Simon Wells
UNICEF
Samantha O’Riordan
UIT
Simon Wells
UNICEF
Samantha O’Riordan
UIT
Le raccordement des écoles à l’internet peut profiter à des communautés entières et permettre de regrouper la demande, de consolider la prestation de services et de contenir les coûts. Mais un fossé immense existe entre les pays développés, où presque toutes les écoles sont connectées, et les pays en développement, où le taux de connexion est beaucoup plus faible. La présente étude de cas s’appuie sur les données probantes générées par Giga, une initiative qui vise à répertorier les écoles non connectées à l’internet et à les y raccorder. Elle souligne que, pour faire en sorte que les établissements scolaires soient durablement connectés à l’internet, les États doivent s’engager à mettre en place des stratégies appropriées et à adopter des approches novatrices pour mobiliser des fonds auprès des États et des acteurs de la coopération pour le développement.
Le raccordement des écoles à l’internet profite aux étudiants et aux enseignants, et peut étendre la connectivité au niveau local de manière rentable, donnant accès à des opportunités économiques et à des services publics numériques.
La coopération au service du développement peut aider à connecter les 2.8 millions d’écoles qui n’ont toujours pas accès à l’internet en mobilisant un financement initial permettant de catalyser des investissements porteurs au fur et à mesure que les marchés arrivent à maturité.
La connectivité à l’internet favorise l’accès à l’information, aux débouchés, aux choix, au développement économique et au bien-être des populations. L’accès équitable à la connectivité sous-tend les objectifs de développement durable de l’Organisation des Nations Unies, notamment en ce qui concerne l’égalité des genres et des revenus, l’éducation de qualité, la croissance économique et l’emploi, ainsi que les villes et communautés durables. Selon un rapport récent de l’Economist Intelligence Unit (2021[1]), une augmentation de 10 % de la connectivité en milieu scolaire pourrait contribuer à 1.1 % du PIB par habitant et à 0.6 % du nombre d’années effectives de scolarisation.
Dans les établissements scolaires, une infrastructure numérique abordable et l’accès à des équipements permettent de proposer de nouvelles possibilités d’apprentissage qui complètent et enrichissent l’enseignement en présentiel. Les options hybrides, mixtes et en ligne peuvent permettre de démocratiser l’accès à l’internet et rendre l’éducation de qualité accessible à tous. (Commission sur le large bande, 2020[2]). Ces nouveaux types d’apprentissage offrent également aux élèves une plus grande flexibilité quant au moment, au lieu et à la manière de suivre un enseignement, et fournissent des informations précieuses aux enseignants et aux parents pour mieux appuyer l’enseignement en face-à-face.
Alors que plus de 97 % des écoles secondaires ont accès à l’internet en Amérique du Nord et en Europe occidentale, le chiffre n’est que d’environ 35 % dans les pays les moins avancés (PMA) (UNESCO, s.d.[3]). Cela crée un fossé numérique entre ceux qui sont connectés et ceux qui ne le sont pas, un fossé qui s’est creusé pendant la pandémie de COVID-19.
Alors que plus de 97 % des écoles secondaires ont accès l’internet en Amérique du Nord et en Europe occidentale, le chiffre n’est que d’environ 35 % dans les pays les moins avancés.
En 2019, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et l’Union internationale des télécommunications (UIT) ont lancé Giga, une initiative visant à raccorder toutes les écoles du monde à l’internet. Giga tire parti du rayonnement mondial et de l’expertise de l’UNICEF en matière de résolution des problèmes auxquels sont confrontés les enfants et les jeunes, ainsi que de l’expérience et des résultats de l’UIT en matière d’élaboration de réglementations, de politiques et de bonnes pratiques dans le domaine des télécommunications. Giga fait également partie de Reimagine Education, une initiative mondiale plus vaste qui vise à connecter chaque enfant et chaque jeune – soit quelque 3.5 milliards de personnes – à des solutions d’apprentissage numérique de portée mondiale d’ici 2030. La question de la connectivité des écoles est ce qui détermine les objectifs, les besoins et les partenaires de Giga au sein des ministères des technologies de l’information et de l’éducation, entre autres.
La connectivité fait des écoles des points d’ancrage pour les populations environnantes. Le matériel installé dans les écoles constitue une ressource pour les enseignants et les élèves, ainsi que pour les populations environnantes en dehors des heures de cours. Elle facilite l’accès aux services publics numériques, favorise l’entrepreneuriat local, donne accès aux services bancaires en ligne, améliore les canaux d’information en cas d’urgence ou de pandémie, et ouvre les portes de l’emploi grâce aux plateformes numériques et à l’économie à la demande. Par ailleurs, cette approche centrée sur l’école offre une base transparente pour le calcul des coûts. Une fois qu’une école est connectée, le coût relatif de la connexion des autres installations et des habitations voisines est minime. Les fournisseurs de services ont ainsi la possibilité de générer des revenus en faisant payer les utilisateurs, ce qui rend la connectivité plus viable financièrement.
Giga dresse un état des lieux de la connectivité des écoles dans 41 pays (nombre qui ne cesse d’augmenter). L’initiative exploite les données d’utilisation réelle en direct, permet de mettre en place des modèles de financement personnalisés et innovants, notamment en misant sur les tarifs groupés ou sur les tarifs heures creuses, et aide les pouvoirs publics à fournir des services de connectivité aux écoles. Les données ouvertes attirant à la fois le secteur privé et le secteur public, l’état des lieux (UNICEF, s.d.[4]) propose des données de localisation et de connectivité sous licence Creative Commons (CC BY 4.0). Grâce à Giga, les États peuvent lier le paiement des contrats à l’utilisation réelle des données par les écoles, ce qui apporte une transparence et une précision comptable qui n’existent généralement pas dans les travaux d’infrastructure. Cette stratégie garantit des marchés concurrentiels, réduit les avantages détenus par les entreprises en situation de monopole et les acteurs en présence, et fait baisser les prix pour les utilisateurs finaux.
Plusieurs États ont surmonté des goulets d’étranglement et réalisé des économies substantielles grâce à cette initiative. Le fait de pouvoir visualiser toutes les écoles et leur connectivité sur une carte a permis au Gouvernement du Kirghizistan de renégocier les contrats afin de doubler les vitesses de connexion (de 2Mbps à 4Mbps) et de réduire les prix, de 50 USD par mois à 28.5 USD par mois, soit une économie de 40 % (200 000 USD par an) du budget consacré à la connectivité dans le domaine de l’enseignement (Giga, 2020[5]). En Colombie, des techniques d’intelligence artificielle ont permis de cartographier automatiquement les écoles à partir d’images satellites, afin d’identifier et de localiser 7 000 écoles qui ne figuraient pas dans les bases de données officielles (Giga, 2021[6]).
Giga a cartographié un million d’écoles et en a connecté plus de 3 000 sur quatre continents. L’initiative permet également de tester des prototypes de solutions dans le monde entier, notamment dans des camps de réfugiés et des régions montagneuses reculées.
On estime toutefois que 2.8 millions d’écoles ne s’ont toujours pas raccordées à l’internet. Pour adhérer à l’initiative, les États doivent respecter certains critères et engagements :
un soutien politique au plus haut niveau et une coordination intersectorielle entre les organismes et les ministères concernés ;
des stratégies nationales en matière de haut débit et d’éducation numérique, ou des politiques qui encouragent le développement d’infrastructures à haut débit, la connectivité des écoles et les compétences numériques pour tous ;
une réglementation propice au développement de réseaux de haute qualité et technologiquement neutres, qui prévoit la mise en concurrence des marchés des TIC, un accès au marché pour les acteurs nationaux et étrangers et des mesures d’incitation fiscale ;
une volonté de collecter, de mettre à disposition et de partager publiquement les données relatives à l’emplacement des écoles et des classes (nombre d’élèves, etc.), aux infrastructures, aux projets et à la couverture du réseau ;
une ouverture à des modèles d’investissement et de financement variés et à des partenariats public-privé en vue d’étendre la connectivité, notamment par le truchement des fonds de service universel ou d’autres mécanismes de financement dédiés ;
un engagement en faveur d’une connectivité équitable et universelle, mettant l’accent sur les groupes marginalisés, notamment les personnes vivant dans des lieux mal desservis, les femmes et les jeunes filles, les personnes handicapées, etc.
On estime à 428 milliards USD le montant nécessaire pour raccorder les pays non encore connectés à l’internet. Une grande partie de ce montant pourrait générer des rendements pour les investisseurs, mais il est difficile de faire jouer à plein le rôle de catalyseur des investissements initiaux. Pour ce faire, Giga propose d’émettre une obligation pour environ 1 % du montant total (5 milliards USD), soutenue par des gouvernements donneurs et des fondations privées bien notées, assortie d’engagements de subventions pluriannuelles de 300 à 500 millions USD chacune, payables sur cinq à dix ans.
L’obligation serait l’une des strates – le « ciment » – d’une approche de financement mixte à l’appui du raccordement à l’internet. Parmi les autres produits et instruments figurent notamment des obligations multilatérales axées sur la connectivité, des titres liés aux infrastructures et des investissements directs institutionnels privés. Plusieurs de ces instruments sont actuellement en cours de conception, de mise à l’essai sous forme de prototype et de mise en œuvre dans les pays partenaires de Giga.
[2] Commission sur le large bande (2020), Connecting Learning Spaces: Possibilities for hybrid learning, Union internationale des télécommunications, Genève, https://broadbandcommission.org/publication/connecting-learning-spaces/? (consulté le 16 novembre 2021).
[6] Giga (2021), Giga and Mapbox come together to map schools across the globe, https://gigaconnect.org/giga-and-mapbox-map-schools/.
[5] Giga (2020), site web du Kirghizistan, https://gigaconnect.org/kyrgyzstan/ (consulté le 16 novembre 2021).
[1] The Economist Intelligence Unit (2021), Connecting learners: Narrowing the educational divide, The Economist Group, Londres, https://connectinglearners.economist.com/connecting-learners/ (consulté le 16 novembre 2021).
[3] UNESCO (s.d.), base de données de statistiques de l’ISU, http://data.uis.unesco.org/#. (consulté le 16 novembre 2021).
[4] UNICEF (s.d.), site web Project Connect, https://projectconnect.unicef.org/map.