L’évaluation du bien-être subjectif (BES) est une méthode récemment mise au point qui diffère des autres méthodes d’estimation de valeurs non marchandes en ce que les valeurs dépendent de l’impact des biens non marchands sur des mesures autodéclarées du bien-être comme le niveau de satisfaction dans l’existence. En d’autres termes, les valeurs reposent sur l’utilité ressentie plutôt que sur l’utilité anticipée. On en sait beaucoup moins sur les limites et les biais de cette approche naissante de l’évaluation que sur ceux associés aux méthodes des préférences révélées et des préférences déclarées, lesquelles font l’objet d’études et d’applications en économie depuis bien plus longtemps déjà. Cependant, globalement, l’approche par le bien-être subjectif offre une nouvelle manière prometteuse d’évaluer les biens non marchands et, au fil des recherches et applications futures, le temps dira si cette approche tient ses promesses.
Analyse coûts-avantages et environnement
Chapitre 7. Évaluation du bien-être subjectif
Abstract
7.1. Le bien-être subjectif
Au cours de la dernière décennie, le monde a assisté à une croissance exponentielle des travaux de recherche sur le bien-être subjectif (BES), également appelé bonheur (MacKerron, 2012 ; Mackie et Smith, 2015), et dans une moindre mesure, sur l’évaluation du bien-être subjectif (Welsch et Kuhling, 2009 ; Ferreira et Moro, 2010). Dans le même temps, le recours à des mesures du BES pour évaluer des politiques, éclairer la conception des politiques et suivre les progrès réalisés est devenu de plus en plus prisé dans le domaine de l’action publique (Fujiwara et Campbell, 2011 ; Dolan et al., 2011 ; OCDE, 2013 ; Tinkler, 2015 ; Fujiwara et Dolan, 2016).
Le BES fait référence aux mesures du bien-être personnel autodéclarées, généralement obtenues au moyen de sondages. En se fondant sur Diener (2005), l’OCDE (2013) propose une définition générale du bien-être subjectif qui englobe des éléments évaluatifs aussi bien qu’empiriques : « un bon état d’esprit, résumant toutes les diverses évaluations, positives et négatives, que les individus font de leur vie, et les réactions affectives qu’ils ont face à leur vécu ». Pour élargir cette définition, le BES comporte trois dimensions fondamentales :
Les éléments évaluatifs du bien-être subjectif (ou satisfaction à l’égard de l’existence). Cette dimension est une auto-évaluation que la personne livre de sa propre vie sur la base d’un critère positif (Kahneman et al., 1999). Elle peut prendre la forme d’une mesure agrégée portant sur un seul et unique élément (la vie dans son ensemble, par exemple ; c’est notamment le cas avec l’échelle de Cantril, dont l’échelon le plus élevé représente la meilleure vie possible et le plus bas la pire vie possible [OCDE, 2013]) ou être subdivisée en différents domaines de l’existence sur une échelle comportant plusieurs éléments (par exemple, Cummings, 1996, propose de distinguer sept domaines de satisfaction : bien-être matériel, santé, productivité, intimité, sécurité, place dans la communauté et bien-être émotionnel). C’est ce que mesure par exemple la question : « Tout bien considéré, dans quelle mesure êtes-vous satisfait de votre vie en général ? » avec des réponses s’inscrivant sur une échelle numérique, par exemple de 0 à 10. Cette dimension fait généralement l’objet d’études au long cours – elle peut par exemple être mesurée par sondage une fois par an.
Le bien-être subjectif eudémonique. Cette dimension fait référence à l’épanouissement et à la réalisation du potentiel véritable de l’individu (Waterman, 1993 ; Ryan et Deci, 2001), c’est-à-dire aux aspirations intrinsèques, à la réalisation de soi, au développement personnel et au sentiment d’un devoir et d’un sens de l’existence, en d’autres termes, à ce que les gens perçoivent comme important dans la vie. Elle s’efforce d’exploiter les théories aristotéliciennes du bien-être dans une méthode reposant sur l’autodéclaration. Ainsi, par exemple : « Dans l’ensemble, dans quelle mesure avez-vous le sentiment que ce que vous faites dans votre vie en vaut la peine ? » ou « Votre vie a-t-elle un sens et un but ? » Tout comme le bien-être évaluatif, le bien-être eudémonique est généralement mesuré régulièrement à l’occasion de sondages annuels.
Le bien-être subjectif momentané (ou affect). Cette dimension mesure le ressenti, l’affect ou l’humeur de la personne à un moment donné (MacKerron et Mourato, 2013). Elle est très sensible à l’actualité et aux événements récents et peut évoluer rapidement. Elle englobe aussi bien les émotions positives (par exemple la gaîté, la joie, le contentement) que négatives (par exemple l’anxiété, la colère, l’inquiétude) (Tinkler, 2015). On mesure en général le BES momentané à l’aide de l’échelle PANAS (Watson et al., 1988), une échelle psychométrique des affects positifs et négatifs couramment utilisée pour mesurer les états affectifs. Les observations donnent toutefois à penser que les affects positifs ne sont pas exclusifs des affects négatifs, et vice versa, les deux pouvant être ressentis simultanément. On utilise aussi communément des mesures ponctuelles simples pour connaître le ressenti de la personne durant une journée donnée ou la veille, à l’aide de questions comme « Êtes-vous heureux en ce moment même ? » ou « Étiez-vous anxieux hier ? » Le meilleur moyen de mesurer l’affect de manière précise est peut-être de recueillir plusieurs réponses auprès des sondés sur une même journée et d’étudier leur évolution sur une période donnée (semaine, mois, année,etc.). Ce procédé, baptisé méthode d’échantillonnage des expériences, a été facilité par l’utilisation des technologies mobiles.
Ces dimensions du BES reposent sur des concepts distincts mais sont étroitement liées. Le bien-être momentané est une évaluation en temps réel de ce que ressent la personne à un moment donné, tandis que la satisfaction à l’égard de l’existence est une évaluation similaire, mais sur une période prolongée, qui met en jeu la mémoire d’événements et d’émotions multiples. Le sentiment d’avoir un but (le bien-être eudémonique) peut se mesurer soit par rapport à une situation momentanée, soit par rapport à une appréciation de l’existence, mais c’est surtout cette seconde solution qui est retenue. Par analogie, on pourrait décrire le bien-être évaluatif et le bien-être eudémonique comme des instantanés de la vie à un instant t tandis que le bien-être momentané est comme un film en continu de l’existence. Des corrélations significatives mais faibles ont été observées entre ces trois mesures : par exemple, 0.13 entre la satisfaction à l’égard de l’existence et le bien-être eudémonique, 0.23 entre la satisfaction à l’égard de l’existence et l’affect positif, 0.14 entre l’eudémonie et l’affect positif, et -0.39 entre l’affect positif et l’affect négatif (OCDE, 2013). Il semble donc que les différentes mesures reflètent des phénomènes sous-jacents différents.
Selon l’éminente Commission Stiglitz (Stiglitz et al., 2009), ces trois indicateurs du BES sont utiles pour la politique publique en tant que moyen d’évaluer le progrès de la société, et doivent donc être mesurés régulièrement et séparément grâce à des enquêtes de grande envergure réalisées par les services statistiques officiels. En 2010, conformément à cette recommandation, l’Office for National Statistics (le Bureau de la Statistique Nationale du Royaume-Uni) a commencé à recueillir des données sur ces trois dimensions essentielles du bien-être subjectif individuel (Encadré 7.1) dans le cadre du Programme national relatif au bien-être. La même année, le Trésor de Sa Majesté a publié des indications supplémentaires pour le livre vert sur l’utilisation du bien-être subjectif pour évaluer les biens non marchands dans le cadre de l’analyse coûts-avantages (Fujiwara et Campbell, 2011). En 2013, l’OCDE a publié une série de lignes directrices étendues et détaillées sur la manière de mesurer le BES (OCDE, 2013), dans le but d’inciter les bureaux nationaux de statistique à commencer à collecter des données sur ce BES. En 2015, 32 des 34 pays de l’OCDE avaient commencé à recueillir des mesures du BES (Mackie et Smith, 2015). Aux États-Unis, la National Academy of Sciences a publié un rapport sur les utilisations du BES dans ce pays et a fourni des orientations pour les efforts futurs de mesure dans les enquêtes officiellesdes pouvoirs publics (Stone et Mackie, 2013). À peu près au même moment, des questions relatives au BES ont commencé à être intégrées à l’American Time Use Survey (Stone et Mackie, 2013). Cependant, malgré les progrès accomplis pour élaborer des mesures officielles, les données sur le BES les plus communément utilisées dans les analyses internationales proviennent toujours de sources non officielles. À l’échelle mondiale, la collecte de mesures du BES par les agences nationales de statistique est très récente et la cohérence internationale fait encore défaut. Les ensembles de données les plus importants et les plus largement utilisés dans ce domaine, qui permettent de disposer d’informations sur un certain nombre d’aspects du BES, sont le Gallup World Poll (qui porte sur 160 pays) et l’enquête World Values Survey (qui porte sur près de 100 pays), ainsi que l’Enquête sociale européenne et l’Eurobaromètre, qui couvrent les pays d’Europe. Des données sur le BES ont également été collectées lors de plusieurs éditions de l’enquête annuelle baptisée baromètre de l’Amérique latine (Latinobarómetro), qui porte sur 18 pays de la région.
En parallèle, dans le monde universitaire, l’intérêt des chercheurs pour le bien-être subjectif (plus communément appelé le bonheur) et les publications dans ce domaine ont connu une croissance extraordinaire, surtout depuis l’an 2000 (Encadré 7.2). Cette année a aussi coïncidé avec la fondation du Journal of Happiness Studies. Cependant, même en excluant les publications dans cette revue, l’accroissement du nombre de publications relatives au BES a été remarquable. Par ailleurs, on a vu apparaître des articles sur ce sujet dans certaines des revues d’économie les plus prestigieuses, comme le Journal of Economic Literature, le Journal of Economic Perspectives, l’Economic Journal et le Journal of Political Economy (MacKerron, 2011).
Enfin, il convient de noter que le bien-être subjectif ne fait pas référence à la même chose que le concept plus large de bien-être, mais peut être interprété comme un sous-ensemble de celui-ci (Mackie et Smith, 2015 ; Milner-Gulland et al., 2014). Pour la mesure du bien-être global, un certain nombre d’autres variables sont importantes. Le rapport de l’OCDE (2011) How’s life? Measuring well-being présente un cadre empirique largement accepté pour mesurer ces multiples aspects du bien-être en tenant compte des aspects objectifs et subjectifs et en distinguant les conditions matérielles (revenu, emploi, logement, etc.) et la qualité de vie (par exemple la santé, l’éducation, le capital social, la qualité de l’environnement, la sécurité et le bien-être subjectif). Ce cadre est similaire à un cadre antérieur, relatif au bien-être, élaboré par Gough et McGregor (2007), qui incluait trois conditions : satisfaction des besoins objectifs, liberté de poursuivre des objectifs, et qualité de vie (y compris bien-être subjectif). Agarwala et al. (2015) ont étudié un certain nombre d’autres cadres empiriques pour la mesure du bien-être global.
Dans le même ordre d’idées, le BES a été présenté dans les travaux de recherche comme une des trois façons possibles de rendre compte du bien-être (Parfit, 1984 ; Dolan et al., 2011) :
Les listes objectives font référence à la satisfaction des besoins matériels, psychologiques et sociaux fondamentaux et des droits fondamentaux de l’être humain. Elles sont généralement dressées par un processus « exogène » ; autrement dit elles sont proposées par des spécialistes ou constituent l’extension logique d’une théorie ou d’un corpus d’idées sur le bien-être. L’approche par les capacités de Sen (1999), qui en est un exemple, considère le bien-être comme déterminé en définitive par la capacité de profiter des opportunités qu’a celui qui n’est pas victime d’oppression ni de malnutrition et qui n’est pas analphabète.
La satisfaction des préférences est l’indicateur de bien-être associé à la théorie économique néoclassique. Ce concept repose sur le principe selon lequel nous pouvons déduire le niveau de bien-être (ou une grandeur qui lui est proche, l’utilité) des préférences et des choix des individus (Parfit, 1984). La satisfaction des préférences est un indicateur largement utilisé et sur lequel se fondent des techniques d’évaluation économique comme l’analyse coûts-avantages.
L’état d’esprit est déterminé à partir des déclarations des individus concernant leur propre bien-être, si bien qu’il correspond à ce qui est désigné précédemment par le terme de bien-être subjectif et inclut la satisfaction à l’égard de l’existence, l’affect et le bien-être eudémonique. Cette notion est couramment utilisée non seulement dans des sciences sociales comme la psychologie mais aussi, de plus en plus, en économie.
Les liens entre ces différentes manières de mesurer le bien-être ne sont pas faciles à cerner, car elles font finalement référence à des concepts différents. Peasgood (2008) a mesuré ces trois types de bien-être sur une même population et a observé, dans certains cas, de grandes disparités entre les différents indicateurs. Prenons les deux concepts qui sont ici les plus pertinents, le bien-être subjectif et la satisfaction des préférences ; le premier est souvent décrit comme une mesure de « l’utilité ressentie », une dimension liée à la manière dont les gens perçoivent leur existence et leur situation, par opposition au concept traditionnel de « décision » ou d’ « utilité espérée », qui est fondé sur les préférences (Kahneman et al., 1997 ; Kahneman et Sugden, 2005). Cependant, d’après MacKerron (2011), les différences entre les deux approches ne se limitent pas au fait que l’une soit prospective et l’autre rétrospective. Dans de nombreuses situations, les deux conceptualisations peuvent coïncider, lorsque ce que les gens veulent est aussi ce qui les rend heureux, mais ce n’est pas toujours le cas. Pour Kimball et Willis (2006), l’utilité rend compte du choix des individus tandis que le bonheur se rapporte au sentiment qu’ils ont à l’égard de leurs choix. Selon les chercheurs, le BES peut être considéré comme un argument de la fonction d’utilité qui peut êtremodulé au profit d’autres dimensions de l’utilité. Pour un examen des ressemblances et des différences entre l’approche par le BES et l’approche par la satisfaction des préférences, voir MacKerron (2011).
Encadré 7.1. Les questions relatives au BES utilisées par l’Office for National Statistics au Royaume-Uni
En avril 2011, l’Office for National Statistics (ONS) a ajouté quatre nouvelles questions sur le bien-être subjectif (BES) à son enquête annuelle sur la population, la plus grande enquête auprès des ménages au Royaume-Uni. Ces questions couvrent les trois éléments essentiels du BES et utilisent une échelle allant de 0 à 10 :
Satisfaction à l’égard de l’existence – Dans l’ensemble, dans quelle mesure êtes-vous satisfait de votre existence actuellement ?
Bien-être eudémonique – Dans l’ensemble, dans quelle mesure trouvez-vous que ce que vous faites dans la vie en vaut la peine ?
Affect – Dans l’ensemble, dans quelle mesure vous êtes-vous senti heureux hier ? (Affect positif)
Dans l’ensemble, dans quelle mesure vous êtes-vous senti anxieux hier ? (Affect négatif)
Tinkler (2015) présente les résultats de ces mesures du BES par tranches d’âge :
Ces résultats illustrent la relation en U bien établie entre le BES et l’âge : on constate que le BES est plus élevé dans les segments les plus jeunes et les plus âgés de la population et qu’il est au plus bas chez les personnes âgées de 45 à 54 ans, chez qui l’on observe aussi les plus hauts niveaux d’anxiété. Il est intéressant de constater que pour toutes les tranches d’âge, le bien-être eudémonique (sentiment d’avoir un but dans l’existence) est plus élevé que les deux autres mesures, avec un creux moins prononcé dans les tranches d’âge intermédiaires. Dans tous les cas, le BES recommence à décliner au-delà de 79 ans, malgré des niveaux d’anxiété en baisse.
Encadré 7.2. La croissance du nombre d’études sur le bien-être subjectif (le bonheur)
À partir des publications recensées par le service Web of Science, Kullenberg et Nelhans (2015) ont analysé le nombre d’articles publiés entre 1960 et 2013, dans lesquels apparaissent les termes « bonheur », « bien-être subjectif », « satisfaction à l’égard de l’existence » et « affect positif ». Le Graphique 7.2 présente les résultats de leur recherche.
Le graphique montre que le bien-être subjectif (ou le bonheur) est un domaine de recherche en croissance rapide, par comparaison avec la croissance linéaire de l’ensemble des études recensées dans la base de données de Web of Science : environ 36 % des articles ont été publiés très récemment, entre 2010 et 2013. Si les études utilisant des expressions générales comme « bonheur » et « satisfaction à l’égard de l’existence » sont les plus courantes, on observe une augmentation significative, ces dernières années, de l’utilisation dans la recherche des termes « affect positif » et « bien-être subjectif ». Les études réalisées dans ce domaine sont issues d’une panoplie de disciplines scientifiques : biologie, neuroscience, médecine, psychiatrie, psychologie, sociologie et économie.
Kullenberg et Nelhans (2015) concluent que les études portant sur le BES ou sur le bonheur ont atteint une fréquence de publication suffisante pour être reconnues comme un domaine de recherche indépendant, qui présente des profils d’évolution et des régularités significatifs pour l’analyse.
7.2. Bien-être subjectif et environnement
La plupart des études existantes sur la mesure du BES s’attachent à évaluer la satisfaction à l’égard de l’existence et à en déterminer les facteurs. Dolan et al. (2008) et MacKerron (2011) ont procédé à des examens détaillés de la littérature et ont conclu qu’aussi bien le chômage que les trajets entre le domicile et le travail, les problèmes de santé, les divorces ou les séparations et le veuvage pouvaient avoir un effet négatif sur la satisfaction à l’égard de l’existence, tandis que le revenu, le mariage, la confiance, l’amitié, l’appartenance à un groupe, la démocratie et la croyance en Dieu exerçaient une influence positive. L’existence d’une relation en forme de U entre le bonheur et l’âge est abondamment prouvée, les personnes les plus jeunes et les plus âgées étant les plus heureuses ; quant au fait d’avoir des enfants, il a un impact mitigé.
Un certain nombre d’études se sont intéressées à la relation entre la satisfaction à l’égard de l’existence et les variables environnementales. Il s’agit, par exemple, d’études sur le bruit (van Praag et Baarsma, 2005 ; Weinhold, 2013 ; Lawton et Fujiwara, 2015), le climat (Rehdanz et Maddison, 2005 ; Frijters et van Praag, 1998), la pollution de l’air (par exemple MacKerron et Mourato, 2009 ; Brereton et al., 2008 ; Ferreira et Moro, 2010 ; Rehdanz et Maddison, 2008 ; Welsch, 2002, 2006, 2007 ; Levinson, 2009 ; Luechinger, 2009), la diversité des espèces (Rehdanz, 2007), la sécheresse (Caroll et al., 2009), le capital naturel (Engelbrecht, 2009 ; Vemuri et Costanza, 2006), les liens avec la nature (Skianis, 2012), les paysages naturels (Kaplan, 2001), et les espaces verts (Mourato et al., 2010). Les signes des relations estimées sont généralement ceux attendus, sachant que la pollution, le bruit et les conditions climatiques extrêmes ont un effet négatif sur la satisfaction à l’égard de l’existence tandis que les espaces verts, les paysages naturels, les liens avec la nature et la diversité des espèces ont un effet positif.
En revanche, on en sait nettement moins sur le bien-être eudémonique (Skianis, 2012 ; OCDE, 2013). Sur les trois conceptualisations, l’eudémonie est de loin la moins étudiée et il conviendrait d’entreprendre davantage de travaux pour en évaluer la validité et la fiabilité. Nonobstant cette insuffisance des recherches, il apparaît important et bénéfique de tenir davantage compte de l’eudémonie dans les travaux de recherche et dans la formulation des politiques. Dans un certain sens, les mesures prises par les pouvoirs publics et les comportements des individus vont souvent dans le sens de l’amélioration des possibilités d’épanouissement et favorisent le contentement et le sentiment d’avoir un sens et un but dans l’existence, plutôt que la poursuite du plaisir en tant que tel. L’eudémonie couvre donc un élément important du BES qui échappe aux autres conceptualisations. Un bon exemple est le fait d’avoir des enfants, qui entretient avec la satisfaction à l’égard de l’existence une corrélation négligeable ou légèrement négative et qui présente un faible niveau d’affect positif, mais qui est associé à un sentiment plus net que la vie a un but et un sens (Mackie et Smith, 2015).
Les travaux de Skianis (2012) constituent une exception notable au manque d’éléments concernant l’eudémonie. À l’aide d’un outil de sondage spécialement conçu, appliqué à près de 4 200 élèves du secondaire en Grèce et au Royaume-Uni, Skianis a effectué une comparaison structurée entre les mesures de la satisfaction à l’égard de l’existence et le bien-être eudémonique, en s’attachant en particulier à estimer la relation avec l’environnement naturel. Il a trouvé des déterminants communs à ces deux dimensions du BES : la santé, l’estime de soi et la lecture sont des facteurs positifs pour la scolarité, tandis que l’utilisation des outils électroniques est préjudiciable aux deux dimensions. Il est intéressant de constater que le contact avec la nature est un facteur significatif de bien-être des élèves, qui non seulement augmente la satisfaction à l’égard de l’existence, mais apporte aussi des possibilités de développement personnel et d’expressivité. En outre, les élèves les plus sensibilisés à des problèmes planétaires comme le changement climatique et l’extinction des espèces et qui respectent le plus la valeur incomparable de la nature présentent des niveaux d’eudémonie plus élevés, et les élèves qui bénéficient d’un environnement verdoyant et qui habitent un quartier situé à proximité d’un paysage naturel remarquableet moins exposé à des problèmes environnementaux locaux manifestent une plus grande satisfaction à l’égard de l’existence. Skianis en conclut que la seule prise en compte de la satisfaction à l’égard de l’existence ne donne qu’une image incomplète des liens entre le BES et le contact avec la nature.
Le bien-être subjectif momentané (l’affect) a été plus couramment évalué dans les études de psychologie. La référence absolue pour la mesure de l’affect est la méthode d’échantillonnage des expériences (Experience Sampling Method, ou ESM), une méthode consistant à recueillir des évaluations des activités et des émotions en temps réel à plusieurs moments de la journée. En général, les personnes interrogées dans le cadre de l’ESM doivent porter sur eux un appareil électronique encombrant afin d’enregistrer leurs émotions, d’où une applicabilité et des taux de réponse réduits. Cependant, depuis quelques années, grâce aux progrès des technologies qui facilitent la collecte de données instantanées sur le BES au moyen d’applications et de systèmes intégrés aux téléphones mobiles, il existe un corpus d’études encore embryonnaire mais en expansion sur le bien-être subjectif momentané (pour plus de détails, voir MacKerron, 2011 ; Stone et Mackie, 2013 ; OCDE, 2013). Il est possible également de recueillir des données par la reconstitution des émotions vécues lors d’expériences enregistrées plus tôt dans la journée (Day Reconstruction Method – DRM). Il a été constaté que les réponses obtenues grâce aux méthodes ESM et DRM sont étroitement corrélées. Le BES momentané estgénéralement corrélé à un ensemble similaire de covariables comme la satisfaction à l’égard de l’existence, l’importance relative de certaines variables étant cependant différente (Boarini et al., 2012). Néanmoins, il existe très peu de données probantes concernant la relation entre l’affect et l’environnement naturel. Une exception notable est l’étude réalisée au moyen de l’ESM par MacKerron et Mourato (2013) à l’aide d’une nouvelle application iPhone et présentée dans l’Encadré 7.3.
Encadré 7.3. Mappiness – Analyse du bonheur momentané dans l’espace et dans le temps
En 2010, MacKerron et Mourato (2013) ont mis au point une nouvelle application mobile, Mappiness, afin d’étudier les liens entre le bien-être subjectif momentané et les facteurs environnementaux, dans l’espace et dans le temps. Cette application recueille des informations géolocalisées sur les activités de la personne et sur les personnes en compagnie de qui elle se trouve, ainsi que des mesures du bien-être subjectif instantané, en temps réel, avec une puissance et une précision sans précédent : en extérieur, elle localise la personne à 100 m près dans plus de 90 % des cas.
Les participants à cette étude ESM de pointe utilisent leurs propres téléphones mobiles (des iPhones). Ils reçoivent une alerte à divers moments aléatoires de la journée et doivent alors préciser leur bien-être subjectif ainsi que le contexte immédiat : avec qui ils sont, ce qu’ils sont en train de faire et où ils se trouvent. L’application recueille des données longitudinales, ce qui permet de contrôler tous les facteurs de confusion fixes dans le temps au niveau individuel. La combinaison de la géolocalisation par GPS (satellite) et des mesures du bien-être subjectif en temps réel est une nouveauté. Si l’étude se limite aux utilisateurs d’iPhones, elle bénéficie néanmoins du plus vaste échantillon jamais réalisé dans le cadre d’une étude ESM : l’article de MacKerron et Mourato (2013) repose sur plus de 500 000 réponses provenant de plus de 18 000 personnes interrogées dans tout le Royaume-Uni. L’étude est toujours en cours et compte à ce jour plus de 66 500 participants dans plusieurs pays.
Les résultats montrent que le niveau de bien-être momentané est significativement plus élevé dans un environnement naturel. En moyenne, les personnes interrogées sont plus heureuses quand elles sont dehors. Les grandes dépenses d’énergie comme le sport, la course à pied, l’exercice physique, sont associées à une augmentation du bonheur de 6 %, tandis que des activités plus contemplatives comme l’observation de la nature sont liées à une augmentation du bonheur de 3 %. En extérieur, les niveaux de bonheur les plus élevés sont associés aux températures les plus élevées : comme on pouvait s’y attendre, la pluie et le vent sont associés à des niveaux de bonheur moins élevés. Des milieux comme le bord de mer, la montagne, les landes et les forêts de conifères se révèlent être liés à des niveaux de bonheur significativement plus élevés que les milieux urbains. À titre d’exemple, le niveau prédictible de bonheur d’une personne qui se trouve en plein air, qui observe les oiseaux avec des amis dans une lande, un après-midi, par un dimanche d’été chaud et ensoleillé, est plus élevé d’à peu près 26 points (sur une échelle de 0 à 100) que celui d’un individu qui utilise un véhicule pour se rendre seul à son travail, dans une grande ville, tôt le matin, dans le froid et la grisaille.
L’un des avantages notables des mesures d’évaluation du BES est qu’elles n’impliquent pas que les personnes interrogées comprennent la relation de cause à effet entre un changement particulier et leur bien-être, ni même qu’elles aient conscience de cette relation, seuls comptent les résultats (OCDE, 2013). Par ailleurs, comme elles reposent sur l’utilité ressentie, il n’est pas nécessaire que les personnes interrogées s’imaginent dans des situations hypothétiques et prédisent leur comportement ou leur ressenti. Elles peuvent ainsi fournir des informations plus précises sur la manière dont les individus s’adaptent aux situations réelles et les vivent (Fujiwara et Dolan, 2014). On touche ici au phénomène de l’adaptation hédonique, ou habituation, dans lequel les individus s’adaptent plus ou moins aux changements, si bien que les impacts de ces changements sur leur BES ne sont que transitoires (Mackie et Smith, 2015). La plupart des gens sont incapables de prédire avec exactitude leur degré d’adaptation en suivant une méthode fondée sur les préférences. En outre, les données relatives au BES sont aujourd’hui largement disponibles, dans des ensembles de données très fournis, si bien que l’évaluation est peu coûteuse au regard de son utilité (Fujiwara et Campbell, 2011).
L’une des principales limites de cette approche est le fait qu’un grand nombre d’analyses du BES ont utilisé des données d’observation transversales, si bien qu’elles ne reflètent que des corrélations et non des liens de causalité (en raison d’un possible biais découlant de l’omission d’une variable et d’un éventuel biais de sélection de l’échantillon). Une causalité inverse peut aussi exister, lorsqu’il existe une relation de réciprocité entre le BES et la variable à prendre en considération (par exemple une activité en plein air peut augmenter la satisfaction à l’égard de l’existence, mais elle a aussi davantage de chances d’être pratiquée par les gens les plus heureux). Pour obtenir de meilleures mesures, il faudrait utiliser des données de panel ou un cadre expérimental dans lequel les traitements seraient répartis de façon aléatoire, en vue de cerner les relations de cause à effet (Fujiwara et Campbell, 2011). Le phénomène d’adaptation hédonique évoqué ci-dessus peut aussi poser problème dans certaines circonstances. Plus précisément, le potentiel d’adaptation à des circonstances défavorables et l’aléa moral lié au paradoxe de « l’esclave heureux » constituent un obstacle à l’utilisation du BES dans les travaux sur l’économie du développement (MacKerron, 2011). En outre, il peut exister de nombreux biais associés à la technique de mesure et aux échelles utiliséespour évaluer le BES, aux côtés d’autres soucis liés à la reconstitution correcte des événements et des émotions, aux effets du contexte dans lequel se déroulent les enquêtes et aux effets des échelles de réponses ainsi que de problèmes conceptuels plus larges associés à la validité des évaluations cardinales du bien-être et aux comparaisons interpersonnelles, comme c’est le cas avec cette approche. Pour une analyse détaillée de la validité et de la fiabilité des évaluations du BES, voir OCDE (2013), Mackie et Smith (2015), Stone et Mackie (2013), Fujiwara et Campbell (2011), Fujiwara et Dolan (2016) ou MacKerron (2011).
7.3. Évaluation monétaire du bien-être subjectif
Les données relatives au BES offrent un nouveau moyen d’évaluer les changements non marchands. Plus précisément, il est possible d’estimer des mesures du bien-être monétaire sur la base du bien-être autodéclaré des personnes sondées. C’est ce que l’on a appelé l’évaluation du BES (Frey et al., 2004a ; Frey et al., 2009 ; Welsch, 2009 ; Fujiwara et Dolan, 2016). Compte tenu d’un changement affectant le facteur concerné, par exemple la qualité environnementale, la méthode consiste à calculer la variation de revenu qui produirait un impact équivalent sur le BES.
Cette nouvelle méthode d’évaluation monétaire pourrait constituer un complément utile aux méthodes des préférences révélées et déclarées, sachant qu’elle ne nécessite pas de faire de suppositions sur la rationalité des préférences ou choix des individus, qu’elle n’est pas sujette aux mêmes types de biais que ces techniques (comme par exemple les biais hypothétiques), et qu’elle n’implique pas que les individus soient conscients des niveaux ni des effets des paramètres évalués (Welsch et Kuhling, 2009).
Utiliser les données relatives au BES pour une évaluation non marchande implique de retenir plusieurs hypothèses importantes, dont celle qui consiste à considérer le BES comme une mesure directe du bien-être individuel. Ainsi, à partir du BES, il est possible d’estimer des mesures monétaires directes de la variation de bien-être associée à un changement non marchand en utilisant une fonction d’utilité directe (mesurée par le BES), à condition que le revenu fasse partie des facteurs pris en compte. À quelques rares exceptions près (Powdthavee et Van den Berg, 2011, par exemple), les chercheurs n’utilisent qu’une seule des trois dimensions du BES décrites précédemment dans l’évaluation monétaire, à savoir la satisfaction à l’égard de l’existence.
En se référant à Fujiwara et Campbell (2011), on considère la fonction directe du BES suivante :
[7.1]
où Q est le bien non marchand (par exemple la qualité de l’air), M est le revenu et X représente les autres facteurs du BES. La valeur associée à une variation de la fourniture du bien non marchand de 0 à 1 induisant un accroissement du bien-être est estimée ainsi :
[7.2]
où SC est le surplus compensateur de Hicks qui mesure le bien-être associé à la variation. Empiriquement, la fonction du BES peut être estimée comme suit :
[7.3]
où a est une constante, bM, bQ et bX sont les coefficients associés aux facteurs du BES, e est le terme d’erreur et le i représente l’individu. L’équation [7.3] peut aussi être estimée à l’aide de données expérimentales tirées d’essais randomisés ou d’expériences de terrain mais nous nous concentrerons ici sur les données d’observation. Ainsi, la fonction de BES peut être estimée avec des données transversales ou avec des données de panel, en utilisant diverses méthodes statistiques multivariées. Certains auteurs considèrent que les données relatives au BES sont des données cardinales, tandis que d’autres prennent de la distance avec cette supposition et recourent à des modèles statistiques pour analyser les données ordonnées. Il est indispensable de postuler l’existence d’un lien de cause à effet entre les deux variables à prendre en considération (Qi et Mi) et le BES (Dolan et al., 2008 ; Fujiwara et Dolan, 2016) ; autrement dit bQ et bM sontdes estimations sans biais.
Les mesures de la variation du bien-être peuvent alors être déduites des taux marginaux de substitution entre le bien non marchand et le revenu, précisément en utilisant le ratio du bien non marchand et les coefficients de revenu du modèle [7.3] :
[7.4]
L’équation [7.4] peut être interprétée comme exprimant la somme qui serait nécessaire pour maintenir constant le BES en l’absence du bien non marchand (pour les biens qui procurent un bien-être positif). Le terme de revenu est généralement modélisé sous forme logarithmique, ln(Mi), afin de tenir compte de l’utilité marginale décroissante du revenu. Dans ce cas, la mesure de la valeur du bien-être se calcule ainsi (M0 représentant le revenu de l’individu en situation de statu quo, généralement évalué au revenu moyen de l’échantillon) :
[7.5]
La méthode d’évaluation du BES a été proposée pour la première fois par Ferrer-i-Carbonell et Van Praag (2002), qui l’appliquent à une évaluation de la santé. Depuis, elle est utilisée le plus souvent pour évaluer les changements environnementaux liés, par exemple, à la qualité de l’air, au bruit, au changement climatique ou aux sécheresses (van Praag et Baarsma, 2005 ; Carroll et al., 2009 ; MacKerron et Mourato, 2009 ; Rehdanz et Maddison, 2008 ; Welsch, 2002, 2006, 2007). Pour une étude des utilisations faites dans le cadre de l’évaluation environnementale, voir Welsch et Kuhling (2009) et Ferreira et Moro (2010). Cependant, l’utilisation de l’évaluation du BES suscite un intérêt croissant dans d’autres domaines d’étude également : par exemple, l’emploi (Clark et Oswald, 2002) ; les attentats terroristes (Frey et al., 2004a) ; la santé (Ferrer-i-Carbonell et Van Praag, 2002 ; Groot et van den Brink, 2006) ; les phénomènes macroéconomiques (Blanchflower et Oswald, 2004) ; la corruption (Welsch, 2008) ; la criminalité (Cohen, 2008) ; les relations sociales (Powdthavee, 2008) ; la formation pour adultes (Dolan et Fujiwara, 2012) ; la qualité du logement (Fujiwara, 2014) ; et les activités et événements culturels (Fujiwara, 2013a ; Fujiwara et al., 2014) ainsi que les sites classés (Bakhshi et al., 2015). Au Royaume-Uni, de nouveaux outils tels que la Social Value Bank (http://socialvaluebank.org),ont également été mis au point pour aider à mesurer l’impact social à l’aide de méthodes d’évaluation du BES qui reposent sur les résultats disponibles de grandes enquêtes nationales sur le BES (Trotter et al., 2014). Créée en 2014, la Social Value Bank recourt à l’évaluation du BES pour estimer la valeur de plus de 70 impacts sociaux de différente nature (emploi, santé, aisance financière, accès à l’internet, soulagement des états dépressifs, entretien de la condition physique, appartenance à un groupe social, jardinage, bons rapports de voisinage, populations sans abri, etc.).
Les premiers travaux d’évaluation utilisant la méthode du BES ont été largement critiqués car ils livraient des valeurs trop élevées pour être conformes à la réalité. MacKerron et Mourato (2009), par exemple, ont déterminé qu’une faible augmentation de 1 % des niveaux de NO2 était équivalente à une chute du revenu de 5.3 % ; selon Frey et al. (2007), la valeur d’une lutte contre le terrorisme en Irlande du Nord ramenant le degré de risque et de violence au même niveau qu’en Irlande du Sud était équivalente à 41 % du revenu de l’individu ; Clark et Oswald (2002) ont donné une estimation incroyablement élevée de la valeur de l’emploi, soit 276 000 GBP par an pour un individu, sans compter son salaire ; d’après Frey et Stutzer (2005), la valeur pour les Parisiens d’une réduction du risque terroriste aux niveaux observables ailleurs en France serait équivalente à 14 % de leur revenu ; enfin, selon Powdthavee (2008), une augmentation des interactions avec les amis et les proches, de « moins d’une fois par mois » à « la plupart du temps » vaudrait 85 000 GBP par an.
Ce problème de surestimation pourrait s’expliquer par un certain nombre de raisons comme la non représentativité des échantillons et l’influence des valeurs aberrantes extrêmes figurant dans les données. Il semblerait toutefois que ce soit l’estimation de Qi et Mi qui soit au cœur du problème. Un biais par excès du coefficient Qi ou un biais par défaut du coefficient Mi entraîneraient un résultat élevé, mais c’est la difficulté à estimer l’utilité marginale du revenu qui retient une grande partie de l’attention. Le coefficient de revenu peut afficher un biais par excès pour de nombreuses raisons comme l’endogénéité et les erreurs de mesure ou parce que l’équation [7.3] tient compte de bon nombre des divers vecteurs par lesquels le revenu influence le bien-être subjectif. Il s’ensuit une surestimation des valeurs du bien-être, sachant que le coefficient de revenu apparaît au dénominateur du ratio de l’équation d’évaluation (voir l’équation [7.4]). Ce problème est étudié plus en détail dans la section suivante.
7.3.1. Avantages et limites de la méthode de l’évaluation du BES
L’évaluation du BES présente un certain nombre de limites, mais aussi plusieurs avantages, comparée aux méthodes d’évaluation non marchande traditionnelles fondées sur les préférences. Ses principaux avantages et inconvénients sont examinés ici.
Limites
Sous-estimation du coefficient de revenu
Comme cela a été mentionné précédemment, le plus gros problème associé à l’utilisation de la méthode d’évaluation du BES est l’incapacité des modèles de BES à estimer avec précision le coefficient de revenu, dont il a été constaté qu’il était substantiellement sous-estimé en raison des erreurs de mesure, de l’endogénéité, de la causalité inverse et des restrictions paramétriques (Fujiwara et Campbell, 2011). La sous-évaluation du coefficient de revenu a elle-même pour conséquence une surestimation des valeurs du bien-être (voir l’équation [7.4]). Dans une première tentative de comparaison entre l’évaluation contingente basée sur les préférences et l’évaluation du BES, Dolan et Metcalfe (2008) ont observé de grandes différences entre les deux méthodes, l’évaluation du BES donnant des valeurs significativement plus élevées (19 000 GBP contre 245 GBP) dans une étude de la valeur d’un projet de réaménagement urbain.
Il est classique de supposer que les modèles statistiques des facteurs du BES mettent en lumière des relations de cause à effet : ainsi, par exemple, le constat que le revenu est une variable explicative importante dans une régression du BES indique clairement que le revenu accroît le bien-être. Cependant, dans un certain nombre d’études, les associations estimées entre les variables de régression explicatives et la variable de bien-être ne peuvent pas être interprétées comme des effets de causalité. En effet, le BES peut lui-même être un facteur de certaines variables explicatives (causalité inverse). Ainsi, par exemple, certaines observations permettent de penser que les individus les plus heureux sont en meilleure santé, gagnent plus d’argent et ont plus de chances de se marier (Fujiwara et Campbell, 2011). Par ailleurs, il peut y avoir des variables omises dans le modèle, ce qui influe à la fois sur les variables dépendantes et indépendantes. Pour pouvoir inférer des liens de causalité à partir des modèles de BES, il faut des méthodes statistiques plus élaborées ou d’autres méthodes de construction des études.
Estimation de la valeur de non-usage
On ne sait pas précisément comment utiliser l’évaluation du BES pour mesurer les valeurs de non-usage. Cette approche, en l’état actuel des choses, n’offre pas d’avantages évidents dans ce qui est sans doute le domaine le plus difficile de l’évaluation non marchande. Sur le plan conceptuel, il est naturellement possible d’utiliser le bien-être subjectif pour tenir compte des valeurs de non-usage si, par exemple, la nouvelle d’une marée noire réduit le BES des individus. S’il était possible d’identifier les comportements ou les expériences vécues dans lesquels on retrouve des valeurs de non-usage, on pourrait s’efforcer de mesurer le BES associé à ces comportements et, par la suite, calculer les équivalents en valeur monétaire. Ces comportements peuvent consister, par exemple, à effectuer des dons pour de bonnes causes, sans avoir grande chance d’en tirer un bénéfice direct. Il est clair cependant qu’en présence de comportements monétaires de ce type, une évaluation du BES n’est pas utile car une observation directe suffit (montant des donations, par exemple). Enfin, dans la plupart des cas pertinents pour les politiques, il n’y a pas de comportements observables pour les valeurs de non-usage.
Évaluation des politiques futures et des changements marginaux
Le BES étant basé sur l’utilité ressentie, il présente aussi des limites quand on cherche à estimer l’impact de modifications induites par les politiques futures. Pour évaluer l’impact des changements futurs, il faudrait observer des changements similaires s’étant déjà produits à un moment donné dans le passé.
Par ailleurs, le BES convient sans doute mieux pour mesurer de grands changements ayant une incidence manifeste sur le bien-être subjectif que pour mesurer des changements marginaux, dont l’incidence risque d’être impossible à détecter en raison du caractère restreint des échelles du BES (par exemple 0-10) (Fujiwara et Campbell, 2011). Des chercheurs ont tenté d’utiliser des échelles plus étendues, par exemple de 0 à 100, mais la question se pose alors de savoir si les personnes interrogées sont capables de situer précisément leur niveau de BES sur des échelles aussi détaillées.
Choix entre les différentes dimensions du BES
Alors que les méthodes des préférences déclarées et révélées utilisent généralement l’argent comme unité de mesure, il existe plus d’une mesure du bien-être subjectif utilisable (la satisfaction à l’égard de l’existence, le bien-être eudémonique et le bien-être momentané) et on ne sait pas très bien quelle mesure doit être utilisée à quelles fins (Dolan et al., 2011, Powdthavee et Van Den Berg, 2011). Les différents types de BES auront des facteurs différents. Ainsi, par exemple, la satisfaction à l’égard de l’existence est plus fortement corrélée au revenu que le bonheur momentané, lequel sera sans doute plus étroitement corrélé avec le type d’activité que la personne exerce ou avec son entourage à cet instant. Il est concevable que certaines politiques aient une influence sur un type de bien-être mais pas sur un autre, si bien qu’il faut décider quelle mesure du bien-être retenir pour un type de politique donné.
Par ailleurs, il se peut qu’il soit impossible de séparer entièrement les trois principales dimensions du bien-être relevées précédemment : en moyenne, selon Seligman (2011), l’humeur détermine environ 70 % de la satisfaction à l’égard de l’existence, sur la base des déclarations des personnes interrogées, moins de 30 % s’expliquant par le jugement que ces personnes portent sur leur vie courante.
Problèmes de mesure
Enfin, les indicateurs de BES soulèvent leurs propres difficultés de mesure, comme cela a été évoqué précédemment. Ainsi, par exemple, des mesures comme la satisfaction à l’égard de l’existence supposent un jugement rétrospectif de la personne sur sa propre vie, or il est bien connu que l’on ne se remémore qu’imparfaitement son vécu (Kahneman et Krueger, 2006). Les notes attribuées au BES peuvent aussi être influencées par des facteurs contextuels arbitraires comme le temps qu’il fait ou la performance d’une équipe de football le jour de l’enquête (Schwarz et Strack, 1999). Les réponses aux questions sur le BES peuvent aussi être influencées par l’ordre dans lequel ces questions apparaissent dans l’enquête. La mesure d’un seul élément du BES, qui est de pratique courante (par exemple la mesure de la satisfaction globale à l’égard de l’existence), est opaque et ne permet pas au chercheur de voir si les différentes dimensions de l’existence ont été prises en compte et agrégées par les personnes interrogées, et de quelle manière.
Pour corser ces problèmes, des échelles réduites (de 1 à 5, par exemple) ne permettent pas toujours de rendre compte de tout ce qui importe dans l’existence (Loewenstein et Ubel, 2008). En outre, l’expérience montre que les gens s’adaptent relativement vite au changement, qu’il soit positif ou négatif (chômage, handicap, augmentation de salaire, mariage, par exemple), un phénomène appelé « adaptation hédonique ». Par conséquent, les modifications des politiques ne transparaissent pas nécessairement dans le niveau de BES (Loewenstein et Ubel, 2008). Cela étant, cette caractéristique pourrait aussi plaider en faveur de la méthode fondée sur le BES (voir ci-dessous).
Avantages de la méthode
Malgré ces obstacles, le recours à l’évaluation du BES résout bon nombre des problèmes rencontrés à l’utilisation de méthodes d’évaluation fondées sur les préférences et ouvre de nouvelles voies aux travaux de recherche sur l’évaluation.
Valeurs reposant sur le vécu réel
La méthode fondée sur l’évaluation du BES repose sur le vécu réel et non sur un vécu hypothétique, une propriété attrayante pour les responsables politiques. Elle permet en effet de jauger les effets d’une politique sur la vie réellement vécue par les individus. Si les méthodes fondées sur les préférences se rapportent au ressenti anticipé par les individus à l’égard d’un effet non marchand, les valeurs de BES reposent sur un vécu réel qui tient compte de difficultés comme le phénomène d’adaptation dans la vie réelle. C’est un avantage car de nombreuses études ont montré que les gens sont souvent incapables de prédire l’impact qu’aura réellement un effet sur leur vie, notamment dans les domaines d’action complexes comme l’environnement (Loewenstein et Adler, 1995 ; Read et van Leeuwen, 1998 ; Wilson et Gilbert, 2003). Dans le champ de l’action publique, cet avantage a des conséquences intéressantes : par exemple, Fujiwara et Dolan (2014) montrent que les données sur le BES peuvent donner une meilleure image de l’impact des problèmes de santé sur les individus que les méthodes reposant sur les préférences déclarées utilisées pour mesurer l’espérance de vie corrigée en fonction de la qualité de vie (QALY). Dans le même esprit, la méthode du BES peut rendre compte de l’effet de changements dont les gens n’ont pas vraiment conscience ou qu’ils n’attribuent pas à des causesou à des politiques particulières.
Hypothèses de rationalité
Les méthodes d’évaluation reposant sur les préférences s’appuient sur un ensemble strict d’hypothèses de rationalité (exhaustivité, transitivité, etc.) destinées à s’assurer que les préférences mesurent le bien-être. Avec le BES, ces hypothèses sont inutiles puisque la méthode mesure directement le bien-être. Le seul impératif est que les individus soient capables d’indiquer précisément leur degré de bien-être (Stutzer et Frey, 2010 ; van den Berg et Ferrer-i-Carbonell, 2007).
Effets difficiles à évaluer
La méthode du BES peut être utile pour estimer la valeur de changements non marchands particulièrement difficiles à évaluer directement avec des méthodes fondées sur le consentement à payer, comme les changements touchant à la santé, aux avantages pour la collectivité, aux bénéfices spirituels, aux problèmes d’égalité et de répartition, etc. Dans le même esprit, la méthode du BES est plus à même d’évaluer les changements non marchands ayant une incidence manifeste. Les méthodes fondées sur les préférences ne sont généralement utilisées que pour évaluer des changements de petite envergure comme le risque de survenance d’un effet marquant plutôt que l’ensemble des effets. La principale raison de cet usage limité est à rechercher dans les problèmes rencontrés lorsque l’on interroge les gens sur leur consentement à payer pour un événement hypothétique ayant des effets radicaux sur les conditions de vie. Puisque les sondés n’ont pas à estimer leur consentement à payer dans une enquête menée en appliquant la méthode du BES, il est possible d’évaluer des événements et changements de grande envergure : une sécheresse, par exemple (Carroll et al., 2009), plutôt que le risque de sécheresse.
Biais dans les enquêtes
Certes, comme nous l’avons déjà évoqué, le contexte et l’environnement peuvent introduire des biais dans les réponses aux enquêtes sur le BES ou les altérer, mais c’est également le cas lors du recours aux méthodes fondées sur les préférences déclarées. La méthode du BES permet d’éviter les problèmes liés par exemple aux biais stratégiques et aux biais d’hypothèse et est probablement moins sensible à des influences contextuelles comme les effets d’amorçage, puisque les sondés ne sont pas interrogés sur leur consentement à payer (Fujiwara et Campbell, 2011 ; Stutzer et Frey, 2010). Il importe de noter que l’évaluation du BES élimine aussi les problèmes d’ « illusion focale » (Schkade et Kahneman, 1998), sachant qu’on ne questionne généralement pas les personnes interrogées sur la valeur d’un changement politique donné dont l’ « importance » occupe leur pensée au cours du processus d’enquête, cette valeur étant plutôt déduite ex post à partir de l’analyse économétrique.
Rapport coût-efficacité
Lorsqu’il est possible d’évaluer le BES à partir de registres de données nationaux préalablement constitués, cette méthode est un moyen très bon marché et peu coûteux en ressources d’évaluer les changements non marchands. En effet, les données sur lesquelles repose l’analyse existent déjà et n’ont pas à être rassemblées par la collecte de données primaires. À cet égard, la méthode d’évaluation du BES se rapproche de celles reposant sur les préférences révélées, qui ne nécessitent pas non plus de recueillir des données primaires.
7.3.2. Nouvelles avancées
Une meilleure modélisation du revenu
Ces dernières années, la méthodologie d’évaluation du BES a progressé et des solutions prometteuses faisant appel à des variables instrumentales pour la variable de revenu (par exemple Luechinger, 2009 ; Fujiwara, 2013b) ont été élaborées, afin de prendre en compte les problèmes de biais de sélection, de causalité inverse et d’erreurs de mesure qui engendraient des estimations biaisées de l’effet du revenu sur la satisfaction à l’égard de l’existence.
Si l’effet du revenu sur le BES était mieux évalué grâce à des variables instrumentales, les coefficients de revenu seraient peut-être plus élevés, ce qui mènerait à des valeurs du bien-être plus réalistes après application de la méthode d’évaluation du BES. Sur le front des nouveautés, la procédure d’évaluation du BES en trois étapes proposée par Fujiwara (2013b) présente des perspectives intéressantes : en s’appuyant sur des gains de loterie (un revenu exceptionnel exogène) comme variable instrumentale du revenu, i) la première étape consiste à estimer un modèle de BES ; ii) la deuxième étape consiste à estimer un modèle distinct de régression du revenu en utilisant des données relatives à des gains de loterie (une variation de revenu exogène, voir Gardner et Oswald, 2007) en tant que variable instrumentale dans un modèle de moindres carrés à deux niveaux pour en tirer une estimation robuste de l’impact du revenu sur le BES ; iii) et l’étape finale consiste à utiliser les résultats des deux modèles pour obtenir des valeurs monétaires non biaisées. Pour améliorer l’estimation des effets du revenu, il a été suggéré aussi d’inclure le revenu relatif dans l’équation du BES et d’isoler d’autres facteurs liés au revenu comme le nombre d’heures de travail et le temps de trajet (Fujiwara et Campbell, 2011).
Dans une étude comparative plus récente, Fujiwara et Dolan (2012) ont constaté que les estimations de la valeur d’une formation pour adultes qui accroissait la satisfaction à l’égard de l’existence obtenues par la méthode de l’évaluation contingente et par la méthode de l’évaluation du BES étaient similaires (respectivement 947 GBP et 754 GBP), et aussi, qu’elles étaient très proches du prix réel sur le marché des formations similaires. Pour prendre en compte le problème de l’endogénéité de la variable de revenu, les auteurs ont utilisé un modèle de variable instrumentale, dans lequel le revenu était instrumentalisé par le fait que l’individu ait souscrit ou non un emprunt et par le fait que son conjoint soit ou non salarié. Cependant, ces tentatives de comparaison entre l’évaluation du BES et l’évaluation des préférences déclarées sont rares, et se trouvent encore principalement dans la littérature grise. Il conviendrait d’effectuer davantage de travaux de recherche afin d’établir le degré de comparabilité entre les deux approches et les conditions dans lesquelles l’évaluation du BES pourrait être la méthode à privilégier.
Naturellement, les valeurs obtenues en utilisant l’approche par le BES ne doivent pas nécessairement coïncider avec celles obtenues en recourant aux méthodes d’évaluation traditionnelles basées sur les préférences. Comme cela est expliqué précédemment, les deux évaluations procèdent d’une mesure théorique différente du bien-être : les méthodes basées sur les préférences se fondent sur l’utilité anticipée, qui intervient dans les décisions d’achat et correspond à ce que les gens seraient disposés à payer pour une amélioration, tandis que l’évaluation du bien-être subjectif est basée sur l’utilité ressentie, c’est-à-dire sur l’expérience réelle de l’individu. Fujiwara (2014), par exemple, montre que si le « manque d’espace » est souvent cité comme un facteur essentiel intervenant dans la décision de déménager, il semble cependant qu’il n’ait pas d’incidence sur la satisfaction à l’égard de l’existence, c’est-à-dire sur l’expérience de vie réelle dans un logement particulier. Les préférences des individus et leur vécu peuvent diverger et, par conséquent, les valeurs fondées sur ces éléments aussi. Ainsi, dans une certaine mesure, ce n’est que de façon empirique que l’on peut savoir s’il est plus pertinent de prendre en compte les préférences ou le vécupour une politique particulière.
Les vignettes d’ancrage
L’une des pistes prometteuses d’utilisation de l’évaluation du BES pour mesurer les valeurs de non-usage consisterait à recourir à une « vignette d’ancrage » dans l’étude (King et al., 2004 ; MacKerron, 2012). Dans ce type d’étude, on présente à la personne interrogée un événement hypothétique qui la concerne ou qui concerne un tiers et on lui pose des questions sur l’incidence que cet événement aurait sur son BES. Dans le cas des valeurs de non-usage, il peut s’agir d’un court scénario dans lequel un individu imaginaire donne de l’argent pour une mesure de non-usage, par exemple la conservation d’une espèce rare comme le lynx d’Espagne. On demande ensuite à la personne interrogée d’imaginer quelle incidence cette mesure pourrait avoir sur le BES (la satisfaction à l’égard de l’existence, par exemple) de l’individu en question. Cette méthode représente un moyen potentiel d’étudier les valeurs de non-usage, mais elle ramène aussi l’approche par le BES dans le domaine des scénarios hypothétiques, et présente donc le risque de poser le même genre de problèmes que les méthodes des préférences déclarées.
Les vignettes d’ancrage sont de plus en plus utilisées dans la recherche sur le bien-être et la santé, bien qu’elles n’aient pas encore été appliquées à la mesure des valeurs de non-usage. Kapteyn et al. (2011), par exemple, ont comparé la satisfaction autodéclarée avec les revenus aux Pays-Bas et aux États-Unis et ont utilisé des vignettes pour ancrer l’effet des différences culturelles dans les réponses. Plus récemment, Bakhshi et al. (2015) ont adopté la méthode des vignettes pour déterminer l’incidence de la visite d’un grand musée à Londres, le National History Museum, sur la satisfaction à l’égard de l’existence (une valeur d’usage). L’approche adoptée était celle de la vignette d’auto-évaluation, à savoir que le scénario hypothétique faisait référence à la personne interrogée (plutôt qu’à une tierce personne). Plus précisément, on a demandé aux personnes interrogées d’imaginer une situation dans laquelle elles auraient la possibilité de visiter ce musée plus souvent et d’indiquer le niveau de satisfaction à l’égard de l’existence qui en résulterait, toutes choses égales par ailleurs dans leur vie. La fréquence des visites a fait l’objet de variations aléatoires dans l’échantillon. L’étude avec vignette a servi à estimer l’impact des visites du musée sur la satisfaction à l’égardde l’existence et, compte tenu de l’estimation de l’incidence du revenu sur cette satisfaction (une estimation calculée séparément, à l’aide d’une régression par les moindres carrés), la valeur de ces visites. En utilisant cette méthode, la valeur d’une visite a été estimée à 40 GBP.
En évaluant le BES à l’aide des vignettes d’ancrage, il est donc aussi possible d’attribuer une valeur aux événements ou aux changements, en se fondant sur leur incidence sur la satisfaction à l’égard de l’existence. Cette méthode suggère sous toutes réserves une façon d’estimer les valeurs de non-usage en utilisant des données relatives au BES. Par ailleurs, la méthode des vignettes pourrait aussi servir à mesurer l’effet d’événements ou de changements futurs : on présenterait aux personnes interrogées un scénario reflétant un changement futur. Comme nous l’avons vu, cela n’est pas vraiment différent du scénario d’évaluation utilisé dans une enquête sur les préférences déclarées qui décrirait un changement de politique pertinent.
La méthode hybride BES/évaluation contingente
Un problème qui persiste dans les études d’évaluation contingente (EC) est que les estimations du CAA (consentement à accepter) sont généralement bien supérieures à celles du CAP (consentement à payer), ce qui contredit la théorie économique sous-jacente de la satisfaction des préférences (Hausman, 2012). Dans une étude récente d’estimation de la valeur des institutions culturelles au Royaume-Uni, Bakhshi et al. (2015) proposent une nouvelle méthode hybride BES-EC. Cette méthode hybride part du cadre hypothétique des méthodes des préférences déclarées et le combine avec la théorie sous-jacente du BES, ce qui permet une autre approche de l’évaluation des biens publics lorsque les mesures compensatoires (le CAA) sont pertinentes. Plus précisément, Bakhshi et ses collègues ont demandé directement aux personnes interrogées quelle compensation monétaire elles exigeraient si elles n’avaient plus la possibilité de visiter une institution culturelle pendant un an en raison d’une fermeture hypothétique, afin que leur satisfaction à l’égard de l’existence reste inchangée. Fondamentalement, une compensation n’a été proposée qu’aux individus qui avaient indiqué au préalable que leur satisfaction à l’égard de l’existence diminuerait si cette institution était temporairement fermée. L’étude montre qu’une évaluation du CAA par la méthode hybride BES-EC, basée sur la satisfaction à l’égard de l’existence et combinant les éléments des deux méthodes, donne des valeurs plausibles, avec des valeurs de CAA similaires à celles du CAP pour l’accès aux institutions culturelles. Pour plus de détails, voir l’Encadré 7.4.
Encadré 7.4. La méthode hybride BES-EC
Bakhshi et al. (2015), en utilisant une méthode hybride BES-EC, déterminent la valeur, sous la forme d’une compensation monétaire forfaitaire, associée au fait d’échapper à la fermeture d’une institution culturelle pendant un an. L’étude tient compte de la disparité bien connue entre le CAP et le CAA (Horowitz et McConnell, 2002 ; Shogren et al., 1994) en évaluant dans quelle mesure le fait de circonscrire le scénario de CAA autour d’un contexte explicite de variations de la satisfaction à l’égard de l’existence produit des valeurs raisonnables du CAA par rapport à une mesure équivalente du CAP. On suppose pour cela qu’il est explicitement demandé aux personnes interrogées de réfléchir à la question relative au CAA dans le cadre de la théorie économique, à savoir qu’elles reçoivent une compensation directe pour les variations de leur bien-être, en l’occurrence, de leur satisfaction à l’égard de l’existence. Il importe de noter que cette compensation n’est proposée qu’aux personnes qui déclarent que la fermeture de l’institution en question aurait une incidence négative sur leur satisfaction à l’égard de l’existence.
Il arrive que des questions sur le consentement à accepter une compensation soient utilisées dans le cadre de l’évaluation contingente, mais – malgré l’exemple de Bateman et al. (2002) – on ne demande généralement pas aux personnes interrogées de mentionner une compensation pour l’incidence d’un changement touchant leur bien-être ou leur satisfaction à l’égard de l’existence, mais simplement une compensation pour le changement considéré. Par certains aspects, les éléments de la méthode hybride sont aussi similaires aux travaux de Lau et al. (2013), qui ont demandé aux participants à une enquête au Royaume-Uni et à Hong-Kong quel serait leur CAP pour revivre une expérience consistant à éprouver [un certain état mental] pendant une heure. Les états mentaux possibles étaient le bonheur, l’amour, la crainte, la tristesse, etc. (concernant les états mentaux négatifs, on a demandé aux personnes interrogées leur CAP pour éviter l’état mental en question). On a demandé aux personnes interrogées de chiffrer en termes monétaires un sentiment de bien-être spécifique.
Bakhshi ses collègues ont utilisé deux études de cas : une étude relative au Musée d’histoire naturelle de Londres, et une étude relative au Tate Liverpool, chacune portant sur la fermeture hypothétique de l’institution concernée pendant un an. Pour les auteurs, il s’agissait principalement d’une valeur d’usage et d’une valeur d’option, la fermeture empêchant l’accès présent et futur à l’institution mais ne mettant pas fin, par exemple, aux travaux de recherche et de conservation en cours. La question posée dans l’enquête relative au National History Museum était la suivante :
Pour cette question, imaginez que le Musée d’histoire naturelle soit fermé au public pendant un an, en raison de travaux d’entretien indispensables. Personne ne pourrait plus visiter aucune partie du musée pendant cette période. Les autres musées resteraient ouverts normalement. Ne vous inquiétez pas, il n’est pas prévu de fermer ce musée ! Mais nous aimerions que vous réfléchissiez à ce que serait votre vie s’il fermait pendant un an. Quelle serait l’incidence de cette fermeture sur votre niveau de satisfaction à l’égard de l’existence ?
Cette fermeture aurait très peu d’incidence sur ma satisfaction à l’égard de l’existence
Cette fermeture réduirait ma satisfaction à l’égard de l’existence
Cette fermeture accroîtrait ma satisfaction à l’égard de l’existence
Les personnes ayant choisi la deuxième option devaient ensuite répondre à la question suivante :
Imaginez maintenant la situation suivante. Supposons que pour compenser cette impossibilité de visiter le Muséum d’histoire naturelle pendant un an, on vous propose une somme d’argent. Quel montant devriez-vous recevoir, sous forme de versement unique, pour conserver pendant cette période, jusqu’à la réouverture du musée, votre niveau actuel de satisfaction à l’égard de l’existence ? Réfléchissez un moment avant de répondre.
Les valeurs du CAA ont été recueillies en utilisant une fiche de paiement comportant des valeurs comprises entre 0 et 150 GBP.
La méthode hybride évaluation contingente/évaluation du bien-être a permis d’obtenir des valeurs plausibles par visite de 6.89 GBP pour le Muséum d’histoire naturelle et 7.13 GBP pour le Tate Liverpool. Ces chiffres étaient comparables aux valeurs équivalentes du CAP.
Bien que le CAP soit maintenant devenu la méthode de prédilection pour déterminer les compensations monétaires dans les études d’évaluation contingente, il est admis que l’utilisation du CAA est parfois justifiée, par exemple quand les droits de propriété sont tels que les personnes interrogées pensent avoir un droit intrinsèque sur le bien ou le service en question (la culture en est sans doute un bon exemple). Dans une telle situation, la méthode hybride, qui se fonde aussi sur la théorie du BES, peut donner des valeurs de CAA plausibles.
7.3.3. Remarques finales
L’évaluation du bien-être subjectif est une méthode récemment mise au point qui diffère des autres méthodes d’évaluation non marchande dans la mesure où les valeurs reposent sur la manière dont des biens non marchands influent sur des mesures autodéclarées du bien-être comme la satisfaction à l’égard de l’existence. En d’autres termes, les valeurs reposent sur l’utilité ressentie plutôt que sur l’utilité anticipée. On en sait beaucoup moins sur les limites et les biais de cette méthode d’évaluation du BES, toute récente, que sur les méthodes des préférences révélées et déclarées, qui font l’objet d’études et d’applications en économie depuis bien plus longtemps déjà. Cependant, globalement, l’approche par le BES représente une nouvelle manière prometteuse d’évaluer les biens non marchands. Les recherches et les applications futures diront si cette approche tient ses promesses.
Références
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