD constitue un élément essentiel de l’ensemble de techniques d’évaluation que les spécialistes de l’analyse coûts-avantages ont à leurdisposition.
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