Études économiques de l’OCDE : Suisse 2024

1. Garantir une croissance résiliente et durable

La Suisse a fait preuve de résilience dans le contexte de la pandémie de COVID-19 et des turbulences géopolitiques récentes provoquées par le déclenchement de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine, avec des retombées sur les marchés de l’énergie. L’activité économique et les revenus ont bien résisté et l’inflation a moins progressé que dans la plupart des économies (Graphique 1.1), grâce à une économie bien diversifiée, à une moindre dépendance aux combustibles fossiles et à des politiques macroéconomiques robustes. Toutefois, les perspectives économiques du pays sont incertaines et des défis restent à relever.

L’activité et les échanges se sont réduits. Le resserrement monétaire engagé, à l’échelle nationale et internationale, pour lutter contre l’inflation, ralentit la demande étrangère, avec un effet préjudiciable sur les activités manufacturières et l’investissement. La forte incertitude qui caractérise la persistance de l’inflation sous-jacente, la volatilité future des prix de l’énergie et les tensions géopolitiques pèsent sur les perspectives économiques et compliquent l’action publique. La hausse des taux d’intérêt à l’échelle mondiale accroît également les risques et les facteurs de vulnérabilité du système financier. Au début de 2023, Credit Suisse, une banque d’importance systémique mondiale, a dû faire l’objet d’un plan de sauvetage prenant la forme d’une acquisition par UBS facilitée par l’État, accompagnée d’aides massives sous forme de liquidités, dont une partie était assortie d’une garantie fédérale contre le risque de défaillance. Cet événement souligne la nécessité de rester vigilant et de revoir continûment la réglementation qui s’applique aux établissements financiers d’importance systémique.

La Suisse est un des pays de l’OCDE les plus performants, avec un PIB par habitant très élevé et un marché du travail dynamique. Le taux de chômage est faible avec une utilisation de la main-d’œuvre et une sécurité de l’emploi élevées, attirant ainsi une main-d’œuvre hautement qualifiée (Graphique 1.1 et Graphique 1.2). À l’avenir, pour préserver des niveaux de vie élevés, les pouvoirs publics devront relever les défis que représentent le vieillissement de la population, le ralentissement de la croissance de la productivité et la double transition écologique et numérique.

Graphique 1.1. Situation économique

1. L’échelle de cet indicateur est inversée, de manière que l’extrémité droite corresponde au meilleur résultat.

Source : OCDE, comptes nationaux (base de données) ; OCDE, indices des prix à la consommation (base de données complète) ; OCDE, statistiques du marché du travail (base de données) ; et calculs de l’OCDE.

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En matière de politique budgétaire, des choix difficiles devront être faits à moyen terme. En dépit du faible endettement public et du retour aux excédents budgétaires, les tensions s’accentuent. Le vieillissement démographique accroît les coûts liés aux retraites, à la santé et aux soins de longue durée. Les besoins de financement de la lutte contre le changement climatique sont en augmentation. Les besoins en matière de défense et les taux d’intérêt sur la dette publique exercent également des tensions sur les dépenses publiques. Pour respecter la règle du frein à l’endettement, la Suisse devra engager des réformes structurelles visant à la réduction des dépenses, ou bien accroître de manière importante ses recettes publiques.

Graphique 1.2. Indicateurs d’inclusivité

1. L’échelle de cet indicateur est inversée, de manière que l’extrémité droite corresponde au meilleur résultat.

Note : Le taux de pauvreté relative est calculé à partir d’un seuil de pauvreté fixé à 60 % du revenu médian des ménages après prélèvements et transferts. L’indicateur de mobilité sociale est le nombre estimé de générations qu’il faudrait pour que les descendants d’une famille appartenant au décile inférieur de la distribution des revenus atteignent le revenu moyen. Le score moyen au PISA est la moyenne des scores obtenus en culture mathématique, en culture scientifique et en compréhension de l’écrit.

Source : OCDE, distribution des revenus (base de données) ; OCDE (2018), L’ascenseur social en panne ? Comment promouvoir la mobilité sociale, Éditions OCDE, Paris ; OCDE, Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) (base de données) ; OCDE, Regards sur l’éducation (base de données) ; OCDE, Statistiques sur l’emploi ; et calculs de l’OCDE.

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Un taux d’activité plus élevé peut rendre la croissance plus forte et plus équitable. Les pénuries de main-d’œuvre et de compétences s’accentuent et prennent de plus en plus un caractère structurel. Le vieillissement rapide de la population et la réorientation des préférences vers une réduction de la durée du travail pèsent sur la croissance économique future. Certaines catégories, telles que les mères et les travailleurs seniors, demeurent toutefois sous-utilisées. Les interactions entre le système de prélèvements et de prestations et le coût élevé des services d’accueil des jeunes enfants se traduisent par des contre-incitations au travail pour les seconds apporteurs de revenu, notamment les mères. Inciter davantage de mères à travailler à plein temps permettra de réduire l’important écart de rémunération entre les genres. L’allongement de la vie active augmentera les revenus des personnes âgées et atténuera les tensions sur le système de retraite. Le recours accru à l’emploi des travailleurs étrangers qualifiés peut contrebalancer la réduction de la population active suisse et remédier aux pénuries de main-d’œuvre.

La Suisse, comme le reste du monde, est confrontée à des défis environnementaux imminents. Une consommation élevée, corollaire d’un niveau de vie élevé, a pour conséquence des niveaux élevés d’émissions et d’utilisation des ressources. Par ailleurs, le pays connaît un réchauffement deux fois plus rapide que la moyenne mondiale en raison de sa topographie alpine. La Suisse a réussi à découpler sa croissance économique de ses émissions et à améliorer son efficacité énergétique (Graphique 1.3). Cependant, les émissions devront être réduites à un rythme beaucoup plus rapide à l’avenir, notamment dans les secteurs des transports et du bâtiment, si elle veut atteindre l’objectif de neutralité carbone d’ici à 2050.

Graphique 1.3. Indicateurs de durabilité

1. L’échelle de cet indicateur est inversée, de manière que l’extrémité droite corresponde au meilleur résultat.

Note : Le PIB par unité d’émission de gaz à effet de serre (GES) est la productivité CO₂ induite par la production. L’indicateur « Concentration de particules fines » correspond à l’exposition moyenne de la population aux PM_2.5. La consommation d’énergie des ménages par habitant correspond à la consommation d’énergie par mètre carré des ménages pour le chauffage des locaux, calculée sur la base des conditions climatiques moyennes de l’UE.

Source : OCDE, base de données des indicateurs de croissance verte ; Odyssee-mure ; et calculs de l’OCDE.

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La montée des tensions géopolitiques et la tendance mondiale au protectionnisme sont un problème pour la Suisse. En effet, son économie est très ouverte sur le monde et sa prospérité repose sur sa grande ouverture aux échanges et sur les flux transfrontières de capitaux et de main-d’œuvre (Graphique 1.4). Le maintien de l’accès aux marchés étrangers est essentiel à sa compétitivité, sa productivité et sa croissance et permet de réduire les vulnérabilités et les risques liés aux chaînes d’approvisionnement. En outre, l’ouverture du marché intérieur à la concurrence et l’amélioration de l’environnement des entreprises accroîtront la résilience du secteur privé suisse et renforceront la position de la Suisse comme plateforme mondiale pour les entreprises, les investissements et la recherche.

Graphique 1.4. Le renforcement du protectionnisme à l’échelle mondiale est un problème pour l’économie ouverte qu’est la Suisse

Note : Dans la partie A, le graphique représente la valeur cumulée des échanges visés par des restrictions à l’importation de marchandises, estimée par le Secrétariat de l’OMC à partir des informations disponibles dans la base de données de l’OMC sur le suivi du commerce concernant les mesures à l’importation recensées depuis 2009 et considérées comme ayant un effet de restriction des échanges. Ces estimations tiennent compte des mesures à l’importation de produits pour lesquels les codes du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (SH) étaient disponibles. Ces chiffres n’incluent pas les mesures correctives commerciales. Les valeurs des importations sont tirées de la base de données statistiques des Nations Unies sur le commerce des marchandises (COMTRADE).

Source : Organisation mondiale du commerce (OMC), rapport de novembre 2022 ; OCDE, Perspectives économiques de l’OCDE (base de données) ; et OCDE, l’investissement direct international (base de données).

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Dans ce contexte, les principaux messages de la présente Étude sont les suivants :

• La politique monétaire devrait rester restrictive jusqu’à ce que l’inflation et les anticipations d’inflation restent durablement dans la fourchette de 0-2 % retenue comme objectif. Un suivi étroit des risques et vulnérabilités du secteur financier et l’amélioration de la réglementation et de la supervision des banques d’importance systémique permettront de préserver la stabilité financière. Une politique budgétaire globalement neutre se justifie à court terme, avec des stabilisateurs automatiques jouant librement, pour soutenir l’économie pendant le ralentissement. Toutefois, les tensions qui s’exercent sur la viabilité budgétaire à long terme rendent nécessaires, d’une part, l’adoption de réformes structurelles pour compenser le coût croissant du vieillissement de la population et lutter contre le changement climatique et, d’autre part, une augmentation des recettes fiscales.

• Un taux d’activité élevé permettra de renforcer la croissance et de la rendre plus inclusive. L’allongement de la durée de la vie active et la levée des obstacles qui empêchent les mères de travailler à plein temps seront utiles à cette fin.

• Les politiques environnementales doivent être renforcées pour parvenir à une croissance durable. Des incitations plus fortes et des procédures d’approbation plus rapides peuvent contribuer à accélérer la réduction des émissions, surtout dans les secteurs des transports et du bâtiment et faciliter l’électrification de l’économie.

• Le renforcement des liens avec les partenaires commerciaux existants, notamment l’UE, et l’extension du réseau d’accords de libre-échange peuvent accroître la résilience des chaînes d’approvisionnement et favoriser l’accès aux marchés d’exportation ainsi qu’une exposition bénéfique à la concurrence. La réduction des obstacles aux échanges transfrontières ainsi que des charges administratives au sein du marché intérieur peut stimuler la concurrence et favoriser les gains de productivité.

Encadré 1.1. Réformes récentes

Dans un passé récent, la Suisse a progressé dans ses réformes de plusieurs domaines précédemment examinés dans les Études économiques de l’OCDE :

Retraites : deux réformes récentes (l’une ayant pris effet en 2020 et l’autre en 2024) ont permis d’accroître légèrement les recettes du premier pilier du système de retraite, en relevant la part des recettes de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui lui sont consacrées et en augmentant les contributions de la Confédération. En outre, l’âge de départ à la retraite des femmes doit être progressivement aligné sur celui des hommes et porté 65 ans (d’ici 2027).

Climat : une loi sur les objectifs en matière de protection du climat (qui entrera en vigueur le 1^er janvier 2025) a été adoptée en septembre 2022 et approuvée par référendum en juin 2023, inscrivant dans le droit national l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050 et fixant les trajectoires (générale et sectorielles) de réduction des émissions pour la période 2030‑50. Cette loi a également prévu des ressources publiques supplémentaires pour favoriser des systèmes de chauffage des bâtiments respectueux de l’environnement et pour soutenir l’investissement des entreprises dans les technologies vertes.

Impôt sur le bénéfice des entreprises : la Suisse a adopté l’impôt minimum mondial de 15 % sur les bénéfices des entreprises multinationales élaboré par l’OCDE. L’introduction au 1^er janvier 2024 de cette imposition minimale (sous la forme d’un impôt complémentaire national) et la redistribution des recettes provenant de celui-ci entre la Confédération et les cantons ont été approuvées par référendum en 2023.

Échanges : la Suisse a procédé à une suppression unilatérale de ses droits de douane sur tous les produits industriels importés, qui est entrée en vigueur en janvier 2024. Cette suppression des droits de douane sur les produits industriels couvre toute une gamme de biens de consommation ainsi que certaines matières premières et certains produits non finis qui entrent sur le territoire suisse pour y être transformés. Elle ne concerne pas les produits agricoles ni les produits de la pêche.