Alexa Roscoe
Société financière internationale
Charlotte Benedicta Ntim
Société financière internationale
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Charlotte Benedicta Ntim
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Cette étude de cas met en lumière l’expérience des femmes sur les plateformes de vente en ligne lors de la pandémie de COVID-19. S'appuyant sur les résultats d'une étude de la SFI menée en Afrique et en Asie du Sud-Est, elle montre que si les épisodes de confinement liés au COVID-19 ont globalement donné un coup d’accélérateur au commerce électronique, les entreprises détenues par des femmes n’en ont pas souvent récolté les fruits. L’étude de cas constate que les plateformes de vente en ligne peuvent faire plus pour pallier les effets négatifs de la pandémie sur les femmes, afin d’exploiter leur potentiel et de renforcer les marchés du commerce électronique.
La résorption des écarts femmes-hommes permettrait d’augmenter de près de 300 milliards USD la valeur du marché du commerce en ligne – ainsi que les gains des femmes entrepreneurs – en Afrique et en Asie du Sud-Est d'ici 2030.
Les secteurs public et privé peuvent conjointement contribuer à renforcer les marchés du commerce électronique en comblant les écarts femmes-hommes dans l’accès aux ressources numériques et aux sources de financement, et en proposant aux femmes des formations à l’entrepreneuriat.
Le commerce électronique est en plein essor dans les marchés émergents. En Afrique, le nombre d'acheteurs en ligne a progressé de 18 % par an en moyenne entre 2014 et 2019 (Davarpanah, 15 avril 2020[1]). En Asie du Sud-Est également, le marché du commerce électronique a triplé entre 2015 et 2020 et devrait de nouveau croître dans une même proportion d’ici 2025 (Google et al., 2020[2]). Une nouvelle étude conduite par la Société financière internationale (SFI) à partir des données provenant de deux grandes plateformes de vente en ligne – Jumia en Afrique et Lazada en Asie du Sud-Est – laisse entendre qu’investir dans la présence des femmes entrepreneurs sur ces plateformes pourrait entraîner un taux de croissance encore plus élevé et générer, d'après les projections, près de 300 milliards USD à l’horizon 2030.
Les femmes sont déjà actives dans le domaine du commerce électronique en Afrique et en Asie du Sud-Est, avec des différences notables selon les pays (IFC, 2021[3] ; 2021[4]). D'après l’étude de la SFI, entre un tiers et la moitié des fournisseurs présents sur la plateforme Jumia sont des femmes ; c’est plus que le pourcentage de femmes enregistrées officiellement en tant qu’entrepreneurs, selon les chiffres officiels des pays examinés. En Asie du Sud-Est également, les femmes représentent entre un tiers et les deux tiers des fournisseurs comptabilisés sur la plateforme Lazada. Cela dit, dans les deux cas, les entreprises détenues par des femmes sont généralement des micro-entreprises œuvrant dans des domaines hautement concurrentiels et à faible marge (comme la mode et la beauté). Par ailleurs, plus que celles créées par des hommes, les entreprises détenues par des femmes ont tendance à être financées sur des fonds personnels plutôt qu’à l’aide des solutions de crédit proposées par les plateformes.
Si les inégalités entre les femmes et les hommes en matière d'inclusion numérique et financière existaient déjà avant la pandémie, la crise liée au COVID-19 a davantage frappé les femmes entrepreneurs présentes sur les plateformes de commerce électronique. En termes de chiffre d'affaires, par exemple, avant la pandémie, les entreprises détenues par des femmes aux Philippines étaient plus performantes que celles des hommes ; pendant la pandémie, en revanche, leurs ventes n’ont représenté que 79 % de celles réalisées par les hommes (IFC, 2021[4]). De la même manière, sur la plateforme Jumia, le chiffre d'affaires réalisé par les femmes entrepreneurs a reculé de 7 % pendant la pandémie, tandis que celui des hommes a progressé d'autant (IFC, 2021[3]).
En recrutant, formant et finançant des femmes entrepreneurs, ces plateformes peuvent inverser la tendance et faire en sorte que les entreprises détenues par des femmes et les fournisseurs femmes bénéficient elles aussi de la croissance exponentielle du commerce électronique.
Recruter des femmes : Bien que les femmes soient présentes sur les plateformes de commerce électronique, leur taux de participation n’est pas le même que celui des hommes dans des pays comme la Côte d’Ivoire et l’Indonésie. Comme le montre l’expérience de Jumia, les plateformes peuvent améliorer leur compréhension des entraves auxquelles se heurtent les femmes présentes sur leurs sites en recensant les entreprises détenues par des femmes, en suivant leurs activités et en les aidant à réussir grâce à l’offre de services et de fonctionnalités plus perfectionnés. Ces plateformes peuvent aussi appliquer des bonnes pratiques afin d’accroître la représentation des femmes entrepreneurs sur leurs sites.
Former les femmes : Les plateformes de vente en ligne peuvent capitaliser sur le succès de la formation en ajoutant des contenus et en menant des campagnes d’information destinées spécifiquement aux entreprises détenues par des femmes. L’étude de la SFI a constaté que la demande de formation était plus importante chez les femmes – à la fois en Afrique et en Asie du Sud-Est – et que ces dernières étaient plus susceptibles de faire savoir qu’elles avaient bénéficié des formations existantes.
Financer les femmes : Dans les deux régions examinées, les entreprises appartenant à des femmes étaient généralement autofinancées. En Afrique, 74 % des femmes interrogées ont indiqué avoir utilisé leur épargne personnelle comme capital de départ, contre 70 % des hommes. En Asie du Sud-Est, les pourcentages étaient respectivement de 78 % pour les femmes et de 71 % pour les hommes. En Afrique, les femmes entrepreneurs étaient en outre moins susceptibles de solliciter des prêts par l’intermédiaire de la plateforme, même si leurs demandes avaient plus de chances d’être acceptées. Cette attitude est peut-être le corollaire de la spécialisation d'un grand nombre de ces femmes dans des domaines d'activité à faible marge, pour lesquels un financement à court terme lié aux stocks est plus intéressant. Ces écarts entre les sexes laissent également penser qu'une offre de financement ciblée de la part des plateformes de vente en ligne pourrait être l’occasion pour elles non seulement de réduire les inégalités, mais également d’élargir leur base d’utilisateurs des technologies financières.
En résumé, l’expansion rapide qu’il connaît depuis vingt ans a fait du commerce électronique un trait distinctif de l’économie moderne, ainsi qu'un puissant moteur du développement économique. Pour les fournisseurs, le commerce en ligne représente une passerelle vers de nouveaux marchés, et pour les clients, il procure plus d’avantages, de choix et de confort. Pour les communautés, il est créateur d’emplois dans certains secteurs, par exemple celui de la logistique.
Les donneurs et d’autres acteurs du développement ont un rôle à jouer en soutenant la mise en place de politiques publiques qui améliorent l'accès à l’internet, réduisent les coûts d'accès et permettent à tout un chacun de participer sur un pied d’égalité à l’économie numérique, notamment en investissant dans des infrastructures numériques qui accroissent les capacités du réseau. Les donneurs sont en outre bien placés pour soutenir les initiatives permettant aux micro-, petites et moyennes entreprises de se relever de la crise du COVID-19.
Pour chaque année d’inaction face aux inégalités femmes-hommes, le manque à gagner pour le secteur du commerce électronique se chiffre en milliards de dollars (IFC, 2021[3] ; 2021[4]). De toutes les entreprises engagées dans le commerce électronique, la crise a frappé plus durement celles détenues par des femmes. Or, la réussite qui était la leur avant la pandémie laisse à penser qu’il est à la fois indispensable et réalisable d’inverser la tendance actuelle et de permettre à ces entreprises de retrouver un chiffre d'affaires égal à celles détenues par des hommes.
[1] Davarpanah, A. (15 avril 2020), « E-commerce in Africa: Emerging markets », Borgen Project blog, https://borgenproject.org/e-commerce-in-africa-emerging-markets (consulté le 23 septembre 2021).
[2] Google et al. (2020), e-Conomy SEA 2020 – At Full Velocity: Resilient and Racing Ahead, Bain & Company, Boston, https://www.bain.com/globalassets/noindex/2020/e_conomy_sea_2020_report.pdf.
[3] IFC (2021), Femmes et commerce électronique en Afrique, Société financière internationale, Washington, D.C., https://www.ifc.org/wps/wcm/connect/47361305-6ebe-431a-8dd9-db2290919823/202105-digital2equal-women-and-e-commerce-africa.pdf?MOD=AJPERES&CVID=nCGRGTr.
[4] IFC (2021), Women and E-commerce in Southeast Asia, Société financière internationale, Washington, D.C., https://www.ifc.org/wps/wcm/connect/04f295ac-172b-4c74-8957-700609c293d4/202105-digital2equal-women-and-e-commerce-southeast-asia.pdf?MOD=AJPERES&CVID=nCGTdWq.