Ida Mc Donnell
Direction de la coopération pour le développement, OCDE
Marc Cortadellas Mancini
Direction de la coopération pour le développement, OCDE
Ida Mc Donnell
Direction de la coopération pour le développement, OCDE
Marc Cortadellas Mancini
Direction de la coopération pour le développement, OCDE
Les stratégies de développement numérique des membres de l’OCDE et de son Comité d’aide au développement (CAD) évoluent vers une collaboration plus large visant à mettre en place une transformation numérique équitable et inclusive. Ce chapitre propose un état des lieux des priorités stratégiques de membres du CAD ayant adopté des stratégies de passage au numérique. À partir des études de cas présentées dans ce rapport, il explore également les conséquences du passage au numérique pour les stratégies relatives à la gouvernance et à la société civile, et formule pour conclure des réflexions en vue d’une coopération numérique efficace et durable.
Les auteurs tiennent à remercier Catherine Anderson et Marilyn Bachmann pour leur contribution à ce chapitre.
Le passage au numérique constitue une priorité stratégique explicite pour 12 membres du Comité d’aide au développement dotés de stratégies en la matière, tandis que six autres mentionnent l’importance du passage au numérique dans leur politique générale de coopération pour le développement.
La coopération internationale pour le développement dans le domaine du passage au numérique gagnerait à appliquer les bonnes pratiques, notamment en s’alignant sur les priorités nationales, en renforçant la coordination, en établissant une base de données probantes et en en tirant des enseignements.
Lors de la réunion ministérielle du Comité d’aide au développement (CAD) de 2020, les membres ont souligné combien il importait d’exploiter le potentiel des technologies et de la transformation numérique1 en se fondant sur des normes éprouvées et des méthodes établies dans le domaine de la coopération pour le développement, notamment une approche fondée sur les droits humains, la lutte contre les inégalités, l’engagement de ne laisser personne de côté et l’appui à l’éducation et à l’amélioration des compétences. Ils ont insisté sur la nécessité d’identifier les opportunités et les risques liés à la croissance du numérique, aux technologies fondées sur les données et aux biens publics numériques pour le développement (OCDE, 2020[1]).
Le Plan d’action de coopération numérique du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, António Guterres, a fourni une nouvelle orientation vers des stratégies plus globales pour toutes les parties prenantes – y compris les acteurs de la coopération pour le développement – axées sur les facilitateurs de la transformation numérique et de la collaboration, et appelant à la mise en place d’une architecture plus efficace pour la coopération numérique mondiale (ONU, 2020[2]). Le Plan d’action énonce huit objectifs : 1) atteindre la connectivité universelle d’ici à 2030 ; 2) promouvoir les biens publics numériques pour bâtir un monde plus équitable ; 3) assurer l’inclusion numérique pour tous, y compris les plus vulnérables; 4) renforcer les capacités numériques ; 5) assurer la protection des droits humains à l’ère numérique ; 6) encourager une coopération mondiale en matière d’intelligence artificielle ; 7) promouvoir la confiance et la sécurité numériques et 8) construire une architecture plus efficace pour la coopération numérique. Il sera difficile d’atteindre ces objectifs généraux partout, en particulier pour les acteurs de la coopération au développement qui cherchent à accompagner les pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire dans leur transformation numérique.
Si moins de la moitié des membres du CAD se sont dotés de stratégies explicites pour mettre le numérique au service du développement, les pays qui investissent dans le passage au numérique semblent s’orienter vers des approches plus globales2. On observe également une volonté d’apporter un appui plus coordonné, comme en témoignent la nouvelle plateforme de l’Union européenne (UE) baptisée Digital4Development (D4D) (Encadré 33.1) et des alliances comme la Digital Impact Alliance (DIAL, s.d.[3]), laquelle vise à accélérer la transformation numérique nationale, à renforcer la coopération mondiale et à connecter, soutenir et développer des solutions éprouvées conformément aux Principes pour le développement numérique (s.d.[4])3.
Par l’équipe de l’UE en charge de la D4D
La plateforme Digital for Development (D4D) a été lancée en décembre 2020 par la Présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen, en présence des représentants de haut niveau des États membres de l’Union européenne (UE) qui en sont les fondateurs. Cette plateforme multipartite permet des interventions conjointes destinées à coordonner le soutien à la transformation numérique dans les pays partenaires de l’UE et à tirer parti de l’expertise, des ressources et des atouts du secteur privé, des organisations de la société civile, des institutions financières et d’autres parties prenantes. Elle rend opérationnelle l’approche de l’Équipe Europe (« Team Europe ») (UE, 2021[5]) en matière de numérique au service du développement, en s’appuyant sur l’expérience de la riposte mondiale de l’Équipe Europe face à la pandémie de COVID-19 et sur une décennie de programmation conjointe en matière de politique de développement de l’UE (Commission européenne, 2021[6]).
La plateforme D4D est un instrument de politique extérieure qui s’aligne sur la Communication de la Commission intitulée Une boussole numérique pour 2030 : l’Europe balise la décennie numérique (Commission européenne, 2018[7]). Cette plateforme permettra aux membres de l’UE d’établir des partenariats et d’accroître les investissements dans le domaine du numérique tout en promouvant un modèle centré sur l’humain, axé sur la lutte contre les fractures numériques et les risques qui peuvent accompagner une transformation numérique accélérée, à savoir l’exclusion, l’injustice et les inégalités (D4D Hub, 2020[8]). Cette approche s’inspire de l’expérience du marché unique numérique de l’UE et repose sur les normes et valeurs de l’UE, qui mettent l’accent sur les droits de la personne et la protection des données, la neutralité de l’internet, le respect de la vie privée dès la conception et l’utilisation éthique des technologies. Les initiatives de la plateforme D4D sont les suivantes :
Riposte directe face aux situations d’urgence et renforcement de la résilience : La plateforme D4D a contribué à la conception et à la mise en œuvre d’un ensemble de projets numériques, au titre de la riposte mondiale de l’Équipe Europe face à la pandémie de COVID‑19. Par exemple, dans le cadre du projet Smart Development Hackathon, les membres de la plateforme et plus de 50 partenaires ont produit plus de 1 000 solutions numériques pour relever les défis posés par le COVID-19 dans les domaines de la santé, de l’économie et de la société. Parmi les projets, citons la ligne d’assistance téléphonique CallvsCorona, qui fournit des informations sur la prévention dans les langues locales à plus de 200 000 personnes à Madagascar, et le Digital Enquirer Kit, qui aide les journalistes, notamment, de plusieurs pays africains à identifier les fausses informations et à les gérer (Commission européenne, 2020[9]).
Ateliers multipartites pour le partage des bonnes pratiques et l’identification des défis et des opportunités : Les parties prenantes européennes et sénégalaises ont partagé leur expérience et leurs bonnes pratiques dans les domaines de la formation et du développement des compétences numériques, de la confiance numérique et de la cybersécurité, de la gouvernance électronique et des services numériques dans le secteur agricole. En mai 2021, plus d’une centaine de représentants d’agences et autorités publiques du Sénégal et de membres de l’UE, ainsi que du secteur privé, ont participé à des discussions qui ont permis d’identifier d’éventuelles interventions conjointes et cofinancées qui s’inscrivent dans la stratégie « Sénégal numérique 2016-25 » (Ministère des Postes et des Télécommunications du Sénégal, 2016[10]). Des ateliers similaires ont été organisés au Kenya et au Niger, et de nombreux autres sont prévus pour l’année prochaine.
En plus de la plateforme mondiale, qui est chargée de la coordination de l’Équipe Europe, l’initiative D4D s’appuie sur des antennes régionales pour encourager les partenariats stratégiques entre les acteurs européens et locaux dans les pays partenaires. Ces antennes adoptent une approche du développement « entre égaux ». Si D4D axait au départ ses activités sur l’Afrique, elle s’intéresse désormais à d’autres régions du monde. Ainsi, l’antenne ciblant l’Amérique latine et les Caraïbes a été lancée en décembre 2021 lors d’un événement de haut niveau sous la présidence slovène du Conseil de l’UE (D4D Hub, 2021[11]). Les projets de connectivité devraient susciter davantage d’intérêt et attirer de nouvelles ressources, conformément à l’ambitieuse stratégie relative à la connectivité du Portail mondial de l’UE (Commission européenne, 2021[12]) et aux besoins exprimés par les pays partenaires. Même si la plateforme D4D a accompli énormément de choses en moins d’un an, des problèmes subsistent, notamment des divergences au niveau des cycles de programmation et des règles budgétaires des membres, qui peuvent compliquer la conception et la mise en œuvre de projets conjoints et l’alignement des calendriers et des procédures.
Note : L’UE et ses États membres agissent en tant qu’Équipe Europe (« Team Europe ») afin de renforcer les efforts de coordination et les ressources de sorte à amplifier l’impact des interventions conjointes. Cette plateforme est ouverte à tous les membres de l’UE. L’Allemagne, la Belgique, l’Estonie, la France et le Luxembourg en sont les membres fondateurs et, à ce jour, onze membres l’ont rejointe en signant une lettre d’intention pour coopérer dans le cadre de la plateforme D4D en vue d’une stratégie européenne unique en matière de développement numérique. Au nombre des pays ayant rejoint la plateforme depuis sa création figurent l’Espagne, la Finlande, la Lituanie, les Pays-Bas, le Portugal et la Suède.
Les acteurs du développement investissent de plus en plus dans les activités liées au numérique (voir le chapitre 40). Toutefois, comme le montre cet état des lieux, le passage au numérique n’est pas une priorité explicite pour la plupart des membres du CAD. Seuls 12 d’entre eux, qui comptent également parmi les principaux bailleurs de fonds de la coopération pour le développement liée au numérique, ont adopté des stratégies explicites en la matière. Les stratégies les plus récentes4 (depuis 2019) tiennent compte des liens entre les facilitateurs fondamentaux des transformations numériques (accès universel et abordable à l’internet, infrastructure numérique publique, cadre d’action et de réglementation, et compétences numériques) et l’utilisation des technologies numériques pour la prestation de services et dans tous les secteurs (Tableau 33.1).
Trois aspects de la transformation numérique sont couverts dans les stratégies avec un degré de constance élevé entre les pays : 1) étendre l’accès à l’internet, le rendre plus abordable et améliorer les services numériques ; 2) soutenir des environnements propices afin d’exploiter le passage au numérique au niveau de l’ensemble de l’administration et de la société ; 3) intégrer systématiquement le passage au numérique – ou le « numérique par défaut » – dans tous les investissements sectoriels en se basant sur des données probantes. Les questions de confidentialité et de sécurité, de transparence et de normes ouvertes reviennent de façon récurrente dans toutes les stratégies.
Certains pays soulignent la nécessité d’accroître l’équité et l’inclusion en donnant accès à des services auparavant hors de portée des groupes marginalisés, comme les filles, les femmes et les personnes handicapées (voir les chapitres 35, 37 et 38). Dans deux de ses priorités en matière de développement numérique, le Danemark souligne la nécessité de se concentrer sur les femmes, les filles et les jeunes, et de les aider à participer à la transformation numérique (Danida, 2019[13]). L’Agence suédoise de coopération internationale au développement se concentre, quant à elle, sur les technologies de l’information et des communications dans les domaines de la gouvernance démocratique et du développement social (Ministère des affaires étrangères de Suède, 2018[14]). Les Pays-Bas placent l’appropriation locale et la conception conjointe au centre de leur collaboration avec la société civile et veillent à ce que les technologies numériques contribuent au bien public.
On observe une forte prise de conscience selon laquelle l’accès aux infrastructures publiques, comme l’électricité et les communications numériques, constitue une condition préalable à la transformation numérique. La stratégie de l’AFD souligne l’importance de « la décarbonation du numérique », au titre de laquelle l’investissement dans les deux transitions (numérique et énergétique) est une priorité explicite. Les stratégies et les financements liés au numérique (voir le chapitre 40) semblent mettre moins l’accent sur l’utilisation des technologies avancées (par exemple, l’intelligence artificielle et la technologie des chaînes de blocs), malgré l’importance croissante de ces outils dans l’économie et l’administration numériques. La Belgique se distingue par la place qu’elle accorde à des technologies numériques spécifiques en vue d’une plus grande inclusion économique et financière, ainsi qu’aux données massives et aux données ouvertes (FPS Foreign Affairs, 2016[15]).
Plusieurs stratégies soulignent l’importance des partenariats multipartites pour obtenir un plus grand impact et une économie numérique inclusive, la plupart des pays du Tableau 33.1 ayant adhéré aux Principes pour le développement numérique (s.d.[4]). Au niveau régional, onze membres de l’UE ont signé une lettre d’intention pour coopérer dans le cadre de la plateforme D4D (2020[16]).
Plusieurs autres pays du CAD mettent en avant l’importance du passage au numérique dans leur politique de coopération pour le développement5. Par exemple, la Finlande axe sa stratégie sur les questions de genre, d’éducation et de climat, et place le passage au numérique et la connectivité au centre de ses préoccupations (Gouvernement de la Finlande, 2021[17] ; Saldinger, 2021[18]). D’autres membres de l’OCDE, comme l’Estonie, sont favorables à une approche centrée sur l’utilisateur, sur la base de leur propre expérience de l’administration électronique, et partagent leur expertise avec des pays d’Europe du Sud-Est, d’Asie centrale et d’Afrique subsaharienne (Estonia:, 2021[19]) (voir le chapitre 12).
Pays |
Objectifs et priorités |
---|---|
Belgique |
La note stratégique « Digital for Development - (D4D) » de la Coopération belge au développement a été publiée en 2018. Elle est axée sur la promotion des technologies numériques pour une plus grande inclusion économique et financière, notamment par l’utilisation des données massives ou des données ouvertes. Les priorités stratégiques de la Belgique sont les suivantes :
La Belgique adhère aux Principes pour le développement numérique et est membre de la plateforme D4D de l’UE. Voir les résultats de l’évaluation 2021 (Castella et al., 2021[20]) ‘Digital for Development’ (D4D), Étude complémentaire quels sont les développements liés au contexte de la Covid‑19 ? |
Danemark |
Le rapport Techvelopment : Approach and Narrative on Tech and Digitalisation in Danish Development Cooperation a été publié en 2019. Il met l’accent sur la diplomatie technologique (TechPlomacy) dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité afin de promouvoir l’innovation et la technologie comme un outil de développement. Les priorités du Danemark sont les suivantes :
Le Danemark adhère aux Principes pour le développement numérique. |
UE |
Le cadre « Digital for Development » de l’UE a été publié en 2017. Afin de mieux intégrer systématiquement les solutions numériques dans le développement, il est axé sur l’intégration du numérique et sur une coopération UE-Afrique fondée sur les valeurs d’ouverture, d’ingéniosité et d’innovation, ainsi que sur l’autonomisation des citoyens en rendant les TIC plus accessibles et abordables et en en assurant la promotion en tant que moteurs de la croissance. L’UE cherche à développer :
L’UE adhère aux Principes pour le développement numérique et a participé au lancement des principes de la plateforme D4D. |
France |
En 2021, l’Agence française de développement (AFD) a publié la Stratégie Transition numérique 2021-2025. Elle privilégie également le soutien aux questions politiques, sociales et citoyennes en promouvant les biens publics numériques, une approche centrée sur l’humain et la protection des données personnelles et de l’environnement. Les priorités de l’AFD sont les suivantes :
L’AFD adhère aux Principes pour le développement numérique et la coopération inter-donneurs. La France fait partie des cofondateurs de la plateforme D4D de l’UE. |
Allemagne |
Le ministère fédéral de la Coopération économique et du Développement (BMZ) a publié, en 2019, La stratégie numérique pour le développement. Elle promeut les technologies numériques à l’appui des processus démocratiques, la préservation des droits humains, l’aide aux personnes déplacées et les solutions à la problématique de l’avenir des emplois et des données au service du développement. Les priorités de l’Allemagne dans le domaine du numérique sont les suivantes :
L’Allemagne adhère aux Principes pour le développement numérique. Elle fait partie des cofondateurs de la plateforme D4D de l’UE. Voir également l’étude de cas consacrée à l’Allemagne au Chapitre 39. |
Japon |
L’Agence japonaise de coopération internationale (JICA) a créé le groupe de travail sur la transformation numérique en 2019. Ce groupe de travail se concentre sur la manière dont la JICA peut utiliser les technologies numériques pour améliorer l’efficacité et l’impact de la coopération pour le développement en vue d’atteindre les ODD (Murigande, 2019[21] ; Sawaji, 2021[22]). L’approche de la JICA est également déterminée par la politique intérieure et les plans nationaux du Japon, décrits dans le 5e Plan fondamental pour la science et la technologie (2016[23]) et les Lignes directrices pour la promotion de la transformation numérique du ministère japonais de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie (2018[24]) et qui mettent l’accent sur les technologies de pointe comme l’internet des objets, l’intelligence artificielle et les données massives en vue de parvenir à un modèle de société 5.0. Ces réformes façonnent également une nouvelle approche de la JICA. La JICA a pour objectif de créer un environnement propice, notamment en ce qui concerne l’infrastructure des TIC, les compétences numériques, les entreprises et la cybersécurité, et à promouvoir des écosystèmes innovants dans tous les secteurs des ODD (Sawaji, 2021[22]). La JICA adhère aux Principes pour le développement numérique. |
Corée |
La stratégie relative à l’APD numérique de l’Agence de coopération coréenne (KOICA) a été publiée en 2021. La double approche de la KOICA comprend une stratégie d’intégration du numérique, qui inclut une composante numérique dans tous les secteurs, associée à un programme de transition numérique permettant la transformation numérique des pays partenaires. Les priorités de la KOICA sont les suivantes :
L’approche de la KOICA est guidée par six principes : facilité d’utilisation, évolutivité, inclusivité, approche fondée sur les données, ouverture et sécurité de l’information. Voir également l’étude de cas consacrée à la KOICA au Chapitre 36. |
Pays-Bas |
Le Programme numérique pour le commerce extérieur et la coopération au développement du ministère néerlandais des Affaires étrangères a été publié en 2019. Il est axé sur la promotion du commerce et du développement dans différents secteurs des ODD ainsi que sur la sécurité numérique et la liberté en ligne. Les priorités des Pays-Bas dans le domaine du numérique sont les suivantes :
Les Pays-Bas adhèrent aux Principes pour le développement numérique. Ils font partie des cofondateurs de la plateforme D4D de l’UE. Voir également l’étude de cas consacrée aux Pays-Bas au Chapitre 35. |
Norvège |
Le livre blanc sur la transformation numérique et la politique de développement du ministère norvégien des Affaires étrangères a été publié en 2019. Les priorités stratégiques de la Norvège sont les suivantes :
L’approche adoptée par la Norvège s’inspire de cadres internationaux tels que les Principes pour le développement numérique. Voir également l’étude de cas consacrée à la Norvège au Chapitre 37. |
Suède |
La Suède soutient les TIC depuis les années 90. En 2008, l’Agence suédoise de développement international (Asdi) a publié une stratégie relative aux technologies de l’information et des communications (TIC) pour le développement. En outre, sa stratégie globale de coopération pour le développement 2018-2022 est axée sur les points suivants :
La Suède adhère aux Principes pour le développement numérique. Elle fait partie des cofondateurs de la plateforme D4D de l’UE. |
Royaume-Uni |
Le ministère des Affaires étrangères, du Commonwealth et du développement a défini son approche du développement numérique en 2021, en mettant l’accent sur la promotion d’une stratégie de développement numérique inclusive, porteuse de transformations et responsable afin de réduire la pauvreté et les inégalités et de promouvoir la prospérité, la sûreté et la sécurité mutuelles. Les objectifs du Royaume-Uni sont les suivants :
Le Royaume-Uni promeut des cadres internationaux comme les Principes pour le développement numérique. Voir également l’étude de cas consacrée au Royaume-Uni au Chapitre 38. |
États-Unis |
La « Stratégie numérique 2020-2024 » (2020) de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) a pour objectif de promouvoir les droits individuels, la liberté d’expression et les normes démocratiques, et de garantir des écosystèmes numériques ouverts, sécurisés et inclusifs qui contribuent à des résultats mesurables et de grande envergure en matière de développement et d’aide humanitaire. Les outils et diagnostics du Cadre de l’écosystème numérique (Digital Ecosystem Framework) et de l’Évaluation nationale de l’écosystème numérique de USAID (Digital Ecosystem Country Assessment) sont publiés conjointement avec d’autres stratégies pertinentes. Les priorités de USAID sont les suivantes :
USAID adhère aux Principes pour le développement numérique. Voir également l’étude de cas consacrée aux États-Unis au Chapitre 34. |
Note : Compilation des auteurs basée sur une recherche documentaire des stratégies publiées, des consultations avec les pays membres menées pour ce rapport, et des études de cas réalisées par les pays et publiées dans ce rapport. Outre les consultations, l’étude documentaire de tous les membres du CAD a révélé que douze d’entre eux avaient publié des stratégies relatives à la transformation numérique. Les auteurs ont conscience que cet aperçu n’est pas exhaustif et que d’autres membres du CAD et agences des pays inclus dans l’échantillon peuvent eux aussi avoir élaboré des stratégies.
Source :
AFD (2021[25]), Stratégie Transition numérique 2021-2025, https://www.afd.fr/en/ressources/digital-transition-2021-2025-strategy.
BMZ (2019[26]), Digital technologies for development, https://toolkit-digitalisierung.de/app/uploads/2021/07/BMZ-Strategy-Digital-Technologies-for-Development-1.pdf.
Danida (2019[13]), TechVelopment: Approaches and Digitalisation. Tech and Digitalisation in Danish Development Cooperation in 2019, https://um.dk/en/~/media/um/danish-site/documents/danida/techvelopment%20-%20approach%20and%20narrative.pdf.
DFID (2018[27]), Digital Strategy 2018-2020: Doing Development in a Digital World, https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/701443/DFID-Digital-Strategy-23-01-18a.pdf.
Ministère néerlandais des affaires étrangères (2019[28]), Digital Agenda for Foreign Trade and Development Cooperation (BHOS), https://www.government.nl/documents/policy-notes/2019/07/31/digital-agenda-for-foreign-trade-and-development-cooperation-bhos.
Commission européenne (2017[29]), Digital4Development: mainstreaming digital technologies and services into EU, file://main.oecd.org/Homedir1/cortadellasmancini_m/DCR/Digital%20Strategies_Matrix/3.%20Research/Strategies/EU.pdf.
Service public fédéral Affaires étrangères (2016[15]), Note stratégique : Digital for Development (D4D) de la Coopération belge au développement, https://www.enabel.be/sites/default/files/note_strategique_d4d.pdf.
KOICA (2021[30]), KOICA Digital ODA Business Promotion Strategy, https://www.koica.go.kr/koica_kr/7889/subview.do.
Norwegian MFA (2019[31]), Digital transformation and development policy, https://www.regjeringen.no/en/dokumenter/meldst11_summary/id2699502/?ch=1.
Ministère suédois des affaires étrangères (2018[14]), Strategy for Sweden’s global development cooperation in sustainable economic development 2018-2022, https://www.government.se/4940d6/contentassets/2636cd52742a4a29827b936e118a5331/strategy-for-swedens-global-development-cooperation-in-sustainable-economic-development-2018-2022.pdf.
USAID (2020[32]), Digital Strategy 2020-2024, https://www.usaid.gov/usaid-digital-strategy.
Sawji (2021[22]), Digital Transformation for Development: Japan’s Contribution, https://www.japanjournal.jp/diplomacy/international-cooperation/pt20201124142044.html.
La transformation numérique peut nuire à la gouvernance dans des contextes où celle-ci est déjà faible. Les stratégies de coopération pour le développement en matière de gouvernance et de société civile peuvent compléter les stratégies de développement numérique dans le but de bâtir un avenir numérique inclusif. Pour que la coopération au développement puisse influer sur la transformation numérique, les stratégies et activités en matière de gouvernance et de société civile devront anticiper les conséquences imprévues – et les préjudices potentiels – de la transformation numérique sur les sociétés et les droits humains. Les partenaires au développement explorent donc les conséquences de la transformation numérique sur la société civile, l’espace civique, la gouvernance démocratique, les progrès du développement et la stabilité dans les États fragiles.
La communauté internationale de la gouvernance, y compris les membres du Réseau du CAD sur la gouvernance, s’interroge sur la manière de soutenir le passage au numérique et la transformation numérique, ainsi que la gouvernance relative à ces questions, dans le cadre du développement. Selon les premières recherches menées aux fins de l’étude Promoting the Digital Transformation of African Portuguese-Speaking Countries and Timor-Leste (2018[33]), l’APD semblerait la plus bénéfique lorsqu’elle cible la consolidation des capacités analogiques, l’accès aux solutions numériques par l’éducation et l’initiation aux TIC, et le soutien à un passage au numérique sécurisé et consensuel pour les documents publics (Encadré 33.2).
Le contexte national détermine la transformation numérique. S’il peut réduire les coûts et améliorer la qualité des services publics en permettant aux citoyens de donner leur avis aux prestataires de services (Haldrup, 2018[34]), le passage au numérique ne peut pas remédier aux faiblesses institutionnelles préexistantes. En outre, l’introduction de la technologie numérique dans des contextes politiques fracturés peut accroître les risques pour la stabilité. Par exemple, la transformation numérique dans le domaine des cartes d’identité, des services publics numériques, ainsi que de l’utilisation et de la gestion des données peut aussi bien favoriser le développement que fragmenter et diviser la société et entraver, voire déstabiliser, les pouvoirs publics. On ignore également dans quelle mesure la prolifération des plateformes de services en ligne se traduit par une participation et une redevabilité publiques plus larges, plus profondes ou plus inclusives (Dener et al., 2021[35]).
Réflexions sur le passage au numérique dans les stratégies de gouvernance
La relation entre les capacités institutionnelles et numériques n’est pas linéaire. Les transitions numériques sont souvent désordonnées, inégales et sujettes à revirements dans les pays en développement, en particulier les États fragiles et les pays les moins avancés (Pathways for Prosperity Commission, 2019[36] ; Banque mondiale, 2016[37]). D’après une étude de l’OCDE sur la transformation numérique dans les pays africains lusophones et au Timor-Leste, si l’APD soutient les centres de données qui hébergent, stockent et gèrent les informations provenant de l’administration publique dans son ensemble, la faible interopérabilité entre les systèmes numériques et l’utilisation limitée des données pour produire des résultats plus équitables en matière de développement en diminuent l’impact (OCDE, 2018[33]).
Des investissements complémentaires dans les systèmes numériques et analogiques peuvent renforcer la gouvernance et le contrat social. Dans les contextes fragiles ou en transition, ni la technologie numérique ni les systèmes analogiques ne peuvent à eux seuls permettre le développement. Ensemble, toutefois, ils peuvent favoriser un passage au numérique sécurisé et consensuel pour les documents publics, et renforcer la capacité de l’État à fournir des services publics, à innover et à définir des priorités nationales. Ils peuvent également améliorer la confiance des citoyens dans les pouvoirs publics et favoriser la participation des groupes marginalisés. Par exemple, lorsqu’ils ont appuyé la riposte des pays d’Afrique de l’Ouest à la maladie à virus Ebola, les acteurs de l’aide humanitaire et du développement ont utilisé des applications de messagerie pour informer des centaines de milliers d’abonnés du nombre de cas, de leur localisation et de la mobilisation des services de santé publique, renforçant ainsi la confiance des citoyens dans la gestion de l’épidémie par les pouvoirs publics.
Les données doivent être protégées contre toute utilisation abusive. L’APD est largement déployée pour apporter des solutions numériques aux problèmes de gestion administrative, notamment en matière de versement des salaires et des traitements, de gestion des ressources humaines et de prestation de services sociaux. Dans certains contextes, ces données peuvent faire l’objet d’une utilisation abusive. Les acteurs du développement pourraient s’efforcer de sauvegarder et de protéger les libertés individuelles, par exemple en assumant une plus grande responsabilité dans la protection des droits et libertés individuels lors de la collecte et de la gestion des données, en garantissant un consentement libre, préalable et éclairé, et en intégrant la confidentialité des données dans l’identification biométrique et numérique.
La cohérence des politiques au service du développement peut contribuer à une transformation numérique équitable. Des gouvernements autocratiques et des factions militantes sollicitent activement des entreprises commerciales (dont beaucoup sont domiciliées dans les pays de l’OCDE) ou s’approprient leurs licences et leurs logiciels afin de les utiliser pour opprimer la population (Shahbaz et Funk, 2021[38]). Les organisations et les acteurs du développement peuvent sensibiliser à ces risques dans les mécanismes nationaux visant à assurer la cohérence des politiques au service du développement et dans les enceintes qui élaborent des règles mondiales sur les technologies de surveillance et la désinformation numérique.
Source : Secrétariat de l’OCDE pour le Réseau du CAD sur la gouvernance.
Les stratégies de la société civile peuvent également atténuer certains risques numériques. La société civile peut aider les pays à améliorer la gouvernance numérique, les droits humains et l’inclusion pour surmonter les risques liés au passage au numérique. Cela peut passer par le renforcement de la législation relative au numérique afin de la rendre conforme au droit international relatif aux droits humains, par le renforcement des capacités des responsables et de la société civile en matière de droits numériques, par l’examen des risques pour l’espace civique et par un engagement auprès des acteurs de la société civile qui ont recours au numérique, comme les mouvements sociaux (OCDE, 2020[39]). Pour les Pays-Bas, la société civile, en tant qu’autorité de surveillance et partenaire dans la conception et la mise en œuvre des technologies émergentes, doit contribuer à faire en sorte que la technologie numérique serve le bien public (voir le chapitre 35). La participation à des dialogues multipartites sur le développement, la réglementation et l’utilisation responsable de la technologie numérique reste essentielle. Les États-Unis se concentrent, quant à eux, sur les initiatives numériques à déployer en utilisant une approche systémique afin d’étendre les programmes liés au numérique, tout en tenant compte des menaces numériques croissantes qui planent sur l’espace civique (USAID, 2020[40]).
Les organismes internationaux de développement aident les organisations de la société civile (OSC) à renforcer leurs capacités numériques et à lutter contre les asymétries de pouvoir. Par exemple, le Danemark soutient les programmes de résilience numérique des OSC (Danida, 2021[41]) et USAID apporte son appui à la formation des journalistes et des militants menacés, facilite les campagnes de sensibilisation aux menaces auxquelles les utilisateurs d’internet sont exposés et finance des projets sur les politiques et de plaidoyer menés par la société civile pour promouvoir la liberté de l’internet (USAID, 2021[42] ; USAID, 2021[43]). Les Pays-Bas, l’UE, la Suède et le Royaume-Uni collaborent pour soutenir les OSC, notamment par le biais de l’Association pour le progrès des communications, un réseau international qui promeut l’inclusion numérique, les droits humains en ligne et la gouvernance de l’internet en tant que bien public mondial. Ces initiatives attirent l’attention sur le soutien numérique et d’autres programmes d’aide au développement contre les activités qui nuisent à la société civile, à l’espace civique et aux libertés (CHRGJ, ISER & Unwanted Witness, 2021[44]). En 2019, le ministère belge des Relations extérieures et de la Coopération au développement a organisé une conférence intitulée « Claiming Back Civic Space », qui portait sur la question de l’espace civique à l’ère numérique.
Dans le même temps, selon des organisations de la société civile comme Privacy International, les investissements et les projets de coopération pour le développement numérique doivent anticiper, évaluer et gérer les préjudices potentiels et les conséquences involontaires du passage au numérique (Privacy International, 2020[45]). Privacy International attire l’attention sur le risque d’un « soutien étendu à la surveillance dans les pays » ou « d’unités de sécurité équipées et formées pour utiliser des outils de surveillance controversés » qui renforcent l’autoritarisme numérique.
Avec l’adoption en juillet 2021 de la Recommandation du CAD sur le renforcement de la société civile en matière de coopération pour le développement et d’aide humanitaire, les membres du CAD reconnaissent qu’il faut faire davantage pour donner aux acteurs de la société civile les moyens d’optimiser leurs contributions à la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030, et à l’engagement de ne laisser personne de côté, ainsi qu’à la protection et au renforcement de la démocratie et de l’espace civique, y compris à l’ère du numérique. Par exemple, les équipes de la société civile des membres du CAD n’ont pas encore exploré les partenariats avec les entreprises de technologie civique à but non lucratif, en particulier celles qui peuvent garantir que les pratiques commerciales adhèrent aux principes des droits humains avec des garanties renforcées pour la société civile et les libertés/espaces civiques en ligne. Grâce à une coopération plus étroite avec des entreprises technologiques non traditionnelles, les acteurs du développement peuvent également promouvoir le développement de « technologies civiques » – notamment par le biais de logiciels libres – dont la transparence favorise la protection des droits et valeurs. Par exemple, Votem (s.d.[46]) est un système de vote mobile qui permet à la fois d’inscrire les électeurs et de voter, et qui s’appuie sur un chiffrement de bout en bout reposant sur la technologie des chaînes de blocs. Des entreprises comme Kialo (s.d.[47]) rendent possible une communication en ligne de type débat grâce à une plateforme de discours délibératif conçue pour présenter des centaines d’arguments pour et contre sur un arbre d’argumentation dynamique.
À l’avenir, la société civile doit s’engager dans des initiatives d’élaboration de politiques numériques aux niveaux international et national afin de proposer des pistes pour la sphère réglementaire et l’utilisation responsable des technologies numériques. L’initiative danoise Tech for Democracy réunit des représentants des pouvoirs publics, des organisations multilatérales, du secteur technologique et de la société civile.
Tous les acteurs du développement international cherchent à traduire les engagements et les stratégies de transformation numérique en écosystèmes numériques durables et en changements tangibles. Alors que la demande des partenaires en matière de coopération numérique augmente (voir les Chapitres 6 et 7), les budgets de l’APD doivent faire face à d’autres défis de développement accentués par la crise du COVID-19, les inégalités, les conflits et le changement climatique (Ahmad et Carey, 2021[48] ; OCDE, s.d.[49]). Les stratégies numériques au service du développement qui mettent l’accent sur l’intégration, le respect des libertés démocratiques et l’utilisation de solutions numériques pour accélérer le progrès sont confrontées aux mêmes difficultés que les autres domaines de la coopération au développement (PMCED, 2020[50] ; OCDE, 2019[51]). Comme l’indique le Partenariat de Busan pour une coopération efficace au service du développement, la réussite suppose de s’appuyer sur des données probantes et de s’adapter au contexte, d’adopter une approche systémique, de s’aligner sur les priorités nationales et de se concentrer sur les résultats (OCDE, 2011[52])6. La coopération internationale pour le développement en matière de numérique pourrait en outre rendre davantage de comptes sur l’application des bonnes pratiques en matière d’efficacité (Miyamoto, 2020[53] ; Castella et al., 2021[20] ; Waugaman, 2016[54]).
L’extrait suivant du rapport From Principles to Practice: Implementing the Principles for Digital Development (Waugaman, 2016[54]) expose les enjeux :
« Si le potentiel est évident, il en va autrement de la réussite des milliers de projets qui ont vu le jour et qui utilisent la technologie pour combler les lacunes en matière d’accès. Les projets pilotes n’ont pas réussi à devenir des programmes évolutifs et durables. Les solutions réinventent trop souvent la roue au lieu de s’appuyer sur des plateformes, des infrastructures et des services partagés solides. Des applications et des services conçus à des milliers de kilomètres du lieu où ils sont utilisés ne répondent pas aux besoins des utilisateurs. La création d’outils et de systèmes faisant double emploi rend les données difficiles à consulter et à utiliser pour la prise de décision. [...] nous devons faire mieux, à la fois pour remplir la mission qui nous a été confiée et, surtout, pour répondre au mieux aux besoins des personnes que nous servons ».
Des idées et des enseignements transposables se dégagent également de l’expérience acquise dans le domaine de la santé numérique, qui semble avoir fait des progrès dans l’identification des problèmes d’efficacité et des bonnes pratiques bénéficiant d’un large soutien. Par exemple, les Principes d’alignement des donateurs pour la santé numérique (Digital Investment Principles, 2018[55]), les recommandations de l’OMS sur les systèmes de santé numérique (2019[56]), la Stratégie mondiale pour la santé numérique de l’OMS (2021[57]) et des documents analogues publiés par l’UNICEF (2018[58]), l’OPS (s.d.[59]) et la Banque asiatique de développement (2018[60]) contribuent à faire avancer le débat actuel sur la santé numérique.
Une analyse comparative des études de cas sur la coopération pour le développement et des autres contributions de fournisseurs à ce rapport met en évidence des points communs stratégiques et opérationnels conformes aux objectifs internationaux en matière d’efficacité du développement. Ces points communs sont les suivants :
L’adhésion des dirigeants, les capacités institutionnelles et des orientations sont essentielles pour concevoir et mettre en œuvre des stratégies numériques globales. Les exemples de la Norvège et du Royaume-Uni soulignent l’importance de sensibiliser les dirigeants, les équipes chargées de l’élaboration des politiques et les réseaux étrangers au rôle des technologies numériques dans le développement économique et social. Ils montrent qu’il est crucial de renforcer les capacités de conseil internes de leurs organisations en matière de développement numérique. Il faut développer un réseau de champions du développement numérique, de conseillers et de responsables de politiques et de programmes qui aident le ministère ou l’organisme en charge du développement à mieux intégrer systématiquement les solutions numériques.
Les stratégies de développement numérique devraient prendre en compte le risque de renforcement de l’exclusion. Les projets sectoriels reposant sur des volets numériques excluent les personnes qui n’ont pas accès à un téléphone portable ou qui n’ont pas les moyens financiers nécessaires pour accéder aux données mobiles (Castella et al., 2021[20]). En outre, lorsque l’internet est interrompu, les programmes numériques sont bloqués, ce qui doit être pris en compte dans la conception des programmes et des projets (ibid). La Corée du Sud souligne qu’il est important de se familiariser avec l’environnement réglementaire du pays avant de déployer des projets numériques (voir le Chapitre 36).
S’engager à assurer l’interopérabilité du système. Les projets numériques ont tendance à ne pas déboucher sur des programmes évolutifs et durables, notamment lorsqu’ils font double emploi au lieu de s’appuyer sur des plateformes, des infrastructures et des services partagés solides (Waugaman, 2016[54]). Des systèmes fragmentés et incompatibles entraînent des dysfonctionnements, des perturbations et des coûts importants pour la société. La communauté internationale du développement doit cesser d’investir dans des systèmes cloisonnés et s’efforcer de surmonter les obstacles en parvenant à aligner les priorités des pays partenaires et le financement du développement international (voir le Chapitre 34). Parmi les problèmes de transparence figurent la difficulté d’accéder aux informations de base sur les systèmes numériques existants des pays partenaires et la capacité à gérer les coûts de transaction élevés de la coordination (USAID, 2020[40]).
La demande est forte en matière de partage des connaissances entre pairs, et cette stratégie fonctionne. Pour accompagner la transformation numérique, il faut s’attacher à renforcer les capacités afin de permettre un changement technologique durable (voir le Chapitre 12). Pour la Colombie et le Royaume-Uni, l’identification, la création et l’exploitation de partenariats stratégiques en matière de politiques et de connaissances sont essentielles pour soutenir la transformation numérique. Forte de ses connaissances et de son expérience en matière de coopération internationale, la JICA s’associe à des entreprises technologiques japonaises afin de proposer à ses partenaires des solutions numériques éprouvées (Sawaji, 2021[22]).
S’associer pour établir des diagnostics et mieux utiliser les outils existants. Plusieurs fournisseurs bilatéraux, organisations multilatérales et autres organismes réalisent des diagnostics numériques, financent et utilisent des plateformes et des indices de connaissances. Le partage des données et le soutien apporté aux diagnostics multilatéraux peuvent atténuer le risque de prolifération et de doublons.
Renforcer la coordination et privilégier l’appropriation locale. Une évaluation de la stratégie numérique pour le développement de la Belgique a mis en évidence le risque que l’offre excessive de projets numériques ne fragmente les activités. Les exigences que les projets imposent aux publics cibles risquent de réduire la visibilité et l’efficacité des programmes et des projets (Castella et al., 2021[20]). L’étude de cas consacrée aux Pays-Bas fait ressortir la valeur de l’appropriation locale et de la conception conjointe avec les utilisateurs pour répondre aux besoins de ces derniers. Selon Waugaman (2016[54]), il faut mettre en place des groupes de travail techniques dans les pays pour veiller à la cohérence des politiques et des interventions dans l’ensemble des secteurs du développement, qui utilisent les normes et ont des conceptions de programme flexibles. Toujours selon ce rapport, l’absence de politiques spécifiques ou d’expertise du personnel en matière de confidentialité des données numériques et de cybersécurité constitue un obstacle à la collaboration entre les donneurs.
Financement à long terme. Au nombre des défis structurels figure la brièveté des cycles de financement face au caractère persistant des problèmes que le financement du développement cherche à résoudre (Waugaman, 2016[54]). Selon l’AFD, la coopération pour le développement doit créer des modèles de financement qui construisent et renforcent les biens communs numériques de sorte que l’accès à l’information et aux outils perdure sur le long terme.
[25] AFD (2021), Stratégie transition numérique 2021-2025, https://www.afd.fr/en/ressources/digital-transition-2021-2025-strategy.
[48] Ahmad, Y. et E. Carey (2021), La coopération pour le développement durant la pandémie de COVID-19 : une analyse des chiffres de 2020 et des tendances à suivre en 2021, Éditions OCDE, https://www.oecd-ilibrary.org/sites/554efa98-fr/index.html?itemId=/content/component/554efa98-fr.
[60] BAD (2018), Guidance for Investing in Digital Health, https://dx.doi.org/10.22617/WPS179150-2 (consulté le 8 décembre 2021).
[37] Banque mondiale (2016), World Development Report 2016: Digital Dividends, https://www.worldbank.org/en/publication/wdr2016 (consulté le 10 novembre 2021).
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[23] CAO (2016), The 5th Science and Technology Basic Plan, http://wwwa.cao.go.jp/notice/20191101notice.html (consulté le 8 décembre 2016).
[20] Castella, C. et al. (2021), « Digital for development » (D4D), Étude complémentaire : Quels sont les développements liés au contexte de la Covid-19, https://diplomatie.belgium.be/sites/default/files/ey_etude_d4d_covid19_rapport_final_complet_20210927.pdf.
[44] CHRGJ, ISER & Unwanted Witness (2021), Chased Away and Left to Die, Center for Human Rights and Global Justice, New York, https://chrgj.org/wp-content/uploads/2021/06/CHRGJ-Report-Chased-Away-and-Left-to-Die.pdf.
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[54] Waugaman, A. (2016), From Principle to Pratice: Implementing the Principles for Digital Development. Perspectives and Recommendations from the Practitioner Community, https://digitalprinciples.org/wp-content/uploads/From_Principle_to_Practice_v5.pdf.
← 1. Voir les définitions dans le Guide du lecteur.
← 2. Pour plus de détails sur l’évolution des stratégies de coopération au développement, voir les études de cas figurant aux chapitres 34-39 de ce rapport.
← 3. Les Principes pour le développement numérique ont été approuvés par 288 acteurs du développement depuis 2012 et offrent un cadre qui peut être appliqué à la programmation en matière de développement afin d’optimiser l’efficience, l’efficacité et la durabilité des investissements dans les solutions numériques. Voir : https://digitalprinciples.org/fr/.
← 4. La JICA est incluse dans ce décompte, car elle est en train de mettre à jour sa stratégie de développement numérique.
← 5. Six membres du CAD (Australie, Canada, Finlande, Luxembourg, Slovénie et Suisse) mentionnent le passage au numérique dans leur politique générale.
← 6. Pour un aperçu des principes de Busan pour l’efficacité du développement et de la manière dont le Partenariat mondial pour une coopération efficace au service du développement optimise l’efficacité de toutes les formes de coopération pour le développement au bénéfice des populations, de la planète, de la prospérité et de la paix, voir : https://www.effectivecooperation.org/.